Lettre d'information - no 128 janvier-février 2020
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RÉSUMÉ
Cet article est une introduction à cage, une librairie pour l’environnement Max1 composée d’un certain nombre de modules de haut niveau pouvant être utilisés principalement pour la composition assistée par ordinateur. La librairie, actuellement en version alpha, contient un ensemble d’outils dédiés à plusieurs catégories de problèmes typiquement abordés par cette discipline : génération de notes, génération et traitement de profils mélodiques, processus symboliques inspirés par le traitement du signal audio, interpolations harmoniques et rythmiques, automate set L-systèmes, rendu audio, outils pour la set theory, outils pour la gestion de partitions. Ce projet, soutenu par la Haute école de musique de Genève2, a principalementune vocation pédagogique : en effet, tous les modules dela librairie sont des abstractions, qui se prêtent très facilement à être analysées et modifiées.
1. INTRODUCTION
Dans cet article seront abordés certains des principaux concepts de la librairie cage3 pour Max ; elle contient plusieurs modules de haut niveau pour la composition assistée par ordinateur (CAO). Elle est entièrement basée surla librairie bach : automated composer’s helper, développée par deux des auteurs [1, 3]. Comme pour bach, cage est principalement centrée autour de la notation symbolique dans le domaine du temps réel. Les objets de cage communiquent entre eux avec le mécanisme des Lisp-likelinked lists(lllls) [2].
À la différence de bach, qui se compose d’un grandnombre d’objets et d’abstractions prenant en charge desopérations de bas niveau sur ces listes (p.e. : rotations,inversions, entrelacements...), ou bien des opérations très avancées mais cependant essentiellement basiques (p.e. :résolution de problèmes par contraintes, quantification rythmique...), les modules de cage accomplissent en généraldes taches de plus haut niveau, ayant une connotation plutôt compositionnelle que strictement technique (p.e. : génération de matériel mélodique ou calcul de modulations de fréquences symboliques).
Deux critères principaux ont motivé la conception et réalisation de la librairie.
Le premier est celui qui a été à la base de la création de cage: construire une librairie de modules prêts à l’utilisation pour créer des classes de processus assez universels dans la pratique de CAO. Une partie de cette librairie est donc directement inspirée par d’autres librairies déjà existantes dans quelques logiciels (notamment les librairies Profile[9] et Esquisse[6, 8] pour Patchwork,qui ont ensuite été portées dans OpenMusic[4]) ; parallèlement, un autre versant de la librairie trouve sa raison d’être dans des concepts issus du monde du temps réel (p.e. :cage.granulate, le moteur de granulation symbolique).
Le second critère est lié à la forte connotation pédagogique du projet : à la difference de bach, dont les fonctionnalités principales sont implémentées dans des objets compilés, tous les modules de la cage sont des abstractions, qui se prêtent très facilement à être analysées et modifiées. Il n’est donc pas compliqué, pour l’utilisateur qui souhaite apprendre à manipuler des données musicales, de copier, modifier ou ajuster des morceaux de patch pour ses propres besoins. Cette flexibilité des abstractions fait en sorte que, bien que les processus implémentés soient conçus pour fonctionner facilement avec une connaissancemoyenne de Max, l’utilisateur plus avancé pourra non seulement partir de ces abstractions et en modifier le comportement selon son projet, mais également les intégrer dans son propre environnement de travail, que ce soit au studio ou dans le cadre d’une performance. Cette vocation pédagogique est complétée par le fait que la librairie sera entièrement documentée, avec des fichiers d’aide, des feuilles de référence et une collection de tutoriaux.
2. UNE APPROCHE TEMPS RÉEL À LA COMPOSITION ASSISTÉE
Le paradigme du tempsréel influence profondément la nature elle-même du processus compositionnel. Par exemple, les compositeurs qui opèrent dans le domainede la musique électro acoustique ont souvent besoin que la machine réagisse immédiatement à tout changement de paramètres. De la même manière, les compositeurs qui composent avec des donnés symboliques pourraient souhaiter que la machine s’adapte dans les plus brefs délais à la nouvelle configuration. Le paradigme sousjacent à cage est donc le même que celui qui a façonné la librairie bach: la création et la modification des données musicales n’est pas forcement réduite à une activité hors du temps, mais elle suit, en s’adaptant, le flux temporel du processus compositionnel (voir aussi [3, 5, 11]).
3. COMPOSITION DE LA LIBRAIRIE
La librairie se compose de plusieurs familles de modules qui sont regroupés en catégories.
3.1. Génération de hauteurs
Une première famille de modules s’occupe de la génération des hauteurs selon des critères différents :cage.scale et cage.arpeggio peuvent générer, respectivement, des échelles et des arpèges, dans un certain ambitus de hauteurs. La typologie des accords ou des échelles peut être donné soit par nom de type symbolique (p.e.F#m, ReM), soit avec un pattern de valeurs d’intervalles exprimées en midi cents (p.e.100 200 100 200 100 200 200 100)4. Les dénominations des échelles et des accords peuvent aussi bien contenir des quarts et des huitièmes de tons (p.e.Sol+M,Abv7...5). cage.harmser génère des séries harmoniques à partir d’une note fondamentale, avec éventuellement un facteur de distortion harmonique. D’autres modules opèrent en générant des hauteurs une par une :cage.noterandom génère des notes au hasard, à partir d’un réservoir donné, selon plusieurs poids de probabilités prédéfinis qui peuvent être soit ignorés, soit définis simplement grâce à cage.weightbuilder (voir Fig. 1) ; cage.notewalk génère un chemin aléatoire dans un réservoir donné, selon une liste de pas admissibles. Dans les deux cas, le résultat de l’opération est conçu pour être utilisé en combinaison avec bach.transcribe, qui va gérer la transcription symbolique en temps réel. Ainsi, dans les deux cas, l’élément choisi au hasard peut être validé a posteriori par l’utilisateur via un lambda loop.6
Figure 1. Génération en temps réel de notes tirées d’une échelle de ré majeur, avec des poids de probabilité donnés par une distribution de type ‘pareto’ avec 4800 midi cents comme pareto wallet 4 comme valeur d’exposant.
3.2. Génération et traitement de profils mélodiques
Une famille de modules est spécifiquement dédiée àla génération et au traitement des profils mélodiques,d’une manière similaire à la librairie Profiles dans Patch-work et OpenMusic [9]. Une breakpoint function, par exemple dessinée dans un objet function ou un objet bach.slot7 peut être convertie en une séquence de hauteurs (un profil mélodique) grâce à cage.profile.gen. Ce profil peut être modifié de plusieurs manières : compressé ou étiré (avec cage.profile.stretch), renversé (avec cage.profile.mirror), approximé par une grille harmonique ou par une échelle (avec cage.profile.snap), forcé dans une région de hauteurs (avec cage.profile.rectify), perturbé d’une façon aléatoire (avec cage.profile.perturb), ou filtré(avec cage.profile.filter). Dans ce dernier cas, le filtrage du profil est réalisé par l’application d’un filtre moyen, médian ou encore ‘custom’, défini par l’utilisateur via un lambda loop(voir aussi Fig. 2).
3.3. Processus d’inspiration électroacoustique
La librairie cage contient un groupe de modules dédiés à l’émulation symbolique de processus extraits du domaine de la synthèse sonore et du traitement du signal audio.
cage.freqshift est un outil qui permet de transposer des matériaux de façon linéaire sur l’axe des fréquences, à la manière du traitement audio dufrequency shifting. En raison de la similarité des deux processus, on classifiera aussi cage.pitchshift dans cette même catégorie, quoi que l’opération de pitch shifting sur la notation musicale soit, enfait, une simple transposition.
Figure 2. Un profil mélodique est construit à partir d’une fonction définie dans un bach.slot. Dans ce cas, la fonction affichée est échantillonnée en 20 points. Ensuite, ce profil est filtré par un processus exprimé à travers un lambdaloop, qui fonctionne avec des fenêtres de trois notes ; pour chaque fenêtre, on substitue une moyenne du premier et dernier élément de la fenêtre, pondérée avec les poids(1,2). Ce processus de filtrage est répété deux fois. On remarque que, à cause du fenêtrage, le résultat contient quatre notes de moins que l’échantillonnage original.
cage.rm et cage.fm sont dédiés respectivement à la modulation en anneaux et en fréquence. L’idée à la base de ces techniques, largement utilisées par les compositeurs associés a l’école spectrale, est la suivante : à partir de deux accords (l’un ‘portant’ et l’autre ‘modulant’) dont chaque note est considérée comme une sinusoïde simple,on calcule le spectre qu’on obtiendrait en modulant entre eux ces deux groupes de sinusoïdes. Cette opération nécessite d’effectuer des approximations et des compromis qui peuvent éloigner son résultat de celui obtenu par le même processus appliqué à des signaux audio : cependant, il s’agit d’une approche très efficace pour la génération de familles harmoniques potentiellement très riches, ceci à partir de matériaux simples, d’où leur intérêt compositionnel. Quoique l’inspiration immédiate de cage.rm et cage.fm provienne de la librairie Esquisse[6, 8] pour OpenMusic, leur paradigme de fonctionnement et certains détails relatifs aux calculs sont différents. En particulier, ces deux modules sont conçus pour travailler dans le temps, et peuvent ainsi accepter comme données d’entrée des accords simples, mais aussi des suites d’accords, afin de représenter dans le temps les variations des ‘porteuses’ et des ‘modulantes’. Dans ce cas le processus restituera une nouvelle partition, qui tiendra compte de ces variations dans le temps (voir Fig. 3).
Figure 3. Un exemple de modulation en fréquence entre deux partitions, obtenue à travers l’abstraction cage.fm. La ‘porteuse’ et la ‘modulante’ sont en haut, le résultat en bas. La vélocité des notes (traitée dans ce cas comme l’amplitude des sinusoïdes correspondantes) est représentée par une échelle de gris.
En ce qui concerne le véritable
calcul interne, les deux modules prennent en compte une estimation des oppositions de phase générées par la modulation, et donc permettent l’élimination de certaines fréquences, à la différence de la librairie Esquisse. Pour cette raison, les résultats d’un même processus dans les
deux environnements peuvent être très différents.
cage.virtfun est un estimateur de la fréquence fondamentale
virtuelle d’un accord, comme on la perçoit par exemple à l’issue d’un processus de waveshaping. L’implémentation
est très simple : on parcourt la série subharmonique
de la note la plus grave de l’accord, jusqu’à trouver une fréquence dont les harmoniques approximent
toutes les notes du même accord avec un degré de tolérance
établi. Il est aussi possible d’utiliser cage.virtfun à
partir d’une séquence d’accords dans le temps : le résultat
sera alors une séquence correspondant à la suite des fondamentales virtuelles de chaque accord.
cage.delay étend le principe de la ligne à retard avec réinjection
dans le domaine symbolique. Il s’agit essentiellement
d’un outil pour la création de boucles et de structures
répétitives, qui permet d’altérer le matériau à chaque
pas du processus à travers un lambda loop. Le temps de retard
lui-même peut être changé d’une répétition à l’autre.
Il n’y a pas de limitation à priori dans la richesse des processus
auxquels les matériaux sont soumis dans le lambda
loop : le résultat musical peut donc être beaucoup plus
complexe qu’une simple itération.
Figure 4. Figure 4. Un exemple de filtrage d’une partition avec l’objet filtergraph et cage.cascade. À chaque fois que le filtre est modifié par l’interface, le résultat est automatiquement mis à jour en temps réel.
cage.cascade et cage.pitchfilter étendent le principe du filtrage dans le domaine symbolique. Le premier applique
à une partition une séquence de filtres avec deux
pôles et deux zéros, de façon similaire aux objets Max biquad
et cascade (voir fig. 4), en émulant la réponse
en fréquence d’un véritable filtre numérique8 . Le second
opère par contre sur le domaine des hauteurs (et non pas
des fréquences), en appliquant à une partition un filtre défini
tout simplement par une breakpoint function, produite
par exemple par un objet function ou bach.slot. Dans les
deux cas, la vélocité MIDI de chaque note est modifiée en
accord avec la réponse du filtre, et les notes dont la vélocité
tombe au dessous d’un certain seuil sont éliminées. Il
est aussi possible de définir des changements dans l’interpolation
des filtres dans le temps (voir fig. 5).
cage.granulate est un moteur de granulation symbolique.
Les paramètres de granulation sont les mêmes que
dans les processus correspondant en musique électroacoustique,
c’est à dire : l’intervalle de temps entre deux grains,
la taille de chaque grain, le début et la fin de la zone de
la partition d’où le grain doit être extrait. À partir de ces
données, cage.granulate se charge des calculs et remplit
en temps réel un bach.roll relié à sa sortie (voir fig. 6).
3.4. Interpolations harmoniques et rythmiques, formalisation
de l’agogique
Le module cage.chordinterp opère un calcul d’interpolation
harmonique linéaire dans un ensemble d’accords,
en fonction de poids attribués pour chacun d’eux par l’utilisateur. De la même manière, on peut obtenir une interpolation
rythmique entre un ensemble de figures à travers
le module cage.rhythminterp.
Figure 5. Un exemple de filtrage dynamique d’une partition obtenu avec cage.cascade piloté par un slot de type dyn filter dans l’objet bach.slot. À chaque fois que le filtre est modifié par l’interface, le résultat est automatiquement mis à jour en temps réel. Les quatre rectangles de couleur rouge dans le bach.slot à droite représentent quatre filtres passe-bande, dont les fréquences centrales sont représentées par les carrés rouges ; à différence de la Fig. 4, ici le résultat est donné par interpolation de ces filtres, et non pas par un unique filtre statique
Un cas particulier d’interpolation rythmique, ou plutôt
une extension du même principe, est la formalisation
de l’agogique : c’est-a-dire, l’écriture dans un système de
notation proportionnelle (qui bien sûr pourra ensuite être
quantifié) d’une structure musicale répétée en accelerando
ou rallentando. Cette structure musicale peut aussi être
une simple impulsion rythmique constante qui représente
une grille pour des figures musicales non répétitives : pour
cette raison, nous avons choisi de réduire le problème au
cas d’une structure itérative. Nous avons donc identifié
cinq paramètres qui caractérisent un accelerando ou un
rallentando : durée de la première instance, durée de la
dernière instance, relation entre deux instances consécutives,
nombre d’instances, durée totale de la figuration.
Evidemment ces paramètres ne sont pas indépendants : en
général, à partir d’un ensemble de paramètres de départ,
on peut calculer les autres et formaliser entièrement l’accelerando
ou le rallentando. La librairie cage comprend
donc un groupe de modules dédiés au calcul des paramètres
manquants à partir des données disponibles (un
module est utilisé pour chaque combinaison de données
significatives en entrée), et un module ‘central’ calcule au
final l’accelerando ou le rallentando.
3.5. Automates et L-systèmes
Deux modules se consacrent aux systèmes génératifs et
d’automates.
Figure 6. Un exemple de granulation d’une partition en temps réel ; les grains ont une distance de 200ms, et une taille comprise entre 500ms et 2000ms. La région de loop dans le bach.roll supérieur est la région d’où les grains sont extraits.
cage.chain modélise des automates cellulaires en dimension
1, et de L-systèmes. Il opère des ré-écritures
d’une liste donnée, selon un certain nombre de règles définies
par l’utilisateur soit par message, soit via un lambda
loop. Les substitutions peuvent intervenir sur des éléments
simples (p.e. une certaine lettre ou note est substituée
avec une liste de lettres ou notes), ou bien sur des suites
d’éléments ayant une longueur fixée (p.e. à chaque couple
d’éléments, qu’ils se présentent séparés ou superposés, on
substitue un ou plusieurs autres éléments) ; dans ce dernier
cas, cage.chain gérera le comportement aux limites
de la grille en fonction des valeurs de certains attributs
(pad, align). Avec ce module il est ainsi très simple de
construire des automates cellulaires, ou des fractales obtenus
par substitution (voir Fig. 7).
cage.life s’occupe d’automates cellulaires en dimension
2 (dont le plus fameux exemple est sans doute le
‘jeu de la vie’ de Conway). Les règles de ces automates
sont définies grâce à un lambda loop. L’ordre des sousmatrices
de substitution peut également être défini par l’utilisateur.
Figure 7. Un exemple de génération et d’affichage d’un comportement fractal, obtenu par une règle de substitution. La liste E est la liste initiale ; les règles de substitution sont : à E on substitue la séquence E F E, à F onsubstitue la séquence F F F. La première itération donne E F E, la deuxième donne E F E F F F E F E, et ainsi de suite. Dans l’affichage, on interprète E comme une ligne et F comme un espace vide. Ce patch génère cinq itérations qui approximent l’ensemble de Cantor. Toute la partie du patch située en dessous de cage.chain est dédiée uniquement à l’affichage.
3.6. Rendu audio
Deux modules dans cage sont consacrés à la production
d’un rendu audio de partitions bach : cage.ezaddsynth
(un moteur de synthèse par ondes sinusoïdales) et
cage.ezseq (un échantilloneur de fichiers sons). Les
deux sont prêts à être utilisés très simplement, à la façon
de bach.ezmidiplay, en les connectant simplement à
la sortie dédiée ‘playout’ des objets de notation.
Le moteur de synthèse répond à la nécessité d’avoir
un rendu audio qui ne soit pas basé sur une sortie MIDI.
Cela est par exemple extrêmement utile quand on travaille
avec des grilles microtonales non standard, ou quand on
a besoin d’enveloppes liées aux notes. cage.ezaddsynth
peut prendre en compte une enveloppe d’amplitude et une
enveloppe de panning (données comme slots). Il suffit ensuite
de relier cage.ezaddsynth à la sortie ‘playout’ des
objets de notation pour avoir le rendu audio, qui prend en
compte les slots précités.
L’échantillonneur répond au besoin d’utiliser les objets
bach.roll et bach.score comme des ‘sequencers augmentés’
: cage.ezseq fournit une palette standard de slots,
censés contenir pour chaque note l’information du nom
du fichier, l’enveloppe d’amplitude, la vitesse de lecture,
l’enveloppe de panning, le filtrage audio, et le point de départ
dans la lecture du fichier (en millisecondes). Si ces
informations ne sont pas toutes données, des valeurs par
défaut sont utilisées. L’intérêt d’utiliser cage.ezseq est
aussi lié au fait que cet objet prend en charge la mise en
mémoire (‘preload’) des fichiers audio, une fois qu’on lui
donne un lien vers un dossier qui les contient. Ce module
peut aussi s’occuper d’opérer sur chaque échantillon
une transposition automatique sans altération temporelle,
à l’aide de l’objet Max gizmo.
3.7. Outils de set theory
Certains modules dans cage sont dédiés à des représentations
propres de la set theory : cage.chroma2pcset
et cage.pcset2chroma opèrent des conversions entre
cage.chroma2centroid et cage.centroid2chroma opèrent
des conversions entre vecteurs de chroma et centroïdes
spectraux. Le centroïde spectral d’un vecteur de chroma
est obtenu via la transformée introduite par Harte et Sandler
[7]. Dans le passage de chroma au centroïde, une partie
de l’information originale est forcément perdue ; par
conséquent, la conversion de cage.centroid2chroma n’est
pas univoque : un seul vecteur de chroma, parmi tous ceux
qui ont pour centroïde le vecteur introduit en input, est restitué.
3.8. Partitions
cage contient un groupe de modules pour le traitement
global de partitions entières. Dans ce groupe, les outils
d’usage le plus courants sont cage.rollinterp, qui opère
une interpolation entre les partitions contenues dans deux
objets bach.roll, en utilisant comme paramètre la courbe
d’interpolation (ou bien une valeur fixe, dans le cas d’une
interpolation statique), et cage.envelopes, qui représente
une famille de fonctions synchronisées sur la durée totale
d’une partition, et qui aident à modifier en temps réel la
partition en rapport avec les valeurs des courbes à chaque
instant.
4. ROADMAP
Au moment de l’écriture de ce texte, la librairie est encore
dans sa phase de développement. Une version alpha
publique sera disponible en mai 2014 : il est possible que
toutes les fonctionnalités prévues ne soient pas encore implémentées
; la documentation ne sera pas complète. Cependant,
la majorité des modules seront déjà utilisables.
La première version complète de la librairie sera mise en
ligne au mois de octobre 2014, à l’occasion d’une présentation
officielle qui se déroulera à Genève. La librairie
sera disponible sous le modèle "open source"et son téléchargement
libre. À partir de l’année académique 2014-
2015, cage sera objet d’enseignement dans les cours de
composition et de musique électronique à l’Haute École
de Musique de Genève et dans un ensemble d’institutions
partenaires.
5. REMERCIEMENTS
cage est un projet de recherche mené au sein du centre
de musique électroacoustique de la Haute Ecole de Musique
de Genève, avec le soutien du domaine musique et
arts de la scène de la Haute Ecole Spécialisée de Suisse occidentale.
Le nom cage, qui dans le parallèle entre lettres
et notes représente la fameuse expansion de bach, est aussi
un acronyme en hommage à ce soutien : composition assistée
Genève.
6. REFERENCES
[1] A. Agostini and D. Ghisi, “bach : an environment
for computer-aided composition in Max,” in Proceedings
of the International Computer Music Conference
(ICMC 2012), Ljubljana, Slovenia, 2012, pp.
373–378.
[2] ——, “Gestures, events and symbols in the bach environment,”
in Proceedings of the Journées d’Informatique
Musicale, Mons, Belgium, 2012, pp. 247–
255.
[3] ——, “Real-time computer-aided composition with
bach,” Contemporary Music Review, no. 32 (1), pp.
41–48, 2013.
[4] G. Assayag and al., “Computer assisted composition
at Ircam : From patchwork to OpenMusic,” Computer
Music Journal, no. 23 (3), pp. 59–72, 1999.
[5] A. Cont, “Modeling Musical Anticipation,” Ph.D.
dissertation, University of Paris 6 and University of
California in San Diego, 2008.
[6] J. Fineberg, “Esquisse - library-reference manual
(code de Tristan Murail, J. Duthen and C. Rueda),”
Ircam, Paris, 1993.
[7] C. Harte, M. S, and M. Gasser, “Detecting harmonic
change in musical audio,” in In Proceedings of Audio
and Music Computing for MultimediaWorkshop,
2006.
[8] R. Hirs and B. G. editors, Contemporary compositional
techniques and OpenMusic. Delatour/Ircam,
2009.
[9] M. Malt and J. B. Schilingi, “Profile - libreria per
il controllo del profilo melodico per Patchwork,” in
Proceedings of the XI Colloquio di Informatica Musicale
(CIM), Bologna, Italia, 1995, pp. 237–238.
[10] M. Müller, Information Retrieval for Music and Motion.
Springer Verlag, 2007.
[11] M. Puckette, “A divide between ’compositional’ and
’performative’ aspects of Pd,” in Proceedings of
the First Internation Pd Convention, Graz, Austria,
2004.
1 .http://cycling74.com
2 . La librairie cage est développée au sein de la HEM avec le soutien du fonds stratégique de la HESSO (Projet CPE-MUS12-12 : Développement d’outils destinés à l’enseignement, la composition et l’interprétation)
3 .www.bachproject.net/cage
4 .cage, comme bach, adopte la convention de Patchwork et OpenMusic[4] d’exprimer les hauteurs et les intervaux en midi cents, c’est-à-dire des centièmes de note MIDI.
5 . Par convention, + indique une altération de +1/4 de ton; - oudindique une altération de −1/4 de ton; ˆ et v font la même chose pourles huitièmes de ton.
6 . Un lambda loop dans bach, et donc par extension dans cage, est une configuration de feedback symbolique : les objets qui le supportent ont une ou plusieurs sorties dédiées (lambda outlets) qui envoient des donnés devant être validées ou modifiées ; ces données sont élaborées dans une section du patch et la ‘réponse’ est ensuite reinjectée dans une entrée dédiée (lambda inlet) de l’objet de départ. Cette configuration est très souvent utilisée dans bach pour définir des comportements personnalisés pour certains éléments (p.e. : un critère d’ordonnancement d’une liste, ou un processus qui doit être appliqué à chaque élément d’une llll, et ainsi de suite). Le nom ‘lambda’ est une allusion au fait que cette configuration permet, en quelque sorte, de passer un morceau de patch comme pseudo-argument d’un objet. Ce n’est pas plus qu’une allusion :il ne s’agit en aucun cas de lambda-calcul, ni de fonctions interprétées.
7 . Dans bach, un slot est en général un conteneur de métadonnées associées à une certaine note [1]. L’information contenue dans un slot peut avoir des formes différentes, par exemple : breakpoint functions, nombres et listes de nombres, filtres, texte, liste de fichiers à parcourir, matrices, trajectoires de spatialisation... bach.slot permet l’affichage et l’édition d’un slot sans qu’il ne soit associé à aucune note spécifique.
8 . Puisque pour calculer la réponse en fréquence d’un filtre avec deux pôles et deux zéros il est nécessaire de connaître la fréquence d’échantillonnage, l’abstraction cage.cascade∼ fait partie des abstractions de DSP (digital signal processing), comme le ∼ indique, bien qu’elle agisse sur un contenu symbolique.
Où sont les compositrices? C'est la question qui nous préoccupe à un moment de l'Histoire où le ministère de la Culture, en France, s'engage officiellement à faire progresser l'accès des femmes aux programmations et aux directions des institutions culturelles pour amorcer une transformation effective de la situation. La place des femmes dans le domaine des arts est devenue un sujet d'étude légitime (1), devancé par des musicologues et chercheuses comme Florence Launay (2) ou Hyacinthe Ravet (3) dont les ouvrages ont très tôt alerté les consciences. Les artistes, créatrices, compositrices, ont toujours existé mais les conditions dans lesquelles elles ont travaillé n'ont pas toujours favorisé le plein épanouissement de leur art.
Cet essai succinct sur les compositrices polonaises balaie sept siècles d'histoire, et donne un coup de projecteur sur la jeune génération, engagée sur la scène internationale et formée aux nouvelles technologies grâce aux développements des studios, à Varsovie, mais aussi Cracovie, Gdansk, Wroclaw, Poznan, etc., et leur vitalité à fédérer les autres arts (littérature, théâtre, danse, vidéo, etc.) pour favoriser les projets interdisciplinaires que les compositeurs-trices appellent aujourd'hui de leur vœux.
Comme dans toute l'Europe chrétienne, que la Pologne rejoint en 966, l'activité musicale polonaise, au Moyen-âge se concentre autour des monastères et des cathédrales (4). Un document iconographique de 1418 nous montre un groupe de nonnes chantant sous la direction de leur supérieure St. Clare. C'est à cette époque que l'on relève le premier nom de femme, celui de la religieuse Duchna Jankowska, impliquée dans la vie musicale de sa congrégation. Est-elle compositrice, instrumentiste ou simplement copiste, rien ne l'indique précisément, le manuscrit conservé à Varsovie ayant été détruit durant la seconde guerre mondiale. La présence de chanteuses, musiciennes et compositrices est attestée durant les siècles suivants, telles Zofia Kamiroska et Teresa Fabianska, toutes deux appartenant à l'ordre de St Clare, dont les messes ont été conservées. Au 18ème siècle, alors que la Pologne accueille bon nombre de musiciens venus d'Allemagne et d'Italie, la musique devient un art de divertissement souvent réservé aux femmes de l'aristocratie.
Formées par ces artistes étrangers, elles chantent, jouent du piano et écrivent de la musique. Citons, parmi ces « grandes dames », la Princesse Franciszka Urszula Radziwill qui compose la musique de scène de plusieurs comédies. Ses arias, dialogues et pièces chorales sont chantés en polonais quelques trente ans avant la naissance d'un opéra national. La Princesse Izabela Czartoryska (1744-1835) écrit, quant à elle, des mélodies qui seront publiées en France en 1780. La vie musicale reste très active dans les couvents où les nonnes chantent et composent. Parmi les partitions des 17ème et 18ème siècles préservées dans les sept Livres de musique provenant du Monastère bénédictin de Staniatki apparaissent les noms d'Anna Kiernicka (compositrice) et Zuzanna Niwiarowska (organiste). Celui d'Henriette Jacobson, ayant résidé à Varsovie, est mentionné dans les collections de la Bibliothèque nationale de cette même ville.
C'est au tout début du 19ème siècle que l'école de chant polonais prend son essor et acquiert une spécificité nationale. En 1814 est fondée à Varsovie la Société de Musique religieuse et nationale à laquelle adhèrent bon nombre de femmes polonaises de l'aristocratie : citons parmi celles-ci, Zofia Zamoyska (1779-1837), Cecilia Beydal (décédée en 1854), Franciszka Kochanowska (1787-1821), Konstancja Narbut et Laura Potocka.
Pianiste internationale et compositrice
Maria Szymanowska, née Wolowska (1789-1831) est certainement la plus active, première femme à poursuivre une carrière en tant que pianiste et compositrice. Elle participe au cycle de « Chants historiques » composés sur les vers du poète le plus populaire de l'époque, Juliusz Ursyn-Niemcewicz (1757-1841). On décèle dans ses partitions des rythmes issus du folklore polonais, absents dans le reste de ses mélodies que l'on estime à une trentaine (5). Elle mettra en musique quatre poèmes de son beau-fils Adam Mickiewicz (1798-1855) et composera six romances (publiées en 1820 par Breitkopf & Hartel), un genre très prisé à l'époque. Très proches des romances françaises, les six pièces intègrent toutes les caractéristiques du pré-romantisme. Le catalogue de Szymanowska affiche également quelques pièces de musique de chambre et plus de cent pièces pour le piano dont des mazurkas, polonaises, valses, menuets et marches. Elle inaugure le genre du Nocturne et écrit des Études de concert qu'elle jouera elle-même au cours de ses tournées de concert dans le monde entier; avant de s'installer définitivement en 1820 à Saint-Pétersbourg où elle devient « Première pianiste ds impératrices de toutes les Russies », sans jamais avoir croisé Chopin. Si ce dernier appréciait davantage son jeu pianistique que ses compositions, Schumann louera quant à lui ses études pour le piano, qui annonce celles de son compatriote polonais. Elle meurt du choléra à l'âge de 42 ans.
Femmes et compositrices au 19ème siècle
On est plus à même de considérer la position des compositrices au cours du 19ème siècle (6), avec les exemples, plus proches de nous, de Clara Schumann (1819-1896) - dont la carrière allemande évoque celle de Maria Szymanowska -, de Fanny Mendelssohn (1805-1847) ou encore, en France, d'Augusta Holmès (1847-1903). Musiciennes accomplies, nanties d'un imaginaire et, pour certaines, d'une personnalité hors du commun, elles semblent pour autant avoir souffert de la comparaison avec leurs illustres collègues masculins, frères ou maris. Elles seront mises au second plan, faute de n'avoir pu mener pleinement leur carrière, ou tout simplement oubliées par la postérité. Clara Schumann a mis dix enfants au monde sans jamais renoncer à son désir d'écrire, mais sa production est loin d'égaler, en quantité, celle de Robert. On a tout fait pour décourager Fanny Mendelssohn dont les œuvres écrites étaient parfois signées par son frère et jamais publiées. On compte près de soixante dix œuvres au catalogue d'Augusta Holmes qui a composé sa vie durant, une œuvre en marge des canons de la musique instrumentale (quatuors à cordes, symphonies, sonates) de ses collègues et « héros » du siècle romantique. Chansons, œuvres pour chœur, mélodies voire opéras sont à l'époque considérés comme des genres « mineurs » au vu de la somme symphonique de ces messieurs.
La situation n'est guère plus confortable en Pologne où la fille du grand Heryk Wieniawski, Irena (lady Dean Paul après son mariage) doit emprunter un pseudonyme masculin, Poldowski, pour faire éditer sa musique (7). Elle mène une brillante carrière de compositrice, abordant tous les domaines de la création sonore. Bon nombre de ses partitions ont hélas disparu durant la seconde guerre mondiale. La majeure partie de la musique écrite par des femmes ne dépasse pas le domaine privé : mélodies de salon, pièces de piano que ne retient pas la postérité. Certaines abordent le domaine de la musique de chambre, comme Filipina Brzezinska (1800-1886), Maria Borkowicz (1886-?), Halina Krzyzanowska (1840-1937) et Eliza Markowska (milieu 1800-?). D'autres, comme Holmès déjà citée, s'orientent vers la scène qui nourrit leur imaginaire telles Julia Grodzicka-Rzewuska (?-début 1800), Ludmila Jeske (1849-1898) et Salomea Paris (1800-?), quand Wiktoria Kowalewska (début 1800-?) signe une Valse pour orchestre.
A cette époque de l'histoire, toujours critique pour les compositrices, nait Wanda Landowska (1879-1959) qui étudie le piano dès l'âge de quatre ans, puis fait ses études au Conservatoire de Varsovie où elle a notamment comme professeurs deux spécialistes de Chopin, Jan Kleczyński et Aleksander Michałowski. Mais ses goûts personnels lui font préférer Bach, Haydn et Mozart. En 1896, elle se rend à Berlin afin de se perfectionner et d'y étudier la composition avec Heinrich Urban, fréquentant alors le cercle des compositeurs postromantiques, dont Hans von Bulow fait partie. Sans doute aurait-elle pu devenir compositrice si son attirance pour la musique ancienne et sa carrière d'interprète claveciniste n'avaient pris le pas sur la création. Rappelons que, pour une femme, le statut d'interprète était beaucoup mieux accepté, voire fêté, par un milieu artistique gouverné par les hommes, au sein duquel Landowska n'en fera pas moins valoir son talent de visionnaire.
Une destinée hors norme
Personnalité hors du commun, totalement habitée par la musique, Grazyna Baciewicz (1909-1969) va, quant à elle, mener deux carrières de front, celle de violoniste soliste et de compositrice prolifique, avec près de deux cents œuvres inscrites à son catalogue : quatre symphonies, sept concertos pour violons (qu'elle créera pour la plupart), sept quatuors à cordes, mais aussi cinq sonates pour violon et piano, des sonates pour violon seul, deux quintettes avec piano et des formations plus atypiques comme son quatuor pour quatre violons ou celui pour quatre violoncelles. L'évolution de son écriture est étonnante, des premières sonates pour violon (1945) encore très académiques, à sa Partita pour violon et piano (chef d'œuvre de 1955 qu'elle créé avec son frère Kiejstut) et sa Sonate pour violon seul de 1958 où forme et écriture s'émancipent des modèles classiques.
Elle décide en 1953 de consacrer tout son temps à la composition, accomplissant dans les dix dernières années qui lui restent à vivre une œuvre personnelle, puissante et concentrée, où l'expressivité de la ligne le dispute à la frénésie rythmique : une manière, entre confession et ironie, qui n'est pas sans évoquer l'univers chostakovien. Elle achève huit œuvres dans la même année 1965 dont son Quintette n°2 pour piano. Conçu en trois mouvements, il suit un cheminement narratif, avec de fréquents changements de tempi ; Le Larghetto central (Larghetto-Grandioso-Sostenuto -Tempo I) regarde vers la musique nocturne d'un Bartok à travers un travail très fin sur la texture. L'emblématique Quatuor pour quatre violoncelles (1963), créé au festival Automne à Varsovie en 1964, témoigne d'une ouverture sur l'avant-garde occidentale à une époque de relative détente du régime politique. C'est sans doute l'une des œuvres les plus audacieuses de la compositrice qui prend ses distances avec la tonalité et fait appel aux techniques de jeu « étendues » sur les cordes - con legno, harmoniques, sul ponticello, etc. - témoignant de son intérêt pour le timbre. Les titres des deux mouvements, Narrazione et Riflessioni, sont garants d'une forme libre, épousant les détours d'une pensée qui suit son propre cheminement.
Née en 1924, Krystina Mozumanska se situe dans la même veine créatrice émancipée de la tonalité, où s'affirme l'autorité d'un geste compositionnel au sein d'une écriture regardant vers le dodécaphonisme.
Le développement des nouvelles technologies, entraînant l'ouverture de studios électroacoustiques dès les années 50, modifie le paysage de la création en Pologne et fait naître une nouvelle génération de compositeurs-trices qui vont désormais intégrer l'électronique à leur projet musical.
La création du PRES (Polish Radio Experimental Studio) de Varsovie (8)
Avant de poursuivre ce panorama des compositrices polonaises des 20ème et 21ème siècles, il est important d'observer le développement des nouvelles technologies et de la musique électronique que Bacewitcz avait pu entendre à Varsovie dans les années 1960. Entraînant l'ouverture de studios électroacoustiques dès les années 50, la naissance de l'outil électronique modifie le paysage de la création en Pologne et fait naître une nouvelle génération de compositeurs-trices qui vont désormais intégrer l'électronique à leur projet musical.
Avant même la création du studio expérimental de Varsovie, des tentatives de musiques enregistrées avaient été menées dans les Studios d'enregistrement de cinéma pour la création de musiques de film, celle d' Andrea Markowski et Wlodzimierz Kotonski notamment. Dans de semblables conditions, d'autres bandes-son furent créées pour les films de Jan Lenica et Walerian Borowczyk par les mêmes musiciens, sollicitant la technique du montage et les manipulations sur le magnétophone. Le matériau consistait dans l'enregistrement d'instruments et de voix, avec l'apport de quelques sons de générateurs électriques obtenus au Groupe électroacoustique de l'Université de Technologie de Varsovie.
En 1957, soit une petite dizaine d'années après les débuts de la musique concrète à Paris et du studio électronique de Cologne, se crée, à Varsovie, le Polish Radio Experimental Studio (PRES) équipé de micros, de magnétophones et d'une console de mixage. Durant une trentaine d'années (1957-1990), quatre-vingt-treize compositeurs-trices sont venus travailler dans le studio, dont cinquante-neuf polonais-es et trente-quatre venus du monde entier. Trois cents œuvres y ont été réalisées.
On doit la création du PRES à l'esprit d'ouverture du Président du comité de la Radio Włodzimierz Sokorski. Cet ancien ministre des Arts et de la Culture, alors fervent défenseur du « réalisme socialiste », s'est mis à soutenir la création d'avant-garde, finançant les voyages de Józef Patkowski dans les divers centres de musique électroacoustique de l'Ouest (Milan, Cologne, Paris...). C'est ce jeune et talentueux musicologue qui devient responsable de la création du studio analogique de la Radio, le développe et lui imprime sa spécificité. Józef Patkowski entend donner aux compositeurs la possibilité de travailler dans les deux directions, concrète (modèle français) et électronique (modèle allemand). L'une des caractéristiques du PRES est son orientation interdisciplinaire, invitant dans ses locaux réalisateurs, hommes de lettres, artistes visuels à venir travailler en collaborations avec musiciens et ingénieurs du son. La première composition proprement dite créée au PRES est celle de Włodzimierz Kotoński, intitulée Étude concrète sur un coup de cymbale (1959). Le matériau sonore de départ consiste en un simple coup, avec une baguette douce, sur une cymbale turque de taille moyenne. Comme Stockhausen, le compositeur fait appel à des règles sérielles strictes pour organiser son matériau. Citons encore Psalmus de Krzysztof Penderecki (1961). L'étape suivante dans le développement de la musique électronique en Pologne est franchie par Andrzej Dobrowolski, Bohdan Mazurek ou encore Eugeniusz Rudnik.
En 1970, le studio se dote d'un synthétiseur Moog et en 1973 d'un Synthi AKS portable. A cette époque, le studio jouit d'un équipement de haut niveau. Malheureusement, des difficultés financières ne permettent pas au PRES d'évoluer comme les autres studios étrangers et il faut attendre 1980 pour qu'il s'équipe d'appareils digitaux : ordinateurs Yamaha, Macintosh et IBM ainsi qu'un synthétiseur DX7.
Durant les années 1970, une nouvelle génération de musiciens, formés aux techniques électroacoustiques, viennent travailler au studio. Rappelons que depuis 1967, l'enseignement des nouvelles technologies fait partie du cursus de composition à l'Académie de Musique de Varsovie. Elzbieta Sikora et Krzysztof KnittelI, tous deux ingénieurs du son, vont fréquenter le PRES à cette époque. Ils ont en commun ce positionnement libre par rapport aux outils et aux pratiques électroniques.
Suivre sa vocation : les compositrices polonaises aujourd'hui
Elles sont nombreuses et actives dans les différents foyers culturels de la Pologne : Gdansk, Cracovie, Wroclaw, Poznan et bien évidemment Varsovie. Elles sont allées se perfectionner aux États-Unis, en France, en Allemagne ou encore aux Pays-Bas et ont aujourd'hui un rayonnement international. On ressent chez chacune d'elles le désir d'expérimenter les nouvelles technologies et de collaborer avec d'autres disciplines artistiques, le théâtre, la danse, les arts visuels et tout particulièrement le cinéma.
Née à Lwow en 1943, Elzbieta Sikora passe son enfance et adolescence à Gdansk où se sont installés ses parents. Elle y étudie le piano dès l'âge de huit ans puis s'oriente vers une formation d'ingénieur du son. Son diplôme en poche et bien décidée à poursuivre son exploration du son de manière plus créative, elle vient en France durant deux années (1971-73) pour travailler au Groupe de recherche musicale (GRM) avec Pierre Schaeffer dont la personnalité l'éblouit. De retour en Pologne, elle entreprend des études de composition instrumentale au Conservatoire de Varsovie auprès de deux maîtres, Tadeusz Baird et Zbigniew Rudzinski. Avec ses amis retrouvés, Krzysztof Knittel et Wojciech Michniewski, elle fonde le Trio KEW, avec le désir de sortir la création polonaise de ses entraves institutionnelles (9). En 1981, elle obtient une bourse d'étude, pour la France toujours. Le séjour devait être de neuf mois... Les circonstances en décideront autrement. Le coup d'état du 13 décembre réinstaurant le régime totalitaire communiste en Pologne la dissuadera de revenir dans son pays. Elle n'y retournera que sept ans plus tard!
L'aller et retour du studio à la partition.
Le catalogue d'Elzbieta Sikora compte aujourd'hui quelques quatre-vingt opus répartis à part égale entre musique instrumentale et vocale, musique mixte et œuvres acousmatiques, témoignant de ce constant aller-retour entre le studio et la partition. Les commandes viennent surtout du GRM mais elle est invitée, dès son installation à Paris, à travailler à l'Ircam grâce à Tod Machover qu'elle a rencontré à Varsovie. Reprenant La tête d'Orphée, une de ses compositions électroacoustiques polonaises, elle conçoit une pièce mixte pour flûte et électronique, La tête d'Orphée II (1982) interprétée par Pierre-Yves Artaud qui la jouera dans le monde entier. La même année, elle compose pour le GRM Janek Wisniewski- Decembre-Pologne, en hommage au jeune étudiant mort sous les coups de la police polonaise en 1970. Elle réalise ensuite de nombreuses pièces acousmatiques (citons Aquamarina, Rouge d'été, Grain de sable et plus récemment Paris,Gare du Nord) et pièces mixtes dont Lisboa, tramway 28 en 1998 et Axe rouge III en 2008.
Commandes et résidences s'enchaînent pour la compositrice, en Allemagne notamment (Heidelberg, Mannheim et Ulm) où elle s'installe pour cinq ans. En 1985, elle est appelée au poste de professeur de composition électroacoustique au Conservatoire d'Angoulème, une fonction qu'elle assumera durant vingt ans. En 2009, elle prend en main le Festival Musica Electronica Nova (MEN) de Wroclaw qu'elle dirige jusqu'en 2017 et à travers lequel elle renoue plus intimement avec la vie et l'élan culturels de son pays. De nouvelles partitions naissent en lien avec le festival et le Forum National de Musique de Wroclaw, élégant bâtiment érigé en 2015 pour lequel elle écrit Sonosphères III et IV (Wroclaw Symphony) en 2017. La pièce mixte pour orchestre et électronique, co-commande de l'Ircam et du Ministère de la Culture polonaise, consacre quelques quarante ans de carrière de la compositrice. Citons encore, parmi les commandes polonaises, un concerto pour violon créé à Katowice en mars 2019, une œuvre mixte pour orchestre et électronique, Passage souterrain, commande de la Radio Polonaise et tout récemment un pièce d'orchestre, Sonosphère V, Wanda Landowska, commande de l'Institut Adam Mickiewicz et créée dans la Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris : autant de pièces impressionnantes par leur envergure et leur facture, relevant de l'univers singulier de la compositrice. L'Opéra de Gdansk lui commande Madame Curie, son quatrième ouvrage lyrique, qui est créé à Paris d'abord, dans les locaux de l'Unesco, avant d'être donné à l'Opéra de Gdansk. L'ouvrage met en scène une femme polonaise hors norme, chercheuse et passionnée, qui vient vivre et travailler en France : un alter ego sans aucun doute dont l'histoire et la destinée font naître un chef d'œuvre absolu, porté, dans le rôle titre, par la soprano Anna Mikolajczyk.
Née, elle aussi, en 1943, à Varsovie, Marta Plaszynska est percussionniste et compositrice, résidant à Chicago où elle a enseigné la musique et les Humanités à l'Université. Elle s'est forgée une solide réputation de percussionniste virtuose et d'interprète de la musique d'aujourd'hui, accumulant les récompenses et décorations. Son catalogue de compositrice fait état de plusieurs pièces d'orchestre, de trois concertos pour percussion et de nombreuses partitions avec percussion, ainsi que d'un opéra.
Originaire de Cracovie, Barbara Buczeck (1940-1993) décède prématurément à l'âge de cinquante-trois ans. Compositrice, pianiste et pédagogue, elle écrit une quarantaine d'œuvres, pour piano, orchestre, musique de chambre et pièces vocales. Citons l'impressionnant Anekumena, concerto pour quatre-vingt-neuf instruments où la compositrice conçoit une musique immersive, tissant une toile sonore colorée et foisonnante qui laisse aux interprètes un espace d'improvisation.
Grazyna Pstrokońska-Nawratil est née à Wroclaw en 1947. Elle étudie la composition à l'Ecole de Musique de sa ville natale avec Stefan Poradowski et Tadeusz Natanson puis vient en France où elle rencontre Pierre Boulez et Olivier Messiaen. Elle suit les cours de l'Ircam et approfondit la musique de Xenakis à Aix en Provence. De retour en Pologne, elle obtient la chaire professorale de composition et théorie musicale en 1993 à l'Ecole de Musique de Wroclaw et enseigne également à l'Académie de Musique de Poznan. Son catalogue d'une soixantaine d'œuvres révèle l'importance des pièces d'orchestre et des ?uvres pour percussion et musique de chambre mais ne mentionne qu'une pièce avec électronique. Son concerto pour deux flûtes et orchestre Lazy Deszczowe (« Forêt tropicale ») de 2013 dévoile une musique puissante et évocatrice, mue par de longs processus d'amplification et rehaussée d'une percussion efficace. La compositrice ouvre un large espace et modèle une matière incandescente où l'influence de Xenakis se fait sentir.
Née à Cracovie, Magdalena Długosz a étudié à l'Académie de musique de sa ville natale avec Krystyna Moszumaska-Nazar et Józef Patkowskva ainsi qu'au studio d'électroacoustique où elle compose ses premières pièces, inscrivant son travail de compositrice dans l'univers de l'électroacoustique et des œuvres mixtes. On la retrouve au studio de Varsovie (PRES) puis elle vient en France, où elle fréquente les studios de Bourges et de Lyon. Elle voyage également aux Etats-Unis où ses œuvres sont programmées. Dans Czas trwania (15') pour clarinette, percussion et électronique, la compositrice forge une matière robuste aux contours bien définis, sollicitant les techniques de jeu étendues à la clarinette. L'espace, via l'électronique, devient une composante de l'?uvre au sein d'une écriture aventureuse et risquée.
Lidia Zielińska, née en 1953 étudie la composition instrumentale avec Andrzeja Koszewski et Państwowej Wyższej à l'académie de Poznan. Elle s'oriente ensuite vers l'électronique et compose de nombreuses pièces mixtes, intégrant à son écriture la dimension de l'espace. Utwor (Chanson) pour flûte et électronique, allie virtuosité et énergie du son. L'électronique y démultiplie la source instrumentale, offrant une dimension sonore en 3D très spectaculaire.
Hanna Kulenty est née en 1961 à Białstok et débute sa formation de musicienne avec le piano à l'école de musique Grazyna Bacewicz à Varsovie. De 1980 à 1986, elle suit des cours de composition avec Włodzimierz Kotoński à l'Académie Chopin et va se perfectionner avec Louis Andriessen au Conservatoire Royal de La Haye. Elle participe à l'académie internationale pour les jeunes compositeurs, organisée par la section polonaise de la ISCM (Société Internationale de Musique Contemporaine), et aux cours d'été de Darmstadt. Sa pièce d'orchestre Ad Unum est récompensée en 1985 dans un Concours international de composition organisé à Amsterdam et redonnée au Festival Automne à Varsovie avec les honneurs de la critique. Peu connue en France, Anna Kulenty acquiert une renommée internationale consacrée en 1996 par la commande d'un opéra, The Mother of Black-Winged Dreams, pour la Biennale de Munich. Sur un livret du Canadien Paul Goodman, l'ouvrage aborde le sujet brulant de la souffrance, de la maltraitance des enfants et questionne la notion de genre. L'univers préféré de Kulenty est celui de l'orchestre à travers lequel elle déploie une puissance et une tension phénoménale. On a souvent comparé son ?uvre orchestrale à celle de Xenakis ou Penderecki. L'écriture de Kulenty a évolué durant les années, notamment au contact de son professeur Andriessen et sa veine minimaliste : elle qualifie l'écriture de cette nouvelle période de « musique européenne de transe » à laquelle on peut rattacher sa pièce pour violoncelle amplifié et orchestre de chambre Sinequa Forte B : à travers une écriture roborative et tendue, l'?uvre combine différentes strates sonores qui s'imbriquent et évoluent. Très impressionnant également, son Concerto pour violon n°2 dessine une grande arche comme la compositrice aime en concevoir, où le parti pris de doubler le violon par le piano crée une hybridation des timbres singulière. La cadence du soliste, ménageant de grands silences suspensifs, n'est qu'une parenthèse à cette inexorable ascension vers l'aigu du registre qui va entretenir le suspens jusqu'au bout.
Compositrice mais aussi chanteuse, et performeuse, Agata Zubel (10), née en 1976, sillonne le monde, en qualité d'interprète comme de compositrice. Les deux activités s'interpénètrent et se nourrissent l'une l'autre, Zubel aimant partager la scène avec les musiciens dans l'interprétation de ses propres œuvres vocales. C'est à Wroclaw, sa ville natale, qu'elle mène sa formation de musicienne, à l'Académie de musique Karol Szymanowski d'abord, où elle étudie la percussion, avant de suivre des cours de composition avec Jan Wichrowski à l'Académie Karol Lipiński où elle obtient un doctorat en 2004. Elle décide alors de parfaire sa technique en suivant un cursus complet de chant classique. Si sa qualité de vocaliste-performeuse, en duo avec l'artiste sonore Cesary Duchnowski notamment, la porte sur les scènes du monde entier, elle n'en néglige pas moins les œuvres du répertoire, celles de Lutoslawski, Ravel, Falla, etc., qu'elle interprète lors de ses récitals.
Son catalogue (une soixantaine d'opus) compte plusieurs pièces orchestrales d'envergure (dont trois symphonies), deux concertos (violon et piano), trois opéras, de nombreuses pièces pour percussion et un corpus important d'œuvres vocales écrites pour sa voix. Elle sollicite à plusieurs reprises les textes de Beckett (What is the world, Cascando, Not I) mais aussi Heiner Müller, Czeslaw Milosz, William Shakespeare et Antoine de Saint-Exupéry. Fréquentes également sont les partitions vocales sans texte, tel son opéra-ballet Between ou encore Madrigals, qu'elle écrit pour les Neue Vocalsolisten de Stuttgart, et Parlando qu'elle interprète en solo. Zubel y sonde les ressorts de cet inépuisable générateur de sons et d'émotions que constitue la voix. Si la percussion, ses qualités et ses couleurs sont une constante dans son œuvre, l'électronique est un outil qu'elle introduit, ou non, dans son écriture, selon la nature du projet. On relève enfin, dans nombre de ses pièces instrumentales, une dimension solistique de l'écriture, dans Symfonia n°3 qui convoque en solo une trompette à double pavillon ainsi que dans Dobble battery (une commande de l'Ensemble Intercontemporain) qui isole deux clarinettes basses dont le jeu virtuose n'est pas sans rappeler les prouesses vocales de la chanteuse dans Parlando. Si l'aller-retour entre voix et instrument est constamment opéré dans la partition, l'improvisation et l'écriture, qui ne se confondent pas dans l'activité de la compositrice, se confrontent et s'interpénètrent sans cesse dans le processus de la création.
Comme Agata Zubel, Katarina Głowicka (née en 1977) est diplômée de l'Académie de Musique de Wroclaw où elle a étudié avec Grazyna Pstrokońska-Nawrati. Elle s'inscrit pour une année dans la classe d'Ivan Fedele au Conservatoire de Strasbourg avant de partir au Pays-Bas pour travailler avec Louis Andriessen et Martijn Padding au Conservatoire Royal de La Haye. Elle complète sa formation au Centre de Recherche d'Art sonore de la Queen's University de Belfast en 2006 puis obtient une résidence au Studio for Electro Instrumental Music (STEIM) d'Amsterdam, où elle réalise plusieurs pièces avec vidéo live et électronique. Citons Quasi Rublev inspiré par le film d'Andreï Tarkovsky de 1966 Andreï Rublev. Elle est primée par le Royal Conservatory de Bruxelles où elle devient maître de conférence. Glowicka aborde tous les genres de la composition (opéra, pièces d'orchestre, petits ensembles et œuvres solistes), et tous les styles (expérimental, minimalisme, art sonore, « country music ») considérant l'électronique comme un outil familier dont elle ne peut plus se passer, en tant qu'instrument de musique et outil de composition. Dans Opalescences (2006) pour voix de femmes et ordinateur, la compositrice est aux manettes, spatialisant et traitant les voix en direct. Seven Sonnets, portés au disque, associent un quatuor à cordes et la voix du contre-ténor Arnon Zlotnik qui chante des textes de Shakespeare (Summers Day). Mixe original, l'écriture balance entre couleurs modales, chanson populaire et écriture savante. Dix ans plus tard, Spring's day (2009) fait appel aux ressorts de l'électronique, conférant à la voix une aura de résonance et un environnement spatial sophistiqué.
Agnieszka Stulgińska est originaire d'Ostrołeka où elle nait en 1978. Après un Master de composition avec Krzysztof Olczak à l'Académie de Musique de Gdansk, elle se perfectionne avec Luc van Hove au Conservatoire Royal d'Anvers où elle est également diplômée. Elle poursuit sa formation dans le domaine de la musique de film et des arts visuels à Łódź en Pologne, un domaine où elle est aujourd'hui particulièrement active. Son catalogue inclut des pièces solistes, pour ensemble, des pièces chorales, électroniques et orchestrales où s'invitent d'autres domaines artistiques : la danse, le théâtre et plus particulièrement le cinéma. Elle écrit également des musiques de film pour des réalisateurs comme Anna Jadowska et Piotr Szczepanski. Un disque monographique paru sous le label DUX donne la mesure de son travail et cerne un univers singulier : inventif autant qu'énergétique dans Let's meet pour deux pianos préparés ainsi que dans Ori dont le dispositif atypique (clarinette, accordéon, violoncelle et guitare électrique) autorise les configurations sonores les plus inattendues. Un sentiment d'étrangeté sous-tend la dramaturgie de Stara Rzeka (« Vieille rivière »), une pièce écrite dans le sillage de Witold Lutoslawski dont la personnalité fascine la compositrice. La maîtrise du geste, l'écriture aventureuse et la diversité des genres fascinent chez une compositrice aussi jeune que prolifique.
Citons encore, au sein de cette génération prometteuse, les noms d'Aleksandra Gryka (née en 1977), Anna Zaradny (née en 1977), Dobromiła Jascot (née en 1981), Jagoda Szmytka (née en 1982), Nina Fukuoka (née en 1990) et Leoniki Rozynek (née en 1991), toutes actives sur la scène internationale, familières des outils électroniques et des projets pluridisciplinaires (Jascot, Szmytka, Fukuoka), pédagogues, interprètes et performeuses pour certaines. Leur musique est à découvrir sur Soundcloud.
Elles composent, enseignent, dirigent des institutions, maitrisent les outils technologiques, se produisent sur scène... et fournissent des modèles pour les générations suivantes. Si les compositrices restent encore très minoritaires dans le paysage de la création, en France comme en Pologne, tout porte à espérer que la situation est en train de changer ; la place des femmes dans la création aussi.
1. cf Compositrices, l'égalité en actes, ouvrage collectif, édition MF, 2018.
2. Florence Launay est l'auteur d’une thèse de doctorat (soutenue en 2004), Les Compositrices françaises de 1789 à 1914. Publiée chez Fayard, en 2006.
3. Hyacinthe Ravet : Musiciennes. Enquête sur les femmes et la musique. Éditions autrement, Paris, 2011.
4. Cette rétrospective reprend pour partie les propos traduits en français de Wanda Wilk : An Outline History of Women Composers in Poland, publié sur le website PMC le 8 août 2000.
5. Le CD Romance à Joséphine (2019) par la mezzo-soprano Elisabeth Zapolska accompagné par Bart van Dort, inclut quatre de ses mélodies. (CD Salto 2019)
6. Cf Florence Launay, op.cit.
7. cf. Maja Trochimczyk, A Romantic Century in Polish music : Chapitre 1 : from Mrs Szymanowska to Mr Poldowski, carrières des compositrices polonaises. Moonrise Press, Los Angeles, 2009.
8. Cette rétrospective reprend pour partie les propos, traduits en français, de Monika Pasiecznik : A history of electroacoustic music in Poland from the perpective of the polish radio experimental studio 1957-1990. http://www.soundexchange.eu/#poland_en?id=1
9. In Resmusica.com, lire l'entretien réalisé avec la compositrice en 2015.
10. Michèle Tosi : Agata Zubel, compositrice et vocaliste, vocaliste et compositrice, in Agata Zubel entrée en matière, éditions 2e2m, collection à la ligne, 2019.
Introduction à la musique contemporaine
Comment aborder la musique contemporaine? Pourquoi peut-elle nous paraitre étrange, voir repoussante? Nombreuses sont les interrogations soulevés par les auditeurs confrontés à cette musique. Cette série de courts textes propose à un public non-initié de se familiariser avec cette étrange musique aux multiples facettes.
Émotion et énergie
Il est rare de ressentir des émotions à l’écoute de musique contemporaine. La façon dont nous réagissons émotionnellement à une situation est le fruit d’expériences personnelles. Or notre société occidentale est „envahie” par certains codes musicaux, qui font que certaines musiques sont ressenties à peu près par tou·tes de la même façon.
Ce n’est rien d’inhérent à la musique, c’est une habitude. Nous avons une idée de comment sonne une musique joyeuse, triste, angoissante. Et c’est la maîtrise de ces habitudes par les compositeur·rices qui nous fait ressentir des émotions au cinéma, et ceci indépendamment des images que nous voyons sur l’écran.
Si nous regardons „les dents de la mer”, nous voyons un paysage avec une mer calme, bleue, très belle…mais la musique est „angoissante”, ce qui nous permet d’anticiper le malheur. Nos automatismes d’écoutes permettent l’utilisation de la musique comme levier dramaturgique.
Or, si nous composons une musique qui ne correspond pas à ses codes, elle ne peut engendrer chez nous d’émotions car elle est nouvelle. Elle ne rappelle aucun souvenir, elle est vierge de tout vécu. Elle peut alors être désagréable, étrange, comme tout ce qui est inconnu.
Se rajoute à ce phénomène, qu’en musique contemporaine, certains éléments peuvent ressembler à ceux utilisés dans les films pour créer un inconfort, une tension.
Donc, première chose : écouter de la musique contemporaine, c’est arriver en terre inconnue. Vous pouvez y aller avec curiosité et envie ou avec réticence, mais dans les deux cas, c’est une expérience étrange.
J’en viens à notre perception de l’énergie et des rapports de causalités. Dans notre réalité, si je laisse tomber un verre par terre il se brise. L’énergie se transforme, elle ne peut pas disparaitre. En application à la musique, si un gain d’énergie apporte une transformation, il parait causal, logique.
C’est la raison pour laquelle dans un scène d’un film d’action, nous avons une musique rythmique de plus en plus présente qui s’arrête un instant soudainement, créant cette sensation de suspension. L’énergie s’accumule et soudain, sans élément musical pouvant „causer” une rupture, la musique s’arrête et nous ressentons cette sensation de vide.
Cela peut-être une des clés de perception de la musique contemporaine.
Nous pouvons percevoir cet aspect énergétique de la musique à plusieurs échelles. A grande échelle, sur plusieurs minutes, une tension peut s’accroître ou se résorber.
Mais aussi à une petite échelle. Un crescendo est un gain d’énergie ; un diminuendo une perte ; un accent comme une explosion. Chacune de ses actions peut avoir une conséquence musicale. La densité de ces évènements créent, ce qu’on peut nommer, une „organicité” dans la musique. Elle semble vivante. Notre cerveau inconscient peut saisir qu’il y a un sens, même si consciemment nous ne percevons pas exactement ce qui se passe.
Imaginer par exemple un rythme répété et régulier. Vient ensuite une explosion musicale, un élément qui vient surprendre l’auditeur. Le rythme répété revient de façon irrégulière. Il est clair que notre cerveau va interpréter un lien de causalité entre les évènements.
Timbre
Notre oreille reconnaît mieux les timbres que les hauteurs. Nous utilisons d’ailleurs cette capacité pour communiquer. Je peux prononcer les voyelles sur une seule hauteur: A-E-I-O-U. Si vous reconnaissez les voyelles, c’est parce que vous reconnaissez le timbre de celles-ci. Reconnaître des timbres nous est facile, alors que reconnaître des hauteurs demande de l’entraînement. Au cours de l’histoire de la musique, l’intérêt porté au timbre a lentement accru tout en restant relativement secondaire par rapport à l’intérêt porté à l’harmonie. Jusqu’au XXè siècle, certains compositeurs ont alors eu pour préoccupation première cet aspect, et l’ont exploité de différentes manières. La première est de demander au/à la musicien·ne de jouer de son instrument d’une manière non conventionnelle, et idiomatique. Il est alors impossible de réécrire un morceau, initialement composé pour violon, pour un trompettiste par exemple.
Quelques exemples: un instrument à cordes peut jouer avec son archet de façon „habituelle”, mais il peut choisir de mettre trop, ou trop peu de pression sur ses cordes, il peut choisir de jouer sur la touche ou sur le chevalet, il peut jouer avec le bois de l’archet (col legno) ou avec les doigts. Cette liste est non-exhaustive, l’on peut faire de nombreuses autres choses avec ses instruments.
Un instrument à vent, peut lui utiliser d’autres techniques de jeu, faire des bruits soufflés, des bruits de clés, jouer des multiphoniques… Les „canards” qu’un débutant produit, sont des multiphoniques non maitrisés. Ils s’obtiennent par une technique d’embouchure et parfois par la réalisation de doigtés qui ne correspondent pas à une hauteur précise. Un mélange entre un doigté de ré et de fa par exemple, d’où naît un son avec plusieurs hauteurs assez étonnant. Le saxophone est par exemple un instrument dont la palette des multiphoniques est très riche.
Je viens d’énoncer un travail du timbre qui serait individuel à chaque instrument, et c’est un aspect propre à la musique contemporaine. Mais l’on peut aussi travailler le timbre de façon collective: c’est l’art de l’orchestration.
Un des phénomènes acoustiques sur lequel repose ces techniques est celui-ci: Nous reconnaissons aisément le timbre d’un instrument dès qu’il commence à jouer, mais si nous coupons le début du son, et commençons à l’écouter plus tard, il nous est alors plus difficile de déterminer quel en est l’émetteur. Un exemple concret: écrire un accent (une note courte, sèche et forte) de trompette, et sur la même hauteur une clarinette tenant la note avec une nuance piano. L’attaque de trompette va masquer l’entrée de la clarinette, qui va donc pendant un instant être méconnaissable. En exploitant ces phénomènes acoustiques, il est alors possible de créer un son d’orchestre qui n’est pas la somme de tous les instruments. L’orchestre comme „méta-instrument”. Un „gâteau”, où la clarinette basse est la farine, l’alto les oeufs, la trompette le lait et le saxophone le sucre.
Ce texte pour mettre en avant qu’aborder la musique contemporaine n’est pas une histoire de culture ou d’éducation. Nous avons déjà tous des outils pour donner un sens à un objet sonore inconnu. Percevoir des rapports causaux, un travail du timbre, est à la portée de tous.
ABSTRACT
This paper describes Common Ground, a piece for six dancing
singers and electronics, in which the coordination between
performers is ensured by a RaspberryPi-embedded
node.js web application. The singers received synchronised
scores in the browser of their phone, which they wore
in head-mounted display in order to free their hands and
enhance their scenic presence. After a description of the
artistic project, the elaboration of the score is examined under
the categories of movement notation (how trajectories
are embedded in musical notation), spectral composition
(microtonal tuning between synthesised sounds and human
voices), algorithmic processes (how the recent bell coding
language facilitates processes for which Max patching is
ill-suited). The article finally describes the Raspberry implementation,
outlining potential ameliorations of the current
system, including dns support and unnecessary dependance
on a dedicated router.
1. INTRODUCTION
Common Ground, by the Spanish artist Keke Vilabelda, is
an immersive installation with large paintings, videos, and
three tons of salt covering the ground (see Fig. 1). Commissioned
by the Grau Projekt art gallery in Melbourne 1 ,
it reflects on the common features of landscapes (salt lakes)
situated at antipodes of one another (Spain Australia). The
initial idea of the musical piece of the same name was to
take advantage of this beautiful immersive space, and use
it as set design for the performance of six female voices accompanied
by electronics. The poems chosen for the piece,
by the English poet Robert bell, take the sea as source inspiration
- the horizon, natural elements, treated as points
of departure for meditation upon everyday life.
From the beginning, the visual aspect of the piece revealed
itself to be of primary importance, which is why
the performative part had to integrate movements/dance,
costumes, and find a way for the score to be part of this
ecosystem without disturbing it. Indeed after more than ten
Figure 1. The Common Ground installation by Keke Vilabelda
at Grau Projekt, Melbourne.
pieces written for the Smartvox system, with choirs and ensembles
of various sizes, the main issue in concert/performance
situation concerns more the theatrical restitution of
the piece than the music itself. The system allows singers
to move freely on stage and around the audience whilst
singing with confidence, which gives the work an interesting
immersive feeling. However, the way the system
has so far been visually presented need to improved. Although
the fact that singers wear headphones while singing
should arguably be the most questionable source of interference
between the singer and his audience, it is in fact
their visual presence which is the most problematic when
the singer has to break eye contact with his/her audience
in order to watch the score 2 . Moreover, the presence of
the smartphone itself as an object part of the performance
seemed most problematic, which encouraged for the search
of different solutions.
2. HMD
Following Mit Allen Augen, a piece in which singers and
instrumentalists wore head-mounted displays and walked
freely around the audience, Common Ground carries on
with similar concerns, trying to take this idea further by
adding a precisely determined choreography. Placed above
the head in HMD, smartphones are still rather cumbersome
from a theatrical perspective, but SmartVox will probably
take advantage in a few years of lighter solutions, such as
Vufine glasses (see Fig. 2, left) which proved to be the
Figure 2. Experimentation with various lowcost Head-
Mounted Display (HMD) solutions.
most discreet, allowing for a mirror display of the score
(i.e. of the smartphone’s screen) in the corner of one of the
lenses of the performer’s glasses. Although one-eyed, the
display is comfortable and wide enough, unfortunately its
hdmi connection too often interfered with the audio output
of the phone, making it unreliable in a concert/performance
situation. Furthermore, its relatively high cost made
it inappropriate for large score distribution 3 . Solutions
such as QLPP 90 FOV AR headset (see Fig. 2, center),
evocative of Microsoft Hololens imitations, showed interesting
results as they allow for holographic display of the
score, but the curvature of their glass requires calibration
depending on the performer’s phone size and their pupillary
distance, again inconvenient for efficiency purposes,
because of the often limited time for rehearsals in the performance
space.
The solution therefore adopted for Common Ground was
simply a headset constituted of a double mirror (see Fig. 2,
right) for a large and comfortable display slightly above the
head of the performer, leaving free the lower field of view,
which was appreciated as the performers need to move -
sometimes rapidly - in the performance space.
Cat Hope [1] and Christian Klickenberg [2] have both
used animated notation in several of their operas, giving
evidence that these new forms of notation re-shape the roles
traditionally assigned to conductor, singers and instrumentalists
: the beating of the time by the conductor is not the
main point of reference for singers, instruments, lighting
etc. . . The scrolling of time with a cursor (as, for instance,
in the Decibel ScorePlayer) allows for many processes to
be automated, giving the music director a different role.
Graphic notation also allows for more freedom of interpretation
from the perspective of the performer.
However, those solutions still imply the presence of many
screens on stage. An interesting field of research in the domain
of AR scores [3][4] consists in using Hololens for
display of 3D holographic structures (see Fig. 3), an area
which soon hopefully interest a larger community of composers
and performers.
3. SCORE ELABORATION
3.1 bach INScore
The notation in Common Ground is conceived as a mixture
of singing and movement information. The movement
is represented as a graph representing singers are the stage
Figure 3. The Elision ensemble performing David Kim-
Boyle’s new work at TENOR 2019. Photographed by Cat
Hope.
below the musical stave, and was controlled by spatial information
stored in bach, so that the choreography could
be written in the musical score directly. The movements
are then sent from bach to InScore via OSC. 4
bach support by default spatial information in its 9th ‘spat’
slot. Inspired by Ircam Spat, this slot allows to store position
information (x, y), as well as azimut indicating in
which direction the source is facing 5 . Designing a movement
of one of the singers therefore consisted in sending
coordinate changes or interpolations (x, y and azimut) with
a given duration (the length of the note, movements being
marked in blue, with empty noteheads) 6 . A compositional
constraint consisted in avoiding overlapping between
dance and singing : the singer never had to move
and dance at the same time, rather he/she alternates between
singing and moving.
3.2 Spectral Composition - Synthesis
The first pieces composed with SmartVox used mixtures of
recorded and synthesised sounds 7 , but most recent works
sound synthesis almost exclusively, because it allows for
more precise control over sound as well as harmony. The
first piece of the cycle 8 mainly consisted of an exploration
of basic wave shaping techniques 9 (hence the overall
metallic sonority of the piece). Shir Hassirim 10 , a
piece written around the same time, was more focussed on
FM synthesis 11 : through spectral analysis, the goal was to
replicate in the choir phenomena like modulation increase.
12
In the piece Mit Allen Augen 13 , all the electronics were
generated from the PRISM laboratory synthesizer[7], whose
perceptive model aims for the emulation of sometimes inconceivable
sounds, such as a liquid rain of metal. 14 This
material was analysed in bach to extract pitch material 15
then ready to use for orchestration (for 12 voices and 12
instruments).
In Common Ground, sound synthesis primarily came from
the Synthesis Tool Kit [8], accessed through the PerColate
library in Max. The physical modelling objects, and
brass in particular was of interest as it really captured complex
timbral features of brass instruments elsewhere often
discussed by Jean-claude Risset and DavidWessel [9]. The
second source of sound synthesis in Common Ground can
be described as a subtractive model, in which dense FM
spectra are filtered by FFT filters, so as to obtain clearly
identifiable pitch content 16 .
The precise overlapping of voices and electronics is made
possible in performance thanks to the recent improvement
of smartphones’ capacities. On the composer’s side, a precise
dialogue between electronics and the score is highly
facilitated by Max for Live 17 .
3.3 Audioscore - Display
Audio scores have been a key concept for the research undertaken
by one of the authors [10]. Since a survey by
Bhagwati on this topic [11], audio scores seem to enjoy
increasing popularity (Stanford audioscore). Our claim is
that, when applied to vocal ensemble writing in particular,
they allow unprecedented accuracy in the realm of spectral
composition, when the singers need to match the harmonic
content of the tape accurately.
Working with various ensembles and receiving each time
important feedback has confirmed that visual and auditory
information need to be anticipated as much as possible :
pauses in a singer’s separate part always provides aurally
what comes next. Also visually, Common Ground adopted
a 2-systems-per-page mechanism in which the system that
is not playing always anticipates what comes next. 18
Figure 4. A comparison between an llll manipulation
process described through a snippet of bell code (in the
bach.eval object box) and the corresponding implementation
within the standard graphical dataflow paradigm of
Max.
3.4 Aspects of the bell language
3.4.1 Introduction: Vocaloid
Common Ground also marks an evolution in the way vocal
generation is used in SmartVox, which hitherto consisted
in storing path to samples of vocal speech inside each note
or each melisma through the slot storing system in bach.
19 This method however presented significant drawbacks
: although it made the end result slightly more expressive
or convincing, it was extremely time consuming to make
phoneme change correspond to note change whilst designing
each vocal line. Also reading samples direct to disk
often introduced delay which made the result imprecise.
The new method consists in using a vocal synthesizer
(AlterEgo Plogue, a free equivalent of the japanese Vocaloid
synthesizer[12][13]), using bach’s slot storing system to
control the synthetiser via midi. This slightly more robotsounding
solution has the great advantage to be far more
malleable algorithmically, since a new note can trigger a
phoneme change. With the discovery of the new bell language
[14] in bach [15], the method opened the door to
promising experiments in the realm of algorithmic composition.
3.4.2 Bach Evaluation Language for llll - an overview of
the bell language
The bell language in bach arose from an observation that
the Max patching environment can be cumbersome when
formalising algorithmic compositional processes: “It has
been clear since the beginning of bach that non trivial tasks
- in algorithmic composition - require the implementation
of potentially complex algorithms and processes, something
that the graphical, data-flow programming paradigm
of Max [...], is notoriously not well-suited to.”[14]. Single
line snippets code in bell often require many objects and
cables in Max (see Fig. 4).
Indeed, while the Max GUI can be extremely intuitive
and efficient for many DSP processes, its data-flow paradigm
can make message formatting efficient in Max (and hence
in bach). As exemplified in Fig. 5, bach.eval allows for a
Figure 5. A loop calculates the onset of each syllable of a
vocal line according to a starting onset (the variable ”ONSET”),
a given duration/tempo (”DUREE”), and prosodic
accentuation (2 1 1 2 for long short short long).
Figure 6. The bell language is mainly exposed in Max
through the bach.eval object. $x1, $x2. . . correspond to
the different inlets of the object. bach.eval makes the construction
of lisp-inherited parenthesis structures much easier
than with the data-flow bach.wrap system.
single line of code to centralize message formatting, which
would have formerly required dozens of objects, themselves
most often bringing order or priority issues.
The implementation of variables in the bell language constitutes
another major improvement of bach. The ability to
name variables in Max (such as ONSET, or DUREE, as
in the loop expressed in Fig. 5) and assign them a value
helps again centralising information within simple equations,
which the message-driven send-receive Max functionality
would have made more prompt to error.
3.4.3 Algorythmic composition with bell
Although in germ in Common Ground, a more systematic
approach to algorithmic polyphony generation was used in
a Deliciae, a piece composed just after Common Ground,
while discovering the new bell
language (see Fig. 6) [14]
[16].
The polyphony of European tradition obeyed extremely
strict rules throughout Europe during the Renaissance. Many
of those rules discussed in the treatises of the time served
as source of inspiration for polyphony generation with the
tools exposed above. The first obvious parallel consists in
treating each voice as equal, unlike for instance when writing
for an instrumental ensemble of a modern orchestra.
This is why most polyphonic passages in Common Ground
and Deliciae were generated inside a poly˜ in Max, with
each instance (i.e. each voice) receiving the same information
regarding text, prosody, and harmonic material, but
only differing by vocal range (sopranos
for instance cannot
sing below middle C and so forth).
Contrast in Renaissance polyphony often consist in alternation
between homophonic passages and contrapuntal
ones, which inspired most parameters available to tweak
for a given verse: when the variables RANDUR, RANDOMONSET,
DECAL, and STAGGER are set to 0, the
algorithm will generate a homophony 20 (singers articulate
and move from one pitch to the next at the same time).
Figure 7. The following script adds markers only when
two notes are separated by more than 600ms.
If only RANDUR increases, voices will start at the same
time, but their duration will differ between each other. If
only RANDOMONSET increases, they will all have the
same duration but start at different times. If only DECAL
increase, voice will enter at regular intervals from the
bottom-up (and inversely if DECAL is negative). STAGGER,
finally, imitates a behaviour typical of the renaissance
where two groups of voices are staggered or delayed
by a given value.
3.4.4 Automatic cueing system
Since the beginning of SmartVox (see [17], Fig. 4), cueing
the singers with what comes next appeared one of the main
advantages of the system.
To identify appropriate moments for page turns and cueing
the singers accordingly, the first step consisted in identifying
the start and end of each phrase (see Fig. 7): with
iterations on each note of the score two by two, we evaluate
if the distance between two notes is superior to 600 ms:
in the first case it isn’t (see Fig. 8, the two notes are close
to one another) and nothing happens. On the following iteration
however, the gap between two notes is wider than
600ms (see Fig. 9), so the messages “addmarker fin” and
“addmarker debut” are sent to the end of the phrase and to
the beginning of the next phrase respectively.
When a performer has nothing to sing, this precious time
is systematically used in the score to provide cues feeding
the perfomer’s headphone with what is coming next: using
the markers previously generated to retrieve their onsets,
if the pause is longer than the phrase to sing, (i.e. if the
DURANTICIP is greater than DUR (see Fig. 10, and the
”then” stance of the ”if” statement in the code below), then
https://youtu.be/OKkiySEagm0. ONSET is in milliseconds and correspond
to the position in the timeline where the generation is happening :
as exemplified in the video 747618 ms correspond to 12’28”. The term
DUREE (French for duration) represents the duration of notes : the tempo
speeds up when durations diminished
Figure 8. The first note (with lyrics ”dia”) has a duration
that lasts until the beginning of the following note, (with
lyrics ”blo”). The distance between the two (ECART1,
highlighted in yellow) is almost null.
Figure 9. The two notes (with lyrics ”blo” and ”ho” respectively)
are separated by a silence longer than 600 ms
(ECART1 lasts a bit more than two seconds), therefore two
markers are generated.
Figure 10. When the pause is long (or very long....) the
cue needs to be provided as late as possible i.e. just before
the singer’s entrance. The corresponding onset value
is 0’46” because START*2 - END = 48,5*2 - 51 = 46
the cue will need to start at the onset corresponding to the
difference between entrance of the singer (START) and the
end of his phrase (END), with a 300ms break between the
two. If on the other hand, the pause is shorter than the
phrase to sing (see Fig. 11, and the ”else” stance of the
if statement below), then the cue needs to start as soon as
possible, i.e. as soon as the singers has finished to previous
phrase (PREV):
START = $x2 : ( $x1 1) ;
END = $x2 : ( $x1+1 1) ;
PREV = $x2 : ( $x11 1 ) ;
DUR = END START ;
DURANTICIP = START PREV ;
i f DURANTICIP > DUR t h e n ‘ ;
‘ t o c u e ‘ p a s t e 2 START (END + 300) 2
e l s e ‘ ; ‘ t o c u e ‘ p a s t e (PREV + 60) 2
Finally, onset information from the ’end’ markers (the
ones named ’fin’, as in Fig. 8 at 0’16”200”’) are used for
display information : the domain to be displayed on the
playing staff and on the preview staff (i.e. the staff-line
that is coming next, as for page turns) of the bach.roll.
‘ addma rke r $x2 : $x1
[ ‘ p l a y [ $x2 : $x1 ( $x2 : ( $x1 +1)+ 2 0 0 ) ]
‘ pr evi ew [ $x2 : ( $x1 +1) ( $x2 : ( $x1 +2)+ 2 0 0 ) ] ]
Each time the cursor hits one of these markers, the domain
display of both ’playing’ and ’preview’ staves are
updated, provoking at the same time an alternation up and
down between the position of those staves, so that the passive
(or ’preview’) roll looks like an anticipation of the active
(or ’playing’) one, resulting on a 2-staves display with
constant preview. 21
Figure 11. When the pause is short, the cue needs to be
provided as soon as possible i.e. just after the previous
singer’s phrase (see the PREV variable).>
4. A RASPBERRY PI HARDWARE EMBEDDED
SYSTEM SOLUTION FOR LOCAL NMPS
In search of a light plug-and-play dedicated system to be
sent over the post, the Raspberry Pi quickly appeared as
the best option to host SmartVox on an embedded system.
Node.js runs on Raspbian, and SmartVox proved to be very
stable on a Raspberry Pi 3, so, once installed, the only two
steps for a 0-conf deliverable hardware were:
Setting up a static address for a dedicated router (e.g.
tp-link...).
Starting SmartVox at boot.
Starting a script at boot can be done on Raspbian with a
file containing the following in the etc/systemd/system:
[ Uni t ]
De s c r i p t i o n =My s e r v i c e
[ S e r v i c e ]
Ex e c S t a r t =/ home / p i / Desktop / h e l l o . sh
[ I n s t a l l ]
WantedBy=mu l t iu s e r . t a r g e t
With the hello.sh script containing the following to launch
the server:
# ! / b i n / ba sh
cd / home / p i / Desktop / r i s s e t
npm run s t a r t
exe c ba sh
This low-cost system now allows the sending of ready-touse
scores. Once the system is power-supplied, all the performers
need to do is to join the dedicated Wi-Fi, and type
the static IP address of the server on their smartphone/tablet
(i.e. for the performers: 192.168.0.100:8000, and for the
conductor: 192.168.0.100:8000/conductor). In January 2019,
the system was rented to the Caen French conservatoire
via BabelScores, 22 thus proposing a rental of performing
scores (separate parts) of a new kind.
To make configuration even easier in the future, a lightweight
DNS server, like dnsmasq, could be installed and configured
on the Raspberry Pi to allow performers to enter a
friendlier, more human readable address to access the nodejs
server. Additionally, new ways of updating the scores on
the device could be explored to both simplify the process
and to limit the amount of data that needs to be sent out
to it. Currently, the most straight-forward way to update
the device is to send out a new disk image to be written
to the SD card at the other end. Piping the image through
xz substantially reduces the image file size, particularly if
the filesystem on the card contains a large amount of free
space. This can be done using the following terminal commands
to first create the image on one end and to then write
it on the other:
sudo dd i f =/ dev / d i s k 3 bs =4m j xz > common2 . i s o . xz
x z c a t common2 . i s o . xz j sudo dd of =/ dev / d i s k 3 bs =4m
(where /dev/disk3 is replaced by the SD card device name).
To make this process easier for the end user, it could also
be possible to have a web server on the device configured
to accept the upload of update packages. These would then
only need to contain newer versions of resource files (like
the videos used for the scores), so that the entire system
doesn’t need to be refreshed for minor changes.
5. CONCLUSIONS
This article presents an overview of the evolution of the
SmartVox project, with an emphasis on the artistic project
Common Ground, its more systematic use of algorithmic
processes for composition thanks to the bell language in
bach, as well as the Raspberry Pi emplementation of the
piece/server.
Acknowledgments
We would like to thank Cat Hope for having made this
work possible in Melbourne.
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[Online]. Available: https://hal.archives-ouvertes.fr/
hal-02347961
[17] J. Bell and B. Matuszewski, “SMARTVOX - A
Web-Based Distributed Media Player as Notation Tool
For Choral Practices,” in TENOR 2017, Coruña,
Spain, May 2017. [Online]. Available: https://hal.
archives-ouvertes.fr/hal-01660184
1 https://www.kekevilabelda.com/common-ground
Copyright:
© 2020 Jonathan bell et al. This is an open-access article distributed
under the terms of the Creative Commons Attribution 3.0 Unported License, which
permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided
the original author and source are credited.
2 See for instance SmartVox in India: https://youtu.be/7 FMqLg9vHM
3 Performances using this system often require large ensemble, up to
80 performers in Le temps des nuages, 12 instruments and 12 voices in
Mit Allen Augen, or 30 singers in SmartVox.
4 INScore [5] is an environment for the design of augmented interactive
music scores, opened to unconventional uses of music notation and
representation, including realtime symbolic notation capabilities. It can
be controlled in real-time using Open Sound Control [OSC] messages
as well as using an OSC based scripting language, that allows designing
scores in a modular and incremental way. INScore supports extended music
scores, combining symbolic notation with arbitrary graphic objects.
All the elements of a score (including purely graphical elements) have
a temporal dimension (date, duration and tempo) and can be manipulated
both in the graphic and time space. They can be synchronized in a
master/slave relationship i.e. any object can be placed in the time space
of another object, which may be viewed as ”time synchronisation in the
graphic space”. As a result, a large number of operations can be performed
in the time domain and in particular, moving a cursor on a score
is simply achieved using the synchronization mechanism and by moving
this cursor in the time space. Time in INScore is both event driven
and continuous [6], which makes it possible to design interactive and dynamic
scores. The system is widely open to network uses [5]: it allows to
use both local and remote resources (via HTTP), it provides a forwarding
mechanism that allows scores to be distributed in real time over a local
network. INScore has built-in solutions for monitoring the position and
the speed of cursors in an efficient way.
5 See https://www.youtube.com/watch?v=sTgTv9yqZhI for demonstration.
6 See the part of Soprano 1: https://youtu.be/FcF4oNxJweg
7 See SmartVox for instance: https://youtu.be/JZsJn7EEW-A
8 See In Memoriam J.C. Risset: https://youtu.be/hQtyu1dcCaI
9 See for demonstration: https://youtu.be/v-LlClEnxf0
10 See Shir Hassirim: https://youtu.be/7GpArQa6mQ4
11 See for demonstration: https://youtu.be/D6mCgx4pSxs
12 As in the following extract: https://youtu.be/7GpArQa6mQ4?t=26
13 See Mit Allen Augen: https://youtu.be/ET OBgFWx04
14 See for demonstration: https://youtu.be/2kdIaqAhUGs
15 See for demonstration: https://youtu.be/gZKONcOOhaE
16 See for demonstration: https://youtu.be/zN95OkWSDHY
17 Bach’s playback notification can be redirected to ableton via M4L
for precise synchronisation: see https://youtu.be/VJvY5wYl cM
18 See for instance the alto part: https://youtu.be/yWD6u2cPvSc. Slot
No4 (the yellow one here) is the one that stores the sample’s path.
19 See for demonstration: https://youtu.be/s4qS2khwkT0
20 See parameters tweaks on the right hand side for demonstration here: https://youtu.be/OKkiySEagm0. ONSET is in milliseconds and correspond
to the position in the timeline where the generation is happening :
as exemplified in the video 747618 ms correspond to 12’28”. The term
DUREE (French for duration) represents the duration of notes : the tempo
speeds up when durations diminished
21 See for instance the tenor part: https://youtu.be/NLpI OpFcTs
22 Babelscores (https://www.babelscores.com/) currently
supports actively supporting the SmartVox project:
http://1uh2.mj.am/nl2/1uh2/lgi4u.html. The first piece performed
in Caen with the Babelbox is available at the following address :
https://youtu.be/wUyw0KQa5Wo
Un manuscrit énigmatique quant à sa provenance et sa destination, celant en son sein des énigmes musicales et poétiques, parfaite illustration d’un art dit Subtilior... le Codex Chantilly, MS. 564 de la bibliothèque du château de Chantilly, constitue l'une des plus riches collections de musique française de la fin du Moyen Age. Parfaitement conservé, il témoigne de l’imagination et de la virtuosité des musiciens qui explorèrent les limites de la notation musicale récemment établie. Les « subtilités » concernent à la fois la musique -rythme et polyphonie- et le texte, son sens, sa forme, la façon d’user du langage. Les compositeurs parsemèrent habilement leurs oeuvres de rébus, d’acrostiches, de jeux de mots, de citations, d’allusions mythologiques, politiques ou amoureuses. Ils rivalisèrent d’intelligence mais aussi et surtout de sensibilité, car la dimension intellectuelle de cet art reste au service d’une indéniable beauté.
La cohérence du répertoire est remarquable et suggère que l’intention du copiste était de créer une anthologie de la musique française du XIVème siècle de Machaut à Cordier, des années 1350 au début du XVème siècle. Un trentaine de compositeurs y est représentée et soixante et une pièces sont des unica. La majorité est de style Subtilior.
Plusieurs hypothèses quant à la provenance du manuscrit ont été formulées mais la plus probable soutient qu’il s’agirait d’une compilation faite à partir de plusieurs sources françaises. Divers éléments graphiques, comme des portées de six lignes, la forme de certaines lettres, des dessins de plume ainsi que des tournures «italianisantes» dans la copie des textes français, corroborent l’origine italienne du scribe. Le répertoire du manuscrit est, quant à lui, catégoriquement français et prouve le profond intérêt qu’entretiennent la France et l’Italie ainsi que les nombreux échanges entre les musiciens de ces deux pays.
La fastueuse mise en page permet de supposer qu’il s’agirait d’une commande. L’heureux commanditaire demeure toutefois inconnu. Il semblerait que la copie et les décorations soient restées inachevées, sans que l’on puisse en déterminer la raison. D’après les événements évoqués dans les textes et les informations concernant certains compositeurs, nous pouvons dater la copie de ce manuscrit aux alentours de 1420. On y trouve l’indication de liens avec les cénacles les plus raffinés de cette fin de siècle comme les cours de Foix, d’Aragon, du duc de Berry, la cour royale de France et la cour papale d’Avignon. Des tournures picardes y témoignent de l’origine de certains auteurs au nord de la Loire. On le sait, les musiciens voyageaient beaucoup et les échanges étaient nombreux.
D’après la dédicace, le manuscrit est à Florence en 1461, offert par Lançalao Alberti aux filles de Tommaso Spinelli. Celui-ci est chef d’une famille florentine parvenue aux sommets du pouvoir. Il a de nombreuses relations d’affaires, en particulier avec Pierre de Medicis, ils sont voisins et ont des filles du même âge. D’après A. Stone et Y.Plumley (Chantilly Codex, Manuscript 564), les filles de ce dernier ont «l’habitude de chanter des chansons françaises lors des divertissements d’après-dîner organisés pour les invités ». On peut dès lors imaginer ces demoiselles interpréter les oeuvres de Solage, Vaillant, Senlèches... A l’époque, la «ménestrandie» participe à la vie quotidienne de toutes les classes sociales, en particulier chez les gens de haute naissance où il est d’usage de chanter et de jouer d’instruments de musique, surtout parmi les dames. On sait notamment, grâce à des inventaires, qu’à l’époque, Isabeau de Bavière, femme de Charles VI, Valentina Visconti, femme de Louis d’Orléans, Isabelle de France, fille de Charles VI... jouaient de la harpe. Cette musique ne serait donc pas étrangère aux femmes, n’en déplaise à ceux qui douteraient encore!
La notation de l’Ars subtilior fait partie intégrante de l’identité de cette musique et la grande réputation du manuscrit lui est en partie due. Pour mieux saisir les enjeux de cette écriture, souvenons-nous que jusque-là, la musique était rattachée par le biais du rythme à une symbolique ternaire évoquant la Trinité. Depuis les innovations de l’Ars nova, le temps musical avait changé de maître : il n’était plus l’affaire de Dieu, mais celle des hommes. Pendant tout le XIVème siècle, compositeurs et théoriciens cherchèrent à établir une notation musicale cohérente, capable de rendre compte de toutes les possibilités sonores. Cette plasticité nouvelle de la notation a induit une audace créatrice, engendrant à son tour de idées musicales nouvelles, dans un élan de spéculation et de découverte.
La « subtilité » de cette musique s’accomplit aussi dans le sourire : il y a du jeu. Loin d’aller au plus simple dans les choix d’écriture, nous constatons dans nombre de manuscrits de l’époque, que le scribe ou le compositeur -difficile à déterminer- s’amuse des diverses possibilités de l’écrit et adresse à l’interprète le soin de défricher le périlleux chemin menant à une lecture « juste » de la notation. Cette notation contient une forme de relativité car la valeur d’une note y est fonction de la valeur de la note précédente ou suivante, qui l’« altère » ou l’« imperfecte ». La compréhension d’un signe dépend donc de son contexte. Le regard du lecteur-musicien qui déchiffre cette écriture est, presque à chaque signe, interpellé et sa compréhension remise en question.
Ne pourrions-nous relier cette approche avec la notion de perspective, ou « vue traversante », qui « renaît » au XIVème siècle ? En effet, la mise en perspective du sens et de la forme de l’œuvre musicale à travers le support de la partition semble pouvoir faire écho aux formes de représentations picturale et architecturale. Notre regard traverse le tableau, l’oeuvre, y passe pour plonger dans un espace illimité, infini, mais déterminé par des lois mathématiques et géométriques. La découverte du point de fuite, c’est la découverte d’un espace infini. Dans son célèbre tableau, Les Arnolfini (1434), Jan Van Eyck figure sa propre image reflétée dans un miroir, un objet dans l’objet. L’écriture de l’Ars subtilior nous incite à traverser différents plans en profondeur, vers un inconnu. Ce n’est que lorsque ces plans sont traversés -notation, forme visuelle, structure et texte- que l’espace entier fait sens, l’infini à l’horizon.
Les pièces
Le répertoire français du XIVème siècle est dominé par des chansons polyphoniques de formes fixes et Chantilly en constitue un ensemble représentatif : 70 ballades, 17 rondeaux, 12 virelais et 13 motets. La quête d’inédit, L’audace est commune à nombre de pièces, tant dans l’ emploi de syncopes de conflits rythmiques, de ficta, de dissonances que dans les proportions numériques.
Naissance
Aujourd'hui, il suffit, sur son smartphone, d'appuyer sur la fonction désirée pour qu'un flot
de musique s'écoule dans vos oreilles à travers casque ou écouteurs. Effort à minima et médiocrité sonore assurés.
Mais tout n'a pas été aussi simple. La musique enregistrée est une longue histoire de cent soixante ans qui débute, en France en 1857
Le 9 avril de cette même année, l'ingénieur Leon Scott de Mantinville grave "Au clair de la lune", sur une membrane noircie à la fumée d'une lampe à huile. Il nomme son invention, cette toute première machine à enregistrer un son, le "phonotographe". L'expérience s'arrêta
là, car il ne put mettre au point une technique de lecture apte à écouter ce qu'il avait enregistré. Cette invention, tombée dans l'oubli, est redécouverte en 2008 par une équipe
de chercheurs en informatique qui parvient à lire ce message enregistré, plus que centenaire, grâce à une technologie dernier cri.
L'aventure rebondit grâce à Charles Cros, un professeur de chimie, poète à ses heures,
qui se consacre à la recherche scientifique. En avril 1877, il adresse à l''Académie des sciences un mémoire décrivant le principe d'un appareil de reproduction des sons qu'il nomme paléophone et réussit un enregistrement mais comme son prédécesseur bute à son tour
sur le problème de la reproduction de ces sons, visiblement enregistrés mais que l'on ne peut écouter.
Le Tournant
Il aura lieu aux USA en cette même année 1877.
Vendeur de journaux à 12 ans, devenu quasiment sourd l'année suivante à la suite d'une scarlatine, Thomas Edison (1847-1931), l'homme aux 16 brevets et inventions, dont entre autres l'ampoule électrique, met au point parallèlement à Charles Cros, un système d'enregistrement et de reproduction sonore : le phonographe. Les premières machines sont munies d'un cylindre en acier recouvert d'une feuille d'étain. La gravure du message sonore est effectuée par une aiguille qui transforme les sons en vibrations et trace un sillon continu. Le porte-aiguille se déplace horizontalement le long du cylindre. L'enregistrement, limité
au début à une ou deux minutes, est lu par la même aiguille dont les vibrations sur un diaphragme mince sont amplifiées par un cornet acoustique. Afin de permettre la diffusion
de ces premiers enregistrements, un mécanisme de reproduction sur cylindre de bakélite
est mis au point. C'est un succès commercial. L'industrie discographique voit le jour.
Le Phonographe, cette nouvelle invention révolutionnaire, est présenté dans toutes les expositions et foires industrielles. En France les frères Charles et Emile Pathé décèlent
son potentiel. La société Pathé doit emprunter 700 francs pour acheter son propre phonographe et commence à le présenter sur le marché. En 1895, elle ouvre son propre atelier de phonographes et l'année suivante, les frères Pathé auront des bureaux et des studios d'enregistrement non seulement à Chatou, mais aussi à Londres, Milan et Saint-Pétersbourg.
La France possède sa première multinationale du "disque".
La révolution horizontale
Emile Berliner nait à Hanovre en 1851 au sein d'une famille de commerçant en textile, débute sa vie professionnelle comme apprenti imprimeur puis devient commis dans une boutique
de tissus, suivant ainsi la tradition familiale. En 1870, pour fuir la guerre entre la France et la Prusse, Berliner émigre en Amérique. Là il se laisse guider par sa passion: la recherche scientifique. En 1876 à l'occasion d'une exposition à Philadelphie, il assiste à la démonstration d'un protopype de l'invention de Graham Bell: le téléphone. Mais l'expérience n'est pas concluante faute d'un bon capteur. Berliner décide de trouver une solution à ce problème.
Après un travail intense, en 1876 il met au point le capteur transmetteur qui faisait défaut:
un microphone. Il dépose son brevet qui est immédiatement acheté par Graham Bell.
Le téléphone est né.
L'ingénieur allemand ne s'arrête pas en si bon chemin. Un peu plus de dix ans après l'invention de Thomas Edison, en 1886, il met au point le gramophone.
Contrairement à la gravure verticale (spirale parfaite à profondeur variable) de son prédécesseur, le son capté n'est plus gravé sur un cylindre mais se fait horizontalement,
à une profondeur égale, le sillon gravant son onde en largeur. Parallèlement, pour dupliquer ces disques horizontaux, il met au point une matrice.
Ces inventions reçoivent les brevets américains (n° 372,786/382,790) entre 1887 et 88.
Emile Berliner présente pour la première fois en public cette technologie au mois de mai
1888 au Franklin Institute de Philadelphie.. Une page est tournée.
Les premiers pas
Cylindre et gramophones vont se livrer une âpre compétition. Au début le premier
a l'avantage car il peut reproduire jusqu'à trois minutes de musique ou de parole,
contre deux minutes pour le second et l'équipement de lecture est plus pratique que
celui mis au point pour la "lecture horizontale". Parallèlement, Emile Berliner rencontre des difficultés avec son invention. En 1890, aux USA, sa société " The American Gramophone Company" capote avant même d'avoir pu débuter sa production. Puis une autre société
est lancée en Allemagne avec la fabrique de jouets Kämmer & Reinhardt qui commercialise des disques de 13cm en caoutchouc dur. Second Echec.
Ne s'avouant pas vaincu, quatre ans plus tard, Berliner lance une nouvelle société " United States Gramophone Company" qui fabrique des tables de lecture et des disques de 7cm
en caoutchouc dur jusqu'en 1895 quand une nouvelle matière est utilisée: un vernis en gomme laquée (nommé shellac compound) qui à travers diverses améliorations restera le matériel
de base jusqu'à l'arrivée du vinyle. L'année suivante Eldridge Johnson qui, à Philadelphie fabrique les gramophones, améliore ces derniers en remplaçant le système de lecture par rotation manuelle à l'aide d'un ressort. Une nouvelle société, la Victor Talking Machine Company est lancée.
Rappelons qu'à cette époque les masters sont gravés directement sur du zinc, puis après électrolyse, transformés en un négatif, avant d'arriver à la matrice. Ce procédé, sera utilisé jusqu'à l'arrivée du Compact disc.
The Gramophone Company,
Déjà à l'époque, le succès des "gramophones" était lié à l'accroissement de la production "discographique" et à l'augmentation de la qualité artistique. Berliner lance "The Gramophone Company" dans ce but, en 1998. Le succès de cette aventure donnera naissance, au XX è siècle, aux plus célèbres éditeurs discographiques mondiaux grâce à la rencontre entre deux hommes: Emile Berliner et Fred Gaisberg en 1893. Gainsberg est alors âgé de 19 ans et offre ses multiples services en matière de musique et d'enregistrement à l'inventeur
de Gramophone. Il gagne sa confiance et Berliner le charge de monter un studio d'enregistrement à Philadelphie. Un tournant définitif aura lieu en 1898, lorsque Gaisberg s'établit à Londres pour puiser dans le vivier artistique européen. Norman Lebrecht, historien du disque et témoin incomparable de la vie musicale internationale, dans son livre "Maestros, Masterpieces and Madness" nous raconte le premier succès de la "Gramophone Company": "En 1902, Gaisberg, par l'intermédiaire du pianiste Salvatore Cottone, approche à Milan
le jeune ténor Enrico Caruso et lui propose un contrat. Le ténor, fort de ses premiers succès au Metropolitan Opera et Covent Garden, demande un cachet de 100£ pour une série de 10 arias.
"Exorbitant, interdiction formelle de réaliser ces enregistrements", télégraphie de Londres la maison mère. Gaisberg passe outre. Le résultat est un best seller instantané : "The first Gramophone hit", commente Lebrecht. Grâce à ces disques Caruso devient une "star" mondiale. À sa mort, en 1921, Caruso laisse un héritage de deux millions de dollars, toujours selon Norman Lebrecht. "Ces enregistrements de Caruso, poursuit-il, montrent au reste de la profession que l'enregistrement n'était pas uniquement un 'gadget'." Pour les artistes, particulièrement les chanteurs, le "gramophone" est devenu la clé du succès, de la notoriété
et le ticket d'entrée pour la postérité.
À partir de 1912, près de deux millions de gramophones sont vendus annuellement.
Et Lebrecht d'insister: "Dans la trinité des pères fondateurs de l'enregistrement, Si Edison sut graver le son (et le restituer), Berliner inventa le gramophone et Gaisberg créa l'industrie musicale".
Quelques liens pour en savoir plus
https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27enregistrement_sonore
https://www.youtube.com/watch?v=c-zIxlSBMSI
https://fr.wikipedia.org/wiki/Emile_Berliner
https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Edison
http://www.delabelleepoqueauxanneesfolles.com/Pathe6.htm
https://en.wikipedia.org/wiki/Fred_Gaisberg
Chapitres à venir
II L'âge d'or du 78t.
III Le disque sous l'occupation
IV Microsillon et Stéréo
V L'ère numérique du CD au streaming.
... C’était un soir d’avril en 2018. L’historien de l’art et commissaire du Musée de l’Invention & Subtil Collection se présentait à l’autre bout du fil. La
voix de Pascal Pique dégageait quelque chose de familier. Je l’ai entendu en
écoutant ses petites fréquences qui composent le corps sonore dans le
timbre de la voix. Ses minuscules sonorités qui soufflent avec les mots, les
pauses et entre les respirations une cadence dans la vocalisation des syllabes qui deviennent phrases.
Je suis particulièrement intéressée aux sons et très concernée par les effets
des fréquences et harmoniques dans l’inventaire sensoriel présent (aussi)
chez les humains. Depuis toujours je suis en interprétation quant aux mimétismes et modes d’interaction pratiqués par ces ancêtres incroyables que
sont les plantes sauvages: arbres et fleurs médicinales. Ainsi, avec Pascal
Pique j’ai donc porté une deuxième attention à notre communication. Un
paysage sonore étendu comme un fil à linge rempli par une palette des couleurs - couleurs des mots - et par des tonalités entre ses sons et son silence.
L’anthropologue française Barbara Glowczewski avait indiqué mon nom, afin
d’intégrer la liste des artistes conviés à la nouvelle exposition du Musée de
l’Invisible. Barbara est aussi une sorte de passeuse. Elle met toujours en relation les électrons: trop libres pour se rencontrer par eux-mêmes. Elle
pressentait, bien évidemment, qu’un tel musée ne pouvait pas passer inaperçu à mes autres sens cachés... Tout mon corps répondait, phrase après
phrase, puisque Pascal Pique avait une idée bien à lui pour l’exposition de la
toute première « Subtil-e Collection » dans un musée hors norme: un musée
sans murs. Un musée nomade. Un musée de l’invisible, pour l’invisible et à
propos des invisibles... Aussitôt mon âmezonie était toute ouïe puisque mon
esprit sauvage se réjouissait des possibles mystères dans le parcours à entamer auprès des artistes, plus ou moins visionnaires quant aux défis rêvés
par le commissaire de l’exposition.
Je me souviens parfaitement de cette sensation de frémissement qu’enveloppait ma colonne vertébrale... Une vibration légère, mais suffisamment
intense... Un coup de froid et un coup de chaud... De petits picotements qui
grimpaient de mes orteils vers mes talons... Ensuite une première couleur
traversa la pièce d’un bout à l’autre... Tout en la regardant j’ai écouté
l’homme qui à l’autre bout du fil ne songeait pas que sa propre voix imprimait une tonalité jaune pâle suivie par une couleur quasi corail sur le mur
du salon... Puis un goût remplaçait les couleurs... Je l’ai gardé un peu afin
de le reconnaître avant de l’avaler... Et c’est ainsi que ce goût de l’autre,
accompagné d’un enthousiasme réciproque et spontané, a assuré un premier lien. Un goût particulier. Un pont entre deux parfaits inconnus. Un goût
de l’autre malgré la distance physique. Lui vers Toulouse, moi, dans une Valério entre les montagnes d’Isère. Un goût, une couleur, une vibration, une
température, des picotements qui m’ont convaincue de m’associer à l’aventure d’une « Subtil-e Collection » par les mondes (des) invisibles entremêlés
à la réalité de ce monde. Et, plus particulièrement, par des œuvres d’artistes qui se prêtent aux visions invisibles entant qu’artistes visionnaires.
Quelques temps plus tard j’ai posé toutes les questions qui m’ont semblé
incontournables dans une telle entre-prise. Pascal Pique a répondu promptement ou presque... Il a laissé la place libre aux découvertes, aux incertitudes, aux vertiges créés dans cette conversation assez inattendue parce
que nous étions bien au-delà des aspects formels et pragmatiques concernant l’exposition à venir. Nous discutions comment notre existence actuelle
tournait au rythme de sa propre confusion. À qu’elle sombre sinon obscure
vitesse nous assistions à de multiples disparitions, transformations et métamorphoses. Nous divaguions. Nous ressentions quelques intuitions communes. Nous prenions le temps par la queue de dragon rouge...
...Le dragon remonte et revient de temps à autre au cœur de notre époque,
afin qu’elle sache assumer, autrement, ses propres contradictions et ruptures. Accepter aussi que le principe de l’incertitude compose la santé
d’une dynamique personnelle et collective, car (tout) contrôle contre toute
forme d’incertitude est promouvoir les vestiges d’une psychose individuelle,
sinon sociale. Ainsi, SI - comme la note musicale - SI les invisibles perdurent
dans les mailles du visible, il me semble important à reconsidérer l’imprévu
et le provisoire dans la marche d’un processus vers un autre changement. La
métamorphose est elle aussi invisible dans sa propre durée. Dans ce sens
l’incertitude fait partie de la méta(morph)OSE : ce qu’ose oser au-delà des
formes visibles vers un invisible traverse l’incertitude. Un rêve à réaliser. Un
songe social à accomplir. Une transformation qui transpose l’ordinaire. Ceci-
dit l’incertitude n’est pas une fatalité sociale, culturelle, politique ou anthropologique. Elle parti-cipe aux mouvances. Forces invisibles dans un visible... en trans-form-a(c)tion... toujours.
Tous ces aspects me sont remontés durant mon silence à son écoute... Le
commissaire Pascal Pique poursuivit son chemin... Avant la fin de notre
conversation Pascal m’a annoncé qu’une invitation formelle me serait
adressée, accompagnée d’un descriptif des propos de cette exposition dans
le cadre du Musée de l’Invisible. Quelques semaines plus tard j’ai été à nouveau interloquée par le contenu du texte envoyé. Je me suis demandée si
Pascal avait été tout à fait conscient quant aux implications et déroulements vis-à-vis des territoires, des dimensions et des forces « invisibles »
lorsqu’elles sont provoquées par des pratiques artistiques « visionnaires ».
Visionnaires vers qu’elles visions, directions et propositions ? Visionnaires
par qu’elles alliances invisibles ? Est-ce-que visionner l’envie d’invisible fait
de chacun de nous un visionnaire ? Visionner l’envie du visible par l’envie
d’invisible : comment - pour quoi, pourquoi - parce que...
Dans un contexte marqué et maîtrisé par un tableau, une œuvre, un art et,
pourquoi pas par chaque art-iste, comment, alors visionner l’invisible et
poursuivre les invisibles sans que l’œuvre et l’artiste perdurent eux-mêmes
invisibles ? Tous ces propos m’ont amenée à voir comment je pourrais m’in-
tégrer dans une telle aventure.
Pascal Pique a accepté l’incertitude dans l’invisible...
Une animiste-immaniste, dont le chamanisme archaïque ne se relie pas du
tout au folklore contemporain qui forge le faux en vrai en forgeant les
forces invisibles vers une vérité véritable et figée...
Une « vérité » qui se veut attachée à la cause désespérée et désespérante
vers une écologie émergente, mais sans changer les ambitions capitalistes.
Une « vérité » accablante et constamment transformée en politiques politiciennes qui ne font sinon tort aux derniers peuples premiers.
Enfin, une « vérité » troublante lorsque les sciences décident, reprennent et
désignent sous-tutelle scientifique ce qui est décidé comme véritable, vrai,
mesurable et prouvé.
Cela dit j’ai souligné que l’incertitude requiÈRE profondeur, exploration-s,
constance et continuité. Une exposition est sans doute passagère, mais les
invisibles existent avant et perdurent à jamais.
Tel un piano qui réclame du pianiste une capacité (autre) de réinventer les
88 touches de son instrument, il me fallait dépasser les sensibilités occidentales. Faire un saut au-delà du visible dans les œuvres artistiques. Faire en
sorte d’ouvrir une autre conscience et approche. Et pourquoi pas, dans mon
cas pour cette exposition, permettre un accès à ce que n’est pas l’audible
(pour tous), mais présent ( d’une manière invisible ) dans les formes, cou-eurs, thèmes et matières qui constituent le travail des artistes-visionnaires.
Dans ce sens-là pourquoi pas, alors surmonter les cinq ou les six sens primaires et lire les œuvres, sans les interpréter, mais les relire au-delà des
traits et perceptions connues et reconnues dans les appréciations des arts
plastiques et contemporaines ?
Œuvrer. Ouvrir. Franchir. Traverser des brèches. Approfondir les mystères.
Identifier, si possible des portes, des dimensions, espaces, territoires et
forces invisibles qui se cachent sous la forme d’une partition sonore, dont
les fréquences sont à l’intérieur des peintures, tableaux, dessins, sculptures
et créations artistiques par les gestes et mouvements employés par les artistes-visionnaires. Trouver un possible par la signature énergétique de
chaque artiste et des matières utilisées au long de chaque projet artistique.
Je me suis demandée si Pascal avait avait du temps, car il devait, bien entendu, répondre à des compromis précis . Un agenda. Un calendrier. Un
budget ou peut-être l’absence de budget. Le temps en occident coûte très
cher, et certaines réponses ne viendront sinon après...plus tard.
Ci-dessous voici la copie de la lettre sur l’exposition à venir, préparée et
transmise par Pascal Pique, en avril 2018. Son texte est bien évidemment
une manière de (re)présenter les « visionnaires » et « l’invisible » à tous publics y compris les partenaires et investisseurs. En même temps la lettre de
Pascal m’a été adressée en guise d’une première réponse vers un lien possible...
***
Le 24Beaubourg et le Musée de l'Invisible/Subtil Collection inaugurent avec l’exposition - Les visionnaires #1 - un partenariat en vue de présenter à Paris une programmation d'expositions consacrées à l’art visionnaire et aux relations que les artistes entretiennent avec les multiples formes de l’Invisible. Cette collaboration est également orientée vers le développement de la Subtil Collection qui est l’organe économique du Musée de l'Invisible.
L’art visionnaire est fondé sur un élargissement de la conscience et de la perception du monde tangible, physique et visible. Cet art permettrait d’accéder à
d’autres formes de réalités et de vécus. Il est souvent associé à des pratiques de
quêtes de vision dont une large palette est abordée dans cette exposition qui rassemble une quinzaine d‘artistes.
Les œuvres présentées ici déploient des imaginaires et des visions singulières. Elles
peuvent faire appel à la méditation profonde, au rêve nocturne ou au rêve éveillé,
comme à l’hypnose, à la télépathie ou à d’autres formes encore de métagnomie,
telles la médiumnité ou la clairvoyance. Elles peuvent mettre en jeu des formes de
transparences et de transcendance. Ainsi que des archétypes a dimension mythique, spirituelle ou mystique. Voir ésotérique.
Parmi les artistes réunis ici certains développent des formes de relationnel avec les
forces de la nature à travers le magnétisme et la polarité, ou encore la transe et
les pratiques extatiques chamaniques. Ou encore l’écriture, la peinture ou le dessin automatique à partir de perceptions extra sensorielles. Autant de domaines qui
sont des outils que l’humain explore et pratique depuis la nuit des temps.
Pourtant, l’art visionnaire a longtemps cantonné à une forme d’art brut, alors qu’il
correspond à une réalité fondamentale de la création artistique à travers les périodes, les cultures et les modes d’expression. Il s’agit d’une constante à travers
toute l’histoire de l’art qui a été largement occultée ou dépréciée et sur laquelle
un nouveau regard commence à être porté.
Actuellement les pratiques visionnaires font un retour important dans la création
contemporaine et plus généralement dans le vécu de populations de plus en plus
nombreuses à travers la planète. Il ne s’agit pas seulement d’un phénomène de
mode mais d’un mouvement profond qui touche différents domaines de la culture,
des sciences et la technologie. A quoi tiennent ces phénomènes ? Quelles réalités
et quels enjeux recouvrent-ils ?
En vue de répondre à ces interrogations, l’exposition Les visionnaires #1, invite à la
relecture de ces réalités à travers les œuvres d’art. A la manière d’une anthropologie ou d’une épistémologie qui auraient abandonné leur surplomb condescendant à
l’égard de ces sujets. La position sur ces questions adoptée ici est celle que le Musée de l’Invisible expérimente dans le cadre de son projet culturel et scientifique
depuis 2014.
Elle se situe à la croisée des points de vue rationnels et des approches plus « ouvertes », qu’elles soient ésotériques ou transcendantes. Tout en gardant une forme
de vigilance lucide. La vocation du Musée de l’Invisible et de cette exposition en
particulier n’étant pas de labelliser une nouvelle tendance esthétique mais plutôt
de remettre à la disposition du plus grand nombre certaines ressources culturelles
et cognitives qui ont été occultées.
C’est pourquoi exposer et accompagner des œuvres issues de certaines pratiques
visionnaires est d’une véritable importance dans un monde dont le désenchantement relève aussi d’une déconnexion de ces réalités constitutives de l’humain.
C’est pourquoi l’exposition Les Visionnaires #1, rassemble des artistes et des personnalités de divers horizons (économie, entreprise), qui partagent et dessinent
une communauté de création et de vécus à travers un véritable travail de la vision.
Le processus visionnaire est à la fois exigeant et délicat. Il engage l’être entier
dans ce qui le relie au monde. Il met aussi en jeux des réalités encore mal connues
qui interrogent le monde scientifique jusqu’à dévoiler d’autres facettes de la réalité visible.
Comme celle d’une conscience élargie qui n’est plus limitée aux contours du cerveau humain. Cette ouverture à certaines formes de l’Invisible, que l’on appelle
parfois le « non-humain » laisse apparaître de nouveaux horizons propices à une
inscription plus harmonieuse dans l’univers.
Commissariat : Pascal Pique, le Musée de l’Invisible
***
... Étant donné les propos tenus j’ai dû clarifier quelques aspects. Il fallait
que Pascal sache mon incapacité à me servir de mes mains pour faire de
l’art. Je ne suis pas vraiment artiste. En tout cas mes mains ne peuvent pas
prodigieusement mettre en vie des œuvres, comme le font différents
peintres, sculpteurs, dessinateurs et créateurs.
Mon « art de vivre », si je peux m’exprimer ainsi, est un art inhérent, archaïque et en quelque sorte ontologique. Mais attention, aucune religion.
L’immanence n’est pas dévouée aux utopies et moins encore à la transcendance et aux impasses, dogmes et conventions religieuses. Il s’agit indubitablement d’un Art-de-vivre; comme un Art-de-Lier et très souvent de relier. Cet art a été initié et largement exploré par d’innombrables animistes,
sorciers, guérisseurs, coupeurs de feu, «pajés», «curandeiros» et chamans
de générations précédentes.
Mon art ne s’apprend pas dans les écoles des Beaux-Arts ou dans les universités. C’est un « art » sans la dénaturation qui a donné naissance à la
Culture et à l’Art. J’ai pourtant essayé de communiquer à mes collègues
universitaires et scientifiques que les sciences, cultures et arts doivent faire
rêver et incarner des rêves lucides et pourquoi pas extralucides, car les
mystères de la vie sont plus vastes et incommensurables.
C’est un art immaniste, animiste et métaphysique. Il s’agit d’un art ances-
tral tout comme il est primitif ou primordial. C’est l’art avant les arts en
Occident ou ailleurs. Il est un art incarné par des êtres non-humains et certains humains qui traversent, depuis les nuits et au-delà du temps, d’autres
espaces du vivant et d’autres dimensions hors de la réalité ordinaire. C’est
l’art des invisibles, indubitablement.
J’ai essayé de lui décrire autrement...
Un art ancré par les esprits des bois, sous-bois, jungles et forêts. Un art-de-
vivre issu des convergences et des interactions avec les mystères cosmiquesterrestres. Tout cela, depuis des espaces-temps convergents, dont les correspondances, contraste et continuités peuvent subir des discontinuités,
contrastes et divergences.
Un art autrefois relié à travers la peinture céleste par les Gens des Nuages,
les Chamans des Étoiles, les Gardiens des Archives AKAshiques et transposés
dans les secrets de Totems, par les Esprits des Forêts, avec les Esprits d’Eau,
dans l’animisme et immanence des plantes et fleurs sauvages, par des avatars désignés, par les codes de la Terre : Savitri, par divers manuscrits sacrés tels que Vèdas, Upanishad et les neuf autres textes fondateurs et les
trente-six tribus appartenant aux femmes qui savent, en Sibérie, les Yaqui
et Kalawalta en Bolivie, les premiers Esséniens, avant la Palestine du temps
présent, les Druides et l’oracle des arbres, les peuples des pierres et ceux
qui vivaient quasi exclusivement dans l’océan, sans omettre aussi les visionnaires Egyptiens, Isis, Ré et Sérapis Bé, ou les sources des sorciers des clans
disparus en Amérique Centrale et, notamment, au Mexique jusqu’au Nou-
veau Mexique Amazonie et en Patagonie : Aoniken, Hawsch, Kawesqar, Yámanas, Tjords, Selk’nam et, hélas, aussi les Py’aroba et Yámana.
Tout un art forgé sans fer et sans feu. Un art étendu par la succession des
âges, par la force des espèces, par la résilience des mondes vivants entre la
terre du Haut et la terre ici-bas. Autrement dit un art entre in-visibles. Un
art non-humain avant tout, puis un art animiste. Une force par les immanences d’une infrastructure, autre, sans les labyrinthes croisés par la
conception du temps et des temps d’Histoire; figés. Un art sans doute indépendant et libre d’un avant et d’un après engendrés par l’Anthropocène
et les intelligences artificielles.
Pascal Pique découvrait une langue plus étrange et peut-être étrangère à
toutes celles disparues et les langues en disparition. Possédant une certaine
intuition et un champ de sensibilité assez ouvert, il pressentait si bien les
choses malgré mon « langage forestier » dans sa langue-mère française.
Sans doute, avait-il saisi que nous devions traiter tout cela avec prudence,
car une exposition sur les forces invisibles implique une (autre) conscience
quant à certaines limites et frontières à n’a pas franchir ou, en tout cas, à
bien maîtriser sans tout mélanger. Comprendre que l’invisible n’est pas un
singulier atteignable, mais des pluriels complexes et infini-s. Une liberté
loin d’un symbole national. Un infini sans UN, et principalement l’infini libre
de rester libre ou détaché de toutes nouvelles catégories, concepts , cata-
logues, codes, principes, moyens, buts, finalités. L’infini sans emprises et
surtout sans le risque d’une intelligibilité universitaire, artistique ou autre.
... C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à digresser et à entreprendre
un premier chemin inattendu quant à d’autres manifestations animistes.
Nous parlions des minéraux, cailloux et des pierres-de-soins. Un tout autre
art subtil, car le langage minéral est encore plus varié que celui des plantes
sauvages (arbres et fleurs médicinales). Cela était loin d’être un détail superflu ou un détour pendant notre conversation. Nous, Pascal et moi, nous
étions en pleine traversée par et vers d’autres subtilités ou subtiles collections avant de discuter à propos de certains artistes-visionnaires qui avaient
utilisé soit du sable, du verre, du métal et des pierres, soit d’autres composants plus ou moins similaires, naturels ou synthétiques .
Pascal Pique voulait s’assurer de ma possibilité de pouvoir communiquer par
d’autres moyens (non artistiques) lorsque j’observais des tableaux et peintures, créations et sculptures, dessins et croquis tels qu’on peut les voir
fréquemment exposés dans différents musées et galeries.
C’est ainsi que j’ai avoué une partie des savoirs maîtrisés par les
« Py’aroba ». Avec ses hommes-et-femmes sources d’antan, j’appris à décrypter les hologrammes des plantes médicinales et fleurs sauvages ou
comme je préfère les nommer : les âmesgrammes. Par cela je veux dire
qu’il y a d’autres communications (invisibles et inaudibles pour la plupart de
personnes) qui composent la face visible des êtres de Nature.
Ce « savoir-faire » ne constitue pas cependant les connaissances des
cueilleurs et distillateurs, tandis que dans notre approche, c’est-à-dire,
celle des derniers « Py’aroba » (les dernières sources d’hier, les derniers
sorciers des forêts) nous sommes censés être en interaction complexe avec
les végétaux, et aussi les minéraux, eaux, âmes, animaux et invisibles non
humain, organique et non-organique.
Ce savoir m’a permis saisir le mimétisme et l’animisme particuliers vers
d’autres interactions singulières entre les mondes visibles et invisibles.
C’est une sorte de communication (inconnue pour la plupart des gens),
puisqu’ils ne ressentent pas les signaux sonores et sensoriels émis par les
fleurs et plantes sauvages, les pluies, les ruisseaux, les fleuves, les vents,
les âmes...
Ainsi, pour ce que représentent les sculptures, les tableaux et les dessins
des artistes choisis dans le cadre du Musée de l’Invisible, je devais pouvoir
transposer mon animisme auprès des plantes vers les œuvres de la toute
première « Subtil Collection », afin de vérifier, saisir, interpréter (et si possible décoder) les sons et fréquences, rythmes et vibrations, températures
et mouvements, goûts, parfums ou odeurs liés/associés aux thèmes, et
principalement aux traits, formes, gestes des artistes à travers l’œuvre dans
son ensemble : couleurs, matières et énergies (re)présentées dans chaque
projet artistique choisi au sein de cette exposition.
Cela dit, j’ai tenté de lui expliquer que mon écoute des tableaux, dessins et
sculptures pourrait dépasser les modes d’interaction habituels lorsqu’un public visionne une exposition, autrement dit, que mon approche et communication avec les invisibles pouvaient peut-être fonctionner aussi bien auprès
des œuvres choisies par Pascal. De toutes manières - comme je ne connaissais ni les artistes, ni leurs œuvres - ma contribution comme visionnaire serait celle d’écouter d’abord les couleurs et les formes issues des tableaux,
dessins et sculptures et par la suite essayer une interprétation sonore en réponse aux fréquences et harmoniques perçues dans les œuvres. J’ai proposé
à Pascal de m’envoyer les photos imprimées des œuvres ou au moins une
image numérique de chacune, dont la résolution pourrait peut-être permettre de la ressentir toute proche.
En ce sens j’ai dû bâtir toute une nomination, description et classement par
œuvre et par artiste, afin de pouvoir me (re) trouver au milieu d’une palette de couleurs et de fréquences très variées et variables d’une œuvre à
autre/ d’un artiste à autre.
Ainsi, et pour la première fois je me suis mise au service des œuvres. Je
veux dire par là que j’ai été dans une interaction singulière; une empathie
d’autre nature avec chaque œuvre. Par une synesthésie complexe cette
mise en relation auprès des objets artistiques si variables et différents les
uns des autres m’a permis une écoute par la vision et une des sons, comme
quelqu’un qui entend un-e artiste en exécution.
Pascal Pique ne savait pas quoi dire. Il ne réalisait pas à ce moment-là les
sens des mots. Est-ce que je me servais d’un langage symbolique ? Bien sûr
que non. Si le sujet pointe les actes visionnaires dans l’invisible allons au
fond des questions. Plongeons dans l’invisible afin que l’impossible devienne
un-possible. Ceci dit, je lui ai expliqué que mon « art-visionnaire » ne serait
pas celui d’une artiste qui visionne, mais celui d’une animiste qui ressent,
pressent, lit, traduit, écoute, parle, (en)chante et réanime par toute une
autre interaction cette communication à distance auprès des œuvres.
En tant que animiste-chercheuse-chamane en constante exploration, je
m’apprêtais à écouter les sons (cachés, autrement dit, inaudibles) à l’intérieur des tableaux, dessins et créations et à suivre à travers leurs couleurs-thèmes-formes les vestiges et signatures invisibles qui éventuellement seraient présents. Si cette exploration parvenait à un résultat possible, l’exposition à venir pouvait présenter concomitamment mes exposiSONS.
Pascale Pique marchait dans l’invisible avec moi ; en tout cas j’ai voulu
croire qu’il m’a accompagnée complètement, car quelle certitude pourrions-nous avoir sur un pareil terrain ? Cependant dès que Pascal a saisi
l’autre face de l’exposition, c’est-à-dire, la face invisible des exposiSONS,
alors tout a changé.
***
L’invisible est pour beaucoup un champ hors d’atteinte. Et, non pas parce
qu’il est infranchissable, intangible ou impénétrable, mais parce qu’il est
pour la plupart des gens une chimère irréaliste ou une autre terre inconnue.
D’ailleurs on dit -l’invisible- au singulier, quand en vérité nous devrions plutôt dire «les invisibles» en faisant référence aux forces, aux mondes, aux
présences, aux absents, aux esprits, aux objets, aux états et aux multiples
manifestations (des) invisibles dans un (supposé) au-delà ou pas.
L’invisible est pour beaucoup un espace, une dimension ou juste l’opposé
des matières visibles. Il peut être à la fois l’obscurité puisque la réalité assume (par toute opposition) la place de la lumière. Souvent mentionné au
singulier, l’invisible est considéré comme l’abstraction, l’incommensurable,
impalpable et immatériel. Un tabou. La frontière inapprochable, sinon interdite. L’aveuglement généralisé chez l’humain crée sa propre forme de
cécité et elle se poursuit de génération en génération, comme si l’invisible
devrait rester justement INVISIBLE, ou, alors un terrain réservé aux religions.
Il m’a fallu quelques décennies pour surmonter et dépasser toutes limites,
contraintes et interdictions (morales ou autres) avant de constater que les
« invisibles » cohabitent dans notre monde. À leur tour ils peuvent être tantôt des mondes, des dimensions et des espaces parallèles ou convergents
tantôt des matières et autres formes de vies qui coexistent plus ou moins en
relation avec « nous », c’est-à-dire, ceux ou celles qui interagissent avec
eux d’une manière assidue, cohérente et maîtrisée.
Depuis, les invisibles composent l’extension de mon être et bien entendu de
mon non-être. Cet abandon envers les invisibles m’a fait don de quelque
chose d’autre... J’ai compris, non pas par une compréhension mentale ou
intellectuelle, mais par une intelligence sensorielle et sensitive, que les invisibles englobent les autres réalités et aussi des matières, énergies, êtres
et dimensions interposées (et en convergences) à cette porte du réel que
nous appelons la réalité. Une réalité souvent présentée comme l’unique
réalité tangible ou l’unique espace-temps fiable à l’évolution humaine.
Plus tard, c’est-à-dire, après avoir suffisamment pratiqué et exploré différents niveaux de la conscience (ou plutôt des consciences), j’ai découvert
une autre intériorité sonore dans les corps des plantes, puis dans les corps
des humains... Une sorte de partition cellulaire, dont la palette des couleurs intérieures est aussi impressionnante que les partitions sonores : vibrations, rythmes, fréquences et harmoniques émises par les courants sanguins,
organes, tissus, peaux et muscles. Cette intériorité sonore et visuelle est,
bien entendu, aussi invisible aux yeux et aux quatre autres sens primaires,
puisqu’elle exige tout un déploiement, mais aussi un dépassement de l’inventaire sensoriel constitué par les cinq sens et par le 6ème sens : l’intuition.
Cela dit, depuis une dizaine d’années j’ai pu découvrir et explorer ces partitions sonores cellulaires parce que j’ai accès à bien d’autres et nombreux
sens qui m’ont permis d’abdiquer à toute forme figée ou rigide quant à ma
propre subjectivité et altérité.
Ainsi, depuis je réalise des promenades dans l’invisible... Je plonge dans le
corps humain - pardonnez-moi cette liberté de langage - mais ces plongées
cellulaires m’ont permis d’entrevoir et d’entendre plus qu’une caverne sonore et intime au corps : une sorte de partition, dont les sons, fréquences
et harmoniques sont assez conséquents chez les personnes qui réclament
une autre altérité ou juste une autre réponse, et surtout une nouvelle in-
teraction, afin de surmonter leurs soucis de santé, personnels, familiaux ou
professionnels.
Ces plongées sont devenues si fréquentes au point de dépasser les frontières
d’une rationalité conditionnée et subjuguée aux aprioris et aux principes qui
structurent la pensée quant à l’ordre du monde entre le possible et l’impossible, entre le visible et l’invisible, la réalité et l’imaginaire...
***
Tout aspect relevé, nous étions d’accord. Le commissaire et historien, Pascal Pique m’a donné son feu vert. J’ai eu l’assistance de l’ingénieur son :
Alain Belloc, sans lequel je n’aurais pas pu réaliser en conditions techniques
le bien être de ce voyage dans les invisibles, merci Alain, A-Loin. J’ai bénéficié également de l’écoute précieuse d’un ami récent : Philippe Langlois
de l’IRCAM, qui a su entreprendre mes exposiSONS comme un mythe réaliste
et réalisable, merci à toi cher ami. Sans oublier bien sûr qu’il m’a fallu au
préalable et au long des enregistrements sonores réaffirmer mes alliances et
les compromis signés âme et corps auprès des mondes des invisibles. Une
signature Énergétique majeure. Signer un accord à amiable. Respecter les
consignes. Maitriser les risques. Écouter les tableaux sans créer une pensée
critique ou autre. Traverser les couleurs. Sentir les rythmes. Revoir tant que
possible les gestes des artistes. Pressentir l’esprit de l’œuvre. M’approcher
de l’esprit de l’artiste. Laisser naître le goût de l’œuvre, ou les goûts. Saisir
les températures ou bien les vibrations. Laisser à mon corps l’expression
sensorielle issue d’un mimétisme entre artiste-création et moi. Un moi sans
les limites du « moi ». Élargir l’altérité. Respecter les secrets. Saisir les vestiges. Tâter. Toucher sans voir. Voir sans toucher. Dépasser cinq sens. Arriver
après les 8ème et 9ème sens pour essayer une traversée invisible. Franchir
l’espace-temps, lorsque l’œuvre était encore un projet en exécution.
... Quoi qu’il arrive ne jamais transposer les frontières de certains espaces.
Ne jamais m’interposer entre les êtres et les âmes des disparus qui, éventuellement, sont présents ou représentés par les artistes. Garder un cap
dans l’antre invisible. Préserver en silence les mystères, toujours, et ne jamais les profaner.
J’ai commencé mon exploration des œuvres en mai 2018. Je devais rendre
ma participation fin juin puisque l’exposition était toujours prévue pour
juillet/août. Pascal Pique m’a adressé par email la copie des images prises
de chaque tableau, dessin ou création. J’ai reçu 13 images-œuvres. Cela
dit, je n’avais que les empreintes des œuvres puisque je ne les avais jamais
vues en vrai. Je n’ai jamais reçu de vraies photos, seulement des fichiers-images transmis par ordinateur. Je ne connaissais pas non plus les artistes,
c’est-à-dire, ceux et celles que Pascal nommait les « visionnaires ». Tant
pis, je me suis retrouvée parmi les visionnaires et cette approche artistique
m’a semblé si évidente et réalisable que j’ai commencé à rêver des œuvres,
sans même avoir vu les trois premières, ni les suivantes. Je ne dis pas que
l’évidence est facile; absolument pas, mais mes corps évolutifs se prennent
à cette extraordinaire exploration.
Pour mes exposiSONS un texte a été préparé, (en copie en-dessous), afin de
pouvoir me présenter comme une autre « visionnaire » parmi les « artistes-visionnaires ». Une présentation qui pourrait expliquer simplement et suffisamment toute ma démarche vis à vis des œuvres et des artistes. Ces mots
posés devaient traduire au mieux pourquoi les créations des 13 artistes se
faisaient accompagner par des sonorités (étranges) et aussi par des images-sons ( spectrogrammes ) issues du programme ordinateur utilisé par l’ingénieur son qui m’a assistée. C’est pourquoi ce texte a été rédigé dans un discours indirect, destiné à tout public et au Musée de l’Invisible.
*****
DES VISIONNAIRES
UN VISIBLE À l’INVISIBLE
Être visionnaire dépasse la capacité de voir, de prévoir, de pressentir ou de prémunir…
Visionnaire avant tout, afin d’avancer au-delà de la vision (première) des choses…
Visionnaire par une vision des mondes en conSIDÉRATION aux INVISIBLES…
Visionnaire et bien au-delà des cinq sens premiers …
Visionnaire envers les autres et en VERT (envers) un autre monde…
De l’ensemble des œuvres (dessins et tableaux) reçu jusqu’à la fin juin 2018 et
réalisé par différents artistes et créateurs (issus de différents horizons), Katy’taya
Catitu Tayassu s’inscrit dans cette exposition comme une immaniste. Son art de
vivre concilie au quotidien « l’immanisme et l’animisme » à partir d’une synesthésie complexe et particuliÈRE à son « Âme-zonie ». Ainsi, 14 exposiSONS sont proposées par l’immaniste afro-amérindienne, Katy’taya Catitu Tayassu. Cela représente un ensemble de 14 tableaux-SONS à partir des créations artistiques (dessin
et tableaux en noir & blanc et/ou en couleurs).
Le public aura ainsi l’opportunité de voir des œuvres singulières sur le thème –
LES VISIONNAIRES – mais aussi d’entendre les expressions sonores de ces œuvres
captées et transposées par Katy’taya Catitu Tayassu sous la forme d’empreintes
sonores.
Les « tableaux-SONS » de Katy’taya Catitu sont inspirés des créations des artistes
(hommes et femmes) réuni(e)s par le Musée de l’Invisible, dans le cadre de l’exposition – LES VISIONNAIRES – au 24Beaubourg, du 10 au 20 avril 2019.
L’exercice immaniste de Katy’taya Catitu consiste à conSIDÉRER - au-delà des
traces sonores liées aux dessins et tableaux des artistes - les vestiges gustatifs et
olfactifs (ALPHA-ACTIFS) également attachés à chaque création artistique. Par la
suite, Catitu a dû transposer (autant que possible - au temps des possibles), les
empreintes visibles et invisibles afin de les enregistrer puis de les mixer avec la
coparticipation de l’ingénieur-son Alain Belloc.
À la fin, un 14ème tableau-SON a été réalisé par Katy’taya Catitu. Elle a souhaité
faire partager au grand public les autres impressions, expressions et empreintes
sonores (les gaies rires sons) qu’elle a pu entendre et ressentir pour interpréter
certaines dimenSONS invisibles captées durant les mois de juin-juillet-août 2018.
13 dessins, tableaux et créations d’artistes divers
13 spectrogrammes ou 13 images-sons liés aux 13 œuvres
1 création sonore spontanée et rajoutée par Catitu
14 créations au total
14 exposiSONS ou, autrement dit, 14 empreintes sonores
14 images-sons, c’est-à-dire, 14 tableaux-SONS, 14 spectrogrammes
14 exposiSONS d’inspiration libre par Katy’taya Catitu Tayassu
Les 14 images-sons ont été imprimées à partir des extraits sonores issus de chaque
tableau-SON, ce qui donne 14 exposiSONS. Ainsi, ces 14 images-énergétiques
constituent la partie cachée (ou invisible) de chaque tableau-dessin-SON. Ces 14
empreintes énergétiques (spectrogrammes) sont bien sûr partielles. Chaque tableau a une partition sonore plus vaste. Les empreintes énergétiques sont alors
très différentes entre elles.
Chacune est le résultat des impacts sonores (entre les tonalités graves et aigües).
Aussi des fréquences et des harmoniques relèvent de l’intensité, de la chaleur et
de l’énergie. Les 14 empreintes (spectrogrammes) sont donc parfois dissonantes.
Tout cet invisible est également chargé de poussières sonores, de diverses pollutions et d’empreintes cellulaires et extra-cellulaires liées à chaque dessin, tableau
ou création.
Durant l’exposition «Subtil Collection», Katy’taya Catitu Tayassu viendra avec son
tambour « Ours Blanc » pour les performances sonores. Une description plus détaillée à propos des tableaux SON‘OR - tableaux sonores ou tableaux-sons seront
également exposés par un poste audiovisuel à propos de ses 14 exposiSONS.
*****
Aujourd’hui je partage dans la Revue Musicale cette belle aventure auprès
des œuvres et, bien entendu, auprès des artistes et des invisibles.
En guise de conclusion je laisse aux mondes invisibles ces empreintes d’un
art sans ART, et sans prétention aucune. Je ne suis ni artiste, ni chanteuse.
Une femme qui chante et s’enchante des mystères des sons & couleurs, et
bien plus. Mes exposiSONS, n’existeraient pas sans les Forces INvisibles des
dessins, sculptures et tableaux de 13 artistes contemporains, choisis par le
commissaire Pascal Pique. Le rêve de Pascal m’a inspiré à accepter la réalisation de mes propres arts-sonores. À la fin du chemin mes visions, perceptions et sensations vécues au milieu de juin 2018, ont été enregistrées et
diffusées dans mon 14ème tableau-son. Ainsi j’ai pu m’inscrire à côté des
autres artistes-visionnaires en proposant un tableau composé exclusivement
des sons. Je me souviens encore...
Voici, en dessous, et sous la forme d’une vidéo-diaporama, les 14 créations
artistiques des visionnaires en 2019. Cette vidéo a été préparée et diffusée
dans le cadre d’une première exposition - LES VISIONNAIRES - réalisée du 11
au 20 avril 2019, au 24 BEAUBOURG 75001. Plus tard, mes exposiSONS ont
été à nouveau diffusées dans le cadre d’une deuxième exposition, intitulée :
ÉNERGÉÏA. Elle a été proposée du 16 novembre 2019 au 8 janvier 2020, avec
la participation de Topographie de l’Art, au 15, Rue de Thorigny 75003, et
sous la direction de Pascal Pique - Musée de l’Invisible.
Les exposiSONS en lien visible et audible par les liens des invisibles :
Figure 1 : Première de couverture du recueil – Heugel, 1907
Un troisième enregistrement1 de la totalité du recueil des Feuilles blessées nous est proposé dans l’intégrale des mélodies de Reynaldo Hahn par le baryton Tassis Christoyannis, avec au piano Jeff Cohen, produit superbement par Bru Zane (octobre 2019). Profitons de cette circonstance pour présenter ces onze mélodies, moins connues que bien d’autres, composées sur des textes de Jean Moréas, les appréhender plus justement et comprendre la démarche artistique de Reynaldo Hahn, ce compositeur qui a su chanter les vers des poètes contemporains auprès desquels il se sentait proche : Paul Verlaine, Sully Prudhomme, Jean Moréas, Leconte de Lisle entre autres. La date de composition (1901-1906) suit de très près la parution des poèmes de Jean Moréas (1895-1905). Une même lecture sensible des deux artistes qui nous dévoile une vision plus ombrageuse en ce début du XXe…Une désespérance du Temps se décline ici : nous sommes loin des couleurs irisées d’une certaine Belle Époque…
Fig. 2 : Jean Moréas par Antonio de La Gandara 2
Fig. 3 : Reynaldo Hahn - Photo - n. d. (ca. 1906)
Le recueil
Le recueil, édité 1907 chez Heugel3, fidèle maison d’édition du compositeur, réunit onze titres pour voix soliste, à la différence des trois précédents recueils, les Études latines, les Rondels et Venezia, qui comportent des pièces avec chœur. Il est dédié à Édouard Risler (1873 - 1929), célèbre pianiste et grand ami du compositeur, et de longue date (depuis 1894 au Conservatoire, rue de Madrid). Le cycle est présenté4 pour la première fois en juin 19065 chez Mme Angèle Duglé, professeur de chant qui organise chez elle des matinées musicales avec ses propres élèves, et auxquelles participent aussi de grands noms du monde musical, tant chanteurs que compositeur, comme M. Massenet, M. Louis Diémer. Cinq chanteurs s’en partagent l’exécution : Mmes James Baignières, H. Prévost, Capet et MM. Edmond Clément et Georges Vaudoyer.6 Elles sont présentées comme « petite pièces mélancoliques et colorées tout à la fois ».7
La durée approximative du recueil est comprise entre 23 et 30 minutes.
Fig. 4 : Page de garde du recueil – Heugel, 1907
La partition
La composition de ces mélodies s’étale sur cinq ans : c’est un musicien qui les travaille de façon méthodique, remettant au métier entre 1901 et août 1906, l’écriture du recueil menée sur le long terme… Cette approche égale sur onze poèmes fortifie cet ouvrage d’une sensibilité étale et constante. Un grande cohérence s’en dégage grâce à leur agencement, les moyens musicaux utilisés, dans une atmosphère en clair-obscur. Tout cela renforce l’unité de cette œuvre.
Ainsi, le cheminement harmonique entre les pièces impliquent quelques progressions intimes (successions en tierce des 2 à 5, des 6 à 8), jeu d’enharmonie entre les 8 et 9. De même la proximité des tonalités choisies nous laisse flotter parmi des couleurs harmoniques proches, jouant plus sur les camaïeux que les complémentaires… Point de recherche dramatique sur la variation du tempo qui reste dans l’ensemble très modéré. L’envolée de la 5e mélodie, pièce centrale du recueil la plus fougueuse, manifeste plus une colère rentrée qu’une échappée heureuse, et contribue en creux aux tempos lents, rêveurs, hypnotiques des autres pièces qu’elles encadrent… La dynamique générale, la ligne résultant des tension-détentes, pourrait se présenter en trois périodes :
1– pesant -> 2 – obsédant -> 3 – recueilli -> 4 - rêveur
5 – violent -> 6 – fluide -> 7 – tranquille -> 8 - aérien
9 – tourmenté -> 10 – gracieux -> 11 - résigné
Les n° 4 et 8 sont ainsi des pauses espérées, adroitement amenées après quelques tourments plus ombrageux. Elles dénouent une tension, créent un repos nécessaire pour affronter les mélodies suivantes.
C’est un recueil aux tonalités crépusculaires, où l’automne teinte les ciels, les rêves, les souvenirs… Onze tableaux qui se répondent pour illustrer une âme attentive et généreuse à l’écoute du monde pour mieux se reconnaître. Peut-être alors, au travers des textes mis bout à bout, devrions-nous chercher un cheminement géographique, temporel, sentimental… Ce sont onze reflets en dégradé nous dévoilant une mélancolie, presque amère mais qui, au final, exhale une nature compatissante. L’être et le monde se répondent, le texte et la musique aussi. Une méditation accompagnée, portée par les voix sonores et les mots inspirés, l’ensemble du recueil nous plonge dans nos sombres pensées, nous transporte sur les ondes salées comme pour mieux nous en rincer ensuite, et pour mieux vivre enfin. Le soin apporté au long postlude nous y invite.
Contexte
Reynaldo Hahn a 27-32 ans durant la composition du recueil. Il est en plein période de célébrité, reconnu par ses pairs, sollicité dans les salons comme aux pupitres des orchestres… N’est-il pas invité au festival de Salzbourg à l’instar d’un Richard Strauss, en 1906 pour diriger Don Giovanni de Mozart ? Durant la période qui nous intéresse, le compositeur aborde très peu la mélodie mais il ne la néglige pas pour autant (une petite dizaine). Le recueil Venezia vient tout juste d’être édité en juin 1901. La grande période de production de mélodies du compositeur est derrière lui : près de 80 sur les 112 répertoriées. Ici elles s’échelonnent de façon sporadique, mêlées à d’autres compositions, et qui nous font comprendre un peu mieux pourquoi l’écriture du recueil qui nous concerne s’étale sur près de six années. Ceci explique peut-être cela. Reynaldo Hahn ne reste nullement inactif. Sa production musicale reste intense. Il travaille, entre autres œuvres pour piano, à des compositions de plus grandes envergures, vers d’autres genres qui occupent assurément tout son temps. Il compose l’opéra La Carmélite8 présenté avec luxe à l’Opéra comique en décembre 1902, sur un livret signé Catulle Mendès… Il compose en 1905 le Bal de Béatrice d’Este9, petit bijou orchestral qui préfigure à lui tout seul ce qu’on appellera le néoclassicisme de l’entre-deux-guerres. Peut-être aussi pourrions-nous mettre en parallèle la production de mélodies chez ses contemporains, en pensant à Gabriel Fauré, Claude Debussy, Maurice Ravel ou André Caplet, où nous observons ce même détachement pour ce genre bien particulier qui semble s’estomper peu à peu. Le nouveau siècle appelle à d’autres formes musicales, nos compositeurs se projettent dans des compositions plus ambitieuses, touchant un plus large public (concert, opéra). Reynaldo Hahn persiste, à sa façon, pour exprimer son état d’âme, dans un genre qu’il maîtrise parfaitement. Et nous pouvons être certains qu’au travers de ces Feuilles blessées, il a su le révéler avec justesse.
Le poète
L’homme
D’origine grecque (Ioannis Papadiamantopoulos), Jean Moréas10 nait le 15 avril 1856 à Athènes et s’éteint le 30 mars 1910, à Saint-Mandé. Lors de la cérémonie funèbre au Père Lachaise les personnalités présentes parmi une foule immense nous en disent beaucoup sur sa notoriété : Maurice Barrès, Henri de Régnier, Charles Maurras, Léon Dierx, Fernand Gregh, Max Jacob, Guillaume Apollinaire, Jules Romain, Courteline…11
Fig. 5 : Jean Moréas, 191012
À Paris, installé en plein Montmartre, début 1879, - il a 22 ans - il se lie avec des poètes qui l’introduisent au Chat Noir, cabaret de lettres, très en vogue dans les années 1890. Bien vite reconnu par ces amis-poètes qui le consacre chef de l’école symboliste, lors d’un banquet lui fut offert en février 1891, présidé par Stéphane Mallarmé. Léon Deschamps le présente comme le plus pur, le plus haut et le plus désintéressé des poètes.13 Cérémonie où prirent part cent vingt convives, parmi lesquels on comptait : Anatole France, Maurice Barrés, Pierre Louÿs, Henri Lavedan, Octave Mirbeau, Catulle Mendès, Félicien Rops, Odilon Redon, Paul Gauguin, Schuré, Henri de Régnier, Georges Lecomte, Francis Viélé-Griffin... Toute l’avant-garde des lettres et des arts. Cinq ans plus tard, lors du congrès des poètes il est nommé vice-roi des poètes, le roi étant Stéphane Mallarmé.14
Homme à très forte personnalité, préférant les cabarets aux salons15, aimant les femmes, il chante un Paris qui lui ressemble, un Paris urbain avec ses cafés, ses rues, ses gares, ses parcs, ses quais et ses remparts, les fameux fortif’s. Se levant tôt, aimant la nuit et le bouillonnement de la vie des boulevards. Il nous confie :
Paris, je te ressemble : un instant le soleil
Brille dans ton ciel bleu, puis soudain c’est la brume.16
L’automne semble être sa saison de prédilection. Le poète ne nous confie-t-il pas dans la 15e stance du 4e livre :
O novembre, tu sais que c’est ta feuille morte
Qui parfume mon cœur.
Il est l’un des grands poètes au tournant du XXe.
L’esthétique poétique
Même s’il écrit quelques vers proches d’un réalisme « à la Richepin » lors de ses premiers poèmes à Paris, il se dirige vers une protestation contre le naturalisme, avec cette volonté de se dépouiller des sentimentalités éloquentes, de s’affranchir du pittoresque pour la vouer au service de l’idée, sous les voiles de l’allusion, sous la dignité des symboles comme le précise Henri de Régnier17. C’est sous cette étiquette qu’il présente le Pélerin passionné, et qu’il est célébré. Mais, pour s’éviter cette emprise sclérosante, il considérera cette période comme « phénomène de transition ». Poète indépendant, il embrasse activement la mouvance symboliste - mouvement cherchant derrière les faits particuliers le « pur concept » -, et rejette violemment le Parnasse - qui considère le fait particulier comme existant en soi, poétiquement -. Il ne donne non plus d’importance aux adeptes du Naturalisme (qu’il traite de « manouvriers et vulgaires »), tout en refusant l’étiquette de Décadent, adjectif usé par un certain monde littéraire contemporain.18
En louant le principe fondamental des lettres françaises helléno-latines qui fleurissent dès les XIe - XIVe siècles avec nos trouvères, Rabelais, Ruffian, puis les Malherbe, Racine, La Fontaine, Chénier… il ambitionne de rendre à la poésie son caractère national et ses naturelles aspirations. Et la meilleure preuve de ce retour sévère à la tradition est le chef-d’œuvre des Stances. Il recherche dans la construction de la phrase, imitant la vieille syntaxe, renversant les mots, des singularités révélant un certain archaïsme dans la forme comme dans les idées. Il se réclame aussi d’Athènes, certes, mais sous le prisme de l’antiquité de la Renaissance. Anatole France le qualifie de Ronsard du Symbolisme19. Moréas ne s’est jamais départi de son vœu premier de « plasticité musicienne ». Aux vertus plastiques du lyrisme antérieur, il rêvait d’adjoindre la musique et la couleur.
Les Stances
Si les deux premiers livres ont été publiés en avril 1899 en édition de luxe, ils gagneront les quatre livres suivants en édition courante, peu après, en 1905 20.
C’est une œuvre imposante qui se compose de quatre-vingt-treize stances réparties en six livres. Titre non racoleur, direct et sans double lecture, il traduit tout de suite la rigueur qu’entraîne le genre poétique, très rigoriste de structure, avec ses règles et un ton qui lui est propre. Moréas s’y attelle par souci d’émancipation des courants esthétiques existants. Il confie : je rêve d’une stance plus concise. Je voudrais rejeter tout développement inutile, fondre d’un trait l’idée et le sentiment, et ramener le poème à ses éléments essentiels. Je voudrais que ma stance ne pesât pas plus qu’un soupir et qu’elle se manifestât avec la précision et la brièveté de l’éclair.21 Un penchant esthétique que partage Reynaldo Hahn et que nous retrouverons au travers des analyses ci-dessous.
Fig. 6 : Première de couverture signée Bernard Essers22
Le style des Stances, par sa tenue, sa correction un peu froide, par une certaine sécheresse, n’est pas sans beauté. Le thème des Stances est quelque fois une idée morale très simple, très nette sans incertitude ni casuistique. L’inspiration est personnelle, exprimant les sentiments et émotions : douleur farouche, amertume des souvenirs, ambitions meurtries, loisirs déçus, et détresse infinie de la solitude… Catulle Mendès parlera de l’enchantement des Stances, Paul Valéry en dira : « poésies dont l’essence est d’être suprêmes »23. Ernest Raynaud tranche : Les Stances de Moréas constituent l’un des chefs-d’œuvre du lyrisme contemporain24.
Et Reynaldo Hahn
Reynaldo Hahn connaît bien les œuvres du poète et depuis très tôt. Déjà en 1896 il choisit Théone, un poème dans Le Pèlerin passionné.25 Cette mélodie est publiée bien après les Feuilles blessées, en 1922, dans le 2nd volume de 20 mélodies.26 De même il place en exergue de la pièce Narghilé27 (1906), le n° 32 du Rossignol éperdu, ce vers de Jean Moréas :
La glycine, des vases bleus, pend.28
L’univers poétique de cet auteur n’est donc pas une nouveauté pour Reynaldo Hahn. Nous pouvons penser qu’il a tenu entre ses mains l’édition complète dès sa parution en 1905 aux Éditions La Plume.
Ce poète n’a pas laissé indifférent d’autres musiciens. Nombreux sont les compositeurs à avoir été séduits par cette esthétique. Je citerai pour leur grand nombre de mélodies composées : Philippe Gaubert (8), Carl Engel (10 dont 6 dans le recueil intitulé Chansons intimes), Pierre de Bréville (9 dont 4 dans le recueil Automne…). Plus accessoirement : Camille Saint-Saëns (L’Arbre), Ernest Chausson (Dans la forêt…), Charles Bordes, Marcel Grandjany (Parmi les marronniers), Francis Poulenc (Quatre Airs chantés), Ottorino Respighi, et bien d’autres…
Les onze mélodies
1- Dans le ciel est dressé le chêne séculaire
C’est une pièce puissante et hiératique qui ouvre le cycle. Par une concision remarquable elle présente à la fois cette émotion sévère qui anime le poète et son credo en une nature toujours salvatrice.
Loin d’un LA majeur triomphant, dés le 1er temps de la 1ère mesure, une 6te ajoutée sur l’accord de Tonique déstabilise l’oreille : un inconfort qui, au-delà de cette toute première mélodie, sous-tend tout ce recueil des Feuilles blessées, titre ô combien douloureux. Cette répétition de seconde descendante fa# -> mi, pesante (le fa# est louré) et presque froide (le mi résonne dans un vide d’octave) caractérise les premières mesures de chacune des deux parties (A1 et A2) qui constituent la mélodie [Ex. 1].
Exemple 1, mes. 1-2 [Lent]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris»29
Cette roideur ne s’oppose pas à cet ambitus très large dans lequel se développe la ligne vocale : il ne fait qu’exacerber l’écart entre les deux états d’âme qui brusquent le poète : deux vaines envolées et brèves opposées à deux replis feutrés, plus distendus creusant ainsi ce froid intérieur. Ce statisme au piano, ostinato qui s’apparenterait à un blocage géographique s’oppose à une seconde partie plus mouvante et plus intime. Les forte (mes. 2 et 12), soutenant une inflexion très déclamée, au rythme ferme, s’éclipsent devant un phrasé plus modulé. La présence d’accords progressant vers l’aigu par marche harmonique soutenue (T – SD - D) bonifie ce sentiment de confidentialité. Reynaldo Hahn instruit un ralentissement dynamique en doublant les valeurs des derniers accords, lisse le temps, plus conclusif ainsi. La ligne vocale joue étonnement sur peu de moyen lyrique : la diction, soit déclamatoire, soit intimiste, frise le recto tono [Ex. 2]. Aux intervalles étroits, l’ensemble garde une allure parlée.
Ex. 2, mes. 7-18 [Lent]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Mélodie rude, puissante et émouvante, elle ouvre puissamment le cycle des onze mélodies, sans fard, sans fausse route : on devine deux tiraillements qui bousculent le poète, une part de retenue lyrique contestant la part de fatalisme élégiaque.
2- Encor sur le pavé, sonne mon pas nocturne
Faisant suite à une mélodie au paysage sonore immobile, une agitation mesurée nous entraine dans la nuit finissante. Trop régulier pour paraître serein, ce pas claudique sur ce temps binaire et devient vite obsessionnel. Le poète, trop soucieux d’avoir errer la nuit entière, avance de façon hypnotique. L’ostinato, construit sur une mesure complète, crée un ballotage cyclique, comme un retour sur les pas d’un animal en cage… Cet enfermement au piano paraît bloquer l’envolée lyrique.
Exemple audio 1 : extrait de Encor sur le pavé… par Lore Binon
avec Inge Spinette, piano - « Poètes maudits », 2017 - Fuga Libera FUG746.
La tonalité générale est en sol mineur bien qu’il n’y ait rien à la clef. Mais l’oscillation aux basses d’un demi-ton (sol – fa#, si – sib,) crée un jeu de couleurs brouillées sur deux appuis stables. Un chromatisme à la voix medium, insidieusement trouble, nous égare un peu plus. Entre balancement constant et indécision tonale, Reynaldo Hahn illustre l’errance du poète dans ce décor nocturne [Ex. 3].
Ex. 3, mes. 11-13 [Modéré]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
D’un ambitus remarquablement resserré où seule la note finale (sib) s’élève bien douloureusement, sur un intervalle de quarte diminuée… la ligne vocale déroule les vers de façon monocorde (7 mesures sur les 17 « chantées ») sur un recto tono « hypnotique ». Les silences d’interprétation ne manquent pas, brisant un débit trop régulier. La structure de la pièce est libre, sans bornage strophique, sans retour de motif saillant : elle convient parfaitement à cette parole qui semble errer par dessus ce piétinement mécanique. La nuance piano demandée tout au long de la pièce conforte l’intimité désirée, amplifiée par un long « en retenant » de la mes. 14 à la 21, obligeant le poète à prospecter sur lui-même :
Que ne suis-je couché, lorsque Vesper s’allume
Sous les varechs au bords des flots !
Le retour au tempo initial en toute fin exacerbe un peu plus cette impression d’inconfort : l’homme reprend son pas d’errant obsessionnel… Bientôt la mélodie s’achève d’elle-même : Reynaldo Hahn use de silences qui éloignent le retour du motif qu’il scinde nettement en deux : principe d’étalement du temps que l’on retrouvera souvent. Dans un pp, tout disparaît dans une double octave, creuse, vide.
La mélodie, grave et sombre, ne manque pas de majesté. Beau passage, mes. 12 -13 : Paris ! O noir dormeur ! L’intervalle final (fa# -> sib : des flots !) déchire l’espace comme une délivrance douloureuse.
3- Quand reviendra l’automne avec les feuilles mortes
Mélodie où la méditation porte sur le sort fatal du poète. C’est un regard résigné mais doux… Un recueillement, bercé par un rythme quelque peu en déséquilibre, à la basse, ne reposant que sur deux temps forts d’où cette impression de planer, de rester « en l’air », le tout adouci par un intervalle étroit, d’un demi-ton ascendant, rendant la bascule infime mais bien réelle. Le tempo assez lent ajoute à cet étirement en suspens.
Le chant distille son texte sur une cantillation diatonique, par palier conjoint ou par des contours sophistiqués qui anéantissent toute velléité d’extase…
Deux parties A et A’ (mes. 1-8 et 9-17) composent la pièce respectant ainsi les deux quatrains. Elles sont fort semblables. La seconde reprend le même schéma mais se colore un peu : la forme rythmique s’assouplit ; un supérius illumine l’aigu et des basses devenues plus présentes, jouant essentiellement sur des 5tes à vides.
Ex. 4, mes. 8 à 10 [Assez lent]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Pourtant un long recto tono éteint mais concentré tempère cet éclairage [Ex. 4]. Bien vite la descente finale, en mineur (S’éteindre mon image et le pâle soleil. mes. 14-16) confirme ce même effondrement dans lequel nous entraîne toute la partie piano. Un saut de 5te assombrit un peu plus le mot so-leil (fa# - si), note la plus grave de la mélodie, achevant tout espoir et par une formule rythmique figée, s’étalant d’un temps supplémentaire comme gelée à jamais dans l’eau glacée.
La tonalité est noyée volontairement, par un jeu de pédales qui donne aux nombreuses appoggiatures des vibrations troublées ; de plus, par évitement de sensible, la mélodie côtoie avec le mode mineur, les notes pivots restant très présentes. Pour parachever le tout, la cadence finale joue sur une tierce instable : l’appogiature doX vers le ré# pourrait nous faire croire que l’on bascule du mineur au majeur, jeu subtile… Avec des accords enrichis de notes de passage, de retard, tout se combine pour une couleur moirée, suspendue au-dessus d’une eau morne.
Après les tourments obsessionnels de la mélodie n° 2, c’est donc un apaisement temporel où l’auteur prend le soin de se poser pour appréhender la chose inéluctable. Mélodie où confidence et résignation sont adroitement mêlées, où le chant subtilement serpente entre les délicatesses du cœur…
4- Belle lune d’argent
Un sentiment de rêverie dans ce paysage nocturne. Il apaise après un cheminement quelque peu ombrageux mais sincère des trois premières mélodies. C’est une plage bienvenue qui procure une pause apaisante et nécessaire. Nous l’avons déjà observé : avec la n° 8 elle est un temps suspendu qui participe à l’organisation globale de l’œuvre.
L’horizon est dégagé, le temps prend son temps… Une cellule mélodique, en gamme descendante, se développe au gré de la mélodie, se jouant du retour attendu au temps fort, pour se dérouler sur des levées qui accentuent cette sensation d’apesanteur. De plus elle circule entre ligne vocale et accompagnement, jeu d’écho éloigné ou d’imitation qui lui ressemble un peu, soutenue par des accords discrets. Empreinte de sérénité, nocturne certes, mais non sans brillance intérieure.
Déjà l’enchaînement des trois accords initiaux nous laisse « rêveur » : le 2e accord (en ré mineur, appogiature supérieure de l’accord de T) nous élève dans l’aigu, par ses couleurs argentées, très éloignée du RÉ b initial. C’est une suspension dans le ciel qui illumine froidement, moment calme, pour plonger sur l’accord de T, dans un grave bleuté. Effet de perspective sidérale qui place cette belle lune d’argent dans un ciel métallique… La voix elle-même débute sur un temps faible, très faible pourrait-on préciser, dans un aigu p et semble ainsi flotter dans cette lumière froide [Ex. 5].
Ex. 5, mes. 1 à 3 [Modéré]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
La forme générale binaire de cette pièce suit celle du poème, une fois de plus. Et, comme à chaque fois, Reynaldo Hahn différencie les deux parties. Dans la seconde (mes. 15) la cellule remarquable devient quasi continue, plus lâche aussi par des arpèges, plus aérée mais basculant bientôt dans le grave. Et la vaste nuit plombe la ligne vocale.
Sur un long recto tono, habitude chère à notre compositeur, où la contemplation de la vaste nuit de la plaine sans fin… (mes. 24-29) se mute en recueillement, la basse se fait pesante, quand le chant enharmonique (fa#/solb) lisse le verbe dans une couleur nocturne. Dès la mesure 28, tout se dilate encore.
Insensiblement Reynaldo Hahn prépare la chute poétique en diluant les rythmes. Les graves sont plus présentes, par des 8ves à vide. Tout cela prépare l’ultime montée qui abandonne à la voix le rôle majeur. À deux reprises elle est mise à nu (mes. 33 et 35), confiant au texte toute sa force.
Ainsi cette fin s’élève, au-delà des cheminées, par une progression ardue amenée pas trois accords aux tonalités éloignées (un rvt de 9e RÉ – en rvt de 7e en DO - RÉb sur T) sur une cadence évitée tout à fait surprenante. Enfin, les doubles octaves descendantes, d’une clarté cristalline nous transcendent dans un vide sidérale et l’ensemble se referme par la cellule de base, modelée dans des tons éloignés. Un point d’orgue sur des intervalles quasi vides laisse mourir dans un horizon urbain la froide volupté30 d’une clarté lunaire…
5- Quand je viendrai m’asseoir
Pièce d’un grand lyrisme, qui tient la place centrale du recueil (la 5e sur les 11), le climax du cycle par le tempérament impétueux, le tempo agité, la puissance sonore qui s’en dégage et par la teneur du texte où le poète, au bord du désespoir, exalté et fougueux, nous confie son désir de disparaître dans l’océan.
Bâtie sur un ostinato très ample, où quintolets de doubles croches heurtent des quatre-doubles, où notes répétées bousculent les arpèges ascendants et descendants, s’élevant en l’espace de deux temps par un très large ambitus, cette écriture pianistique exprime la vivacité d’un océan écumant autant que celle du désespoir du poète [Ex. 6]. Tout au long de la pièce, Reynaldo Hahn joue sur un chromatisme rythmique qui anime toute la pièce (des 2 croches au quintolet).
Ex. 6, mes. 1-2
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
La ligne vocale présente une formule ascendante qui circule de loin en loin dans la pièce (mes. 3, puis 10, puis 14, puis 18 au piano), toujours plus aiguë, toujours plus violentée (de triolet souple à un binaire précipité), relançant ainsi le discours ô combien agité. L’indication d’interprétation (Agité, fougueux, mais sans aucune précipitation) invite à cette lecture. La montée progressive des tonalités (fa - LAb – do) donne une amplitude supplémentaire, redoublée par la note d’appui pour le début de chacun des vers :
fa -> Quand je viendrais… (mes. 3)
lab -> Quand je n’entendrai plus… (mes. 10)
do -> Ne te contente pas… (mes. 14)
->pour mieux précipité ce motif rageur au piano (en 5tolet, mes. 18), octavié dans l’aigu [Ex. 7].
Ex. 7, mes. 3, 10, 14 et 18 [Éxalté, fougueux]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Dans ce discours aux trois grandes lignes très mélodiques, Reynaldo Hahn isole le terme Océan (mes. 15) en l’encadrant des silences, renforçant l’importance du sujet exhorté. Ce sont trois fusées très lyriques qui s’élancent vers l’explosion qui claque « D’un coup de lame, alors » dans un puissant f soutenu par le retour du thème initial m.d. très théâtralisé. Le crescendo suivant, sur le verbe m’emporter libère la parole dans l’acceptation du sort : pour dormir… sur la 6te mineure ajoutée, blue note par excellence ici (mes. 23) qui s’étale comme résignation, sur un délitement descendant au piano (quintolet, quatre doubles, puis triolet plus loin).
Les dernières mesures jouent sur l’ambigu, l’instable. Ambigu parce que les accords de 5te augmentée (réb – la♮), plaqués en renversements chaque fois différents (à main droite), contrecarrent une basse clairement tonale (I – IV – I). Instable par ces accords qui tombent à 7 reprises sur des temps improbables, défiant toute logique, comme titubant dans leur chute… Déconvenue troublante pour un mode majeur, velléité de détente pour un mode initialement mineur, qui semble enroué par la persistance du réb, cette 6te mineure, entêtante, qui exacerbe l’espace et les nerfs, et qui interdit tout repos de l’âme.
L’une des plus impressionnantes mélodies de ce recueil par la teneur du texte et par la fougue libérée. Poignante expression d’un homme déchiré entre exaltation débridée et douloureux aveu.
Une des rares du recueil à être franchement tonale et « chantante ».
6- Eau printanière
Après l’océan fougueux dans lequel le poète espère être emporté dans la mélodie précédente, voici une eau du ciel, douce pluie harmonieuse, qui saura lui révéler ses souvenirs oubliés. Mais ne nous y trompons pas : cette eau printanière n’est pas porteuse d’un quelconque sentiment heureux lié à la saison nouvelle… C’est un poète en peine qui la chante, prompt à lui prêter le pouvoir de ramener en son esprit quelque souvenirs, nostalgie d’un temps passé, et, bien plus, quelque ancien regret…31
Ex. 8, mes. 1 [Assez lent]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Fig. 7 : manuscrit de l’auteur.32
7- Donc, vous allez fleurir encor
Mélodie sobre par ses couleurs modales, tranquille par son allant mélodique qui nous promène dans un paysage sortant de l’hiver mais d’où l’on envisage déjà l’automne illuminant de ses feuilles dorées les tombeaux et les arbres…
D’une structure rondo si l’on suit la ritournelle qui revient 4 fois tout au long de la pièce, ritournelle très disloquée, aux contours rythmiques très inégaux. Quatre fois donc, mais quatre fois différentes.
Ex. 9, mes. 1 à 8 [Sans lenteur aucune]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Par dessus, le chant égraine le texte qui suit la rupture des deux strophes ; il débute par une même envolée qui renforce l’idée d’une forme strophique : A (mes1/ 24) – B (25/ 59).
Exemple audio 2 : extrait de Donc, vous allez fleurir encor par Clémentine Decouture
avec Nicolas Chevereau, piano - « Mélodies de Reynaldo Hahn », 2015 - Passavant Music PAS 115216.
En fait, l’importance de ce discours réside dans sa mobilité : tout s’écoule dans une force implacable, sans lenteur aucune. Toujours circulant sur les entrelacs du chant qui se ressemblent, le retour soutenu du motif au piano, motif lui-même très allant, très expansif (du mi 4 au mi 6), se mordant la queue, d’une absence de tension par l’emploi d’une modalité qui évite toute emprise dramatique, parfait cette impression [Ex. 9]. L’emploi récurrent de 5tes et d’8ves à vide en basse soutient une harmonie gracile, évitant une tonalité précise, redouble l’idée de flux coulant et tranquille.
Le chant est à l’image du jeu pianistique : volontairement louvoyant, il glisse sur des lignes diatoniques très volubiles. La diction est large, généreuse, sans animosité ni reproche : elle contribue à une lecture apaisée du fatalisme qui perce dans les propos du poète. Peut-être penser que tout cela est dû à la syntaxe même du poème, que Reynaldo Hahn n’hésite pas à souligner en plaçant en exergue le Donc du tout début du poème, isolé du reste de la longue ligue vocale par un demi-soupir. Nous l’avons déjà signalé, Reynaldo Hahn aime à placer en pointe les mots qu’il juge important par l’utilisation de silence (De soupir ou demi-soupir). Le donc induit une conséquence qui entraine tout le reste du poème, sans véritable fléchissement : l’enchevêtrement de la ritournelle au piano au discours chanté nous le confirment.
Au demeurant, Reynaldo Hahn joue d’un bel effet de ralentissement écrit en toute fin du texte, sur la beauté (mes. 46) en un triolet occupant toute la mesure : il imprime une importance sur la chute poétique et impose un cedez au chanteur… ce qui clôt habilement le texte, non la partie piano qui poursuit son déroulement.
8- Compagne de l’éther
Second temps suspendu, après la n° 4, dans cet ensemble où le tors et le douloureux animent l’essentiel des pièces. Délicat instant d’apesanteur qui sublime l’idée de disparaître dans une combustion fugitive…
Mélodie d’une légèreté expressive, due à un accompagnement construit sur un motif ascendant sur une mesure, maintes fois répété (ostinato) au-dessus duquel le chant, très sobre rythmiquement, joue de subtiles finales mélodiques, avec un semblant de retour constant sur une note qui stabilise la ligne doucement dessinée [Ex. 10].. Fumée certes, mais non fumée légère et vive ; elle reste « nébuleusement » pâle, bleutée et froide… L’arpège (en DO) précipite rythmiquement et finit en un accord totalement inattendu, bien éloigné de la tonalité d’origine, sur un lab (9e majeur sans tierce). La nuance p redouble le mystère de ce halo ténébreux créé par le jeu de pédales qui laisse trembler les harmonies troublées…
Ex. 10, mes. 1-2 [Modéré]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Le chant est bâti sur des courtes formules qui se ressemblent, évitant tout mouvement brusque qui dissiperait les volutes de cette fumée qui doucement s’élève. Si un silence d’interprétation après Mais (mes. 10) ramène à la rude réalité les premier vers plus imagés, le doux et confidentiel recto-tono (mes 5/6) est bienvenu dans ces flottement très lyriques.
L’ensemble de la pièce se structure différemment selon que l’on se fixe sur l’ostinato ou que l’on écoute la ligne mélodique :
La partie centrale adopte le style récitatif (mes. 14-18). La mesure change de 6/8 en un C barré. Sur des accords prolongés en blanches, une déclamation proche du parlé, aux grands intervalles procède par cellules courtes qui confèrent au phrasé un déroulement sage, un caractère noble et recueilli. Cette partie s’oppose à celles extrêmes. L’ostinato fait le lien avec la partie C. Pourtant il se présente avec une subtile différence : le jeu de pédale ne joue que sur les 5 croches, laissant une brève mais nécessaire respiration entre chacune des attaques, comme pour distendre un peu plus le temps qui s’enfuit. Vocalement aussi, cette dernière partie se distingue de la partie A, par une longue et extraordinaire montée mélodique, en 3 paliers, dès la mes. 18 : sol 4-la / si – do 5# / ré# - mi. Elle est d’un bel effet qui souligne simultanément une élévation dans le temps et dans l’espace, avec une grande lenteur et une délicate douceur. La diérèse souci-er (mes. 19) s’explique justement par ce souci de progresser pas à pas vers l’aigu éthéré.
9- Pendant que je médite
Pièce trouble, au sentiment inquiet, construite sur un ostinato haletant qui semble traduire l’anxiété du poète agitant les pensées… qui ne trouvera de repos en son cœur dépouillé qu’en se laissant évanouir… Un mécanique entêtement que l’on avait déjà rencontré dans la mélodie n° 2 et qui, vu sa position dans le cycle, lui répond.
Au piano, un ostinato à la fois mélodique et rythmique où quatre voix s’entremêlent de façon complexe pour engendrer un malaise certain. Le 3/4 facilite l’appréhension d’un tournoiement obsessionnel : seule mélodie du cycle en ternaire [Ex. 11].
La voix supérius, en un rythme subtilement syncopé procède par montées à ambitus étroit, comme titubantes. La voix grave chantante, serpente sombrement en chromatisme… Ainsi les deux voix se heurtent de façon suffisamment subtile pour troubler le contre-point. De surcroit, la basse, pédale de Tonique des 2 premières mesures, glisse insidieusement de fa (T) à do (D), par demi-ton sur un rythme distendu, défiant tout repère de temps forts.
Ex. 11, mes. 1 à 4
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Ce court prélude installe une incertitude presque convulsée bien que l’ostinato soit tonalement bien défini : T -> T -> pont -> D. Le compositeur joue autrement pour rendre l’effet obsessionnel. Le motif semble tourner sur lui-même.. Une modulation subtilement menée conduit à un effet de marche harmonique qui accentue l’effet de mouvance.
Un climat général d’inquiétude s’en dégage, d’autant que le chant n’est pas grandement lyrique : les phrases s’appuient sur le do# pour s’élancer pour élargir l’ambitus et dérouler sévèrement, entre deux eaux, une ligne distordue : sauts de 5te diminuée : blessées, mes. 12 ; de mon cœur, mes 28 ; dépouillé, mes. 29 ; chromatisme douloureux (agitant mes pensées où le noir, mes. 7-8 ; abusé du, mes. 17-18) ; ou bien un diatonisme tranchant (m’a rivé, mes. 9, dans le tendre, mes. 26).
Dès la seconde partie de la pièce, aux tournures mélodiques plus chantournées, assombrissant un recto tono (Tu passes, automne fumeux) sur une pédale de mib, la parole est soudainement mise en valeur par une absence de soutien au piano, effet la cappella tant privilégié par Reynaldo Hahn. Le texte pose ainsi la conclusion entre de brèves interventions au piano, exacerbées par un chromatisme doublée à la 3ce. Le chant clôt l’ensemble par un replis sur le do# initial. Et, comme si de rien n’était, reprenant à l’identique de bref prélude, l’agitation, perpétuelle, se fond dans le sombre… rapidement…
Moment bref mais ô combien inquiet… Un délire, aussi tendre soit-il, virant au tourment obsédant…
10- Roses en bracelet
Mélodie sereine et gracieuse, elle déroule un temps qui circule librement et sans pesanteur. Elle répond à la n° 8, Compagne de l’éther par son aspect aérien, et la n° 4, Belle lune d’argent, dont elle partage la volupté des courbes mélodiques. Troisième pièce du cycle qui apaise par sa douceur,
Ici, absence de prélude : un accord parfait plaqué qui a son importance. Par jeu d’enharmonie, il est le pendant majorisé de l’accord final de la mélodie précédente… Doublement, il bonifie la mélodie précédente et épanouit un univers lumineux, moins pesant.
La phrase est très lyrique, en guirlande descendante et remontante, comme des tiges de rosier autour du tronc de l’arbre… et devient le motif récurent par trois fois de cette courte pièce. Ce figuralisme bienvenu adoucit le discours qui devient très gracile.
Exemple audio 3 : extrait de Roses en bracelet par Tassis Christoyannis
avec Jeff Cohen, piano – « Reynaldo Hahn - Complete Songs », 2019 – Bru Zane BZ2002.
À trois fois aussi, l’attaque vocale se fait délicate : elle bascule d’une 6te ajoutée (mes. 1, Roses), plane langoureusement sur un retard (mes. 7, Roses), s’allège par un contretemps heureux (mes. 4, Sveltes), trois départs qui renforcent la gracieuseté de cette courbe mélodique. Le dernier phrasé (mes. 12-15) laisse deviner l’arabesque initiale quelque peu diluée où se mêle la fin des saisons évoquées… Un second figuralisme, bref mais bien présent, dessine, par des fusées lâches, le jaillissement en gouttelettes du jet d’eau (mes 6-7) [Ex. 12].
Ex. 12, mes. 7 à 11 [Modéré]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Cette brève césure s’enchaîne à la seconde partie (mes. 8), en miroir à la première, en jouant sur l’enharmonie tonale (changement d’armure), de SOLb -> FA#. Développement harmonique entre D et T à pas masqués pour une demi-cadence, (mes. 13 -14), et un repos sur la D en valeurs longues qui permet de faire entendre les derniers mots du poème : Au bout de mon été.
Une des rares fois où la musique, heureuse, l’emporte sur le texte, plus sombre qu’il n’y paraît. Car, malgré son ravissement tourné vers les roses, le poète les rattache à un avenir plus ténébreux : au bout de mon été… mon automne, images de la fin de sa vie… On peut retrouver ce procédé poétique dans Eau printanière33 où la pluie toute harmonieuse qu’elle est, lui fait se remémorer des images plus tristes… Reynaldo Hahn transmet un tout autre message : il adoucit les chutes, mélodique et harmonique, pour positiver le message. Au chant il use d’une clausule bien franche, à l’allure presque populaire. Cet heureux dénouement allège encore davantage une mélodie gracieuse et délicate qui occupe une plage d’apaisement dans le discours général du cycle, comme l’ont occupée les n° 4, Belle lune d’argent et n° 8, Compagne de l’éther.
Peut-on faire observer qu’elle partage avec Belle lune d’argent cette idée d’une grande ligne descendante mélodique qui parcourt le chant et en constitue l’élément structurel de la pièce ; Même dessin tranquille et poli, sans heurt ni violence, qui donne une grande douceur à toutes deux…
11- Aux rayons du couchant
Cette mélodie a une place importante : dernière mélodie du cycle, elle porte une lourde fonction. Le choix des poèmes effectué par Reynaldo Hahn sur l’ensemble des Stances est celui qui nous occupe. Les mélodies tissent entre elles une trame dramatique à laquelle il faut tenir compte. Le compositeur les a écrites page après page pour ordonner ce grand livre. Il nous guide dans ce déroulement des temps et des sentiments. Il est naturel que nous portions notre attention sur cette dernière page.
Au plan sensible elle achève ce long, et court à la fois, parcours quasi introspectif où l’état d’âme du poète a été mainte fois sollicité par une nature émancipatrice et protectrice. Cette dernière stance n’y échappe pas : c’est un crépuscule rougeoyant, aux dernières éclats d’un soleil qui disparaît, laissant les sombres brumes s’étendre. Et le poète désireux de s’y confondre à jamais… L’image est saisissante, le symbole est évident. Reynaldo Hahn travaille cette page avec le plus grand soin. Construite sur un thème musical criant son dernier souffle suivi d’une plage purement pianistique nous abandonnant à la méditation, elle traduit un épurement stylistique, tel le trait fin d’un coup de pinceau sur la page blanche.
Cette mélodie présente une vaste marche que rien ne semble pouvoir arrêter. Inexorable, elle installe un implacable sentiment de mouvement perpétuel, telle la roue d’un destin maintenant accepté…
De forme libre, elle se divise en quatre parties :
A 1-13 / B 14-17 / C 18-23 / Postule 24-44
La partie A 1-13
Aux accords pesants, où l’instabilité harmonique accompagne la bascule vers un repos qui ne vient jamais, un motif tourne sur lui-même. Très majestueux, ce motif semble se hisser au la ainsi disparaître dans les graves pour resurgir de nouveau… [Ex. 13].
Ex. 13, mes. 1 & 2 [Assez lent]
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Invariablement identique, il semble avancer, prendre de l’ampleur et grandir : une ligne mélodique s’élève vers le ré par paliers (la – si – do), paliers marqués par un intervalle toujours grandissant à partir du ré4 (saut de 5te, de 6te, de 7e) pour accéder au ré5 final sur lu-miè-re :
Aux (ré) rayons (la) du couchant, le long (si) de cette ornière, [Ex. 14]
Je vous vois (do), peupliers revêtus de lu-miè (ré)-re ;
Ex. 14, mes. 3 & 4 [Assez lent]
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Aux mesures 10-12, le motif atteint alors son climax par un forte libérateur. Cet éclatement éruptif peut être compris comme un poignant aveu distillé dans ces vers : pour le dernière fois, a salué l’Été ! Le poète regarde avec violence l’irréversibilité du temps, appliquée à sa propre vie.
D’ailleurs, au plan formel, le thème ne sera uniquement repris que plus tard (mes. 36-38) [Ex. 15], en filigrane, dans le medium, à une seule voix, telle l’ombre de lui-même, pâle et fuyante, faufilée entre d’autres motifs… pour disparaître diluée à jamais dans sa toute fin…
Ex. 15, mes. 36-38 [Plus calme]
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La partie B 14-17
Fort différente de celle qui lui précède, bien moins déclamée, la ligne vocale épouse un ton plus feutré et retenu. Les intervalles émergent d’un bref recto tono pour accentuer les finales de mot. Le piano égraine un chapelet de croches, à peine soutenu d’accords aux couleurs mouvantes : rappellerait-il la brume qui brode l’horizon…? Une certaine déliquescence du discours est probante de ce flottement désarticulé.
La partie C 18-23
Elle procède par sa tournure à la finale mélodique. Bâtie autour de la note ré, le chant s’apaise sur le ton de la confidence, par vagues successives, pour échapper au ré de fin vers d’autre horizons. Il est soutenu par le thème initial qui fait un retour tout dépouillé, dans le medium. sous un voile diaphane.
L’importance de la note ré34, le Ve degré de SOL, se manifeste tout au long de la mélodie ; persiste dans les suites d’accords, sorte de fil conducteur invisible mais qui sous-tend l’harmonie ; borne quasiment l’ambitus de chant, malgré une échappée qui confirme cette attraction qu’elle exerce : fab -> mib -> ré (mes. 16-18). Et, comme par volonté de se dérober à une finale par trop affirmative, une cadence évitée entraine le ré vers un autre univers : de do# -> ré -> mi sur les derniers mots en ma fleur…
Le chant, dans l’ensemble, est totalement libre, sans rappel aucun par rapport au piano, sans rappel sur lui-même : il déclame le texte en étant au plus près du sens que veut bien lui donner Reynaldo Hahn. Il insiste ainsi sur deux mots qu’il isole par les silences brefs : oiseaux (mes. 7) et Va (mes. 13). De même, il met en valeur les derniers mots (en sa fleur, mes. 23) par une respiration demandée juste avant de les prononcer et en ne les soutenant que sur la simple résonance d’un accord tombé trois temps plus tôt. Nous reconnaissons cet impératif toujours présent de ne pas couvrir les mots-clefs d’un poème : ceci est un invariant chez le compositeur.
Ex. 16, mes. 22-23
« © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »
Un point d’orgue scinde la mélodie entre l’avant et… l’après.
Un accord de LA, accord inattendu, nous laisse en plan, comme s’il annonçait un développement ; il ne viendra jamais… En s’effaçant pour un soupir avec le point d’orgue, il produit ici une vraie césure au piano : c’est la voix qui porte la lourde charge de faire le pont avec la postlude. Une des rares libertés laissées à l’interprète chanteur…
À pas feutré, par un accord de 7e en fa# (accord de 9e de D sans fondamental) les dernières mesures vont se dissiper peu à peu dans une montée chromatique : voici que débute le postlude, plus lent, très calme, qui mérite que nous nous y attardions.
Postule 24 - 44
Long postlude, sur 22 mesures, qui s’évanouit dans le silence. Avant de reprendre les deux motifs saillants de la pièce, comme surgis d’une mémoire épuisée, un étonnant passage très éloigné thématiquement et affectivement nous transporte vers un autre univers.
Sur une ligne étirée (doux et pur) il laisse tout d’abord planer une mélodie indiscernable, tant par les valeurs étirées, que par les rythmes quasi non mesurés (7 croches, puis 4, puis 3, 1, 4) comme se dissiperait une brume… Lointaine réminiscence d’une tournure mélodique du Au pays musulman ! (mes. 21-22) composé quelques mois auparavant à Constantinople ? Ce ne serait pas étonnant qu’il veuille ainsi se re-plonger dans un souvenir proche, quasi extatique, pour s’enfuir loin, bien loin… Rien ne nous l’interdit… tant ce passage est si éloigné du reste de la mélodie, du recueil même… La ligne est reprise un ton plus haut, plus courte, pour mieux disparaître encore ; pour brouiller un peu plus les contours d’un trouble maladif, un jeu de pédale vient noyer les harmonies. Elle semble vouloir finir, finir totalement, comme une respiration qui s’épuise. Peut-être pourrions-nous sentir à cet instant précis l’achèvement complet d’un homme à l’œuvre…
Reynaldo Hahn, toujours attentif à cet étirement du temps et l’espace qui s’évanouit, emploie les procédés, mainte fois rencontrés, de chromatisme rythmique.
Enfin, s’échappe dans un lointain (voix medium) la crête du motif principal (encore ici un étirement du temps grâce au duolet au lieu de 6/8), sous la guirlande évanescente de croches et sur des basses sages : notre mémoire de nouveau interpellée nous ramène au présent des souvenirs confus. Une seconde reprise, retardée d’un demi-soupir, aux rythmes plus distendus… Le compositeur impose ainsi un ralenti…, idée identique avec le duolet (mes. 41) qui délite un peu plus l’arpège, de surcroît vers l’aigu. Silence plus long… et trois accords finaux, sombres, charpentés par l’intervalle de 9e ré - mi qui glace une cadence T – D - T presque conventionnelle si les renversements ne jouaient pas les troubles fêtes (ré – la - sol en basse) et ce mi taraudant le repos espéré… Les ultimes résonances viennent se perdre un peu plus, grâce au point d’orgue, en poussière précieuse.
Conclusion
Reynaldo Hahn, à la force de l’âge, en plein période de célébrité, porte un regard sombre sur lui-même et sur la vie. On doit tout de suite associer cette approche au monde avec celle de Jean Moréas, au parcours similaire. Il a su lire ces lignes, les prendre pour ce qu’elles disent. Il ne trahit en rien les doutes, les regrets, le désespoir de l’homme. Il répond sans fard ni détour au regard dur qui perce les cœurs. Sans le braver, il lui concède sa justesse, son franc-parler, et sait lui répondre à sa hauteur : il l’accompagne, l’emporte et manifeste sans retenue parfois le juste état des choses. Et les critiques du jour s’étonnent de ces Feuilles, les jugeant seulement… « intéressantes ».
Fig. 8 : Reynaldo Hahn croqué par G. Tolmer – 1902.
Peut-on s’étonner de cette justesse de ton pour décrire un paysage nimbé de mélancolie et de regrets sans fin qui détonne avec cette jeunesse en plein épanouissement ? Ici nous découvrons un homme bien éloigné des images véhiculées par les fainéants de l’histoire… qu’ils l’enferment trop vite comme « musicien de salon » avec l’idée de « mièvrerie et sentimentalité… ».35 Pièce musicale où tout se joue en un temps bref, la mélodie des Feuilles blessées de Reynaldo Hahn s’illustre par une richesse de moyens d’expression qui porte haut ce genre musical. Pour chacune des mélodies, la tonalité n’est pas franche mais bousculée par modulations souvent ardues, aux accords de passage qui s’étalent plus qu’à l’ordinaire, ou bien appogiaturés, à la ligne mélodique mainte fois brisée entre majeur et mineur, entre des tonalités parfois très éloignées. Les sensibles sont évitées, les toniques posées sous d’accords instables sinon ambigus… Tout concourt à créer une atmosphère à la fois d’une inquiétude assumée et une obscurité fluorescente. Point d’emportement factice, point de superflu, ce cycle de mélodies traverse l’âme avec une rude délicatesse généreuse. Dans la lecture de ces poèmes le compositeur a trouvé les mots qui traduisait sa lecture du monde durant cette période… Il se confie dans une musique subtilement brute, adroitement directe, sans emphase rhétorique, élaguant son langage des tournures trop convenues pour un discours plus fragmenté, aux contours plus éclatés, au cheminement harmonique plus roide, loin des sentiers rebattus. Il l’étoffe d’un halo argenté qui cisèle les écarts et embrume les heurts.
C’est une œuvre d’une belle maturité et d’une froide sagesse.
Reynaldo Hahn fait de ses Feuilles blessées à la fois un paysage d’état d’âme et un paysage spirituel. Loin de traduire l’ensemble littéraire de Moréas, il nous en fait part à travers ces quelques… mélodies. Au-delà des vers, il y a la musique. Le cycle présenté ici vaut par sa cohérence stylistique homogène, sa concision volontaire, sa rigueur obstinée. Il offre l’immense déclinaison des sens qui contente la voix, défit le piano, surprend et éveille l’auditeur. Nous pourrions reprendre ces mots de Jean Moréas lui-même pour comprendre l’exigence du compositeur :
Je voudrais rejeter tout développement inutile, fondre d’un trait l’idée et le sentiment, et ramener le poème à ses éléments essentiels. Je voudrais que ma stance ne pesât pas plus qu’un soupir et qu’elle se manifestât avec la précision et la brièveté de l’éclair.36
Entre le musicien et l’écrivain, jamais lecture du temps n’a jamais été si égale ; voilà deux personnalités qui abordent la vie de façon très similaire. Si nous devions choisir quelques vers dans la prodigieuse production du poète, ce quatrain semble à la fois définir le poète et répondre à une musique de Reynaldo Hahn qui reste à écrire :
Solitaire et pensif j’irai sur les chemins,
Sous le ciel sans chaleur que la joie abandonne,
Et, le cœur plein d’amour, je prendrai dans les mains
Au pied des peupliers les feuilles de l’automne.37
Ce recueil reflète sobrement les fatalistes pensées d’un homme sur la vie qui se consume, inexorablement, dans une infinie tendresse. L’automne en demi-teinte, un entre-deux clairement entrevu d’une jeunesse impatiente qui s’éloigne et d’une assurance exigeante qui avance.
P. S. : J’engage le lecteur curieux à visiter le site http://reynaldo-hahn.net pour compléter ses recherches sur le compositeur.
1 En 1999 par Didier Henry, baryton, avec Stéphane Petitjeanau piano chez Maguelone ; en 2015 par Clémence Decouture, soprano, avec Nicolas Chevereau au piano chez Studio Passavant. Séparément, certaines des onze mélodies ont été enregistrées de loin en loin.
2 In Les stances de Jean Moréas, Éditeur la Plume (Paris), 1899.
3 Sous la référence 22 851.
4 De façon incomplète : la n° 11 ne sera composée qu’en août 1906.
5 Cf. Correspondances de Proust, t. VI, p. 66, note 3.
6 La n° 4, Belle lune d’argent, lui est dédicacée.
7 Cf. Le Ménestrel - Heugel (Paris), juin 1906.
8 Emma Calvé (1858/ 1942) en tient le rôle principal.
9 Édité en 1906 et créé en avril 1907 chez la Princesse Edmond de Polignac.
10 Il avait tiré son pseudonyme de son lieu d’origine, la Morée, nom médiéval du Péloponnèse actuel.
11 Cf. Le Divan, n° 7 de janvier 1910, p. 147/ 152, Article signé N. N.
12 Agence Meurice – Gallica-BnF.
13 Deschamps, Léon (1863-1899), fondateur des éditions La Plume en avril 1889.
14 Cf. La Plume, n° 163, février 1896 - (Paris), 1900-01, p. 67.
15 Lire le portrait qu’en fait André Beaunier (1869-1925) dans Visages d’hier et d’aujourd’hui, Éd. Plon-Nourrit et Cie (Paris) -1911, p. 50/ 51.
16 in La Plume, revue littéraire et artistique bi-mensuelle (Paris) 1900, p. 290.
17 in Le Figaro, octobre 1927.
18 in La Poésie nouvelle, André Beaunier, Paris, Mercure de France, Paris 1902.
19 in Le Figaro (mars 1931), propos rapporté par Gaston Picard.
20 Éditions de La Plume, Bibliothèque du Parthénon – 54, rue des écoles – 1905, 213 p.
21 Raynaud, Ernest (1864-1936). Jean Moréas et les Stances / par Edgard Malfère. Paris, 1929, p. 79.
22 Les Stances - Jean Moréas ; Illustrations signées Bernard Essers- Paris : La Connaissance, -1927. 184 p.
23 Raynaud, Ernest, p. 116.
24 Ibid. in Avant-propos.
25 Moréas, Jean, Le Pèlerin passionné, Éditeur L. Vanier (Paris) - 1891.
26 Elle est la n° 5.
27 Composée en avril 1906, à Péra, lors de son séjour à Constantinople. Elle est contemporaine de Roses en bracelet, n° 10 des Feuilles blessées.
28 Extrait des Syrtes, le 2e des Bonnes souvenances. Paris, Éd. L. Vanier (Paris) 1892.
29 Pour les exemples musicaux : Reynaldo Hahn - Les Feuilles blessées
© 1907 by Heugel. Rights transferred to Éditions musicales Alphonse Leduc, Paris
Avec l’aimable autorisation des Éditions musicales Alphonse Leduc, Paris
30 Extrait de la stance n° 13 du 4e livre.
31 Voir infra, la n° 10, Roses en bracelet.
32 in Les Stances, Jean Moréas, 1899 - poèmes transcrits de sa propre main, n° 16 du 2e livre.
33 Voir supra la n° 6 et l’analyse.
34 Cette note ré tient aussi, rappelons-le, dans la 6e du recueil, Eau printanière, une place structurelle active.
35 Ne lit-on, encore, le « charmeur » dans le livret accompagnant une production CD de 2015…
36 Raynaud, Ernest (1864-1936), Jean Moréas et les Stances par Edgard Malfère. Paris, 1929, p. 79.
37 Extrait de la 2e stance du 6e livre ; En voici la 2nde strophe :
J’écouterai la brise et le cri des oiseaux
Qui volent par les champs où déjà la nuit tombe.
Dans la morne prairie, au bord des tristes eaux,
Longtemps je veux songer à la vie, à la tombe.
Kelley Sheehan (1989), jeune pionnière de la musique basée à Chicago, travaille en tant que compositrice, qu’interprète de musique électronique improvisée et que directrice artistique / éditrice d'un webzine faisant la promotion de la musique de ses pairs. Ses pièces sont pleines de découvertes, de collaboration et d'imprévisibilité.
"J'ai commencé mes études supérieures par un cursus pianistique, car je ne savais pas que l’on pouvait obtenir un diplôme en composition. A la seconde où j'ai réalisé que c’était possible, j'ai changé. C’est une histoire amusante dont les gens rient habituellement, je ne savais même pas que c’était possible ! ». Avec son expérience de la performance, Sheehan a toujours une approche pratique du travail avec les instruments. "Si j'écris pour une guitare électrique, par exemple, je veux avoir une guitare électrique à la maison. Je peux donc l'expérimenter et voir quels sons sont possibles. »
https://www.youtube.com/watch?v=8sKRn1-PZRw
Ces dernières années, Sheehan s'est tournée vers le travail avec des instruments électroniques, les construisant souvent elle-même. Une partie croissante de sa pratique artistique est en tant qu'interprète, axée autour de l’improvisation en solo ou en collaboration. Dans ses compositions, elle essaie de fusionner le monde de l'électronique improvisée en direct avec la salle de concert classique. Par exemple dans Talk Circus, elle utilise une table de mixage sans entrée: un outil fréquemment utilisé dans la musique noise en raison de ses possibilités de création de feedback puissant et de son imprévisibilité.
«Quand nous répétions cette pièce, je disais toujours des choses comme: l'idée générale ici est que je veux un son de cliquetis ou un son de bourdonnement. Et puis le résultat final serait, je l'espère, quelque chose de proche de ce que j'avais en tête. Je suppose que c'est autour de celà que mon travail gravite. Entre "Je veux ce son en ce moment" et "c'est ce que j'espère qu'il se passera", selon l'électronique que j'utilise ou les mouvements que j'utilise. "
https://www.youtube.com/watch?v=J50stbEWaxo
Mais même si elle autorise l'improvisation et l'imprévisibilité de son travail, elle dit: "Au cœur de mon travail, je pense que je suis très structuraliste." Lors de la création de structures, les qualités des sons qu'elle utilise sont le point de départ. «Par exemple, dans ma pièce Four Sharp Corners, les musiciens doivent faire prendre lentement leurs violons sur une table. Je dois donc créer des mouvements longs et lents. Je commence toujours par les sons, puis ma structure vient de la meilleure façon de placer ces sons dans le temps. Et pour une raison quelconque, mes morceaux sont toujours plus courts que le morceaux typiques de musique contemporaine. Je ne dirais pas que c'est délibéré, mais je ne dirais pas non plus que je suis mécontente de cela. J’aime un peu qu’ils fassent leur truc, disent ce qu’ils veulent dire et je suis content de terminer là.”.
Les sons vers lesquels Sheehan gravite sont souvent les plus bruiteux. «J'adore ces bruits granuleux. Il y a tellement de choses dans ce genre de sons. Vous pouvez les écouter pendant longtemps et ne toujours pas entendre tout ce qui est en eux. ». Avec le bruit vient un sentiment d'enjouement: elle a même écrit un morceau appelé Circle Speak pour un labyrinthe de jouets amplifié électroniquement qui produisent des sons quand l’interprète les manipule.
Circle Speak sera présenté sous la forme d’une installation étendue pour plusieurs joueurs au Gaudeamus Muziekweek. C'est une idée excitante pour Sheehan, qui est une collaboratrice et une joueuse d'équipe dans l'âme. En plus d'écrire sa propre musique, elle travaille activement à promouvoir le travail de ses pairs, à la fois en tant qu'interprète, en tant que directrice artistique et qu’éditrice du webzine Cacophony. «J'aime vraiment le sens de la communauté que cela me donne. Faire la promotion de voix diverses est vraiment une partie importante de ma pratique artistique. Je pense que c'est vraiment fondamental pour les artistes de s'entraider. Surtout en ce moment. "
Lien vers la publication originale
https://gaudeamus.nl/en/pioniers/kelley-sheehan/?fbclid=IwAR1oVdP1M7VcGPkWrDTsRegDDuXOjqOzxZZCx1UgKN6ymeWdcJcbhzEpcIY
Que ne donnerait-on pas pour avoir pu être les témoins du quotidien d’un Mozart, un Bach, un Beethoven, ou d’un autre musicien, lorsqu’ils composaient ? Comment s’y prenaient-ils, et par quels sentiments ils passaient ?
J’ai eu ce privilège, par l’amitié qui était la nôtre, de regarder à travers ma caméra, et presque quotidiennement, André Prévost avant qu’il ne disparaisse, composant une de ses toutes dernières œuvres, son « Concerto pour Violon et Orchestre » dédié à la virtuose et amie, Chantal Juillet, et dirigé par celui qui fut un des grands Chefs de l’Orchestre Symphonique de Montréal, le Maestro Charles Dutoit, qui créèrent l’œuvre le 28 avril 1998.
Certes, il a fallu du temps pour rendre compte de toute cette aventure créatrice :
Cinquante quatre heures de tournage sur vingt et un mois de composition, et plus de quatre années de montage à travers les hasards de nos vies... et de la mort, pour un document final de trois heures.
Trois heures « seulement » pour pénétrer au cœur de cette énorme tranche de vie se déroulant sur deux hivers, pétrie de l’amitié et du respect que se portaient leurs protagonistes, qui se dégagent de chaque image, et sans quoi rien n’existe vraiment, et pétrie bien sûr d’un art soi-disant complexe, la musique, que je finissais par comprendre, moi le béotien, et aimer pour sa transparence mathématique et sa logique desquelles jaillissaient tant de beautés sonores inattendues...
Trois heures pour vous faire partager ces découvertes...
Trois heures pour rendre compte de ce testament musical... Trois heures sur toute une vie ou une journée, c’est finalement assez peu...
Amateurs de « zapping » s’abstenir !
James Dormeyer © L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ayant tenu cette rubrique depuis quarante ans, il est temps pour moi de chercher un successeur. Je remercie les collaborateurs qui ont commencé à prendre le relais : Sophie Jouve Ganvert, Marie et Lionel Fraschini. Mais je souhaiterais trouver un collaborateur « avec droit de succession » … Si vous voulez des détails, vous pouvez me contacter directement en m’écrivant sur mon courriel daniel.blackstone@wanadoo.fr Merci d’avance aux futurs candidats !
Daniel Blackstone
Un piano et un saxo, cela se trouve facilement et de plus cette partition comprend un lien qui permet l’écoute de l’accompagnement instrumental des chansons sur tout support numérique. Les auteurs ont pensé à tout et sont manifestement des praticiens… Ce conte d’inspiration guatémaltèque est à la fois écologique et initiatique. Les enfants pourront se passionner pour les aventures de Chilipan, enfant du pays des arbres, qui part en exploration, découvre une cité merveilleuse et recherche la belle Kaora, enlevée par le grand Jaguar. Inutile de préciser que tout se terminera très bien. La partition est remarquablement adaptée aux enfants, les rythmes évoquent bien l’Amérique du sud, la partie de piano demande un accompagnateur accompli. Mais il y en a d’excellents… L’ensemble des participants devrait trouver un grand plaisir à interpréter ce conte d’une durée d’environ 25 minutes, ce qui est un excellent format. Souhaitons que beaucoup d’enfants puissent interpréter ces passionnantes aventures.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Anthony Girard nous livre là un nouveau « Langage musical », celui de Berlioz dans La Symphonie fantastique. « Ici s’opposent et se complètent musique à programme et musique pure, respect des formes classiques et théâtralité extrême, simplicité et audace du langage harmonique. L’écriture orchestrale, d’une invention sans cesse renouvelée, est le fruit d’une recherche minutieuse sur les nouvelles possibilités instrumentales, mais reste toujours au service de l’émotion ».
L’auteur met en évidence par de nombreux exemples, les « forces contraires » du « style » berliozien : le « théâtre des émotions », « l’ombre de Beethoven » et les « savantes audaces » constituées par les « harmonies singulières » et le « modèle d’orchestration », « fruit d’une recherche minutieuse sur les nouvelles possibilités instrumentales ».
Daniel Blackstone
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Ces volumes, qui, précisons-le, contiennent chacun dix chansons, s’inscrivent dans la grande tradition initiée par les compositeurs depuis la fin du XIX° siècle. On pense évidemment à Joseph Canteloube mais aussi (et nous en oublierons forcément…) à Vincent d’Indy, Angèle Ravizé, Marc de Ranse, Gabriel Pierné, Francis Poulenc, Paul Berthier… et tant d’autres ! Jean Legoupil nous propose donc ici des versions délicatement harmonisées de ces chansons qu’on s’est parfois ingénié à faire disparaitre du répertoire patrimonial. On pourra s’amuser de voir apparaitre parmi ces chansons traditionnelles Colchiques dans les prés, qui est d’abord l’œuvre de Francine Cockenpot mais qui est devenue effectivement une authentique chanson populaire. L’ensemble est abordable par toute chorale digne de ce nom. Et on ne peut que se réjouir de retrouver ainsi Frère Jacques, V’là l’bon vent, Le pont d’Avignon, Ne pleure pas Jeannette, ou Il pleut bergère, habillées de polyphonies si bien écrites et si respectueuse du caractère de ces chansons.
Daniel Blackstone
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George Arthur Richford est un compositeur et chef d'orchestre
plusieurs fois primé, vivant et travaillant dans le sud de l'Angleterre.
Il est actuellement directeur de la musique à l'abbaye de Romsey et
au choeur de chambre de l'université de Southampton.
Cette messe brève correspond parfaitement au « canon » du genre.
Elle comporte l’ensemble des pièces de l’ordinaire de la messe, y
compris le Gloria. L’ensemble est de construction relativement
classique, on pourrait dire grégorianisant. Il est expressif mais avec
retenue. Bien sûr, il est en grec (Kyrie) et en latin pour le reste. Il
faut le préciser, hélas, pour des lecteurs français…
L’oeuvre ne comporte pas de difficultés spéciales pour un choeur de
bons amateurs. La partition comporte une réduction au clavier, mais
qui ne doit être utilisée que comme outil de travail et jamais lors de l’exécution.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Signalons tout de suite qu’on peut écouter cette pièce sur le site de
l’éditeur exécutée a cappella par un excellent choeur.
https://www.universaledition.com/search?q=UE%2038074
Max Beckschäfer (né le 23 février 1952 à Münster ) est un organiste,
compositeur et universitaire allemand. Il enseigne à la Hochschule
für Musik Augsburg-Nürnberg. L’oeuvre ici présentée est écrite dans
un langage original, très poétique mais ne comporte pas de difficulté
majeure. Elle est, bien sûr, écrite sur le texte latin et comprend la
doxologie maintenant commune aux protestants et aux catholiques.
L’oeuvre comporte en option un accompagnement de piano qui est
une réduction des voix. Elle est en tout cas fort belle.
Daniel Blackstone
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« Et j'ai entendu une voix » est une commande du Centro Nacional
de Difusión Musical CNDM (Madrid) à l'occasion du 800e
anniversaire de la fondation de l'Université de Salamanque en 2018.
L'oeuvre est dédiée à la mémoire de l'archevêque Konrad Veem. Le
texte est tiré de l'Apocalypse de Jean (14:13): « Et j'ai entendu une
voix venant du ciel dire : « Écris ceci : bienheureux les morts qui meurent désormais dans le Seigneur. Bienheureux, dit l'Esprit, afin qu'ils se reposent de leurs
travaux, car leurs actions les suivent ! (Jean, Apocalypse 14 :13)
Voici une oeuvre absolument admirable, méditative écrite dans un langage d’une simplicité très
grande. Que ceux qui le pourront n’hésite pas à monter cette oeuvre malgré les difficultés de
langue : elle est en effet écrite en estonien. L’édition – anglaise – comporte les indications de
prononciations de l’estonien pour anglophones… mais on peut aisément transposer les
indications données pour le français. Elle demande également un choeur suffisamment étoffé
notamment en hommes car les parties sont très souvent divisées, notamment les basses.
On peut écouter l’oeuvre sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=tAH_11sUr4s ce
qui, outre la beauté de l’exécution, pourra aider pour la prononciation !
Daniel Blackstone
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On connait la version avec piano de ces chants ainsi que leur version pour orchestre. Il était donc naturel de les adapter aussi à l’orgue. En effet, il est possible, pour le transcripteur, de rester proche de l’écriture pianistique tout en faisant bénéficier cette écriture des timbres et des couleurs propres à l’orgue. C’est ce qu’a tenté de faire Pieter-Jelle de Boer. Pour ce faire, il a transformé la partition de piano en fonction des possibilités particulières offertes par l’orgue et ne s’est pas contenté de retranscrire les parties de piano en ajoutant simplement un peu de pédale. L’ensemble s’avère donc fort intéressant.
Daniel Blackstone
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Guy Sacre a écrit beaucoup de mélodies, et c’est un peu par hasard qu’il a découvert ces poèmes de Jules Romains qui font partie d’un recueil intitulé Odes et Prières. Ce « lyrisme poignant, si lentement soutenu » a fasciné l’auteur. Plutôt que de mettre en musique l’ensemble du recueil, il a choisi deux pièces : Voici qu’un jour tranquille et Je me sens pauvre aujourd’hui pour en faire ces œuvres délicates dont il a le secret. Voici ce qu’il en dit : « Dans les Prières, je suis un hôte à demeure, entouré de miroirs familiers, qui me renvoient invinciblement à mes ombres les plus secrètes, à mes peurs les plus inavouées. » Ces mélodies datent de 1980. L’ensemble est remarquablement publié. On est notamment heureux de trouver dans la partition, outre le texte de présentation de Guy Sacre, le texte des poèmes.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Célèbre auteur d’opéras, Massenet est aussi auteur de trois cents mélodies. Les quatre proposées dans ce recueil sont des découvertes qui devraient attirer les voix graves féminines. La première est écrite sur un poème de Thérèse Marquet intitulé l’Idéal qui exalte l’amour mystique. L’accompagnement qu’en donne Massenet, du fait de son caractère orchestral, est difficile d’exécution. Fleurs sacrées paraît dans un numéro spécial des Annales politiques et littéraires sur un poème de D. B. de Laflotte, et dont le caractère sombre et lugubre est accentué par la tessiture grave de la voix. Dernier sommeil, sur un court poème de A. Chagneau, paru dans un numéro spécial de Nos loisirs, est dédicacé à Lucy Arbell de l’Opéra. Le Figaro publie l’année suivante, en 1907, Mélancolie, (sur un poème de R. Jubert), que Massenet reprendra plus tard dans ses Expressions lyriques. L’écriture montre une attention particulière du compositeur envers son interprète préférée, à la voix de contralto.
On lira avec intérêt les notes, annexes et sources de cette édition musicologique.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Là encore Eric Pénicaud repousse les frontières de la guitare en offrant cette pièce liturgique de musique de chambre. Il s’agit d’un arrangement d’après le Pater Noster de Rimsky-Korsakov. La partie de guitare, comme le chant, ne comporte pas de difficulté particulière et pourra être abordée dès le 2ème cycle confortablement. La guitare accompagne et le chant à la voix exprime la mélodie. Il y a une scordature où la corde de mi grave est remplacée par un la.
Les paroles sont transcrites en 10 langues et la musique adaptée aux principaux registres de voix. On notera le style dépouillé de cette œuvre ainsi que son caractère méditatif.
Cette pièce en 10 versions symbolise une sorte d’unité à l’heure actuelle où mixité et individualisme convergent et divergent au gré de la vie.
Lionel Fraschini
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Écrite pour célébrer le 300ème anniversaire de l’orgue Andreas Silbermann de l’église Sainte-Aurélie de Strasbourg (1718), cette pièce assez courte a été composée strictement en fonction des possibilités de l’instrument et de ses particularités. Il faudra tenir compte de ce fait lors de l’adaptation de cette pièce à d’autres instruments. Mais c’est le lot habituel de tout organiste. L’auteur a été amené par choix et en hommage à l’écriture des compositeurs de l’époque à adopter à la fois un langage harmonique quasi strictement tonal, ce qui n’est pas dans ses habitudes, mais aussi à faire preuve d’une grande liberté d’écriture, dans l’esprit de l’improvisation. Il sera fort utile de consulter le site http://decouverte.orgue.free.fr/orgues/staureli.htm qui donne l’historique de l’instrument et sa composition actuelle. L'orgue a en effet été reconstruit en 2015 par la manufacture Quentin Blumenroeder. Cela correspond à une restauration dans l'état de 1768, avec le buffet dans l'état de 1790, en gardant la Voix humaine comme en 1718 (et non un Cromorne).
Daniel Blackstone
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Ces douze petites pièces sont mises en résonnance avec des allusions poétiques à Verlaine, Apollinaire, Coulmin, La Fontaine, Éluard, Desnos et Andersen. Chaque pièce crée un univers sonore en rapport avec la citation de l’œuvre du poète qui sert de titre. C’est dire la variété des ambiances. Courtes, ces pièces le sont, puisque l’ensemble ne dure qu’à peine 16 minutes. Mais chacune est un petit tableau en parfaite adéquation avec son objet. Elles n’offrent pas non plus de difficultés techniques insurmontables et peuvent être jouées sur un instrument de deux claviers pédalier. Les indications de registration sont facilement adaptables à des instruments d’esthétique assez différente. Mais surtout, on peut écouter sur YouTube l’ensemble du recueil interprété par le compositeur à l’adresse https://www.youtube.com/watch?v=mbBX_p_1wH8
Daniel Blackstone
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Éric Lebrun a écrit ces études en pensant à ses élèves mais aussi pour lui-même. Il s’agit pour lui de transformer ce qui pourrait être un travail ingrat en un véritable travail musical. Chacune de ces études possède son caractère propre, non pas seulement pour des raisons de technique mais d’abord pour en faire de la vraie musique. Ce n’est pas pour rien que chacune est dotée d’un titre qui en détermine le caractère. L’auteur précise : « A chaque pièce correspond un climat particulier et des éléments de langage parfois assez différents, ces sept études formant une suite cohérente et étant conçue pour être enchaînées si on le souhaite. » On peut écouter deux de ces pièces sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=YDvByiWwu_o
Daniel Blackstone
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Contrairement à d’autres transcriptions de cette même oeuvre, celle
de Jean-Paul Imbert respecte pleinement non seulement la lettre
mais l’esprit de cette oeuvre très expressive et toute en subtilité et
tendresse. Il faudra donc respecter aussi la registration conseillée
par l’auteur qui est faite pour un orgue à trois claviers pédalier mais
qui jouera entièrement sur les fonds de 8 (et 8 – 16 au pédalier, bien
entendu). Une boite expressive s’avère nécessaire si on veut
pouvoir faire ressentir les élans lyriques de l’oeuvre. La
transcription est un art difficile qui peut vite devenir une trahison si
elle n’est pas faite avec goût. Celle de Jean-Paul Imbert l’est
pleinement : souhaitons qu’elle ne soit pas dénaturée par des
organistes qui en manqueraient !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette fois, Jean-Paul Imbert nous propose une transcription d’une
pièce composite aux multiples facettes et à l’histoire compliquée…
Tous les pianistes la connaissent. Sans doute moins les organistes.
C’était une véritable gageure que de réussir cette transcription et J.P.
Imbert y réussit pleinement. On peut d’ailleurs l’écouter sur
YouTube https://www.youtube.com/watch?v=-yHfqs8Clfw et on
peut être sûr que cela rendra bien service aux organistes pour adapter
la registration à leur propre instrument. Mais le jeu en vaut la
chandelle ! Bien sûr, il sera difficile d’utiliser cette pièce dans un
cadre liturgique, mais l’orgue, fort heureusement, n’est pas cantonné
à ce répertoire !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
On sait qu’Haydn lui-même écrivit plusieurs versions de cette oeuvre
magistrale. C’en est l’introduction que Jean-Paul Imbert a adaptée
pour orgue. Il est inutile de souligner les difficultés inhérentes à une
telle adaptation, qui est plus qu’une transcription. On imagine aussi
la difficulté à rendre les intentions de l’adaptateur. Celui-ci l’a bien
senti : plutôt qu’une registration, il utilise des plans sonores au
nombre de quatre et indique les couleurs de chaque plan en précisant
bien qu’il faudra les adapter à chaque instrument… Une bonne
connaissance des différentes versions de l’oeuvre originale aidera
chacun à utiliser cette adaptation tout en restant fidèle à Haydn, mais
le jeu en vaut la chandelle !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Né à Téhéran en 1940, Alireza Mashayekhi est un pionnier du multiculturalisme musical. Mais depuis 1990, ses œuvres sont essentiellement inspirées par la musique persane. Comme l’indique leur titre, c’est le cas de ces deux recueils qui nous proposent chacun quatre pièces aux noms évocateurs. Le procédé de composition utilisé par l’auteur est celui de la « Théorie complémentaire », défini par lui comme « un complément modal à l’harmonie classique et au contrepoint baroque ». C’est un monde à la fois étrange et bien séduisant dans lequel nous entraine ce compositeur très attachant.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Il est réjouissant de voir Max Méreaux offrir aux élèves de deuxième cycle une véritable fugue fort plaisante. Nous savons bien qu’en écrivant cela, nous allons contrister certains… mais cette fugue en forme d’étude est fort intéressante et agréable à entendre autant qu’à jouer. Elle trouvera sans démériter sa place entre les Préludes et Fugues du Clavier bien tempéré, dont nous n’avons pas besoin de rappeler l’auteur… du moins, nous l’espérons. Le mi mineur affirmé (avec les modulations qui conviennent, bien sûr) confère à cette œuvre un caractère de distinction qui nous semble propre à cette tonalité. Nous ne pouvons que lui souhaiter un franc succès auprès des élèves et des professeurs.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Pour être élégiaque et romantique, cette pièce l’est sans nul doute. Cela lui donne un charme certain. On remarquera la construction tripartite. La première et la troisième partie sont construites sur un élément thématique récurrent qui pourrait amener à une certaine monotonie si les délicates et changeantes harmonies qui le soutiennent ne venaient en changer constamment la couleur. La partie centrale, andante, est construite sur une cellule chromatique de quatre sons en valeur longues soutenue par des croches en tierce qui demanderont au pianiste une grande indépendance des doigts à la main droite. On sait assez que les tierces enchainées ne sont pas vraiment la tasse de thé des pianistes surtout lorsqu’il faut également assurer le chant lié à la même main ! Mais tout cela n’est fait qu’au service de la musique, et l’ensemble est vraiment très réussi.
Daniel Blackstone
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Les édition Partita nous font le plaisir de nous faire découvrir leur production. Voici donc un recueil bien réjouissant. La graphie est bien adaptée au jeune âge et les pièces sont très variées et illustrent bien leur titre. Cherchez les intruses est un véritable jeu d’écoute attentive qui permettra au professeur, selon l’âge de l’élève, de faire un peu d’harmonie pratique… Pas à pas introduit un dialogue amusant entre les deux mains. Bref, chaque pièce possède son centre d’intérêt, et cela toujours tout simplement en faisant de la vraie et bonne musique. Il est si difficile d’écrire pour les jeunes sans tomber dans le fade et le convenu… Ce recueil pourra constituer un très intéressant complément aux méthodes classiques qu’il ne peut évidemment remplacer.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Il y a déjà bien longtemps que nous avons dit tout le bien que nous pensions des ouvrages de ce pédagogue. Voici donc une méthode de piano extrêmement complète puisque pour le seul premier niveau, elle ne comporte pas moins de quatre fascicules. Disons d’abord que pour les français, son seul défaut est que cette méthode est entièrement en allemand. Peut-être les éditions Schott auront l’excellente idée d’en faire une édition française car ce travail monumental le mériterait bien.
Le premier fascicule est l’école du piano en tant que tel. Pourquoi école interactive ? C’est qu’un site internet y est entièrement consacré https://de.schott-music.com/piano-junior/
Fort judicieusement, la méthode commence par la description de l’instrument. Heureusement, les illustrations sont parlantes même pour des non-germanophones. Le deuxième fascicule est consacré à la théorie. Rien de rébarbatif dans ce volume mais tout ce qu’il faut pour maitriser les éléments nécessaires à ce premier niveau. Le troisième fascicule, appelé Konzertbuch est consacré aux pièces de « concert » abordables dès ce premier niveau. Enfin, le quatrième fascicule, intitulé Duettbuch, permet à nos jeunes débutants de se livrer dès le début aux joies du piano à quatre mains avec des morceaux écrits pour élèves de même niveau. Tout cela est bien intéressant. Quel dommage que la barrière de la langue nous en prive : espérons que nous avons des lecteurs allemands qui y trouveront largement leur compte !
Ajoutons que le niveau 2 (22762 – 22772 – 22782 – 22792) comporte les mêmes procédés et le même intérêt.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ces petites pièces se veulent pédagogiques : la référence explicite à l’Album pour la jeunesse de Schumann en est un témoignage. Ce dont elles témoignent aussi, c’est de leur fidélité à l’esprit de celui-ci : comme celles de leur illustre prédécesseur, ces pièces témoignent qu’on peut écrire techniquement simple sans rien renier de ses exigences musicales. Thomas Kientz, qui a enregistré certaines pièces écrit : « Dans Le sorcier, Schirlé utilise un figuralisme musical pour exprimer l’atmosphère de sorcellerie. Les fusées, gamme par ton, notes martelées inquiétantes confèrent à l’œuvre un caractère impressionniste qui n’est pas sans rappeler L’apprentis sorcier de Dukas. De même, dans Jouets perdus, un chant désolé avec un accompagnement chromatique exprime la douleur d’un enfant qui a perdu son jouet. » Remercions les éditions Chanteloup Musique qui remettent à notre disposition ces pièces trop méconnues du remarquable compositeur que fut Auguste Schirlé (1895 – 1971), par la force des choses et les aléas de l’histoire alsacienne, jouissant d’une double culture…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Il fallait oser… Et Alexandre Tharaud s’y est essayé avec bonheur. On sait qu’il a réalisé d’autres transcriptions, comme l’Andante du concerto BWV 979 ou la Sicilienne du concerto en ré mineur BWV 596. Ici, il s’attaque à forte partie. Il est inutile de préciser qu’il faut faire preuve, pour interpréter cette transcription, d’une redoutable virtuosité doublée d’une musicalité à toute épreuve et la capacité de mettre en valeur les timbres et les différents plans sonores que nécessite l’œuvre originale. Quoi qu’il en soit, c’est toujours passionnant de pouvoir, à travers des transcriptions, pénétrer à l’intérieur d’une œuvre, surtout de cette importance…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Il est toujours pour les pianistes bien agréable de pouvoir jouer à quatre mains, même s’il s’agit de transcriptions. De difficulté moyenne, ces pièces d’Edward Elgar sont un vrai régal. On aurait tort de limiter ce compositeur à ses cinq Marches et spécialement à la première, même si celle-ci est devenu une sorte d’hymne national « bis » en Angleterre. On trouve au début de ce recueil le célèbre Salut d’amour qu’Elgar a écrit en cadeau de fiançailles pour Alice, courte pièce pour violon et piano, qui connait une version orchestrale et deviendra très célèbre. L’ensemble de la transcription tient compte du fait que beaucoup des pièces transcrites sont écrites primitivement pour cordes, et que le piano n’est pas le mieux adapté pour cette écriture, notamment pour les crescendos sur les valeurs longues… Mais ici, l’art des pianistes sera, comme le disait Debussy, de faire oublier que le piano est un instrument à marteaux !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
C’est une excellente idée que de rassembler dans un seul recueil vingt-neuf pièces de cet auteur qui permettront aux jeunes pianistes de s’initier ainsi au langage de Tchaïkovsky. Il ne s’agit en aucun cas d’adaptations ou d’arrangements. C’est le texte original de l’auteur qui nous est ainsi proposé. Et lorsque, comme pour les extraits de Casse-Noisette, il s’agit de réduction au piano, elles ont été réalisées par Tchaïkovsky lui-même. On ne peut donc que recommander vivement ce recueil. On regrettera simplement que l’excellente introduction, contrairement à l’habitude des éditions Schott, ne figure qu’en allemand et en anglais… Elle mériterait de figurer également en français, mais, comme le dit un film célèbre, nobody’s perfect…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Né en 1937, ce pianiste compositeur mélange dans ses compositions un langage harmonique et rythmique résolument jazz avec des structures classiques. Chacune de ces dix inventions, écrites en 1993, offre un paysage sonore particulier. Il n’y a aucun risque de monotonie dans ces œuvres foisonnantes et originales. Évidemment, le niveau technique est élevé : il s’agit d’œuvres de concert. Mais l’ensemble est d’une grande richesse : c’est de la bien belle musique ! L’édition comporte en troisième de couverture une intéressante notice sur le compositeur et son œuvre.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce recueil présente un nouveau choix de vingt pièces doigtées (pièces faciles à moyennement faciles) pour piano, ainsi que dix arrangements de petits extraits de symphonies (dont la cinquième, la neuvième avec l’Hymne à la joie…) ou de concertos (pour violon, pour piano). La célèbre Lettre à Elise côtoie le deuxième mouvement de la Pathétique et la Sonate au Clair de lune …
Si les extraits et les arrangements peuvent permettre de découvrir des œuvres, il est bien sûr indispensable d’écouter les versions originales dans leur intégralité.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Comment ne pas être séduit par cette adorable « petite blague » ! Une
introduction de huit mesures où la main droite déroule une mélodie à
deux temps tandis que la main gauche semble affirmer un trois temps
décalé, ouvre l’oeuvre. Puis les deux mains se lancent dans un joyeux
discours où quelques altérations bien placées viennent mettre leur
grain de sel. Surprises harmoniques et rythmiques s’enchainent,
donnant un caractère « début de siècle » (le XX°, évidemment) tout à
fait plaisant et dégingandé. On ne s’ennuie pas pendant la minute que
dure cette courte pièce. Gageons qu’elle sera souvent bissée pour le
plus grand plaisir de l’interprète et de ses auditeurs.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici une agréable colline que les élèves se feront certainement un
plaisir de gravir. Larges arpèges et octaves risquent de leur rendre
l’ascension moins aisée, surtout pour les petites mains. Mais cela fait
partie du jeu. Lorsque la main gauche n’est pas arpégée, elle se
déploie en pompes qui soutiennent toujours la mélodie. Celle-ci, un
peu répétitive (mais ce n’est pas un reproche !) se déploie largement.
Le tout sonne comme une rapsodie un peu mélancolique qui ne
manque pas de charme.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ne nous y trompons pas, plus que des transcriptions, ce sont des
réécritures que le compositeur nous propose ici : il ne s’agit pas de
variations de Haendel mais de variations sur des thèmes de Haendel.
Haendel lui sert de support pour réexprimer dans son propre langage
la « substantifique moëlle » des oeuvres transcrites. Quand nous
disons « son langage », nous voulons dire un langage qui se situe
entre Bach, Beethoven et bien entendu Händel. L’auteur s’en
explique dans une longue préface où il précise et justifie ses choix. Il
s’agit donc d’une réécriture à la fois fidèle à un certain esprit et en
même temps originale. Le tout n’est évidemment pas facile : il s’agit
en fait de pièces de concert.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
1. Leicht, zart (léger, délicat)
2. Langsam (lent)
3. Sehr langsam (très lent)
4. Rasch, aber leicht (rapide mais léger)
5. Etwas rasch (assez rapide)
6. Sehr langsam (très lent)
Datées de 1911 (un an avant Le Pierrot lunaire), créées en 1912 à
Berlin par Louis Closson, ces six pièces extrêmement courtes,
répondent par leur forme dépouillée et leur caractère intimiste, au
travail de Schönberg sur la « petite forme ». (On rappellera ici les
oeuvres de Webern (opus 5…, 11) qui correspondent à une
recherche similaire). En 1909, le compositeur écrit à F. Busoni :
« ma musique doit être courte. Maigre ! En deux notes, non pas bâtie, mais « exprimée ». Et le
résultat est, je l’espère, sans sentimentalité stylisée et interminablement stérile. C’est ainsi
qu’un homme ressent ». Cette miniature intense et subtile dégage lyrisme, drame, poésie,
éléments propres à émouvoir, sans pourtant aucun concept de tonalité, ni de mélodie.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cet intéressant volume recueille les compositions de trois des lauréats du Concours de
composition Mauricio Kagel de 2019.
Mirage (d’une durée de 6 minutes) de Ayaz Gambarli (2018) qui a
reçu le premier prix, sonne tendrement dans une atmosphère
personnelle avec des jeux d’accords, de pizzicati, des jeux de doigts
sur les cordes, enveloppés d’un fond de pédale.
4 (Hommage) Etudes de Dimitris Maronidis a obtenu le troisième
prix. Chaque courte étude rend hommage à quatre compositeurs en initiant les jeunes étudiants à l’esthétique de la musique moderne de manière agréable. La
première rappelle Lachenman, (chef de file du mouvement Klang) en proposant un travail sur
les propriétés sonores des agrégats avec une précision rythmique et un jeu très léger de la main
accompagnante.
La deuxième est un hommage à György Ligeti en proposant de travailler sur l’exécution de
figures rythmiques inégalement longues, en les chevauchant, sur des mouvements pratiquement
conjoints et cycliques, notes tenues d’une main sur l’autre, ce qui produit un halo sonore.
Conçue mécaniquement, sur une basse répétitive et staccatissimo, la troisième pièce est un
hommage à Steve Reich. La partie supérieure explore les registres aigus sur un seul rythme qui
doit être clairement articulé. Avec de jeunes élèves, cette étude peut être jouées à quatre mains.
Forme ouverte pour la quatrième pièce : hommage à Gundega Smite (Shadow Clock in C). Sur
une harmonie douce et égrenée, une mélodie ponctue dans le suraigu ses rythmes irréguliers. A
chacun de trouver un bon équilibre entre les différentes parties, sans les contrarier.
Tacto, Six etudes for young musicians de Ignacio Brasa Gutierrez (récompensé par une
« mention honorable ») est un ensemble de six études aux titres très évocateurs et très bien
illustrés : I. Walking on dry leaves, II. On the ice, III. Passacaglia below stalactites, IV. Barefoot
on a stony river bed, V. Under shooting stars, VI. On the seashore.
Ces pièces écrites par de jeunes compositeurs méritent d’être proposées à un large éventail de
jeunes (et moins jeunes) pianistes, non débutants.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce deuxième volume contient, outre les dix sonates des op. 26, 27/1
(Sonata quasi una fantasia) et 2 (Sonate au clair de lune), op. 28
(Sonate Pastorale), op. 31/1-3 (dont La Tempête), 53 (Walstein), 54
et 57 (Appassionata), composées entre 1800 et 1806, ainsi que l’opus
49 (les deux Sonates faciles).
Contrairement aux sonates du premier volume, nous possédons les
manuscrits de travail de la main de Beethoven, de cinq opus, (26,
27/2, 28, 53 et 57) ce qui permet d’en apprécier les techniques de
correction. Les erreurs des premières éditions étant très nombreuses,
il a été indispensable de comparer nombre d’autres sources pour ce
nouveau travail éditorial. Les ajouts y sont indiqués entre crochets
ou entre parenthèses.
Ce volume contient une centaine de pages de nombreuses et précieuses notes critiques (versions
allemand-anglais) se rapportant à chaque sonate. Ce qui représente un outil de travail
indispensable pour tout interprète scrupuleux. Précisons que les doigtés sont de H. Kann (opus
57), de N. Taneda (opus 26), de B. Bloch (opus 27), de P. Gililov (opus 28 et 54) et de G.
Ludwig (opus 31), de L. Hokanson (opus 49), et de J. Lateiner (opus 53). Ce « nouveau
testament de la musique pour piano » (Hans von Bülow), volume très épais (333 pages) d’une
telle qualité éditoriale mériterait une couverture cartonnée rigide.
Sophie Jouve-Ganvert
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Pierre Boulez et Jean-Marie Lehn étaient tous deux enseignants au
Collège de France. A l’occasion de son prix Nobel de chimie, le
chimiste reçoit en cadeau cette très courte pièce de son collègue
musicien. « Le fragment d’une oeuvre à venir pour piano et
ensemble instrumental, encore à l’état d’ébauche. Mais pour un prix
Nobel, on peut bien faire une exception et livrer une simple ébauche
en témoignage de sympathie et d’admiration ». Boulez, lors de la
création en 2013 à Strasbourg, explique à son dédicataire présent :
« …il y avait ces esquisses qui étaient là, qui attendaient quoi ? rien
du tout ! (…). Avec votre nomination (…), il [fallait] faire un
cadeau et le cadeau était tout prêt, heureusement (…). Il n’y avait
aucune intention (…), c’est un « objet trouvé ». Espérons que ces trente secondes agressives et
décousues auront contenté le nouveau prix Nobel !
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
La seconde sonate de l’opus 27 fut composée en 1801, après la
Sonata quasi una fantasia. Son surnom de Sonate au clair de lune
n’est pas de Beethoven et s’est imposé vers 1830. Carl Czerny, élève
de Beethoven, parle de « scène nocturne dans laquelle résonne au
loin une voix plaintive fantomatique ». Beethoven avait pensé le
premier mouvement (sans forme sonate !) comme une pièce séparée ;
une annotation visible sur le manuscrit (conservé presque
intégralement) le prouve. A cette époque, Beethoven souffre déjà
d’une audition défaillante, qui rend sa vie « vide et triste » et le fait
passer pour un misanthrope. De plus, il ne peut épouser, n’étant pas
de son rang, la comtesse Guilietta Guicciardi, jeune élève à qui il dédiera la sonate (en « seconde
main » d’ailleurs !). Les tonalités de do # mineur et de Réb Majeur reflètent cet état de tristesse.
Cette nouvelle édition est enrichie grâce à la consultation de plusieurs sources et de courtes
notes sur l’interprétation et de commentaires critiques
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce florilège invite « à un voyage à travers les époques à la rencontre
des personnages les plus divers. Il revient aux pianistes, au gré de
leur interprétation, de leur donner vie par la force de leur
imagination ». Les auteurs sont classés chronologiquement de
François Couperin (1668-1733) à Emile Naoumoff (l962). Le choix
des oeuvres est intéressant et sort un peu de l’ordinaire, courant au
travers de bon nombre de volumes de ce genre et offre un ensemble
de pièces agréable à jouer. Ainsi, nous côtoyons avec plaisir des
auteurs anciens comme Reichardt ou Burgmüller, des auteurs
modernes comme Satie ou Turina et des contemporains comme E.
Toch, D. Dushkin ou K-H. Pick. Mais comment peut-on encore
aujourd’hui maltraiter à ce point les « très » anciens Couperin, Rameau en les affublant
d’ornements fantaisistes, en gommant ce qui dérange, en inventant des doigtés inutiles, en
donnant des traductions approximatives… De grâce ! Aux pédagogues de choisir une édition
respectueuse des écrits des anciens maîtres (qui ont laissé des traités et des tables d’ornements),
une édition respectueuse des travaux des musiciens qui travaillent à des éditions
musicologiques, une édition respectueuse des éditeurs qui proposent des éditions critiques (avec
notes, corrections, sources…). Cette partie de recueil est tout à fait dommageable et devrait
faire l’objet de corrections sérieuses et appropriées.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Le titre indique bien le côté agreste de cette très agréable pièce. Le
premier mouvement s’intitule « En sautant les haies ». Son rythme
évocateur décrit bien le batifolage à travers bois suggéré par le titre.
Tandis que la mélodie évoque une course folle, la basse suggère
bien les sauts par-dessus les haies, d’autant plus que la fin est à jouer
« Avec swing ». « Près du vieux moulin » est une évocation plus
nostalgique d’un paysage rustique mais n’engendre cependant pas la
mélancolie. Le dernier mouvement, intitulé « la roue du moulin » est
tout à fait évocateur de cette roue qui tourne sans cesse, mouvement
perpétuel suggéré par la suite continue des triolets rythmés par la
basse et cela jusqu’à la fin. Ajoutons que l’ensemble est
délicieusement écrit et devrait enchanter interprète et auditeurs.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce compositeur et harpiste nous offre, avec ces cinq valses, des
oeuvres très intéressantes. Le langage de Benoit Wéry est aussi varié
que poétique. La première valse est rapide et enlevée, colorée. La
seconde, plus lente, plus calme intervient comme un repos avant la
troisième qui enchaine très vive et très rapide, à la blanche pointée.
La quatrième « Mystérieusement lointain » possède un côté un peu
envoutant qui contraste avec une cinquième valse brillante qui clôt
le recueil. Ces valses forment donc un ensemble qui sera de
préférence interprété en son entier sans interruption.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Que voici une oeuvre tout simplement belle ! Camille Pépin, née en
1990, a eu un parcours marqué par la danse et la composition. Mais
on découvre ici tout simplement une artiste, qui nous invite à la
contemplation d’une oeuvre du peintre Edward Hopper. Ayant
travaillé la composition et l’orchestration aussi bien avec Thierry
Perrine qu’avec Thierry Escaich, Guillaume Connesson et Marc-
André Dalbavie, elle s’est forgé un langage original qui lui permet
ici de nous envouter à la fois par sa musique et par la contemplation
du tableau. On pourra en juger par l’interprétation qui est faite de
cette pièce sur YouTube qu’on écoutera ainsi en regardant le
tableau : t=339s Bien sûr, on peut aussi écouter l’oeuvre telle quelle : elle se suffit. Mais avec le tableau…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici un très joli recueil d’arpèges que l’on pourra aborder dès la deuxième année et poursuivre jusqu’en second cycle.
Cette série de 16 arpèges permettra à chacun d’aborder cette technique de manière ludique et graduelle. L’auteur a réussi à allier plaisir et rigueur en employant les principales formules d’arpèges ponctuées d’un chant expressif !
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette pièce aux allures de ballade en mi mineur, pourra être abordée en milieu de deuxième cycle. Elle demande notamment des bases solides en solfège du point de vue rythmique. La difficulté sur l’instrument réside dans le fait de pouvoir conduire la ligne de basse qui emploie principalement des chromatismes tout en valorisant le chant qui se déploie et se complique tout au long de cette pièce charmante et délicate.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Il s’agit d’un recueil de pièces originalement écrites pour Guitare Baroque. Nos remerciements vont à Pascal Bournet et Gérard Dupré pour ce travail de transcription pour guitare classique. Cela va permettre de jouer et de valoriser davantage ce répertoire tombé en désuétude. Nous y trouverons des pièces du célèbre Gaspard Sanz que les guitaristes classiques actuels connaissent bien, mais avec des pièces moins connues comme par exemple une fugue. Il y a également des pièces de compositeurs méconnus, dont Antonio de Santa Cruz, Santiago de Murcia ainsi que Lucas Ruiz de Ribayaz.
Ce recueil pourra être abordé en fin de 1er cycle.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cet ouvrage pourra être abordé à l’issue de la première année de Guitare. Vous y trouverez des morceaux, ainsi que des Études et exercices pratiques dans les principales tonalités que l’on rencontre à la guitare.
Chacune de ces tonalités articulées sous forme de chapitre comprend une multitude de gammes et d’arpèges. Vous y trouverez également des exemples de cadences type, ainsi qu’un large choix d’exercices et de morceaux en accord battu utilisant le chiffrage américain. Car trop souvent, la guitare classique dans son enseignement omet le caractère populaire propre à cet instrument.
Voici une méthode complète et ordonnée que l’on pourra utiliser dans l’ordre souhaité en se fiant à la table des matières.
Tous les enregistrements des pièces du cahier peuvent être écoutés sur la page Écoutes gratuites https://www.editions-partita.com/?page=ecoutes
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce recueil est constitué d’une série de pièces construites sur une progression graduelle. On y trouvera aussi bien des solos que des duos pour deux guitares. L’ouvrage est aéré et agréable à lire. Les mélodies sont entraînantes et entretiennent le rêve et l’imaginaire. Cet ouvrage pourra être utilisé à l’issue de la deuxième année de guitare. On pourra écouter deux pièces de ce recueil sur la page https://www.editions-partita.com/?page=ecoutes
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Une fois de plus, il n’est pas rare de voir les guitaristes retranscrire pour leur instrument les chefs d’œuvre du répertoire pour piano. Quel merveilleux travail Elhadi Gaou a effectué sur l’opus 15 et 68 du compositeur romantique allemand Robert Schumann, qu’il fait sonner dans toute sa splendeur !
Il sera possible de jouer certains mouvements à partir du milieu du 2ème cycle, mais la gestion de la polyphonie en vue d’avoir une ligne de chant généreuse, rendra la tâche plus aisée pour un élève de 3ème cycle. Quoi de plus beau que Schumann pour agrémenter et nourrir notre littérature guitaristique !
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce recueil est dédié au compositeur et guitariste anglais John Duarte.
Il s’agit d’une compilation de pièces réalisée par Paul Coles. Cette
compilation montre le large spectre de style qu’utilisait le
compositeur dans sa musique. Il y a bien sûr quelque pièces de John
Duarte qui méritent vraiment d’être mises sur le devant de la scène,
avec un grand coup de coeur pour le morceau intitulée « Broadway
». Il s’agit comme très souvent chez Duarte d’une musique raffinée,
pleine de couleurs et très chantante qui valorise la guitare. On notera
également l’emploi d’une polyphonie qui se révèle être gracieuse et
qui montre une profonde maîtrise de la guitare et de ses possibilités
de la part du compositeur. On y trouve également plusieurs pièces
issues principalement du répertoire de la période renaissance et
baroque qu’affectionnait particulièrement John Duarte. Cet ouvrage conviendra parfaitement à
des élèves de deuxième cycle.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici une nouvelle pièce d’Adrien Politi qui va permettre aux
ensembles de guitares d’étoffer leur répertoire. C’est un magnifique
outil pédagogique qui va donner la possibilité aux élèves de travailler
le côté rythmique inhérent à la musique folklorique d’Amérique du
Sud. Cet ouvrage est destiné à des élèves de 1er Cycle. Les plus
avancés pourront jouer deux voix ensemble. La musique ne va pas
au-delà de la deuxième position. Elle permettra aux élèves d’aborder
certaines notions rythmiques délicates dans un contexte de musique
d’ensemble et de manière ludique. Les lignes mélodiques sont
entraînantes et l’ensemble entre les différentes parties est bien
équilibré.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
On trouve ici, extraite du recueil pour piano à vocation pédagogique
de Béla Bartok intitulé Mikrokosmos, une sélection de pièces
transcrites pour guitare classique par Siegfried Steinkogler.
C’est une véritable aubaine pour les guitaristes de pouvoir aborder la
musique d’un compositeur phare du 20ème siècle. Ici, le compositeur
déploie une savante maîtrise de l’écriture musicale en connivence
avec ses racines nationale, plus particulièrement, le folklore de son
pays la Hongrie, ainsi que des pays d’Europe de l’Est.
C’est un très bon moyen de travailler l’équilibre polyphonique dans
un contexte tonal instable et même polytonal pour certaines pièces.
Cela permettra également d’aborder des métriques rythmiques
également instables qui caractérisent ces musiques d’Europe de l’Est.
Chaque pièce est dotée d’une atmosphère particulière. On notera la précision et l’ingéniosité du
doigté dans ces transcriptions pour la guitare de Siegfried Steinkogler, ceci afin de valoriser la
clarté des différentes lignes mélodiques.
On notera également la précision des différentes articulations et l’utilisation du staccato qui
nécessite un entraînement particulier et permettra ainsi aux guitaristes d’avoir un support pour
travailler le contrôle des résonances avec précision, choses qu’ils négligent souvent.
Enfin, cet ouvrage pourra être abordé à partir du 2ème Cycle et pourra servir bien au-delà.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ces deux pièces du compositeur Francis Kleynjans articulées
autour d’une mélodie lancinante et d’un accompagnement
coloré et raffiné en raviront plus d’un. Pour obtenir un rendu
optimal, il sera nécessaire d’extraire chaque voix et de veiller à
rester souple en les rassemblant.
Ces deux pièces aux mélodies entraînantes peuvent s’aborder à
partir du 2ème cycle et servir au-delà. La richesse harmonique
qui soutient ces très belles mélodies demande un certain
contrôle de la polyphonie, qu’il faut garder légère pour que la
musique préserve son caractère initial doux et rêveur.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici un thème et variation composés par Francis Kleynjans sur un
thème traditionnel originaire d’Auvergne. Le caractère populaire de
cette danse paysanne à 3 temps est valorisé par la guitare.
Dans les 6 variations qui vont suivre, le compositeur emploie pour
chaque variation des techniques peu orthodoxes et élargit ainsi le
champs des possibilités de la guitare. Il y a du « taping » avec les
deux mains dans la première variation, caractérisant les deux lignes
mélodiques.
La deuxième variation prend une touche humoristique grâce a
l’emploi de glissandi et de coulés en appogiatures.
On trouvera dans la troisième variation un mode de jeu utilisant une
technique rare. Celle-ci consiste à jouer des notes derrière la main gauche qui appuie sur
certaines notes. Ainsi, on obtient un son très doux, « en son de mandoline », comme le
mentionne l’auteur.
Chaque variation utilise une technique très particulière et nécessite une grande attention pour
produire l’effet souhaité.
L’ingéniosité réside dans les différentes techniques employées dans ces variations offrant des
sonorités nouvelles et permettant d’aborder de nouveaux effets sur la guitare.
Cette musique laisse paraître clairement l’empreinte du guitariste Francis Kleynjans maîtrisant
parfaitement les possibilités de son instrument.
Ce nouveau chef-d’oeuvre va permettre d’enrichir le répertoire moderne de la guitare. Effet de
surprise garanti ! Cette pièce pourra être jouée par un élève de milieu de deuxième cycle.
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
C’est avec joie qu’on retrouve Claude-Henry Joubert avec cette célèbre comptine pour violon de fin de premier cycle dans un tempo digne de la mère Michel. Les paroles sont indiquées en dessous des notes du violon pendant l’exposition du thème, comme pour indiquer que l’interprète peut chanter en même temps. Nous avons ensuite toute une histoire inventée autour de cette comptine. La mère Michel doute du père Lustucru, on passe alors en mode mineur. Puis des doubles au violon montre qu’elle court dans tous les sens. On entend des chats miauler au violon avec des glissades dans les graves. Le père Lustucru, décrit comme un personnage d’abord terrifiant avec des accords utilisant les cordes à vides, a également perdu sa chatte Lustucrette. Ils sont tous les deux inquiets maintenant. La plainte du père Lustucru est également larmoyante, utilisant des demi-tons tournant autour de la note sol ainsi que des liaisons sur les appogiatures. Ils cherchent par conséquent leurs animaux ensemble. Finalement les deux chats gambadent ensemble et sont heureux. S’ensuit le mariage de la mère Michel avec le père Lustucru dans un enchaînement de doubles, avec pour terminer des doubles cordes à vides dans un élan festif et plein de gaité. Comme toujours, Monsieur Joubert laisse l’enfant joyeux et rempli d’images…
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette courte pièce d’une minute trente-six pour une première année, utilise principalement les cordes à vides mais emploie également tous les doigts de la main gauche, de manière très ludique. On ne dépasse pas la noire à 80 dans un élan modéré, nous baladant agréablement de la nuance piano au forte sur toutes les cordes. La tonalité principale de ré Majeur fluctue seulement dans le mineur mélodique descendant au piano avant de revenir dans le ton plus joyeux. Ce compagnon de route du débutant, introduit le voyage et continue tout du long avec des croches à la main droite en doubles accords. Pendant ce temps la main gauche, comme une basse chantante, ponctue les temps par des noires. Ceci permet d’indiquer très clairement au débutant où il doit placer ses notes. Le violoniste termine son exploration par deux pizz en cordes à vides.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette pièce pour violon de fin de 1er cycle tient sur une durée de trois minutes. Toujours aussi imaginatif, Claude-Henry Joubert attaque cette fois-ci l’histoire d’une petite fille mélancolique sur un Allegro modéré. Elle arrive dans une maison qui lui fait de plus en plus peur jusqu’à un silence surprenant de toute part. Puis le violon et le piano chantent le nom de la petite fille « Cécile » en jouant doucement... La musique s’accélère jusqu’à-ce que les mots « Bonne Fête » soient chantés à plusieurs reprises par le pianiste avec des accords grandiloquents ! S’ensuit une fin heureuse, reprenant le même accompagnement du début au piano, mais cette fois-ci avec un air joyeux au violon. Pour terminer, une coda où l’on sent le personnage principal de plus en plus exténué par tant d’émotions jusqu’à une pirouette faisant signe de bonne nuit !
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ces trois pièces pour violon avec accompagnement de piano (orgue ou harpe), ont été écrite en 1910 par Mélanie Bonis sous le pseudonyme de Mel Bonis. L’ordre des trois pièces a été décidé par l’éditeur car l’auteur jugeait la troisième, le Largo « mauvais ».
Ces pièces sont dédiées à Sophie Baudot, Raphaël Kellert et Paulin Gaillard. L’andante Religioso, ainsi que l’Allegretto et le Largo sont tous les trois axés sur l’expression, la rêverie et les couleurs pastel spécifiques à son temps. Ce sont des chants émouvants et plein de nostalgie, dans lesquels l’écriture authentique de Mel Bonis est reconnaissable dès la première page. En effet l’Andante religioso est singulièrement touchant. L’allegretto met particulièrement en valeur le large ambitus de l’instrument au travers des phrases sensibles. Espérons que cette édition permettra d’accroître l’intérêt du public pour le merveilleux travail de cette compositrice.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce Concertino est le premier d’une nouvelle série qui a pour but « de combler une lacune du répertoire entre les œuvres didactiques (…) et les grands concertos ». Il est un arrangement inédit de la Sonate d’église pour orgue et cordes KV 336. Ecrit par un pédagogue expérimenté, ce concertino est très bien adapté pour un niveau de fin deuxième cycle, autant pour la partie de violon que pour la partie de piano. Il représente un excellent moyen de construire une technique, de se préparer au « style » et de « patienter » avant d’aborder les grands concertos. Il invite aussi à faire écouter les Sonates d’église pour orgue, dans leurs versions originales.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Disons un grand merci aux éditions Lemoine de continuer à mettre à
notre disposition les oeuvres si attachantes de Mel Bonis. Rappelons
que Mel Bonis (1858-1937) a été l’élève d’Auguste Bazille au
Conservatoire de Paris, où elle a pu entrer grâce à César Franck.
Malgré de nombreux obstacle, elle nous a laissé plus de trois cents
oeuvres y compris orchestrales. Celle qui nous est présentée ici est à
géométrie variable. Si la version piano – violon risque d’être la plus
souvent jouée, l’oeuvre trouve sa plénitude lorsqu’elle est interprétée
en quatuor. OEuvre de 1928, elle est écrite dans le langage spécifique
de la compositrice, où les audaces harmoniques s’expriment dans une
forme qu’on peut qualifier de classique. L’ensemble pourra trouver
place en concert ou même en cérémonie d’église. Souhaitons qu’elle
soit souvent interprétée dans sa forme la plus achevée.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Quel violoniste n’a pas eu envie de jouer l’une de ces célèbres valses
viennoises ne serait-ce que dans sa chambre ? Cet arrangement de
David Brooker permet de jouer l’une des plus célèbres d’entre elles
à deux violons, donc facilement dans n’importe quel endroit ! Les
deux violons se partagent le thème, pendant ce temps l’autre fait
l’accompagnement d’abord en pizzicati puis arco. Le niveau
demandé est un bon deuxième cycle pour les deux violons qui
doivent jouer des sixtes dans un tempo allant. Cette oeuvre mélange
les coups d’archets sautés, lourés, liaisons, doubles cordes et
pizzicati. De quoi exciter la curiosité de plus d’une personne voulant
valser tout en jouant !
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
C'est le musicologue Leonardo Pinzauti qui a donné à son ami Luciano Berio l'idée de composer une série de courts duos (d’une durée de 29 secondes à 4 minutes) à l’intention de jeunes violonistes leur permettant ainsi un accès au langage musical contemporain. Chacun des trente-quatre duos (datés) porte le prénom d'un dédicataire. Composés entre 1979 et 1983, créés en 1984, ces trente-quatre duos sont dans la lignée pédagogique de Bartók (Microkosmos, Duos pour violon). Par son écriture, chaque duo reflète la personnalité et le « style » de son dédicataire ainsi : Béla (Bartók) est une mélodie modale simple, Pierre (Boulez) utilise des croisements d'échelles, Vinko (Globokar) propose un accompagnement de notes répétées fluide sous une mélodie arpégée, Henri (Pousseur) et Igor ( (Stravinsky) adaptent le folklore russe. L. Bério lui-même, explique que « derrière chaque duo, il y a des raisons et des situations personnelles : chez Bruno (Maderna), par exemple, il y a le souvenir d'une musique «fonctionnelle» que nous avons souvent composée ensemble dans les années cinquante; Maja (Pliseckaja) est la transformation d'une chanson russe, alors qu'Aldo (Bennici) est une vraie chanson sicilienne. Pierre (Boulez) a été écrit pour une soirée d'adieu: il se développe à partir d'une petite cellule de son ... Explosante fixe ... ; Giorgio Feferico (Ghedini) est à la mémoire de mes années passées au Conservatoire de Milan. Et ainsi de suite ... Ces Duetti sont pour moi ce que les vers de circonstance étaient pour Mallarmé, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas nécessairement basés sur des motivations musicales profondes, mais plutôt reliés par le fil fragile des événements quotidiens. Néanmoins, dans ces duos, il y a aussi un objectif pédagogique. Très souvent, comme on peut l’entendre, l’une des deux parties est plus facile et se concentre sur des problèmes techniques spécifiques, sur des caractères expressifs différents et même sur des stéréotypes de violon, de sorte qu’un jeune violoniste puisse contribuer, parfois, même à une situation musicale relativement complexe, sous un angle très simple, le jeu d’une gamme en ré majeur, par exemple ».
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette petite pièce de 3’38 pour un niveau fin de premier cycle nous balade le long des paysages de cette saison haute en couleurs. Elle utilise des modes de jeux comme des accents, le legato, les glissades, les pizzicati, le détaché rapide sur des notes répétées et des arpèges. On a une palette de nuances, allant du piano au fortissimo.
On commence Moderato avec un chant médium à l’alto, accompagné par des arpèges mélodieux au piano. Un Allegretto poursuit l’histoire avec un accompagnement joyeux « forte », terminant en valse à trois temps avec les fameuses glissades au violon qui introduisent le Meno mosso. Cette partie en 6/8 avec des triolets à l’alto et des arpèges à la main droite du piano en doubles, fait penser aux valses jouées à l’accordéon dans les guinguettes sous le chapiteau du village. Retour au Tempo primo mais en mineur cette fois-ci, où le deuxième temps au piano domine sur le quatre temps. Le Poco piu mosso termine cette pièce de plus en plus brillamment et fortissimo.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
L’originalité de ces jeux, c’est qu’ils se font entièrement « à l’oreille ». L’élève ne voit jamais la « méthode », mais c’est par l’audition pure que se fait la transmission et l’exercice. C’est après avoir longuement testé pendant les cinq premières minutes de chaque leçon ce type d’exercices que l’auteur les a mis à la disposition de tous les professeurs. Le lien est ainsi fait entre le cours d’instrument et le cours de Formation Musicale. L’ensemble des jeux est décliné selon cinq niveaux progressifs. Mais ils sont potentiellement illimités. Et surtout, cette méthode utilise le chant comme un outil central du travail de l’oreille. Tout au long des jeux, l’élève est incité à chanter pour développer son « chant » (ou audition) intérieur. Bref, c’est toujours à la musique, à l’imitation puis à l’improvisation que nous invite ce remarquable travail.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cristóbal Halffter, né le 24 mars 1930 à Madrid, est un compositeur
et chef d'orchestre espagnol, un des compositeurs les plus en vue du
groupe dit de la Generación del 51. Cette pièce date de 2018. Voici
comment le compositeur la présente : « Gabriel Cruz, un garçon
connu sous le nom de «Pescaíto», est né et a vécu à Hortichuelas de
Nijar (Almería). Le 27 février 2018, à l'âge de huit ans, il a été
brutalement assassiné. Dans cette pièce solo pour violoncelle, je
veux exprimer mes sentiments de douleur et d'indignation, qui sont
impossibles à exprimer par des mots. Avec une grande admiration à
sa mère Patricia Ramírez, pour son exemple de dignité et de courage
: Merci Patricia ! » Comme beaucoup d’espagnols, l’auteur a été
bouleversé par ce qu’on ose appeler un fait divers. C’est dans un
langage contemporain mais d’une grande sobriété que l’auteur exprime ses sentiments. Qu’en
dire sinon qu’il faut aller écouter cette oeuvre sur YouTube https://www.youtube.com/watch?v=KBsnNN-WDFQ
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
C’est en 2017 que Cristóbal Halffter écrit cet Adagio pour trois
violoncelles, dédié à son neveu Cristóbal et à ses amis violoncellistes.
C’est une oeuvre écrite dans le style contemporain propre au
compositeur, plein de lyrisme et de contrastes. L’auteur précise que
cette oeuvre requiert un chef d’orchestre. Si ce n’est pas possible, il
recommande que l’un des interprètes joue ce rôle. C’est dire que la
pièce n’est pas spécialement facile de mise en place. Mais on sera
récompensé par la beauté de l’ensemble.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Si la pièce est pleine d’humour, ce n’est pas au détriment de la musique. Ces variations peuvent effectivement s’interpréter sans le texte… mais c’est tellement mieux avec ! L’auteur précise : « Que faire des didascalies et des paroles parfois écrites sous la portée ? Ce que l’on veut : les dire, les faire lire, les chanter, les communiquer, les annoncer, les négliger, les oublier, les bazarder… » Shakespeare aurait dit : « As you like it… ».
Pour en revenir à la musique, elle est bien agréable et permet de parcourir toutes les difficultés de l’instrument (gammes, arpèges…) en charmant les auditeurs. Jouant sur les différents écouvillons existant dans la nature, l’auteur donne à ses variations un aspect tantôt très classique, tantôt martial, tantôt populaire… Bref on ne s’ennuie pas avec cette joyeuse et bonne musique.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
C’est un truisme de dire que Pierre Pincemaille nous a quittés trop tôt… Merci aux éditions Delatour de nous faire découvrir cette œuvre d’un compositeur qui a peu écrit, préférant à l’écriture l’improvisation qui était son domaine favori, ce qui est normal chez un organiste. Cette Sonatine a été écrite en pensant à celle de Ravel. Elle date des années 80. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle n’est pas fidèle au langage mélodique et harmonique de son auteur. Écrite en un seul mouvement, elle offre cependant des paysages variés mélodiquement et rythmiquement. Bien sûr, l’écho de Ravel est bien présent et les réminiscences fréquentes bien qu’il ne s’agisse jamais d’un pastiche. On pourra écouter intégralement cette pièce sur YouTube dans la très belle interprétation d’Hélène Gueuret et Philippe Hattat : https://www.youtube.com/watch?v=djZyHQDbLSE
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Que voici un bien agréable impromptu. Une mélodie ondulante se déploie d’abord. Piano et clarinette modulent à l’envie dans des harmonies délicates et chatoyantes. Une partie plus animée et plus rythmique se déroule alors, plus exubérante mais non moins modulante et délicate. Un da capo permet de réentendre la première partie, et le tout se termine en douceur par une jolie coda mP. Là encore, il s’agit de vraie musique de chambre pleine de charme et d’une écriture tout à fait intéressante. Les jeunes interprètes pourront remercier André Delcambre de leur offrir une partition d’une telle qualité.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Tout ce carrousel est construit sur des réminiscences fort agréables. Il
ne sera peut-être pas indispensable de faire chanter aux élèves l’air
d’opérette qui constitue en entier (couplet et refrain) la première
partie de cette pièce. Tout le monde (?) aura reconnu la chanson titre
de l’opérette de Maurice Yvain Ta bouche : « Ta bouche a des baisers,
si bons, si doux, si longs, si fous, si frais, si tendres… ». Créée en
1922, cette opérette a d’ailleurs été reprise récemment (2005) par la
Compagnie Les brigands et est toujours disponible en DVD. La
deuxième partie ne manque pas non plus de panache et reste dans le
style de la première. Bien sûr, on pense aux orgues limonaires des
anciens manèges-carrousel… Bref, on ne s’ennuiera pas à jouer cette
oeuvre pleine d’allusions et de souvenirs !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ces quatre impressions s’enchainent sans solution de continuité. La
première, à trois temps moderato a des allures de valse tranquille et
gracieuse. Une transition en forme de cadence nous conduit à la
deuxième. Cette fois, un moderato à quatre temps aux allures un peu
exotiques nous dépayse tandis qu’une nouvelle cadence nous conduit
à un 6/8 allegro moderato déroule sur une rythmique insistante une
sorte de romance qui nous conduit à la quatrième impression, 12/8
franchement allegro aux allures de tarentelle qui se termine dans un
paroxysme fortissimo. Il ne sera pas interdit aux interprètes de cette
pièce fort variée d’évoquer entre eux différents paysages. A eux de
les partager pour conférer à ces impressions diverses l’unité qu’elles
manifestent cependant. L’ensemble est cohérent et fort réussi.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ces duos vont de facile à moyenne difficulté. Ils constituent une
excellente initiation à cette musique spécifique qu’est l’Afro-latin
Jazz, musique qui fusionne les rythmes de danse africaine et
caribéenne avec le jazz américain. Le recueil est constitué de
l’adaptation de mélodies bien connues ainsi que de pièces originales.
Le tout permet de perfectionner sa technique et d’introduire de
nouveaux éléments mélodiques et rythmiques. Mais il permet surtout
de s’amuser et de se faire plaisir !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Les facéties de nos amis les animaux ont inspiré à l’auteur ces pièces amusantes et assez faciles qui comportent la particularité de suivre toutes les sortes de danses connues (Tango, rumba, fox-trot, gavotte, cha-cha-cha etc.). C’est dire qu’outre leur intérêt purement musical, ces pièces ont également le mérite d’exercer les instrumentistes à des rythmes très divers… Ajoutons que ces pièces pourront être avantageusement interprétées par deux élèves même si la partie de piano, sans être difficile, demande cependant un pianiste plus avancé que le saxophoniste. C’est, en tout cas, d’abord de la très bonne musique fort bien écrite. Ajoutons que la présentation est faite non seulement en allemand et anglais mais aussi en français…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
On peut supposer que ce titre fait allusions aux trois volets
caractéristiques de cette pièce. Nous commençons en effet par une
Ballade tranquille qui déroule une mélodie un peu rêveuse et pleine
de charme. Vient ensuite une valse lente au caractère un peu
nostalgique. Le tout s’achève par une Danse folklorique à deux temps,
rapide et rythmée qui s’achève sur un fa Majeur triomphal. La pièce
est consistante puisqu’elle ne dure pas moins de 3 minutes 20. Piano
et saxophone dialoguent, tenant chacun leur rôle, même si celui du
saxophone reste prédominant. La partie de piano n’offre pas de
difficulté particulière même s’il faudra, bien entendu, soutenir le
rythme, surtout dans la troisième partie. Quoi qu’il en soit, chacune
des trois dimensions de cette oeuvre possède un charme propre qui
devrait ravir les interprètes.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette pièce porte bien son nom, mais cette « ritournelle » ne manque
pas de charme. Après une introduction de piano tout à fait dans le
style, les deux instrumentistes nous racontent une jolie histoire sur un
rythme de valse qui débouche sur une longue cadence libre du
saxophone. Le piano reprend la main et nous introduit dans un deux
temps décidé et bien rythmé. La ritournelle est, comme il se doit,
exprimée une tierce plus haut dans sa dernière apparition pour que
l’ensemble se termine le plus joyeusement possible. Cette
« ritournelle » n’engendre donc pas la mélancolie.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce compositeur japonais né en 1968 et ancien élève de Gérard Grisey
écrit dans un langage contemporain des musiques très expressives
qui demandent également souvent une certaine mise en espace. C’est
le cas ici dans la partie pour deux saxophones. Les indications sont
claires et précises et permettront une interprétation qui rendront
compte de toutes les recherches sonores de la pièce. Bien sûr, ces
« appels » demandent une grande maîtrise de l’instrument, mais cela
en vaut la peine : la musique et la poésie sont au rendez-vous.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici une fort jolie pièce qui comporte différentes facettes. Après une
introduction de piano, le basson entre en scène avec une formule
simple qui se répète au fil des mesures. Une deuxième partie, plus
ornée, conduit à une troisième partie où la phrase s’élargit pour un
discours plus lyrique. La fin nous ramène à la formule du début, en la
mineur, mais se termine joliment et de façon un peu surprenante mais
bien agréable en do Majeur ! La partie de piano, techniquement peu
difficile, joue un rôle essentiel de soutien et d’ornementation du
discours. Comme toujours dans cette collection « Plaisir de jouer »,
les deux interprètes sont invités à faire de la véritable musique
d’ensemble et à s’entrainer à l’écoute mutuelle.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
On ne peut douter qu’il s’agit d’imaginer une caravane en quête d’une oasis. Tout nous y invite : la mélodie au caractère oriental, l’accompagnement de piano qui suggère le pas lent des chameaux dans le désert… L’atmosphère est là. L’ensemble se déroule d’un bout à l’autre comme une marche dans un horizon toujours semblable. Seules exceptions : les dix mesures « Quasi cadenza (più lento) » qui constituent une sorte de pause dans la marche régulière et la dernière mesure qui semble dire : Ouf ! On est arrivé ! Cette pièce pleine de charme nostalgique devrait plaire beaucoup aux jeunes instrumentistes.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
La collaboration entre le trompettiste et le pianiste nous donne une pièce bien agréable où les deux instrumentistes dialoguent en musique de chambre. C’est déjà l’un des mérites de cette pièce qui comporte trois parties. La première partie, après une introduction de piano comporte elle-même deux séquences qui ont le même caractère : décidé, mais sous deux formes différentes, d’abord à trois temps en croches puis à deux temps en triolets. Le tout débouche sur un cantabile en mineur pour revenir à un rappel de la première partie, le tout se terminant fort joyeusement. C’est donc une balade bien agréable qui nous est proposée.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette pièce assez étoffée commence par une promenade joyeuse au caractère « Allant ». Piano et trompette dialoguent allègrement, comme deux compagnons à égalité. Vient alors un passage « En rêvassant », plus lent, où la trompette peut mettre en valeur ses qualités mélodiques et expressives ; enfin, la troisième partie, « Joyeusement » nous entraine dans une valse effectivement tout à fait réjouissante. C’est donc une pièce au caractère varié qui permet aux deux instrumentistes de montrer toutes leurs qualités d’interprète. Remercions par ailleurs l’éditeur qui a placé au-dessus de la partie de piano la partie de trompette en ut, évitant ainsi au pianiste une lecture un peu compliquée…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette édition trilingue est bien réjouissante. Les titres sont très évocateurs ainsi que les styles abordés. Marche, tango, rock, blues, boogie se succèdent… beaucoup sont des compositions originales, mais on y trouve aussi de nouveaux arrangements d’airs connus ; et les illustrations pleines d’humour sont en accord parfait avec la musique. Les pièces sont graduées : la Fanfare d’Ouverture est particulièrement simple, mais l’ensemble reste tout à fait abordable par des débutants. La partie de piano est évidemment moins facile même si elle reste tout à fait abordable. Signalons que des accords de guitare figurent sur la partition, qui permettront d’enrichir le jeu si besoin est. Bref, l’ensemble est de grande qualité et devrait avoir beaucoup de succès auprès des jeunes trompettistes.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Si la tonalité récurrente de sol mineur rend l’ensemble un peu
mélancolique, on ne pourra pas dire que ces variations manquent de
variété. Après un larghetto fort lyrique aux harmonies doucement
modulantes survient un allegretto qui expose le thème sous une forme
rythmique « croche deux doubles » qui lui donne une réelle vigueur.
Suit un « assez lent » à 6/8 qui développe le thème sous forme de
sicilienne. Un lento à 3/4 en croches varie le thème dans un discours
souple qui contraste avec l’allegretto qui survient alors, dans le
rythme sautillé bien connu de la croche pointée double. La variation
suivante est une sorte de tarentelle rapide qui nous entrainera en
triolets et jusqu’à la fin dans une danse échevelée. L’ensemble, qui
dure pratiquement sept minutes ne pourra que séduire. La partie de
piano ne se limite pas à l’accompagnement mais donne à l’ensemble tout son caractère.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
L’adagio qui ouvre la pièce se présente sous forme d’une jolie
mélodie qui peut effectivement évoquer une promenade sur la plage
ou sur un bateau par temps calme. L’ensemble ne manque pas de
charme et permet au piano et à la trompette de dialoguer aimablement.
Une courte cadence conduit alors à un « swing » nettement plus
animé mais qui reste rythmiquement sage, malgré la présence des
croches inégales, comme il se doit. Cela demandera au pianiste
d’avoir le même « swing » que son partenaire… et réciproquement !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici une pièce aussi plaisante que variée. Nous commençons par un
tempo de valse qui évoque bien une ambiance parisienne des années
50. On pense à la chanson de Mouloudji Un jour, tu verras…
Quelques mesures de transition nous conduisent à un Allegro vivo à
quatre temps, vigoureux et joliment « pompier » où piano et cor
dialoguent joyeusement, puis le tempo de valse revient, mais avec un
rythme plus « jazzy » qui culmine sur une note tenue de plus en plus
crescendo. L’ensemble ne manque ni de panache ni de fantaisie et
crée une atmosphère des plus réjouissante.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Faut-il parler de pièce de virtuosité ? Toujours est-il que
l’instrumentiste, dans cette pièce, devra montrer à la fois ses qualités
mélodiques et techniques. Après huit mesures moderato et très
chantantes, les doubles croches s’envolent gaiement agrémentées de
quelques triolets de doubles puis c’est au piano de s’élancer pour
soutenir un passage mélodique avant que ne se déploie de nouveau la
virtuosité de son compagnon. Le tout débouche sur un Andante
mélodique avant que le piano ne chante à son tour pour préparer une
cadence qui débouche alors sur un allegro moderato à 2/4 qui termine
brillamment la pièce. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne
risque pas de s’ennuyer dans cette pièce qui exploite toute la tessiture
de l’instrument, mais toujours au service d’une musique fort plaisante
et qui porte bien son nom. Comme nous l’avons laissé entendre, le piano joue un rôle concertant
qui fait de ce badinage une sorte de sonate. Cette pièce possède donc de nombreux atouts.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
« Qui s’y frotte s’y pique ! » : cette devise à l’origine discutée est en
tout cas en relation directe avec l’animal qui a fourni le titre à cette
pièce. Espérons qu’elle ne portera pas malheur aux instrumentistes
qui s’y risquerons. Ce serait dommage, en effet. La pièce est fort
joyeuse, nous n’osons dire fort piquante… Une pompe quasi
discontinue du piano soutient quasiment d’un bout à l’autre le
discours du saxhorn après une introduction qui fait un peu penser à
une musique de cirque. Parfois un contre-chant de la main gauche
apparait, sans interrompre la pompe. Bref, les interprètes devraient
trouver beaucoup de plaisir à se frotter à ce « Porc-épic » …
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Et d’abord, qu’est-ce qu’un « galibot » ? Le dictionnaire écrit : Jeune manœuvre employé au service des voies dans les houillères. « J’ai tout fait là-dedans, galibot d'abord, puis herscheur, quand j'ai eu la force de rouler, puis haveur pendant dix-huit ans » Zola : Germinal.
Bernard Zielinski nous éclaire lorsqu’il écrit : A la mémoire de mon père, galibot à la fosse d’Haillicourt, Pas de Calais, à l’âge de 14 ans.
On sent, à travers cette pièce, que le père de l’auteur n’a pas forcément gardé que de mauvais souvenirs de ce travail, au demeurant fort pénible. Les indications de caractère sont en effet : « Joyeux et dansant, telle une polka » et « Léger et heureux ». Même la partie médiane, « legato e cantabile », garde un caractère heureux. Les trois instruments sont bien mis en valeur et le tout donne une œuvre fort plaisante et agréable par l’optimisme qui en ressort. Terminons en citant encore les auteurs : « C’est un mineur » : ces trois mots constituent un éloge, une sorte d’hommage rendu aux qualités professionnelles et humaines de la personne désignée. C’est la valeur de l’homme reconnue par ses pairs. Puisse cette pièce contribuer à faire dire de vous, un jour : « c’est un musicien ». Tel est notre souhait ».
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
L’œuvre mérite bien son titre : partie de timbale et partie de piano se complexifient tout au long de la, pièce, un peu comme les « doubles » de la musique ancienne ou tout simplement comme le premier mouvement de la Symphonie La surprise de Joseph Haydn, repris par Maurice Yvain dans le final du deuxième acte de Là-haut, dans la partition originale, malheureusement jamais donné en entier au théâtre ou dans les enregistrements existants…
Mais revenons à notre œuvre pleine de fougue puisque nous sommes dans un Allegro entre 116 et 126 à la noire… Si techniquement l’ensemble n’est pas très difficile, on notera que le pianiste, pour la fin, devra être un bon rythmicien. En tout cas, les variations rythmiques soutiennent jusqu’au bout l’intérêt.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette charmante pièce pour instrumentistes débutants ne manquera
pas de séduire ses interprètes. Un do Majeur placide et joyeux leur
permettra de faire leurs débuts d’une manière bien agréable. Piano et
xylophone s’accompagnent ou s’enchainent au gré de gammes et
d’arpèges fort bien venus. La partie de piano est facile et permettra
d’initier très tôt de jeunes élèves à la musique de chambre. Comme y
invite le titre de l’oeuvre, il faudra bien s’écouter !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Il faut, pour ce morceau, quatre timbales accordées la, ré, mi, fa. Les
modifications sont indiquées tout au long de la partition. Cette tour
semble bien mystérieuse et le la mineur persistant ajoute au caractère
envoutant de cette pièce. On pourrait apercevoir, du haut de cette tour
une mystérieuse caravane ou tout simplement s’enfermer dans une
méditation profonde. Quel que soit l’imaginaire qu’elle suscite, cette
pièce est en tout cas fort plaisante à entendre et certainement à jouer.
On notera en particulier les changements de timbres indiqués dans la
cadence, qui permettent une grande expressivité.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Écoutons l’auteur : « Cette courte pièce est basée sur un motif mélodique très simple, dans le style arabe, repris au fur et à mesure par chaque instrument de l’orchestre. Elle est brève et modeste, comme la vie de l’homme face à son destin.
Nous devons l’invention de la première boîte à musique à l’horloger genevois Antoine Favre. Son idée remonte à 1796 et il nomme cet étrange mécanisme sonore : « carillon sans timbre ni marteau ». D’autant que je me souvienne, l’aspect mécanique et linéaire de cette forme de production musicale m’a toujours quelque peu fasciné par son caractère extrêmement précis et inéluctable. »
Si le titre est au pluriel, c’est que l’œuvre contient trois petites pièces traitées différemment. Précisons bien que l’utilisation des instruments, et spécialement du piano, n’est pas vraiment traditionnelle : il y faudra un piano à queue pour pouvoir jouer commodément sur les cordes… La durée de l’ensemble est de 9 minutes. Les 12 instruments sont : flûte, cor anglais, clarinette en sib, basson, trompette en ut, cor en fa, violon 1, violon 2, alto, violoncelle, contrebasse et piano. Loin d’imiter les boites à musique, si ce n’est par les timbres, c’est d’abord une ambiance que l’auteur s’est efforcé de recréer dans cette évocation.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Nous republions ici en raison de l’intérêt de l’œuvre ce que nous avions écrit en avril 2018 :
Ecrite pour une formation peu orthodoxe, composé d'un chœur à 4 voix, 2 guitares et d'un violoncelle. Le poème écrit de la main du compositeur lui-même et chanté par le chœur invite à la méditation tout comme la musique d'ailleurs. Un dialogue soudé et intime entre les deux guitares avec notamment beaucoup d'harmoniques produit un effet de masse sonore à la fois en mouvement et en suspension. Le violoncelle entremêle des notes tenues mais également des intervalles éclatés aux sonorités lointaines. La formation instrumentale joue le rôle d'accompagnement la plupart du temps. Mais on peut noter que les deux guitares ainsi que le violoncelle ont de petites cadences. Chaque partie est construite d'après un schéma graduel et atteint un climax avant de s'éteindre progressivement. Cette œuvre est un savant melting-pot où s'entremêle atonalité, tonalité, polytonalité, homophonie et contrepoint, sonorités obscures et mélodies de caractère populaire.
On comprend pourquoi l’auteur amplifie les instruments pour qu'il y ait un équilibre juste avec le chœur.
Voici une œuvre d'une ingéniosité sans borne, qui conviendra à des musiciens avancés souhaitant s'ouvrir vers d'autres horizons !
On peut écouter l’œuvre sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=oeDjcVGzIyg
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce quatuor à cordes op.11 pour niveau moyen/avancé est en deux mouvements : Andante energico et Allegro ben marcato. Le premier, expressif, commence par une entrée en levée en imitation sur un mezzo forte, utilisant des rythmes incisifs avec des accents sur un thème atonal. Ce thème, en crescendo se développe peu à peu sur un forte soutenu avant de disparaître pour laisser apparaître un deuxième thème plus doux, accompagné par des pizz au violoncelle trois fois. Dans ce deuxième thème, le violoncelle rejoint ses compagnons et devient très vite très expressif, mais toujours avec ce rythme très percutant : triple - croche double pointée. Le troisième tableau commence trémolo, reprend la cellule rythmique triple croche double pointée, puis continue en arpèges au violoncelle, pendant que les autres instruments continuent en développant la cellule par deux triples croche pointée, avant de se réunir sur une coda qui s’efface de plus en plus.
L’Allegro ben marcato commence en questions-réponses triolets marcato et devient très vite binaire en doubles, jouant sur les accents. Ensuite, le compositeur utilise plusieurs stratégies comme de placer des parties « en dehors » des autres pour faire ressortir certains phrasés, le côté expressif du violon, l’homorythmie et des nuances variées. Cette édition inclue le conducteur et les parties séparées.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Saxophone ou clarinette se marient fort bien à l’orgue. L’oeuvre se
joue essentiellement sur les fonds de l’orgue. Elle ne demande pas un
instrument important : deux claviers et pédalier conviennent tout à
fait. La première partie a pour caractère « Majestueux, intense ».
L’orgue accompagne une mélodie très expressive. La deuxième partie
se veut « extrêmement tendre ». La mélodie se fait plus enveloppante
et dialogue avec l’orgue avec la même fluidité et la même tendresse.
Suit un mouvement animé puis on revient au « tendre » et au « tendre
et doux » qui se terminent par un solo assez long de saxophone et le
tout se clôt par une intervention monodique de l’orgue qui devra
trouver un timbre qui se marie avec son partenaire, comme dans une
évidente continuité.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce trio de Jean-Charles Gandrille est en trois mouvements : Triads,
Auschwitz impressions et Final. On y ressent l’influence très forte
d’Arvö Part. Triads représente trois personnages chacun bien défini.
L’un fait l’ostinato de doubles piquées, un autre fait un chant et le
piano joue un enchaînement d’accords comme des cloches qui
résonnent à différentes tessitures. « Auschwitz impressions » est
opposé aux deux autres mouvements par son caractère lent et
chantant. Le Final termine cette oeuvre nerveusement mais en
groovant. Des triolets joués en même temps que les doubles défilent,
on a du trois pour deux et du trois pour quatre. Mais l’effet vivifiant
et scintillant ne quitte pas le mouvement. L’édition présente
magnifiquement l’oeuvre, incluant un conducteur relié en format A4
de façon à tourner facilement les pages et avoir toutes les parties bien visibles, plus les parties
séparées.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Ce quatuor en un mouvement Vivace, est un arrangement d’une pièce
initialement pour piano solo qui a reçu le deuxième prix de
composition au 12ème tournoi international de Musique de Rome en
2006. Vous pouvez entendre cette version sur YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=4dzRf5av5KY
Après des études en piano et écriture au CNR de Grenoble, Claire
Vazart entame une formation jazz en piano, arrangement et
composition au Département jazz de Chambéry puis au Humber
College de Toronto. Cette pièce s’inspirant fortement du jazz, a été
transcrite pour Julian Boutin et l’Ensemble 20/21, dirigé par Cyrille Colombier. Elle est à la fois vivifiante, captivante et amusante. De quoi régaler plus d’un
quatuor aguerri !
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Alireza Mashayekhi, compositeur iranien né à Téhéran en 1940,, nous
plonge dans la musique traditionnelle persane au travers de cette
palette de couleurs très profonde, parfois inquiétante et virtuose. A
Mashayekhi utilise dans cette oeuvre « la théorie complémentaire
qu’il définit comme un complément modal à l’harmonie classique et
au contrepoint baroque ». On y retrouve des notations modernes
comme les « pizz Bartok », des jetés écrits en zigzag descendants, des
groupes de notes encadrées devant être répétées asymétriquement ou
encore des trémolos en glissades sans note d’arrivée décrite. Cette
pièce en quatre mouvements a d’abord été écrite pour orchestre à
cordes. Il y a une forte opposition entre les premier et troisième
mouvements qui donnent une impression de contemplation lente, et
les deuxième et quatrième mouvements qui sont rapides et fougueux. On peut écouter la
première version pour orchestre sur YouTube
https://www.youtube.com/watch?v=FvBEfQmfGuk
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Il s’agit d’une publication Urtext d’après l’édition des œuvres instrumentales complètes. L’édition est réalisée par Hugh Macdonald. Comme il s’agit d’une œuvre française, nous bénéficions d’une traduction française de la très intéressante préface qui introduit la partition. Rappelons que l’origine de l’œuvre se trouve dans la mélodie écrite par Saint-Saëns sur le poème d’Henri Cazalis (Jean Lahor) intitulé Égalité-Fraternité. Saint-Saëns a également réalisé une version pour deux pianos et Liszt pour un seul… Il est bien agréable et intéressant de posséder une véritable édition critique de cette œuvre si connue et si souvent jouée.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Dans la collection Easy string ensemble, voici un recueil bien
intéressant. Bien sûr, il n’est pas tout à fait de saison, mais il n’est
jamais trop tôt pour prévoir son futur programme. Tous les Noëls
(onze) contenus dans ce recueil sont des « tubes » : Adeste fidèles,
Stille Nacht, O Du Fröhliche, Les anges dans nos campagnes, Il est
né le divin enfant… Les arrangements sont très bien faits. Ils sont à
la fois fidèles à l’original et réalisés avec goût et originalité. Chaque
partie du quatuor y trouve son compte : la mélodie voyage tout en
étant toujours parfaitement identifiable. L’ensemble est facile, mais
sans facilités. Au contraire, ce recueil comporte un véritable intérêt
musical et instrumental, ce qui n’est pas toujours le cas de tels
arrangements. Nul doute que les ensembles qui s’en empareront n’y
trouvent à la fois beaucoup de plaisir et beaucoup de profit.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Pierre Bourdieu (1930-2002), auteur d’une sociologie générale, considère la musique comme objet d’investigation. Il entretient avec elle un rapport scientifique « à la fois enthousiaste et hésitant ». Il prend ses distances avec la vision scholastique, insiste en précurseur sur les tendances qui n’ont fait que se renforcer : consommation des produits culturels, rôle des médias audiovisuels, diversification des goûts musicaux, mode de réception de la musique, socialisation expérimentale, intelligence pratique, théorie de la légitimité culturelle. Le livre, présenté par Pascal Kaelblen, Irina Kirchberg et Alexandre Robert, comprend des études éclairées de 7 spécialistes, avec également 6 enquêtes (p. 112 sq), des notes statistiques et diagrammes. Cet ouvrage de la Collection « Pensée Musicale », prend aussi en considération l’avant-garde artistique d’alors, c’est-à-dire le jazz dès 1960 (jazz hard bop, jazz modal, free jazz, be pop — autour de John Coltrane, Duke Ellington, le rock aux Etats-Unis et en Angleterre), les Inrockuptibles (p. 33 sq), l’attitude des fanatiques, des amateurs éclairés, le star system, les jazzophiles.
Synthèse quasi exhaustive des cogitations bourdieusiennes autour de la « socialisation musicale ».
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
La musique finlandaise nordique rencontre actuellement un regain d’intérêt. Après la musique suédoise romantique (cf. J.-L. CARON, NL 127), voici une histoire de la musique finlandaise. Si les mélomanes connaissent le nom de Jean SIBELIUS (1865-1957), les plus avertis s’intéressent à Joonas KOKKONEN (1921-1996) et Einojuhani RAUTAVAARA (1928-2016), mais ignorent généralement le mouvement concernant la musique populaire. Henri-Claude (chef d’orchestre et compositeur) et Anja Fantapié (journaliste, traductrice et professeur à l’INALCO) — en collaboration avec Erkki (compositeur, professeur à l’Université d’Helsinki) et Pan Salmenhaara (guitariste, jazzman pratiquant le country-blues) — proposent un panorama très documenté de la musique finlandaise, de ses acteurs illustrant cette longue tradition. De nos jours, la Finlande occupe, avec ses compositeurs et interprètes, une large place dans le monde musical international.
La typologie indispensable distingue musique traditionnelle orale et musique folklorique subissant le métissage culturel ainsi que l’influence des médias. Après un rappel autour de J. Sibelius, la musique évolue en fonction des événements (Indépendance, renaissance après 1945) et des tendances du postsérialisme et de la tentation dodécaphonique, sans oublier l’électroacoustique. Les musiques populaires (tango, jazz, jazz rock, pop, punk, New Wave… mais aussi le « blues finlandais ») sont présentes dans les salons. Le rôle du Kalevala — épopée élaborée par Elias Lönnrot (1802-1884) s’inspirant de la mythologie finnoise, avec un barde comme protagoniste central — dans la musique savante finlandaise est abordé notamment (Annexe 1, p. 261 sq). À noter la présence d’éléments bibliographiques en français et anglais, de nombreuses illustrations (photos), tableaux synoptiques et citations d’époque significatives.
De quoi satisfaire la curiosité des mélomanes attirés par la Finlande, tout en s’instruisant
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Disciple d’Arnold Schönberg (1874-1951), Alban BERG, né à Vienne en 1885 dans une famille mélomane, mort en 1835 à l’âge de 50 ans, a relativement peu composé : 13 œuvres au total, dont Wozzeck, la plus connue. Ce musicien passionné se situe encore quelque peu dans l’héritage de Schumann, Beethoven, Mahler… Il mise sur l’émotion et le fantasme.
Son Concerto pour violon « à la mémoire d’un ange » (dem Andenken eines Engels), composé en 1935, édité en 1936 (Universal Edition), a été créé le 25 octobre de la même année à Vienne, sous la direction d’Otto Klemperer, avec Louis Krasner en soliste. Élisabeth Brisson, Docteur en Histoire, en retrace la genèse (cf. p. 308 sq), la structure bipartite : Praeludium - Scherzo traduisant par une marche la vie sur la terre, Allegro - Adagio avec citation du Choral luthérien So nimm, Herr, meinen Geist (Seigneur, prends mon esprit), d’après la mélodie (1662) de Johann Rudolf Ahle, faisant l’objet de variations (cf. J. S. BACH, Cantate BWV 160) se présentant comme un cri. Ce Concerto oppose donc la vie et la mort (cf. p. 311 sq).
Le livre, accompagné d’une chronologie détaillée et d’une utile sélection discographique, révèle le processus créateur, reflète « ce qui animait A. Berg » : son désir de nouer la sensualité, la spiritualité et la pensée… et sa prédilection pour la sonorité (cf. 4e de couverture). Approche transparente : « en miroir ».
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Plusieurs éditeurs mettent actuellement le rôle de l’âme en valeur, comme c’est le cas de la musique de Chopin (cf. CD : Le chant de l’âme, HORTUS, LI 127).
Michèle Bus-Caporali — pianiste, chanteuse, chef de chœur, très sensible aux émotions — évoque « l’arrivée d’un personnage étrange bouleversant les activités d’un ensemble vocal » : Ambroise Berger, chanteur lyrique, ayant vécu loin de son violoniste de père, atteint d’un mal inexorable, malgré les péripéties de l’existence « ayant mis leur âme à nu »… « Ils se rejoignent dans la musique ».
En un style direct, élégant, descriptif, le parcours d’Ambroise se déroule comme un roman, de lecture agréable, avec, en filigranes, des allusions autobiographiques (à la première personne) ; l’auteure veut communiquer avec le public en tant que formatrice (éducation musicale), faire des expériences sonores et se remettre en cause.
Modèle d’expression et de style, l’ouvrage réussit à camper les personnages entre avenir « plombé » du protagoniste, magnétisme, musicothérapie… : vertige au bord de l’âme qui, finalement, déchante.
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Cette revue est dirigée par Anthony Girard, compositeur, spécialisé en analyse, orchestration et esthétique, ainsi que par Philippe Malhaire, compositeur, musicologue, professeur agrégé et docteur. Elle comprend deux articles scientifiques de fond avec un remarquable état des questions et 4 interviews prises sur le vif.
Jacques Viret met à profit son savoir encyclopédique et établit une synthèse typologique autour de 3 concepts : tonalité, atonalité et atonalisme, avec exemples musicaux à l’appui. Il se situe dans le sillage de la philologie musicale jadis lancée en Sorbonne par Jacques Chailley. Son étude richement documentée (multitude de notes infrapaginales) suscite de nouveaux points de vue. Anthony Girard définit Une autre perspective. Le choix d’une esthétique musicale : liberté ou illusion ? Ce questionnement insiste sur la richesse des « sonorités opposées » (p. 133 sq.). En fait, il s’agit de les réconcilier ; il rappelle ses affinités personnelles et précise (p. 140) que « l’objection principale est la suivante : pourquoi la musique ne serait-elle pas le fruit d’une invention personnelle ? D’une construction mentale ? La transposition d’un état émotionnel ? L’équivalence sonore d’une image intérieure qui ne demande qu’à se déployer ? » Et surtout : « comment savoir où se situe exactement la limite entre la fabrication individuelle et la réceptivité ? » Le compositeur ne peut-il concevoir autre chose que ce qu’il écrit ? » (p. 149). Pour conclure, l’auteur affirme que les points de vue opposés sont inévitables. bra
Quatre intervenants ouvrent des horizons variés : Guy Sacre évoque « l’image du passé » ; dans Clocks & Clouds (allusion à l’œuvre de LIGETI, 1972-73), Karol Beffa récapitule son parcours musical et ses choix esthétiques ; dans « Affaire de style, non de langage », Stéphane Delplace explicite que l’évolution du langage « est certaine, mais n’est évidemment pas synonyme de progrès » (p. 90) ; enfin, avec « Dans les murs », Thierry Machuel et Philippe Hersant rendent compte de leur expérience musicale en milieu carcéral.
Décidément, en ce début de XXIe siècle, cette revue pas comme les autres se place à l’avant-garde des réflexions analytiques et esthétiques.
Édith WEBER
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Michel Schmitt, spécialiste incontesté de l’histoire de la vie musicale à Strasbourg et en Alsace, a marqué le 120e anniversaire (en 2020) de l’Orchestre symphonique « La Philharmonie », c’est-à-dire de Strasbourg (à ne pas confondre avec La Philharmonie de Paris, inaugurée en 2015, dotée d’un Orgue prestigieux, bénéficiant d’une remarquable acoustique et ayant intégré l’Orchestre de Paris en 2019).
L’auteur a brassé et ordonné une information extraordinaire (Archives de Strasbourg, revue de presse locale, programmes et procès-verbaux, statuts), portant sur la longue durée et la spécificité historique de l’Alsace sous les aspects politique, militaire, économique, culturel, sociologique avec son destin oscillant entre l’Annexion allemande, le retour à la France, l’Entre-deux Guerres, puis l’Annexion de 1940 à 1944 et allant jusqu’au profil de l’Orchestre en 2019. Le brassage d’une telle masse de documents, de faits et d’événements est un vrai tour de force.
Au fil des pages et du temps, les lecteurs curieux et admiratifs sont mis au courant de la genèse de cette Institution avec ses difficultés et réussites. Cette somme contient aussi des éléments bibliographiques, des Annexes concernant les présidents, chefs, membres d’honneur, musiciens, solistes et une sélection d’articles (presse locale) très révélateurs ; surtout les Dernières Nouvelles d’Alsace (p. 426-7), Le Nouvel Alsacien, Der Elsässer et, plus rares, quelques publications parisiennes (1926). Des photos (par exemple : chefs René Matter et Philippe Acker dont nous avions suivi les concerts jusqu’en 1958… ; la Philharmonie, l’année du centenaire, Concert du 9 décembre 1999, au Palais des Fêtes de Strasbourg) illustrent significativement le propos. Actuellement plus de 100 musiciens marqués par l’excellence biculturelle française et allemande, proposent programme éclectique allant du XVIIIe siècle à nos jours.
Michel Schmitt a signé un document sociologique portant sur la pratique d’amateurs à un haut niveau et dans la longue durée et le « témoignage de la vie artistique d’un collectif humain avec ses caractéristiques propres et ses personnalités qui ont contribué à forger l’identité de la Philharmonie ». Enthousiasme partagé.
Édith WEBER
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VOIX HÉBRAÏQUES
Hector SABO
EN PRÉPARATION
L’association du peuple hébreu à la musique remonte aux temps de la Bible. Or, « la composante musicale de la tradition juive est déterminée à la fois par l’espace et le temps ; par les modes artistiques de ses lieux d’exécution, et par les contextes culturels propres à son histoire », écrit Paul B. Fenton dans sa préface à ces Voix hébraïques. Espace et temps, c’est à un voyage historique, mais surtout musical, qu’invite ce livre, en quête de la « musique juive », si difficile à définir dans sa diversité, ancrée dans la permanence de la langue hébraïque.
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LA PENSÉE SYMPHONIQUE
Ivanka STOIANOVA
EN PRÉPARATION
Cet ouvrage didactique, troisième volume du Manuel d’analyse musicale d’Ivanka Stoianova qui fait suite à Manuel d’analyse musicale 1 /Les formes classiques simples et complexes, Minerve, 1996 et Analyse musicale 2 /Variations, sonate, formes cycliques, Minerve, 2000, se propose d’élucider les principes de la pensée symphonique dans les formes dites libres de la tradition classique et romantique.
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Très différent du Voyage d’Hiver ou de La Belle Meunière, le Cycle de mélodies Myrte (fleur) se présente comme un dialogue reflétant les étapes de la vie conjugale avec ses hauts et ses bas. Pour ces 26 miniatures de son opus 25, Robert SCHUMANN (1810-1856) emprunte des textes allemands au poète Friedrich RÜCKERT (1788-1866) notamment pour la Dédicace et la conclusion.
Parmi les sources littéraires, figurent des lettres de R. Schumann à Clara (Wieck), des lettres de Goethe à Marianne von Willemer, dévoilant les sentiments de l’amant et de sa bien-aimée. Le compositeur exploite également des poèmes en langues étrangères : anglaise de Robert Burns (1757-1796) adapté en allemand par Wilhelm Gerhard par exemple Hochländisches Wiegenlied (Berceuse) ; de Thomas Moore (1779-1852) : Lied vénitien (1et 2) ; des chants hébraïques de Lord Byron (1788-1824) adaptés en allemand par Theodor Körner : Mein Herz ist schwer (Mon cœur est lourd)… L’atmosphère du Cantique des Cantiques est rendue avec Du bist wie eine Blume (Tu es comme une fleur) de R. Schumann et Heinrich Heine (1797-1856), en étroite liaison avec le titre du Cycle.
Sylwia Burnicka-Kalischewska (soprano) et Michal Landowski (piano) font revivre intensément les situations émotionnelles si différentes de ce Cycle exceptionnel. De plus, elle a rédigé le remarquable texte de présentation. À ces divers titres, ils méritent aussi des fleurs…
Édith Weber
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Pour les 150 ans de la mort du musicien, l’objet discographique en question est exceptionnel : il réunit non seulement l’essentiel de l’œuvre berliozienne, mais encore interprétée par des solistes incontournables, des orchestres prestigieux dirigés par des grands maîtres. Par exemple : l’Enfance du Christ (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. A. Cluytens) ; la Damnation de Faust (London Symphony Orchestra, dir. P. MONTEUX ; deux enregistrements historiques live de la Symphonie Fantastique (1960 : Boston Symphony Orchestra, dir. Ch. MÜNCH ; 1962 : Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, dir. P. MONTEUX) ; le Requiem (Orchestre du Théâtre National de l’Opéra de Paris, dir. H. SCHERCHEN ; extraits des Troyens à Carthage (Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dir. H. SCHERCHEN…) ; Te Deum (Royal Philharmonic Orchestra, dir. Th. Beecham).
Le livret bilingue (français, anglais) détaille la programmation de chaque CD, puis Laurent Worms dresse un bilan éloquent de l’engagement des chefs pour la diffusion du compositeur romantique longtemps dédaigné dans son propre pays, parmi lesquels Pierre Monteux (1875-1964), Charles Münch (1891-1968), Sir Thomas Beecham (1879-1961), Hermann Scherchen (1891-1966), André Cluytens (1905-1967), Herbert von Karajan (1908-1989), Philippe Entremont (né en 1934)…, ainsi que des interprètes phares : Suzanne Danco (soprano), Régine Crespin (soprano), Jean Giraudeau (ténor), Michel Roux (baryton)…
Un document historique du plus grand intérêt, à verser à l’histoire de mentalités et des sensibilités. Une somme de talents au service d’un génie créateur français controversé enfin en voie de complète réhabilitation. Indispensable.
Édith Weber
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Le Label polonais multiplie les premiers enregistrements mondiaux et s’attache à diffuser des œuvres de compositeurs polonais et étrangers injustement oubliés. Après les enregistrements récents de René de BOISDEFFRE (1838-1906), voici Adolphe BLANC (né à Manosque en 1828, mort à Paris en 1885). Après ses études (violon, composition, histoire de la musique) au Conservatoire de Paris, il a beaucoup écrit essentiellement pour la musique de chambre voire de salon, cultivant les formes classiques : sonate, sonatine, romances, duo, trio, quatuor, quintette, septuor, valse, barcarolle…, pages publiées chez Richault et Lemoine... Marcin Murawski — altiste, chef et enseignant, interprète attitré du Label Acte Préalable — propose ses arrangements de la Barcarolle (op. 11) ; de la Romance (op. 10) pour alto et piano ; de la Sonate (op. 12, n°1) tripartite (avec Scherzo central, au lieu d’un mouvement lent habituel) et de la Sonate (op. 13, n°2). Avec la pianiste géorgienne Nino Jvania — titulaire de nombreux Prix internationaux, dont la maîtrise technique et le grand pouvoir de concentration ont fait l’admiration unanime des critiques — ils s’adonnent à cette musique agréable et élégante, non dépourvue de virtuosité et nous replongent dans l’univers des salons parisiens. Révélation à ne pas manquer.
Édith Weber
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La Collection « Référence Harmonium » réhabilite la « pompe à cantiques » de jadis, devenue — grâce à la facture Mustel, avec Alphonse Mustel (1873-1936), aidé par son père Auguste puis son fils Charles, qui ont développé l’« orgue expressif » inventé en 1842 par A.-Fr. Debain ainsi que le typophone (célesta) — un véritable instrument de concert.
Le compositeur allemand August REINHARD, né à Ballenstedt (dans le Harz) en 1831, mort dans sa ville natale en 1912, a été au service de la Cour du Duc d’Anhalt-Bernburg et du Comte de Wittgenstein. Il s’est consacré à la composition et à la promotion de l’harmonium, convenant parfaitement à la musique concertante et assumant à la fois le rôle du piano et du violoncelle. Joris Verdin (né en 1952), organiste, compositeur et pédagogue belge, a retenu le MUSTEL Harmonium d’Art (version sophistiquée 1922) pour les Trios et Sonates (CD I-II) et le MUSTEL Orgue-Célesta 1900 pour les Sonatines (CD II).
Le CD I permet de découvrir 3 Trios pour violoncelle, harmonium et piano : en Fa majeur (op. 28), fa mineur (op. 30) et Sol majeur (op. 46), avec le concours de J. Verdin (harmonium), Marie-Noëlle Bette (Piano Steinway 1875) et Tine Van Parys (violoncelle). D’emblée, le gain timbral opéré par l’harmonium au sein du trio saute à l’oreille, la prévention contre l’instrument désuet disparaît et l’onctuosité sonore joue en sa faveur. Le CD II offre 2 Sonates pour harmonium et piano (op. 84 et 85), assez développées, en Do majeur et ré mineur, tripartites avec mouvement central lent et méditatif, de facture classique, évoluant dans une atmosphère romantique ; les 3 Sonatines illustrent les possibilités et timbres variés de l’Orgue-Célesta à 2 claviers (le premier correspondant à l’harmonium ; le second au célesta), avec accouplement et de nombreux registres, par exemple : harpe éolienne, cor anglais, percussion ; fifre, hautbois, musette, voix céleste (en fait, comme à l’orgue). Joris Verdin exploite au maximum les timbres de l’instrument de sa collection personnelle.
Les organologues apprécieront ces 3 instruments historiques ; les discophiles cette intéressante réhabilitation de l’harmonium en tant qu’instrument de concert.
Édith Weber
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Encore un premier enregistrement mondial à l’actif du Label polonais et de son directeur artistique, Jan A. Jarnicki, découvreur débordant d’enthousiasme qui réunit trois compositeurs polonais et un allemand : Richard WAGNER (1813-1883) avec un Quartet Mouvement (restitué par Gerald Abraham), vibrant de sensibilité ; le Comte Wladyslaw TARNOWSKI (alias Ernest Bulawa, de son nom de plume, né à Wroblewice en 1836-mort à San Francisco en 1878), pianiste et poète polonais, avec son Quatuor en Ré Majeur : Allegretto – Adagio molto – Menuetto — Finale-Scherzo ; le pianiste et compositeur Zygmunt STOJOWSKI (né à Strzelce en 1870-mort à New York en 1946), avec ses attachantes Variations et Fugue (op. 6) ; Eugeniusz MORAWSKI (né à Varsovie en 1876-mort dans cette ville en 1948) — tombé dans l’oubli —, avec son éloquent Quatuor à cordes tripartite : Andante Notturno, Andante-La preghiera (La Prière) et Moderato. Il levare del sole (Le lever du soleil – inspiré d’une peinture bucolique). Grzegory Witek (2d violon), Beata Raszewska (alto), Lukasz Tudzierz (violoncelle) appartenant au « Four Strings Quartett » (1er violon : Lucyna Fiedukiewicz), ainsi qu’au « Tono Quartet » (1er violon : Nikola Frankiewicz) font chanter ces pages expressives : à apprécier dans leur diversité.
Édith Weber
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Pendant la Première Guerre Mondiale, la musique n’était absente ni dans les tranchées, ni à l’arrière au repos. Il ressort de sa correspondance que Lucien DUROSOIR avait sollicité l’envoi de partitions pour les Poilus et même constitué un quatuor avec Henri Lemoine (2d violon), André Caplet (alto) et Maurice Maréchal (violoncelle). Né à Boulogne-sur-Seine en 1878 et mort à Bélus en 1955, dès son jeune âge, il pratique le violon et, à 19 ans, figure parmi les premiers violons de l’Orchestre Colonne. Compositeur, il privilégiera les instruments à cordes et déploiera une grande activité créatrice entre 1927 et 1937.
Le titre Dejanira se réfère aux Trachiniennes de Sophocle (-495;-406). Il s’en inspire en 1923 pour son Étude symphonique, spéculant sur les différents timbres de l’orchestre symphonique. Grâce, brio, allégresse mais aussi éclat et mystère alternent dans cette Étude qui a valeur de légende. Elle est interprétée par le Taurida International Orchestra sous la baguette énergique de Mikhail Golikov, alors que l’Adagio pour cordes (1921), page très expressive, mélancolique, avec chromatismes, ostinato au violoncelle et un lento plaintif, est rendu avec sensibilité par les Salzburg Chamber Soloists.
Pour son Poème pour violon et alto avec accompagnement d’orchestre (datant de 1920), au langage harmonique si luxuriant, L. DUROSOIR s’inspire du Centaure de Maurice de Guérin (1810-1839). Sa Suite pour flûte et petit orchestre, dernière œuvre pour orchestre (1931), se présente comme une synthèse esthétique. L’apport des cordes est plus modeste qu’à l’accoutumée, et il fait appel à la virtuosité de la flûte soliste (Varvara Vorobeva) surtout dans l’aigu. L’œuvre, d’une grande richesse d’écriture, est structurée en 4 mouvements : Prologue impressionniste ; Divertissement très découpé, dans lequel alternent tendre jubilation et discours plus affirmatif ; Chant Élégiaque où bois et cuivres se compénètrent en une élégante et profuse nostalgie ; enfin, le bref Épilogue redonne la primeur à la flûte qui finit par dompter l’agressivité de l’orchestre.
Dans le livret quadrilingue — ce qui est rare — (français, anglais, allemand et russe), Georgie Durosoir propose une présentation circonstanciée de ce musicien représentatif de l’école orchestrale française du début du XXe siècle, dont l’œuvre attachante mérite amplement d’être plus largement diffusée.
Édith Weber
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Né le 21 juin 1948 à Rome, Philippe HERSANT a étudié la composition au CNSM avec André Jolivet. Il a séjourné à la Casa Velasquez, puis à la Villa Médicis et a été résident au CRR de Boulogne-Billancourt. Il est titulaire de 9 Grands Prix et de nombreuses autres distinctions. Il a composé plus de 150 œuvres pour des formations très variées. Ce disque révèle 34 Duos pour violon et violoncelle, piano à 4 mains, 2 violes de gambe, alto et basson, violoncelle et accordéon, 2 violoncelles, clarinette et piano, avec le concours d’interprètes très motivés. Dans ces œuvres, il jongle habilement avec les timbres et les sonorités. Il en résulte un paysage timbrique particulièrement original et exceptionnel, dont la révélation revient au Label TRITON.
À remarquer, en première mondiale, les 11 Haïkus, pages brèves sur le thème de l’évanescence ou de caractère descriptif (libellule, rossignol, automne, hiver) ou encore lyrique (amour, rêve). La pièce la plus ancienne : L’oiseau de la nasse : Un oiseau crie/Le bruit de l’eau noircit/Autour de la nasse, est dédiée à Henri Dutilleux (1916-2013). Philippe HERSANT convie les mélomanes à la Taïga sibérienne, au Japon : La Souris et le Koto (cithare japonaise d’origine chinoise permettant de modifier la hauteur des sons), notamment à Kyoto. Il exploite des sons multiphoniques, des trémolos entre grave et aigu, un folklore imaginaire.
Révélation de morceaux rares et mise en valeur des talents multiples de Philippe HERSANT. Inouï et époustouflant.
Édith Weber
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Les universitaires offrent à leurs collègues partant à la retraite des Mélanges (Birthday Offering, Festschrift) ; les musiciens réalisent un Hommage (post mortem) pour les compositeurs avec des extraits de leurs œuvres. Le Label VDE GALLO, toujours soucieux de promouvoir le patrimoine musical suisse en particulier, fait revivre la mémoire de Patrick BOCHERENS, né en 1957 et mort en 2013. Il a conjugué les activités de compositeur, d’enseignant, d’accordéoniste virtuose, également de guitariste, pianiste, théoricien, chef de chœur, doté de l’oreille absolue et d’une excellente mémoire.
70 choristes motivés et engagés appartenant au Chœur mixte de Carrouge (Canton de Vaud), fondé en 1950, placés sous la direction de Gérard Morier-Genoud et des instrumentistes triés sur le volet (piano, violons, flûte, percussion) donnent un éloquent aperçu de sa production. Ses sources d’inspiration procèdent de la musique populaire : française (Noël provençal ; Chant des Cigales ; La Révolution française…) et suisse (Mon pays de Fribourg) ; ou encore d’un état d’esprit (« Être ou paraître »). Les 19 plages comportent des pièces brèves et originales, extraites du Chant des Cigales ; La Vie de château ; La Vieille ; La Ballade imaginaire. À noter : Partir, suivre un nouveau chemin et changer d’horizon pour l’inconnu… (plage 7) qui fait dialoguer voix féminines et masculines.
Son affirmation : « La création musicale est exigeante, mais ce qui compte c’est de rester authentique » est valable pour cette personnalité suisse hors du commun, prématurément disparue. Grâce à cet émouvant hommage, son « œuvre » le suivra.
Édith Weber
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Artur CIESLAK (né en 1968 à Szrzecin) est un pianiste formé notamment à l’Académie Chopin de Varsovie, Docteur en composition de l’Université Chopin de cette ville. Ce disque réunit des pages pour piano seul (et pour la main gauche), violoncelle seul, violoncelle et piano et enfin trio (clarinette, violoncelle et piano). Dans son Choral Prélude pour piano (1999), le compositeur, d’emblée, use des résonances et des demi-tons, en un langage très personnel. À remarquer ses trois œuvres pour la main gauche : Grotesque (2008-9…, 4e version) où il met en valeur percussivité et accentuation ; Épigramme (2009), de la même veine, à l’écriture très allusive ; sa Sonate pour piano n°1 Post-Neo (2013, révisé 2014), exploitant les contrastes entre traits incisifs et longues tenues d’accords recherchés. Cadence pour violoncelle (2004) et Cellophony (2014, rév. 2017) démontrent sa connaissance intime de l’instrument et la pleine exploitation de ses capacités expressives. Au programme, figurent encore Understatements (Sous-estimations) pour violoncelle et piano (2006, rév. 2007) ainsi que le riche Trio pour clarinette, violoncelle et piano (2018, 1ère version). Pas moins de 3 pianistes : A. Lewicka-Capiga, M. Palkaj et D. Maciaszczyk ; 2 violoncellistes : N. Weslowska et Kl. Swidrow ; et 1 clarinettiste : B. Jakubowski se sont mis au service de cette musique qui interpellera les mélomanes.
Édith Weber
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Patrick Loiseleur, à la fois ingénieur de recherche, compositeur au rayonnement international et chroniqueur de radio, a collaboré avec Marie Olivon (piano), Sabine Revault d’Allones (soprano) et L’Oiseleur des Longchamps (baryton) pour réaliser ce CD. Le mot aporie évoque une « difficulté à résoudre un problème ». En fait, dans le cas présent, il s’agit d’un élément de sa vie privée « avec une conclusion tragico-comique », selon ses propres termes. À défaut de mots, d’amour et d’espoir : il reste toujours la musique. Une quinzaine de textes allant du XVIe siècle : Philippe Desportes (1546-1606) et Louise Labé (v. 1524-1566) jusqu’à Guillaume Apollinaire (1880-1918 — dont les 6 À la Santé évoquent la célèbre prison —) et Marguerite Yourcenar (1903-1987) ont été mis en musique.
Le langage de Patrick Loiseleur excède l’univers tonal en exploitant des accords de 5, 6 et 7 sons ; le musicien spécule sur la dialectique consonance/dissonance et joue de l’opposition entre tonalité et atonalité. Les 17 « stations » jalonnant son errance personnelle sont aussi saisissantes que déroutantes. Aporie appartient à cette production artistique déconcertante et difficilement catégorisable. Les émotions charriées par le duo vocal abondent, par défaut et excès d’une retenue conventionnelle ; l’auditeur est ballotté d’une référence à une autre. Entre-deux tragicomique que l’Oiseleur des Longchamps achève par Do-Ré-Mi-Fa-Sol-La-Si-Do, en voix de fausset… Pour le moins original.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
La mode est actuellement aux Intégrales (BACH, BUXTEHUDE, orgue ; HAYDN, piano. Voici W. A. MOZART par le pianiste Jean Muller, qui a sélectionné les Sonates K. 311, K. 282, K. 279 et K. 284.
La Sonate en Ré majeur (K. 311), composée en 1777 à Mannheim, est tripartite : 1. Allegro con spirito avec des thèmes chantants passant d’une main à l’autre, un mouvement lent central Andante con espressivo et un Presto, genre de rondo plus original, annonçant quelque peu Schubert.
La Sonate en Mi b majeur (K. 282) a été composée pendant un voyage à Munich, à l’automne 1774. Elle comprend un Adagio sombre, faisant preuve d’ingéniosité ; les Menuetto I (Si b majeur) et II (Mi b majeur) ; l’Allegro final est très redevable à Joseph Haydn, avec des rythmes marqués, de nombreuses doubles croches.
La Sonate en Ut majeur (K. 279), écrite en 1774 à Salzbourg, comporte 3 mouvements : 1. Allegro, caractérisé par un motif avec basse d’Alberti et un grand mouvement descendant de la main gauche ; 2. Andante en Fa majeur, avec des arpèges modulants, des triolets assez mystérieux, 3. Allegro conclusif, un peu ironique, suivi d’un Fugato.
Enfin, la Sonate munichoise en Ré majeur (K. 284), datant de 1775, dédiée à son commanditaire : le Baron Thaddäus Wolfgang von Dürnitz, est plus exigeante. Elle est structurée en 3 mouvements : Allegro ; Rondeau en polonaise : Andante en La majeur avec 2 thèmes contrastants ; Thema con [12] variazioni nécessitant une grande maîtrise pianistique, avec basse d’Alberti en doubles croches, octaves brisées, arpèges, tierces…
Jean Muller, pianiste précoce, formé au Conservatoire de Luxembourg, puis par de nombreux maîtres à Bruxelles, titulaire de très nombreux Prix internationaux, a précédemment réalisé une Intégrale des Sonates de Beethoven. Professeur de piano dans le même Conservatoire, il se produit dans de nombreuses salles prestigieuses à travers le monde. Dans le 2e volume de cette Intégrale, le pianiste virtuose fait montre des mêmes qualités, conciliant dextérité la plus vive, musicalité la plus haute et une élégance des phrasés qui le font survoler ces pages du jeune Mozart avec grâce et recul. Époustouflant.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici une intéressante confrontation : le Concerto n°5 « Emperor » (op. 73) de Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827) et — en premier enregistrement mondial — l’arrangement par Cyprien Katsaris pour piano solo (enregistré en 2013 sur un Grand Piano E-272 Steingraeber & Söhne). Elle s’ajoute aux nombreuses parutions prévues en 2020 pour le 250e anniversaire de la naissance du compositeur. La version originale pour piano et orchestre est placée sous la direction de Sir Neville Marriner (1924-2016) à la tête de l’Academy of St Martin in the Fields, orchestre prestigieux fondé en 1959. Cyprien Katsaris (né en 1951, pianiste lauréat de nombreuses distinctions internationales) — qui a beaucoup admiré l’enregistrement (vinyle) interprété par Vladimir Horowitz et le RCA Victor Symphony Orchestra dirigé par Fritz Reiner — rappelle qu’en tant que pianiste, il a « toujours ressenti une certaine frustration concernant le magnifique tutti introductif du premier mouvement, qui est l’apanage exclusif de l’orchestre », qu’il a déploré en conséquence « le fait de ne pas le retrouver dans le texte pianistique » et qu’il a « décidé de satisfaire un besoin (il est vrai, égoïste !), vieux de 55 ans, en effectuant cette transcription » (p. 13). Voici un défi visant à une autre approche de ce célèbre concerto permettant de revaloriser l’apport du pianiste.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Pour son premier enregistrement, la jeune pianiste russe Anna Kavalerova, formée à Moscou et en Israël, assumant une carrière internationale, s’attaque à Robert SCHUMANN, Sergei RACHMANINOV et fait découvrir Nikolaï KAPUSTIN (né en 1937 en Ukraine, à Gorlovka) arrangeur, interprète et compositeur russe, jazzman malgré lui (car il réfute l’improvisation non écrite).
Son disque, placé sous le signe Thèmes & Variations, s’ouvre sur les célèbres 16 Études symphoniques (op. 13) de Robert SCHUMANN, très élaborées, qu’elle enchaîne avec maîtrise et détermination. Suivent les Variations sur un thème de Corelli (op. 42) — véritable somme pianistique — composées en 1931 par Sergei RACHMANINOV. L’intérêt de ce redoutable programme est encore rehaussé par les Variations (op. 41) de Nikolaï KAPUSTIN, compositeur russe à découvrir, qui n’a rien à envier à George Gershwin (qui meurt l’année de sa naissance)… ; il préconise une structure relativement classique marquée par des accents aux rythmes de jazz et une certaine dose d’humour.
Tout au long de ces trois œuvres enregistrées en Israël, Anna Kavalerova met en valeur les sonorités si prenantes du Piano Steinway D ; elle y déploie sa technique brillante, sa maîtrise à toute épreuve et sa maturité émotionnelle. Une valeur déjà sûre.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Paru dans la Collection du Festival International Albert Roussel, ce Livre pour piano aborde les formes traditionnelles : prélude et fugue, étude, invention, toccata, canon ; a recours à des techniques spécifiques : quartes, octaves, quintes ; glissements, et propose en annexe des Exercices pour les doigts. Il s’agit d’une synthèse avec, en plus, un Hommage à LIGETI et RAUTAVAARA (musicien finlandais), soit 17 œuvres au total, avec leurs dédicataires dont Nicolas BACRI.
Formé en piano par André Dumortier (1910-2004), en composition par Marcel Bitsch et Claude Ballif, Florent NAGEL (né en 1979) — auteur du conte musical Alice au pays des merveilles — a créé son Livre pour piano (publié aux Éditions Alphonse Leduc), le 12 novembre 2016, au CRR de Paris, dans le cadre des Concerts Cantus Formus. Il traite avec une grande aisance l’écriture contrapunctique, associée à une facture rythmique variée et ingénieuse. À relever le canon (pl. 14), très élaboré, avec des modulations très subtiles ; l’élan de la Fugue en ut (pl. 17) ; l’utilisation de toute l’étendue du clavier, la transparence de la Bagatelle (pl. 16) ; l’exploitation des intervalles de secondes mineures chromatiques et, par dessus tout, la recherche d’équilibre.
Comme l’observe si judicieusement Damien Top (livret, p. 7) : « à la fois logique, frénétique, séducteur ou impulsif, Florent NAGEL nous livre ici avec une confondante maîtrise ce qu’il considère comme le meilleur de son Art ».
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici un coffret qui n’a pas son pareil : au-delà des sempiternelles rééditions et des œuvres « du
répertoire », il nous plonge dans l’inconnu sans pour autant nous perdre totalement ; il met en effet à
notre disposition toutes les mélodies de Reynaldo Hahn, compositeur que nous connaissons peut-être,
mais seulement par touches. La discographie le concernant est pourtant très riche (Cf. le site reynaldo-hahn.net pour nous en convaincre). Cette édition est réalisée par la Fondation du Palazetto Bru Zane qui
nous enchante depuis des années par des parutions discographiques mettant à notre portée des œuvres
jusque-là introuvables. La Fondation met cette fois à notre disposition l’intégrale des mélodies qui ont
fait le succès de Reynaldo Hahn. Au-delà des œuvres les plus célèbres comme D’une prison, Seule,
Infidélité, À Chloris, ou Sur l’eau… on peut découvrir les recueils des Études latines, des Chansons grises
(dont L’heure exquise) ; tout cela s’accompagne d’autres chefs d’œuvre du genre : les recueils des Feuilles
blessées, des Five Little Songs, trois étonnantes chansons de la « Dame aux camélias », les Rondels… Cent
sept mélodies pour notre plus grand plaisir ! Le baryton Tassis Christoyannis, d’une voix généreuse et large, aborde cet
immense corpus avec une subtilité qui épate. A chaque cycle, chaque recueil, il donne une couleur et une
singularité qui leur confèrent une unité stylistique en évitant ainsi une lecture redondante et uniforme.
Ce lourd défi est relevé également par une prononciation quasi parfaite, en français comme en vénitien et
en anglais : un régal pour une compréhension directe et limpide de ces pièces si courtes qui ne souffrent
pas l’à-peu-près. Jeff Cohen, accompagnateur qu’on ne présente plus, est au service du chanteur – cela se
devine -; il applique une rigueur dans la lecture de la partition pour en faire briller les subtiles
déclinaisons du jeu pianistique. Chacune des mélodies est un monde en soi, et ces deux artistes nous en
font goûter toutes les particularités. Les quatre disques regroupent adroitement les différents volumes et
recueils, ce qui en rend l’écoute globale très agréable. Un livret à la hauteur qui satisfait les plus
exigeants. La discographie de la mélodie française au tournant du XXe se trouve enfin enrichi de ce
corpus qui lui manquait cruellement. Merci donc à Bru Zane pour cette heureuse initiative que les
spécialistes et tous les musiciens ne manqueront pas de saluer.
Émile Lyon
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
« Jean Guillou est un musicien complet », c’est ce que l’on peut lire depuis quelques années dans les biographies de Jean Guillou. Cette affirmation veut dire que derrière le musicien-interprète, dont la renommée mondiale est faite depuis plus d’un demi siècle, s’est longtemps caché un musicien-compositeur. Et c’est donc la conjonction de ces deux âmes dans un seul corps qui porte à cette définition de complétude.
Or le grand public – notamment dans le domaine de l’orgue – connaît l’interprète brillant et inspiré qu’il a pu écouter en concerts ou à travers ses nombreux enregistrements discographiques (Universal, Dorian, Festivo e Augure), méconnaissant en revanche l’autre facette du Maître.
S’il est vrai que plus d’un tiers de son œuvre est dédiée à l’orgue seul et une autre vingtaine d’œuvres voit l’orgue en compagnie d’autres instruments, une grande place est allouée aux œuvres orchestrales - avec 8 Concertos pour orgue et Orchestre, un Concerto Grosso, trois Symphonies, une Messe et un Stabat - mais aussi, et non des moindres, au piano. En effet non seulement Jean Guillou l’a convié à de multiples reprises à se produire en compagnie d’autres instruments, à commencer par l’orgue (5 Colloques) où de l’orchestre (2 Concertos pour piano et orchestre) mais lui a donné une place à lui tout seul avec une dizaine d’œuvres.
Sans doute faudrait-il pouvoir réentendre l'œuvre à loisir pour en saisir tous les méandres et leur propre raison d'être – écrivait Michel Roubinet à la fin de sa critique du deuxième Concerto pour orgue qu’il venait d’entendre car, en effet la seule écriture ne suffit pas à faire vivre la musique. Et pour ceux qui voudront en découvrir l’esprit, Beauchesne publie ces jours-ci le dernier ouvrage de Jean Guillou : Esprit de Suite où il nous a laissé sa vision des grandes œuvres du répertoire ainsi que des siennes.
Augure, qui depuis plus de dix ans contribue à élargir la connaissance de l’œuvre du Maître, annonce la sortie de son dernier CD – L’œuvre pour piano de Jean Guillou, enregistrée par le brillant
pianiste italien Davide Macaluso.
Grâce à ce double CD l’entièreté de l’œuvre pianistique du Maître quitte l’ombre pour apparaître en pleine lumière grâce à ce musicien qui a tenu à réaliser ce projet ambitieux sous le regard attendri du Compositeur qui a eu le temps de suivre la préparation du double volume, d’en fixer le déroulement et d’écouter le résultat final.
Bien que leur nombre soit limité, ces œuvres composées sur plus d’un demi siècle, suffisent amplement
à jauger l’exceptionnalité de ce musicien-compositeur dans lequel on doit reconnaître sans hésitation la présence d’une génialité musicale indéniable. Et son musicien-interprète inattendu nous comble.
En vente (20 €) à partir du 18 octobre 2019 sur le site d’Augure (www.jean-guillou.org) ou sur les sites www.cdandlp.com et www.discogs.com
Augure, qui depuis plus de dix ans contribue à élargir la connaissance de l’œuvre du Maître, annonce la sortie de Biloulou-Safari un surprenant double CD qui nous permet d’écouter Jean Guillou improviser pour une heure et demie en 1972 à l’orgue de Saint-Eustache pour crééer la musique qui nourrira une partie de la bande-son du film Congo Safari du cinéaste français Marcel Isy-Schwart.
« Jean Guillou, en créant la musique du film que j’ai réalisé, réussit le tour de force de faire revivre la Nature, les Hommes et les Bêtes par la voix des Grandes Orgues de Saint-Eustache à Paris. Merci à celui que la critique désigne comme le plus grand improvisateur-organiste du monde». Ce sont là les propres mots du cinéaste qui à la sortie de son film n’hésitât pas à faire publier sur un disque vinyle les parties qu’il avait retenues pour la bande son. Avec ce CD l’improvisation se voit restituée son intégrité et sa continuité originelles.
Jean Guillou avait depuis peu laissé à tout jamais chez Philips la trace d’une serie d’improvisations, devenues iconiques : les Jeux d’orgue, les Noëls et surtout les Visions Cosmiques. En 1971, alorsqu’il recherchait une musique pour son film, Marcel Isy-Schwart découvrit le disque des Visions cosmiques de Jean Guillou, parues chez Philips, dont la pochette l’étonna par sa modernité avec ce fameux visuel aux cercles concentriques argentés. Le cinéaste, à son écoute, fut subjugué par la beauté et la puissance de la musique de Jean Guillou et sous le coup du choc provoqué par cette musique radicalement nouvelle, il décida de rencontrer Jean Guillou, estimant sans plus de réflexion qu’il serait l’auteur de la musique de son film. Venu à Saint-Eustache, il lui proposa cette idée. Une séance de projection du film fut donc organisée, un soir, dans l’église fermée. Un écran fut installé sous l’orgue, avec un projecteur de cinéma. Jean Guillou, installé à la console alors insérée dans le banc d’œuvre, improvisa durant toute la durée du film. br
« Musique jaillie de l’image et pour l’image, ce flot musical constitue un témoignage important de l’art de Jean Guillou, de ce qui le singularisait déjà dans les années 1970: modernité du langage, renouvellement constant des idées, science des effets sonores, caractérisation intensément évocatrice des atmosphères par un art de la registration novateur, irrésistible effervescence, vivacité électrique, mais aussi exploit d’une improvisation si longue et, à l’instar des nombreuses collaborations que Jean Guillou mena au long de sa carrière : ouverture intellectuelle et sensible à des horizons inédits. » breves1219
Un double CD qui vient enrichir la discographie de l’auteur de « La Musique et le Geste » et du tout récent et dernier ouvrage « Esprit de Suite » tous deux publiés chez Beauchesne.
En vente (20 €) à partir du 26 janvier 2020 sur le site d’Augure (www.jean-guillou.org) sur les sites www.cdandlp.com et www.discogs.com
2 extraits audio :
Les discophiles trouveront avec intérêt des enregistrements inédits d’œuvres pour piano, et piano avec orchestre, interprétées par Jeanne-Marie Darré (1905-1999), ancienne élève de Marguerite Long (1874-1966). À son époque, la sonorité chaude et chantante est obtenue par les méthodes Marie Jaëll (1846-1925) et Blanche Selva (1884-1942) ; l’agilité et la précision digitales, par la technique d’Isidore Philipp (1863-1958).
Cette sélection d’œuvres de Camille SAINT-SAËNS (1835-1921) comprend : l’Étude en forme de Valse, la Bourrée pour la main gauche (vraie gageure), enregistrées en 1953, la redoutable Toccata (op. 727/3), forme aussi cultivée par Charles-Marie Widor et Louis Vierne, gravée à l’âge de 26 ans.
Les deux CD, sous digipack, offrent également la Sonate pour violon et piano n°1 en ré mineur (op. 75) — avec Denise Soriano (1916-2006) — et celle pour violoncelle et piano n°1 en ut mineur (op. 32) — avec Maurice Maréchal (1892-1964) —, ainsi que 3 Concertos pour piano et orchestre, n°4 en ut mineur (op. 44), n°2 en sol mineur (op. 22) et n°5 en Fa majeur (op. 103), dirigés respectivement par Roberto Benzi, Charles Munch (Boston Symphony Orchestra) ainsi que Thomas Shippers — que les mélomanes retrouveront avec plaisir. Dans ces pages, Jeanne-Marie Darré s’affirme par sa méticulosité, sa concision, son phrasé, son contrôle de la sonorité mais aussi son romantisme et son lyrisme.
Cette réalisation met en valeur la brillante technique de la « grande dame du piano » (Harold Schonberg), concertiste internationale (dès 1920) tombée dans l’oubli et incomparable professeur (depuis 1958 au CNSM) mais — grâce à Yvette Carbou et au label SOLSTICE — de nouveau très présente.
Édith Weber
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Le pianiste et chef ukrainien Kirill Zvegintsov, formé dans son pays, puis en Suisse, Lauréat de plusieurs concours internationaux, convie les amateurs à un programme pour le moins divers et original autour de 4 compositeurs, dont deux peu connus.
Le CD s’ouvre avec l’Onzième Ordre de François COUPERIN (1668-1733), attestant la diversité esthétique du pianiste qui s’y illustre par son traitement spécifique de chaque miniature. Claude DEBUSSY (1862-1918) est représenté par Masques dont la percussivité est rendue à merveille. À retenir Eaux-fortes (qui donne son titre au CD) de Georges HUGON (1904-1980), élève d’Isidore Philipp et Georges Caussade, Jean Gallon et Paul Dukas au Conservatoire où il enseignera l’harmonie. Son écriture se veut sobre, marquée par les forts contrastes et la polytonalité et devient très originale. Dans ce quadriptyque datant de 1963, ce compositeur resté au second plan dresse 4 portraits aussi subtils qu’acrobatiques : Ophélie et Ariel (appartenant au théâtre sheakespearien) ; L’innocent et Maldoror (empruntés au Chants de Maldoror du poète Isidore Ducasse, alias le Comte de Lautréamont (1846-1870)). Kirill Zvegintsov y fait preuve d’une parfaite maîtrise du langage hugonien ainsi que d’une grande richesse expressive.
Le CD s’achève par l’inédite Fantaisie pour piano de Jacques LENOT (né en 1945), compositeur précoce, autodidacte ayant bénéficié de rencontres tutélaires, reconnu vers 2000, dont l’œuvre dans la mouvance sérielle bénéficie d’une écriture personnelle et exigeant une grande virtuosité. Très développée, cette vaste épopée sonore fait se percuter plusieurs plans expressifs que le pianiste mène de front avec une rare densité. Incontestablement : une découverte.
Édith Weber
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Cyril Guillotin réserve un sort royal à deux grandes œuvres du répertoire : la Suite Casse-Noisette de Piotr Illitch TCHAIKOWSKY (1840-1893), transcrite et arrangée pour piano par Mikhail Pletnev et Les Tableaux d’une exposition de Modeste MOURSSORGSKY (1839-1881). Dès les premières notes, son toucher tient l’auditeur en haleine et la trame romantique se déploie sans rétension. Les Tableaux révèlent la même capacité à passer d’une focale minimaliste à l’immensité monumentale.
À noter, en premier enregistrement mondial : la Suite (tricolore) « Les Visages » de Laurent LEFRANÇOIS (compositeur né à Caen en 1974) : Bleu le courageux ; Rouge le héros ; Blanc le rusé, chaque couleur étant hautement caractérisée. Une autre découverte…
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
La pianiste et accompagnatrice française, Myriam Barbaux-Cohen, formée à Paris, puis en Suisse et en Espagne, installée à Francfort, est spécialisée dans la musique romantique. Ce premier CD traduit sa dilection hispanique qu’elle partage avec un rare bonheur. Son jeu n’est pas sans rappeler la méthode Blanche Selva (technique du poignet, sonorité chatoyante grâce à la somptuosité timbrique du Piano Bechstein convenant admirablement à ce répertoire). L’interprète a choisi la musique pour piano du compositeur catalan Enrique GRANADOS (1867-1916) en raison de son « mélange de légèreté et de profondeur ». Pour s’imprégner pleinement du climat ibérique, elle s’est rendue sur place. Au programme : le Livre d’heures, des Lettres d’amour (Valses intimes), des Scènes poétiques (Livres I et II), Valses poétiques, Oriental (n°2 des Danses espagnoles), sans oublier un Allegro de concert où Myriam Barbaux-Cohen donne toute sa mesure. Une échappée belle catalane à suivre.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
La pianiste, claveciniste, organiste, harpiste, soprano et théoricienne polonaise au grand rayonnement international, Aleksandra GARBAL (née en 1970, formée à Varsovie et Katowice) est également compositrice. Un CD précédemment recensé témoignait de sa polyvalence compositionnelle, mais son corpus pour piano est également conséquent. 22 plages hautes en couleurs, regroupent, sous des titres anglais et polonais, notamment Les Voyages des Nains, 20 Images d’une visite au zoo, Épilogue, Les Couleurs de la Mer, Étude-Polonaise dédiée à Artur Cimirro, incontournable et talentueux pianiste d’ACTE PRÉALABLE qui s’illustre au fil des divers pages. Le CD s’ouvre sur une combinaison percussion/piano du meilleur effet. Dans ce premier volume, le pianiste fait preuve d’émotion, d’une grande concentration, d’un engagement total toujours proche du public. Aleksandra GARBAL mise sur l’importance de la mélodie et de l’harmonie, le chromatisme, les clusters (avec 5 doigts), le lyrisme mélodique dans les miniatures ainsi que les rythmes variés. Sur le plan pédagogique, ces morceaux s’adressent à des niveaux différents. Une belle réalisation de plus à l’actif de Jan A. Jarnicki et de son Label si prolifique au service de la musique notamment polonaise.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Considéré comme le « Mozart polonais », le compositeur et pianiste Raul KOCZALSKI (1885-1948) a rencontré un grand succès sur le plan international sauf dans son pays natal. Après s’être perfectionné en piano avec Anton Rubinstein, vers 1903, il se consacre davantage à la composition, avant de revenir à une carrière européenne de concertiste. C’est encore l’éminente pianiste polonaise, Joanna Lawrynowicz, qui poursuit l’enregistrement des Concertos nos 5 et 6, toujours accompagnée par l’Orchestre Philharmonique de Lublin, dirigé par Wojciech Rodek — tous deux infatigables promoteurs de la musique polonaise — qui ont répondu avec enthousiasme à la poursuite du projet d’exhumation de cette musique concertante. Le Concerto pour piano n°5 en Ré Majeur (op. 140) comporte 4 mouvements contrastés : Moderato, Adagio, Vivo et final Maestoso, tout comme le n°6 en Ré Majeur (op. 145) : Andante, Lento sostenuto, Scherzo. Vivace et Deciso, patetico, chacun rendu avec soin et musicalité par les interprètes au service de la musique de leur compatriote.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici, en premier enregistrement mondial, l’œuvre pour piano de Claude DELVINCOURT (né à Paris en 1888, mort à Ortebello (Italie) en 1954), élève de Léon Boëllmann, Henri Busser, Georges Caussade et Charles-Marie Widor. Grand Prix de Rome (1913), éborgné fin 1915 en Argonne, il sera organiste titulaire de l’Église St-Jacques, à Dieppe (1926). En 1941, directeur du Conservatoire de Paris, il y modernise les méthodes pédagogiques. Dans ce premier CD, sont réunies une vingtaine de pièces brèves interprétées au Piano Steinway D Concert, sous les doigts agiles de Diane Andersen, pianiste belge d’origine danoise (née en 1937), professeur honoraire au Conservatoire royal de Bruxelles.
Le recueil (1931), Croquembouches (dédié à sa « fille Annie Pifre », comporte 12 pièces brèves aux titres alléchants : Omelette au rhum, Grenadine, Meringue à la crème, Plum pudding… et n’engendrant pas la morosité. À noter 4 pages inédites proches des formes traditionnelles : Prélude et Fugue, Menuet, Gavotte, Valse ; son ultime pièce pour piano bitonale : Galéjade (éditée en 1952) témoigne de sens invétéré de la plaisanterie. Le volume contient encore Cinq Pièces pour le piano : Prélude, Danse pour rire, Tempo di Minuetto, Berceuse, Danse hollandaise… hautes en couleur. Le toucher délicat et si précis de Diane Andersen rend un somptueux hommage à ce maître français.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
Voici une confrontation patronymique et musicale peu commune, associant Robert SCHUMANN (1810-1856), les frères Georg (1866-1952) et Camillo SCHUMANN (1872-1946) et, de surcroît, avec une sortie physique et numérique mondiale, à partir d’un enregistrement en 2019, en l’Église protestante Saint-Marcel (Paris) réputée pour sa remarquable acoustique et sa sonorité large.
Cyrielle Golin (violoncelle Caussin, 1866) et Antoine Mourlas (piano Steinway & Sons, 1986) convient les mélomanes à un exceptionnel moment musical romantique et postromantique, illustré par deux formes : Stücke (pièces) et Sonates. Selon le texte de présentation, la fratrie Camillo et Georg SCHUMANN, « issue d’une grande tradition musicale partage pourtant de nombreux liens avec l’illustre Robert Schumann », d’où la problématique du disque. Cette invitation au voyage dans le temps (XIXe-XXe siècles), avec les 5 Stücke im Volkston, pièces de caractère populaire, de Robert (op. 102, 1849) qui ont enchanté son épouse Clara, avec une certaine tendance à l’imagination est de facture romantique et vivement ressentie par les deux interprètes. Il s’agit de 5 œuvres brèves avec des indications précises : Vanitas vanitatum (avec humour) ; Lent ; pas vite ; pas trop rapide ; Fort et marqué, scrupuleusement respectées.
Georg SCHUMANN a écrit, fin 1897, sa Sonate en mi mineur (op. 19) ; il y privilégie l’alternance binaire/ternaire, des harmonies rares et se souvient de BRAHMS. Il a accompli une carrière de concertiste internationale. Camillo SCHUMANN, son frère, aussi originaire de Saxe, est organiste, pianiste et chef d’orchestre. Sa Sonate n°1 (op. 59, éditée par Breitkopf & Härtel en 2017), très imprégnée de romantisme allemand, est une première mondiale.
Passionnant voyage comparatif (avec découverte) en Schumannie.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2020
À VOS TABLETTES !
Mars 2019 : version EPUB disponible.