La chanson polyphonique française a connu un premier âge d’or à la Renaissance et à l’époque humaniste. Il en est de même au XXe siècle. Pour autant, ce vaste répertoire est encore sous-estimé par les historiens de la musique et de la littérature et les mélomanes. De plus, il a le double mérite de relancer des poèmes des XVe et XVIe siècles : Charles d’Orléans, Clément Marot, Jean Antoine de Baïf (avec ses chansons en vers mesurés à l’antique mises en musique par Jacques Mauduit)… et des textes de l’époque moderne : Raymond Bonheur, Paul Fort, Guillaume Apollinaire, Blaise Cendrars, Paul Éluard... Ce livre s’adresse absolument aux enseignants soucieux de varier leur répertoire et aux chefs de chœurs, d’autant plus que le contexte actuel encourage les chorales, et aussi aux professeurs de littérature.

Marielle Cafafa est à la fois musicologue, Docteur de l’Université Paris-Sorbonne, chanteuse lyrique, diplômée de la Haute École de Musique de Genève et du CNSM (Paris). Elle a fondé l’Ensemble Léonor qu’elle dirige avec des programmes allant du Moyen Âge à nos jours, ce qui lui permet de traiter ce sujet en connaissance de cause, en s’appuyant sur des partitions, réflexions et lettres des compositeurs et leurs desiderata concernant l’interprétation. Les professeurs d’éducation musicale apprécieront ou

découvriront des chansons polyphoniques de Cl. Debussy, M. Ravel et Fr. Poulenc, mais aussi J. Tiersot, C. Chaminade, P. Ladmirault, P. Le Flem, Ch. Koechlin, Fl. Schmitt, Cl. Delvincourt, D. Milhaud, G. Migot, J. Langlais… et même Laszlo Lajtha : Deux Chœurs (op. 23, n°2), Rondel de Charles d’Orléans (Paris, Leduc, 1936) ou encore Marc Vaubourgoin… Pour révéler cet « univers musical » (titre de la Collection), l’auteur a poursuivi plusieurs objectifs : information et contextes historiques ; très fines analyses musicales (stylistiques et esthétiques) d’un fonds de chansons polyphoniques (1895-1948). Elle se réfère aux sources, partitions, écrits des compositeurs, critiques d’époque et éventuellement aux enregistrements discographiques. En chanteuse remarquable et chef accomplie, elle est à même de préciser les critères d’interprétation. Sa démarche globale est judicieusement complétée par une importante Bibliographie, une utile Discographie à titre comparatif, 29 Tableaux très techniques et complémentaires, par exemple : écriture rythmique, variété des textures sonores, variété de la notation musicale, évolution de l’orchestration, notes répétées, trilles, diversité des motifs mélodiques… En outre, 216 exemples musicaux notés étayent les analyses et les textes complets des poèmes sont reproduits. Au fil des pages, l’attention est attirée sur les madrigalismes, la métrique gréco-latine, la souplesse du chant grégorien, entre autres. À noter les aspects multiples : « retour à l’Antique », traduction musicale figuraliste des images et des idées du texte, évolution du langage harmonique, influence du Choral (Bach) et de la théâtralité, sans oublier l’« orchestration vocale », le drame, la virtuosité. Ce vaste répertoire est destiné à des effectifs assez restreints (chœurs de chambre). D’excellents tableaux synoptiques et chronologiques établis avec une extrême minutie signalent : date, compositeur, titre du recueil, titre de la chanson, poète, édition et dédicace. Un autre précise d’abord l’œuvre, puis ses coordonnées. L’Index (p. 461-465) mentionne non seulement les auteurs, compositeurs, mais encore toutes les occurrences des chansons polyphoniques et signale des textes très souvent mis en musique : Trois beaux oiseaux de paradis, Trois Chansons de Charles d’Orléans (dont Dieu ! qu’il fait bon la regarder et Quand j’ai ouy le tabourin), Je suis aymé de la plus belle (Cl. Marot), parmi tant d’autres…

Dans le récent contexte promouvant le chant choral en France, ce répertoire vient à point nommé. Les chefs y puiseront de nombreuses suggestions, des indications concernant l’interprétation et bénéficieront de la vaste expérience de Marielle Cafafa. De quoi relancer un nouvel âge d’or de la chanson polyphonique française.
Édith Weber