Lettre d’Information – n°75 – Novembre 2013



 

                               

À RESERVER SUR L'AGENDA

 

 

 

 

 

7 / 11

 

Les 90 printemps d'un grand du piano

 


© DR

 

A l'occasion d'une tournée européenne, Menahem Pressler s'arrêtera à Paris, salle Pleyel. Celui qui fut durant plusieurs décennies l'âme du Beaux Arts Trio, mais ne délaissa pas pour autant le récital, a décidé, pour son 90 ème anniversaire, de réunir quelques amis, le temps d'un concert fête … et d'une soirée fleuve : le pianiste Wu Han, avec lequel il interprètera la Fantaisie pour piano à quatre mains de Schubert, le ténor Christoph Prégardien, pour un bouquet de Lieder du même Schubert, et le Quatuor Ebène. Avec ces talentueux mousquetaires, il jouera le Quintette pour piano et cordes de Dvořák, puis le Quintette La Truite. L'occasion rêvée d'entendre un immense chambriste, et de voir à l'œuvre un merveilleux pianiste, car sa manière délicate et attentionnée à l'écoute de ses partenaires est aussi un bonheur pour les yeux. Rarement aura-t-on vécu plus bel été indien ! 

 

Salle Pleyel, 7 novembre 2013, à 20H.

Location : 252, rue du faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris ; par tel.: 42 56 13 13 ; www.sallepleyel.fr

 

11 au 17 / 11

 

Festival musique et littérature au Perreux

 

 

Pour sa 5 ème édition, le festival « Notes d'automne », organisé par la mairie du Perreux, sous la direction artistique de Pierre Amoyel, se veut encore plus littéraire que les années précédentes. Deux grandes sources d'inspiration s'en détachent. D'abord, un hommage particulier, en prémisse des célébrations de 2014, rendu aux victimes de la Grande Guerre avec deux concerts-lecture, le 11 novembre : « L'Engrenage, 1913-1914 », sorte de « concert journalistique », autour de musiques de Debussy, Fauré, Satie ou Scriabine, et de textes de Jaurès et d'Apollinaire ; et « Le violoncelle de guerre », une évocation de l’émouvant journal intime d’un grand violoncelliste du XX ème siècle, Maurice Maréchal, pour qui des copains de régiment construisirent un instrument de fortune à l'aide de morceaux d’une porte et de caisses de munitions..., qu'on pourra entendre grâce à la reconstitution d'Emmanuelle Bertrand. Seront encore célébrées des œuvres universelles, comme Le Petit Prince de Saint-Exupéry, revisité à la lumière de Brahms et de Schumann, et Les Fables de La Fontaine à celle de Scarlatti ou de Haydn. Deux concerts, en miroir, célébreront les « Vents du Nord » et Peer Gynt, associant le texte d'Ibsen et la musique de Grieg, et les « Vents du Sud » et les couleurs de l'Espagne, où des textes de Garcia Lorca alterneront avec des musiques de Rodrigo, Albeniz ou Bizet à travers sa Carmen.

 

Le Perreux-sur Marne, divers lieux, les 11 (17 & 21H), 12, 13, 14, 15, à 20H30, 16 (15H, 17H30 & 21H), et 17 novembre 2013 (11H & 17H). 

Renseignements et Location : Centre des Bords de Marne, 2 rue de la Prairie, 94170 Le Perreux-sur-Marne ; par tel.: 01 43 24 54 28 ; www.festivalnotesdautomne.fr

 

 

12, 14, 19, 28 / 11 & 10, 12 / 12

 

Les quatuors de Bartók au Musée d'Orsay

 


Bartók en juin 1908 © Archives Bartók, Budapest

 

Dans le cadre de l'exposition « Allegro Barbaro Béla Bartók et la modernité hongroise (1905-1920) », le Musée d'Orsay présente, l'instant de ses concerts du soir ou de midi trente, les six quatuors du maître hongrois. Ils seront joués par des formations de renom, confirmées ou de la jeune génération, tels que les Quatuors Voce, Takács, Heath, Pražák, Psophos et Keller. Chacun des opus sera mis en regard de quatuors de musiciens contemporains du musicien (Leos Janácek, Ernő Dohnányi, Zoltán Kodály) ou de ses prédécesseurs (Haydn, Beethoven, Brahms, Smetana) ou de ses successeurs : Ligeti et Dutilleux. Une occasion de se plonger dans l'univers singulier de ce corpus essentiel de l'œuvre de Bartók, car les six quatuors, composés entre 1908 et 1939, « jalonnent les grandes mutations de son écriture » (Claire Delamarche, Béla Bartók, Fayard). Et de visiter une exposition qu'on annonce transversale, confrontant musique et peinture à une époque charnière de rupture et d'aspiration au renouveau en Hongrie.  

 

Auditorium du Musée d'Orsay, les 12 (12H30), 14, 19, 28 novembre 2013, à 20H, et 10 (12H30) et 12 décembre à 20H. 

Location : en caisse 6 du Musée, 62 rue de Lille, 75007 Paris ; par tel. : 01 53 63 04 63 ; en ligne : auditorium@musee-orsay.fr

 

15 / 11

 

Les solistes de l'Atelier lyrique rendent hommage à Francis Poulenc

 


© ONP/Mirco Magliocca

 

A l’occasion du cinquantième anniversaire de la disparition de Francis Poulenc, les solistes de l’Atelier Lyrique de l’Opéra national de Paris donneront leur premier concert de la saison à l’Amphithéâtre Bastille, le 15 novembre 2013, dans le cadre de la saison « Convergences ». Au programme : des pièces de Poulenc, comme Le Bestiaire, Fiançailles pour rire, Quatre Poèmes de Max Jacob, Le Bal masqué, mais aussi des mélodies de Samuel Barber, Dover beach, et des mélodies de Louis Durey, Chansons basques et Images à Crusoé. Les sopranos Elodie Hache, Armelle Khourdoïan et Olga Seliverstova, la mezzo-soprano Agata Schmidt, les ténors Kevin Amiel et João Pedro Cabral, les barytons Tiago Matos et Piotr Kumon et la basse Andriy Gnatiuk, seront accompagnés des quatre pianistes-chefs de chant de l’Atelier Lyrique, Françoise Ferrand, Adrià Gràcia Gàlvez, Jorge Giménez et Philip Richardson et, pour la première fois en récital, de musiciens de l’Orchestre-Atelier Ostinato en formations chambristes (cordes, vents, cuivres et percussions). Ce concert est préparé par Jeff Cohen. Les jeunes musiciens de l’Orchestre-Atelier Ostinato sont encadrés par Richard Schmoucler, violoniste de l’Orchestre de Paris.

 

Opéra Bastille, amphithéâtre, le 15 novembre 2013, à 20H.

Location : Billetterie, 120, rue de Lyon, 75012 Paris ; par tel ; 08 92 89 90 90 ; en ligne : operadeparis.fr

 

15 / 11

 

Une création lyrique de Thierry Machuel : Les Lessiveuses

 

 

Sous ce titre improbable se cache le premier opéra Thierry Machuel (*1962). Ces lessiveuses ce sont des femmes qui trient, lavent, étendent, repassent, parfument, plient, rangent et quand c'est fini, recommencent. Trois mères de détenus dont la folie maternelle se confronte à l'aliénation de la prison. Ce qui s'approche plus d'une forme de théâtre musical que d'un opéra proprement dit est inspiré du film éponyme de la réalisatrice Yamina Zoutat, qui en a réalisé le livret. Il met en scène trois femmes, une comédienne et deux chanteuses, et trois hommes, un saxophoniste et deux accordéonistes. Machuel est un familier de l'univers carcéral, pour y avoir, entre autres, animé des ateliers d'écriture poétique auprès de détenus de la Maison centrale de Claivaux, lesquels ont fait l'objet d'une publication vidéographique (label Eon ; cf. NL de 12/2010). La mise en scène sera assurée par Christian Gagneron et la direction musicale par Pierre Roullier, actuel directeur artistique et musical de l'Ensemble 2e2m, fondé par le compositeur Paul Méfano, et spécialisé dans la création musicale d'aujourd'hui.

 

On notera que cette actualité s'ajoute à une autre : l'inscription d'un ensemble d'œuvres de Thierry Machuel au nombre de celles proposées à l'option facultative Musique toutes séries du Baccalauréat 2014 (Cf. l'Éducation musicale, fascicule BAC 2014, N° 578).

 

Espace culturel Boris Vian, rue du Morvan, 91940 les Ulis, le 15 novembre 2013, à 20H30.

Location : sur place ; par tél : 01 69 29 34 91 

Le spectacle sera repris, le 31/1/2014, à 77250 Écuelles, Salle Jean Mermoz (01 64 83 03 30), et le 27/5, à Champigny-sur-Marne, Centre Olivier-Messiaen (01 47 06 17 76).

 

18/ 11

 

Anne Sofie von Otter célèbre la Douce France au Châtelet

 

 


© Richard Dumas

 

On connaît l’amour de la célèbre chanteuse suédoise pour la langue française et ses excursions au-delà des frontières du classique, que ce soit avec Elvis Costello, ou en compagnie de Brad Mehldau pour leur album Love Songs paru chez Naïve. Avec Douce France, titre de son nouvel album pour cet éditeur (Cf. infra, CDS & DVDS), Anne Sofie von Otter explore deux siècles de musique française, des mélodies de Fauré ou Debussy aux chansons de Barbara, Piaf, Ferré, Moustaki et Trenet. Elle sera accompagnée par son pianiste attitré, Bengt Forsberg, et de partenaires plus inhabituels, tels que Bengan Janson, accordéon, Mats Bergström, guitare, Per Ekdahl, percussions, Carl Bagge, piano, et Olle Linder, contrebasse. Une soirée où charme et esprit devraient s'allier pour le bonheur de ses auditeurs.

 

Théâtre du Châtelet, Paris, le 18 novembre 2013, à 20H.

Location : 1, Place du Châtelet, 75001 Paris ; par tel : 01 40 28 28 40 ; www.chatelet-theatre.com 

 

19 / 11

 

Piano à Lyon

 


Jan Lisiecki/©DR

 

La série « Piano à Lyon » est un incontournable de la vie musicale de la capitale des Gaules. L'édition 2013/2014, inaugurée il y a peu par Jean-Philippe Collard, se poursuit en novembre par le concert du jeune canadien d'origine polonaise, Jan Lisiecki. Il interprétera, entre autres, les Études op. 10 de Chopin, la Partita N°1 de Bach, quatre Préludes de Messiaen, outre des pièces de Paderewski et de Martinu. On ne saurait être plus éclectique ! Mais ce jeune prodige du clavier devrait conquérir par son jeu raffiné et sa maîtrise qui en font déjà une figure qui compte sur la scène internationale, et lui valent un contrat d'exclusivité avec la firme DG. En décembre un autre jeune loup du clavier se produira, Cédric Tiberghien (13/12). Suivront ses confrères et consœurs Daniil Trifonov (16/1), Frank Braley, avec Gauthier Capuçon (7/2), Plamena Mangova (21/2), Adam Laloum (28/3), François-Frédéric Guy (11/4), Alexandre Tharaud (24 et 25/4), Elisabeth Leonskaya (13/5), Michel Dalberto (23/5) et Stephen Hough (4/6). Des notes inspirées en perspectives. On jouera salle Rameau, une institution lyonnaise, où se produisirent naguère Cortot et Richter, et non pas Salle Molière, le temps pour cette dernière de se refaire une beauté.

 

Salle Rameau, à 20H 30, 29, rue de la Martinière, 69001 Lyon.

Location : Piano à Lyon, 22, rue de l'Annonciade, 69001 Lyon ; Par tél : 04 78 47 87 56 ; en ligne : reservation@pianoalyon.com  ou www.pianoalyon.com

 

 

21 / 11

 

Charles Valentin Alkan enfin honoré

 


© DR

 

Le pianiste Nicolas Stavy donnera un concert à la Bibliothèque Nationale François Mitterrand le jeudi 21 novembre. Ce concert clôturera la première journée d'un colloque inédit sur la vie et les œuvres du pianiste et compositeur français Charles Valentin Alkan (1813-1888). Contemporain de Liszt, Chopin et Thalberg, Alkan était connu pour être un virtuose original, tant par la qualité et la diversité de son œuvre que par ses intérêts philosophiques, littéraires et religieux. À l’occasion du bicentenaire de sa naissance, et dans le cadre des célébrations nationales, la Bibliothèque nationale de France, le Conservatoire à rayonnement régional de Paris/Pôle supérieur d’enseignement artistique Paris-Boulogne-Billancourt, et le Musée de la musique s’associent pour lui rendre hommage à travers un colloque international, associant historiens, musicologues, interprètes et compositeurs. Nicolas Stavy proposera, durant 1h30, une lecture croisée des œuvres de Alkan (dont deux pièces inédites) avec celles de Chopin, Liszt et Brahms.

 

BNF, grand auditorium, Quai François-Mauriac, 75013 Paris, le 21 novembre 2013, à 18H30. Entrée libre. musique@bnf

Renseignements sur le colloque :

http://www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/auditoriums/f.bicentenaire_alkan.html?seance=1223911451929

 

24 / 11

 

Journée Quatuor à Arles

 


Quatuor Zemlinsky ©Thomas Bican

 

Dans le cadre des Soirées et Matinées musicales d'Arles, l'Association du Méjan présente deux concerts de quatuors, le dimanche 24 novembre. Pour le premier programme, le Quatuor Zemlinsky jouera deux pièces qui ont marqué l'œuvre de Dvořák : le Quatuor n°14, ultime partition de musique de chambre composée par l’artiste, en 1895 à New York, et le n°12 dit “ Américain”, le plus célèbre, de cette même période, écrit en seize jours seulement. Le programme du second concert nous invite à un voyage à travers les siècles de la musique de chambre : de Mozart avec l’une de ses œuvres de jeunesse, le quatuor K 173, à la modernité de la musique contemporaine avec Morphing (1999) du compositeur français Christian Lauba, en passant par le le Quatuor à cordes n° 4 opus 37 d’Arnold Schönberg, créé par le Quatuor Kolisch en 1937. Ils seront interprétés par le jeune Quatuor Asasello.

 

Chapelle du Méjan, Place Nina Berberova, 13200 Arles, le 24 novembre 2013, à 11H et 15H.

Location : Association du Méjan, BP 90038, 13633 Arles cedex ; par  tél. : 04 90 49 56 78 ;  www.lemejan.com

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

 

   

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L’ARTICLE DU MOIS

 

Haut

 

 

L'enseignement universitaire du jazz vocal polyphonique aux U.S.A.

 

         Il apparaît aujourd’hui clairement que les structures d’enseignement jouent un rôle important dans l’essor des groupes polyphoniques, tant en ce qui concerne leur nombre que leur qualité. Dans ce contexte, nous pouvons constater que chaque pays a développé, à partir de sa culture et de son identité, des modalités qui lui sont propres pour accompagner ou promouvoir l’enseignement vocal polyphonique. Le modèle américain, qui a fait preuve de tant de richesse et de vitalité, démontre l'importance du lien qui relie formation universitaire et pratique professionnelle.

 

 

1.   Historique de l’enseignement du jazz vocal polyphonique aux États-Unis

 

Eva Mae Pisciotta dans son travail doctoral(1) rappelle que l’innovation apportée par le groupe des Mel-Tones a vu le jour au sein d’un college, celui de Los Angeles, où un groupe d’étudiants, les School Kid’s, modernise les sonorités des ensembles vocaux en ajoutant une cinquième voix et en complexifiant l’harmonie par l’ajout de neuvièmes, onzièmes et treizièmes. Cet apport, tant harmonique qu’orchestral, influence le style des Four Freshmen qui proposait un vocabulaire musical propre, dans des utilisations tant vocales qu’instrumentales.

Figure 1 Tom Dooley, Four Freshmen (Stars In Our Eyes, 1962)(2)

 

Ce premier lien, entre université et jazz vocal polyphonique, symbolise l’essor d’un enseignement musical au sein de l’enseignement public dès les années 1960. Ce sont ensuite l’ouverture des départements de jazz puis la rencontre des pionniers de l’enseignement du jazz vocal (Waldo King, Hal Malcom puis John Moawad et Bert Christianson, au Central Washington College of Education, devenu Central Washington University), qui permettent de découvrir les contraintes d’un tel enseignement et d’en codifier les procédures.

 

Les premiers festivals de jazz et le relais de publicité assuré par les radios incitent la toute jeune faculté de Mount Hood à innover en proposant, dès sa seconde année d’existence, un département de jazz. Celui-ci est le premier de l’état d’Oregon à dispenser un enseignement de vocal jazz band intégré à son curriculum(3). Le souhait d’Hal Malcom est alors de former un groupe vocal à effectif réduit, de moins de trente chanteurs, accompagné par une rythmique. Il découvre et élabore les fondements de l’enseignement vocal du jazz polyphonique : un nombre de voix graves pouvant être plus important que celui des voix aiguës, l’utilisation souhaitable des balais par la rythmique sur les morceaux lents, la nécessité de limiter le nombre d’instruments aigus…

 

L’ambition des pionniers est de faire émerger une qualité musicale et une sonorité vocale proches de celles obtenues par Stan Kenton, avec un vibrato absent des unissons et un résultat sonore proche d’un son instrumental. Dès 1968 ils conçoivent un festival, le Northwest Swing Choir Festival ; en 1974, un département de vocal jazz choir dirigé par Jon Moawad s’ouvre au Central Washington State University, premier département de ce type créé au sein d’une high school. Nommé comme enseignant dans l’université où il fonde et dirige le Swing Choir, Franck DeMiero marque la pédagogie du chant jazz à la fois par la création du groupe Soundsation (Edmonds Community College de Lynnwood, Washington), et par celle du premier festival de jazz vocal sans compétition. Le rayonnement de ses séminaires, dès l’année 1975 (Franck DeMiero Jazz Camp), ses écrits sur la technique vocale(4) et la reconnaissance grandissante de l’enseignement du jazz au sein des associations d’enseignants, permettent alors un développement de la pédagogie ainsi qu’un nouveau dynamisme des groupes vocaux de jazz.

 

La seconde génération d’enseignants voit apparaître deux professeurs, Kirby Shaw et Gene Aitken. Ce dernier développe au sein de l’université de Northern Colorado, à la fin des années 1970, une approche du groupe vocal qui s’éloigne du groupe choral et du chœur. Le travail avec micro individuel permet alors d’atteindre une réelle puissance sonore pour des groupes de seulement quelques chanteurs :

 

« Le groupe était constitué de quelques étudiants et d’un professeur qui voulait chanter avec eux pour voir ce que pouvait donner ce nouveau genre. C’était expérimental au début, mais l’administration a permis de l’inclure à l’essai dans le programme officiel durant l’automne 1978. Ce programme a été depuis développé pour des groupes de jazz vocal, les Accidentals avec six vocalistes, Vocal Jazz I comprenant douze à treize vocalistes, Vocal Jazz II seize à dix-huit vocalistes et Vocal Jazz IV comprenant, soit les étudiants qui voulaient chanter du jazz vocal mais ne souhaitaient pas être soumis aux auditions de sélection, soit ceux qui déchiffraient difficilement. Ce groupe a ensuite été divisé et la moitié d’entre eux a créé Vocal Jazz III(5) ».

 

Durant les années 1980, les nombreux stages et festivals permettent aux idées de Doug Anderson, Dave Barduhn, Jack Kunzou et Paris Rutherford d’essaimer dans les états de Californie, du Nord Dakota, du Wyoming, du Montana, de Floride ou du Texas tout en continuant à se nourrir de ses racines des états d’Oregon, de Washington, d’Idaho, du Colorado ou du Michigan. Le nombre d’universités proposant un cursus de jazz vocal grandit, tout comme le nombre d’étudiants demandant à poursuivre après leur college cet enseignement en faculté(6). La troisième génération se développe aujourd’hui autour de personnalités comme Steve Zegree ou Michele Weir.

 

 

2.   Un modèle universitaire

 

La première école entièrement dédiée à la voix et à l’enseignement du jazz vocal naît à Spokane dans l’état de Washington. Dirigée par Phil Mattson, la Phil Mattson School sera l’incarnation du modèle représenté par les Phil Mattson Singers de 1983 à 1986, date de la fermeture du centre pour raison financière. Le Jazz Vocal Program de l’université de Miami a été le premier exemple d’enseignement validé au niveau universitaire. Il permet, depuis 1981, un accès aux diplômes de bachelor et de master et autorise aujourd’hui l’inscription en doctorat de musique spécialité jazz(7).

 

« L’idée ne m’avait pas effleuré de commencer un programme avant la fin d’une année sabbatique (1978-1979). […] Sur le chemin du retour, je pensais qu’il était peut-être temps d’établir un programme universitaire mettant les chanteurs sur la voie d’une carrière autour des musiques commerciales et du jazz. A partir de ce concept, je me suis mis à imaginer des idées de programme d’étude et de cours ; à mon sens, la meilleure approche était d’utiliser des cours existants tout en créant quelques rubriques spéciales destinées aux chanteurs(8) ».

 

La structure de la formation, découpée en semestres, est la suivante :

« Deux semestres sont consacrés aux styles ballade et swing, un semestre à la musique latine, un autre au pop/rock et un dernier à l’enregistrement d’une maquette de démonstration. Pour les ensembles, nous avons les Ensembles de Jazz Vocal I, II et III plus un groupe qui ne s’occupe que de techniques d’enregistrements, un autre de déchiffrage et de nombreux petits groupes sont spécialisés dans des styles particuliers. Nous avons eu un ensemble de style Lambert-Hendricks & Ross, un autre de style New York Voices et même un sur les Andrews Sisters. Chacun de ces groupes est encadré par un membre de la faculté et nous demandons aux étudiants d’écrire, d’arranger et de transcrire durant un semestre puis de donner un concert final dans ce style(9) ».

 

Le déploiement d’un enseignement universitaire a été relayé par les succès des très nombreux festivals de jazz vocal. Ceux-ci trouvent leur origine en 1968 avec le Northwest Swing Choir Festival, premier du genre, organisé sur le campus du Mt Hood Community College de l’Oregon. En dix ans, le nombre de groupes universitaires passe de onze écoles représentées à cent vingt écoles venant de plusieurs états (Californie, Idaho, Washington, Oregon). La structure des ensembles varie de seize à trente chanteurs, avec une moyenne de vingt-quatre membres.

La publication de partitions(10) s’amplifie ; cet accroissement était très attendu malgré la diffusion des arrangements de l’éditeur Creative World puis la publication des morceaux des Singers Unlimited par Shawnee Press en 1975. Un travail important est simultanément réalisé par les universités et leurs enseignants. L'exemple de l'UNC Press, avec la création à l’interne d’une maison d’édition, permet à la fois de diffuser un répertoire et d’offrir la possibilité aux étudiants de voir leurs arrangements publiés. L’université de Northern Colorado devient ainsi un acteur incontournable de l’édition de partitions de jazz ; elle propose une solution innovante dans un marché qui restait dans l’attente de parutions et auquel les éditeurs institutionnels n’apportaient pas satisfaction.

 

 

3.   La renaissance de l’écriture a cappella

 

L’origine des groupes vocaux de jazz date du début du XXe siècle avec notamment les productions a cappella de chanteurs présents chez les barbiers, les barber shop quartet. Durant les années 1940, les ensembles vocaux connaissent une vitalité importante, notamment en s’invitant sur scène avec les big bands. Mais c’est durant la dernière décennie du XXe siècle que s’annonce, sans conteste possible, le renouveau du genre a cappella :

 

       « Le nombre de groupes a cappella des universités américaines est passé d’environ 100 en 1991 à plus de 700 en 1999(11) ».

 

Cette affirmation montre non seulement le développement spectaculaire en une décennie d’un style et d’une écriture musicale, mais aussi celui des lieux au sein desquels cette éclosion se produit : les universités. Tout d’abord celles du continent nord-américain puis par contagion, celles des systèmes universitaires proches, en Australie ou en Asie ; celles enfin des pays scandinaves qui s’appuient sur une tradition vocale toujours vivace.

 

La propagation du phénomène est indissociable de l’essor du réseau Internet sur lequel se développèrent des sites dédiés à la « communauté a cappella », dont la Contemporary A Cappella Society of America (CASA(12)). Cette association, née en 1990 et située à San Francisco, entend promouvoir les musiques a cappella, tous styles confondus, dans chaque pays. Dispensant des conseils allant de la façon d’arranger les compositions, de créer un groupe, aux recommandations juridiques sur les droits de diffusion ou de copie, elle est aujourd’hui présente sur chaque continent. Une partie de son succès provient des distinctions qu’elle donne lors de différents concours auxquels elle est associée. Avec le site de Mainely A Cappella(13) et celui d’Harmony Sweeps / Primarily A Cappella(14), l’information, la vente et la promotion des groupes (et des disques) de cette communauté musicale sont assurées, comme sont largement promus les deux rassemblements annuels, l’East Coast A Cappella Summitet le West Coast A Cappella Summit. Les A Cappella Recording Awards qui y sont décernés permettent de récompenser à la fois un groupe de chaque style (pop rock, jazz, doo wop, barber shop, world folk ou classique) et le meilleur groupe de musique religieuse, chrétienne ou de comedy. Quant aux prix concernant les universités, ils récompensent, pour chacun des sexes, le ou la meilleur(e) soliste, un groupe, une chanson et un arrangement. Les trois organisations ont ainsi fidélisé un public jeune et pris la suite de la SPEBSQSA(15), elle-même continuatrice au début des années 1950, de la vague barber shop. Citons encore le Varsity Vocals Summit(16) qui se déroule dans une grande école et permet la rencontre de groupes professionnels et amateurs au sein du festival, les concours de l’International Championship of Collegiate A Cappella (ICCA(17)), du Best of College A Cappella (BOCA) ou le Best of High School A Cappella (BOHSA) qui, par la promotion d’événements a cappella ont promu avec d’importants moyens, les différents styles musicaux utilisant ces techniques d’arrangements. Au travers du Varsity Vocals Scholarship, Don Gooding, président de Mainely A Cappella, Kate Gooding du Varsity Vocals(18) et Jessika Diamond, directrice de l’International Championship of Collegiate A cappella octroient des bourses à de jeunes chanteurs américains préparant, soit le professorat a cappella, soit ayant innové en créant un groupe vocal, un événement ou des arrangements originaux a cappella.

 

Si, comme le souligne Jane Alexander McIntoch, « le chant a cappella est devenu la principale activité extrascolaire des universités durant la décennie 1990(19) », c’est qu’il a su profiter de l’engouement pour la musique en général et les groupes vocaux, notamment ceux de la plus jeune génération, et de l’image communautaire qu’elle véhiculait au travers de styles musicaux différents. C’est aussi parce que le développement technique des percussions vocales a permis une complète autonomie des chanteurs par rapport aux instrumentistes (mouth drumming, beat boxing…).

 

 

4.   Perspectives

 

Dans les milieux des musiciens professionnels, il est aujourd’hui acquis que le travail demandé à un chanteur de jazz doit être aussi important que celui fourni par un instrumentiste. Plusieurs articles nord-américains insistent sur la nécessaire mise en place de programmes de travail stricts permettant une connaissance approfondie de l’écriture jazzistique comme de la technique vocale. Larry Lapin donne cet exemple significatif de l’état d’esprit dans lequel la discipline du jazz vocal se trouve à la fin des années 1990 :

 

« Un groupe vocal doit avant tout être un groupe de jazz… et dans un second temps un groupe vocal. La raison pour laquelle je m’oppose spécifiquement au terme plus populaire de « jazz vocal » est qu’il se dit être un style de musique à part : jazz vocal s’oppose à jazz instrumental qui lui-même s’oppose à… Si le jazz vocal existe, alors il existe aussi le jazz tuba ou le jazz trompette. La musique c’est le jazz et les instruments sont le support de cette musique. C’est pourquoi je préférerais l’appeler « Ensemble vocal de jazz », comme on dit « Ensemble vocal de chambre ». On dit bien Jazz band et non Band Jazz(20) ».

 

Cette quête de professionnalisme, et bien entendu de légitimité, semble être le nouveau mot d’ordre des enseignants de la voix en jazz. Une période propice semble s’ouvrir pour la pédagogie et le travail vocal, concernant aussi les métiers de studio et touchant donc le monde de la musique de variété et du jazz, avec l’objectif de montrer que les soli vocaux peuvent tendre harmoniquement vers la même complexité et sophistication que les soli instrumentaux. Cette professionnalisation de l’enseignement au travers de la création d’un cursus reconnu et de pratiques établies, dans l’écriture comme dans l’utilisation des micros, s’est inscrite aux États-Unis dans la reconnaissance et l’acceptation d’un répertoire et d’une culture :

 

« Tant que l’Amérique continuera à approfondir la compréhension et l’appréciation qu’elle a de sa propre musique, le mouvement du jazz vocal continuera sans aucun doute à se développer. Si cela arrive, il y aura une plus grande acceptation du genre qui sera alors à même d’assumer une place légitime au même titre que d’autres contributions américaines à la musique (21) ».

 

Ainsi, si l’émergence et le développement de l’a cappella a été une vague porteuse durant les années 1990, l’existence de structures d’enseignement a permis de renforcer le lien entre pratique amateur et professionnelle. Nous disposons ainsi aujourd’hui d’exemples d’articulation entre ces structures d’enseignement et de diffusion qui ont accompagné le déploiement d’une pratique polyphonique du jazz, universités des pays scandinaves et anglo-saxons qui, par le développement d’un enseignement structuré à l’université, ont soutenu l’émergence de pratiques vocales renouvelées.

 

Éric Fardet.

 

     

   

(1) Pisciotta (Eva Mae), The History of jazz choir in the United States, University of Missouri-Kansas City, 1992, p. 8.

(2) Partition de l’university of Northern Colorado (UNC Jazz Press).

(3) Pisciotta (Eva Mae), 1992, p. 33.

(4) Kysar (Michael), Cross (David), Kraintz (Ken), DeMiero (Franck), Vocal Jazz Concepts For The Music Educator, Mickael Kysar Publisher, Seattle, 1976.

(5) Pisciotta (Eva Mae), 1992, p. 74.

(6) Ibid. pp. 142-143.

(7) Greenagel (David J.), “Jazz Vocal Education. A Conversation with Larry Lapin”, Jazz Educators Journal, mars 1997, p. 40.

(8) Ibid. p. 38.

         [“I don’t even think of starting a program until I had returned from a year’s leave of absence (1978-1979) […]. On my way back, I thought that maybe it was time to have a degree program that pointed the vocalist toward a career in commercial and jazz music. From that thought, I sat and devised some curriculum and course ideas, thinking that the best approach would be to utilize existing courses, creating a few new special section for vocalists.”]

(9) Southern (Eileen), Histoire de la musique noire américaine, Paris, Buchet-Chastel, 1976, p. 39.

         [“Two semesters address singing jazz ballads and swing, a semester is Latin styles, another is pop/rock, another is demo recording. For ensembles we’ve got Jazz vocal ensemble I, II and III plus one that deals only with recording techniques, one that deals with reading, and lot of smaller groups that focus on special music. […] We have had a Lambert Hendricks and Ross Ensemble, […] a New York voices ensemble, even an Andrews Sisters Ensemble once. Each of these groups is supervised by a faculty member, with the students required to write, arrange, and transcribe for a semester then give a full final concert of that style.”]

(10) Anderson (Doug), “Here Come The Jazz Choirs”, Jazz, hiver 1978, p. 39 :

         « Quand les éditeurs se rendirent compte que les chorales scolaires traitaient les arrangements de façon professionnelle, la qualité et la quantité d’œuvres publiées prirent un essor notoire ».

         [“When publishers began to realize that school groups could handle pro-style arrangements the quality and the quantity of published works for vocal groups took a marked swing upward.”]

(11) McIntosh (Jane Alexander), In Harmony: A look at the growth of collegiate a cappella groups and the future of the movement; Faculty of Teachers College, Colombia University, 1999, p. 2, consultable via www.casa.org/thesis.html.

         [“In the last eight years, the number of collegiate a cappella groups in the United States has grown from about 100 in 1991 to over 700 in 1999.”]

(12) www.casa.org/

(13) www.a-cappella.com

(14) www.singers.com

(15) Society for The Preservation & Encouragement of Barber Shop Quartet Singing In America (www.spebsqsa.org). Cette organisation, créée en 1938, a regroupé la communauté des amateurs de musique barber shop après la période faste des années 1920. Elle n’intégra que très peu de musiciens noirs ; ceux-ci se tournèrent vers le style Doo wop.

(16) www.varsityvocals.com/summit

(17) www.varsityvocals.com/icca/apprules.html


(18) www.varsityvocals.com

(19) McIntosh (Jane Alexander), 1999, p. 2.

(20) Greenagel (David J.), 1997, p. 40.

         [“A jazz vocal group […] must fist be a jazz group… and a vocal group in second. My particular objection to the more popular term “vocal jazz” is that it says it is a separate type of music: vocal jazz as opposed to instrumental jazz opposed to… If there’s vocal jazz, then there’s tuba jazz, trumpet jazz. Jazz is the music, and the instrument supports the music. So I’d rather call it Jazz Vocal Ensemble… like a Chamber Vocal ensemble. You say Jazz band, not Band Jazz.”]

(21) Pisciotta (Eva Mae), 1992, p. 143.

 

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FOCUS SUR LA MUSIQUE NOUVELLE

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David Owen Norris    

 

Le compositeur, pianiste, organiste, pédagogue et homme de radio David Owen Norris est l’une des personnalités les plus emblématiques de la très riche vie musicale britannique de notre temps. Après avoir entendu et étudié son oratorio Prayerbook (2006), j’ai eu le privilège de le rencontrer, d’échanger avec lui sur l’essentiel, et de partager son enthousiasme communicatif. J’ai admiré sa merveilleuse capacité à expliquer les choses les plus complexes en une langue simple et chaleureuse. Son sens aigu de l’analyse ne saurait jamais gâcher une pensée fort originale, imaginative autant que roborative.

 

Né en 1953 à Northampton, dans les Midlands de l’Est, Norris a étudié à Keble College, Oxford, chez Robert Sherlaw Johnson (1932-2000), avant de travailler la composition à la Royal Academy of Music de Londres auprès de Eric Harding Thiman (1900-1975) et John Linton Gardner (1917-2011). Il sera, par la suite, répétiteur au Royal Opera House, harpiste de la Royal Shakespeare Company, Gresham Professor of Music à Londres (1993/97), président du Steans Institute for Singers du Ravinia Festival de Chicago (1991/98), aux États-Unis. Norris est aussi Fellow de la Royal Academy of Music, du Royal College of Organists, Visiting Professor of Fortepiano au Royal College of Music et au Royal Northern College of Music, Honorary Fellow du Keble College, Oxford, Educational Fellow de la Worshipful Company of Musicians ainsi que professeur de Musical Performance à l’Université de Southampton, dans le Hampshire. Il est également directeur de la musique de la Poole Parish Church. Cette impressionnante carte de visite n’a pas gâté sa simplicité naturelle, son extrême intelligence et son humour tout à fait remarquables. C’est bien en cela qu’il s’avère un éminent connaisseur de Charles Dickens (1812-1870) dont il a récemment révélé au public britannique l’opéra comique The Village Coquettes (1836) écrit en collaboration avec le compositeur et pédagogue John Pyke Hullah (1812-1884).

 


©DR

 

      En tant que pianiste, Norris a accompagné des solistes éminents tels que la mezzo-soprano Dame Janet Baker, le joueur d’harmonica américain Larry Adler (1914-2001) et la basse Sir John Rowland Tomlinson. Il travaille régulièrement avec le grand baryton David Wilson-Johnson depuis une quarantaine d’années. Je les ai d’ailleurs entendus, cet été, lors du Festival des Cathédrales du Sud, à Chichester, dans un programme consacré à Francis Poulenc (1899-1963). En tant que soliste, Norris s’est produit aux Proms ou encore aux concerts du Chicago Symphony Orchestra et du Detroit Symphony Orchestra. Il présente de nombreuses émissions, notamment pour BBC Radio 4, ainsi que pour la télévision. J’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de l’admirer dans des productions consacrées, entre autres, à Sir Charles Hubert Hastings Parry (1848-1918) et Sir Edward William Elgar (1857-1934) dans lesquelles il analysait, au piano, des passages précis de leurs partitions respectives non seulement avec une science consommée mais aussi avec une profondeur émotive rarement rencontrée chez les musicologues. En témoigne encore la haute qualité de ses conférences avec des sujets tels que Music and the Intellect (1995), étonnant d’humour, d’intelligence et d’érudition. De surcroît, son catalogue discographique est impressionnant : il comprend notamment les œuvres de ses compatriotes Elgar, Sir George Dyson (1883-1964), Roger Quilter (1877-1953), Sir Arthur Somervell (1863-1937), Gerald Raphael Finzi (1901-1956) et Sir Granville Ransome Bantock (1868-1946). S’y ajoute l’étonnant George Percy Aldridge Grainger (1882-1961), Australien de naissance mais Britannique de cœur par son intérêt particulier pour le folk song. 

 

Il est possible de voir, sur Internet, plusieurs films où Norris donne un cours, une conférence. Ce sont, véritablement, des moments privilégiés. Son œuvre de compositeur est, de même, importante. Elle s’est particulièrement révélée, en 2008, à l’occasion de la création de son Concerto pour piano qui suscitait, alors, les commentaires admiratifs du critique et poète Simon Mundy. Pourtant, Norris insiste spécialement sur son oratorio, cité plus haut, mais également sur sa récente Symphonie créée, avec succès, à l’English Music Festival de mai dernier, pendant une période extrême féconde de l’année, au Royaume-Uni, du point de vue du folklore et de la mise en valeur des sources et des héritages.

 

L’histoire de la musique anglaise ne saurait se comprendre sans la référence au Book of Common Prayer (1549), l’œuvre profonde et géniale de Thomas Cranmer (1489-1556), l’une des figures les plus étonnantes de l’Angleterre de la Réformation. Autrement dit, lors d’une époque de transition entre deux règnes, celui de Henry VIII (1509-1547), puis celui de son fils l’étonnant et mature Edward VI (1547-1553). Cette extraordinaire liturgie, hautement poétique, a inspiré l’oratorio Prayerbook de Norris, composé pour le premier English Music Festival de 2006. C’est précisément à ce moment-là qu’il a pris conscience d’une nécessité intérieure et que sa profonde vocation de compositeur s’est à nouveau incarnée, après une longue réflexion nourrie par son travail d’interprète et ses nombreuses recherches musicologiques. Il s’agit, en l’occurrence, de l’aboutissement d’un processus concernant le Book of Common Prayer en relation à ses racines ancrées dans une longue tradition. Son message encourage indéniablement à repenser la religiosité. Dans son Introduction, le compositeur précise : « This is an oratorio about Tradition and Change » (Ceci est un oratorio de la Tradition et du changement). Pour cela, il se réfère à l’évêque de Durham, David E. Jenkins, qui affirmait justement que “Tradition is not a noun shaped once and for all in the past; it is a verb active under God now for the sake of the future” (La Tradition n'est pas un nom formé une fois pour toutes dans le passé ; c'est un verbe actif agissant au service de Dieu pour le bien du futur) ainsi qu’au poète «métaphysique» John Donne (1572-1631), auteur de la sentence: “Change is the nursery Of music, joy, life and eternity(Le changement est le berceau de la musique, de la joie, de la vie et de l'Eternité). Cela est d’importance dans la mesure où Norris tisse le lien entre le passé, le présent et le futur grâce aux notions de continuité et de variations qu’il valorise en toute connaissance de cause. De ce fait, les sources scripturaires et poétiques sont nombreuses : parmi elles, la traduction paulinienne (1525) du Réformateur William Tyndale (1494 ?-1536), la paraphrase du psaume 90 (1719) par le Dr Isaac Watts (1674-1748), éminent non-conformiste, l’émouvant Love divine (1747) du Méthodiste Charles Wesley (1707-1788) et surtout la pensée du poète et homme d’église John Keble (1792-1866), essentielle pour David Owen Norris. Ce dernier emprunte, entre autres, les sources mélodiques du Dr William Croft (1678-1727) pour le tune St Anne (1708) et celle du compositeur gallois David Jenkins (1848-1915) pour son tune Penlan (1898). L’essentiel de ces sources forme une synthèse de la pensée anglaise non seulement en matière de théologie mais aussi et surtout en tant qu’elle pense la vie. Les emblèmes sonores sont spécialement destinés, de par leurs qualités intrinsèques, à éclairer la signification du texte. Le symbole trinitaire constitue la charpente de l’œuvre en tant qu’il est compris selon l’exégèse de la triade musicale du Dr Jeremy Begbie, professeur à la Duke Divinity School de Durham et à l’Université de Cambridge, pour lequel la théologie, l’imagination et les arts ne font qu’un. Ainsi, le « Père » est-il représenté par l’Harmonie, le « Fils » par l’impulsion humaine de la mélodie et le « Verbe » par le rythme. Les « Trois Personnes » s’identifient avec la « Foi », « l’Espoir » et la « Charité » dans le sens grec de l’agapè. La première partie (Faith) est relative à l’Ancien Testament, la deuxième (Hope), au Nouveau, de l’Avent à la Révélation, et la troisième (Charity), au futur, c’est-à-dire à l’eschatologie. Norris élabore son langage musical à partir de la dichotomie entre Mi et Mi b, la tonalité trinitaire créant, de la sorte, une tension remarquable qui se manifeste dès le début de la partition. De ce fait, la notion de mystère ne lui échappe pas tant il se situe dans le domaine de la liberté ainsi qu’en témoigne l’étonnante et complexe histoire intellectuelle de l’Anglicanisme. Dès la première écoute, j’ai été littéralement saisi par l’extraordinaire force du Prelude où trois trombones et l’orgue expriment le symbole « Dieu » à travers la lutte entre le Mi et le Mi b : le Mystère, la Création, la Loi apparaissent dans toute leur ampleur grâce à un langage tout à fait inédit. L’oratorio de Norris constitue, en quelque sorte, une synthèse admirable de l’hymnologie anglaise, si particulière, où High et Low Churches se fondent harmonieusement, où liturgie et exégèse ne s’opposent pas. Autrement dit, la fameuse via media selon Elizabeth I (1533-1601) est-elle ici mise en perspective.



©Tom Hallifax

 

Norris se réclame, à juste titre, de son compatriote, le compositeur, critique, écrivain et chef d’orchestre Leonard Constant Lambert (1905-1951), lui-même disciple de Sir Georges Dyson et de Ralph Vaughan Williams (1872-1958). Il est intéressant, d’ailleurs, de savoir que Lambert avait, en 1934, singulièrement valorisé la diffusion de la musique de Jean Sibelius (1865-1957), à Londres, grâce à son célèbre ouvrage Music Ho ! A Study of Music in Decline. Toutefois, pour comprendre la place de Norris dans la musique anglaise de notre temps, il importe de la situer au sein d’un parcours particulièrement complexe et unique : celui de l’histoire de la culture de son pays, assez peu ou mal connue outre-Manche dans sa diversité et ses nuances.

 

La Symphonie (2013) de Norris est destinée à un grand orchestre. Il considère que cette œuvre est de loin, jusqu’à présent, la plus importante qu’il ait jamais conçue. Les références qui l’ont nourri sont fort diverses : la musicienne et peintre canadienne Joni Mitchell (*1943) et les Beach Boys, groupe de rock américain des années 1960, la musique élisabéthaine et l’Art de la Fugue. De même, il met en perspective une dimension autant symbolique que scientifique lorsqu’il renvoie aux quatre éléments, « Air » (1er mouvement), « Feu » (2e mouvement), « Eau » (3e mouvement) et « Terre » (4e mouvement), compris dans leur dimension médiévale. Norris valorise aussi les théories de la vie, les idées relatives à la naissance et au deuil, les personnalités aussi contrastées que le peintre flamand Hieronymus Bosch (ca 1450-1516) et l’écrivain anglais Thomas Hardy (1840-1928), auxquels il ajoute « the strange charm of Prime Numbers and of things that happen once – and never again ». (le charme étrange de Nombres Premiers et de choses qui ne se produisent qu'une seule fois – et jamais plus à nouveau). La note Mi b, emblématique de la pensée musicale de Norris, imprègne une grande partie de la partition, de façon inhabituelle selon le compositeur lui-même. Il est vrai qu’il est parfaitement conscient que le processus créatif n’est pas que d’ordre intellectuel. La Symphonie est en quatre mouvements (Air & AllegroMarchAdagioGround) pour une durée de quarante minutes. La naissance de cette partition est due à l’excellente musicologue britannique Em Marshall-Luck qui, ce faisant, a provoqué une réflexion à propos de « l’essentielle nature » de la « symphonie ». Norris pose les questions les plus pertinentes à ce propos avant de conclure magnifiquement que « Music is about Life, in each of the many senses of the word » (La Musique est/exprime la Vie, dans chacun des multiples sens du terme). Il traduit sa pensée dans ce que, le plus souvent, on désigne par le concept, à discuter, de « musique pure ». En reprenant les mots de Norris lui-même, je préciserai «de signification purement musicale ». Autrement dit, il ne s’agit pas de « musique à programme » ou de « musique autobiographique ». Mais qui dit « signification » peut, malgré tout, se traduire en concepts autant qu’en sentiments si l’on suit la tradition initiée, en son temps, par l’éminent historien et philosophe allemand Wilhelm Dilhey (1833-1911). En effet, le compositeur lui-même n’évoque-t-il pas, dans ses notes, la « condition humaine » ?

 

Le song, dans sa dimension populaire, imprègne la Symphonie de Norris qui se réfère, notamment, à la ballade Watkin’s Ale (ca 1590). Le mouvement lent me semble atteindre le point culminant. Norris l’associe à l’eau que, fort curieusement, il définit comme « l’élément perfide » ceci à cause des différents reflets, sources d’inversions. Le résultat sonore, si touchant, me semble plus approprié au symbolisme purificateur de l’eau. Un tune, very beautiful, confié au hautbois, conclut ce mouvement. Je choisis délibérément le mot anglais tune, si porteur de signification et difficilement traduisible. Il désigne plus qu’une simple mélodie. Pour celle-ci, d’ailleurs, Norris renvoie à l’exemple d’Orlando Gibbons (1583-1625) qu’il s’approprie tout en le transfigurant. Cette apparition sonore est fidèle à la musique pastorale anglaise, caractéristique, ancrée dans la relation entre l’homme et le paysage. J’y trouve une référence à la notion de « sublime » dans le sens proposé par le Dr William Crotch (1775-1847), compositeur, organiste, théoricien de la musique et peintre qui, dans ses conférences à Oxford, a forgé ce concept. La conclusion de la Symphonie sur un très bref unisson en Ut, et non par un accord, surprend. Il semble bien que cet unisson corresponde à une intégration, à un retour vers l’origine des choses.

 

L’activité de David Owen Norris est intense. Tout dernièrement, le 14 octobre 2013, dans le cadre du tricentenaire de la naissance de Laurence Sterne (1713-1768), a eu lieu, en la vaste Cathédrale de York, la création d’une nouvelle partition, The Case of Hezekiah and the Messengers, dernier sermon de l’écrivain, prononcé à Paris en 1763, et mis en musique par Norris pour instruments, voix et quatre school choirs. Un opéra est, de même, en projet. Le thème valorise Joseph Mallord William Turner (1775-1851) et sa relation à Petworth House, manoir de la fin du XVIIe siècle, dans le Sussex. Le peintre le visitait souvent tant il était inspiré par son magnifique parc dont les jardins ont été dessinés par le fameux Capability Brown (1716-1783).

 

Lors de notre rencontre estivale, David Owen Norris m’a également donné la rare occasion de visiter la maison de Dorothea [Dolly] Parry (1876-1963), la fille de son illustre prédécesseur, l’étonnant compositeur, injustement négligé, Sir Charles Hubert Hastings Parry, à Shulbrede Priory, située aussi dans le magnifique Sussex. Cette demeure extraordinaire, toujours habitée par les descendants de l’auteur du fameux Jerusalem (1916), est un véritable musée qui témoigne des fréquentes visites de l’éminent symphoniste. Je l’avais vue à la télévision lors de la diffusion d’un riche et passionnant documentaire de la BBC auquel Norris a participé aux côtés du Prince Charles, au demeurant éminent spécialiste de Parry, et du professeur Jeremy Dibble, grand connaisseur de la musique victorienne. Cette visite m’a beaucoup donné à réfléchir notamment lorsque, dans cette habitation hautement symbolique, Norris s’est assis au piano de Parry et a joué l’épique Jerusalem. Par là même, il témoignait de son appartenance à un langage clairement identifié. Un moment fort dans la vie d’un musicologue qui n’est pas souvent confronté à de telles réalités émotives. En tant que créateur anglais, il est évident que Norris s’inscrit dans une longue tradition, curieusement méconnue, qui caractérise un idiome musical tout à fait spécifique.

 

Il reste à souhaiter que sa musique trouve, en France, ses interprètes. Par son indépendance d’esprit, par son sens inné de la liberté, Norris nous parle une langue énigmatique et encourageante. Ceci devrait vraiment stimuler notre curiosité.

 

James Lyon.

 

 

 

 

 

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SPECTACLES ET CONCERTS

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Deux hommages, une création, un flûtiste exceptionnel.

 

De gauche à droite :

Yannick Merlin, Daniel Roth, Jean-Pierre Leguay, Dominique Levacque, Michael Grüber,

Jean-Jacques Werner, Jean-Pierre Armengaud, Christian Lesur,

Frédéric Werner, Robert M. Helmschrott

(Photo : Michael Grüber)

Le jeudi 10 octobre 2013, en l’Église Notre-Dame-des-Champs, ont eu lieu à Paris deux HOMMAGES : d’abord à Albert Schweitzer — à l’occasion du Centenaire de son arrivée à Lambaréné —, avec la création mondiale de l’œuvre de Jean-Jacques Werner (né en 1935) : Sur une rive du fleuve Ogooué… pour flûte piccolo (Frédéric Werner) et orgue (Yannick Merlin). Violente au départ, elle privilégie la mélodie ascendante et descendante, parfois chromatique, les trilles, quelques dissonances à bon escient, et se rattache à l’esthétique du XXIe siècle presque classique. Cette création en présence du compositeur, s’imposant  par la délicatesse des lignes mélodiques, se termine dans la discrétion. L’œuvre de Daniel Roth (né en 1942) : Christus factus est, In memoriam Albert Schweitzer pour orgue seul, d’une facture mélodique un peu tourmentée, d’abord majestueuse et un peu solennelle, puis de plus en énergique, se termine sur un puissant crescendo, elle a été interprétée avec sensibilité et musicalité par Yannick Merlin.

 

Un deuxième hommage (pour ses 75 ans) à Robert Maximilian Helmschrott (né en 1938) — compositeur de musique liturgique, de chambre, de chœur, d’orchestre, d’orgue —, a été rendu par Frédéric Werner (flûte solo). Il a réalisé une véritable prouesse : tenir debout pendant 25 minutes pour interpréter l’œuvre si complexe Al mattino ; braver des conditions acoustiques difficiles (réverbération, résonance, trépidation du métro et sirène des pompiers…) ; surmonter d’immenses difficultés techniques et de souffle afin de d’exprimer l’atmosphère tour à tour incantatoire, tourmentée, agressive, mais aussi lyrique, calme et très intériorisée, faisant appel à tous les registres de la flûte. Accompagné à l’orgue par Yannick Merlin, il a aussi interprété des extraits de la Sonata da Chiesa V). Dans l’Aria, la flûte égrène ses notes sur un fond d’orgue, avec passages à découvert, de caractère plus apaisant et mélodieux, alors que le Canticum se fait volubile et mouvementé.

En soliste, l’organiste co-titulaire de Notre-Dame-des-Champs a interprété avec brio la Paraphrase-Carillon extraite de L’orgue mystique de Charles Tournemire (1870-1939), sur deux thèmes : les  Hymnes Salve Regina (pédale) et Ave maris stella, présentée en force avec commentaires décoratifs aux claviers, d’abord intériorisées puis, après présentation en carillon des deux thèmes, la conclusion massive a été bien enlevée.

 

De nombreux organistes (cf. photo), des amis d’Albert Schweitzer, les  trois compositeurs ont assisté à ce mémorable concert, l’un des très nombreux organisés par l’infatigable Michael Grüber à la tête d’ORGANpromotion si dynamique.

 

 

                                                                                                                                       

                                                                                                                                        Édith Weber.

 

Philippe Jaroussky ou l'art de la simplicité

 


© CCR d'Ambronay/Bertrand Pichène

 

Ce qui frappe d'emblée chez le contre-ténor, c'est un parfait naturel. Une timidité première a disparu, pour offrir une aisance non fabriquée, que la célébrité médiatique ne semble pas avoir entamée. Tout juste après son récital à Ambronay, qui le découvrit naguère, il était au Théâtre des Champs-Elysées, pour un programme reprenant celui de son récent disque, consacré aux arias que Nicola Porpora conçut à l'intention de son protégé, le castrat Farinelli (cf. NL de 10/2013). Certes, les musiques écrites par ce maître de l'école de chant napolitaine ne comptent pas toujours au nombre des plus inspirées. Leur vertu première est, à partir d'un texte métaphorique et court, de mettre en valeur la voix. Et quelle voix ! Celle de Farinelli était, dit-on, un parangon de phénoménale virtuosité, tenant ses auditeurs en haleine, pour ne pas dire en transe. Celle de Jaroussky déchaîne les applaudissements par ses multiples attraits. A commencer par son timbre, qui n'est pas loin du sopraniste. Et bien sûr, une technique accomplie, capable des envolées les plus acrobatiques. Encore que ce ne soit pas là le paramètre le plus impressionnant, du moins dans la sélection d'arias de Porpora retenues par le contre-ténor. Il triomphe, bien sûr, des vocalises tendues des pièces dites « di furore » (telle cette métaphore d'un esprit malmené « tel l'esquif en proie à une terrible tempête », de Semiramide d'ell Assiria, ou l'air tiré de Polifemo où la voix du personnage attendant sa bien-aimée, se mesure rien moins qu'à la trompette !). Mais là où il brille de manière autrement plus péremptoire, c'est assurément dans les arias élégiaques. La voix s'est récemment développée vers le registre plus central, permettant des tenues d'une ampleur étonnante, un art de caresser la ligne de chant, de délivrer des trilles moelleux, qui laissent pantois d'admiration, surtout portés par cet absolu naturel, cachant nul doute une extrême maîtrise. Lorsque la voix s'unit à la flûte, comme dans cette aria quasi pastorale, tirée d'Ifigenia in Aulide, « Le limpid'onde », évoquant un eau limpide dans laquelle se mire un beau visage éperdu de soleil, la magie est totale. L'épanouissement de l'interprétation n'est pas moins palpable, de ces subtiles inflexions qui soutiennent l'émotion, jamais extravertie. L'air « Alto Giove », de Polifemo en est un exemple : cette invocation au suprême Jupiter, mêlant révérence et gratitude, fournit à l'interprète, à travers de longues notes tenues, des nuances mirifiques, matière à dévoiler, au-delà des affinités avec ce langage qu'il décharge de sa préciosité, des dons dramatiques désormais affirmés. Le succès de ce concert ne saurait être sans l'extrême qualité des accompagnements prodigués par Andrea Marcon et son orchestre virtuose, le Venice Baroque Orchestra. Le chef se consacre depuis des années à ressusciter des partitions méconnues, et son flair pour soutenir le chant n'a d'égal que la spontanéité des tempos. Quelques pièces purement instrumentales séparaient les airs, telle la brève Ouverture de L'Olimpiadede Leonardo Leo (1694-1744), enlevée en trois séquences enchaînées, ou cette « Tempesta », extraite d'Armida e Rinaldo de Giuseppe Sarti (1729-1802), évoquant la fureur des éléments par des traits rageurs de cordes. Et surtout le Concerto pour flautinode Vivaldi, trois mouvements imaginatifs de folle virtuosité, et de bonheur partagé lorsque joué par une merveilleuse musicienne, par ailleurs violoniste dans l'orchestre : le son émanant de ce minuscule chalumeau, notamment dans le registre le plus aigu, presque perçant, est troublant, et au mouvement médian, largo, la soliste porte littéralement l'orchestre. Elle sera ovationnée au même diapason que le héros vocal de la soirée, lequel aura encore dispensé sa souveraine faconde au fil de trois généreux bis.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Avec William Christie, de Rameau à Haendel

 


© DR

 

Délaissant pour un soir ses Arts Florissants, William Christie pour son premier concert de la saison, dirigeait, au Théâtre des Champs-Elysées, The Orchestra of the Age of Enlightenment. Comme constaté cet été, au festival de Glyndebourne, pour Hippolyte et Aricie, le chef inculque à cette formation la meilleure veine ramiste. Et l'orchestre, qui passe pour fuir tout esprit de routine et rechercher l'inventif en toutes choses, adhère totalement à ses vues. Les extraits de Castor et Polluxqui ouvrent la soirée, en une sorte de préambule et de divertissement enchaînés, montrent un choix résolument axé sur la veine descriptive : le « Bruit de guerre » nous place au cœur d'une bataille rangée. Lorsque la voix entre en scène, celle somptueuse de Sandrine Piau, la fête devient plus belle encore, mais sous un autre jour, plus apaisé . L'air « Tristes apprêts, pâles flambeaux » offre une déclamation partagée entre déploration et intense pathos, d'une grande dignité à travers une ligne vocale des plus simples, et pourtant diffusant l'émotion. La page titrée « Sommeil », de Dardanus, hypnotique en effet, ouvert aux rêves, introduira de manière on ne peut plus contrastée l'air vif et facétieux « Règne avec moi, Bacchus », tiré d'Anacréon. Avec les « Tambourins » de Dardanus, débordant de vie, tout comme l'air « Je vole, amour », emprunté à l'opéra Les Paladins, ultime opus opératique de Rameau, le discours se fait piquant. Sandrine Piau, qui fit naguère vibrer cette œuvre au Châtelet, dans une mise en scène follement drôle, et déjà avec Christie, en livre une succulente vision, aérienne dans ses vocalises, et pleine de sous-entendus voluptueux et espiègles. Le public, un moment décontenancé par la succession de musiques peu familières, est ravi, enfin. La seconde partie du programme est dévolue à Haendel. Elle est partagée, là encore, entre pièces instrumentales et morceaux vocaux. Au titre des premières, le Concerto grosso op.6 N° 6, trouve orchestre et chef à l'unisson d'un Haendel adroit, assez placide, mais paré de suprêmes couleurs. Plus tard, Christie se déchaînera dans Musique pour les feux d'artifice royaux : interprétation énergique, très contrastée, au point que « La Réjouissance » se conclura par une salve d'applaudissements d'un auditoire décidément imprévisible dans ses réactions, là de marbre, ici trop prompt à dégainer avant le morceau final. Sandrine Piau revêt les atours de Cléopâtre de Jules César et l'air « Che sento, o Dio » est pur ravissement, non pas distillant pure coquetterie, mais de vraie féminité espiègle. Après une Marche, bien sentie, extraite de Scipione, elle aborde un des airs de Bérénice «  Scoglio d'immorta fronte », un rôle qui la révéla au disque et ouvrit la carrière que l'on sait. Elle y déploie une belle aisance doublée d'une virtuosité non racoleuse, qui font tout le prix de la manière de cette artiste. L'enthousiasme de la salle est à son comble. Elle lui en sera gré par trois bis, dont l'inoxydable « Lascia, ch'io piango », fort adroitement mené pour marquer sa différence avec ses illustres consœurs, et la reprise de « Règne avec moi, Bacchus », laissant le dernier mot à Rameau.

 

Jean-Pierre Robert. 

 

 

Manon revisitée au Théâtre du Capitole

 

Jules MASSENET : Manon. Opéra en cinq actes. Livret de Henri Meilhac et Philippe Gille. D'après L'Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut de l'Abbé Prévost. Natalie Dessay, Charles Castronovo, Thomas Oliemans, Robert Bork, Vannina Santoni, Khatouna Gadelia, Hélène Delalande, Luca Lombardo, Marc Canturri, Christian Tréguier. Chœur du Capitole. Orchestre national du Capitole, dir. Jesús López Cobos. Mise en scène : Laurent Pelly.

 


© Patrick Nin

 

Est-ce pour exorciser le cuisant souvenir de la production calamiteuse de Manon à l'Opéra Bastille, toujours est-il que Natalie Dessay renaît dans celle du Capitole. A l'occasion de cette reprise de la mise en scène conçue à l'origine pour le Royal Opera et le MET, autour d'Anna Netrebko, Laurent Pelly a affiné sa vision et repensé cet étonnant portrait de femme en fonction précisément de la personnalité de la chanteuse française. Il situe l'action à l'époque de la composition de l'opéra, dans ce XIX ème siècle très masculin, qui porte sur la femme un regard peu amène, fasciné par sa glorieuse ascension aussi bien que par son chemin de déchéance, partagé entre adulation d'une beauté conquérante et rejet de celle qui contrevient à la norme morale. Avec une interprète aussi réactive que Natalie Dessay, Pelly trace intensément les diverses facettes d'un portrait complexe : du « petit animal » de la première scène (« Je suis encore toute étourdie »), à l'amante prête à s'éloigner du bonheur simple, attirée par une vie facile (« Adieu notre petite table »), de la femme blasée qui s'exhibe au Cours-la-reine, à l'entreprise de reconquête, lors de la scène de Saint-Sulpice, de l'avidité pour l'argent facile au tripot de l'hôtel de Transylvanie, à la déchéance finale. Une femme qui ne cherche pas à étaler frivolité ou séduction au premier degré. La sensibilité se loge ailleurs, toujours frémissante : dans ce côté discrètement hystérique des réactions épidermiques vis à vis d'un frère bien trop rigide, dans cet appétit, certes confessé comme malgré elle, mais combien affirmé, pour la richesse, dans cette résolution à assumer un destin, fut-il hors norme. L'environnement est sombre, tout juste stylisé. Le noir des fracs et hauts de forme contraste avec la blancheur des robes de ces dames, au Cours-la-reine, simplement évoqué, loin du tableau léché à la Fragonard et du faste de foire à l'épate. Le tableau a grande allure et le ballet, justement conservé dans son  académisme de façade, façon petites danseuses de Degas émoustillant les barbons, a lui aussi de quoi plaire, même s'il n'émeut pas Manon qui n'a pas un regard pour ces cendrillons infortunées. Pelly passe habilement du collectif à l'individuel. Ainsi le tableau de Saint-Sulpice montre-t-il à la fois la nef de l'église où une escouade de bigotes toutes de noir vêtues viennent se pâmer à l'écoute d'un bien bel ecclésiastique, et la chambre exiguë de la cure, où peu à peu Manon, tel un papillon, va exercer sa stratégie de reconquête et gagner de nouveau le cœur de son amant d'hier : « N'est-ce plus ma voix, n'est-ce plus Manon ? ». S'il y a dans cette incarnation quelque aspect diabolique, il n'est en rien monstrueux, et en tout cas bien moins que ne le dépeint le roman. Alors que le passage à l'opéra semble avoir adouci le caractère calculateur de Manon, par l'effet de la musique de Massenet, Pelly et Dessay en accentuent l'ambiguïté.  

 


© Patrick Nin

 

On l'a compris, cette production, bâtie pour Natalie Dessay, est dominée par elle. Comme sa Traviata, hier à Aix-en-Provenc, déjà avec Pelly, l'interprétation ne peut se comparer à d'autres de ses illustres collègues. Elle est en soi son modèle. Et vocalement, le challenge est assumé brillamment d'un rôle hybride, aux confins du soprano léger et d'une voix plus corsée. Une diction extrêmement précise lui permet de surmonter les passages délicats dans le bas medium. Mais, comme elle le professe, mieux vaut être comprise qu'entendue dans le dernier détail. Les séquences de mélodrame sont à cet égard on ne peut plus vraies. Charles Castronovo est un des Grieux jeune et sincère, qui ne devient immoral qu'à son corps défendant, conservant   une noblesse, voire une timidité, qui épousent la vision de Pelly, toute en demi teinte. Le personnage offre cette « humeur naturellement douce et tranquille », comme le décrit l'Abbé Prévost. La voix a pris une belle ampleur. Le reste de la distribution va de l'acceptable (les trois donzelles, Guillot de Morfontaine), à l'insuffisant : le Comte des Grieux, Robert Bork, a certes de l'allure, mais la prestation est gâtée par un léger accent, ôtant au personnage une bonne part de sa crédibilité, et le Lescaut de Thomas Oliemans pêche par sous caractérisation, au point qu'on ne sait plus où est placé le curseur, d'une volonté de protection ou d'aide à la perdition de la petite sœur. De plus, le chant manque d'assurance. Il n'est pas aidé, comme ses collègues d'ailleurs, par la direction bruyante et peu nuancée de Jesús López Cobos, un chef pourtant habituellement en empathie avec le répertoire français, et avec cette pièce qu'il a dirigée à Paris. La légèreté, dont il se réclame, n'est au rendez-vous que de manière fugace, et l'Orchestre du Capitole ne luit pas de ses meilleurs feux en pareille occurrence.  

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Des Noces de Figaro débordantes de vie

 

Wolfgang Amadé MOZART : Le Nozze di Figaro. Opera buffa en quatre actes. Livret de Lorenzo da Ponte, d'après Le mariage de Figaro de Beaumarchais. Pietro Spagnoli, Rosemary Joshua, Sophie Karthäuser, Konstantin Wolff, Anett Fritsch, Isabelle Poulenard, Marcos Fink, Thomas Walker, Lore Biron. Le jeune chœur de Paris. Freiburger Barockorchester, dir. René Jacobs. Version de concert semi staged.

 


© DR

 

Il faut remonter loin pour retrouver joie aussi profonde  ressentie à l'écoute des Noces de Figaro. L'artisan de cette mémorable exécution est René Jacobs qui clarifie on ne peut plus une merveilleuse texture orchestrale et tire d'une pléiade de jeunes chanteurs la quintessence du chant mozartien. Le chef confiait, il y a quelques années déjà, lors d'un concert précédant un enregistrement discographique, combien son approche se veut non pas baroque, mais néo-classique. Ce qui signifie qu'il ne s'agit en aucun cas d'une reconstruction, mais d'une réappropriation imaginative du texte. Toujours aussi curieux, il y revient. Il en va ainsi d'abord des tempos, sur le versant rapide, voire brusque. L'Ouverture en fournit un bon exemple : coups d'archets arrachés, respiration haletante, scansion martelée au besoin. Mais aussi de la manière d'agencer les récitatifs, pourvus d'une faconde proche du parler, de la vie en somme. Enfin, de l'art du chant proprement dit, qui fait sienne la belle ligne mozartienne en l'agrémentant d'une ornementation subtile. Quelques puristes pourront vouloir s'en offusquer, habitués à une vision plus stricte. Mais cela est fait avec une telle intelligence, et restitué avec une telle adresse, qu'on ne sent pas de hiatus. Ainsi un air comme celui de La Comtesse, « Dove sono », au début du III ème acte, avec son accompagnement de hautbois, moment de grâce partagée s'il en est, ne pâtit nullement de cet enjolivement. De même, quelques ajouts, en particulier au pianoforte, en forme de texte de liaison, surprennent, comme naguère un certain bruitage lors de l'exécution de La Flûte enchantée à la Semaine Mozart de Salzbourg. Mais cela ne ressort-il pas du clin d'œil, à mettre sur le compte de l'absence de décor et de véritable régie scénique. Surtout, la vision de Jacobs, fruit d'une direction tout sauf racoleuse, établit un sens de l'ensemble d'une rare fraîcheur, et communique à cette Folle journée une vie de tous les instants. Un sens de l'urgence aussi, comme lors du duettino précédant l'échappée de Chérubin au III ème acte, palpitant dans l'échange avec Susanna, et d'une souplesse inouïe pour traduire la peur panique d'être découverts. Avec le Freiburger Barockorchester, Jacobs dispose d'une phalange rompue à ses vues : la ductilité rejoint la science des accents et la sonorité est proprement miraculeuse. La ligne des vents, disposée sur la droite, laisse aux cordes la prééminence sur le reste de l'échiquier. La distribution, qui s'est forgée une vraie cohésion au fil d'une tournée, débutée à Lyon dans le cadre du Festival d'Ambronay, est une merveille d'équilibre. Là encore, pas de grands effets, mais une recherche constante de l'adéquation entre texte et musique. La Susanna de Sophie Karthäuser est un bonheur de tous les instants, voix rayonnante, intelligence fine de chaque situation, au point qu'on en oublie l'absence de scène. Son Figaro, Konstantin Wolff, est solide et rusé. Pietro Spagnioli est un Comte racé, lui aussi glorieusement chanté. Et la Comtesse de Rosemary Joshua rejoint ses illustres devancières dans un chant souverain, nanti de cet éclat nostalgique qui fait la beauté du rôle. Anett Fritsch, hier Fiordiligi dans le Cosi fan tutte de Haneke, se révèle un Cherubino d'un déconcertant naturel et réjouit aussi par son aisance à distiller arias et récitatifs. La perfection se loge jusque dans les personnages de second plan, qui se voient gratifiés des arias intercalaires, souvent omis à la représentation : une Marcellina jeune, pas mégère, un Basilio à la voix de fausset, nullement préoccupé, comme souvent, de charger le rôle, et un Bartolo bien sonore, sans en rajouter à la façon de son ancêtre du Barbier de Séville. Sans oublier une délicieuse et pas fade Barberina, Lore Binon. Ajoutons qu'une mise en espace discrète et efficace assure une belle spontanéité, débarrassant l'exécution de concert de son caractère empesé. Virevoltant devant ou en deçà de l'orchestre, et même autour du chef, les protagonistes font respirer le texte. En un mot, un concert qui surclasse bien des représentations scéniques. 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Jean-Philippe Collard ou le concert intime

 


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Dans le cadre singulier de la salle Colonne, dans le XIII ème arrondissement de Paris, lieu de répétitions de l'Orchestre du même nom, Jean-Philippe Collard réédite l'exploit réalisé il y a deux ans, de concevoir un concert minute autour d'une œuvre emblématique, hier la Sonate de Liszt, cette fois les 24 Préludes de Chopin. L'originalité ne s'arrête pas là car, outre le fait que le public est de plain pied avec le pianiste, en l'absence d'estrade, celui-ci ponctue le récital d'explications à bâtons rompus, fort pertinentes. Ainsi livre-t-il quelques points de repères, telle la   caractérisation, pour ce qui est des Préludes de Chopin, de ceux portant un numéro impair, synonymes de morceaux joyeux, légers, ardents, alors que les séquences paires évoquent la plainte, l'élégie, la nostalgie. Il émet encore des considérations pénétrantes sur la personnalité de Liszt, si différente de celle de Chopin, ou encore confesse quelque anecdote personnelle. Empreint d'une totale spontanéité, tout cela concourt à ôter au concert son carcan et à débarrasser de sa rigidité l'exercice du récital. Car celui-ci doit être un moment de partage, d'échange entre l'interprète et ses auditeurs. Il sera, prévient-il, sans entracte, coupure toujours porteuse de déconcentration, pour l'interprète comme pour le public. Mieux vaut favoriser un temps de rencontre à la fin du concert, moment de détente plus propice à l'échange. Centré sur l'œuvre de Chopin, Collard l'agrémente d'autres pièces, en relation directe ou indirecte, du point de vue stylistique ou simplement historique. Ainsi du Nocturne n° 6 de Fauré, ce chantre de la modulation, mais un musicien qui n'aura pas de descendance, dit-il. Ou de ces deux pièces de Liszt, Saint François de Paule marchant sur le flots, et la Mort d'Isolde. Grand défenseur du piano de Gabriel Fauré, dont il gravé naguère bien des pièces pour le disque, Collard donne au Noctune choisi ici une ampleur insoupçonnée. Ses deux Liszt sont dévastateurs, surtout dans l'acoustique très présente de la salle, accentuant le grave du Steinway Grand. La paraphrase de la Mort d'Isolde est d'une réelle splendeur, donnant à entendre au seul piano toute la complexité, mais aussi la magie, de l'orchestre wagnérien et de la voix de la protagoniste qui y est incrustée. Les 24 Préludes op. 28 de Chopin, Collard reconnaît les avoir longtemps laissés de côté, par timidité, ou pudeur peut-être, car une certaine tradition d'épanchement n'est pas dans sa manière. Sans doute peut-il se réclamer de cette remarque de Liszt à leur propos, qui pense que « tout y est de premier jet, d'élan, de soudaine venue ». Cette exécution invite à un voyage poétique qui se refuse à l'effusion et se veut souvent mouvementé, car le pianiste accentue les contrastes, notamment dans les morceaux rapides, à la frontière parfois de l'impétueux. La cohérence entre ces pièces si diverses dans leur climat et leur facture n'en souffre pas le moins du monde. En bis, Collard joue une pièce qui lui tient particulièrement à cœur, cette fois en hommage à sa consœur Brigitte Engerer, « Rêve d'amour », un lied de Schumann revisité par la faconde de Liszt. La salle, bien garnie, est enthousiaste.

                                                                                                       

Jean-Pierre Robert.

 

 

La Vestale au Théâtre des Champs-Elysées: Une si longue absence !

 

Gaspare Luigi SPONTINI : La Vestale. Opéra en trois actes. Livret d’Etienne de Jouy. Ermonela Jaho, Béatrice Uria-Monzon, Andrew Richards, Jean-François Bordat, Konstantin Gorny.  Le Cercle de l’Harmonie & Chœur Aedes, dir. Jérémie Rohrer. Mise en scène : Éric Lacascade.

 


© Vincent Pontet

 

Une absence des scènes parisiennes depuis 160 ans ! Voila qui interroge ! Mais fallait-il vraiment ressortir du tiroir une œuvre qui pourrait se réduire à son seul deuxième acte, où les deux airs de soprano ont fait, depuis sa création à Paris en 1807, la joie de toutes les divas du moment, Maria Callas, Régine Crespin, Renata Scotto, Montserrat Caballé, pour ne parler que des plus récentes. Cette exigence vocale, mêlant dignité classique et exubérance romantique, est-elle une raison suffisante, capable de susciter, de nos jours, l’intérêt du spectateur et compenser la pauvreté du livret où prosodie et musique semblent souvent en décalage ? Voila un pari audacieux, relevé courageusement par le Théâtre des Champs-Elysées… pour un résultat, hélas, peu convaincant. L’impératrice Joséphine qui en favorisa la production eut, en son temps, plus de bonheur car la création fut un immense succès donnant lieu à plusieurs centaines de représentations, avant que cet opéra ne disparaisse complètement de la scène. Passons donc d'abord, rapidement, sur ce qui fâche, pour ne retenir que les éléments dignes d’intérêt. Un livret d’une minceur accablante, qui n’a d’égal que la pâleur et l’indigence de la mise en scène d'Éric Lacascade : une scénographie, certes sobre, mais d’une rare médiocrité, se résumant à des tables et des bans au premier acte, un brasero au second, une lessiveuse au troisième, des costumes hideux, vulgaires et de mauvais goût, une direction d’acteur insipide se réduisant aux différents déménagements du décor (toujours les bans et les tables… ) et à quelques courses, rondes, ou simulacres ridicules de combat sur le plateau, tandis qu’il serait vain de vouloir y trouver une pertinence quelconque, concernant notamment l’opposition entre amour et religion. Une prestation insipide qui vaudra à Éric Lacascade, dont c’est ici la première mise en scène d’opéra, les huées des spectateurs en fin de spectacle (ceci expliquant peut être cela !). Un Cercle de l’Harmonie en petite forme, qui parviendra toutefois, après un début bien poussif, à restituer quelques beaux aspects de cette partition à la fois classique et romantique, comme un lien entre Gluck et Bellini. Un casting vocal très disparate ayant, toutefois, pour point commun, une bien piètre diction, rendant difficilement compréhensible le discours, ce qui parait assez dommageable pour un opéra chanté en français !

 


©Vincent Pontet

 

Bref, oublions tout cela et revenons vite sur la seule chose qui vaille, le superbe deuxième acte, salué par Berlioz dans Les Soirées de l’Orchestre, seul moment où musique, théâtre et chant se trouvent, enfin, en adéquation. La musique, alors, s’anime pour suivre un crescendo dramatique du plus bel effet, où Ermonela Jaho, dans le rôle de Julia, réussit à sauver la soirée de l’ennui. Les deux airs « Toi que j’implore » et « Impitoyables dieux » sont des moments de pure grâce : une belle ligne de chant, un très subtil legato, une présence scénique certaine, voilà de quoi éclipser sans effort le reste de la distribution : Béatrice Uria-Monzon, La grande Vestale, criarde, au vibrato très marqué, gênant, entachant la justesse, Andrew Richards, Licinus, nasillard, au chant engorgé et incompréhensible. Jean-François Borras, Cinna, et surtout Konstantin Gorny, le Souverain Pontife, sont heureusement plus convaincants. En définitive, beaucoup de bruit pour pas grand-chose… Un opéra qui restera comme une passerelle vers la modernité dont  Berlioz, Verdi et Wagner sauront s’inspirer avec, heureusement, plus de bonheur !

                                                                                                                                                          Patrice Imbaud.

 

 

Daniele Gatti  et le « National » : pour le meilleur !

 

Une rentrée en fanfare qui se confirme, et un très beau début de saison pour le « National » sous la direction de son chef italien, Daniele Gatti, reconduit dans ses fonctions de directeur musical pour encore quelques années. La saison 2013-2014, après l’intégrale des symphonies de Beethoven l’an dernier, nous permettra, cette fois, d’entendre l’intégrale des symphonies de Tchaïkovski, en cinq concerts, dont les prochains auront lieu les 17 avril, 15 et 22 mai 2014. Une intégrale qui devrait convenir parfaitement à la phalange parisienne, de par ses capacités expressives, sa précision rythmique, et la qualité de ses pupitres. Un concert, pour l’heure, consacré en filigrane à l’Italie, avec l’Ouverture-fantaisie de Roméo et Juliette de Tchaïkovski, la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov, interprétée par la jeune et talentueuse pianiste géorgienne Khatia Buniatishvili, puis une promenade romaine à travers les Fontaines et les Pins de Rome d’Ottorino Respighi. Comme un prélude à l'intégrale symphonique du compositeur russe, Roméo et Juliette (1886), abrégé musical d’un opéra existant à « l’état de possible », fut l’occasion de constater l’importance du travail préparatoire de mise en place, pour une exécution sans reproche, à la fois claire dans les attaques et juste dans le discours, alternant passion et tendresse, conclue par une coda dont Tchaïkovski ne renia jamais le caractère abrupt, comme un témoignage de la fin tragique des deux amants. La Rhapsodie sur un thème de Paganini,  véritable équivalent d’un cinquième concerto (1934), qui reprend 24 fois le thème du Vingt-quatrième Caprice pour violon seul du maitre génois, fournit à Khatia Buniatishvili l’opportunité d’une prestation époustouflante de précision et de virtuosité où le piano sut se faire, tour à tour, confident ou orchestral, empreint de charme, de  poésie, de violence et de drame. Une leçon de piano conclue par deux « bis » qui résument, à eux seuls, l’art du piano : le Precipitato envoûtant de la Septième Sonate de Prokofiev, et quelques notes évanescentes de la Cantate de la chasse BWV 208 de JS. Bach. Après la pause, une promenade dans Rome en compagnie d’Ottorino Respighi, entre Fontaines (1916) et Pins (1923) de Rome, deux poèmes symphoniques appartenant, avec les Fêtes, à la trilogie romaine du compositeur italien. Des œuvres « à programme », comme différentes visions, mais surtout différents climats, tour à tour, pastoral, exubérant, solennel ou mélancolique où interviennent fanfare et petite harmonie sur un fond orchestral de cordes. Une très belle interprétation, une direction convaincante, attentive et vigilante, conduisant l’orchestre vers un époustouflant final, mené au rythme des timbales, pour conclure cette soirée triomphale ! 

 


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Patrice Imbaud.

 

 

L’Orchestre de Paris et Paavo Järvi : le plaisir de jouer !

 


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Un magnifique début de saison pour l’Orchestre de Paris, conduit par son directeur musical, Paavo Järvi,  avec lequel l’empathie semble toujours aussi forte, scellée par un même plaisir de jouer. Un programme éclectique, original et parfaitement pensé, placé sous le thème de la métamorphose, associant Sibelius, Liszt et Saint-Saëns. La Suite Karelia (1893) de Sibelius, inspirée du Kalevala (saga nationale finlandaise) en trois mouvements, fournit à l’orchestre une magnifique occasion de faire preuve de sa cohésion, de la richesse et de la qualité de ses différents pupitres, ainsi que de la complicité l’unissant à son chef : un Intermezzo initial comme un grand crescendo mené par les cuivres, une Ballade bercée par un beau solo de cor anglais, et une Marche joyeuse conclusive. Venait ensuite l’époustouflante prestation de Jean-Frédéric Neuburger dans le Concerto pour piano n° 2 (1949) de Franz Liszt, comme une succession de climats contrastés, évoluant en un seul mouvement, au rythme d’une métamorphose perpétuelle. Une interprétation tout à fait exceptionnelle, engagée, tendue, oppressante, parfaitement soutenue par l’orchestre dans une communion éclatante, comportant des moments de musique pure comme les duos élégiaques menés tour à tour avec le violoncelle solo ou la flûte. Après la pause, la monumentale Symphonie n° 3 de Saint-Saëns dite « avec orgue » (1886), et Thierry Escaich en soliste. La symphonie la plus aboutie de Saint-Saëns que Paavo Järvi dirigea de main de maitre, maintenant l’équilibre, si difficile à tenir, en l’orgue et l’orchestre, faisant, du même coup, mentir Berlioz qui prétendait qu’une telle gageure était impossible à réaliser !  Plutôt qu’en opposition, c’est en complémentarité parfaite, dans une symbiose totale, que l’orgue sut maintenir autour de l’orchestre une nébuleuse poétique,  enveloppant cordes, piano, vents et percussions. Une partition qui évoluera en quatre mouvements groupés deux à deux au rythme de métamorphoses thématiques continues, selon le procédé si cher à Liszt, à qui cette symphonie fut dédiée. Applaudissements fournis et prolongés de la salle pour ce magnifique concert.

                                                                                                                                  Patrice Imbaud.

 

 

 

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L’EDITION MUSICALE

Haut

 

 

CHANT CHORAL

 

Léo DELIBES : Messe brève pour deux voix égales et accompagnement d’orgue, arrangement pour trois voix mixtes par Wolfgang Lindner. Scola Cantorum : SC 8742. www.schola-editions.com

Après une longue période de purgatoire, cette Messe de Léo Delibes connaît un franc succès auprès des chorales. Mais les chœurs d’adultes demandent au moins une partie d’homme. C’est chose faite avec cet arrangement à trois voix qui fait droit aux attentes légitimes des choristes sans surcharger cette partition sans prétention.

 

 

 

Margaretha DE JONG : Psaume 42 pour chœur mixte SATB et Grand Orgue. Schola Cantorum : SC 8739.

Sans être vraiment difficile, cette œuvre demandera cependant un chœur expérimenté et un orgue conséquent. C’est une œuvre attachante, très fidèle au texte qui reste à tout moment compréhensible. On pourrait dire qu’il s’agit en quelque sorte d’une mise en scène du texte dans un langage qui reste classique dans la grande tradition des compositeurs français tels que Langlais et Poulenc. Nous sommes devant une œuvre exigeante et d’une grande beauté.

 

 

BRAHMS : Geistliche Chormusika cappella. Bärenreiter : BA7575.

Ce recueil contient les Marienlieder op.22, Zwei Motettenop. 29, Drei geistliche Chöreop. 37, Zwei Motettenop. 74, Fest- und Gedenksprüche op. 109 et Drei Motettenop. 110. La musique sacrée a cappella de Brahms compte parmi les œuvres romantiques les plus importantes du genre. On sera heureux de la retrouver ici dans une édition critique extrêmement soignée et préfacée longuement par Peter Schmitz qui en donne la genèse détaillée.

 

 

MUSIQUE VOCALE

 

Sally K. ALBRECHT, Jay ALTHOUSE, Andy BECK et Brian FISHER : At the Bandstand ! A Rock’n’roll Review. Arrangement de chansons pour deux parties vocales de femme sous forme de revue. 1vol. 1CD. Alfred : 39961.

Que voilà une bien sympathique revue ! Bien sûr, tout cela est intégralement en anglais. Mais à défaut de jouer l’intégralité de cette revue, on pourra se contenter de chanter et de mettre en scène les dix chansons qui la constituent. Il s’agit d’une musique pleine d’entrain et de charme. L’intégralité de la revue se trouve sur le CD joint, ainsi que les play-back. Voilà bien du plaisir en perspective.

 

 

 

ORGUE – CLAVECIN

Benoît ZIMMERMANN : Neuf psaumes pour instrument à clavier (Orgue, clavecin, virginal…) extraits du Recueil de Camphuysen, suivis d’une page profane, Daphné. [date supposée : après 1652]. Cantate Domino : CD 3099. http://www.schola-editions.com

Précisons tout de suite que les éditions de la Schola Cantorum, Cantate Domino et Charles Huguenin ont un seul site et une double adresse : en suisse : Rue du sapin 2a C.P. 156 CH – 2114 Fleurier ; et en France : 57, rue de Franche-Comté, 25300 Les Verrières de Joux.

La préface de Benoît Zimmermann donne toutes les explications nécessaires sur les pièces présentées ici. Il nous indique en particulier que la bibliothèque universitaire d’Utrecht a mis en ligne une reproduction du manuscrit de Camphuysen. On découvrira donc avec intérêt ces pièces qui peuvent être utilisée aussi bien en concert qu’à l’office.

 

 

 

André ISOIR : Mozart à l’orgue. Volume 2. Delatour : DLT0053.

On connait les talents de transcripteur d’André Isoir. Il nous présente ici quatre transcriptions : La marche des deux hommes armés tirée de La Flûte enchantée, l’Adagio et fugue en ut mineur KV 546, l’Andante pour un petit orgue à cylindre KV 616 et l’Adagio et rondo pour glassharmonicaKV 617. Il n’est nul besoin de souligner la qualité de ces transcriptions grâce auxquelles les organistes pourront renouveler leur répertoire pour le plus grand plaisir de leurs auditeurs.

 

 

 

Giuseppe VERDI : Ave Maria (extrait d’Othello). Transcription pour orgue de Jean-Paul Imbert. Delatour : DLT2202.

Après Mozart, voici Verdi transcrit avec beaucoup de talent. Il n’est pas forcément besoin d’un « grand » orgue. Deux claviers pédalier suffiront à condition de posséder une Sesquialtera et si possible un trémolo.

 

 

 

GUITARE

 

Hervé BOULET : Songe. Pièce pour guitare. Niveau Moyen. Lafitan : P.L.2647.

Voici un songe pour lequel l’interprète fera bien de rester très éveillé pour en mettre en valeur toutes les richesses de sonorité. Pièce difficile, certes, mais qui est pleine d’intérêt et de beauté.

 

 

 

PIANO

 

John LUNN : Downton Abbey – The Suite from the Carnival/Masterpiece Tevision Series. Alfred 41080.

Les pianistes jeunes et moins jeunes seront heureux de pouvoir jouer la musique de l’incontournable série anglaise diffusée à la télévision ces derniers mois. L’ensemble est à la portée de beaucoup et permet de restituer un peu de l’ambiance de la série.

 

 

 

Robert D. VANDALL : What Can We Play on Sunday ? Piano à quatre mains. Alfred : 38791.

Ces arrangements à quatre mains sont destinés au culte dans les églises évangéliques américaines. Supposons une église où le culte est accompagné par un piano à queue et où l’on joue à l’office aussi bien des arrangements de spirituals que des thèmes patriotiques… Mais qu’importe leur destination première. De difficulté moyenne, ils sont fort bien faits et très agréables. Six livres se répartissent les douze mois de l’année selon les temps liturgiques. On trouvera au fil des recueils : Amazing grace, O come, All yee Faithfullet bien d’autres titres célèbres…

 

 

 

Melody BOBER : 10 Winning Solos in 10 styles. Alfred : 41397 – 41399.

Melody Bober nous offre des pièces simples classées par niveau progressif. Les dix styles sont : Ballad, Baroque, Blues, Classical, Contemporary, Jazz, Latin, Ragtime, Romantic, Showstopper. Beaucoup de ces arrangements ou œuvres originales comportent une partie d’accompagnement permettant de jouer à quatre mains avec le professeur tandis que l’élève joue sa propre partie une octave au-dessus. Le tout est fort bien fait et très agréable à jouer et à écouter.

 

 

 

E.L. LANCASTER et Kenon D. REFROW : Th Giant book of classical sheet music. 68 des œuvres les plus connues au monde dans leur version originale. Alfred : 36334.

D’Albéniz à Zipoli en passant par Bartok, Debussy, Scumann et tous les autres, l’album tient ses promesses. La présentation est claire et pédagogique. Les pièces sont de niveau divers sans atteindre la grande difficulté. Ce peut être l’occasion pour les élèves pianistes de jouer ou de déchiffrer les « incontournables » du piano.

 

 

 

MOZART : Werke für Klavier zu vier Händen. Œuvres pour piano à quatre mains. Bärenreiter Urtext : BA 9179.

Avec cette édition magistrale et d’une parfaite clarté, nous retrouvons l’ensemble des compositions de Mozart pour piano à quatre mains. Piano ou clavecin ? On lira pour connaître l’état de la question la très intéressante préface qui explique par ailleurs la genèse de ces œuvres ainsi que les principes qui ont présidé à cette édition.

 

 

 

Jean-Sébastien BACH : Le clavier bien tempéré vol. 1 édité par Willard Palmer. 1 vol. 2 CD. Alfred : 41426.

L’enregistrement intégral sur CD du Clavier bien tempéré par Jenő Jandó n’est pas le moindre intérêt de ce volume. Mais il faut noter aussi le soin apporté à cette publication et les indications aussi pertinentes que pédagogiques contenues dans une copieuse préface qui donne les sources et explique leurs variantes et contient également de précieuses indications concernant l’ornementation. Bref, il s’agit d’une véritable édition de travail soigneusement doigtée et annotée sans que cela nuise à la lisibilité de l’ensemble.

 

 

 

Jean-Sébastien BACH : Le clavier bien tempéré vol. 2 édité par Judith Schneider avec les doigtés de Maria Sofianska. 1 vol. 2 CD. Alfred : 41429.

Comme dans le précédent volume, les 2 CD ont été enregistré par Jenő Jandó. On y retrouve toutes les qualités du premier volume avec une préface tout aussi détaillée et tout aussi intéressante musicologiquement et pédagogiquement.

 

 

 

VIOLON

 

Jean-François LÉZÉ : Do silêncio. Violon et piano. Niveau Moyen. Dhalmann : FD 0399.

Tandis que le piano égrène mystérieusement des sons sur un rythme berceur, le violon fait entendre une sorte de mélopée qui, partie du grave, s’élève peu à peu en un chant nostalgique et doux, hommage écrit par son ami pour le pianiste de jazz et compositeur Bernardo Sassetti, décédé accidentellement le 10 mai 2012.

 

 

 

Franz LISZT : Réminiscences de Don Juan. Arrangement pour violon et piano de Léo Marillier. Delatour : DLT2142.

Que dire sinon que ça reste du Liszt, c'est-à-dire qu’il s’agit d’une pièce séduisante mais d’une grande difficulté. On peut s’en faire une idée en regardant sur le site de l’éditeur ou à l’adresse suivante

 http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=5PzyzxJsqMU la vidéo intégrale de l’œuvre. Une audition vaut mieux que tous les commentaires…

 

 

 

Rose-Marie JOUGLA : Habanera pour violon et piano. Delatour : DLT2226.

Il s’agit de la transcription de la Habanera pour alto recensée ci-dessous.

 

Claude-Henry JOUBERT : Camagüey. Cha-cha-cha pour violon avec accompagnement de piano. Niveau 2ème cycle. Fertile Plaine : FP1620.

Outre son intérêt musical, cette pièce bénéficie de développements précisés à la fin de la partition : comment écrire soi-même un cha-cha-cha, et comment le pianiste peut aussi aménager et enrichir sa partie, comme dit l’auteur « livrée en kit ». Ne passons pas à côté de ces richesses…

 

 

 

Claude-Henry JOUBERT : Guignol en prison pour violon seul. Niveau 3ème année (tout en 3ème position). Fertile Plaine : FP1568.

L’auteur nous narre ici une histoire pleine de rebondissements illustrés par le violon. La dernière page donne toutes les indications pour mettre en scène cette œuvre tout à fait intéressante si on sait s’exprimer avec son instrument. Mais elle explique aussi comment composer d’autres aventures de Guignol. Souhaitons que les jeunes interprètes, aidés si possible par leur professeur, ne néglige pas une proposition si alléchante.

 

 

 

ALTO

 

Thierry BLONDEAU : Last Week-End on Mars. Deux altos ou plus et CD. 1vol. 1CD. Facile à Moyen. Dhalmann : FD 0424.

Il existe d’autres versions avec violon et/ou violoncelle à partir de la même bande sonore. Le CD comporte sur une première plage la bande son, et sur une deuxième une réalisation par les élèves de Claudia Brunner. La partition donne simplement les indications de jeu et de durée. L’histoire une fois racontée, il s’agit de la vivre à travers différents évènements plus ou moins aléatoires. Une règle du jeu en précise les principes et en explique la mise en œuvre.

 

 

 

Rose-Marie JOUGLA : Habanera pour alto et piano. Delatour : DLT2225.

De difficulté « moyen avancé », cette pièce ne manque ni de charme ni de caractère. « Lascif », indique même l’auteur. Là encore, on pourra en écouter l’audition intégrale sur le site de l’éditeur.

 

 

 

VIOLONCELLE

 

Rose-Marie JOUGLA : Habanera pour violoncelle et piano. Delatour : DLT2226.

Il s’agit de la transcription de la Habanera pour alto recensée ci-dessus.

 

FLÛTE TRAVERSIERE

 

Rose-Marie JOUGLA : Habanera pour flûte et piano. Delatour : DLT2224.

Il s’agit de la transcription de la Habanera pour alto recensée ci-dessus.

 

CLARINETTE

 

Jean-Charles GANDRILLE : Quintil pour clarinette en si bémol et piano. Commande du conservatoire de Boulogne-Billancourt. Niveau moyen. Dhalmann : FD 0411.

Jean-Charles Gandrille nous offre ici une musique délicate et pleine de charme et de nostalgie. Clarinette et piano tantôt suivent des chemins parallèles, tantôt dialoguent dans une ambiance qui fait également la part belle aux résonnances du piano suscitées par le chant de la clarinette. Bref il s’agit d’une œuvre riche dont il faudra expliquer aux élèves toute la subtilité. Bien entendu, elle est impossible à jouer avec un piano numérique…

 

 

 

Claude-Henry JOUBERT : Valse du coucou pour clarinette et piano. Niveau 1er cycle.  Fertile Plaine : FP1550. www.fertile-plaine.com

Bien sûr, l’incontournable oiseau se retrouve au détour des parties des deux interprètes de cette charmante valse. Mais une grande partie de l’intérêt de cette collection est d’ouvrir la porte à la composition grâce aux indications données en dernière page. Souhaitons que les professeurs aident leurs élèves à utiliser cette possibilité qui fait l’originalité des œuvres proposées.

 

 

 

Claude-Henry JOUBERT : Trinidad pour clarinette et piano. Niveau 2ème cycle.  Fertile Plaine : FP1557.

C’est un cha-cha-cha que l’auteur nous propose ici, fort bien venu et qui n’engendre pas la mélancolie. Comme dans toute cette collection de C.-H. Joubert, les interprètes sont invités à faire preuve de créativité en écrivant eux-mêmes un autre cha-cha-cha sur le modèle proposé. Quant à la partie de piano, « livrée en kit », elle peut être aménagée et enrichie au goût de l’interprète à condition que celui-ci n’oublie pas qu’il accompagne la clarinette !

 

 

 

Marie-Luce SCHMITT : Exercices de clarinette pour l’amateur éclairé. Lafitan : P.L.2683.

L’intérêt de cet ouvrage est de s’adresser à des musiciens amateurs qui ont travaillé la clarinette dans leurs jeunes années et désireux de se remettre à leur instrument, certains faisant partie d’un orchestre d’harmonie, et qui éprouvent le besoin de rafraichir leurs souvenirs et le désir de se perfectionner sans reprendre des cours qui leur sont d’ailleurs bien souvent fermés. Marie-Luce Schmidt souhaite ainsi permettre à ces « amateurs-éclairés » de travailler par eux-mêmes avec profit leur instrument en vue d’y trouver un vrai plaisir et d’en découvrir toutes les ressources.

 

 

 

COR

 

Claude-Henry JOUBERT : Valse du Pivert pour cor et piano. Niveau 1er cycle. Fertile Plaine : FP1552.

Comme les autres oiseaux de la collection, le pivert fait entendre son message sonore caractéristique au cours d’une valse bien agréable. Mais si l’on peut s’arrêter à l’interprétation de cette valse, il sera bien plus profitable d’en composer une autre sur le même modèle grâce aux conseils donnés à la fin de la partition.

 

 

 

PERCUSSIONS

 

Chin-Cheng LIN : Angel and Demon. Duo pour marimba et percussion. Difficile. Dhalmann : FD 0417.

On regrettera que la présentation de cette œuvre soit rédigée entièrement en anglais sans la moindre traduction. Deux parties dans cette œuvre : L’ange, d’abord, évoqué par un vaste choral, puis le démon, le « Satan » incantatoire, avec des rythmes brisés, hachés, des mesures à cinq temps, sept temps… Il y a beaucoup de vie et de musique dans cette œuvre intéressante.

 

 

 

André GUIGOU : Via ferrata pour caisse claire et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2591.

Le parcours de cette pièce est-il, selon la définition de l’auteur, « une activité intermédiaire entre randonnée et escalade » ? Toujours est-il qu’il est soigneusement balisé, évoquant avec bonheur les différentes étapes de l’aventure, étapes illustrées par la musique : le professeur pourra faire remarquer l’adéquation entre le dialogue des instruments et le parcours. Il s’agit donc d’une pièce pittoresque et peine d’intérêt.

 

 

 

Wieslaw JANECZEK : Color Calorpour caisse claire et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2577.

Ce titre un peu mystérieux recouvre une pièce qui, malgré le niveau débutant et grâce à la variété harmonique et rythmique de l’accompagnement révèle de nombreuses facettes. Nul doute que les deux interprètes n’y trouvent beaucoup de plaisir.

 

 

 

ENSEMBLES INSTRUMENTAUX – ORCHESTRE

 

André TELMAN : Au parcours des Univers. Œuvre pour grand ensemble de trompette, en trois mouvements. Tous niveaux. Lafitan : P.L.2686.

Cette pièce a été composée dans le but de faire jouer une classe de trompette au grand complet, tous niveaux confondus. Créée en Vendée, dans le cadre de deux concerts donnés par l’Orchestre de Vendée, par les classes de trompette des conservatoires de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte, elle a comme particularité d’être « spatialisée ». Les groupes de trompettes sont en effet répartis dans l’espace, certains se trouvant derrière le public. Le titre et les sous-titres de l’œuvre sont ainsi amplement justifiés : 1 – Partout dans l’univers, 2 – Dans l’obscurité du néant, 3 – Plein zoom.

 

 

 

SMETANA : vlast (Ma Patrie). Edité par František Bartoš. Bärenreiter Urtext : TP 557.

Cette édition « de poche » de cette monumentale œuvre de Smetana en six parties dont la plus connue reste bien entendu la Moldau a été établie sur les toutes dernières éditions critiques. Elle est précédée d’une remarquable préface et de fac-similés du manuscrit. C’est une partition à posséder dans toute bibliothèque.

 

 

 

Graham BUCKLAND : Spirituals. 12 arrangements pour formations variées. Conducteur et partie séparées en ut, si bémol, mi bémol et fa. Collection Combocom. Bärenreiter BA6699.

Ce recueil fera le bonheur de tous les professeurs de conservatoire chargés de transformer en orchstre un ensemble hétéroclite d’instrumentistes et de chanteurs. Le matériel fourni peut vraiment s’adapter à toutes les situations. Le pianiste assure une partie de « piano conducteur » qui peut être allégée en fonction des instruments dont on dispose. On peut aussi faire jouer la partie de chant par des instruments. On peut également faire ajouter une rythmique par des petites percussions (partie non-écrite). Quant aux spirituals proposés, ce sont des valeurs sûres : Joshua, Go down Moses, When the Saints go marching in

 

 

 

Georges GERSHWIN : Rhapsody in blue pour quintette à vent. Arrangée par Joachim Linckelmann. Bärenreiter : BA8612.

Flûte, hautbois, clarinette, cor et basson ont été mobilisés pour cette transcription sans piano. Cela surprend mais ce n’est pas la première tentative de ce genre et le résultat est assez convainquant. Dans la préface, le transcripteur nous explique à la fois les raisons qui pouvaient pousser à le faire et également à partir de quels éléments (essentiellement la version primitive à deux pianos) il a effectué son travail. L’œuvre est transcrite intégralement, à part deux solos de piano qui ne pouvaient être rendus par un quintette à vent. Inutile de dire que ce n’est pas très facile…

 

 

 

Daniel Blackstone.

 

ORGUE

Guy MIAILLE : Livre d’Oraisons pour orgue. Éditions Les Escholiers de Ste Geneviève  (gmiv.esg@wanadoo.fr),  2013, 25 p. (+ CD encarté : 25’).

Ce recueil fonctionnel groupe 25 Oraisons limitées chacune à une minute et à raison d’une par page. L’objectif de l’auteur vise à accrocher les fidèles et, par un jeu d’orgue, à les inciter à la prière lors du culte. Guy Miaille n’appartient à aucune école ; son esthétique n’est, pour ainsi dire, ni tonale, ni modale, ni dodécaphonique, ni polytonale, et refuse la cadence classique. Il s’écarte délibérément des formules surannées sans tomber dans « un modernisme délirant ». Ce répertoire rendra service aux organistes de tous niveaux ; toutefois son interprétation exige un minimum de soins. Les registrations sont précisées pour un orgue modeste avec simplement un Bourdon 8’ ; pour les instruments plus élaborés, les registres suivants, selon le caractère des Oraisons : Flûte 4’, Cor de chamois (Gemshorn), Quintaton, Nasard, peuvent être pressentis. Les mélodies sont originales, souples et de caractère chantant ; les rythmes, sans concession à une « modernité extravagante » ; les tempi, modérés. À titre d’exemple : l’Oraison 23, sous-titrée « Comme une litanie », fait alterner, à l’orgue, d’abord un premier fragment symbolisant le chant du soliste au lutrin, puis un second correspondant à la réponse des fidèles. Est joint un disque encarté, interprété par le compositeur qui inaugure ainsi un nouveau genre musical et liturgique.

 

 

Noëls du monde. Thèmes et variations pour orgue. Paris, Le Chant du Monde (www.chantdumonde.com  ), OR4882, 32 p.

Destiné aux organistes soucieux de varier leur répertoire, ce CD propose 5 pièces avec variations, dans un idiome contemporain, reposant sur des mélodies de toujours et dotées d’une harmonisation originale. Éric Lebrun a dédié à Pascal Ianco la pièce I Wonder as I Wander : Prélude, Thème anglais et 3 Variations dont la dernière, de caractère d’abord dansant, très chromatique, puis  animée, d’une écriture assez pianistique, se termine dans la douceur. Yann Curror a composé des Variations sur The First Nowell évoquant Noël, la neige et le gui, avec des contrechants. Le répertoire de Noëls allemands traditionnels est représenté par Es ist ein Ros’ entsprungen (Dans une étable obscure) traité par Andrès Laprida en accords, avec cantus firmus, donnant lieu à des variations. Youri Kasparov reprend la mélodie Adeste fideles (Herbei, o ihr Gläubigen/O peuple fidèle) avec le choral harmonisé, ensuite d’une facture de plus en plus complexe. L’incontournable Stille Nacht, heilige Nacht (Douce nuit, sainte nuit) est abordé par Julien Bret, avec thème harmonisé sur une longue pédale, puis deux variations comportant de vastes traits en doubles-croches alternant avec l’exposition de la mélodie et, en conclusion, le retour de l’introduction. Les organistes apprécieront cette édition très bien gravée, donnant toutes les indications indispensables : registrations, tempi, caractères de chaque pièce, technique (non legato, accents, phrasés…). Ces œuvres, de moyenne difficulté, associant tradition et modernité, permettront aux organistes d’accompagner les fidèles ou de les interpréter lors de concerts.

 

 

QUINTETTE A CORDES

Wolfgang Amadeus MOZART : Quintette à cordes en Ré majeur. Manuscrit autographe. Paris, Presses Universitaires de France (www.puf.com), 2013, XXXI, 21 p. (avec CD encarté : TT : 26’ 30).

Cet Album, au format A4 (à l’italienne), doit être feuilleté avec émotion et respect. Accompagné d’un CD, il reproduit à l’identique le manuscrit autographe de Mozart avec le titre en écriture gothique, les indications  de tempi : Larghetto, Dolce, Primo Tempo, Adagio…, de nuances  (crescendo…), de jeu (pizzicato, coll arco) en écriture romaine ; les phrasés (par exemple : liaisons deux par deux, notes piquées ou groupes plus longs…) ; de très rares corrections (au premier violon) précisées en dehors du système. Bref : de précieuses indications pour les interprètes.

La partition — publiée dans la Collection de fac-similés intitulée « Sources » — est conservée à la Fondation Martin Bodmer (à Cologny, près de Genève) depuis 1969. Elle restitue une œuvre « dans son habit original » avec des « faisceaux de messages visuels » déjà signalés. 31 pages (dont une « Fiche technique ») ont fait l’objet de recherches très approfondies par Gilles Cantagrel qui propose une minutieuse analyse codicologique et présente la forme du Quintette à cordes (2 Violin, 2 Viole (Altos), 1 violoncello) comme un « genre nouveau » ou une « amplification du Quatuor à cordes ». Il rappelle que peu de compositeurs l’ont pratiquée et que Mozart en a composé six. Daté de décembre 1790 (soit environ un an avant sa mort), celui en Ré Majeur (KV 593), édité à Vienne (Artaria) en 1793, comporte 4 mouvements : Larghetto/Allegro ; Adagio ; Menuetto (Allegretto)/Trio ; Finale, Allegro, comme il ressort de l’étude de G. Cantagrel allant droit à l’essentiel.

Le disque est interprété par le Quatuor Sine nomine (Lausanne) et Raphaël Oleg (Alto). Leur restitution sonore est digne de tous les éloges, tant par sa musicalité, sa transparence, son intériorité que par son élan ainsi que sa virtuosité à toute épreuve et, d’une manière générale, par son esprit typiquement mozartien : à lire et écouter avec émotion.

 

Édith Weber.

 

 

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LE COIN BIBLIOGRAPHIQUE

Haut

 

Olivier GREIF :  We are the words. Entretiens avec ses amis. Éditions DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com), 2013, 145 p.  DLT2289.  19 €.

Malgré sa brève existence, le regretté Olivier Greif, né à Paris le 3 janvier 1950 et mort à Paris le 13 mai 2000, pianiste et compositeur (361 numéros d’opus…), peut être considéré comme l’un des grands maîtres de la musique française dans la seconde moitié du XXe siècle. Ces Entretiens avec ses amis sont particulièrement révélateurs de sa personnalité artistique, de son mysticisme, de son humour, mais aussi de son désespoir et de ses préoccupations parmi lesquelles la mort tient une grande place. Après l’Avant-Propos d’Alexis Galpérine et la Préface d’Henri Dutilleux, l’Introduction de Philippe Hersant met l’accent sur la dimension visionnaire de son art. Les trente témoignages authentiques émanant de ses amis, de personnalités du monde musical contemporain telles que Marc Minkovski, Jean-Claude Casadesus, Pascal Amoyel…, projettent un éclairage neuf sur sa carrière et ses créations artistiques. C’est le mérite d’Anne Bramard-Blagny d’avoir judicieusement sélectionné des interviews (vidéo et audio) remis en forme par Marie-Claude Pascal, co-auteur du livre. La pensée de Virginia Woolf : We are the words« posait la question du lien unissant l’homme au monde et à la création artistique ». Ces Entretiens sont complétés par un imposant Index (lieux, musiciens, compositeurs, ensembles, institutions…) et également par l’Index des œuvres mentionnées. Olivier Greif a affirmé : « Un jour viendra — je ne serai plus de ce monde — où ma musique vous submergera de son évidence » : cet émouvant hommage collectif, si authentique, y contribuera largement.

 

Édith Weber.

 

Max NOUBEL (dir. et trad.):  Hommage à Elliott Carter. Éditions DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com), Collection Pensée Musicale, 2013, 304 p.  DLT1962,  23 €.

La carrière d’Elliott Carter s’échelonne dans la très longue durée. Il est né à New York, le 11 décembre 1908 et mort dans cette ville, le 5 novembre  2012, à l’âge de 103 ans. Pour son Centenaire, la Collection Pensée musicale s’est enrichie de cet Hommage à un contemporain d’Olivier Messiaen. La publication collective réunit un choix de communications présentées au Colloque international de l’IRCAM (Paris), sous le titre : Des ponts vers l’Amérique II, et rend hommage à ce génial musicien d’avant-garde, à sa culture très vaste, qui est considéré comme « le plus européen des compositeurs américains ou le plus américain des compositeurs européens ». Ses sources d’inspiration sont la poésie gréco-latine, la littérature de James Joyce et Saint-John-Perse, les musiques de Charles Ives, Bela Bartók, Edgard Varèse, Igor Stravinski, la danse et le cinéma. En 1930, influencé par Paul Hindemith, Nadia Boulanger, Elliott Carter se rapproche du style néoclassique. En 1940, il forge son propre langage éloigné de l’esthétique américanisante, et rejette l’expérience sérielle. Il a réalisé une synthèse entre les diverses tendances de la musique du XXe siècle et entre des conceptions musicales appartenant à des époques ou à des cultures très différentes. Musicien indépendant, il a été en 1980 professeur de composition à la célèbre Julliard School of Music. Dix ans après, il aborde l’Opéra (à 90 ans) avec What next. Ces riches Actes de colloque sont bien structurés autour de son écriture musicale, de l’espace sonore et du rythme dans sa musique, mais aussi de l’approche analytique et pédagogique de sa musique. Il est enfin situé dans l’histoire et par rapport à son esthétique musicale. En conclusion de cet hommage — étayé de nombreux exemples musicaux, graphiques, tableaux à des fins de démonstration, ainsi que d’une imposante Bibliographie —, un dialogue entre Max Noubel et Alain Damiens aborde le problème de l’interprétation et les finalités du compositeur sont ainsi déduites : « Carter compose pour que l’interprète soit heureux ». Les douze textes (émanant de dix auteurs), réunis, traduits et introduits par Max  Noubel sont en conformité avec la perspective de la Collection Pensée Musicale que dirige Jean-Michel Bardez : « La notion de musicologie est multiple et ouverte : ne s’agit-il pas de penser le musical tout à la fois dans chaque contexte et, de manière plus générale, pour l’être humain, dans le cours d’une véritable anthropologie ? ». À coup sûr : contrat rempli.

 

Édith Weber.

 

Michèle CASTELLENGO, Hugues GENEVOIS (dir.) :  La musique et ses instruments. Éditions DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com), Collection Pensée musicale, 2013, 526 p.  (+ DVD encarté) DLT1961.  32 €.

Ce volume très bien conçu, abondant, illustré par des graphiques, figures et schémas, et accompagné d’un DVD-rom, résulte des travaux du Congrès Interdisciplinaire de Musicologie CIM09 (Paris, 2009). Au fil des communications, l’instrument est situé dans ses divers contextes complémentaires : organologique, historique, symbolique, acoustique… avec une ouverture sur la lutherie, la technologie numérique musicale, les nouveaux instruments, sans oublier les problèmes d’interprétation ou encore les interactions à mi-chemin entre les sciences humaines (histoire, linguistique, sociologie, psychologie, sociologie), les sciences exactes (acoustique, physiologie) et l’aspect pédagogique. Il ne s’agit donc pas d’un traité sur les instruments (par exemple selon la classification de Sachs-Hornbostel), mais d’un vaste aperçu transdisciplinaire et global. La première partie concerne, entre autres, le choix des bois pour les archets, le règlage pour les harpes, le frettage du ùd et l’histoire des instruments et de leur facture. La deuxième partie est centrée sur les sonorités instrumentales, leur symbolique, les qualités acoustiques. La troisième précise les enjeux ethnomusicologiques et acoustiques, les symboles d’identité culturelle, les problèmes d’interprétation, d’enregistrement et d’accordage, ainsi que la corrélation en temps et timbre (dans la musique orchestrale japonaise). La quatrième aborde l’organologie de notre temps, la musique numérique, les nouveaux instruments sans oublier ceux pour les enfants… tributaires de l’évolution de l’informatique musicale. La cinquième et dernière partie, intitulée : « Création, jeu instrumental et interprétation musicale », traite les supports musicaux, les accordages, la chorégraphie instrumentale… jusqu’à la « saga des instruments orientaux ». Par leur maîtrise des techniques éditoriales, Michèle Castellengo et Hugues Genevois, avec la collaboration de 76 auteurs, ont démontré avec pertinence que « l’instrument est un concentré de savoir-faire intimement lié à une musique, une société, une époque ». Grâce aux technologies numériques, la notion même d’instrument est repensée. Un DVD-rom, très instructif, répond à de nombreuses questions organologiques et  techniques et présente des instruments tels que la cithare chinoise qin, la guitare électrique, le sampleur et de nouveaux instruments iraniens, avec d’utiles démonstrations techniques et sonores, rehaussant encore l’apport organologique de ces remarquables Actes de colloque.

 

Édith Weber.

 

 

Pierre GUILLOT, Thierry ADHUMEAU : Auguste FAUCHARD : Souvenirs, Paris, LES CAHIERS BOËLLMANN-GIGOUT (boellmann-gigout@wanadoo.fr), nos11-15, 2013, 264 p.

Comme le rappelle Thierry Adhumeau dans son Introduction, Bernard Hurvy a déposé à l’Association Boëllmann-Gigout des documents originaux (manuscrits, partitions, correspondance, iconographie et photos…) et notamment des « Souvenirs » rédigés en 1956, peu avant sa disparition, par le Chanoine Fauchard (Laval 5.3.1881- Laval 26.9.1957), organiste de la Cathédrale de Laval. Pierre Guillot — qui a accepté  de les corriger et de saisir les textes — a judicieusement annoté et préfacé l’ensemble. Cette publication permet donc de découvrir ou re-découvrir la personnalité du Père Fauchard et d’évoquer, entre autres, la classe d’orgue du Conservatoire, les Amis de l’orgue, la vie musicale en Mayenne. La correspondance fournit une multitude de précieux renseignements sur l’entourage de ce prêtre, théologien, remarquable organiste, compositeur et théoricien. Au fil des pages, le lecteur trouvera des échos de la vie à la Psalette, au Petit et au Grand Séminaires ; de son premier séjour à Paris (1903-4) dans l’entourage de Louis Vierne et d’Alexandre Guilmant ; de son second (1925-6), à la Schola Cantorum auprès de ses maîtres : Louis Vierne et Vincent d’Indy. En 1927, il est nommé organiste de la Cathédrale de Laval (Orgue Cavaillé-Coll) et Directeur de la musique religieuse de son diocèse. Compositeur, il privilégie les œuvres mystiques : Symphonie eucharistique (1944), Messe de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus (1947)… ; organiste, les couleurs symphoniques. Son œuvre ne se rattache à aucune école. Pédagogue, il a formé une douzaine d’élèves (cf. p.247sq.). Interprète, il a donné son dernier récital — coïncidant avec ses « noces d’or d’organiste » (1904-1954) —, en 1954, avec sa Symphonie mariale (1921). Ce Cahier si bien documenté (illustrations : Auguste Fauchard, enfant et adulte ; orgues et tribunes d’orgue ; L. Vierne, E. Gigout, famille ; attestations…) intéressera à plus d’un titre les organistes et interprètes, les historiens et historiens des sensibilités et mentalités religieuses.

 

 

Édith Weber.

 

Les Amis de l’Œuvre et de la Pensée de Georges Migot, Bulletin 27, septembre 2103, (c/o Emmanuel Honegger, 1, rue du Clabaud 67500 HAGUENAU – www.georgesmigot.info ), 37 p.

Cette Revue — à l’initiative des Amis de l’Œuvre et de la Pensée de Georges Migot (1891-1976) — retiendra l’attention des mélomanes par les articles : « G. Migot et A. Jolivet : une relation musicale à découvrir » et la « Correspondance entre G. Migot et M. Emmanuel ». Les lecteurs y trouveront le reflet de personnalités musicales marquantes situées dans le contexte du XXe siècle ; des allusions à leurs rencontres et entretiens ; les réactions réciproques de Migot  et des musiciens de son temps : ceci à travers de nombreuses lettres, citations, illustrations... En fait, comme l’évoque Christophe Vidal, Jolivet et Migot ont parcouru « des cheminements sacrés parallèles » faisant toutefois l’objet de convergences et de divergences. Le Bulletin, abondamment illustré de photos récentes, reproduit, en outre, la Conférence d’Odile Charles (Secrétaire générale de l’Association) présentée en mai 2013, lors d’un week-end à Gérardmer, Saint-Dié et Senones et accompagnée d’extraits d’œuvres, ainsi que de brèves informations d’actualité destinées aux Amis de Georges Migot.

Édith Weber.

 

 

Alain Galliari : Concerto à la mémoire d'un ange Alban Berg 1935. 1 vol Fayard, 2013, 180 p., 15 €

 

Le concerto pour violon d'Alban Berg, « A la mémoire d'un ange » fascine. Non seulement par son intense lyrisme, mais aussi en raison d'une légende qui s'est vite imposée : parce que composée sous le choc de la disparition prématurée de la jeune Marion Gropius, fille d'Alma Mahler, et qu'il mourut lui-même quelques mois après, Berg aurait eu la prémonition de sa fin, et aurait écrit ainsi son propre Requiem. Cette thèse, si séduisante pour bâtir et entretenir le mythe, l'auteur se propose de la déconstruire, en s'appuyant sur les faits biographiques et sur l'analyse musicale du concerto. L'année 1935 s'annonce plutôt bien, même pour le maniaque des dates qu'est Alban Berg. Elle marque son cinquantième anniversaire. La commande d'un concerto de violon, parvenue en février, ne va pas tout de suite se concrétiser, eu égard à de nombreux autres chantiers dont l'achèvement de son second opéra Lulu. Pourquoi la mort de la jeune Manon va-t-elle précipiter les choses ? Alors que cette adolescente n'occupe aucune place dans la correspondance du musicien, ni dans sa musique jusqu'alors. Pas plus qu'il n'existe de trace d'une relation amoureuse. Cette mort produit un « choc silencieux » dans la conscience de Berg. Survient un incident, d'abord banal, qui va prendre une ampleur insoupçonnée : une piqûre d'insecte, à la mi-août, tout juste après l'achèvement de la partition. Le mal développera un abcès et une fièvre maligne qui l'emportera, en décembre. Plus intrigante est l'analyse de la partition, à travers celle des lettres et surtout des chiffres codés dont Berg a l'habitude de truffer ses œuvres. On s'aperçoit alors que « le propos est moins funèbre qu'autobiographique », car il nourrit le souvenir des moments heureux de sa vie, notamment amoureuse. Ce qui expliquerait la fin de la pièce, ouverte sur la lumière. Le concerto apparaît comme une œuvre « vitale », dès lors, plus que « funèbre ». Avec la patience du détective et la lucidité du philosophe, Alain Galliari démêle le juste du faux et restitue au Concerto à la mémoire d'un ange sa réelle signification : un chant qui célèbre autant la vie que la mort, expliquant sans doute la raison de la fascination qu'il ne cesse d'exercer sur ses auditeurs.

 

  

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Ernst von Pidde : L'Anneau du Nibelung de Richard Wagner à la lumière du droit pénal allemand. 1Vol Fayard, 2013, 105 p, 12€

 

Voilà un petit ouvrage réjouissant, n'était le sérieux du propos. On sait que l'opéra ne fait pas dans la dentelle question droit des personnes. Homicide et meurtre y sont monnaie courante, par exemple dans Othello, Tosca ou Elektra, ou la haute trahison dans le cas d'Aïda. Mais chez Richard Wagner les personnages bafouent le droit avec encore plus de constance. Si Les Maîtres chanteurs peuvent être épargnés, à part, peut-être, ce qui s'apparente à du tapage nocturne au II ème acte, Le Ring figure ce qu'on pourrait appeler une vraie école du crime. Le collègue magistrat allemand Ernst von Pidde s'est penché sur cette délicate matière et au fil d'une analyse scrupuleuse, détaille par le menu les innombrables infractions au regard de la loi pénale allemande qui se font jour au fil des quatre journées. Peu amène avec une musique qu'il ne goûte guère, l'auteur se propose de « démasquer sans complaisance une série d'actes délictueux enjolivés par l'orchestration ». Du vol de l'anneau par Alberich au meurtre de Mime par Siegfried, du fratricide auquel se livre Fafner à l'endroit de Fasolt, à l'assassinat de Siegfried par Hagen, lui-même victime de meurtre par noyade par des Filles du Rhin pratiquant une Justice expéditive, de l'enlèvement de Freia, du danger de l'administration de philtres, assimilables au « poison ou toute autre substance » visés par la loi pénale, à la relation incestueuse, doublée d'adultère, de Siegmund et de Sieglinde, aux incendies criminels allumés par Wotan, puis finalement par Brünnhilde, la liste des crimes et délits commis au cours de la saga imaginée par le sorcier Wagner paraît sans fin. Sans parler des propos diffamatoires proférés par des héros peu enclins à aimer leur prochain ! Un tableau synoptique des peines encourues classe, bien sûr, Alberich et Hagen en tête de liste, passibles de réclusion criminelle à perpétuité, et le dieu Wotan de diverses peines de prison supérieures à cinq ans ! Même les plus sympathiques s'en sortent difficilement, dont la blonde Sieglinde. Et les héros non sans égratignures, tel Siegfried coupable de mauvais traitements à animaux pour avoir terrassé un dragon, et faute de pouvoir lui imputer un homicide volontaire si ledit Fafner avait pu être considéré comme un humain. Le texte, souvent leste et à l'emporte pièce, frôle l'indigestion judiciaire. On peut même attribuer à l'auteur un sens caché de l'humour, à l'examen des délits non retenus, comme le viol par Siegfried de sa tante Brünnhilde ! Mais cela se lit d'un trait. Pour qui est familier du Ring, le livre ne sera pas une découverte. A tous les autres, nul doute qu'il ouvrira des perspectives inédites. Ce qui, bien sûr, et parce que cela n'est que fiction, ne devrait pas les détourner de fréquenter des personnages aussi peu recommandables soient-ils.

 

                                                                                    

Jean-Pierre Robert.

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CDs et DVDs

 

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Stichera byzantins. 1CD JADE (www.jade-music.net ): 699 809-2. TT. : 53’ 57.

Grâce aux Éditions JADE, les discophiles et hymnologues peuvent se familiariser avec les différentes formes liturgiques de la musique orthodoxe et byzantine. Le présent CD comporte 8 stichera ; le stichère (du grec : sticheron ; de stichos : verset) désigne, dans la poésie et la musique d’église byzantines, une hymne monostrophique chantée entre les versets d’un psaume. Il est complété par une Doxologie — chant de louange et de gloire — (XIVe s.) pour 2 Chœurs alternés ; des versets du Psaume 135 (XIVe s.), l’un plus développé et provenant de Messine (XIIIe s.), et l’autre, plus bref, extrait du Manuscrit Latrinus (XIVe s.), auquel s’ajoute encore un Alleluia très ornementé. Enfin, la mélodie Terirem — refrain de Psaume chanté au commencement des Vêpres — de Jean Koukouzelis (Kukuzel) (cf. Thèse de B. Gueorguiev, Sorbonne, 1987). Considéré comme le plus éminent compositeur de la musique d’Église byzantine pendant la dynastie paléologale (1261-1453), sa carrière musicale pourrait se situer au XIVe siècle (avant 1375). Pour l’interprétation, il a privilégié le chant callophonique (c’est-à-dire, « à voix douce »). Le stichère n°5 monodique est particulièrement méditatif et prenant ; pour les n°15 et 25, notamment, le chef Vivian Klochkov à la tête de l’Orthodox Ensemble (fondé à Sofia, en 1964) a adjoint une seconde voix faisant fonction de teneur et du meilleur effet. Cet ensemble vocal traditionnel s’impose par la souplesse et le fondu des voix d’hommes, son phrasé qui respire et cette atmosphère intemporelle si typique de la musique byzantine. Disque de référence et excellente initiation à la musique orthodoxe.

 

Édith Weber.

 

George Frederic HAENDEL : Messiah. La Chapelle Rhénane, dir. Benoît Haller. 2CDs K 617 (www.lecouvent.org ): K617243. TT : 142’ 49.

Benoît Haller, à la tête de sa Chapelle Rhénane (fondée en 2001), propose « sa » version du Messiah de G. Fr. Haendel, enregistrée avec un nombre limité de chanteurs (3 par pupitres, soit 12 au total) et d’instrumentistes (7 cordes, 2 trompettes et timbale, clavecin, orgue), ce qui permet plus de transparence mais qui, parfois, risquerait de manquer de vigueur et de relief. Quoi qu’il en soit, le résultat est convaincant. Au cours des siècles, l’interprétation du triptyque (Naissance, Passion, Résurrection) a fait l’objet de critères variés toutefois, loin des Chœurs de masse allemands ou anglais traditionnels, l’œuvre gagne ici en intériorité mais pas pour autant en émotion. Les voix triées sur le volet, sonores et volubiles, remplacent en fait un chœur plus étoffé. Au cours des 47 plages, les discophiles seront frappés par le caractère très allant et dansant de l’Air de Ténor : Every valley shall be exalted, le dépouillement du choeur : And the glory of the Lord, moins vigoureux que dans la tradition anglaise ; les vocalises précises du chœur : And he shall purify ; le caractère incisif du chœur : Glory to God ; méditatif de Behold the Lamb of God, entre autres. L’Hallelujah conclusif de la deuxième partie se fait moins tonitruant que dans certains enregistrements allemands. Le chœur conclusif : Worthy is the Lamb that was slain est chargé d’émotion. Chanteurs et instrumentistes s’imposent par leurs attaques précises, la justesse de l’intonation, le fondu des voix : autant de qualités indispensables.

Édith Weber.

 

Heinrich SCHÜTZ : Psalmen Davids. La Chapelle Rhénane, dir. Benoît Haller. 1 CD K 617 (www.lecouvent.org ): K617237. TT : 59’ 45.

Ce Recueil de Psaumes publié à Dresde en 1619 est dédié à son « Altesse électorale par son très-humble et très–obéissant Serviteur pour la vie ». Schütz précise d’ailleurs qu’il a « mis en musique quelques Psaumes du roi et prophète David tels qu’il les a conçus lui-même dans leur forme. » et que, « sollicité par de nombreux chrétiens », il les a fait imprimer. « Composés par dévotion et à l’honneur de Dieu », ces Psaumes s’insèrent dans le culte luthérien. Pour l’interprétation, Bernard Haller, à la tête de La Chapelle Rhénane (fondée en 2001), a, au lieu d’un chœur étoffé, préconisé un ensemble de solistes assumant en alternance la Capella  (chapelle) et le Favoritchor soutenus par des instruments. H. Schütz laissant le choix pour la distribution, le chef a recherché une « adéquation maximale avec les auditeurs contemporains » ; ayant renoncé aux claviers pour la basse continue, il fait appel à divers instruments de sa Chapelle Rhénane. Les textes reposent sur les Psaumes (8, 23, 115, 121, 137, 150) ; 2 Motets se réfèrent aux Prophètes Jérémie et Ésaïe ; une Canzone, au Choral de louange de Johann Gramann. Le Motet, avec la question : Ist nicht Ephraim mein teurer Sohn ? (Jérémie), pour 2 chœurs, avec chacun un chanteur accompagné par des instruments à vent, est très émouvant. Zion spricht : Der Herr hat mich verlassen (Ésaïe), pour lequel la distribution est précisée par Schütz, traduit la plainte et l’angoisse, avec une déclamation précise. Le choral de J. Gramann : Nun lob, mein Seel, den Herren(Mon âme, loue le Seigneur…), fait appel à deux chœurs de solistes soutenus respectivement par un ensemble de cordes et un de cuivres, avec des imitations ; il est très expressif. Énergie, violence, simplicité et intelligibilité du texte dans les passages homorythmiques et homosyllabiques caractérisent le Psaume 8 : Herr, unser Herrscher (SWV 27) à 2 chœurs. Le Psaume 23 : Der Herr ist mein Hirt (L’Éternel est mon berger) pour deux chœurs se répondant, tour à tour , intime, tendre ou joyeux, se termine dans un climat de confiance. Dans le Psaume 121 : Ich hebe meine Augen auf zu den Bergen (Je lève les yeux vers les montagnes), opposant le ciel et la terre, un chœur instrumental (cordes et vents) à 4 voix, dialogue avec un chœur vocal à 4 voix. Le Psaume 137 : An den Wassern zu Babel (Assis au bord du fleuve à Babylone) est particulièrement mélancolique et émouvant. Le Psaume 115 : Nicht uns, Herr, sondern deinem Namen(Non pas à nous, Seigneur…), très animé, avec opposition entre 2 chœurs (l’un sombre, l’autre « céleste » évoquant la foi en Dieu), puis dialogue à 3, nécessitant une grande virtuosité, se termine par un vibrant « Halleluja ». Enfin, le Psaume 150 : Halleluja ! Lobet den Herren in seinen Heiligtum(Louez le Seigneur…), avec évocation de nombreux instruments de musique, pose un point d’orgue enthousiaste sur ce disque enregistré à la Ferme de Villefavard (Haute-Vienne) — fief de la famille Kaltenbach. Bernard Haller propose un autre Schütz par rapport aux versions en usage depuis sa relance, dans la mouvance de Wilhelm Ehmann, entre autres. Ce disque marque un jalon dans l’histoire de l’interprétation sagitarienne.

Édith Weber.

 

César FRANCK : Les sept Paroles du Christ en Croix. A Domine non secundum. Ave Maria. Gabriel FAURE : Cantique de Jean Racine. Maria, Mater Gratiae, Ave Verum, Tantum ergo. C. Diard, piano, D. Adeux, harmonium. Ensemble vocal Mélisme(s), dir. Gildas Pungier. 1CD SKARBO (www.skarbo.fr): DSK2143. TT.: 66’ 47.

Les Sept Paroles du Christ en Croix ont tenté de nombreux compositeurs, notamment Heinrich Schütz (Die sieben Worte), Joseph Haydn (Quatuor) et Gabriel Fauré, entre autres. Pour l’œuvre de César Franck (1822-1890), Gildas Pungier a réalisé une version avec 4 solistes vocaux, harmonium et piano et, sous sa direction éclairée, après un bref Prologue, l’Ensemble vocal Mélisme(s) recrée avec un relief extraordinaire, oscillant entre une intense émotion et le caractère dramatique ; il traduit avec beaucoup d’intériorité les divers états d’âme, faisant ainsi revivre intensément les 7 Paroles bien connues. Le piano crée l’atmosphère et introduit le ou les soliste(s). L’auditeur est constamment tenu en haleine, d’ailleurs les passages homorythmiques et homosyllabiques contribuent largement à la compréhension du texte biblique. Le volet consacré à C. Franck comporte encore A Domine non secundum et un bref Ave Maria. La deuxième partie est consacrée à Gabriel Fauré (1845-1924) avec Maria, Mater Gratiae, l’Ave verum, le Tantum ergo et surtout le Cantique de Racine (1639-1699) « Verbe égal au Très Haut, notre unique espérance… » (d’après le texte latin médiéval Consors paterni luminis, lux ipse lucis et dies… dont s’éloigne quelque peu l’auteur influencé par le Jansénisme). Les solistes : V. Le Chenadec (soprano), E. de Hys (Ténor), J.-J. L’Anthoën (Ténor), R. Airault (Baryton) confèrent à ce Cantique un certain caractère romantique ; ils sont soutenus au piano par  C. Diard et à l’harmonium par D. Adeux. À l’initiative du label SKARBO : un disque d’œuvres sacrées sortant des sentiers battus.

 

Édith Weber.

 

Piotr Ilyich TCHAIKOVSKY : Sonata, op. 80. The Seasons. Nadav Hertzka, piano.1CD SKARBO (www.skarbo.fr): DSK1125. TT. : 71’ 02.

Nadav Hertzka (né à Tel-Aviv en 1986), jeune pianiste israélien déjà de réputation internationale grâce à ses nombreux concerts dans des lieux prestigieux et titulaire de nombreuses distinctions, a fait ses études au Conservatoire de Musique d’Israël, à la Rubin Academy et à la Royal Academy of Music de Londres. Il s’attaque à la 2e Sonate op. 80 composée par Piotr Illitch Tchaikovski (1840-1893) auquel on doit une centaine d’œuvres pour piano. La seconde Sonate, publiée pour la première fois en 1900, se réclame d’une structure classique en 4 mouvements : Allegro con fuoco (le plus développé), Andante, Allegro vivo et encore Allegro vivo. D’entrée de jeu, N. Hertzka s’impose par son toucher élégant, la précision et la transparence de son jeu et une grande musicalité. Le deuxième mouvement, quelque peu rêveur et méditatif, contraste avec les deux Allegro vivo bien enlevés, bien rythmés et énregiques dans lesquels il se joue de toutes les difficultés techniques. La Sonate op. 37b, intitulée Les Saisons, œuvre de commande de 12 petites pièces représentant chacune un mois de l’année et symbolisant la Russie avec ses fêtes, ses activités paysannes et une facture mélodique proche de l’atmosphère de chants populaires juifs. Les titres sont évocateurs, et vont de janvier : Au coin du feu, à travers, entre autres, Carnaval, Perce-neige (avril), Nuits de mai…, chant du faucheur (juillet), Moisson (août)… jusqu’au Chant d’automne (octobre), Troïka (novembre) pour aboutir à Noël. Pendant 71 minutes, l’excellent pianiste subjugue le discophile et recrée à merveille et authentiquement ces diverses peintures d’atmosphère.

Édith Weber.

 

Benjamin BRITTEN : A Ceremony of Carols. Susanne Bernhard, soprano, Maria Graf, harpe. Regensburger Domspatzen, dir. Roland Büchner. 1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ): ROP 6069. TT : 81’ 02.

Le Centenaire de la naissance de Benjamin Britten (1913-1976) sera commémoré dans le monde musical le 22 novembre prochain. À cette occasion, le Label RONDEAU PRODUCTION a publié, non seulement son œuvre bien connue relatant l’histoire de Noël : A Ceremony of Carols (op. 28), mais encore un choix d’œuvres religieuses et profanes, dont des arrangements de Folk Songs entre autres, et sa Suite pour harpe (op. 83) — instrument privilégié par le compositeur —, interprétée avec musicalité et virtuosité par Maria Graf. Roland Büchner, Maître de Chapelle de la Cathédrale de Ratisbonne, à la tête des Regensburger Domspatzen avec, en soliste, Susanne Bernhard (Soprano), célèbrent dignement B. Britten. Le disque s’ouvre aux accents de : A Hymn to the Virgin chantée avec relief par les voix claires des jeunes garçons, et se termine par Deus in adjutorium meum avec des entrées successives entre deux blocs de voix ou à l’unisson, chanté avec justesse et volubilité. Dans A Ceremony of Carolsoeuvre composée en 1942 pour plusieurs voix de soprano et harpe, et arrangée en 1958 pour chœur d’enfants —, dès les premières mesures, les jeunes chanteurs annoncent avec une remarquable diction : Hodie Christus natus est, puis, dans les plages suivantes, soutenus par la harpe, ils font preuve d’élan, de verve et d’une extraordinaire précision, et S. Bernhard intervient en déployant toute sa belle énergie au service du message de la Nativité. Ces excellents interprètes ont signé un brillant hommage à ce grand maître anglais du XXe siècle.

 

Édith Weber.

 

« Mitteleuropa ». Pièces de Leos JANACEK, Sigfrid KARG-ELERT, Erwin SCHULHOFF, Jan NOVAK, Jindrich FELD, Levente GYÖNGYÖSI, Peter KOPAC. 1CD SKARBO (www.skarbo.fr) : DSK4132. TT : 50’ 45.

Sous le concept d’Europe centrale, les Disques SKARBO ont sélectionné des œuvres de 7 compositeurs. Les plus connus d’entre eux sont le tchèque Leos Janacek (1854-1928) et l’allemand Sigfrid Karg-Elert (1877-1933). Les discophiles découvriront les musiciens tchèques Erwin Schulhoff (1894-1942), Jan Novak (1921-1984) et Jindrich Feld (1925-2007) ; roumain (né en Hongrie) Levente Gyöngyösi (1975), et slovène Peter Kopac. Les œuvres, dépassant le « geste pseudo-folklorique », vont du post-romantisme germanique à l’esthétique musicale de notre temps. J.-L. Beaumadier (piccolo, principal interprète), J. Torrent (piano), P.-H. Xuereb (alto) et G. Cincievski (contrebasse) interprètent, d’une part, des formes traditionnelles : Concertino, Sonata, Sonatina (en deux ou trois mouvements) et, d’autre part, des titres suggestifs : Colibri (extr. des Exotic Impressions, op. 134) de S. Karg-Elert ; Marsyas (en 5 mouvements contrastés) de J. Novak. Il s’agit du premier volume d’une série consacrée au piccolo à travers le monde, instrument au timbre pénétrant. Selon les éditeurs : « le programme… témoigne, dans des œuvres issues de tempéraments créateurs aussi divers que complémentaires, de permanences qui traduisent, dans ces œuvres issues d’Europe centrale, une commune vision : rythmes échappant à la stricte isochronie, mélodies marquées par des inflexions modales puisant aux sources traditionnelles et clarté du propos formel, témoignage d’une fructueuse convergence. » À ne pas manquer.

 

 

Édith Weber.

 

« Light and Love ». 1CD RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ): ROP 6075. TT : 62’ 08.

Sous-titré : Nouvelles œuvres vocales pour le Sonux Ensemble, chœur de jeunes d’Allemagne du Nord, groupant des Ténors et des Basses du Chœur de garçons d’Uetersen, titulaire depuis 2002 de nombreux Prix de Concours. Il est associé au Sirius Quartet Strings et également au saxophoniste Stefan Küchel. Le nom Sonux mêle deux notions : le son (Sonus) et la lumière (Lux). En effet, dans le répertoire proposé, le mot Lumière (Light) apparaît fréquemment. Dès la première pièce : Light, my Light de Vytautas Miskinis (né en 1954), ensuite avec To the Light d’Ugis Praulins (né en 1957), Sacred Light d’Ola Gjeilo (né en 1978), Light & Love de Tobias Forster (né en 1973) et Light & Love d’Alwin Michael Schronen (né en 1965). Par ailleurs, l’Amour (Love) est présent dans les chants : Du bist min d’Aleksandar S. Vujic (né en 1945), des Fragment du Cantique des Cantiques de Gregor Hübner (né en 1967) et Five Hebrew Love Songs d’Eric Whitacre (né en 1970) (ici en version pour voix d’hommes). Les autres titres concernent, entre autres, l’éternité : I Saw Eternity de Paul Mealor (né en 1975). Presque toutes ces œuvres ont été composées en collaboration entre le compositeur et l’Ensemble. Il s’agit en partie d’œuvres de commande et de créations mondiales ; elles sont tout à l’honneur de Sonux qui — à l’instar du Hilliard Ensemble avec Jan Garbarek — s’est adjoint un saxophone et s’impose par son paysage vocal, la justesse des voix et la progression dynamique, grâce à la direction si précise de Hans-Joachim Lustig. Formule originale et très convaincante pour ce programme autour de deux dénominateurs communs : Light & Love.

Édith Weber.

 

Gilbert AMY, Ludwig van BEETHOVEN : Litanies pour Ronchamp. Quatuor Parisii, Dominique Vellard, Emmanuel Virstorky, chantres. Abel Billard, percussions. Solistes XXI, dir. Rachid Safir. 2CDs SOUPIR ÉDITIONS (mailto :soupireditions@gmail.com) : S 224. TT : 41’43+ 41’24 .

Ces Litanies pour Ronchamp — créées à la Chapelle Le Corbusier à Ronchamp, le 23 septembre 2005, en l’honneur du cinquantième anniversaire de cette Chapelle — ont été enregistrées en 2013 à l’Église luthérienne Saint-Marcel (Paris). Écrites pour 2 chantres solistes, ensemble vocal, quatuor à cordes et percussions, elles reposent sur des textes latins : de Jacques Horstius (XVIIe siècle), des extraits du paroissien romain et de l’hymnaire grégorien ; français (provenant du Siracide) et grecs (extrait de l’Hymne acathiste). La première partie (CD 1) commence par Audi filia et vide en plain chant, se poursuit entre autres avec des chœurs, quatuors et percussions et contient également des restitutions de plain-chant par G.-G. Nivers ou encore le Gaude Maria, polyphonie (XIe s.) restituée par Wulf Arlt, et se termine par un Adagietto (avec le compositeur au vibraphone solo). La seconde partie (CD 2), Molto Adagio, s’ouvre sur le XVe Quatuor de L. van Beethoven, très développé, auxquel s’enchaînent des pages vocales mises en musique par G. Amy, par exemple : Je vous salue, Marie pour chantre, quatuor et chœur ; Venez vers moi (Ecclésiastique) pour chœur et quatuor, suivi de Carillons pour quatuor et percussions, ou encore To Prokasthen, célèbre hymne acathiste mariale d’origine byzantine, interprétée par un chantre, un chœur et un violoncelle. En conclusion : Coda pour quatuor et percussions. Bel exemple de musique liturgique, associant tradition grégorienne monodique, polyphonie médiévale et esthétique du XXIe siècle, réalisée par l’Ensemble Solistes XXI, le Quatuor Parisii, avec le concours de Dominique Vellard, Emmauel Virstorky (chantres) et Abel Billard (percussions), tous placés sous la direction éclairée de Rachid Safir. Musique tour à tour dépouillée, tourmentée, méditative, incantatoire, calme, souple ou plus incisive et énigmatique.

 

 

Édith Weber.

 

Jean-Sébastien BACH : Goldberg Variations. Hubert Buchberger, violon, Valentin Eichler, alto, Luise Buchberger, violoncelle. 1CD KLANGLOGO (www.rondeau.de ) : KL 1504. TT : 79’ 40.

La transcription de Dmitri Sitkowetsky pour trio à cordes date de 1984, alors que les Variations Goldberg étaient primitivement prévues pour clavecin à deux claviers. Cette version est réalisée en hommage à Glenn Gould dont l’interprétation est restée gravée dans toutes les mémoires. Les 32 pièces (Air introductif, 30 Variations, reprise de l’Air introductif en conclusion) — interprétées par Hubert Buchberger (violon), Valentin Eichler (alto) et Luise Buchberger (violoncelle) — totalisent presque 80 minutes de musique. D’une Variation à l’autre, l’attention est soutenue, même si les sonorités des cordes peuvent surprendre par rapport à la version de référence. Il se dégage de l’Aria une atmosphère plus dépouillée ; en revanche, les Variations suivantes sont enlevées avec dynamisme et précision. La 4e est particulièrement méditative. Plusieurs sont tributaires de la technique du canon (à la seconde, tierce, quarte, quinte, sixte, septième, octave et neuvième), véritable prouesse compositionnelle. Les sonorités des cordes mettent les divers plans en valeur, plus que ne le font celles du clavecin. La Variation 26, plus développée, est particulièrement intériorisée. Pour sa transcription, — par rapport à l’édition originale — Dmitri Sitkowetsky a procédé à quelques adaptations (conduite des parties, ornementation et articulation spécifique aux cordes). J. S. Bach a destiné cette œuvre aux amateurs : « pour les joies de l’âme » : ce qui reste encore valable au XXIe siècle avec cette transcription.

 

Édith Weber.

 

Henri LOCHE : Embruns. 1CD TRITON (www.disques-triton.com) : TRI 331188. Diffusion ABEILLE MUSIQUE. TT : 58’ 51.

Henri Loche, né à Paris le 18 Janvier 1929, ancien Directeur du Conservatoire du XIXe arrondissement, a été l’élève de l’Inspecteur Robert Planel et, au CNSM, de Henri Challan. Il ne se réclame d’aucune école, et son œuvre se situe dans la mouvance de la musique française du XXe siècle, privilégiant la mélodie chantante et les harmonies recherchées. Le titre : Embruns se réfère à 12 mélodies sur des poèmes de Claude Évrard-Coupic évoquant la mer, les épaves, les Noyés, les escales, le grand large, mais aussi les oiseaux et les atmosphères : silence, Turbulences, Extase, Infinitude et Relâche… Elles sont chantées avec infiniment d’affinité avec les intentions du compositeur par Marie-Noëlle Cros, à la voix de soprano très expressive. Au piano, Pierre Courthiade assure les peintures d’atmosphères variées et les transitions et, en fin connaisseur, accompagne ces diverses Mélodies, tour à tour nostalgiques, descriptives, tourmentées. Il interprète également l’Impromptu du 2 mars pour piano datant de 2012, de caractère impressionniste. Le Quatuor des Volcans exécute les Quatuors n°1 et n°2 pour piano, violon, alto, violoncelle datant respectivement de 2009 et 2010. Le premier, après une introduction Largo, suivie d’un Allegro bien enlevé, comporte un Larghetto très expressif et grave contrastant avec l’Allegretto et se termine par un Allegro. Le second est structuré en 4 mouvements, de caractère méditatif : Larghetto contrastant avec un Andante assez surprenant (percutant et vivace), suivi d’un Largo calme et d’un Allegro espiègle et plein d’humour. Tous les interprètes contribuent largement et en connaissance de cause à la révélation de ces œuvres récentes de Henri Loche.

 

Édith Weber.

 

Arvo PÄRT : KANON POKAJANEN. Chœur de Chambre Aquarius, dir.  Marc Michael De Smet 2CDs JADE (www.jade-music.net) : 699 803-2. 2TT : 47’ 14+45’ 34.

Arvo Pärt, compositeur estonien, né le 11 septembre 1935 à Paide (près de Tallinn), a terminé ses études au Conservatoire de sa ville natale en 1963, tout en travaillant comme ingénieur du son entre 1958 et 1967. En 1980, il quitte son pays pour s’installer à Vienne, puis Berlin. D’abord compositeur de musique de films, il s’adonne ensuite entièrement à la musique religieuse : Passions, Magnificat, Miserere… Sa musique a essentiellement une visée spirituelle et méditative, si bien rendue par Le Chœur de Chambre Aquarius sous la direction de Marc Michael De Smet. Lors d’une interview, ce dernier rappelle que « Aquarius aime chanter des pièces longues et originales, ce qui explique le choix du Kanon Pokajanen », œuvre de repentance attribuée à St André de Crête extraite d’anciens manuscrits religieux slaves. Il s’agit d’un « rite avec des répétitions obsédantes qui incitent  les fidèles à participer à la pénitence ». Le premier CD contient les Odes (ou Hirmos :  strophe métrique) I, III, IV, V, VI dont la IIIe est très élaborée. Le second commence par le Kontakion typique de la musique orthodoxe, sorte de prédication solennelle de caractère récitatif. Il est suivi de l’Ikos sollicitant — comme le Kontakionla miséricorde et la pitié du Seigneur, et se termine, après les Odes VII, VIII, IX, par la Prière après le Kanon, particulièrement méditative et intériorisée, chantée avec une technique vocale appropriée, résultant d’un minutieux et patient travail de mise au point vocale et interprétative grâce à Marc Michael De Smet. Avec ses 24 chanteurs, ils mettent « l’accent sur les sentiments humains, dramatiques, universels ». Exceptionnel.

Édith Weber.

 

 

Agostino STEFFANI : Stabat Mater. Motets : Beatus Vir. Non plus me ligate. Triduanas a Domino. Laudate Pueri. Sperate in Deo. Qui diligit Mariam. Cecilia Bartoli, Franco Fagioli, Nuria Rial, Yetzabel Arias Fernandez, Julian Prégardien, Daniel Behle, Salvo Vitale. Coro della Radiotelevisione Svizzera. I Barocchisti, dir. Diago Fasolis. 1CD Universal Decca : 478 5336. TT.: 72'11.

Après nous avoir fait redécouvrir l'énigmatique Agostino Steffani (1654-1728), compositeur d'opéras, avec leur CD «  Mission » (cf. NL de 11/2012), Diego Fasolis et Cecilia Bartoli poursuivent leurs investigations et tirent de l'ombre quelques pièces religieuses, dont un intéressant Stabat Mater. Au fil de ses douze séquences, souvent très courtes, on retrouve ce qui avait séduit dans les arias des opéras, savoir une belle facilité mélodique et une aisance à traiter ce type de sujet plus prosaïque, en particulier par la maîtrise de l'écriture chorale. L'interprétation est plus que convaincante, et connaît même des moments de grâce comme les passages en duo réunissant Cecilia Bartoli et le contre-ténor Franco Fagioli, son clone vocal masculin. Le CD offre encore un florilège de motets, dont certains confiés au seul chœur, et d'autres où le texte est partagé entre un ou plusieurs solistes. Dans « Non plus me ligate », Cecilia Bartoli livre une cantilène quasi enjouée, entrecoupée d'une section plus grave sur un accompagnement de l'orgue positif. Le « Laudate pueri », tant connu par sa mise en musique par Haendel et Vivaldi, s'offre, entre les mains de Steffani, le luxe de deux sopranos, deux ténors et une basse, sans oublier une contribution chorale non négligeable. Bartoli et Fagioli sont de nouveau réunis pour le motet « Qui diligit Mariam ». Diego Fasolis et ses Barocchisti renouvellent l'intérêt du disque précédent par une musicalité extrême, sollicitant les nuances instrumentales innombrables que recèle la musique de Steffani. Un disque remarquable, sans pour autant se révéler aussi essentiel que les extraits d'opéras du CD « Mission » .    

 

  

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

« Arias for Caffarelli ». Airs extraits d'opéras de Johann Adolf HASSE, Nicola PORPORA, Leonardo VINCI, Leonardo LEO, Giovanni Battista PERGOLESI, Pasquale CAFARO, Domenico SARRO, Gennaro MANNA. Franco Fagioli, contre-ténor. Il Pomo d'Oro, dir. Riccardo Minasi. 1 CD Naïve : V 5333. TT.: 78'.

Les éditeurs surfent sur la vague généreuse de l'engouement pour la voix de contre-ténor et rivalisent d'ingéniosité pour offrir des programmes attrayants. Sur les pas de  Philippe Jaroussky/Farinelli voici Franco Fagioli/Caffarelli. Sans compter Max Emanuel Cencic, directeur artistique du présent enregistrement, et bien d'autres. Ils furent tous réunis récemment dans l'Ataserse de Leo. L'argentin Franco Fagioli construit son récital sur des arias écrits pour le castrat Caffarelli, rival de Farinelli, dit-on, natif de Naples et élève, lui aussi, de Nicola Porpora. Autant Farinelli était modeste, autant Caffarelli était fantasque et d'un caractère difficile, au point que ses démêlés avec ses collègues et protecteurs sont légende. Bien que ne comptant pas pour des musiques mémorables, ces arias ont pour unique fin de mettre en valeur les caractéristiques de la voix qui les portent. Qu'ils soient « de bravura », distillant en une sorte de feu d'artifice, de folles acrobaties qui se suffisaient à elles-même, à l'époque, ou « di sostenuto », c'est à dire flattant la ligne longue et sinueuse, ces airs émerveillent l'auditeur. La formidable technique de Fagioli, son timbre de contralto, nanti de notes graves proches de la voix de femme, restituent les multiples attraits de la forme da capo, la section centrale plus lente et lyrique, ou au contraire plus rapide, toujours en contraste. On y trouve aussi des schémas d'alternance lent-rapide d'une phrase à l'autre, comme dans ce morceau tiré de Domofoonte de Leonardo Leo. Il semble que la veine de ces arias soit inépuisable chez tous les compositeurs visités, car d'un récital à l'autre, il y a peu de recoupements. Des constantes les unissent cependant : la virtuosité de la voix mesurée à un instrument soliste, comme le hautbois (air de Adriano in Siria de Pergolèse, où ornementations et trilles à perdre haleine se mesurent avec l'instrument pour figurer le chant du rossignol), ou la trompette, dans plusieurs arias fort démonstratives. Tous ces morceaux sont des joyaux de beau chant, même si l'interprétation ne paraît pas toujours aussi engagée que celle d'un autre contre ténor célèbre, et si la diction laisse un peu à désirer. Les accompagnements de Riccardo Minasi, qui dirige son ensemble Il Pomo d'oro, sont des plus idiomatiques.        

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Carl Philipp Emanuel BACH : Sonates, Rondos & Fantaisie pour viole et pianoforte. Emmanuelle Guiges, viole de gambe, Daniel Isoir, pianoforte. 1CD AgOgique : AGO012. TT.: 67'35.

Fidèle à son credo artistique, le label AgOgique présente des pièces peu connues dans des interprétations soigneusement préparées. Il s'agit ici de pièces pour viole de gambe de Carl Philipp Emanuel Bach. Durant la période où il fut au service de Frédéric II de Prusse, et alors que les salons et salles berlinoises se prenaient de goût pour cet instrument, qui allait peu après sombrer dans l'oubli, il écrivit plusieurs pièces pour celui-ci, sans doute à l'intention de ses virtuoses du moment. Il prendra soin de fixer les canons de jeu, à travers cette maxime bien sentie : « Il faut jouer avec toute son âme, et non comme un oiseau bien dressé... Un musicien ne pourra jamais émouvoir sans être lui-même ému ». Ses Sonates, dites « Solo a Viola da Gamba e Basso », en do majeur et en ré majeur, respectivement de 1745 et de 1746, suivent un schéma lent-vite-lent, encore que le troisième mouvement, marqué Arioso, s'approche du menuet. La plus tardive des deux comporte un adagio introductif quasi déclamatoire, ponctué d'une courte cadence de la viole de gambe. Et son allegro central déploie un style orné, mais déjà pré-classique. La Sonata a Cembalo obligato e Viola, en sol mineur, offre une construction inverse, plaçant la séquence lente au milieu de deux allegros. Elle est jouée ici au pianoforte, qui selon la gambiste Emmnuelle Gigues, sonne mieux que le clavecin, pour nos oreilles actuelles. En effet, au larghetto, cet instrument à clavier offre au chant hautement expressif de la viole un soutien bien marqué. Le finale déploie ce que la gambiste qualifie chez CPE Bach de « virtuosité joyeuse ». Formée auprès de Jordi Savall et de Christophe Coin, elle joue un instrument à la sonorité chaude et claire. En contrepoint, on a disposé des pièces pour le pianoforte, plus tardives dans la production du compositeur. Les deux Rondos Wq 61, N° 1 et N°4, annoncent la manière de Josef Haydn, et dans le second cas, on remarque la façon originale de traiter diversement un très court thème, sorte de thème et variations en miniature. La Fantaisie Wq 59, N° 6 est plus curieuse encore, en ce qu'elle illustre l'esprit d'expérimentation qui animait le CPE Bach des années 1780, dans le changement incessant de tempo et la recherche d'un parcours accidenté, proche de l'improvisation. On passe avec une incroyable liberté de l'andante au presto d'une phrase à l'autre. Ce que Daniel Isoir restitue avec brio.     

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Antonio VIVALDI : Catone in Utica. Dramma per musica en trois actes. Livret de Pietro Metastasio. Topi Lehtipuu, Roberta Mameli, Sonia Prina, Ann Hallenberg, Romina Basso, Emőke Baráth. Il Complesso Barocco, dir. Alan Curtis. 3CDs Naïve : OP 30545. TT.: 69'25+60'11+31'23. 

Ce 55 ème opus de l'Édition Vivaldi de Naïve, et le 18 ème dans le domaine des opéras, présente une pièce peu connue. Catone in Utica narre les démêlés du sénateur romain Caton, qui en froid avec César, s'est réfugié en Numidie avec ses fidèles dont la veuve de Pompée, vaincu par l'empereur. Le problème est que César, qui s'est lancé dans une attaque du sénateur rebelle, dans la ville d'Utique, est épris de la fille de celui-ci. Autrement dit tout ce qu'il faut pour alimenter une trame partagée entre velléités guerrières et intrigues amoureuses, avec sa dose de complots et de coups bas. Créé en 1737, à Vérone, cet opéra nous est parvenu tronqué : le 1er acte manque ainsi que l'Ouverture. Ledit acte a été reconstitué, en fait réécrit, par le musicologue Alessandro Ciccolini, et on l'a assorti de l'Ouverture de l'Olimpiade. Le livret est de Matastase, ce qui est rare chez Vivaldi, quoique librement adapté par celui-ci pour les besoins de ses interprètes, au nombre desquels la cantatrice Girò, son égérie. Alan Curtis en a réalisé l'édition critique, délaissant son cher Haendel pour s'aventurer sur ces terres italiennes et leur vitale verve rythmique. Le schéma est usuel, savoir des récitatifs assez longs et de arias sur le mode da capo. Un seul et court duo apparaît au troisième acte, qui voit d'ailleurs l'action singulièrement se condenser pour aboutir au lieto fine, après que la catastrophe ait été déjouée. La présente interprétation offre, comme toujours au fil des réalisations de cette Édition Vivaldi, des performances vocales abouties. De manière originale, le personnage de César est confié à une mezzo-soprano : Roberta Mameli y fait montre de bravoure, n'était un début précautionneux. De même, le rôle de Caton est-il dévolu à un ténor. Topi Lehtipuu lui prête les plus dramatiques accents, dont ce « Rome est tout en moi ».  Ann Hallenbeg ajoute à sa couronne la partie d'Emilia, la veuve de Pompée, qu'elle pare de vocalises osées, dont un dernier air, martial avec accompagnement de cors, au très large ambitus, pour décrire la fureur de la femme vengeresse. Mais ce sont bien deux voix de mezzo-contraltos qui dominent les débats : Sonia Prina, Marzia, dont le superbe timbre grave s'allie à un engagement réellement impressionnant, et Romina Basso, qui s'affirme comme sa challenger par un pareil beau métal grave. Alan Curtis prête toute son expertise à cette pièce revisitée, dont il magnifie l'invention mélodique, en particulier dans les introductions instrumentales aux airs, et la sûre rythmique des ritournelles enlevées, sans dureté. Son ensemble Il Complesso Barocco, fort dune vingtaine de musiciens, est en tous points remarquable.

 

  

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Wolfgang Amadé MOZART : Missa longa en ut majeur, K 262. Litanae de venerabili altaris sacramento en mi bémol majeur, K 243. Sylvia Schwartz, Elisabeth von Magnus, Jeremy Owenden, Florian Boesch, Arnold Schoenberg Chor. Concentus Musicus Wien, dir. Nikolaus Harnoncourt. 1DVD Eur0Arts : 2072638. TT.: 73'. 

Ce concert, donné le 29 juillet 2012, en la cathédrale de Salzbourg, dans le cadre de l'Ouverture spirituelle du Festival, imaginée par l'intendant Alexander Pereira, présente deux œuvres religieuses du jeune Mozart. Le musicien salzbourgeois, alors au service du Prince archevêque Colloredo, a beaucoup écrit pour l'église, et ces pièces ne sont pas les premières ni les dernières de cette période. Elles datent de l'année 1776, durant laquelle Mozart traverse une crise de désarroi, celui dans lequel le plonge la pauvreté de la vie musicale de Salzbourg, et les exigences de l'intraitable Colloredo, qui au lieu de le laisser naturellement se diriger vers la scène, ne lui autorise que des messes et autres sonates d'église. La Missa longa, K 262, est conçue sur le modèle de la messe solennelle, et sa durée excède la demi heure. Elle requiert un orchestre fourni, notamment aux vents, et quatre solistes outre le chœur. Il en émane un climat d'une religiosité plus gaie que fervente, car comme le dit l'auteur « je m'amuse à écrire de la musique d'Église ». Il y fait montre d'une grande liberté de ton, et même de forme, par un usage très diversifié du contrepoint, comme pour se dégager du carcan dans lequel il se sent mal à l'aise. Harnoncourt restitue cette presque exubérance. Les Litanae de venerabili altaris sacramento, pour le dimanche des Rameaux, tout juste antérieures à la messe, déploient une plus grande liberté encore, dans la tonalité, rare à l'église, de mi bémol majeur. La distribution vocale offre aussi des traits particuliers. Mozart ne prête-t-il pas au ténor des vocalises au « Panis vivus », ou n'accompagne-t-il pas le duo des deux voix féminines de la flûte et du hautbois, au « Dulcissimum convivium » ? Le chant peut aussi se faire pathétique, avec bassons et de trombones au « Tremendum ». On est ici bien proche du théâtre. La manière d'Harnoncourt est, comme toujours, extrêmement attentive et active, comme se plait à le souligner la prise de vue : gestes impérieux, yeux sévères, texte murmuré en même temps que les chanteurs, et chœur fermement tenu en mains. Son orchestre du Concentus Musicus, sous la houlette de son premier violon Erich Holbarth, épouse ses plus infimes volontés. Des pièces, certes, pas toujours des plus aisées, à la différence des grandes messes plus tardives ou du Requiem, mais bénéficiant d'une exécution de haut vol. La captation filmique donne à voir les multiples beautés du Dom de Salzbourg, magnifiquement éclairé, comme il l'est rarement, même durant les grands offices, et en particulier les immenses tapisseries habituellement conservées au Musée de l'édifice.  

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

« The Wigmore Hall recital ». Franz SCHUBERT : sonate en la mineur pour aparggione et piano, D 821. Johannes BRAHMS : Trois intermezzi pour piano op. 117, Sonate pour violoncelle et piano N° 1 en mi mineur, op. 38. Felix MENDELSSOHN : Romance sans parole pour violoncelle et piano, op. 109. Jean Sébastien  BACH : Pastorale en la majeur BWV 590. Maria João Pires, piano,  Antonio Meneses, violoncelle . 1CD Universal DG : 479 0965. TT. : 76'34.

Voilà un bien beau disque de musique de chambre, retraçant les étapes d'un programme donné en concert dans la salle légendaire de Wigmore Hall à Londres, haut lieu du genre s'il en est par son intimité et son acoustique idéale. Il réunissait deux complices de toujours, la pianiste Maria João Pires et le celliste Antonio Meneses, autour de Schubert et de Brahms. On sait les attraits de la Sonate écrite pour l'arpeggione, cet instrument aujourd'hui quasi disparu, qui tenait de la guitare et du violoncelle, ou «guitare d'amour », imaginé en 1823, par le luthier viennois Johann Georg Staufer. La facture de la pièce est de plus agréables, destinée à mettre en valeur les possibilités de l'instrument, ici le violoncelle, comme souvent : allegro moderato s'ouvrant par un thème mélancolique avant de céder la place à quelque passage plus vif, cantilène en forme de lied de l'adagio médian, et rondo final plaisant de par sa tournure enjouée. Pires et Meneses en extraient les saveurs et le charme, de la plus naturelle manière. Il en va de même de la première sonate pour violoncelle et piano de Brahms, dont le langage se caractérise par sa simplicité et sa poésie pastorale. Ce qui se vérifie au fil de trois mouvements écrits sur le mode allegro, l'œuvre ce comportant pas de mouvement lent. Les deux interprètes abordent les deux premiers avec une belle fusion et ne se lâcheront qu'au finale fiévreux, de style fugué. On devine entre les deux musiciens une entente totale, et l'on sait que Maria João Pires est à son meilleur dans cet échange chambriste. En guise d'intermèdes, ils jouent encore une Romance sans parole de Mendelssohn, et Pires seule les Trois intermezziop 117 de Brahms, au style dépouillé, celui des dernières années. Le premier est inspiré d'une berceuse écossaise, le second, plus sombre, presque agité, fait penser à Mendelsshon et à certaines de ses Romances sans paroles, le dernier développe un climat presque funèbre. Un territoire peut-être moins familier pour la pianiste portugaise, pas moins sensible à la poétique secrète de ces pièces toutes en demi-teinte.

 

  

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Franz SCHUBERT : Sonate pour piano N° 18, en sol majeur, D. 894. Wolfgang Amadé MOZART : Rondo en la mineur, K. 511. Ludwig van BEETHOVEN : Bagatelles, op. 126. Menahem Pressler, piano. 1 CD La Dolce Volta : LDV12. TT.: 74'56.

Celui qui fut l'âme du légendaire Beaux Arts Trio durant quelques cinq décennies, mettant largement entre parenthèses sa carrière de soliste, nous revient pour un récital émouvant. Car Menahem Pressler, pour fêter ses 90 printemps, se propose d'illustrer une tradition viennoise à laquelle il est viscéralement attaché, où l'on sort du classicisme pour s'ouvrir à des horizons de liberté et d'expression nouvelles, dans toutes les formes de musique, et au piano en particulier. « Les joutes musicales révèlent des confidences toujours plus audacieuses » dit-il. Mozart, avec le Rondo K. 511 (1787), livre une confidence angoissée, déchirante, comme un adieu, que la fluidité du discours de Pressler rend encore plus bouleversante, mélange de tristesse et de joie aussi. La section centrale de cette courte pièce révèle un chromatisme étonnamment « moderne », qui annonce déjà Chopin. Les Bagatelles op 126 (1825) sont les dernières grandes pièces pour le piano laissées par Beethoven. Contemporaines de la IX ème symphonie, ces « petites choses », comme il les appellera, sont emplies de fantaisie, avec une opposition entre forces antagoniques. La vélocité de Pressler dans les passages rapides est éblouissante, tel le presto rageur qui clôt la sixième pièce, comme est envoûtante l'atmosphère qu'il dégage des morceaux plus nostalgiques. La Sonate D. 894 de Schubert (1826) se présente comme une fantaisie, particulièrement au premier mouvement, « une pièce pianistique dans laquelle Schubert aurait 'oublié' le piano », tant « il passe outre les contraintes sonores de l'instrument », souligne Menahem Pressler. Chez celui-ci, s'établit d'emblée une impression d'improvisation, qui s'étend d'ailleurs à l'ensemble de la sonate. Il émane aussi de cette interprétation un climat méditatif : questionnement né de la juxtaposition de deux thématiques, l'une paisible et lyrique, l'autre ferme et plus dramatisée. Le menuetto est « une valse impossible à danser », constate le pianiste, entrecoupé d'un bref trio, en forme de landler, divinement chantant dans sa simplicité. Le finale, Pressler le voit dans un tempo retenu, ses diverses séquences enchaînées très librement, avec au détour d'une phrase, un épisode plus mélancolique. Un disque merveilleux de sérénité, témoignage d'un art souverain.    

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Robert SCHUMANN : Waldzenen, op. 82. Sonate N° 2 pour piano, en sol mineur, op. 22. Gesänge der Frühe, op. 133. Mitsuko Uchida, piano. 1CD Universal Decca : 478 5393. TT.: 59'05.

Ce programme réunit trois exemples de facture bien différente du piano de Schumann. La composition de la Sonate op. 22, publiée en 1839, remonte à 1830, alors que le musicien esquisse le mouvement lent, inspiré d'un lied composé peu avant sur un poème de Justinus Kerner. Il préjuge peu de la manière du reste d'une œuvre caractérisée par sa grande impulsivité. Avec le vivacissimo par lequel elle débute, rarement entrée en matière aura été aussi véhémente : marqué « aussi vite que possible », c'est une succession de vagues déferlantes, qui doivent être jouées « plus vite » et « encore plus vite ». De ce vrai challenge Mitsuko Uchida triomphe aisément. Le court scherzo sera tout aussi marqué. Et le rondo final est on ne peut plus agité, quoique traversé, à deux reprises, par une brève séquence plus lyrique. Cet aspect tumultueux du discours, ici tourbillonnant, fait écho au mouvement initial. Les Waldszenen (Scènes de la forêt), datent de 1848, et leur substrat littéraire est évident, la chasse, les ombres et lumières de la forêt. Mitsuko Uchida tisse les liens secrets qui unissent ces pièces et dévoile leur dramaturgie enfouie : phrases tortueuses évoquant quelque endroit sombre (« Lieu maudit ») ou pages enjouées (« Paysage souriant »), ou encore poésie évanescente de « L'oiseau prophète » et les divers climats de ce morceau célèbre. Les Chants de l'Aube (Gesänge der Frühe), op. 133, de  1853, ont été composés pour le violoniste Joachim, qui avait ménagé la première rencontre avec Brahms. La référence littéraire est ici Friedrich Hölderlin et son « An Diotima », l'héroïne du roman Hyperion, femme d'une grande beauté. C'est le Schumann visionnaire des dernières années, et l'aube célébrée est plus métaphysique que naturaliste, évocation « des sensations engendrées par l'approche et l'émergence progressive du jour », dira le musicien. De ces cinq pièces, d'un calme apparent, car combien mues par l'urgence, Uchida livre une vision profondément cohérente, habitée par la grâce. On perçoit une extrême affinité avec l'idiome schumannien, comme il en va de son interprétation des deux autres œuvres.           

 

   

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Karol SZYMANOWSKI : Symphonies No 3, op. 27 « Le chant de la nuit »,  & No 4, op. 60. Stabat Mater, op. 53. Toby Spence, Ekaterina Gubanova, Sally Matthews, Kostas Smorigenas. Denis Matsuev, piano. London Symphony Chorus. London Symphony Orchestra, dir. Valery Gergiev. 1CD LSOlive : LSO0739. TT. : 69'59.       

Voici le second volume des symphonies de Karol Szymanowski, dû à l'affiche LSO/Gergiev. Il est loin le temps où le compositeur polonais n'était joué que dans sa patrie. Considéré aujourd'hui comme un des ambassadeurs de la musique polonaise, des chefs comme Simon Rattle, Pierre Boulez, et maintenant Valery Gergiev, n'hésitent pas à le programmer au concert et au disque. La Troisième symphonie, op 27, titrée « Le chant de la Nuit », comporte une partie vocale pour chœur et ténor solo, dont le texte est emprunté à un poète soufi persan du XIII ème siècle, Djalal ad-Din Rumi. Elle traduit l'attrait du musicien pour l'Orient et ses mystères. Et aussi une manière impressionniste, inspirée des confrères français, quoique dans un sens bien différent. Comme encore une volonté de créer un climat d'extase sonore, proche de la transe, qui n'est pas sans évoquer Scriabine.  Gergiev en livre la luxuriance, fruit d'un instrumentarium impressionnant, de percussions en particulier, et l'extrême raffinement sonore. La contribution de la voix claire du ténor Toby Spence est à souligner. La symphonie N° 4, de 1932, une des dernières compositions de Szymanowski, requiert des forces moins nombreuses. Dédiée à l'ami Arthur Rubinstein, c'est en fait une pièce concertante pour piano et orchestre. Si le rôle du piano est déterminant, c'est d'une manière bien différente des compositions contemporaines de Prokofiev et de Bartók. Szymanowski y fait œuvre de synthèse entre folklore réimaginé et retour à la musique pure. Denis Matsuev le joue grande manière, ce qui n'évite pas une certaine dureté dans la cadence concluant l'andante médian, ou au finale, qui emprunte au rythme marqué de la danse polonaise de l'oberek, souvent trépidante. Le CD offre encore le Stabat Mater, conçu comme une sorte de « requiem paysan », sur la traduction en polonais, due à Józef Jankowski, du texte latin. La pièce est un manifeste du credo artistique du musicien, qui s'attache à éviter toute théâtralisation de la douleur de la vierge pour retrouver une spontanéité naïve. Constituée de six brèves séquences, elle offre des tonalités sombres et des harmonies envoûtantes, notamment chez l'un de solistes, voix de mezzo, ici magnifiquement illustrée par le timbre chaud de Ekaterina Gubanova.  

 

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Piotr Ilyich TCHAIKOVSKY : concerto pour violon op. 35. Bela BARTÓK : concerto pour violon N° 2, Sz. 112. Isaac Stern, violon. Swiss Festival Orchestra, dir. Lorin Maazel (Tchaikovsky), Ernest Ansermet (Bartók). 1CD Audite : 95.624. TT.: 69'43.

Autres trésors tirés des archives du Festival de Lucerne, ces interprétations du violoniste Isaac Stern se signalent par leur spontanéité. Rares sont chez lui les enregistrements live. Il se produisit à Lucerne une dizaine de fois entre 1948 et 1988, en tant que soliste mis aussi que chambriste, notamment au sein du fameux Trio qu'il forma avec Leonard Rose et Eugène Istomin. Son credo, selon lequel le plus grand crime d'un musicien est « de jouer les notes au lieu de faire de la musique » se vérifie ici. Le concerto de Tchaikovsky brille dans cette exécution d'août 1958, d'une vie intense, grâce d'ailleurs à la direction énergique du jeune Lorin Maazel, un peu carrée, mais sans rien perdre de son caractère épique. De cet incontournable, Stern livre une interprétation impulsive, d'un lyrisme échevelé à la Canzonetta, et d'un brio de tous les instants aux deux mouvements extrêmes, n'hésitant pas à prendre le maximum de risques dans la course effrénée du Vivacissimo final, véritablement endiablé. L'expression est privilégiée sur la recherche du beau son. Le deuxième Concerto de Bartók, saisi en août 1956, le réunit à Ernest Ansermet. Figure de légende s'il en est, le maestro helvète a beaucoup œuvré pour la reconnaissance de la musique dite contemporaine. Sous sa direction, toute la modernité de la pièce - sa nouveauté encore à l'époque, moins de vingt après sa création - est mise en évidence, et ce support est décisif dans l'interprétation du violoniste : expression tendue, mélange de mystère et d'énergie panique au premier mouvement, cantabile envoûtant de la suite de variations que constitue le deuxième, où le passage concertant avec la percussion est d'une audace qui encore aujourd'hui ne laisse pas d'étonner, pulsation primaire au finale, le violon surnageant dans un océan de lyrisme extraverti. Cette exécution sur le vif illustre cette stupéfiante témérité qui prévalait à l'époque quant à la façon d'exécuter la musique de Bartók : le grand geste prime sur le souci du détail, l'énergie sur la pure beauté plastique, le jeu impulsif sur la manière mezza voce ; à la différence de l'interprétation récente, souverainement maîtrisée, d'Isabelle Faust. On ajoutera que les enregistrements sont d'une étonnante présence pour leur âge, ajoutant à leur aura.  

 

  

Jean-Pierre Robert.

 

 

Bernt Alois ZIMMERMANN : Die Soldaten. Opéra en quatre actes. Livret de l'auteur d'après la pièce éponyme de Jakob Michael Reinhold Lenz. Alfred Muff, Laura Aikin, Tomasz Konieczny, Renée Morloc, Gabriela Benackova, Matthias Klink, Tanja Ariane Baumgartner, Daniel Brenna, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Reinhard Mayr, Boaz Daniel. Wiener Philharmoniker, dir. Ingo Metzmacher. Mise en scène : Alvis Hermanis / Salzburger Festspiele 2012. 1DVD EuroArts : 2072588. TT.: 122'.

Ce DVD est la captation du spectacle qui fut la grande révélation du Festival de Salzbourg 2012 (Cf. NL de 10/2012). Rares sont les exécutions de l'unique opéra de Zimmermann, Les Soldats, créé à Cologne en 1965, tant il réclame des moyens hors normes, en termes de distribution vocale et d'effectifs musicaux. Et bien sûr de mise en scène, à la hauteur d'un « Literaturoper » dont l'auteur dit qu'il « expose une situation dont l'origine se trouve dans le futur et qui menace le passé ». On ne pouvait imaginer lieu plus désigné que la Felsenreitschule de Salzbourg pour donner vie à une œuvre dont le gigantisme est la caractéristique première. Le film restitue avec autant de fidélité que possible l'immensité du dispositif scénique épousant la vastitude d'un lieu lui-même hors du commun, permettant de dégager divers plans simultanés, comme le requiert une action qui multiplie scènes et situations. Mais aussi la constante inventivité de la régie d'Alvis Hermanis, dont la direction d'acteurs, millimétrée, ne laisse rien au hasard : de compositions d'une vérité théâtrale inouïe, dans l'attitude, le geste, le regard. A cet égard, la caméra scrute des détails qu'on ne perçoit pas toujours suffisamment durant la représentation, accaparé que l'on est par l'impression d'ensemble et le fourmillement des jeux de scène. Cette réappropriation du détail, certes par essence arbitraire, reste judicieuse, et l'équilibre est habilement assuré entre plans rapprochés et vues d'ensemble, maintenant en haleine. Les échanges intimistes, qui se détachent sur la vie désordonnée, quoique obéissant à ses propres codes, du cantonnement soldatesque, y gagnent en intensité. Et les portraits en ressortent  saisissants. Les images sont à couper le souffle, dans le genre naturaliste (un concentré des fantasmes sexuels, poussés à un paroxysme à peine soutenable parfois), comme dans leur portée émotionnelle. Le parcours de déchéance de l'héroïne, Marie, n'en est que plus bouleversant, dans ce mélange attrait-repoussoir du mâle, et une irrésistible descente aux enfers. Le lent va et vient, réglé comme un ballet, à l'arrière plan, des hommes affairés aux travaux militaires, comme celui des chevaux flanqués de leurs sveltes écuyères, apportent une fluidité originale, et bénéfique, à ce qui pourrait, au premier degré, n'apparaître que traitement grossier de la vie de caserne. L'exécution musicale est de premier ordre, chaque maillon d'une distribution pléthorique étant parfaitement en phase avec un chant, lui aussi hors norme. La prestation de Laura Aikin s'en détache. Mais dans ce creuset incandescent tous sont d'une force peu commune. Ils le doivent autant au metteur en scène qu'à un chef, Ingo Metzmacher,  en formidable empathie avec la phénoménale orchestration de Zimmermann. Aidé, il est vrai, par des Wiener Philharmoniker qui la transfigurent par leurs éminentes qualités. Une version qui s'impose d'emblée comme une sorte de référence, difficilement égalable par ses futurs concurrents. Car la présente réalisation salzbourgeoise a depuis suscité des émules parmi les grandes maisons d'opéra.      

 

     

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

« Douce France ». Mélodies de Reynaldo HAHN, Camille SANT-SAËNS, Gabriel FAURE, Maurice RAVEL, Claude DEBUSSY, Charles Martin LOEFFLER. Chansons de BARBARA, Norbert GLANZBERG, Léo FERRE, Francis LEMARQUE, Mános HADJIDÁKIS, Michel LEGRAND, Joseph KOSMA, Léo CHAULIAC & Charles TRENET, Georges MOUSTAKI, Reynaldo HAHN, LOUIGUY & Marguerite MONNOT, Jean LENOIR. Anne Sofie von Otter, mezzo-soprano. Bengt Forsberg, piano, Antoine Tamestit, alto. Et Per Ekdahl, percussion, Carl Bagge, piano, Mats Bergström, guitare, Olle Linder, basse, Bengan Janson, accordéon, Margareta Bengtson, voix et harpe, Karl Olanderson, trompette, Magnus Wiklund, trombone, Ulf Forsberg, Anders Jakobsson, violon, Malin Broma, alto, Kati Raitinen, violoncelle. 2CD Naïve : V 5343. TT.: 50'55+54'56.  

Anne Sofie von Otter aime croiser les genres, en musique française notamment, et son habileté à passer de la mélodie à la chanson est confondante. Cette double anthologie démontre à l'envi que la frontière est finalement bien ténue entre la chanson populaire et la mélodie savante. Plusieurs compositeurs du XXe siècle se sont essayés aux deux. Il n'est que de penser à Francis Poulenc, Auric, et surtout à Reynaldo Hahn. A l'inverse, plus d'un grand de le chanson est allé cueillir ses textes en territoires littéraires, Ferré par exemple avec Apollinaire pour « Le Pont Mirabeau ». Le premier CD déroule un bouquet de mélodies à la tonalité mélancolique, s'aventurant en territoires peu connus, telles ces pièces de Charles Martin Loeffler (1861-1935), proche de la manière de Fauré, où la présence de l'alto aux côtés du piano apporte une saveur singulière. Ainsi de cette bien curieuse « Sérénade », bercée au son des pizzicatos de l'instrument à corde. La manière de la chanteuse fuit l'effet, et la diction est rien moins qu'exemplaire. Des Chansons de Bilitis de Debussy, où la diseuse est si proche de Mélisande et de sa nostalgie exquise, aux petites pièces de Reynaldo Hahn, habitées de langueur (« L'Heure exquise ») ou de la joliesse du style ancien (« Quand je fus pris au pavillon », des romances de Saint-Saëns aux mélodies sur le mode antique de Ravel, tout n'est ici que beauté. Comme dans ce seul Fauré, mais de poids, « Le Secret », discrète déploration de la séparation, inspirée de Verlaine. L'alchimie du mot et de la musique est suprême, et la chanteuse ne cherche pas à s'affranchir des limites du territoire de la mélodie, se refusant à toute forme d'éloquence excessive. Ce qui conserve à ces pièces leur juste caractère intimiste. Leur écriture pianistique est souverainement habitée par Bengt Forsberg

 

Comme révélé dans son disque avec Brad Meldau, il y a deux ans, Anne Sofie von Otter est tout autant chez elle dans l'univers singulier et plus libre de la chanson populaire. Certes, abordées par une voix formée au « classique », ces vignettes évoquent plus la nostalgie, un brin intellectuelle, que la joie simple qu'y instillaient un Trenet ou un Montant. Mais comment résister au charme ensorcelant et à l'art de la demi teinte, et surtout au ton juste qu'y met l'interprète. Son « A Saint-Germain-des-Près » est une merveille de goût. « Douce France », finement agrémentée dans le présent arrangement, offre une nonchalance bien différente de celle de son interprète fétiche, mais pas moins convaincante. « Boum » a de l'esprit, une autre forme de fantaisie. « La vie en rose » n'a, bien sûr, pas la gouaille qu'y mettait Piaf, mais von Otter transfigure la chanson avec une rare distinction dans l'élocution, le mot murmuré, comme dans la mélodie savante, et l'élève au rang de morceau de choix. Les arrangements, pour la plupart de Per Ekdahl, sont judicieux et enveloppent la voix d'un halo chaleureux.       

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

« Duo de harpes ». Geneviève Chevallier & Christine Fleischmann, harpes. 1CD GALLO : 1401. TT : 53’17.

Un superbe enregistrement, surprenant au demeurant, puisque ne comportant que des duos de harpes, magnifiquement conduits par Geneviève Chevallier et Christine Fleischmann. Un répertoire, comme on s’en doutera certainement, assez limité, faisant appel à des commandes auprès de compositeurs contemporains (Caroline Charrière et William Blank) ainsi qu’ à des compositeurs méconnus des XVIIIe et XIXe siècles (John Thomas et Pierre d’Alvimare)  fruits de recherches musicologiques assidues, ne laissant place qu’à de rares arrangements ou transcriptions (Debussy). Un jeu plein de charme et de poésie, lumineux et varié, à l’origine de climats tous différents, toujours justes et pertinents, emplis de délicatesse et d’émotion, parfaitement adaptés aux diverses œuvres. Une superbe découverte !

 

    

                                                                                                                               Patrice Imbaud.

 

 

BACH, CORETTE, GEMINIANI…Transfigurations. Les Esprits Animaux. Ambronay Editions : AMY039. TT : 71’55.

Transfigurations nous propose un voyage à travers les variations, transformations et métamorphoses au cœur de la musique baroque, guidés par ce jeune ensemble prometteur, Les Esprits Animaux, constitué en 2009. De la passacaille de Pez (1664-1716) à la fugue de Bach (1685-1750) de la sonate de Geminiani (1687-1762)… aux chansons à boire… de la partition à l’improvisation, voila un itinéraire bien déroutant, et pour le moins confus, qui pourra,  peut être, séduire quelques inconditionnels de la musique baroque…Audacieux et éclectique, certes, mais…

 

                                                                                                                                     Patrice Imbaud.

 

 

Luciano BERIO, Elliott CARTER., Franco DONATONI, Heinz HOLLINGER, Ysang YUN. Solos pour harpe. Frédérique Cambreling, harpe. 1CD La Folia Madrigal : LFM12061. TT : 53’14.

Un disque rare et original regroupant des œuvres contemporaines, composées entre 1962 et 1992,  pour harpe solo, interprétées par Frédérique Cambreling, soliste de l’Ensemble Inter-Contemporain. Des œuvres toutes différentes, exigeantes, qui font pénétrer l’auditeur dans une constellation sonore peuplée d’images et de mystère, où le son comme spatialisé, diffracté, interroge, puis surprend, pour enfin séduire. Des compositions utilisant toutes les possibilités techniques et acoustiques de l’instrument, où le temps parait comme suspendu, la harpe se faisant médiatrice entre le ciel et la terre. Une méditation, un voyage, magnifiquement servi par  le jeu superlatif de Frédérique Cambreling.

 

 

                                                                                                                                  Patrice Imbaud.

 

 

Michelangelo FALVETTI : Il Dialogo del Nabucco. Cappella Mediterranea & Chœur de Chambre de  Namur, dir. Leonardo Garcia Alarcon. 1CD Ambronay Editions : AMY036. TT : 78’18.

Encore un disque qui témoigne de l’inlassable curiosité musicologique du jeune chef argentin Leonardo Garcia Alarcon, en résidence à Ambronay depuis 2007. Après Il diluvio universaleen 2011, voici un nouvel opus de Michelangelo Falvetti (1642-1692), Il Dialogo del Nabucco. Compositeur d’origine calabraise, Falvetti fit la majeure partie de sa carrière de musicien en Sicile où il fut maitre de chapelle du Duomo de Palerme. Il Dialogo del Nabucco, exécuté à Messine en 1683, est un oratorio s’inspirant d’épisodes bibliques, racontés dans les deuxième et troisième chapitres du Livre de Daniel. Il est centré sur les trois personnages Anasias, Azarias et Misaël qui, pour n’avoir pas voulu adorer la statue de Nabucco, furent jetés dans les flammes d’où ils sortirent toutefois indemnes après l’intervention divine. Plus intéressant encore est le message politique sous tendu par cet oratorio où Falvetti se fait le porte parole de la résistance des habitants de Messine face à la domination espagnole. Un oratorio qui dépasse le cadre religieux ou esthético-musical habituel, un enregistrement d’une rare présence, un discours clair, riche en couleurs, servi par un casting vocal sans reproches et un instrumentarium original laissant une large place aux percussions. Une réussite musicale totale. Magnifique ! 

 

                                                                                                                                     Patrice Imbaud.

 

 

Claude DEBUSSY : Reflets dans l’eau. Kotaro Fukuma, piano. 1CD Editions Hortus : HORTUS 113. TT : 70’49.

Un disque autour de la thématique du scintillement de l’eau, emprunté à l’œuvre de Claude Debussy (Arabesques, Images, Ondine, La Cathédrale engloutie, Estampes, clair de Lune, L’Isle Joyeuse) co-edité en collaboration avec le label Denon, à partir d’un enregistrement datant de 2012, effectué au Japon sur un piano Steinway de 1912, contemporain du compositeur. Le simple thème du scintillement de l’eau évoque en premier lieu l’œuvre de Debussy, toute en transparence, limpidité, délicatesse dont rend parfaitement compte le jeu de Kotaro Fukuma qui nous avait déjà enthousiasmé avec son précédent disque consacré à Albeniz (Iberia), déjà sous le label Hortus. Un disque qui, toutefois, va bien au delà de toute musique à programme, conçu plutôt comme une errance imaginaire, une invitation au voyage.  Reflets dans l’eau, Hommage à Rameau et Mouvement sont tirés de la première série des Images (1905) qui fut retravaillée par le compositeur lors de son séjour à Eastbourne où, soit dit en passant, il découvrit le piano Blüthner qui l’accompagnera le reste de sa vie !! La deuxième série d’Images (1907) comprenant Cloches à travers les feuilles, Et la lune descend sur le temple qui fût et Poissons d’or nous plonge dans une ambiance tour à tour rurale,  exotique et aquatique, la dernière pièce étant inspirée d’un panneau de laque japonais représentant deux carpes évoluant gracieusement sous une branche de saule, tableau conservé aujourd’hui au musée Debussy à Saint Germain en Laye. Les deux Arabesques, d’inspiration mauresque, datent de 1888, tandis que le premier livre des Préludes date de 1910. Il  comprend notamment La Cathédrale engloutie sur un rythme de valse lente qui évoque la légende celtique de la ville engloutie d’Ys, lieu de naissance d’Iseult, qui apparait une fois l’an à travers la brume marine au son des cloches de sa cathédrale, avant de sombrer à nouveau. Ondine appartient, quant à elle, au deuxième livre des Préludes (1912-1913), et Estampes (1903) témoigne de l’engouement du compositeur pour les estampes japonaises et de l’importance du support pictural dans son inspiration, tandis que l’Isle Joyeuse (1904) apparait comme une allusion à une escapade à Jersey avec Emma Bardac. Un enregistrement d’une grande poésie où la musique sait se faire le support d’émotions et d’images chargées à la fois de mélancolie et d’enthousiasme. Un bien bel hommage à Debussy.

 

                                                                                                                                     Patrice Imbaud.

 

                                                    

Thomas LACÔTE : The Fifth Hammer. Thomas Lacôte, Ghislain Leroy, Martin Tembremande, Angèle Dionnau-Kasser, Orgue de la Trinité, Paris. Antonino Mollica, saxophone. 1CD Editions Hortus : HORTUS 106. TT : 69’03.

Un titre insolite qui nous place sur les traces du mythe de la forge de Pythagore. Mythe fondateur de la musique puisque c’est en passant près d’une forge que Pythagore entendit des coups de marteaux dont les différents sons produisaient un accord harmonieux… Au delà de tout exercice de style, compositions, interprétations ou improvisations, en solo, à quatre mains, ou en association avec un saxophone (Antonino Mollica), voila bien un disque particulièrement séduisant et envoûtant qui nous donne à entendre différentes compositions de Thomas Lacôte, organiste titulaire de l’orgue de la Trinité à Paris (Aristide Cavaillé-Coll) tribune où officia pendant de longues années Olivier Messiaen. Lourd héritage, audacieux défi et réussite totale pour ce disque où l’orgue apparait dans tous ses états, dans une palette riche en couleurs, parfois proches de la musique spectrale. Des œuvres d’inspirations littéraires et poétiques, révélant un intense travail, parfois surprenant, sur les associations timbriques. Un disque original qui séduira tous les amateurs d’orgue et de musique vivante.

 

                                                                                                                                     Patrice Imbaud.

 

 

« Mandoline». Florentino Calvo, mandoline. 1CD La Folia Madrigal : LFM 1241. TT : 79’24.

Un disque qui présente, de façon un peu indigeste, un mélange d’œuvres contemporaines et baroques pour mandoline solo. Un disque qui aurait mérité une notice didactique et explicative explicitant le pourquoi et la pertinence d’un tel choix, au lieu d’un modeste feuillet d’une rare indigence nous présentant le CV de Florentino Calvo, sans un seul mot concernant les compositeurs !  Dans ces transcriptions pour mandoline, la Suite n°1 pour violoncelle et la Chaconne de Bach perdent à la fois leur profondeur et leur sublime legato. Les autres œuvres contemporaines n’apparaissent pas plus convaincantes. Un mélange de genre qui, du coup, parait  aussi étrange que bizarre, où personne ne s’y retrouve vraiment, ni Bach, ni les autres (Calace, Laurent, Campo, Leone, Beer-Demander). Un enregistrement qui ne peut trouver son public qu’auprès des amateurs inconditionnels de la mandoline car, ni la musique baroque, ni la musique contemporaine, ne s’en trouvent grandies, malgré une interprétation de qualité…Ce qui est dommage !

 

                                                                                                                                    Patrice Imbaud.                            

 

 

Sergei RACHMANINOV : « Heritage. Works for two pianos ».Alexander Kobrin,  Frédéric d’Oria-Nicolas, pianos. 2CDs Fondamenta : FON-1302011. TT : 49’25+34’33.

Encore un somptueux coffret proposé par le label Fondamenta, consacré aux œuvres pour deux pianos de Serge Rachmaninov. Une très belle réalisation technique et musicale, concrétisant l’amitié ancienne de deux pianistes, tous deux anciens élèves de l’Académie de Musique Gnessin de Moscou. Les deux Suites et les Danses Symphoniques pour ce portrait du compositeur russe, ont été enregistrées dans la grande salle de l’Arsenal de Metz. Une musique éminemment romantique toute empreinte de la douleur de l’âme et de la souffrance de l’exil. La Suite n°1, fut composée en 1893, à l’âge de 20 ans, et dédiée à Tchaïkovski. D’inspiration poétique (Lermontov, Byron, Tiouttchev, Homiakov), sa ligne mélodique d’une extrême finesse, tour à tour mélancolique ou lumineuse, laisse pressentir de lugubres oracles, où les cloches, comme des larmes, annoncent avec une angoisse grandissante, aux accents tchékhoviens, l’approche de la guerre et la chute du régime tsariste. La Suite n°2, datant de 1901, apparait, à l’inverse, moins sombre, toute imprégnée de la joie de la renaissance, survenant après plusieurs années de dépression. Les rythmes de danse (Marche, Valse, Romance, Tarentelle) s’y succèdent dans un lyrisme tourbillonnant, caractéristique du compositeur. Les Danses  Symphoniques, dernière composition de Rachmaninov, datant de 1941, comme un chant du cygne, mêlent accents autobiographiques et nostalgie, réminiscences musicales, aspirations spirituelles et noires prémonitions où l’on retrouve encore les cloches, comme un leitmotiv du destin. Un très beau disque, des jeux pianistiques qui se fondent dans une superbe symbiose, et plus encore, dans une sorte d’égrégore musical qui nous transporte. « Alléluia ! » comme l’écrivit Rachmaninov, sur la partition, à la fin du 3e mouvement de la version orchestrale des Danses.

 

                                                                                                                                    Patrice Imbaud.

 

 

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MUSIQUE ET CINEMA

 

Haut

             

Portrait de Pierre Bertrand compositeur, saxophoniste

« Moly » raconte la vie d’un  jeune handicapé sénégalais de 22 ans, sorti major de sa promotion, qui se bat pour être accepté par la société. Il cherche un emploi pour soutenir sa famille mais il est rejeté par le monde du travail à cause de son handicap. Il entame alors un terrible combat pour gagner dignement sa vie.

Ce court-métrage de Moly Kane est autobiographique et c’est avec l’aide de la réalisatrice Euzhan Palcy qu’il a pu mieux raconter sa vie d’handicapé. Il y a deux ans, ce film a été présenté à Cannes. Et il a reçu de nombreux prix dans des festivals internationaux. Il n’a toujours pas été acheté par une chaîne de télé - encore un des mystères de la télévision - sûrement parce que le producteur (JMJ productions) n’a pas ses entrées dans les hautes sphères de la télé. Mais ce qui nous intéresse quant à ce court-métrage, outre l’histoire, c’est la musique. Elle a été composée par Pierre Bertrand.


© DR

Pierre Bertrand a fait ses classes au Conservatoire de Nice puis au CNSMDP. Aujourd’hui il y est professeur. Il est compositeur, arrangeur, et saxophoniste de jazz. Il a monté un Big Bang avec Nicolas Folmer, trompettiste,  le « Paris Jazz Big Band », avec lequel ils obtinrent un Djangodor et une Victoire du Jazz pour leur album « Paris 24h ». Sa production discographique, on la trouve chez Cristal Records. En 2009, il compose la musique du film « La Grande Vie », réalisé par Emmanuel Salinger, qui eut une bonne presse. Jazzman en France, c’est compliqué d’en vivre. Arrangeur doué, aussi travaille-t-il pour des artistes de variétés. Il est actuellement le directeur artistique de Michel Fugain, et s’occupe du prochain album de Michel Lebb avec une ambiance à la Ray Charles. Il compose aussi pour la télévision, dont « L’Enfant du Secret » de Serge Meynard en collaboration avec Mickael Lar, et « Les Frileux » pour Jacques Fansten

« Je suis entré dans ce métier de compositeur de musique de film assez tard. J’avais déjà une carrière de musicien. C’est parce que j’avais écrit et joué que l’on m’a contacté, et aussi par le biais d'Éric de Bègue, de Cristal Records. On a débuté ensemble, c’est mon agent depuis plus de 15 ans. Il a un beau catalogue de jazz. Je n’ai pas eu besoin d’être l’assistant de tel ou tel compositeur de musique de film, qui fait ce qu’on appelle l’arrangement. Il faudrait définir ce terme d’arrangement. En France, le compositeur c’est celui qui a trouvé la mélodie. Mais toute la richesse harmonique, l’architecture musicale, participent à l’émotion. C’est aussi de la composition. Ce n’est pas que la mélodie qui est importante, c’est tout l’habillage qui va avec. L’arrangement c’est aussi de la mise en scène, de la création, comme la lumière, les costumes, les décors. Si on a des dialogues superbes dits devant une table blanche par quelqu’un tout nu, il y aura moins d’émotion que si il y a un vrai décor, une belle lumière, un beau costume et une belle musique, non ? Haydn, Mozart, Beethoven ne faisaient pas que trouver des thèmes, ils organisaient la construction de l’œuvre autour de ces thèmes…

Dans la musique de film on peut tout se permettre : c’est l’image qui compte et tout dépend des discussions avec le réalisateur et de ce qu’il a envie d’avoir, et de ce que l’on a envie de faire. Sur la partition de « La Grande Vie » je me suis amusé à faire « à la manière de ». Du jazz à la  Nel Hefti ou Quincy Jones, en passant par Lalo Schifrin, et Mozart avec son fameux concerto pour clarinette…Ensuite, le succès de votre musique et du métier de compositeur est soumis à la loi du marché. Si le film marche, la musique sera plébiscitée, elle sera bonne et votre carrière est assurée…. Le jazz, c’est ce qui m’a donné envie de faire de la musique dès l’âge de cinq ans. Mais après, j’ai compris que faire une carrière dans le jazz c’était compliqué. Alors je me suis tourné vers le classique et j’adore ça aussi. Puis je me suis mis à écrire. Mon dernier disque est « Caja Negra », à base de flamenco, avec Louis Winsberg à la guitare, Alfio Origlio, au piano ainsi que le percussionniste argentin Minino Garay et Jérôme Regard à la contrebasse. Je suis en écriture sur deux films avec des ambiances plus tango, mais c’est encore secret. La production de ces films n’est pas encore totalement bouclée. »

On peut trouver les disques de Pierre Bertrand, entre autres, chez Cristal records : www.cristalrecords.com

  

Stéphane Loison.

                   

BO EN CDS

 

 

MAURICE JARRE & PETER WEIR : Le Cercle des Poètes Disparus. Witness. L’Année de Tous les Dangers. Réalisateur Peter Weir. Compositeur Maurice Jarre. 1  CD de Milan / Universal n°399 501-2

 

Maurice Jarre a plusieurs fois composé pour le réalisateur australien Peter Weir. Les trois musiques proposées sur ce CD sont aussi connues que les films. « Le Cercle des Poètes Disparus » avait reçu l’Oscar du scénario, le César du meilleur film étranger, et avait été récompensé comme meilleur film et meilleure musique originale aux British Academy Awards. C’est Maurice Jarre lui-même qui dirige. Fritz Reiner,  lui, dirige L’Hymne à la Joie de Beethoven avec l’Orchestre de Chicago. L’extrait de « Witness » est reconnaissable pour la palette sonore de Maurice Jarre, de même que les extraits proposés de « L’Année de Tous les Dangers ». Ces musiques sont à la hauteur des films réalisés par Peter Weir. Magnifique !

 

 

RUSH de Ron Howard, Musique de Hans Zimmer, 1 CD Sony Classical : 88883772602

 

TURBO de  David Soren, Musique de Henry Jackman. 1 CD Sony Classical : 88883741112

 

Deux films sur les courses de voitures ! L’un, « Rush », est une sorte de biopic sur Hunt et Lauda fin des années 70, deux coureurs de F1 et de jupons, bien filmé par Ron Howard et massacré par la musique de cet ancien rocker qu’est Hans Zimmer. L’autre, « Turbo », est une histoire d’escargot qui a mis toute la gomme pour vaincre. Zimmer nous inflige ses effets « zim boum boum » qu’il sert dans tous les films pour lesquels il « compose » la musique. A l’écoute de celle de « Rush » on s’attend à voir la Bat mobile arriver sur les circuits de la F1 ! Par chance, il y a quelques morceaux rock (Winwood, Edmunds, Thin Lizzy, Bowie..) qui font accepter l’écoute du CD. Le dessin animé a la qualité Dreamworks, donc parfaite, et pour musique une « compil » où l’on trouve des tubes de Snoop, Rum DMC, Tom Jones, Jackson Five, un remix de Eye of the Tiger et quelques thèmes fort bien écrits par Jackman, un habitué de l’animation. Alors quel est l’ intérêt ces CD : aucun ! Mais les films « Turbo » et « Rush » valent le déplacement. Allez donc vite au cinéma !

 

 

 

WALHALLA RISING. Réalisateur Nicolas Winding Refn. Compositeurs Peter Peter & Peter Kyed.1CD Milan / Universal 399 509 - 2

« Valhalla Rising », ce film halluciné, a fait connaître Nicolas Winding Refn internationalement. Suivront « Drive » et « Only God Forgives ». L’interprétation de Mads Mikkelsen en esclave borgne est assez impressionnante. La musique est composée par Peter Peter et Peter Kyed tandis que certains arrangements sonores sont produits par des « sound designers », Gilles Lamb et Douglas MacDougall. La musique est en phase avec le film et renforce le côté mystique de l’histoire, le hiératisme de la mise en scène, la nature dans la brume et la présence silencieuse et singulière de Mads Mikkelsen. Musique « industrielle » ? New âge ? Elle ne laisse pas indifférent. On la rejette en bloc ou on rentre complètement dans cet univers insolite que proposent Nicolas Winding Refn et Peter Peter. Un CD qui ne peut laisser indifférent.

 

 

THE MORTAL INSTRUMENTS City & Bones. Réalisateur Harald Zwart. Compositeur Atli Örvarsson. 1CD Milan Music/Universal n°399 497-2

 

Adapté de la série littéraire fantastique de Cassandra Clare, ce film a tous les ingrédients pour la teenager’s food, un teen-movie école "Twilight", avec triangle amoureux à peine pubère et romance colorée façon Harlequin. La musique de Atli Örvarsson ne fait que renforcer les effets et n’apporte aucun discours supplémentaire. La consommation doit être immédiate. A l’époque du fast-food, de la mal-bouffe, pourquoi les forces du mal, les sociétés secrètes, les forces démoniaques auraient besoin de rester secrètes. On est dans tout ce qu’il y a de plus premier degré, et après tout pourquoi pas. La composition musicale est de l’écurie de Hans Zimmer, Remote Control. Örvarsson avait commis la musique dite additionnelle d’un des « Pirates », celle de ce grand navet qu’est le « Dernier des Templiers », auquel on peut ajouter « Phénomènes Paranormaux » et  « Hansel et Gretel : Witch Hunter ». On ne peut pas lui en vouloir ! Pourtant, à l’écoute du CD on peut trouver quelques pépites qui ne manquent pas d’intérêt et sont assez éloignées du « à la manière master » (Madame Dorothea par exemple). Mais les thèmes avec chœurs sont insupportables, d’une pauvreté harmonique, et à la limite ridicules. Zimmer nous les inflige depuis dix ans, depuis « USS Alabama ». Du déjà entendu, du déjà vu…. Vous avez dit « Déjà Vu » ? Comme c’est étrange la musique de ce film n’était-elle pas de l’écurie Zimmer ?…Oups Sorry !

 

 

 

 

CINE TRIO  Philippe Barbey-Lallia, piano & arrangements, Cyril Baleton, violon, Timothée Oudinot, hautbois, cor anglais.

Musiques de Barry, Cosma, Elfman, Hisaishi, Kilar, Morricone, Piovani, Rota, Williams…1 CD Musique et Toile M&T n°1301

 

Ciné Trio revisite ces compositeurs avec quelques uns de leurs plus grands succès. Le disque est très agréable à écouter, et retrouver ces thèmes si familiers nous font revivre les images des James Bond, d’« Amarcord », de « Danse avec les Loups » ou autre « Voyage de Chihiro ». Si pour des morceaux comme « The Mission », « La liste de Schindler », « La Vie est Belle », les instruments du trio sont en parfaite harmonie avec les musiques originales, pour certains autres les arrangements pour trio piano-violon-hautbois posent problème et donnent une impression d’uniformité. Les trois musiciens sont excellents et le disque est quand même d’une belle tenue. La version proposée d’E.T. est magnifique. C’est un beau voyage au cœur du Septième Art que nous propose Musique & Toile. Les morceaux de ce disque ont été interprétés en concert. Il est certain qu’il faut aider ces initiatives pour que la musique de films puisse être écoutée en direct.

 

 

L’IMAGE MANQUANTE. Réalisateur  Rithy Panh. Compositeur Marc Marder. 1CD Milan Msic / Universal n°399 499-2

 - sortie en DVD le 19 novembre (Editions Arte)

 - Le film a reçu le prix « Un certain regard » à Cannes 2013.

 

Rithy Panh, réalisateur cambodgien, est hanté par le génocide qui a détruit son pays et sa famille. Il écrit « Durant de nombreuses années, j’ai recherché l’image manquante : un cliché pris entre 1975 et 1979 par les Khmers Rouges, alors qu’ils étaient à la tête du Cambodge…A elle seule, bien sûr, une image ne peut pas prouver un génocide, mais elle nous incite à réfléchir, à méditer, elle écrit l’Histoire…Je l’ai cherchée en vain…Donc je l’ai créée….ce que je vous propose aujourd’hui c’est l’image d’une quête que seul le cinéma nous permet d’entreprendre ». Dans ce troisième volet d'une trilogie documentaire sur le génocide cambodgien, Rithy Panh fait revivre son enfance et sa famille détruites par les Khmers rouges. Il évoque d’une manière poignante et sobre, à la première personne du singulier, un crime de masse qui n'a pas laissé d'images. Il parvient à évoquer, avec une émotion puissante et toujours contenue ce qui, pour tant de rescapés, demeure indicible: les souffrances vécues jour après jour, la douleur du survivant, l’amour pour ceux qu’on a perdus. Contrepoint des images de propagande filmées par le régime, ses minuscules poupées d’argile, animées d’une étonnante humanité, restituent toute l’inhumanité des quatre années de terreur khmère rouge. Marc Mader, compositeur de musique contemporaine, accompagne ces images avec des rythmes et des instruments divers qui ajoutent une force et racontent l’irracontable. Bassiste de formation, il lui est tout naturel d’employer cet instrument dont le chant évoque, bien sûr, la mélancolie. Sa composition musicale est très contemporaine et ne cherche pas à être exotique. Musique parallèle, elle insuffle un supplément de vie. Curieusement, elle s’écoute sans que les images soient présentes. Elle est comme une œuvre à part entière, sûrement grâce au talent de Marder.

 

Interprète et créateur multiforme, Marc Marder, originaire de New York, vit actuellement à Paris. Après ses études de contrebassiste, il a été soliste de l’Ensemble intercontemporain sous la direction de Pierre Boulez. Il est l’auteur de plusieurs pièces de concert et de nombreuses musiques de scènes et de téléfilms. C’est Charles Lane, étudiant au département cinéma de la même université à Purchase, dans l'État de New York, qui lui a demandé de composer la musique de son film de fin d’étude. Ce film a gagné l’Oscar du meilleur film étudiant ! Bien plus tard Lane a réussi à le retrouver pour lui offrir la composition de son film « Sidewalk Stories ». C’est ce qui l’a convaincu de continuer dans la musique de film.

 

Ce CD est le résultat d’une belle collaboration et la découverte d’un réel talent de compositeur. Un CD à ne pas manquer !

 

 

                                                                                                           Stéphane Loison.

 

 

Deux questions à Marc Marder

 

 

Comment avez-vous été contacté pour la musique de « L’image manquante » ?

 

Mathilde La Bardonnie, journaliste au Monde et mère de mes enfants, avait invité Rithy Panh, alors étudiant à l’IDHEC, à venir chez nous pour qu’il lui raconte son histoire. Cette rencontre a abouti à un long et important article. Je me rappelle avoir joué de la contrebasse pour lui, dès notre première soirée. Nous sommes devenus amis et quelques années plus tard, alors qu'il travaillait sur son film de promotion, il me demanda d’en réaliser la musique. Depuis, nous avons travaillé ensemble et « L’image manquante » scelle notre 18ème collaboration. Nous avons accompli jusqu’à ce film ce qu'on peut appeler une route longue et sinueuse.

 

Quel genre de musique avez-vous composé pour ce film ?

 

Cette musique s’inscrit dans la même lignée de ce que j’ai déjà réalisé depuis des années pour Rithy, mais j’espère que c’est une ligne qui évolue. Tout compositeur de film recherche une musique qui, une fois en place, paraisse évidente : une musique qui devienne partie intégrante du film au point de ne pouvoir en être séparée, comme si elle avait toujours été là. La musique raconte toujours une autre histoire ou une histoire parallèle pour amplifier l’image et, par là, l’émotion. Je me souviens, au temps de notre premier long métrage, comme il a été complexe de trouver une musique qui tienne le coup sur des images de champs de riz. Pas facile pour un new yorkais !

 


© DR

                                                                 

Propos recueillis par Stéphane Loison.

 

 

MY BRITISH DVDs

 

PASSEPORT POUR PIMLICO (1949). Réalisation d’Henry Cornelius, avec Stanley Holloway. Compositeur Georges Auric

 

SEVEN DAYS TO NOON (ULTIMATUM) (1950). Réalisateurs John & Roy Boulting. Compositeur John Addison

 

Tamasa Distribution propose en sortie DVD une collection de films anglais qui ont fait la gloire de ce cinéma d'après guerre. Deux DVD nous intéressent par la qualité, entre autres, de leur musique et l’importance qu’elle a dans le déroulement du film. « Passeport pour Pimlico », d'abord, est une comédie complètement loufoque, où une rue de Londres appartiendrait au Duché de Bourgogne depuis des lustres… ! Stanley Holloway en est l’interprète principal. Il sera quelques années plus tard le fameux Alfred Doolittle, le père d’Audrey Hepburn, dans « My Fair Lady » de Georges Cukor. Si pour les spectateurs de l’époque, ce film traitait d’une actualité immédiate, aujourd’hui le ressort comique de la situation et de ce qu’il engendre est toujours d’une grande originalité. Le scénario avait été nommé pour les Oscars en 1950.  Quant à la musique, elle est signée par le célèbre compositeur George Auric. Elle donne au film toute sa saveur. Elle est légère, dérisoire, naïve et un brin empreinte de majesté. N’oublions pas que nous sommes sur une histoire qui a débuté au XVème siècle, que diantre !

Georges Auric, élève de Vincent D'Indy, est un compositeur qui fit partie du Groupe des six. Ami de Jean Cocteau, il signa les partitions de ce poète - réalisateur. On lui doit «  Le Sang d’un Poète », « La Belle et la Bête », « Orphée », « L’Aigle à Deux Têtes », mais aussi « A Nous la Liberté » de René Clair, « Moulin Rouge » de John Huston, dont la fameuse chanson «  It’s April Again » (Moulin des Amours) est devenue un tube dans les années 50. Plus près de nous, c’est la musique de « La Grande Vadrouille » de Gérard Oury. Georges Auric écrivit pour de nombreux films anglais jusque dans les années 60, et pour le très british studio Ealing. Il réalisa près de trente films britanniques et plus d’une centaine de films français et italiens.  Le BBC Philharmonic, sous la direction de Rumon Gamba, a enregistré en première mondiale quelques unes de ses partitions britanniques (CD Chandos : Chan 9774).

« Seven Days To Noon » (Ultimatum), des frères Boulting, est un thriller politique. Un Chercheur qui rencontre des problèmes existentiels face aux recherches qu’il entreprend pour le gouvernement, lance à ce dernier un ultimatum : vous arrêtez ces recherches ou je fais exploser Londres ! Le film a obtenu l’Oscar de la meilleure histoire originale en 1950. Le suspens est tenu par une mise en scène efficace et une musique tout aussi énergique de John Addison. Cette musique est sa première composition pour un film. Suivront de nombreuses autres, dont « Tom Jones » de Tony Richardson (4 Oscars, dont celui de la musique), « Torn Curtain » d’Alfred Hitchcock, qui venait de refuser celle d’Herrmann, mettant fin à leur prolifique et magnifique collaboration, «  La Charge de la Brigade Légère » de Tony Richardson,  « Le Limier » de Joseph Mankiewicz… Le BBC Concert Orchestra, sous la direction de Rumon Gamba, a aussi enregistré quelques unes de ses partitions britanniques (1CD Chandos : Chan 10418).

Regarder ces films est un vrai régal. La présentation des DVD est simple, élégante, agréable. Le livret pour « Passeport pour Pimlico  » , écrit par Philippe Pilar, réalisateur, spécialiste du cinéma britannique, est très fourni. Celui d’ « Ultimatum », par Francis Rousselet, l’est de même. Quant aux musiques de ces deux compositeurs, elles doivent être dans toute bonne discothèque de musique tout court.

Espérons que cette collection aura une longue vie. Best Wishes !

 

 

JOHN WILLIAMS Arrangement et piano Enguerrand-Friedrich Lühl. 1 CD Musique et Toile : M1T n°0301

 

Écouter les versions au piano de ces thèmes si connus nous rappelle que c’est ainsi que Steven Spielberg découvrait pour la première fois la musique de « E.T. », des « Aventuriers de l’Arche Perdue »... « Lucas », « Star Wars » . Entendre ces réductions faites par E.F. Lüh, qui font directement écho aux versions orchestrales des musiques de John Williams, est un pur plaisir. Musique classique ? Musiques de film ?  Qu’importe, surtout si c'est de la bonne musique et très bien interprétée. En quelques accords on retrouve les masses orchestrales auxquelles nous ne sommes plus habitués. Ce disque est une belle production de Musique et Toile. Espérons que les prochains volumes auront cette qualité.

 

                                                                                                            Stéphane Loison.

 

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JEUNESSE ET MUSIQUE

 

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Livres et CDs

 

Collectif, Mes plus belles berceuses classiques. 1 livre-CD Gallimard Jeunesse, 1 heure environ, 15 €.

Quel plaisir que d'écouter des berceuses : les petits pour s'endormir et les adultes pour rêver éveillés. C'est donc avec joie que l'on découvre ce nouveau livre-CD de Gallimard Jeunesse et réalisé en partenariat avec Radio Classique. Ensemble, ils nous proposent d'écouter 17 berceuses classiques ou musiques douces créées par les plus grands : Bach, Mozart, Chopin, Schubert, Schumann, Saint-Saëns, Beethoven... 4 illustrateurs aux genres bien différents ont créé des illustrations lumineuses, poétiques et rassurantes qui nous étonnent à chaque page.


Cécile Bergame (texte), Cécile Hudrisier (ill.): Le gâteau de Ouistiti. 1 livre-CD Didier Jeunesse, 15', 17,70  €. Dès 3 ans.

Voici le 4e titre de la série « La petite souris et ses amis » tant aimée des petits : cette souris les rassure et les accompagne au quotidien. Aujourd'hui, elle surprend le charmant Ouistiti qui veut faire un gâteau. Elle s'était cachée dans le paquet de sucre et décide de cuisiner avec son ami. Nos deux compères s'amusent et régalent les enfants : les casseroles se transforment en percussions, la farine vole de toute part et le chocolat se croque avec bonheur ! Leurs premiers pas de cuisiniers sont mis en musique par le talentueux Timothée Jolly qui utilise cuillères et autres ustensiles pour inventer des mélodies d'une gaieté folle. Le plus : les partitions et les gestuelles des comptines se retrouvent en fin d'ouvrage.

 


Holima Hamdane (texte et voix), Nathalie Novi (ill.): Mahboul le sage.  1 livre-CD Didier Jeunesse, 22'. 23,80 €. Dès 5 ans.

Une nouvelle collection de « Contes et voix du monde » avec pour premier titre trois récits issus de la littérature orale marocaine. Halima Hamdane émeut les jeunes enfants avec une voix chaude et envoûtante. Elle leur raconte les histoires de son enfance dans lesquelles personnages naïfs, têtus ou bien malins se côtoient. L'auditeur est charmé dès la première écoute et répète avec malice les phrases arabes qui se mêlent au français. Insistons sur les illustrations ensorcelantes de la célébrissime Nathalie Novi qui nous donne à voir une culture d’une grande richesse.

 


Claire LAURENS (texte), Marion PUECH (ill.): Trop facile, la musique !. 1 livre Actes Sud Junior, 8,50 €. Dès 5 ans.


Voici un petit livre qui séduira tous les passionnés de musique et de bricolage. Un texte précis et des illustrations rigolotes montrent aux enfants aidés d'un adulte comment créer 13 instruments étonnants à partir d’objets du quotidien. Ainsi, verres musicaux, maracas minute, guitare élastique, tambourin girouette et même didgeridoo n'auront plus aucun secret pour les petits musiciens en herbe. Vive les concerts à la maison !


Yann Walcker (texte), La Grande Sophie (musique) et Nathalie Choux (ill.), Coccinelle ouvre ses ailes, Gallimard Jeunesse, livre-cd, 7 min., 12,50 €. Dès 3 ans.

 

La vie des petits est une succession d'aventures et de découvertes incroyables. La Grande Sophie, conteuse, chanteuse et compositrice, l'a bien compris ! Elle met en musique un texte de Yann Walcker avec pour héroïne une coccinelle bien courageuse. Aujourd'hui, elle a décidé d'apprendre à voler... Ce n'est pas facile, mais très excitant. Ce récit, illustré avec gaieté et légèreté, se termine par un futur tube pour les tout-petits, Petite Coccinelle, une chanson inédite.

 

 

 
Aurélie Clément.

Philippe CORSET : À dos de dromadaire. Onze chants en parcourant l’Ancien Testament. 1CD VDE GALLO (www.vdegallo.ch) :1412. TT : 22’ 12. 

Ce disque, réalisé dans le Canton de Vaud (Suisse), réunit 11 chants interprétés par Philippe Corset et un groupe de musiciens. Le premier chant : À dos de dromadaire (dont la mélodie fait penser à Il était une bergère) et le dessin si évocateur de Catherine Pouly accrocheront immédiatement petits et grands. Cette réalisation contient, entre autres, deux brefs Noëls : Les étoiles dansent de joie (Ginette Girardier) et Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? (Ph. Corset, d’après la question bien connue). Plusieurs personnages bibliques sont présents : Ruth (texte : Mannick, musique : Jo Akepsimas), Ésaïe (Peuples qui marchez… Scouarnec/Akepsimas), Salomon ou encore Gédéon et Rébecca... Ce répertoire typique des années 1970 suscitera encore l’enthousiasme. Cadeau de Noël très apprécié.

 

Édith Weber.

 

 

Spectacles pour petits et grands

 

Pantin Pantine au Théâtre de l'Athénée


L'Athénée Théâtre-Louis Jouvet accueillera Pantin Pantine, conte musical de Romain Didier sur les textes d'Allain Leprest.
Pantin est parti un matin où la pluie rendait glissantes les rues…Sa bicyclette sʼest penchée sous lui et sa tête a heurté le trottoir, lourdement. Il est mort le divin enfant…Alors que tous, les copains et copines (les pʼtits Pantins et les pʼtites Pantines) comme les ennemis (les Corbeaux), se disputent sa mémoire, le passeur - désormais invisible à tous et que seul Pantin peut voir - assure sa permanence. Grâce à lui, Pantin va pouvoir sʼen aller serein, en ayant compris - bien plus tôt que chacun dʼentre nous - que nous nʼexistons pas seulement par notre présence physique ; que notre "deuxième présence" nʼest pas moins importante que la première. La mise en scène sera assurée par Jean Manifacier, qui sera aussi le récitant. Un spectacle poétique, à partir de 6 ans.

 

Théâtre de l'Athénée Louis Jouvet,  les 6, 7 décembre 2013, à 20H, et le 8 à 16H.

Séance pour les scolaires, le 6 à 10H.

Location : Square de l'Opéra Louis Jouvet, 7 rue Boudreau, 75009 Paris ; par tél : 01 53 05 19 19 ; www.athenee-theatre.com

 

Jean-Pierre Robert.

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LA VIE DE L’EDUCATION MUSICALE

 

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·       La librairie de L’éducation musicale

   

Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique.
Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite)

Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues.
Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite)

Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.

 

En préparation

Analyses musicales

  XVIIIe siècle – Tome 1

 

L’imbroglio baroque de Gérard Denizeau

 

BACH

 

Cantate BWV 104 Actus tragicus   Gérard Denizeau

Toccata ré mineur                      Jean Maillard

Cantate BWV 4                          Isabelle Rouard

Passacaille et fugue                    Jean-Jacques Prévost

Passion saint Matthieu                Janine Delahaye

Phœbus et Pan                          Marianne Massin

Concerto 4 clavecins                  Jean-Marie Thil

La Grand Messe                         Philippe A. Autexier

Les Magnificat                           Jean Sichler

Variations Goldberg                    Laetitia Trouvé

Plan Offrande Musicale                Jacques Chailley

 

 

COUPERIN

 

Les barricades mystérieuses         Gérard Denizeau

Apothéose Corelli                        Francine Maillard

Apothéose de Lully                      Francine Maillard

 

 

HAENDEL

 

Dixit Dominus                             Sabine Bérard
Water Music                              Pierrette Mari

Israël en Egypte                         Alice Gabeaud

Ode à Sainte Cécile                     Jacques Michon

L’alleluia du Messie                      René Kopff

Musique feu d’artifice                  Jean-Marie Thill

 

 
 

 

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Paru en juillet

 

 

·       Où trouver le numéro du Bac ?

 

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Les analyses musicales de L'Education Musicale