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  Sommaire
 
1. Editorial : Aratrum ante boves
2. Informations générales
3. Varia
4. Manifestations et concerts
5. Echos de l'anniversaire Liszt
6. Eclectisme pour un début de saison à l'Opéra Bastille
7. Ondes américaines... et vent de sable argentin
8. Recensions de spectacles et concerts
9. L'édition musicale
10. Bibliographie
11. CDs et DVDs
12. La vie de L’éducation musicale

 

Novembre - Décembre 2011 - n° 573
A PARAITRE

 

SUPPLEMENT BACCALAUREAT 2012

 



Sept - Oct 2011
n° 572



Mai - Juin 2011
n° 571



Mars-Avril 2011
n° 570

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L'éducation musicale n'a rien contre les étudiants...


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Aratrum ante boves

 

Une fois enseigné le maniement des outils de base (lecture, expression écrite et calcul), est-il plus noble objectif pour l’École que de former les esprits ?  Et c’est assurément là que se fourvoie notre système éducatif, éhonté pourvoyeur d’une société ne visant plus que la compétition, le sprint, la performance mercatique…  Et malheur aux traînards, fussent-ils majoritaires !

 

Au nécessaire mépris, bien sûr, de toute transcendance (notion entendue ici au sens laïque)…  La transcendance n’est-elle pas, en effet, ce qui élève l’homme au-dessus de sa condition, expression du « sublime » - ce concept qui semble tant intimider une université que l’on disait pourtant naguère Alma mater

 

Or la pratique des arts n’est-elle pas indissociable de toute formation humaniste ?  Au lieu de quoi, l’on voit la Rue de Grenelle privilégier l’histoire de ces disciplines, hissant ainsi au pavois mondanités et bavardages d’esthètes, mettant sans vergogne aucune… « la charrue avant les bœufs » !

 

 

Francis B. Cousté.

 



BOEN n°37 du 13 octobre 2011.  Brevet de technicien « Métiers de la musique », session 2012.  Programme préparatoire à l’épreuve A2 :

·         La mélodie et le lied accompagnés par l’orchestre, de Mahler à Messiaen

·         La chaconne, la passacaille et le ground, de Monteverdi à Chostakovitch

Cf. : www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=57910

 

Ministère de l’Éducation nationale ©DR

 

Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale est librement consultable sur :

www.education.gouv.fr/pid285/le-bulletin-officiel.html

 

« Casanova, la passion de la Liberté »,  tel est l’intitulé de l’exposition que la BnF  (site François Mitterrand) consacre, du 15 novembre 2011 au 19 février 2012, à l’illustre aventurier, violoniste, homme des Lumières et franc-maçon.   Renseignements :  01 53 79 59 59.  www.bnf.fr/fr/evenements_et_culture/anx_expositions/f.casanova.html

 

Pietro Longhi : Il ridotto (ca 1757) ©DR

 

The Juilliard School – Dance, Drama, Music – communique ses programmes & cursus.  Renseignements :  60, Lincoln Center Plaza, New York, NY 10023-6588. www.juilliard.edu/degrees-programs/music/index.php

 

© The Juilliard School

 

Euh…  La « Haute Autorité pour la diffusion des œuvres & la protection des droits sur Internet » (Hadopi) communique son bilan : depuis octobre 2010, cet organisme a reçu 22 millions de relevés d’infractions, 580 000 internautes ont reçu un premier avertissement, 35 000 ont fait l’objet d’un second avertissement, 20 dossiers ont été transmis au parquet…   Pour 2011, le budget prévisionnel de la Hadopi s’élève à 13,79 millions d’euros. Informations : www.hadopi.fr

 

©Hadopi

 

Philippe Meirieu :  « La pratique des arts permet de désengluer la conscience de la frénésie consommatrice. »

 

©DR

 

La création d’un « Centre national de la musique »,  telle est la préconisation du rapport Création & diversité musicale à l’ère numérique remis à Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, le 30 septembre 2011.  Indispensable mutualisation des moyens pour pallier l’effondrement de la filière musicale (4 000 emplois détruits en 10 ans)…

 

©DR

 

« Écouter, agir : musique & plasticité cérébrale ».  Faisant heureux écho à notre dossier « Le cerveau musicien » (L’éducation musicale n°572, septembre/octobre 2011), ce colloque international se déroulera les vendredi 18 et samedi 19 novembre 2011, à l’Université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense. Demi-tarif pour étudiants, personnels de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur.  Renseignements : 01 41 44 31 22.  www.inshea.fr

 

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TM + en chiffres.  Créé en décembre 1986, cet ensemble compte 26 musiciens permanents, 15 artistes invités, un répertoire de plus de 280 œuvres, plus de 100 compositeurs joués (de tous pays, de toutes époques), de 3 à 6 créations musicales par an, de 25 à 35 concerts par saison (en France et à l’étranger).  Saison 2011-2012 : Chanson de geste.  Renseignements : 8, rue des Anciennes-Mairies, 92000 Nanterre.  Tél. : 01 41 37 52 18.  www.tmplus.org

 

 

Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou.  Son catalogue musical (quelque 1 285 documents) est désormais accessible sur :

www.bpi.fr/recherche_documentaire.jsp?terme=musique

 

©Centre Pompidou

 

« Le théâtre de Luciano Berio : Opera et La vera storia ».  Ce colloque se tiendra les 17 et 18 novembre 2011, au Centre de documentation de la musique contemporaine.  Entrée libre.  Renseignements : CDMC – 16, place de la Fontaine-aux-Lions, Paris XIXe.  Tél. : 01 47 15 49 86.  www.cdmc.asso.fr

 

 

Le « 9e Concours international de chœurs de Miltenberg »  se déroulera du 12 au 16 juillet 2012.  Inscriptions  avant le 15 décembre 2011. 

Renseignements :  www.chorwettbewerb-miltenberg.de

 

 

Au CNSM de Lyon :  «Venise en musique, du Moyen Âge au XXIe siècle » (10 novembre-14 décembre 2011).  Entrée libre.  Renseignements : 3, quai Chauveau, 69000 Lyon.  Tél. : 04 72 19 26 61.  www.cnsmd-lyon.fr

 

 

Cité de la musique : « Paul Klee Polyphonies ».  Consacrée au peintre et musicien suisse Paul Klee (1879-1940), cette exposition propose 130 tableaux & 70 documents, accompagnés  de l’audition de quelque 80 œuvres entendues ou interprétées par l’artiste (à droite sur la photo).  Avec atelier pédagogique pour les 4-11 ans.  Renseignements : 221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe.  Tél. : 01 44 84 44 84.  www.cite-musique.fr

 

  

©Berne, Zentrum Paul Klee

 

Georges Snyders,  éminent musicien & chercheur en Sciences de l’éducation, est mort le 27 septembre 2011, à l’âge de 94 ans.  Depuis son retour d’Auschwitz, il s’était fait l’apôtre de « La musique comme joie à l’école » (L’Harmattan, 2000).  Tristesse de perdre l’un de nos plus fidèles collaborateurs – mais dont, assurément, la pensée survivra…

 

©DR

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Au CRÉA d’Aulnay-sous-Bois :  Les 2 et 3 novembre 2011, à 20h30, sera créé Lady Godiva, opéra pour un flipper.  Ce spectacle sera notamment repris à Paris, au Théâtre du Châtelet, les 29 et 30 avril 2012.  Renseignements : 85, rue Anatole-France, 93600 Aulnay-sous-Bois.  Tél. : 01 48 79 66 27. www.lecrea.fr (vidéo de présentation).

 

©CRÉA

 

 

L’Institut de Musique chorale Christian Pariot  a pour objectif la création d’écoles de chefs de chœur dans divers pays d’Afrique centrale et de l’Ouest.  Renseignements : http://vocesintimae.centerblog.net

 

 

 

Le « Concours Étienne Vatelot 2011 » – lutherie et archèterie –  se déroulera, à Paris, du 12 au 21 novembre 2011.  Renseignements : 01 40 33 45 35.  www.civp.com ou info.lutherie@civp.com

 

 

 

Le CRR 93,  Conservatoire à rayonnement régional, propose – en novembre & décembre - nombre d’événements à vocation internationale : « Dialogue des Arts », « Suona Italiano », « Kansas State University », « Villes des musiques du monde », « Autour du groupe Magma »…  Renseignements : 13, rue Réchossière, 93300 Aubervilliers.  Tél. : 01 48 11 04 60.  www.conservatoireregional93.fr

 

©Willy Vainqueur

 

 

« L’art sonore est-il un art des bruits ? » Tel est le thème de la conférence que prononcera - dans le cadre du cycle « L’expérience de l’expérimentation » - le philosophe, producteur & écrivain Bastien Gallet (notre photo), le lundi 5 décembre 2011, à 19h00, dans la Petite salle du Centre Pompidou (niveau -1).  Renseignements : 01 44 78 12 33. www.bpi.fr ou www.instantschavires.com

 

©DR

 

 

19th Jeunesses International Violin Competition  se déroulera du 12 au 19 mai 2012, à Bucarest (Roumanie).  Inscriptions jusqu’au 1er mars 2012.  Renseignements : +40 722 383 542. www.jmevents.ro/regulament-s53-ro.htm 

 

 

 

 

« La Semaine  du Son 2012 »,  9e édition, se déroulera à Paris, du lundi 16 au samedi 21 janvier – et, la semaine suivante, partout en France et à l’étranger.  Renseignements : www.lasemaineduson.org

 

 

 

« Flashmob at Copenhagen Central Station » :

www.classicalarchives.com/feature/dont_miss_this.html

 

Under the clock ©DR

 

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Le trio du célèbre contrebassiste Ron Carter  se produira, le 6 novembre 2011, à 16h30, en la Maison de la musique de Nanterre.  En première partie, Benoît Delbecq & Andy Milne dialogueront à deux pianos.  Renseignements : 8, rue des Anciennes mairies, 92000 Nanterre. Tél. : 01 41 37 94 20.  www.nanterre.fr

 

      

 ©DR

 

 

Madame Curie,  opéra d’Elżbieta Sikora, sur un livret d’Agata Miklaszewska (commande & réalisation de l’Opéra de Gdansk), sera créé dans le Grand Auditorium de l’Unesco (7, place de Fontenoy, Paris VIIe), le 15 novembre 2011.  Basé sur la vie et la personnalité de Marie Curie-Skłodowska, deux fois Prix Nobel, cet ouvrage met en œuvre 11 chanteurs solistes, 5 voix parlées, un chœur, un orchestre complet (plus guitare électrique, accordéon & dispositif électronique) et danseurs.  Éditions PWM, Krakow (Pologne).  Renseignements : www.elzbietasikora.com ou www.operabaltycka.pl/pl/spektakl/madame-curie

 

  

©DR

 

 

Le 9e Festival Mino,  organisé par les Jeunesses musicales de France, se déroulera du 5 au 8 novembre, à l’Espace Cardin (1, avenue Gabriel, Paris VIIIe), et du 9 au 12 novembre, au Centre Wallonie-Bruxelles (46, rue Quicampoix, Paris IVe).  Pas moins de 18 concerts pour toute la famille.  Renseignements : 01 44 61 86 93.  www.mino.fr

 

 

 

Le Musée de l’Armée  présente un cycle de concerts exceptionnel intitulé « Viva V.E.R.D.I. ! » (Viva Vittorio Emmanuele, Re d’Italia) sur le thème de l’opéra italien, mettant particulièrement à l’honneur la musique & l’œuvre de Giuseppe Verdi.  Du 4 novembre au 8 décembre 2011, en le Grand Salon ou la Cathédrale Saint-Louis-des-Invalides.  Renseignements : 129, rue de Grenelle, Paris VIIe.  Tél. : 01 44 42 38 67 / 35 07.

www.invalides.org/pages/program.html

 

Le Fifre ©Musée de l’Armée

 

 

Pôle Sup’ 93 propose : « Parcours Musique mixte », le jeudi 10 novembre 2011, 19h30, à l’auditorium du CRR de La Courneuve.  En partenariat avec l’Ircam… Entrée libre. Renseignements : 41, avenue Gabriel-Péri, 93200 La Courneuve.  Tél. : 01 43 11 25 04.  www.polesup93.fr

 

 

 

Le trio du pianiste finlandais Joonas Haavisto  se produira le jeudi 10 novembre 2011, à 20h00, à l’Institut hongrois (92, rue Bonaparte, Paris VIe).  Renseignements : 01 43 26 06 44. www.jazzycolors.net

 

©Maarit Kytöharju

 

 

Actualité d’Édith Lejet.  Le dimanche 6 novembre, à 17h00, en l’Orangerie du Château de Castel Novel, à Varetz (Corrèze) : L’herbier de Colette, avec Dorothée Lorthois (soprano) & Delphine Bardin (piano).   Le vendredi 18 novembre, à 12h15, en l’Hôtel de Ville de Rouen : Trois petits préludes, avec Marc Sieffert (saxophone) & Christine Marchais (piano).  Le vendredi 25 novembre (19h00), en l’Auditorium du CRR de Paris (14, rue de Madrid, Paris VIIIe) : Musique pour trompette & quintette de cuivres, avec des étudiants de la classe de Philippe Ferro.  Renseignements : 06 12 41 57 02.  www.edith-lejet.com

 

©André Nisak

 

 

Concerts aux Bouffes du Nord.  Le lundi 7 novembre, à 20h30 : l’« Orchestre français des jeunes baroque », dir. Reinhard Goebel, interprète Jean-Féry Rebel, André Campra, Georg Friedrich Haendel & Jean-Sébastien Bach.  Le lundi 28 novembre, à 20h30, la pianiste Simone Dinnerstein interprète R. Schumann, J.-S. Bach et Fr. Schubert.  Renseignements : 37bis, bd de la Chapelle, Paris Xe.  Tél. : 01 46 07 34 50.  www.bouffesdunord.com

 

©Leigh Hatwell

 

 

Notes d’automne, « 3es Rencontres musicales & littéraires en bords de Marne » (directeur artistique : Pascal Amoyel), se déroulera au Perreux-sur-Marne, du 7 au 13 novembre 2011.  Renseignements : 01 43 24 54 28.

   www.festivalnotesdautomne.fr

 

 

 

 

Hommage à Franz Liszt.  Dans le cadre des « Concerts de midi & demi » de la Salle Cortot, Françoise Masset (soprano) et Thérèse Diette (piano) interpréteront, le mardi 15 novembre, à 12h30, des mélodies et des pièces pour piano de ce compositeur.  Renseignements : 78, rue Cardinet, Paris XVIIe.

  www.lesmomentsmusicaux.com/programme_proch.htm

 

Françoise Masset ©Frédéric Jean

 

 

« O Mensch ! » de Pascal Dusapin (musique & mise en scène),  sera donné en création mondiale à Paris, au Théâtre des Bouffes du Nord, du mardi 15 au samedi 19 novembre 2011, à 21h00 (relâche le jeudi 17 novembre).  Cycle de 27 pièces & 4 interludes pour piano, sur des poèmes de Fr. Nietzsche.  Livret en allemand, spectacle surtitré.  Avec le baryton autrichien Georg Nigl et la pianiste Vanessa Wagner.  Renseignements : 37bis, bd de la Chapelle, Paris Xe.  Tél. : 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com

 

Pascal Dusapin ©DR

 

 

Bartókiades 1.  Cette manifestation se déroulera du 16 au 20 novembre 2011, au Grand Théâtre de Dijon.  Avec le concours, notamment, des artistes de la compagnie de danse Lanabel, des violonistes David Grimal et Pierre Fouchenneret, des violoncellistes Victor Julien-Lafferrière, Miklós Perényi, des pianistes Dénes Várjon, Igor Tchetuev et du Quatuor Keller.  Renseignements : 03 80 48 82 82.  www.opera-dijon.fr

 

Béla Bartók ©DR

 

 

« Les inédits de la BnF » :  Le pianiste Nicolas Stavy (notre photo) se produira, le jeudi 17 novembre 2011, dans des œuvres d’Hélène de Montgeroult (1764-1836), compositrice sous la Révolution et l’Empire.  Entrée libre.  Renseignements : Grand Auditorium de la Bibliothèque nationale de France, site François-Mitterrand (quai François-Mauriac, Paris XIIIe). www.bnf.fr

 

 

 

Le Chœur du Campus d’Orsay, dir. Adam Vidović,  se produira le vendredi 18 novembre (21h00) en l’église Saint-Louis-en-l’Île & le dimanche 20 novembre (17h00) sur le Campus d’Orsay.  Dvořák et ses disciples (œuvres d’Antonín Dvořák, Josef Suk, Aaron Copland et George Gershwin).  Renseignements : www.scm.espci.fr

 

©DR

 

 

L’Ensemble « Mei Li De Dao »,  musiques chinoise & ethnique taïwanaise, se produira à l’auditorium du musée Guimet, le vendredi 18 novembre 2011, à 20h30.  Avec Lin Chin Ping (yangqin), Miu Qing Ling (dizi), Zhang Pei Ling (pipa), Ma Xin Yu (liuqin, zhongruan), Zhuang Pei Jing (erhu), Zheng Qian Na (sheng), Damien Bernard (kaval, daf, percussions).  Renseignements : 6, place d’Iéna, Paris XVIe.  Tél. : 01 40 73 88 18.  www.guimet.fr

 

©DR

 

 

Natalie Dessay (soprano) & Philippe Cassard (pianiste)  se produiront en concert, le samedi 19 novembre 2011, à 20h30, au Corum de Montpellier, dans des œuvres de Debussy, Duparc, Chabrier, Chausson et Fauré.  Renseignements : 04 67 60 19 99.  www.opera-orchestre-montpellier.com

 

©DR

 

 

La 2e édition de « L’Esprit du Piano »  se déroulera à l’Opéra de Bordeaux, du 22 au 29 novembre 2011.  Sous l’égide du grand pianiste espagnol Joaquín Achúcarro, se produiront Alessio Bax, Yuri Favorin, Bertrand Chamayou, Mu Ye Wu, David Bismuth, Florian Noack & Jacky Terrasson.  Renseignements : 05 56 00 85 95.  www.espritdupiano.fr

 

 

 

« La Folle Nuit à Gaveau »,  26 et 27 novembre 2011.  Avec, notamment, les pianistes Emmanuel Strosser, Claire Désert, Adam Laloum, Abdel Rahman El Bacha, Etsuko Hirose, Shani Diluka, Claire-Marie Le Guay, Jean-Claude Pennetier, Anne Queffélec… Renseignements : 01 49 53 05 07.  www.sallegaveau.com

 

 

 

L’Orchestre symphonique « Les Concerts d’Athalie »,  dir. Léonard Ganvert, les chanteurs Charlotte Dellion, Xavier de Lignerolles, Laurent Laberdesque & le Chœur Marie-Jo Gaborit se produiront, le dimanche 27 novembre 2011, à 17h00, en l’église luthérienne Saint-Paul-de-Montmartre (90, bd Barbès, Paris XVIIIe).  Au programme : Ouverture de La Clémence de Titus de Mozart et Harmoniemesse de Haydn.  Entrée libre.  Renseignements : 01 42 23 13 06.  http://lesconcertsdathalie.free.fr 

 

Léonard Ganvert ©DR

 

 

La pianiste Yuja Wang (°1987, Pékin)  se produira Salle Pleyel, le jeudi 1er décembre 2011, à 20h00, dans des œuvres de Beethoven, Rachmaninov, Albéniz, Debussy, Ravel, Scriabine, Fauré et Dukas.  Renseignements : 252, fg Saint-Honoré, Paris VIIIe.  Tél. : 01 44 17 93 25.  www.piano4etoiles.com

 

©DR

 

 

« Vision Sérénissime »,  manifestation dédiée à la ville de Venise, se déroulera au CNSMD de Lyon, du 10 novembre au 14 décembre 2011.  Renseignements : 04 72 19 26 26.  www.cnsmd-lyon.fr

 

Venise par Canaletto (1697-1768) ©DR

 

 

Le pianiste Ziad Kreidy interprétera les quatre premiers cahiers (op. 12, 38, 43, 47) des Pièces lyriques de Grieg, le mercredi 7 décembre 2011, à 20h00, à la Maison de la Norvège (7 N, bd Jourdan, Paris XIVe).  Entrée libreRenseignements : 01 40 78 55 00. www.ziadkreidy.com

 

©DR

 

 

Hommage à Elsa Barraine (1910-1999).  Jusqu’au 7 janvier 2012, exposition permanente au département Musique de la Bibliothèque nationale de France (2, rue Louvois, Paris IIe).  Renseignements : 01 53 79 59 59. www.bnf.fr ou www.femmesetmusique.com

 

Elsa à la machine à écrire  ©DR

 

 

Présences 2012,  Festival de création musicale de Radio France (22e édition), se déroulera à Paris, au Théâtre du Châtelet, du 13 au 22 janvier.  14 concerts, 6 créations mondiales (commandes de Radio France), 1 création française. Invité d’honneur : Oscar Strasnoy.   Renseignements : 01 56 40 15 16.  www.concerts.radiofrance.fr

 

Oscar Strasnoy ©Guy Vivien

 

 

6th Bucharest International Jazz Competition 2012,  for instrumentalists and vocalists.  Date : 12-19 mai 2012.  Âge limite : 35 ans (nés après le 1er mai 1977).  Prix : 7 000 €.  Inscriptions avant le 10 février 2012.  Renseignements : www.jmevents.ro

 

 

 Francis Cousté.

 

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L’immortel Franz étant né le 22 octobre 1811, on atteignait en cette semaine les célébrations réservées aux monuments de l’œuvre lisztienne.  Le 21 octobre, Radio France lançait dans l’arène les forces de l’Orchestre philharmonique et les hommes du Chœur pour la Faust-Symphonie confiée à la baguette d’Eliahu Inbal. Les solistes des premiers pupitres se montrèrent exemplaires dans l’écriture chambriste du volet central (Marguerite), le très efficace chef fit crépiter le méphistophélique finale, le ténor Steve Davislim (excellent pilote dans l’enregistrement du Vaisseau fantôme par Marek Janowski) projeta admirablement son chant depuis la tribune du Chorus mysticus.  Mais où était l’esprit goethéen ?  On s’irritait d’une lecture trop extérieure du premier mouvement (Faust), privée de tout questionnement métaphysique. Et qu’en fut-il des replis introspectifs (1er et 2e mouvements), balayés par une palette dynamique uniformément contenue entre mf et ff ?  N’y aurait-t-il, dans cette fluviale partition, ni p ni pp pour ménager les profondeurs de champ autour des méandres d’une âme égarée ?  La lecture philosophique de ce triptyque faisait cruellement défaut, sacrifiée sur l’autel d’un symphonisme brillant.

Et puis, quelle idée de faire précéder une telle partition du navrant Concerto pour violon de Schumann, si ce n’est le voisinage chronologique des deux œuvres... ou la malice  (involontaire ?) d’inviter la violoniste allemande Isabelle Faust à figurer au même programme que la Faust-Symphonie !  Ce concerto au déroulement laborieux, jonché de maladresses d’harmonie et d’une orchestration exsangue, date de l’automne 1853 : son dédicataire consterné, le fidèle Joachim, eut la lucidité de l’écarter toute sa vie durant.  Il y a presque un voyeurisme malséant à exhiber ainsi les témoignages d’un cerveau diminué par une pathologie en train de l’anéantir.  Or, prenons le pari : si l’on présentait ce concerto sous le nom de Duschmoll, et non plus de Schumann, que de voix s’élèveraient pour en dénoncer le criant manque d’intérêt !

 

Eliahu Inbal ©K. Miura

 

 

Mais revenons à Liszt, lequel devait au même Matthias Brauer qui prépara le chœur de la Faust-Symphonie, une des rares incursions de l’année dans ses grandes pages religieuses avec la Missa Choralis, au cours d’un programme (le 21 septembre dernier) dont on retint également les magnifiques Laudes organi de Zoltán Kodály.  En effet, la commémoration, qui moulina à satiété tant de chefs-d’œuvre pianistiques, passa sous silence la Messe de Gran (dont on eût espéré qu’elle retrouvât le cadre de Saint-Eustache qui l’accueillit en 1866 !), ou La Légende de Sainte Élisabeth. Par miracle, Christus fut désigné pour être joué dans une dizaine de villes du monde (dont Bayreuth !) le jour anniversaire de Liszt.  Ce 22 octobre, fruit de la coopération franco-hongroise, vit converger à Paris le Chœur et l’Orchestre symphonique de la Radio hongroise, sous la direction de Zoltán Peskó, ainsi qu’une brochette de chanteurs magyars.  Toute exécution publique de l’immense oratorio évangélique (près de 3 heures) de Liszt constitue un événement que l’on ne réentendra qu’une fois toutes les x... décennies. L’écrin acoustique de Saint-Louis des Invalides, lieu de concert propice à de tels effectifs, s’avérait idéal pour l’ouvrage né en 1872.  La synthèse sonore entre l’orchestre (devant l’autel), audible de partout dans ses moindres détails, et le grand orgue (à la tribune diamétralement opposée) judicieusement registré par son titulaire Philippe Brandeis (seul Français de ce casting hongrois), s’effectuait harmonieusement au-dessus de nos têtes, emplissant le vaisseau d’une onde à la majestueuse plénitude qui jamais ne roulait en magma indéfini comme c’eût été le cas sous des voûtes gothiques. Certes les chanteurs solistes détonnaient de plus en plus au fil de la soirée, l’air froid de l’église leur chatouillant le gosier, certes on entendit quelques « pains » émaner d’un orchestre moins performant que notre Philharmonique, mais cette fois, l’esprit lisztien le plus pur régnait.  Zoltán Peskó (né en 1937), éminent chef d’orchestre que l’on entendit beaucoup autrefois en Italie (ses interprétations d’Oberto de Verdi, ainsi que des œuvres de son maître de composition Goffredo Petrassi sont restées dans nos mémoires) et en Allemagne, dégageait les multiples facettes de Liszt que révèle la succession des quatorze morceaux de Christus.

 

Zoltán Peskó ©DR

 

 

Le Liszt du poème symphonique est omniprésent : la première partie (consacrée à la Nativité) s’avère d’ailleurs aux deux tiers purement orchestrale ; le Liszt épris de chant grégorien laisse planer dans tout leur dépouillement éthéré certaines hymnes latines ; le Liszt ultime se profile par de fugaces préfigurations d’enchaînements à venir, par exemple au détour Du Berceau jusqu’à la tombe (écrit quelque onze ans plus tard) ; le Liszt audacieux harmoniste captive au gré d’une démarche procédant par paliers de tierces, par enharmonies, par retournements inopinés sur des pas déjà franchis, toutes choses qui colorent l’apparent respect d’une polyphonie chorale « classicisée » par rapport à ses déferlements instrumentaux.  Ainsi se dessine un parcours complexe, transgressant les formes convenues, cumulant une incontestable puissance évocatrice (le Jeu des bergers, Le miracle) et un refus du dramatisme facile : il n’est que de voir comme la troisième partie (Passion et Résurrection) élude les passages obligés du Chemin de croix (le Via crucis y pourvoira une demi-douzaine d’années plus tard, mais sur le mode de la méditation la plus dénudée) pour se concentrer sur la douleur intime (Tristis est anima mea, puis Stabat mater dolorosa comme en écho au Stabat mater speciosa de la première partie) avant d’enchaîner directement sur l’espérance de la Résurrection.  Toutes ces affirmations de foi et ces identités du polymorphe créateur, nous les parcourûmes d’un même élan unificateur grâce à la hauteur de vue d’un Zoltán Peskó profondément investi du sujet.  Cette soirée anniversaire devait être une date-clé de l’année commémorative, elle s’imposa en effet comme un grand moment d’émotion.  Remercions Jean-Yves Clément, qui « décentralisait » pour l’occasion son festival des Lisztomanias de Châteauroux, d’avoir fédéré tant de partenaires pour réussir cette fête autour d’un chef-d’œuvre qui lui tient suprêmement à cœur.

Sylviane Falcinelli.

 

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Une "nouvelle" Salomé
Richard STRAUSS : Salomé, drame lyrique en un acte.  Livret de l'auteur tiré de la pièce éponyme d'Oscar Wilde dans une traduction allemande d’Hedwig Lachmann.  Angela Denoke, Uha Uusitalo, Stig Andersen, Doris Soffel, Stanislas de Barbeyrac, Isabelle Druet, Dietmar Kerscbaum, Éric Huchet, François Piolino, Andreas Jäggi, Antoine Garcin, Scott Wild, Damien Pass.  Orchestre de l'Opéra national de Paris, dir. Pinchas Steinberg.  Mise en scène : André Engel.

Nicolas Joel a choisi de reprendre Salomé dans la production confiée en 1994 à André Engel, la préférant à celle présentée en 2003 dans la régie de Lev Dodin.  Le choix est clair : ne pas se départir de l'atmosphère orientaliste décadente du drame d'Oscar Wilde qui a directement servi de trame à Richard Strauss.  La plastique du spectacle impose, en effet, le décor construit d'un vaste palais aux murs sombres et aux verrières ajourées que les éclairages vont peu à peu différencier en une suite de tableaux à la manière de Gustave Moreau.  La volonté de côtoyer un univers de luxe moyen-oriental se manifeste tout autant dans les costumes, qui tentent la reconstitution avec leurs étoffes chatoyantes. La dramaturgie s'attache à retracer le portrait d'une héroïne gagnante, focalisant lors des dernières pages sur l'aspect jouissif de sa victoire plus que sur le sort d'une femme condamnée elle-même par la nature morbide de sa démarche.  Salomé a vaincu le mal et en profite.  Elle ne tombera pas sous les coups des sbires d'Hérode mais sera égorgée par le page d'Hérodias ; une des touches intéressantes de la mise en scène qui, pour le surplus, reste bien académique, voire au premier degré dans son approche naturaliste.  Du moins est-elle parfaitement lisible et ne glisse pas dans le travers de la « re-création ». On regrette juste un manque d'acuité, telle l'apparition de la fille de Judée, en fond de scène, peu propice à une bonne perception de ses premières phrases, ou l'entrée d'Hérode, pas assez soulignée, et surtout le manque d'effroi de celui-ci lors de l'étonnante demande de sa fille à l'endroit du prophète Jochanaan.  La danse des sept voiles donne lieu, en sa phase introductive, à une valse en forme de face-à-face muet entre père et fille.  Elle développe ensuite une séance de mime plus qu'une chorégraphie sensuelle, voire érotique.

 

©ONP/Elisa Haberer

 

 

Mais tout cela ne distrait aucunement d'une exécution musicale irréprochable. Angela Denoke, aux antipodes de sa prestation il y a peu au festival de Baden-Baden, est, de par le parti pris de la régie - une Salomé bien sage, presque bridée dans ses élans.  On  soupçonne à peine le formidable potentiel d'incarnation de cette grande figure straussienne, en particulier l'obsession, voire l'hystérie passionnelle qui l'animent.  La voix est, bien sûr, incandescente.  Le Jochanaan de Juha Uusitalo est solide comme un roc, même si, là encore, peu mis en valeur.  Doris Soffel est en meilleure voix que dans sa récente prestation allemande et justement moins hystérique.  C'est aussi le cas du personnage d'Hérode.  On a fait le choix, non d'un ténor de composition, mais d'un heldentenor wagnérien, encore que vocalement souple.  Le rôle gagne assurément en conduite et solidité vocales.  Il est dommage que la régie lui fasse perdre en profondeur : gommée la lubricité du tétrarque pour une vision bien rangée d'un homme seulement distrait dans ses habitudes de luxure.  Une voix se détache encore, celle de Stanislas de Barbeyrac, Narraboth, superbe timbre de ténor clair et bien conduit.  Sur cet immense crescendo, Pinchas Steinberg porte un regard objectif, ne réservant la passion dévorante qu'aux moments clés. Sa direction ne cherche pas l'effet et est frappée au coin de la lisibilité.  L'Orchestre de l'Opéra répond avec brillance.  

 

 

Faust : retour au drame bourgeois ?

Charles GOUNOD : Faust.  Opéra en cinq actes.  Livret de Jules Barbier & Michel Carré.  Roberto Alagna, Paul Gay, Inva Mula, Tassis Christoyannis, Angélique Noldus, Marie-Ange Todorovitch, Alexandre Duhamel, Rémy Corrazza.  Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris, dir. Alain Altinoglu.  Mise en scène : Jean-Louis Martinoty.

 

©ONP/Charles Duprat

 

 

Est-il opéra plus emblématique dans le répertoire français ! Dans leur  adaptation du mythe goethéen, Gounod et ses librettistes ont cherché à satisfaire le goût d'une époque plus préoccupée de divertissement que de profondeur psychologique. Comme le souligne un commentateur, « l'opéra se livre moins à un affadissement qu'à une acculturation du mythe » (Emmanuel Reibel) car ses auteurs français ont cherché à « modeler le personnage éponyme sur leurs propres valeurs ».  Le décalage est donc certain entre l'opéra et la pièce de Goethe.  Le drame bourgeois n'est pas loin.  Est-ce une raison pour s'y engouffrer comme le fait Jean-Louis Martinoty dans cette nouvelle production ?  Succédant à celle, légendaire, de Jorge Lavelli (1975) qui avait enfin sorti la pièce de ses connotations pompiéristes et transcendé le cliché d'une affaire de détournement de mineure, la  surprise est de taille.  Alors que les présupposés participent chez Martinoty d'une fine analyse, la réalisation ne laisse pas d'interroger.  Sa lecture qu'il définit comme « scrupuleuse à l'excès », s'empêtre dans l'imagerie réaliste.  Dès lors que, selon lui, « Faust ne connaît de la vie que ce qui vient de sa bibliothèque », il impose une décoration unique : vaste salle de bibliothèque circulaire flanquée d'escaliers en colimaçon et de mille objets hétéroclites.  Encombrant, lourdé d'un luxe de détails, enrichi encore de scénettes comme incrustées (le jardin de Marguerite, le banquet des égéries de la nuit de Walpurgis), ce dispositif ne facilite pas l'appréhension des destins individuels. Ils sont peu servis par une direction d'acteurs au mieux banale, au pire indigente.  Les masses chorales ne sont pas mieux traitées, défilés mécaniques et disposition convenue. On croule sous une avalanche de symboles souvent croisés : allégorie de la mort fauchant ses victimes, poignards  présentés en forme de croix latine, blanche chemise tachée de sang, processions des corps constitués, magistrats, universitaires, académiciens et autres dames de l'Armée du Salut ; sans parler d'un brelan de Miss Monde en maillots de bain, lutinées lors de la kermesse par un incorrigible Faust.  Et que dire de Méphisto accoutré en haut dignitaire ecclésiastique revanchard lors de la scène de la prison !  Un passage poétique entre tous comme la première rencontre entre Faust et Marguerite passe presque inaperçu au milieu du plateau embarrassé.  Le joli trait qui voit Marguerite parée de mirifiques bijoux, par Méphisto lui-même, avant qu'il ne l'emporte dans un tourbillon à la fin de son air fameux, est peu de chose à côté de moult propos creux (l'attitude nonchalante de Faust durant la kermesse) ou trop explicites (le duo de la chambre).  Le parti de situer l'action à l'époque du Second Empire n'est en soi pas dérangeant.  La vue de tous ces soldats calamistrés et pantalon garance est même originale.  C'est la volonté de souligner toute chose qui devient lassante.  Pourquoi tant charger au risque d'affaiblir la dramaturgie ?

 

©ONP/Charles Duprat

 

 

L'exécution musicale est d'une toute autre trempe.  Grâce d'abord à la direction très pensée d’Alain Altinoglu qui privilégie les accents sombres mais aussi les contrastes.  La prolixité de l'invention mélodique est mise en exergue, sans jamais sombrer dans le banal routinier, le déjà entendu.  Au contraire, la justesse de l'expression rend pleine justice à la hardiesse de l'harmonie et aux vertus de  l'orchestration, ce que l'Orchestre de l'Opéra défend avec brio.  La distribution est de belle tenue - mis à part un Siebel insuffisant.  Elle est dominée par la voix de stentor de Paul Gay qui, bien que ne possédant pas un timbre naturel de basse mais plutôt une tessiture de baryton grave, possède cette qualité rare de pouvoir chanter forte sans gêne.  On pense au jeune José van Dam.  Le portrait confère à ce Satan une force de conviction peu commune.  La voix et la présence d’Inva Mula l'identifient à Marguerite : émouvante dans cette fragilité, plus poche de la Gretchen de Goethe que de la grande héroïne lyrique trop souvent représentée.  L'air des bijoux est justement replacé dans son contexte de découverte émerveillée et non de ridicule cupidité.  La scène de la prison comme l'ultime message sont emplis d'une émotion vraie. Tassis Christoyannis propose un Valentin convaincu et superbement chanté.  Enfin Roberto Alagna, dans un de ses rôles favoris, est fidèle à lui-même : distinction de phrasé, refus du pathos quand bien même la régie semble lui laisser la bride sur le cou, poétisation de ses interventions.  Si la voix n'a plus la manière de sonner de naguère, elle n'en reste pas moins superbement cuivrée.  « Salut, demeure chaste et pure » demeure bien l'un des plus  beaux airs de ténor dont peut s'enorgueillir l'opéra français.  Curieusement, le public lui fera un accueil chaleureux, mais sans plus, comparé au feu nourri des applaudissements réservés à l'interprète de Méphisto.   

 

 

« Convergences » : des concerts pour l'amateur

En parallèle aux diverses productions données dans la grande salle, l'Opéra Bastille présente une série de concerts de musique de chambre dans le cadre intime de l’amphithéâtre.  Son concepteur, Christophe Ghristi, dramaturge maison, a conçu une programmation raffinée et originale mêlant œuvres rares de compositeurs français au tournant du XXe siècle et grandes pages du répertoire de la mélodie ou de la musique instrumentale.  La troisième séance de la série réunissait la pianiste Elisabeth Leonskaja, si rare en France, et le Quatuor Aron.  En première partie, la pianiste donnait la Sonate pour piano n°1, op. 24 de George Enescu, créée en 1924.  D'un modernisme tout relatif, elle rassemble tout ce qui fait l'originalité du langage de l'auteur : un mélange de folklore roumain réinventé, comme le fera Bartók en Hongrie, de romantisme allemand et d'impressionnisme français.  C'est peut-être cette dernière influence qui se signale le plus immédiatement.  Complexe, la pièce est exigeante mais il s'en dégage un bonheur musical intense : l'alliance d'une pensée méditative et d'un tempérament déchaîné.  Ses trois mouvements s'ordonnent de manière peu orthodoxe puisque on passe de l'allegro au presto pour conclure sur un andante.  Le grave sombre du premier mouvement est adouci par l'effet de transparence française. Le presto vivace, à la manière d'un scherzo débridé, requiert de l'exécutant une panoplie de jeux différenciés.  Enfin l'andante molto espressivo se rapproche encore plus des climats irisés, comme raréfiés, favorisés par les musiciens français au début du XXe siècle, Debussy notamment.  Leonskaja fait sienne cette musique de l'âme.  On comprend vite pourquoi elle a enchâssé cette perle entre Ravel et Debussy.  Les Valses nobles et sentimentales introduisent presque naturellement les climats dont est chargée la pièce d’Enescu.  Et les trois Préludes de Debussy qu'elle distille ensuite en sont le prolongement légitime.  Cette pianiste, dont on ne soupçonnait pas l'empathie avec l'idiome gallique, en livre les sortilèges infinis.  En seconde partie elle fait alliance avec le magnifique Quatuor Aron de Vienne pour une interprétation puissante du Quintette pour piano & cordes de Franck.  Bien sûr le système cyclique cher à l'organiste peut devenir entêtant.  Mais quel attrait dans les courbes dessinées avec grâce, les thèmes qui reviennent en boucle, passant du piano aux cordes et vice versa.  L'exécution est soutenue, passionnée, ce que l'acoustique très présente de l'amphithéâtre accentue sans doute.  Le lyrisme échevelé y fait florès, en particulier au lento central marqué « con molto sentimento ».  C'est dire !

 

©Jean Mayerat

 

Les futures étapes de cette passionnante série seront consacrées au chant : récitals de Karine Deshayes pour dire Gounod, Berlioz, Bizet et Delibes (11/I), de la belle Sophie Karthäuser accompagnée du pianiste Cédric Tiberghien qui convoqueront Reynaldo Hahn, Ernest Chausson, Benoît Mernier et Bernard Foccroulle (8/II), du ténor Topi Lehtipuu qui illustrera aussi bien Fauré et Duparc que Sibelius et Webern (15/II), de Yann Beuron offrant, entre autres, les rares Clairières du ciel de Lili Boulanger (18/IV), de Soile Isokoski et de sa fidèle pianiste Marita Viitasalo pour chanter Strauss (2/VI).  Une séance de musique de chambre réunira Jean-Efflam Bavouzet et le Quatuor Danel pour un programme Debussy-Fauré le 31/V.   Une absolue rareté, l'oratorio Le miroir de Jésus, sortira sans doute d'un oubli coupable son auteur André Caplet (19/V).  Enfin deux soirées des solistes de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Paris seront consacrées à Liszt (2/XII) et à Massenet (20/I).  Le prix de ces concerts est fort attractif.  À fréquenter pour qui veut se sortir du convenu.  

 

 

Formidable reprise de Tannhäuser

Richard WAGNER : Tannhäuser.  Opéra en trois actes.  Livret du compositeur.  Christopher Ventris, Nina Stemme, Sophie Koch, Stéphane Degout, Christof Fischesser, Stanislas Barbeyrac, Eric Huchet, Wojtek Smilek, Tomasz Konieczny.  Orchestre et Chœur de l'Opéra national de Paris, dir. Sir Mark Elder.  Mise en scène : Robert Carsen.

 

© ONP/Elisa Haberer

 

 

Le bonheur de cette reprise de Tannhäuser, on le doit à l'exécution musicale et avant tout à une distribution dont peut s'enorgueillir l'Opéra de Paris.  À faire pâlir le prestigieux Festival de Bayreuth qui, au demeurant, n'a guère brillé dans sa nouvelle production de l'œuvre, l'été dernier (cf. NL d'octobre 2011).  Pas la moindre réserve ne vient troubler l'harmonie de l'ensemble.  Le Tannhäuser de Christopher Ventris ne cède pas au timbre barytonnant de bien des interprètes du rôle.  Son émission claire et percutante le rapproche de la voix italienne.  Le rôle gagne en juvénilité. La tension, qui jamais ne se relâche, monte même en puissance pour culminer dans le récit de Rome du IIIe acte, terrible narration par le pécheur d'une tentative manquée de rachat de ses fautes.  Tout l'art est ici de savoir s'économiser durant les deux précédents actes sans donner l'impression de trop se réserver.  Le chanteur fait sien un des rôles de ténor les plus délicats à distribuer du théâtre wagnérien.  Vénus se voit assigner elle aussi une partie difficile, comme le seront les grandes héroïnes à venir confiées aux mezzo-sopranos, les Ortrude et autres Kundry.  Sophie Koch, pour sa prise de rôle, est l'une des révélations de la soirée.  Outre un port royal et séduisant, elle possède le vrai galbe wagnérien, le legato souverain, la fine musicalité lui permettant de si bien « coller au texte », la vaillance dans l'aigu, rare chez une mezzo.  Nina Stemme est une habituée du rôle d'Elisabeth.  On pense à sa prestation à l'Opernhaus de Zürich la saison passée (cf. NL de mars 2011).  Cette série marque ses débuts à l'Opéra de Paris : un soprano dramatique comme on en rêve. Telle sa compatriote et aînée Birgit Nilsson, elle possède l'ambitus d'une voix idéalement placée, medium ample, grave timbré et, bien sûr, quinte aiguë glorieuse, qui idéalisent une héroïne attachante.  Certes, la fréquentation de parties plus lourdes (Isolde, Brünnhilde) a développé l'organe et sans doute étoffé le timbre de soprano lyrique requis pour ce « Wagner blond » dont parlait en connaissance de cause Régine Crespin.  Mais on ne saurait s'en plaindre devant pareilles jeunesse rayonnante et si intense réflexion.  Autre prise de rôle, le Wolfram de Stéphane Degout : son habitude du répertoire de la mélodie (comme il en est de beaucoup d'interprètes du personnage), son timbre de baryton lyrique l'y prédestinaient.  Il lui imprime une  simple plénitude que parachève un sûr talent dramatique : une tendresse non mièvre, une douceur émue.  Christof Fischesser est un Landgrave noble, doté d'une voix de basse claire.  Et le quatuor des Chevaliers du tournoi de la Wartburg aligne des premiers rôles en puissance, tel l'excellent Stanislas de Barbeyrac.  La contribution des chœurs est valeureuse quoique affectée par quelques décalages chez les ténors.  Mark Elder dirige très lentement une version de Paris qui prend parfois des allures « tristanesques ».  Wagner ne se satisfera jamais de cette pièce qu'il remettra à plusieurs reprises sur le métier.  Pour sa présentation parisienne en 1861, il l'affectera de proportions comme agrandies, développant en particulier la scène du Venusberg au Ier acte.  La lenteur bride parfois la spontanéité du discours. Mais la sonorité de l'Orchestre de l'Opéra est d'une rare opulence.  C'est là l'exécution d'un vrai Kapellmeister toujours attentif à ses chanteurs.  

 

© ONP/Elisa Haberer

 

 

Robert Carsen, comme bien d'autres régisseurs, voit dans cet opéra le drame de l'artiste solitaire. On a même avancé, à juste titre, que Wagner y avait projeté ses propres interrogations artistiques et que les relatives faiblesses de construction caractérisant la pièce reflétaient des préoccupations autobiographiques.  Curieusement, l'artiste chanteur qu'est Tannhäuser est saisi ici sous les traits d'un peintre dans quelque atelier où il tente vainement de cueillir les traits d'un modèle si parfait qu'il en est insaisissable, celui de l'idéale Vénus.  C'est là qu'on le retrouvera moribond au dernier acte, de retour de sa quête d'« espérance, grâce et pardon », après qu'Elisabeth y a osé cette « Prière » où elle s'offre en holocauste pour le rachat de l'artiste chéri.  L'acte II qui voit se dérouler le tournoi de la Wartburg, transporte dans quelque galerie chic, fréquentée par un public féru de mondanités.  La scénographie réduite à quelques pans de murs sombres ou blancs et le jeu se développant sur une aire restreinte sont, par la mise en exergue des personnages, aptes à faciliter la progression dramatique.  On aime moins les scènes fastidieuses de déménagement fébrile de châssis de toiles de maîtres.  La direction d'acteurs très pensée dessine des portraits en relief.  Quelques morceaux d'anthologie vont l'enrichir, telle l'entrée d'Elisabeth au début du IIe acte : l'interprète déboule du fond de la salle brillamment éclairée, pour cheminer parmi les spectateurs comme enivrée de bonheur.  Elle lancera son air « Dich, teure Halle » (Salut à toi noble demeure) fièrement devant la fosse d'orchestre, côté salle.  Bel hommage à la magie du lieu même du spectacle !  Le procédé sera encore utilisé peu après, quoique avec un moindre impact, pour le défilé des invités.  Un des modes cher au régisseur est l'effet en miroir.  Ainsi Vénus et Elisabeth sont-elles pour Tannhäuser les deux faces d'un même Janus.  Aussi cherche-t-il à brosser chez celui-ci « l'artiste en perpétuel conflit intérieur, essayant de tirer de ces forces complémentaires une œuvre d'art nouvelle ».  L'imagination dramaturgique tourne cependant court à la dernière scène qui décidément n'inspire pas les metteurs en scène ; du moins ceux qui ne se résolvent pas à regarder le texte en face.  Un happy end factice va clore un cheminement  devenu fort banal lors qu'il réunit Vénus et Elisabeth, se donnant la main même, tandis que Tannhäuser voit son Art enfin reconnu par l'accrochage de son grand œuvre auprès de chefs-d'œuvre de l'art pictural.  C'est pour le moins en décalage avec le texte, plus encore avec l'idée même que l'auteur se faisait de la rédemption de l'artiste maudit.  Quoi qu'il en soit, l'essentiel du message restera bien dans la sublime facture de l'exécution musicale transcendée par ses interprètes.

 

 

Lulu ou le chemin de déchéance d'une libertine

Alban BERG : Lulu.  Opéra en un prologue et trois actes. Livret  du compositeur d'après les drames de Frank Wedekind « Erdgeist » et « Die Büchse der Pandora ».  Orchestration du IIIacte complétée par Friedrich Cehra.  Laura Aikin, Jennifer Larmore, Andrea Hill, Wolfgang Schöne, Kurt Streit, Scott Wilde, Franz Grundheber, Robert Wörle, Victor von Halem, Marie-Thérèse Keller, Johannes Koegel-Dorfs, Marlin Miller.   Orchestre de l'Opéra national de  Paris, dir. Michael Schönwandt.  Mise en scène : Willy Decker.

 

©ONP/Éric Mahoudeau

 

 

Cette production, initiée en 1998, du second opéra de Berg n'a rien perdu de sa puissance évocatrice. Elle réside dans son concept même : inscrire la carrière de  libertine qu'est Lulu dans une sorte d'arène dont le cœur figure cette même Boîte de Pandore, titre d'une des « pièces monstres » de Wedekind dont s'est inspiré Berg, et le pourtour de sombres gradins d'où la cohorte des mâles, redingote noire, chapeau Mossant, contrôle l'ascension et de la déchéance de celle-ci.  Une suite de combats souvent cruels, opposant le masculin au féminin.  Outre qu'il autorise au jeu de se situer, au propre, sur deux niveaux, le dispositif permet, au figuré, une approche saisissante des diverses péripéties d'un drame d'une rare concision où la symétrie des situations est érigée en système.  N'oublions pas que Jack l'Éventreur qui va poignarder Lulu, n'est autre que ce Dr Schön qui lui porta tant de passion.  À cet instant, déchirant entre tous, c'est même la masse des mâles descendus dans l'arène, qui, entourant le couple maudit d'un soir, va comme démultiplier ce geste de désespoir.  Et Lulu restera crucifiée sur la toile peinte de son propre portrait tandis que Jack, satisfait du geste accompli, trucide à son tour la pauvre Comtesse Geschwitz.  Vision d'une force inouïe.  Mais peu de traits auront avant échappé à la sagacité de la régie de Willy Decker qui  discerne combien est vive la tension entre deux pôles.  Car Lulu aimante les hommes aussi profondément qu'elle s'en détache rapidement.  Tel un Don Juan au féminin.  L'unité stylistique est porteuse de signification et ce lieu unique rassembleur d'émotions, alors que sans cesse métamorphosé par des éclairages spectraux.  La mise en scène possède cette vraie lisibilité qui fait accéder immédiatement au cœur même du drame.  Le va-et-vient des personnages, du dessus vers le bas, moyennant de longues et étroites échelles, les fait pénétrer dans cet improbable cirque comme téléguidés par quelque force centrifuge.  Ainsi des incursions de Schilgolch, figure énigmatique, à la fois protecteur et fort intéressé aux gains.  Un des maillons de cette galerie de caractères croqués de main de maître par Decker. 

 

©ONP/Éric Mahoudeau

 

 

Car chacun prend un relief tout sauf caricatural.  Là encore il faut saluer l'homogénéité d'une distribution vraiment immergée dans une dramaturgie quintessenciée.  Familière du rôle pour l'avoir chanté presque partout, Laura Aikin est ici une Lulu plus sensuelle et féminine que femme fatale.  Un ange sans doute, déchu certainement.  La vocalité est souveraine.  Wolfgang Schöne possède lui aussi comme peu le personnage du Dr Schön/Jack, presque une seconde nature.  Les prétendants ténors rivalisent d'acuité vocale et dramatique : Kurt Streit, Alwa de grande allure, Marlin Miller, peintre et nègre généreux.  Pour ses débuts dans la partie étrange de la Gräfin Geschwitz, Jennifer Larmore en vient presque à tenir la vedette, de par sa totale identification avec le drame intime de cette femme si attachée à Lulu qu'elle n'hésite pas à épouser sa maladie pour se rapprocher d'elle.  Dans les multiples personnages de l'habilleuse de théâtre, du gymnaste et du groom, Andrea Hill prouve un sûr talent.  Deux basses, Scott Wilde, détonnant dresseur d'animaux et athlète non moins vigoureux, et Victor von Halem, tour à tour directeur de théâtre infatué et banquier frénétique, tiennent eux aussi le haut du pavé.  Michael Schönwandt livre du texte musical complexe de Berg une vision très liée, misant sur son aspect chambriste.  S'il ne cherche pas à accuser les contrastes, il dévoile la souplesse du discours qu'encore une fois l'Orchestre de l'Opéra restitue avec un rare brio.  Et si un moment tel que le retour de Lulu après son passage en prison manque son ultime émotion, c'est nul doute par volonté de discrétion et de recherche d'objectivité.  Un spectacle dont la dramaturgie essentielle vous poursuit longtemps après la dernière note.

 

Jean-Pierre Robert.

 

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Ondes américaines...

 

La programmation 2011-12 de Radio France, à travers ses divers cycles, rend hommage à la période américaine de Stravinsky : on ne peut que s’en féliciter tant cela nous permet de réentendre maints chefs-d’œuvre parfois sous-estimés, répartis entre les saisons des deux orchestres et un week-end, au 104.  De surcroît, l’intelligence de cette programmation rejaillit sur la musique des États-Unis qui s’y trouve associée en un panorama objectif traversant tout les courants esthétiques.  Ainsi le pianiste Jay Gottlieb, infatigable explorateur et merveilleux ciseleur de répertoires originaux, s’associait-il récemment à Wilhem Latchoumia pour proposer, au 104, de délectables pièces pour 2 pianos de George Antheil et Aaron Copland aux côtés de pages de Stravinsky (inspirateur de tant d’Américains).  Ainsi l’Orchestre national de France vient-il de nous offrir deux jeudis de suite (13 et 20 octobre 2011) des programmes enthousiasmants dont on se désole qu’ils n’aient attiré qu’un public clairsemé !  Le manque de curiosité des mélomanes parisiens demeure un motif de perplexité, de déception, pour ne pas dire de colère.  Dans le même temps, on constate que Lyon, avec la riche saison très « XXe siècle » concoctée à l’Opéra par Serge Dorny et Kazushi Ono, et la première saison « américaine » du nouveau chef de son Orchestre national, Leonard Slatkin, draine l’adhésion d’un public autrement plus éveillé !  On rentra il y a peu d’un instructif week-end Chostakovitch-Szymanowski (autour de l’imaginative production du Nez) dans la capitale des Gaules en ayant honte d’être parisienne...

Mais revenons à ces jeudis de l’Orchestre national de France où les absents eurent bien tort : le 13, le chef néerlandais Jaap van Zweden, baguette précise et sens aigu du travail orchestral, offrait pourtant comme su-sucre au grand public une 4e Symphonie de Tchaïkovski enflammée et dessinée dans ses moindres détails (ah, les accents subits et les inflexions dynamiques du Scherzo, pizzicato ostinato !).  Mais le versant moderne occupait la première partie : l’effectif réduit du Concerto « Dumbarton Oaks » de Stravinsky fit malheureusement ressortir combien manque actuellement un travail au quotidien sur la matière sonore des cordes, et aussi groupe par groupe (ce qui accuse cruellement la différence avec la splendeur des timbres cultivée par Myung-Whun Chung au Philharmonique).  Puis la Sérénade (d’après Le Banquet de Platon), grand « classique » du catalogue de Leonard Bernstein, nous révélait une talentueuse violoniste néerlandaise, Simone Lamsma, encore inconnue sous nos cieux, laquelle déploya une sonorité pure et des enlacements affettuosi dans cette partition optimiste.

 

 Jaap van Zweden ©Bert Hulselmans

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On gravissait un palier supplémentaire avec le concert du 20 octobre où l’expérience communicative de David Zinman empoignait les musiciens du National et les entraînait à se dépasser.  Le chef new-yorkais est de ces meneurs d’hommes qui impriment instantanément leur « patte » sur le son d’un orchestre (ses cycles du répertoire allemand – Beethoven, Schumann, Richard Strauss – à la Tonhalle de Zürich restent dans nos mémoires).  Que nos autorités ne savent-elles attacher au National les baguettes capables de le magnifier : Marc Albrecht la saison passée, David Zinman cet automne !  Ainsi dirigé, son potentiel éclate quand d’autres occurrences ne font ressortir qu’irrégularités et négligences.  La Symphonie en trois mouvements de Stravinsky atteignait des couleurs de bronze autant que des luminosités tranchantes.  La copieuse partie américaine du programme balayait des tendances antagonistes à travers trois œuvres que l’on peut retrouver au sein de la discographie du Maestro avec le Baltimore Symphony Orchestra (Argo et Decca) : dans les volets extrêmes de Three Places in New England de Charles Ives, David Zinman traitait les cordes avec des atmosphères soyeuses dignes des pages les plus chatoyantes du répertoire symphonique.  Le Purple (« Pourpre ») de Michael Torke, pièce répétitive heureusement brève, virait au vermillon le plus éclatant.  Entre le joyeux anarchisme de Ives et le minimalisme coloré de Torke s’insérait le visage néo-romantique de Samuel Barber.  Radio France semble être saisie de frénésie barberienne envers le Concerto pour violon op. 14 : probablement fut-il négligé pendant des années puis soudain, on l’entendit le 1er avril dernier par Nemanja Radulovic (né en 1985) avec l’Orchestre philharmonique sous la direction de Steuart Bedford et ce 20 octobre par Lisa Batiashvili (née en 1979) avec le National et David Zinman (la concertation d’un bureau à l’autre du 6e étage existe-t-elle dans le Palais Gruyère ?).  Les uns préféreront le côté rhapsode improvisateur du Serbe, les autres la plénitude et la pensée construite de la Géorgienne, toujours est-il que ce conjoint intérêt des jeunes virtuoses venus de l’est apparaît porteur d’espérance quant à l’abolition des frontières. Ne boudons pas le plaisir d’avoir entendu deux radieuses interprétations de ce Concerto en sept mois, au cas où une nouvelle traversée du désert adviendrait !

 

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David Zinman ©DR

 

 

...et vent de sable argentin

 

Mais n’oublions pas l’Amérique du Sud : le Festival d’Île-de-France nous conviait, le 6 octobre, à une création mondiale, La Rosa... de Martin Matalon qui marque le retour du compositeur argentin à son poète de prédilection, Jorge Luis Borges.  Œuvre merveilleusement indéfinissable, associant tous les vecteurs pour convoyer l’émotion poétique : déclamation parlée, avec le comédien Rodolfo De Souza, chant avec la mezzo-soprano Isabel Soccoja –  partenaires attachants évoluant dans la mise en scène discrète de Diana Teocharidis –, sons réels d’un effectif original d’une dizaine d’instrumentistes (l’excellent Ensemble Ars Nova de Philippe Nahon), traitement électronique (réalisé grâce à La Muse en circuit) au raffinement humain tel que Martin Matalon sait si bien le concevoir.  On se laissait ensorceler par des fragments littéraires (malheureusement traduits avec décalage par le surtitrage) dont la résonance intime nous atteignait grâce au prolongement imaginatif et spontané qu’en délivrait une musique toujours impalpablement allusive, jamais envahissante.  L’arrière-plan philosophique des réflexions ainsi serties nous renvoyait finalement à des thématiques antérieures de l’œuvre de Matalon, car il s’agit bien, dans les bribes poétiques comme dans la transformation en temps réel du son, de Dos formas del tiempo (titre d’une pièce pour piano de Matalon écrite en 2000), et de Formas de arena (une pièce pour flûte, harpe & alto de 2001), ce que le clin d’œil d’une cascade de sable depuis les cintres venait confirmer à la fin du présent spectacle.  Un onirisme par fines touches au fil d’une œuvre longue occupant d’un seul tenant toute la soirée, le sentiment d’un voyage intérieur jamais résolu, un kaléidoscope de couleurs subtiles en constantes mutations : l’enchantement naît de l’adhésion profonde du compositeur à des valeurs sensibles que sa musique intègre avec un bonheur sans cesse renouvelé.

 

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Martin Matalon ©Patricia Dietzi

 

Sylviane Falcinelli.

 

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À l'Opéra de Lyon,  Le Nez  se dévergonde

Dimitri Chostakovitch : Le Nez.  Opéra en trois actes et un épilogue.  Livret du compositeur, d’Alexandre Preis, Gueorgui Ionine & Evgueni Zamiatine. Vladimir Samsonov, Alexandre Kravets, Andrey Popov, Vladimir Ognovenko, Claudia Waite, Vasily Efimov, Yuri Kissin, Gennady Bezzubenkov, Margarita Nekrasova, Tehmine Yeghiazaryan.  Orchestre et Chœurs de l'Opéra de Lyon, dir. Kazushi Ono.  Mise en scène : William Kentridge.

 

©Opéra de Lyon/Stofleth

 

 

Chostakovitch a puisé le sujet de son premier opéra chez Nicolas Gogol, dans Nos, nouvelle satirique tirée du recueil des Nouvelles pétersbourgeoises.  Il l'a enrichie d'autres textes du poète pour illustrer les aventures fantastiques et improbables du nez du major Platon Kouzmitch Kovaliov.  Au fil de trois actes et dix tableaux on verra comment le pauvre homme qui perd son nez après être passé chez le barbier, va se mettre à la recherche de cette protubérance essentielle (acte I), puis mener une quête de plus en plus désespérée de l'appendice devenu lui-même incontrôlable (acte II) avant que ledit attribut, lynché en règle par une foule gagnée par le délire de la rumeur, ne soit arrêté et retrouve son légitime propriétaire pour reprendre sa juste place.  Un tour de force que cette suite de scènes reliées les unes aux autres par des intermèdes selon le principe du montage cinématographique ! Créé en 1930, l'opéra déchaînera les passions.  On mesure combien sa modernité a dû frapper les esprits.  Il n'a pas perdu une once de son acuité.  La caricature de la société bourgeoise à la Daumier rejoint la fresque expressionniste d'Eisenstein.  Quelque 80 personnages, plus ou moins développés, se partagent cette satire féroce.  « Pris séparément, les gens n'ont pas l'air trop méchants ; ils sont simplement bizarres.  Mais lorsqu'ils sont tous réunis, c'est une meute capable de venir à bout de n'importe quoi » dira Chostakovitch dans ses Mémoires.  Avec une étonnante lucidité il saisit comment cette improbable histoire évolue entre dérision et compassion.  On reste malgré tout ému par l'aventure d'un homme « à qui cela peut bien arriver vraiment », morale effrayante aussi bien que malicieuse.  Comment représenter ce qui a priori paraît peu représentable ?  William Kentridge le fait avec un rare flair, s'adonnant à l'illustration des décalages théâtraux qui traversent les scènes et s'étendent bien au-delà, durant les intermèdes.  Sa patte ne vous lâche pas un instant.  Il joue de plusieurs registres et de divers médiums : la vidéo projetant des images façon bande dessinée illustrative, l'incrustation de délicieuses scénettes çà et là sur le plateau.  Une précision d'horloger dans la direction d'acteurs permet de passer d'un registre à l'autre, du comique au poétique, du littéral à l'imaginaire le plus débridé, quasi allégorique.  C'est une course permanente, une fuite d'êtres traqués malgré eux.  Et le temps de l'image rencontre celui de la musique comme d'évidence.  La dramaturgie pourtant chargée de signifiants, devient d'une légèreté prodigieuse grâce au galbe svelte du dessin.  Les morceaux d'anthologie foisonnent.  Ainsi de ce Nez encombrant enveloppé dans du papier journal qui se balade en ville en sautillant ou, marionnette, se balançant nonchalamment  tandis que le pauvre major se lamente et émet cette remarque existentielle : « Sans son nez, un homme n'est rien ».   L'irrévérencieux le dispute au tragique, le fragile à l'hilarant.  Comme Chostakovitch épouse Gogol, Kentridge fait sien, par la métaphore, l'insolite d'un réel irréel sans jamais forcer le trait.

 

©Opéra de Lyon/Stofleth

 

 

L'interprétation est d'une rare perfection.  Une brochette de chanteurs sachant manier à l'envi l'hyperbole russe qu'ils connaissent bien, donne vie au jeu expressionniste et au discours musical basé sur le récitatif exacerbé, parsemé à l'occasion d'interjections et autres onomatopées.  Ainsi du major Kovaliov, Vladimir Samsonov, type même du petit fonctionnaire étriqué, pusillanime mais touchant dans sa quête maladroite du nez perdu.  La vocalise qui fonde son discours est défendue avec panache.  Du Nez devenu personnage, Alexandre Kravets, formidable ténor de composition, se joue de la tessiture terriblement tendue, exigeant un port de voix stable dans l'extrême aigu.  Dans la scène de la cathédrale de Kazan, le metteur en scène aura l'idée de l'incarner en bedeau tout de componction.  Il sera encore un sergent de police veule, hystérique et inquiétant tel le Mime de Siegfried.  Des basses aussi sonores que bouffonnes, les Bezzubenkov, Ognovenko, forgées à l'école du Théâtre Mariinsky, chez Valery Gergiev, tracent les portraits du barbier peu scrupuleux, du docteur intéressé plus par l'argent que par le réconfort de ses malades.  Les dames sont tout aussi prolixes.  Parmi ses diverses métamorphoses, Claudia Waite se joue avec aplomb d'un physique enrobé et d'un timbre grasseyant pour camper une faconde marchande ayant plus à offrir que ses bretzels.  La scène où elle est courtisée par une meute de policiers déchaînés préfigure celle du viol de Lady Macbeth de Mzensk.  Kazushi Ono et l'Orchestre de l'Opéra de Lyon s'immergent sans façon dans la verve décapante de la musique, ses incroyables innovations, tel l'intermède entre les scènes 1 et 2 confié aux seules percussions.  Et que dire des combinaisons instrumentales inédites confinant à la loufoquerie et du recours à des instruments inaccoutumés tels que le célesta ou la balalaïka !  Malgré la complexité du langage, souvent en rupture avec la tonalité, la transparence est là.  Cette exécution magistrale conserve à la musique son potentiel de modernité, sa charge émotionnelle, sa faconde insolente, son élan irrépressible.

 

 

À Caen, William Christie exhume La Didone.

Francesco CAVALLI : La Didone.  Opéra en un prologue et trois actes.  Livret de Francesco Busenello.  Kresimir Spicer, Anna Bonitatibus, Claire Debono, Xavier Sabata, Maria Streijffert, Terry Wey, Katherine Watson, Victor Torres, Valerio Contaldo, Mathias Vidal.  Les Arts Florissants, dir. William Christie.  Mise en scène : Clément Hervieu-Léger.

 

 

 

Si Monteverdi est considéré comme l'inventeur de l'opéra, c'est à Cavalli que l’on doit d'en avoir assuré la pérennité.  Fort prolixe, Cavalli (1602-1676), à partir de 1639, n’écrira pas moins de 42 opéras.  La Didone (1641) en est le deuxième.  Il doit pour beaucoup son succès au livret de Francesco Busenello qui prêta aussi sa plume à Monteverdi pour Le Couronnement de Poppée.  Le texte est d'une vraie richesse littéraire, à en juger par la noblesse du style et des associations de mots d'une beauté étrange.  À cette époque, en effet, l'opéra reste très proche du théâtre parlé.  Dans le fond tragique du parcours des deux héros, on trouve aussi des personnages comiques.  La théâtralité du livret a, nul doute, inspiré l'auteur de cette production, Clément Hervieu-Léger, lui-même acteur, pensionnaire de la Comédie-Française.  Il signe là sa première mise en scène et un coup de maître.  Le tragique destin de Didon, si ramassé chez Purcell, développé à outrance par Berlioz, est conçue par Cavalli de manière pragmatique.  C'est en revenant aux sources de Virgile que sont contés les amours contrariés de la reine de Carthage.  Énée est pourtant au centre de l'action.  Le régisseur y voit « l'odyssée d'un héros qui ne sait pas où se situe son héroïsme ».  Didon ne meurt pas.  Dans un lieto fine inattendu, elle décide d'épouser le pressant roi Iarbas.  « Si l'on peut mourir par amour, peut-on mourir de ne pas aimer ? »  Car c'est contre son cœur que Didon agit de la sorte : « elle meurt sans mourir ».  La direction d'acteurs délaisse ce qui est emphatique au profit d'un naturel constant où le temps théâtral épouse au plus près le temps musical.  Formé à l'école de Patrice Chéreau dont il fut l'assistant pour son Cosí d'Aix et le Tristan de La Scala, il sait qu'il faut « raconter une histoire sans jamais trahir l'esprit du texte ».  Une sentence que bien de ses confrères devraient méditer.  Dans ce qui est une succession de monologues et de rencontres pas toujours amènes, la dramaturgie s'attache à  l'essentiel : aucun pathos, une gestuelle spectrale, des groupements signifiants.  Tout dans le choix de la couleur des étoffes, de la décoration sobre, des éclairages poétiques contribue à la beauté de l'environnement dramatique.  Quelques symboles aussi, tel ce grand cerf mort, dans les entrailles duquel Didon plongera la main à l'heure du choix final.

 

 

 

Pour leur première incursion dans l'œuvre de Cavalli, William Christie et ses Arts Florissants offrent, une fois de plus, la quintessence de leur art.  La musique y est sans doute statique mais combien habitée dans cette exécution.  Basée sur le mode du lamento, faite de longs passages enchaînant diverses façons de chanter, mêlant de substantiels récitatifs à l'arioso, voire à l'aria, elle découvre dans son aspect instrumental des accents expressifs insoupçonnés et une vraie densité d'émotion.  La formation instrumentale est réduite où théorbes et cornets enrichissent le discours des cordes.  Tous les interprètes vocaux vivent une prise de rôle.  Devant pareil résultat, on mesure le formidable travail accompli par Christie.  Les plus aguerris dans le genre, Kresimir Spicer, bouleversant Énée, aux nuances infinitésimales, Anna Bonitatibus, majestueuse Didon, voix grave veloutée d'une simplicité impressionnante, rencontrent les nouveaux venus du Jardin des voix, cher au cœur du chef d'orchestre : Xavier Sabata, merveilleux contre-ténor prêtant à l'amant infortuné Iarbas des accents déchirants, Claire Debono, délicate Vénus, Mathias Vidal, facétieux Mercure.  Sans parler de tous les autres...  Le naturel de leur prestation, la pureté stylistique de leur chant confèrent à ce spectacle une aura de bonheur théâtral rare.  Il sera donné au Théâtre des Champs-Élysées au printemps 2012 (les 12, 14, 16, 18 et 20 avril).  Une occasion de découvrir un chef-d'œuvre !

 

 

Boulez dirige Boulez à Pleyel

 

©A. Warme-Janville

 

 

Devant une salle comble, Pierre Boulez a dirigé Pli selon Pli, sous-titré « Portrait de Mallarmé pour soprano et orchestre ».  Composé entre 1957 et 1962 puis révisé en certaines de ses parties en 1984 et 1989, cette pièce interroge la poétique mallarméenne.  Le titre en est emprunté à un poème Remémoration d'amis belges et ces mots à propos de Bruges et de ses murs enveloppés de brume : « Je sens que se dévêt pli selon pli la pierre veuve ».  Mais le texte est puisé au Livre publié par Stéphane Mallarmé en 1877, sa « seule tâche spirituelle » dira-t-il.  Ce travail littéraire singulier, conçu comme une œuvre d'art totale, s'articule en  « feuillets », autant de poèmes denses et elliptiques.  Cette bizarre musique des mots, la rareté de la langue du poète, l'obsession de celui-ci par la pureté formelle, Boulez les fait siennes.  À la dislocation des phrases, des césures et des ponctuations d'un poète qui repense la syntaxe, correspondent les mêmes phénomènes de scission et d'éclatement du texte musical en des formes libres et improvisées.  Car, selon le musicien, « l'ésotérisme qu'on a presque toujours lié au nom de Mallarmé n'est autre chose que cette adéquation parfaite du langage à la pensée, n'admettant aucune déperdition d'énergie ».  La transposition, la transmutation plutôt, vise non pas la compréhension littérale immédiate du texte poétique mais une approche abstraite qui « suppose acquis par la lecture le sens direct du poème ».  La chose n'est sans doute pas évidente pour l'auditeur de concert, souvent peu ou pas assez préparé.  Cinq parties la composent.  Une sorte de prélude, « Don » et un postlude « Tombeau », pour l'essentiel instrumentaux, enchâssent trois « improvisations » où la voix est mêlée intimement à la texture orchestrale.  Cette dernière est singulière puisque, outre les cordes, on y rencontre 4 harpes, une mandoline et un contingent sérieux de percussions dont plusieurs xylophones et des cloches.  Mais elle agit comme une formation restreinte.  Car, passée l'explosion initiale tel un big-bang et l'éclatement ultime, le climat sonore reste mezza voce le plus souvent, quasi chambriste dans bien des cas, mettant en valeur un agrégat de petites cellules motiviques.  C'est aussi un exercice sur le silence.  La voix soliste est traitée de manière tout aussi originale, du soupir aux larges inflexions, voire à l'interjection explosive (par exemple, lors du Tombeau final sur les mots : « Un peu profond ruisseau calomnié la mort »).  L'écriture pour la soprano requiert une tessiture tendue.  Barbara Hannigan maîtrise assurément le dire boulézien et la prouesse est certaine, même si l’on ne saisit pas grand chose du texte. La maître est, bien sûr, chez lui à la tête d'une formation d'élite : l'Académie du Festival de Lucerne et l'Ensemble Intercontemporain.  Une immense ovation saluera cette exécution, sans doute de référence par la précision légendaire du chef.

 

 

Week-end Schubert/Korngold à Pleyel

 

©Julien Mignot

 

 

Deux jeunes compositeurs adoptés par Vienne en 1797, puis 1897, y auront connu des sorts différents.  L'un ne se verra accorder de son vivant qu'un succès modéré, l'autre n'attendra pas longtemps pour se voir consacrer comme un « nouveau Mozart ».  Mêler au sein d'un même concert, de musique de chambre qui plus est, morceaux fort connus et pièces qui ne le sont qu'à peine peut passer pour téméraire.  Et pourtant la foule était au rendez-vous.  Preuve que l'idée n'était pas illégitime !  Bonheur de ces temps qui voit le public affluer, apprécier et manifester sa joie en telle occasion, quand bien même la célébrité des instigateurs, les frères Capuçon, y est pour quelque chose.  Mais celle-ci ne se mesure-t-elle pas à leur immense talent ?  La première séance vespérale d'une série de trois proposait le Mouvement de trio pour piano de Schubert, vraisemblablement contemporain du Premier Trio op. 99, paré d'une mélancolique beauté dans sa partie lente.  Le Trio op. 100 est d'une autre envergure.  Il est, tout comme son double, l'op. 99, un fleuron de sa production.  L'inspiration y est jaillissante à chaque mesure : thème engageant du premier mouvement, profondeur somptueuse de l'andante,  légèreté du scherzando et de son trio sautillant.  L'interprétation des frères Capuçon et de Frank Braley rejoint les plus grandes.  Au milieu, la Sonate pour piano & violon de Korngold - ou plutôt pour piano et violon tant le clavier se tire la part du lion - a quelque chose de straussien dans l'harmonie.  Celui-ci se disait d'ailleurs fort impressionné par la maestria de son jeune confrère.  Dotée de quatre mouvements, la pièce alterne l'élan et la tension irrépressible de sorte de chevauchées fantastiques, le violon devant se frayer un dur chemin dans une marée de notes martelées, mais aussi le plus beau des cantabile.  Chose curieuse, les deux premiers mouvements chutent sur une note filée ppp du violon.  Le modernisme est étonnant pour l'époque (1913).  Le dernier mot revient au violoniste qui se voir offrir une longue courbe extatique.  L'exécution de Renaud Capuçon et de Jérôme Ducros est grandiose.

 

©Julien Mignot

 

 

Le concert du soir débutait par la Suite pour deux violons, violoncelle & piano (main gauche) op. 23.  Une des compositions écrites par Korngold à l'attention du pianiste Paul Wittgenstein qui perdit l'usage de la main droite durant la Première Guerre mondiale.  Il sera dédicataire de plusieurs concertos pour cette seule main, de Ravel en particulier.  Là encore, quelle maîtrise et quelle exécution !  La composition instrumentale est inhabituelle. L'agencement des séquences ne l'est pas moins.  C'est le piano qui se voit l'honneur d'ouvrir le bal en une sorte de vaste cadence.  Il fera ensuite souvent équipe avec le celliste.  Tension sonore quasi paroxystique, humour au deuxième degré (un esprit de valse, en lambeaux, qui va s'évanouissant), sonorités grotesques du mouvement pareillement titré, sorte de course poursuite à l'abîme aux traits arrachés, mais aussi lyrisme éperdu (Lied) et joie communicative d'un rondo final subissant mille transformations - tels sont quelques-uns des attraits d'une pièce décidément peu ordinaire.  S'agissant du Quintette dit La Truite, il est vain de se lancer dans quelque description.  Mais le propre des grandes interprétations est d'en renouveler l'intérêt.  Les Capuçon, Gérard Caussé, Alina Ibragimova, Frank Braley et le contrebassiste du Berliner Phil, Alois Posch,  montrent un tel plaisir de jouer que le miracle se produit à nouveau : franche émotion, passion contrôlée, fine poésie nimbent leur jeu.  Au sein du concert, se nichait un mini-récital de Lieder de la belle chanteuse viennoise Angela Kirschlager accompagnée par Ducros.  Elle offrait un bouquet de Lieder de Schubert parmi les plus rabâchés, dont La Truite et Le Roi des Aulnes.  Mais, là encore, pour des interprétations à faire pleurer, tant la tension y paraît presque insoutenable.  Un vrai talent de diseuse.  Les Cinq Lieder op. 38 de Korngold (1848), qui réutilise ses musiques de film créées pour les studios d'Hollywood, sont d'une inspiration sensible.  Ce long concert acclamé par le public ne laisse pas de doute quant à la vitalité de la musique de chambre.

Jean-Pierre Robert.

 

 

D’un Faust à l’autre, Salle Pleyel.  Orchestre philharmonique et Chœur d’hommes de Radio France, dir. Eliahu Inbal.   Isabelle Faust (violon).  Steve Davislim (ténor).

Un programme original associant deux œuvres peu données dans les salles de concert. Le Concerto pour violon & orchestre de Robert Schumann composé en 1853, dédié au violoniste Joseph Joachim, œuvre mal aimée qui connut des revers de fortune jusqu’à sa création en 1937, date à laquelle elle apparaît dans le répertoire violonistique, défendue, alors, par les plus grands, tels Menuhin, Szeryng et Kremer.  Isabelle Faust en donna, ici, une vision intelligente, claire et engagée associant, tour à tour, la rudesse et la majesté tragique du premier mouvement, le lyrisme du deuxième et la virtuosité du troisième. Une belle prestation.

 

©Felix Broede

 

 

En seconde partie, le « Philhar » proposait la Faust-Symphonie de Franz Liszt.  Là encore, une œuvre magnifique et moderne par sa structure, emblématique du XIXe siècle, années marquées par l’omniprésence du mythe de Faust en musique (Symphonie fantastique et Damnation de Faust de Berlioz, Scènes de Faust de Schumann, opéra Faust de Spohr), comme en littérature (Marlowe, Goethe et Nerval).  La Faust-Symphonie, en trois portraits psychologiques fut composée en 1854, complétée par le chœur final en 1857, créée la même année à Weimar sous la direction du compositeur, dédiée à Hector Berlioz.  Sa structure en trois mouvements  nous montre une métamorphose des différents thèmes, tour à tour ambigus (Faust), amoureux (Marguerite) ou diaboliques (Méphistophélès).  Eliahu Inbal en donna une lecture particulièrement claire, d’une grande précision, articulant parfaitement les différents plans musicaux, évitant toute confusion pour mettre en avant la richesse des timbres orchestraux, favorisant les nombreux dialogues entre bois & vents ou, plus surprenant, entre cor & harpe. Une vision extravertie au premier mouvement, intériorisée et amoureuse au deuxième, grinçante au troisième, avant de  conclure par le chœur final dans une quête rédemptrice et un chant d’une sublime beauté. Une œuvre initiatique et une interprétation juste, pour une très belle soirée.

Patrice Imbaud.

 

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FORMATION MUSICALE

Divers auteurs : Tour de chants.  Livre de mélodies recueillies par Jean-Clément Jollet. Volume 5, cycle 2 – 1re année. 1 CD.  Billaudot : G 8630 B.

L’originalité de ce volume ne réside pas seulement dans le choix aussi éclectique que judicieux des textes musicaux (Schubert et Fauré y côtoient des traditionnels aussi bien que Brassens et François Vellard), mais aussi dans les mises en voix qui précèdent les chants. L’ensemble des accompagnements aussi bien des mélodies que des mises en voix se retrouvent sur le CD, interprétés avec le talent qu’on lui connait par le pianiste Philippe Lefèvre. Cet ouvrage est à vivement recommander.

 

 

 

Marguerite LABROUSSE & Benoît MENUT : Permis de chanter.  Volume 1. 1 CD. Lemoine : 28860 HL.

Bien qu’il s’agisse du volume 1, ce n’est nullement un volume pour débutants. On pourrait le situer à la fin du premier cycle ou au début du second.  Le choix des textes proposés est aussi varié qu’intéressant. De Machaut à… Benoît Menut, en passant par Gounod, Grieg, Saint-Saëns, Copland, nous sommes entrainés dans un bien agréable voyage. Signalons au passage que la Danse macabre de Saint-Saëns figure sur le CD également dans sa version orchestrale, en plus de l’ensemble des « play-back », fort agréablement interprétés, souvent dans plusieurs versions.

 

 

 

Freddy ROUX : Rhythm’n Jazz. Rythmes à lire et à jouer pour instrumentistes et chanteurs. Volume 2.  Billaudot : G 8669 B.

Cette étude en quatre volumes progressifs aborde l’étude du rythme et du phrasé jazz. Si elle s’adresse aux débutants en jazz, elle suppose néanmoins quatre années de formation musicale pour en tirer vraiment profit.  Vocalistes comme instrumentistes y trouveront de quoi s’initier aux différents styles et s’y perfectionner.  On notera que l’auteur rappelle une vérité trop souvent oubliée : c’est seulement à partir de l’écoute attentive du patrimoine du jazz que son rythme peut s’acquérir.

 

 

 

Joëlle ZARCO : L’oreille harmonique.  Harmonie, improvisation, composition. Volume 3 : Composition.  Lemoine : 28938HL.

Supposant les acquis des deux précédents, ce volume en deux parties s’efforce de conduire à la composition en orientant le travail d’abord vers la construction de la phrase mélodique, la structure harmonique, les modulations puis, dans un deuxième temps, en présentant des modèles de « formats » (jingle, chanson française, musique à danser…). On ne répètera jamais assez que sans une audition intérieure solide et précise, rien ne sera possible en ce domaine.  Une petite taquinerie : dans le deuxième exemple, pourquoi être allé chercher dans Stravinsky ce que lui-même avait, sans le savoir, emprunté à Dranem et surtout à Émile Spencer (Elle avait une jambe de bois…) ?

 

 

 

CHANT

Divers auteurs : Vocales d’aujourd’hui.  Édition conçue, préparée et coordonnée par Jean-Christophe Dijoux & Paolo Zelda.  1 CD.  Billaudot : G 8848 B.

Voici un ouvrage fondamental pour permettre aux élèves chanteurs (et même aux chanteurs, tout simplement) d’aborder sans peur le répertoire contemporain.  Outre présentation et explication, chaque œuvre est précédée d’une copieuse notice qui permet à la fois de la comprendre et de l’interpréter. Le CD contient à la fois l’enregistrement intégral des œuvres et le play-back. Tout cela permettra de découvrir combien il n’y a pas une musique contemporaine mais des styles et des compositeurs aussi divers qu’Isabelle Aboulker, Guillaume Connesson, Betsy Jolas… Ce panorama, remarquablement interprété sur le CD, devrait faire cesser bien des réticences en ce qui concerne les musiques d’aujourd’hui.

 

 

 

François COUPERIN : Trois leçons de Ténèbres à une & deux voix pour le Mercredi saint.  Réalisation de la basse continue par Odile Pierre.  Delatour : DLT0475.

Est-il utile de rappeler qu’il s’agit de lectures (chantées) des Lamentations, texte biblique autrefois attribué à Jérémie qui figurent dans ces très beaux offices appelés Ténèbres qui scandent la Semaine sainte ?  Leur chant en grégorien est poignant. Il se trouve en écho dans les vocalises des lettres hébraïques qui introduisent les différents versets. À partir du XVIe siècle, ces « leçons » donnent lieu à de nombreuses compositions. C’est avec grand plaisir qu’on trouve ici celles de Couperin avec une réalisation d’un goût parfait.

 

 

 

PIANO

Pianissimo,  volume 2. Morceaux originaux choisis & doigtés par Béatrice Quoniam, Beata Suranyi et Marie-Josée Saladin de Nuglar.  Lemoine : 28787 H.L.

Voilà un louable effort pour renouveler le répertoire du jeune pianiste.  Du XVIIIe  au XXIe siècle, ces soixante courtes pièces devraient permettre d’ouvrir les oreilles des élèves à des sonorités pas toutes « classiques », même si le répertoire reste, dans ce domaine, bien équilibré. L’entreprise n’était pas facile, elle nous semble réussie.

 

 

 

Stéphane DELPLACE : Fugue selon Fugue.  Delatour : DLT1872.

Quatorze fugues en fa majeur sur un thème unique et ses transformations : il fallait oser. Renvoyant explicitement à l’Art de la Fugue, l’auteur, qui explore systématiquement le système tonal en le poussant dans ses derniers retranchements nous offre ici une œuvre passionnante dont on aura du mal à épuiser la richesse.  À mettre sur son pupitre, sans modération !

 

 

 

Alain A. ABBOTT : 24 petits préludes dans tous les tons pour piano.  Delatour : DLT1086.

Ces préludes destinés aux pianistes de petit niveau se veulent à la fois pédagogiques mais n’oublient pas de développer, outre l’habileté technique, le sens musical des élèves. Ils se réfèrent bien entendu à la longue lignée des prédécesseurs de l’auteur dans cet exercice et, à leur niveau, ne déméritent pas.

 

 

 

Alain A. ABBOTT : Mes exercices pour piano.  4 volumes. Delatour : DLT 1208, 1614, 1615 et 1616.

Le « Mes » est important : l’auteur n’a pas cherché à faire une nouvelle méthode de piano mais à composer des exercices qu’il ne trouvait nulle part et lui semblaient importants pour aborder telle ou telle œuvre. Donc, il ne faut pas chercher de progression systématique. Ces études sont courtes et permettent de varier le travail.  Ajoutons que si certains doigtés peuvent paraître curieux, c’est que ces études sont faites pour être transposées et exécutées dans tous les tons avec les mêmes doigtés. C’était la pratique de Liszt qui « préconisait l’absolue interchangeabilité des doigts ».

 

 

 

ORGUE

Claude BALBASTRE : Concerto en majeur.  Trio à trois mains.  Restitution pour l’orgue par Marie-Agnès Grall-Menet.  1 CD.  Delatour : DLT1279

Précisons tout de suite que ces deux œuvres ont bien été écrites originellement pour orgue. Marie-Agnès Grall-Menet suppose, vraisemblablement à juste titre, que si le trio a été écrit « à trois mains », c’est à cause de l’impossibilité de jouer la troisième partie sur un petit pédalier à la française entièrement en tirasse.  Voilà pourquoi elle nous en offre cette version pour un seul organiste, mais avec pédalier complet…

Ces deux pièces inédites sont tirées du manuscrit original qui se trouve à la Bibliothèque municipale de Versailles.  On lira avec profit les notices concernant Claude Balbastre ainsi que chacune des deux œuvres ainsi restituées. L’enregistrement intégral a été fait par M.-A. Grall-Menet elle-même, aux orgues de Saint-Nicolas-du-Chardonnet dont elle est titulaire.

 

 

 

GUITARE

Yves CARLIN : Souvenirs nostalgiques. Niveau élémentaire.  Lafitan : P.L.2088.

L’auteur présente avec humour cette pièce à 4, 5/4 et quartolet… qu’un subtil rubato permettra d’assouplir ! Légère et fraîche, elle ne contient aucune indication de nuances pour laisser toute liberté à l’interprète.

 

 

 

Jean-Émile COLLON : Vignette. Niveau élémentaire.  Lafitan : P.L.2275.

En forme de valse un peu mélancolique, cette très courte pièce d’une grande simplicité d’écriture dégage un charme un peu désuet et nonchalant de bon aloi.

 

 

 

Alain VÉRITÉ : Amandines.  26 petites études progressives.  Débutant.  Delatour : DLT1810.

Conçues comme complémentaires aux méthodes de guitare pour débutants, ces petites études aux noms évocateurs et au style varié permettent de donner aux jeunes guitaristes de véritables œuvres miniatures, tout en développant en eux les incontournables acquis techniques.

 

 

 

Johann Sebastian BACH : 15 Inventions à deux voix.  Transcription pour guitare de Didier Renouvin.  Delatour : DLT1874.

Comment ne pas se réjouir que les guitaristes puissent, à leur tour, posséder ce qui, pour les pianistes, constitue une étape essentielle de leur apprentissage à la fois technique et musical ? Le travail de transcription mérite tous les éloges : respect, chaque fois que faire se peut, des tonalités originales (indiquées pour les autres), indication pièce par pièce de l’interprétation de chaque ornement dans l’esprit du clavecin. Bien sûr, les difficultés sont variables suivant les pièces, mais il en est de même au clavier. Quoiqu’il en soit, cette transcription devrait devenir un passage obligé pour les guitaristes.

 

 

 

HAUTBOIS

Claude-Henry JOUBERT : Sérénade orientale  pour hautbois avec accompagnement de piano.  Niveau fin du 1er cycle.  Lafitan : P.L.2130.

La série « Sérénade » présente une écriture contemporaine avec des essais d’improvisation simple. La Sérénade orientale de Claude-Henry Joubert répond tout à fait à ce programme avec, en prime, l’humour dévastateur bien connu du compositeur.  Si les jeunes instrumentistes jouent le jeu, ils devraient y prendre beaucoup de plaisir.

 

 

 

CLARINETTE

Éric FISCHER : Papiers.  12 trios pour clarinette.  Dhalmann (www.dhalmann.fr) : FD0240.

Ces douze trios, considérés comme faciles, n’en font pas moins appel, au fil des pages, aux techniques contemporaines. Si la technique n’en est pas trop ardue, les frottements divers mettront l’oreille des exécutants à l’épreuve : la justesse n’est jamais donnée !

 

 

 

Claude-Henry JOUBERT : Sérénade marine  pour clarinette sib avec accompagnement de piano.  Niveau fin du 1er cycle. Lafitan : P.L.2125.

La collection « Sérénade » propose une écriture contemporaine avec des essais d’improvisation simple et avec accompagnement de piano simple écrit sur une portée. Claude-Henry Joubert en a écrit treize, pour divers instruments. Bien sûr, les consignes d’interprétation sont détaillées, et l’humour du compositeur à la hauteur de la situation !

 

 

 

Hervé POULIQUEN : Suspense  pour clarinette sib & piano.  Niveau Préparatoire. Lafitan : P.L.2149.

Le titre indique le caractère un peu inquiétant et même obsédant de cette pièce qui, partie du grave, culmine dans l’aigu des deux instruments. Clarinette & piano dialoguent et se répondent à l’envi.

 

 

 

Jacky THÉROND : Valse tranquille  pour clarinette sib & piano.  Niveau débutant. Lafitan : P.L.2184.

Voici une bien charmante valse un peu mélancolique qui permettra aux interprètes de s’initier aux joies de la musique d’ensemble.

 

 

 

Jean-Michel TROTOUX : Raconte-moi une histoire !  pour clarinette solo.  Niveau supérieur.  Lafitan : P.L.2060.

Voilà une histoire certes passionnante, mais qui donnera bien du fil à retordre à celui qui voudra la raconter.  Toutes les techniques contemporaines de la clarinette sont ici présentes avec, en plus, des onomatopées rythmées…  Bref, cette histoire demande un investissement total de l’interprète. Mais n’est-ce pas le cas de toute musique ?

 

 

 

Jean-Paul HOLSTEIN : Sonate pour un ami  pour clarinette sib & piano. Delatour : DLT1007.

Écrite en trois mouvements, cette sonate est dédiée au clarinettiste Jean-Louis Bergerard.  Après une longue cadence de clarinette, le premier mouvement expose deux thèmes, l’un mélodique, l’autre rythmique.  Un second mouvement, lyrique, débouche sur un final à la fois rapide et souple en forme de rondo. On y retrouve toutes les qualités de ce compositeur, élève de Messiaen et de Jolivet, qui - tout en ayant un langage très personnel - n’a point renié ses maîtres.

 

 

 

SAXOPHONE

Éric PIGEON : Blues 4 sax  pour quatuor de saxophones.  Niveau 1er cycle. Lafitan : P.L.2309.

Précisons tout de suite que cette pièce, contrairement aux autres de la même collection, est écrite pour quatre saxophones altos.  Construite sur l’harmonie d’une grille de blues, elle reprend un certain nombre des formes du jazz comme le phrasé, la walking bass… : il faudra, pour la jouer correctement, non seulement respecter strictement le phrasé indiqué, mais surtout… écouter du jazz !

 

 

 

Jean-Louis PETIT : Pauv’ p’tit  pour saxophone alto mib & piano.  Niveau préparatoire. Lafitan : P.L.2073.

Élève de Messiaen, Markevitch et Boulez, Jean-Louis Petit n’en néglige pas pour autant l’écriture pour les jeunes.  Et cette pièce aux allures de tango devrait séduire les jeunes interprètes.  Comme toujours dans cette collection, la partie de piano n’est pas d’une difficulté telle qu’elle ne puisse être jouée par un élève.  Ce Pauv’ p’tit devrait rencontrer un succès mérité.

 

 

 

André GUIGOU : Chromatica  pour saxophone alto mib & piano.  Niveau préparatoire. Lafitan : P.L.1962.

Deux parties contrastées s’enchaînent, séparées par une cadence : une partie moderato qui met en valeur la musicalité de l’interprète et une partie plus rythmée et plus « chromatique », comme l’indique le titre de la pièce.  Beaucoup de variété donc, et de charme dans cette œuvre qui se termine brillamment en fanfare.

 

 

 

Jean-Jacques FLAMENT : À la manière de ?  pour saxophone alto mib & piano.  Niveau élémentaire.  Lafitan : P.L.2000.

À chacun de trouver ce que cache le titre.  Mais cet À la manière de ? recèle bien des richesses et une grande variété d’expression et de styles.  Il y a là matière, à la fois, à beaucoup de plaisir et à un travail de fond, tant pour la sonorité que pour le rythme : les passages constants croche = croche demandent un sens de la pulsation qui n’est pas acquis pour tous…

 

 

 

PERCUSSIONS

Daniel GOYONE : Mermaids  pour deux marimbas.  Dhalmann : FD0271.

De difficulté moyenne, cette pièce est une version raccourcie et adaptée pour percussion du thème original. Thème construit à partir de permutations métriques empruntées à la musique indienne.

 

 

 

Alain A. ABBOTT : Œuvres pour percussions.  Delatour : DLT1085

Écrites essentiellement pour vibraphone et certaines avec marimba, ces pièces faciles sont nombreuses et variées. L’une d’elles requiert un accompagnement de piano. Toutes demandent beaucoup de sensibilité et de délicatesse, même les plus rythmées. Ce sera une mine pour les pédagogues.

 

 

 

ORCHESTRE

MENDELSSOHN-BARTHOLDY : Symphonie en la mineur « Écossaise »  op. 56 (1842-1843).  Bärenreiter Urtext : BA 9093.

On sait qu’entre le voyage en Écosse de 1829 et l’achèvement de 1842, Mendelssohn mûrit longuement cette œuvre.  Donnée pour la première fois en mars 1842, la symphonie fut encore révisée pour le concert qu’il dirigea à Londres en juin de la même année.  Outre les qualités qu’on connaît aux éditions Urtext de Bärenreiter, s’ajoute ici le fait que, pour le premier et le dernier mouvement, nous sont données intégralement les deux versions.  On lira avec passion la préface qui nous explique en détail les différentes phases de composition de l’œuvre.  Bien sûr, l’ensemble du matériel d’orchestre est disponible.

 

 

 

Francis COITEUX : Florence et Florèle  pour orchestre junior à vents ou/et cordes & percussions.  Delatour : DLT188.

Sous-titré « Plaisanterie musicale », ce divertissement comporte quatre parties aussi contrastées que le sont, paraît-il, les dédicataires qui ont donné leur nom à la pièce.  De niveau moyen, il peut devenir un « tube » pour nos orchestres de jeunes.

 

 

 

CHANT CHORAL

Pascal JUGY : Il pleure dans mon cœur  pour chœur à 4 voix mixtes & piano.  Poème de Paul Verlaine.  Lafitan : P.L.2119.

Pascal Jugy, qui a travaillé à l’Ircam mais aussi avec François Rauber, nous offre ici une musique qu’il dit lui-même « de style néo-romantique » qui convient à merveille au texte de Verlaine.  Sans être facile, ce chœur est abordable par toute chorale d’amateurs un peu experte.  Beaucoup de charme s’en dégage, comme d’une chanson populaire fredonnée à mi-voix.

 

Daniel Blackstone.

 

 

ORGUE

Bestiaire.  Trois pièces pour grand-orgue.  Le Chant du Monde (31-33, rue Vandrezanne, 75013 Paris) : OR 4523.  27 p.  16 €.

Généralement, le répertoire organistique possède une finalité liturgique mais, notamment au XXe siècle, des compositeurs — comme A. Cellier et, plus proche de nous, J.-D. Pasquet — se plaisent aussi à évoquer des paysages, des atmosphères ou des thèmes particuliers.  C’est le cas de deux pièces de cette publication au nouveau « look » accrocheur, bien présentée, avec indications de registrations, claviers et nuances.  Sous le titre Bestiaire, elle regroupe : Bast (déesse égyptienne à tête de chat) de François-Henri Houbart (°1952), redoutable par des « coups de patte » à la pédale suivis de sextolets de doubles croches, contrastant avec La licorne de Pierre Cholley (1962-), page plus calme et plus mystique, dédiée à son éditeur Hervé Désarbre.  En revanche, La valse des colombes de Julien Bret (°1974), de caractère plus léger, avec citation (en valeurs longues, à la partie médiane) du cantus firmus Veni sancte Spiritus, symbolisant l’Esprit Saint à l’instar de la colombe, se rattache à l’objectif cultuel.

 

 

 

Guy MORANÇON : 13 Variations sur l’hymne « Veni Creator ».  Le Chant du Monde : OR 4789. 16 p.  13 €.

Guy Morançon (1927-), renouant avec la tradition liturgique, a composé en 2010 ces 13 Variations. D’entrée de jeu, la main droite (jeu de hautbois) énonce le thème grégorien bien connu, en croches égales.  Dans les différentes Variations, il est présenté en valeurs plus longues, avec une légère ornementation donnant lieu à des triolets de croches (2e Variation), devenant des dactyles (3e) alors que, dans la 4e, le thème est de nouveau présent à la partie supérieure harmonisé avec quelques notes de passage.  La 5e Variation est un bicinium au rythme plus complexe, le thème y est plus trituré. Dans la 12e, sur un trille (ostinato) de pédale, il apparaît en imitation aux claviers.  Enfin, la dernière, fortississimo et dans un tempo agité, aboutit — après un rubato et un rallentando — à l’accord conclusif à 8 voix.  Judicieuse exploitation moderne d’un thème de Raban Maur (IXe siècle).

 

Édith Weber.

 

 

FLÛTE TRAVERSIÈRE

Scott JOPLIN (1868-1917) : The Chrysanthemum,  arrangé pour flûte & piano par Cathrin Ambach.   Schott (www.schott-music.com) : ED 09878. 12 p.

Il s’agit ici de la joyeuse transcription d’un célèbre ragtime.  Conducteur + partition de flûte.

 

 

 

Étienne GILBERT : Mosaïque,  pour flûte & piano.  Schott (www.schott-music.com) : SF 1002.  28 p.

Cette pièce difficile - mais fort poétique - du flûtiste belge Étienne Gilbert était imposée, en 1968, au Koninklijke Conservatorium van Antwerpen.

 

 

 

Alexander GOEHR : Ariel, Sing,  pour flûte alto solo.  Schott (www.schott-music.com) : ED 13308.  4 p.

Pièce variée, mais rythmiquement difficile - d’une durée d’environ 4’.

 

 

 

Irmhild BEUTLER & Sylvia Corinna ROSIN : Advent, Advent !  Breitkopf Pädagogik (www.breitkopf.com) : EB 8826.

Déjà parues dans des éditions pour flûte à bec (EB 8762) & pour violon (EB 8827), ces 17 mélodies pour le temps de Noël (en allemand), arrangées par Ulrike Philippi pour la flûte traversière (sur 2, 3 ou 4 notes), feront la joie de tout flûtiste débutant.  Avec possible accompagnement par une seconde flûte, une guitare ou un piano…

 

 

 

VIOLON

Pablo de SARASATE : Les plus belles pièces pour violon & piano.  Schott (www.schott-music.com) : ED 20933.  100 p.

Au sommaire : Malagueña, Habanera, Romanza andaluza, Jota navarra, Playera, Zapateado, Nocturne op. 9 n°2 de Chopin (transcription), Guitarre op. 45 n°2 de Moszkowski (transcription).  Pour violonistes aguerris.

 

 

 

Piotr Ilitch TCHAÏKOVSKI (1840-1893) : Concerto pour violon op. 35.  Partition d’orchestre.  Breitkopf Urtext (www.breitkopf.com) : 15115.   25 x 32 cm, 106 p.  54 €.

Composé en quelque 20 jours (mars 1878) - avec le concours, pour les phrasés solistes, de son ami le violoniste Iosif Kotek – ce concerto permit à Tchaïkovski de sortir d’une longue période dépressive, consécutive à la séparation d’avec son épouse, Antonina Miliukova. La partition ne fut toutefois publiée qu’en 1888.  Superbe édition Urtext, réalisée par le musicologue Ernst Herttrich.

 

 

 

VIOLONCELLE

Gerhard MANTEL : La pratique des études, vol. 1.  Schott (www.schott-music.com) : ED 20701.  104 p.

Présentant les bases de la technique du violoncelle à l’aide d’études choisies, ce premier de trois volumes couvre les aspects de l’orientation sur la touche & des changements de position, du vibrato & des trilles aux changements de cordes & doubles cordes.  De moyenne difficulté.

 

 

 

Gabriel KOEPPEN : Blues Time.  Niveau : Intermédiaire.  Schott (www.schott-music.com) : ED 21243. 8 p.

Trois pièces pour violoncelle seul (jouables à la suite ou séparément) composent cette petite suite : Groovy Blues, Blues con variazioni, Busy Blues.  Toute latitude d’improvisation étant laissée à l’instrumentiste…

 

 

 

PIANO

Johann Sebastian BACH : Inventions.  Alfred Kreutz, éditeur.  Schott (www.schott-music.com) : ED 9002.  40 p.

Doigtés & ornements de ce célèbre recueil ont été attentivement révisés par Alfred Kreutz.  Il comporte, en outre, une variante rythmique de la première de ces quinze Inventions.

 

 

 

John C. SKIBA : Peace.  Schott (www.schott-music.com) : ED 13453.  4 p.

De niveau « intermédiaire à avancé », cette pièce évoque un vol en montgolfière que fit naguère l’auteur au-dessus des Alpes : sentiment de paix, mélodies planantes et harmonies fantasques…

 

 

 

Kenneth HESKETH : Poetic Conceits.  Schott (www.schott-music.com) : ED 13185.  44 p.

Conceit (concetto en italien) définit « une démarche métaphorique appliquée à une œuvre poétique ».  Tout au long des six mouvements (en quelque 20’) que comporte Poetic Conceits, il est fait appel à toute une série de thèmes en permanente évolution, au matériau harmonique commun – sorte d’arc continu…  Passionnant mais techniquement difficile.

 

 

 

Karl JENKINS : Benedictus  (from The Armed Man).  Piano à 4 mains.   Boosey & Hawkes (www.boosey.com) : BH 12375.  8 p.

Sur le thème de L’Homme armé, « A mass for peace » nous dit le compositeur, cette pièce en lents accords sur le haut du clavier, soutenus par des arpèges, fera assurément le bonheur de moult duos de pianistes.

 

 

 

Brad MEHLDAU : Elegiac Cycle.  Édition bilingue.  Outre Mesure (www.outre-mesure.net).  23 x 30,5 cm, 224 p.  28 €.

Il s’agit là, par Philippe André, de la transcription complète et de l’analyse d’un célèbre cycle du pianiste de jazz américain Bradford Alexander Mehldau (°1970). Participant à la constitution d’un patrimoine écrit des musiques improvisées, cette réalisation permet de pénétrer au cœur même d’un processus créatif…  Quatre parties composent l’ouvrage : Un album-concept (L’élégie et le cycle comme points de départ / De l’influence de la musique classique / De l’influence de la littérature / Le motif mélodique & rythmique), Techniques & styles (Une écriture polyphonique / L’importance de la forme / Un jeu pianistique complet), Entretien avec Brad Mehldau (par Ludovic Florin), Relevés des thèmes & improvisations (Bard, Resignation, Memory’s Tricks, Elegy for W. Burroughs & A. Ginsberg, Lament for Linus, Trailor Park Ghost, Goodbye Storyteller, Rückblick, The Bard Returns), Postface (Genèse d’une rencontre impossible).  Pour tout musicien, un outil remarquable…

 

 

 

ORGUE

Richard WAGNER : Siegfried-Idyll.  Transcription par Edwin H. Lemare. Schott (www.schott-music.com) : ED 13472.  16 p.

Faisant appel au jeu d’anches (solo), plein jeu, chœur & pédalier, fort habile est cette transcription.

 

 

 

GUITARE

Jean-Denis CROUHY : La méthode du professeur Krooks.  Hit Diffusion (www.editions-hit-diffusion.fr) : PCKROO 01.  Album couleurs, 96 p., 1 CD.  33,50 €.

Simple est le concept : un morceau célèbre sur chaque double page - avec tablatures, grilles, diagrammes d’accords, paroles, accompagnement, conseils pédagogiques, biographies…  Vingt titres (de progressive difficulté) signés : Radiohead, M, John Lennon, Jimi Hendrix, Nirvana, The Rolling Stones, AC/DC, Iggy Pop, Leonard Cohen, Georges Brassens, Amy Winehouse, Eagled-Eyed-Cherry, The Kinks…  Disque comportant les play-back.

 

 

 

FLÛTE & GUITARE

Antonio VIVALDI, Alessandro MARCELLO, Georg Philipp TELEMANN : Adagios baroques.   Gilgenreiner (www.gilgenreiner-verlag.ch) :  RV 106.  15 €.

Pour flûte (traversière ou à bec) & guitare (ou clavier, une octave plus bas), ces quatre mouvements lents extraits de concertos - arrangés par Jean Cassignol, pour la flûte, et Michel Démarez, pour la guitare – séduiront, n’en doutons pas, force duos… non moins que  leurs auditeurs.  Conducteur & partitions séparées.  Niveau : moyen.

 

 

 

PARTITION D’ORCHESTRE

Wolfgang Amadeus MOZART : Symphonie en mib majeur, K. 543.  Breitkopf Urtext (www.breitkopf.com) : PB 5296.  28 €.

Cette édition Urtext se fonde sur la partition autographe que possède la Bibliotheka Jagiellónska de Cracovie.  Publication réalisée sous la haute compétence du musicologue Cliff Eisen - qui dut toutefois corriger, çà et là, diverses négligences d’écriture du compositeur.  Parties séparées disponibles : OB 5296.

 

 

 

ANALYSE MUSICALE

Anthony GIRARD : Le langage musical de Stravinsky dans L’Histoire du soldat.  « Les Cahiers d’analyse musicale », Billaudot (www.billaudot.com).  21 x 27 cm, 64 p., ex. mus.  26 €.

Déjà auteur d’une fort appréciée Analyse du langage musical (Billaudot, 2005), Anthony Girard se penche, cette fois, sur l’une des partitions de Stravinsky les plus complexes à analyser – bien plus, selon lui, que celle du Sacre du printemps…  Rien de moins convenu, en effet, que cette Histoire du soldat : discours musical fragmenté, procédant par juxtapositions, foisonnements mélodique & rythmique.  Éléments de l’étude : Une élaboration formelle originale : Les groupes de motifs / Développement & variation / Techniques de juxtaposition / Imbrications / Symétries thématiques.    Les éléments du langage musical : Aspects mélodiques, harmoniques, rythmiques / L’orchestration.  Considérations stylistiques.

 

Francis Gérimont.

 

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Franck BESINGRAND : Louis Vierne  « Horizons », Bleu Nuit, 2011.  176 p.  20 €.

Avec cette nouvelle parution, les entreprenantes éditions Bleu Nuit enrichissent leur collection « Horizons » d’une monographie que nous étions sûrement innombrables à attendre depuis des décennies, celle de Louis Vierne (1870-1937), organiste hors pair et compositeur majeur. Disciple parmi les plus doués de César Franck et de Charles Marie Widor, il comptera lui-même Lili Boulanger ou Maurice Duruflé au rang de ses plus illustres élèves.  Tout au long de cet ouvrage intelligemment et abondamment illustré, l’auteur rappelle cependant, avec force et conviction, que la contribution de Vierne à l’histoire de son art ne se limite nullement au répertoire de l’orgue, mais enrichit tout aussi brillamment la littérature pour orchestre, pour voix, pour piano, voire pour formation de chambre.  Les commentaires d’œuvres se signalent par leur clarté, les principaux caractères esthétiques de Louis Vierne étant, pour leur part, soumis au crible d’une analyse concise. Un seul regret, peut-être, l’absence de toute référence à Hector Berlioz (hors la citation homonyme d’une salle de concert, p. 48 !) dont maintes pages épiques de Louis Vierne semblent pourtant transmettre l’enthousiaste leçon de liberté.  En complément, selon l’usage de la collection, le lecteur trouvera un tableau synchronique lui permettant de situer l’artiste dans son temps, le catalogue des œuvres, une bibliographie et une discographie sélectives ainsi que l’index des noms.

 

Gérard Denizeau.

 

 

Alexis GALPÉRINE : Carlos Roqué Alsina : entretiens, témoignages, documents.  Delatour France (infos@editions-delatour.com), 2011, 317 p.

Alexis Galpérine — violoniste, concertiste, professeur, entre autres, au CNSM de Paris, auquel on doit notamment la monographie de son grand-père, Édouard Souberbielle, parue chez le même éditeur — rend, à l’occasion de ses 70 ans, un vibrant hommage au pianiste et compositeur argentin Carlos Roqué Alsina. Leur première collaboration musicale remonte à l’été 1990, au « Festival-Académie des Arcs », puis au sein de « Musicavanti », et — comme le précise l’auteur — « jamais je n’ai pu le prendre en défaut, en tant qu’interprète ou en tant que compositeur, d’une quelconque entorse à son éthique artistique. » Éthique et esthétique, indissociables sont les leitmotive de ce livre.  Carlos est replacé dans son environnement artistique : O. Klemperer, M. Rosenthal, G. Ligeti, L. Berio, H. von Karajan, Ernest Bour… « Figure majeure de la scène contemporaine, dont la pensée ouvre sur les grands questionnements de l’avenir », son rayonnement international (festivals de Darmstadt, Donaueschingen, Royan, La Rochelle, Metz… ; Allemagne, États-Unis et France où il s’est installé) est indéniable. L’Orchestre de Paris lui a d’ailleurs commandé une symphonie. Les Entretiens commencent en 2010. L’auteur ne dispose pas d’archives sur l’enfance de « Carlitos » (°1941) et sur sa jeunesse en Argentine, mais il a quand même réussi à aborder le stade « où le langage musical devenait le sujet principal » de leurs entretiens. Cette première partie est étayée de renseignements particulièrement significatifs : programmes (du « Mozart argentino »), critiques (Argentine, Hongrie, notamment), création de sa première œuvre pour grand orchestre Symptom (1969, radio de Hambourg par Br. Maderna, reprise au Festival de Venise).  Son itinéraire se précise au fil des pages, en fonction des bourses obtenues (Fondation Ford…) ; engagement à Buffalo, au Center of the Creative and Performing Arts, en liaison avec l’Université de New York ; puis Berlin, la France (Lyon, CNSM, 1989 ; Royan ; Paris, concert à la Salle Cortot, 25 avril 2002… ; Nancy, Salle Poirel, en 2006)… jusqu’à Taiwan. Les Témoignages très éloquents émanent, entre autres, de Renaud François, Vinko Globokar, Michel Portal, David Simpson, Gaston Sylvestre, Bernard de Vienne… et projettent des éclairages très variés sur l’amitié, la musicalité, mais aussi sur des événements (création du Studio électronique du SWR, Baden-Baden), concerts mémorables et sur ses qualités personnelles : « clarté des idées, rigueur intellectuelle, énergie inépuisable, sens de l’architecture, incroyable maîtrise technique au service de l’expression musicale, économie des moyens, très haute exigence envers lui-même mais tolérance envers les faiblesses de ses amis… » (selon le violoncelliste D. Simpson), ou encore « être généreux, musicien jusqu’au bout des ongles, être ouvert à toutes les expériences » (selon le percussionniste G. Sylvestre). Les Documents comprennent des lettres (M. Kagel, Südwestfunk, ministère (français) de la Culture, Radio France…). Trois articles  très détaillés en espagnol et un article de Jean-Louis Leuleu : « Quand jouer c’est composer » (1987), ainsi qu’une « Étude sur l’œuvre de Carlos Roqué Alsina » par Xavier Aymonod (2003), permettent de découvrir la personnalité et l’œuvre du compositeur argentin publiée à Milan, de 1967 à 2010 (cf. Catalogue, p. 307-309). Une telle diversité d’informations, de réactions, de documents et témoignages d’horizons divers ne peut que susciter l’envie de lire cet ouvrage d’A. Galpérine, si bien conçu et documenté, et d’entendre non seulement le pianiste, mais aussi « l’œuvre polymorphe » de Carlos Roqué Alsina « dont on n’a pas fini de mesurer la portée ».

 

 

 

Suzy SCHWENKEDEL : En classe chez Pachelbel, Bach… et les autres.  Précis de pédagogie. Anfol (51, rue Principale, 67530 Ottrott. contact@anfol.org), 2011.  106 p.  38,92 €.

En pédagogue avertie & fin connaisseur de l’orgue, l’auteur livre aux organistes improvisateurs, accompagnateurs et enseignants le résultat de sa vaste expérience dans le sillage de Pachelbel, Bach, J.-Fr. Dandrieu, Johann Christian Kittel (1732-1809)…  Un volet important concerne la théorie — harmonie, harmonisation, divers accords (sixte ajoutée, triton, septièmes), modes d’église (transposition et harmonisation) —, et débouche sur la technique et la pratique organistiques.  L’ensemble est étayé d’exemples musicaux (XVIe-XVIIIe siècles) judicieusement sélectionnés — dont certains sont empruntés à la Tablature de Weimar éditée (1994) par S. Schwenkedel ; d’autres, à des chorals luthériens ou psaumes réformés. Les chapitres interpellent directement l’élève qui apprendra ainsi à mieux analyser, comprendre et interpréter le répertoire.  Les commentaires sont explicites ; les termes étrangers, signalés.  Il faudrait toutefois, par exemple au chapitre 19, préciser que le cantus firmus — s’inspirant de la séquence Victimae paschali laudes (puis repris par P. Davantès pour le Psaume 80 O pasteur d’Israel escoute) — est exposé au ténor.  Ce constat n’enlève rien à la valeur de ce livre pratique rendant aussi hommage à Harald Vogel qui, depuis 30 ans, a donné une nouvelle impulsion à l’enseignement de l’orgue.  L’utilité d’un tel manuel n’est pas à démontrer.

 

 

 

David DUPIRE : Pour un art poétique de l’orgue.  Pensées détachées. Delatour (infos@editions-delatour.com).  35 p.  5 €.

Ce fascicule n’appartient pas à un genre littéraire classé. Il se présente comme une juxtaposition de réflexions, de pensées, de judicieux conseils, fruits de la vaste expérience de David Dupire, organiste, pianiste, littéraire et docteur de l’Université Paris-Sorbonne.  Il a retenu trois angles d’attaque : musicien, interprète (organiste, pianiste) et littéraire. L’orgue est abordé comme un objet sonore « loin des auditeurs », « immobile et statique » ; il est tributaire de plusieurs facteurs : diction, ornementation, vocal, rythmique, technique de jeu, position du corps, poids des jambes, coudes stables… - calme et spontanéité étant indispensables à l’interprétation. Après avoir évoqué « la danse ancienne »…, la plastique symphonique…, en guise d’épilogue, l’auteur s’adresse à l’interprète ayant pour mission de « faire revivre » — tout en respectant l’esprit de l’œuvre —, grâce à une registration s’apparentant à une orchestration. L’interprétation vraie est un avènement… : « c’est l’indicible qui vient ».  « Pensées détachées », mais conseils attachants.

 

 

 

Pascale ROUET & Christophe MARCHAND : Enquêtes sur le Sacré dans la musique d’aujourd’hui.  Hommes, Œuvres, Horizons.  Delatour (infos@editions-delatour.com).  296 p.  22 €.

Des musiciens contemporains, connus ou inconnus, exploitant le langage musical du XXIe siècle, apportent des réponses au problème de fond dégagé dans la Préface de Gilles Cantagrel : que doit-on entendre par « religieux : confessionnel, mystique, spirituel, transcendant » ?  et à l’interrogation : « où se situerait la mystérieuse frontière entre le religieux, le sacré et le profane ? »  C’est le mérite de P. Rouet (organiste) et de Chr. Marchand d’avoir regroupé 13 entretiens autour de « la recherche de la transcendance », soulignant les motivations de divers compositeurs tels que Ch. Chaynes, M. Radulescu, Cl. Ballif, le regretté J.-L. Florentz, R. Campo. P. A. Castanet, A. Mabit...  Cette réflexion - pratique, théorique et esthétique autour de la musique d’orgue contemporaine - se situe dans une perspective analytique avec, entre autres, le rôle du silence, le traitement du temps musical, l’économie des moyens, l’attitude hédoniste dans la vie…  La conclusion se présente comme un bilan dégageant des horizons, à partir de messes, de dramaturgies à sujet religieux et de « fresques profanes à force sacrée ».  Ces questionnements sur le geste compositionnel, philosophique et esthétique, et ces démonstrations percutantes susciteront réactions et réflexions.

 

Édith Weber.

 

 

 

Catherine KINTZLER : Jean-Philippe Rameau (1683-1764).  Splendeur et naufrage de l’esthétique du plaisir à l’âge classique. 3e édition revue & augmentée.  « Musique ouverte », Minerve (www.editionsminerve.com).  15,5 x 23 cm, 240 p.  23 €.

Cette 3e édition d’un ouvrage classique a été notamment augmentée de l’annexe « Les opéras de Rameau et la question du merveilleux maçonnique », dans laquelle est donnée la liste des ouvrages où l’on peut découvrir - à des degrés divers – pareilles références : l’acte des Incas dans Les Indes galantes (1735), Zoroastre (1749), Les Fêtes de l’Hymen (1747), Zaïs (1748), Naïs (1749), Les Boréades (1764)…  Et Catherine Kintzler de noter, dans sa nouvelle préface : « Finalement jamais Rameau n’a été aussi actuel, dans son art comme dans sa science.  Hautain, insolent, herculéen, admirablement obstiné, méditatif, hyperactif, magnifiquement dissonant et magnifiquement silencieux, il vous râpe les oreilles tout en vous enchantant ».

 

 

 

Benoît DRATWICKI : Antoine Dauvergne (1713-1797). Une carrière tourmentée dans la France musicale des Lumières.  Mardaga/Centre de musique baroque de Versailles (www.mardaga.be).  17 x 24 cm, 480 p., ex. mus., ill. n&b et couleurs.  39 €.

Superbe est cette monographie consacrée au violoniste et compositeur Antoine Dauvergne, auteur d’opéras et de grands motets - où il apparaît comme le digne continuateur de Rameau et de Mondonville.  N’est-il pas, en outre, l’inventeur de genres scéniques qui feront les riches heures du siècle suivant : opéra-comique,  comédie légère, ballet-pantomime ?  Il occupa aussi de prestigieuses fonctions à la cour et dans la capitale : directeur du Concert spirituel et de l’Académie royale de musique…  Une juste réhabilitation.

 

 

 

Francis POULENC (1899-1963) : J’écris ce qui me chante.  Textes et entretiens réunis, présentés & annotés par Nicolas Southon.  Fayard.  15 x 23,5 cm, 990 p.  32 €.

À tout le moins bienvenue est cette somme réunissant quasiment tous les écrits disponibles d’un musicien qui toujours aima les mots - comme en témoignent éloquemment les textes de ses ouvrages lyriques et innombrables mélodies.  Ont été ici réunis : Articles de presse / Critiques & comptes rendus / Contributions à des ouvrages / Hommages / Réponses à des enquêtes / Conférences / Entretiens.

 

 

 

Hyacinthe RAVET : Musiciennes. Enquête sur les femmes & la musique.  « Mutations/Sexes en tous genres », Autrement (www.autrement.com).  15 x 23 cm, 336 p.  22 €.

Sous prénom épicène, Mme Ravet, sociologue et musicienne, apporte une nouvelle « pierre » à la théorie des genres.  Les femmes peuvent-elles être reconnues comme créatrices au même titre que les hommes ? s’interroge-t-elle.  Certes, sauf peut-être – du moins jusqu’à présent - dans les seuls domaines de la mathématique pure et de la composition musicale…  Mais tout cela devrait changer estime notre auteur(e)…  Entre prologue et épilogue, neuf parties composent ce bel essai : À la recherche des musiciennes / Le sexe des instruments / À l’école de la musique / La clarinette : un instrument traditionnellement « masculin » / Genre & carrières musicales / La lente ouverture des orchestres aux femmes / L’orchestre, un microcosme hiérarchisé / Diriger / Créer.  En annexes : L’enquête en chiffres, Aspects méthodologiques, Glossaire, Sources & références bibliographiques, Index.

 

 

 

Odile BOURIN, Pierrette GERMAIN-DAVID, Catherine MASSIP & Raffi OURGANDJIAN : Elsa Barraine (1910-1999), une compositrice au XXe siècle.  Delatour (www.editions-delatour.com).  14,5 x 20,5 cm, cahier n&b et couleurs.  13 €.

En heureux écho à la belle exposition que le département Musique de la BnF (2, rue de Louvois, Paris IIe) consacre aujourd’hui à Elsa Barraine, cette monographie rend un juste hommage à celle qui fut l’une des premières compositrices à obtenir le Grand Prix de Rome. Ouvrage comportant le portrait d’une musicienne d’exception, l’analyse de quelques-unes de ses œuvres, l’historique de son action pédagogique au Conservatoire de Paris (de 1952 à 1974) mais aussi textes d’analyse, par Elsa Barraine elle-même, du 5e Quatuor à cordes de Béla Bartók et du Concerto de violon d’Alban Berg.  En annexes : Catalogue des œuvres, Liste des élèves, Bibliographie, Index.

 

 

 

Bernard GIRARD : Conversations avec Tom Johnson.  « Musiques XXe-XXIe siècles », Aedam Musicae (www.musicae.fr). 14, 5 x 20,5 cm, 164 p., ex. mus., schémas, ill. n&b.  16 €.

Compositeur américain vivant à Paris, Tom Johnson (°1939) est l’un des pionniers du minimalisme - mouvement dont, selon lui, l’humour constitue l’élément indispensable…  Au sommaire de cette fort éclairante monographie : « L’homme qui compte » / Un parcours New York-Paris / Minimalismes / Mathématiques & musique / Opéra : la trace du théâtre expérimental / Le Bonhoeffer Oratorium / Une vie de compositeur / La musique de Tom Johnson, une négation du temps vécu / Tom Johnson a renouvelé le minimalisme / Les œuvres principales / Index.

 

 

 

Antoine OUELLETTE : Musique autiste.  Vivre et composer avec le syndrome d’Asperger.  Essai/témoignage.  Préface du Dr. Laurent Mottron. Triptyque (www.triptyque.qc.ca).  Distr. DNM (www.librairieduquebec.fr).  15,5 x 23 cm,  313 p.  27,90 €.

« Altération sévère et prolongée de l’interaction sociale », tel est le principal symptôme du syndrome d’Asperger.  C’est en 2007 que le compositeur et musicologue Antoine Ouellette se vit diagnostiquer ces troubles du comportement.  Sur lesquels sa formation, également scientifique, lui permit d’entreprendre une autoanalyse dont il publie ici les résultats.  Quant à, notamment, l’influence de ce syndrome autistique sur sa propre création musicale (refus, par exemple, du principe de non-répétition)…  De lecture aisée, cette passionnante autobiographie est, en même temps, riche d’informations sur l’autisme - pseudo-folie, à propos de laquelle tant de sottises auront été proférées.  Il s’agit là, en outre, d’une manière d’essai philosophique, traitant - non sans une saine virulence – de la science, de l’éthique et de la création artistique.

 

 

 

Pierre GUINGAMP : Michel Warlop (1911-1947).  Génie du violon swing.  Préface de Jean-Luc Ponty.  « Univers musical », L’Harmattan.  15,5 x 24 cm, 308 p. photos n&b.  29,50 €.

Condisciple de Stéphane Grappelli – et probablement aussi doué que lui -, le violoniste Michel Warlop mourut trop jeune pour connaître la même gloire que son ami.  Merci à Pierre Guingamp d’avoir ainsi réparé un injuste oubli.  En annexes : « Une histoire de violons » (Jacques Gay), Le violon de Michel Warlop, Liste de ses compositions et CDs, Bibliographie, Séances d’enregistrement, Index rerum & nominum.

 

 

 

Philippe GUESPIN : Aux armes et cætera.  La chanson comme expression populaire & relais démocratique depuis les années 50.  L’Harmattan.  164 p.  16 €.

De Gainsbourg à Zebda, de Brassens à MC Solaar, d’Aznavour à Renaud, de Sardou à Calogero, sont passés en revue – dans leur traitement par la chanson – la plupart des sujets sociaux et événements politiques ou techniques de ces dernières décennies : racisme, sexisme, homosexualité, nationalisme, désindustrialisation, MP3, écologie…  Trois grandes parties : Reflet des évolutions & tendances, miroir de la société / Relais d’opinion, voies alternatives / Mutations de l’industrie musicale : musique mutante, société vivante.  Index des chansons citées.

 

 

 

François JOLLAT (Sous la direction de) : La formation des enseignants en musique.  État de la recherche & vision des formateurs.  « Sciences de l’éducation musicale », L’Harmattan.  15,5 x 24 cm, 250 p., schémas.  24,50 €.

Rendre compte des nouveaux paradigmes de formation à l’enseignement - général & spécialisé - de la musique, en Suisse romande, France et Canada, tel est le propos de cet essai.   Cinq parties : Le mémoire professionnel dans la formation des enseignants de musique (Angelika Güsewell, Pascal Terrien, François Jolliat), Éléments de formation professionnelle & de formation musicale scolaire (Christiane Baume, Dominique Jacquod, Josée Vaillancourt, Jean Duvillard), Les représentations des enseignants sur leurs compétences à enseigner la musique (Sylvie Jahier, Sylvain Jaccard), Démocratisation & approches interculturelles de la musique (Gérald Guillot, Chrystel Marchand), Varia (Pierre Zurcher, Jean-Luc Leroy, Laurent Guirard).

 

 

 

Dick RIVERS : Mister D.  Entretiens avec Sam Bernett.  Éditions Florent Massot (www.florentmassot.com).  15,5 x 24 cm, 190 p., album de photos n&b.  19,90 €.

Pour ses 50 ans de carrière, le rocker Hervé Fornéri, alias Dick Rivers (Nice, 1946), s’est ici entretenu – en guise de bilan provisoire - avec Sam Bernett.  Le ton est manifestement décontracté et toujours sincères les propos – parfois « vachards » pour d’autres artistes, non moins d’ailleurs que pour soi-même (carrière, vie privée, amours, défauts, erreurs, ratages, etc.).  Sympathique et sans esbroufe (www.dick-rivers.com).

 

 

 

Jean-Michel OULLION : Led Zeppelin.  Même les dragons ont une fin.  Les Carnets de l’Info (www.lescarnetsdelinfo.com).  14,5 x 24 cm, 290 p., cahier de photos n&b.  19 €.

Où nous est contée la saga d’un groupe légendaire, depuis ses débuts (1968) jusqu’à sa dissolution « officielle » (1980) – fébrilité des sessions d’enregistrement, coulisses sulfureuses des tournées aux quatre coins de la planète… mais aussi analyse de son univers d’influence et critique de ses différentes publications (300 millions d’albums vendus, CDs et DVDs).  Webographie, bibliographie sélective.

 

 

 

The Beatles.  Un phénomène en mots, en images & en musique.  Fort volume. 25 x 31 cm, 500 p., ill. n&b et couleurs, partitions.  Éditions White Star (www.whitestar.fr).  Diffusion : Flammarion.  35 €.

Magnifique album dédié aux Fab’ Four : chronologie détaillée des concerts, lieux, citations & événements significatifs de leur histoire (de 1933, naissance de Yoko Ono, à nos jours), photographies rares, et surtout - pour nous, musiciens - partitions de 100 célébrissimes chansons (textes, mélodies, chiffrages, tablatures).  Inespéré !

 

 

 

Olivier CACHIN : Soul for one.  L’aventure de la soul.  La Martinière (www.editionsdelamartiniere.fr).  Relié.  22 x 22,5 cm, 208 p., ill. n&b et couleurs.  35 €.

Éminent spécialiste de la chose, Olivier Cachin nous livre ici une superbe monographie où - des pères fondateurs (James Brown & Otis Redding) à leurs plus récents avatars (Erykah Badu & la nu soul), on retrouve quelques incontournables célébrités (Barry White, Stevie Wonder, Aretha Franklin, Isaac Hayes, Curtis Mayfield, Michael Jackson & autres Prince).  Superbe iconographie.

 

 

 

Kim GOTTLIEB-WALKER (Photographies de) : Bob Marley.  Portrait inédit en photos (1975-1976).  Textes : Cameron Crowe, Roger Steffens, Jeff Walker.  Hors Collection (www.horscollection.com).  Relié sous jaquette. 25,5 x 30,5 cm, 160 p., photos n&b et couleurs.  27 €.

Pour les  innombrables fidèles du dieu de la culture rasta, voilà – richement enluminée – une nouvelle bible !  Plus de 200 photos prises, le plus souvent, dans l’intimité de l’artiste - et c’est cela qui fait la valeur humaine d’un tel album.  Ensemble assorti d’un récit fort bien documenté sur l’émergence du mouvement reggae.

 

 

Francis Cousté.

 

POUR LES PLUS JEUNES

Laure URGIN : Aimata et le secret des tambours.  Livre-CD.  Illustrations : Élise Mansot.  « Les contes du Musée de la musique », Actes Sud Junior / Cité de la musique (www.actes-sud-junior.fr).  Album relié.  20,5 x 20,5 cm, 41 p. illustrées couleurs.  19 €.

Ce charmant conte « pour découvrir les tambours de Tahiti », met en scène la princesse Aimata Pomaré (personnage historique) qui, souhaitant être une bonne souveraine, écoute les conseils du sage du village.  Ainsi apprendra-t-elle à assembler les éléments du pahu a te ari’i, mystérieux tambour de chef (instrument haut de 6 mètres, désormais exposé au Musée de la musique).  Dès 6 ans.

 

 

 

Henri SALVADOR : Une chanson douce.  Le loup, la biche et le chevalier.  Illustrations : Éric Puybaret.  « Tralalère », éditions Casterman.  Relié, couverture carrée, 23 x 23 cm,  14 p. couleurs.  CD inclus.  9,95 €.

Dans sa collection « Tralalère », les éditions Casterman nous proposent un nouveau livre musical autour du « tube » d’Henri Salvador.  Séduisant en diable…

 

 

 

Trois contes du Père Castor :  Roule galette / Poule rousse / La plus mignonne des petites souris.  « Père Castor », Flammarion (www.editions.flammarion.com).  Couverture cartonnée mousse.  21,5 x 18 cm, 80 p. couleurs. CD inclus (22’00).  13 €.

Trois contes tendres & malicieux - illustrés de musiques originales, signées Hugues Le Bars (pour les deux premiers) et Christian Chevallier (pour le troisième).  Dès 3 ans.

 

 

 

Petites histoires du Père Castor, pour Noël.  « Père Castor », Flammarion (www.editions.flammarion.com).  Couverture cartonnée mousse.  17 x 21 cm, 80 p. couleurs. CD inclus (22’00).  15 €.

Dix histoires (classiques ou récentes) composent ce plaisant recueil, assorti d’un CD reprenant l’intégralité des textes interprétés par des comédiens.  Tristounettes musiques d’ambiance, toutefois.

 

Francis Gérimont.

 

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Jean-Sébastien BACH :  Passion selon saint-Jean.  Version française de Maurice Bouchor. 2 CDs Musicaleo Productions (musicaleo@musicaleo.com).  TT : 35’50 + 75’43.

À l’époque de la Réforme, puis du piétisme, dans le sillage de Martin Luther, à côté du latin, l’allemand — langue vernaculaire accessible à tous — s’impose, elle permet de faire revivre le récit de l’Évangéliste, de réagir aux divers commentaires des airs, au sens profond des chorals et aux réactions de la foule (turba). Une adaptation française, permettant de revivre ces moments dramatiques au détriment, parfois, des sonorités et inflexions de la langue originale, a été réalisée en 1902 par Maurice Bouchor.  Christophe Martin-Maëder mise sur « la compréhension immédiate du texte, qui ramène au premier plan sa force et sa signification, et conduit chanteurs et musiciens à ne pas se contenter de le dire ou de le jouer, mais à véritablement l’habiter ». Il précise : « Quant à l’auditoire, il en reçoit la charge spirituelle ou émotionnelle de façon beaucoup plus directe, comme s’il était en quelque sorte soustrait à cette fascination trop exclusive pour la perfection esthétique de l’œuvre de Bach qui peut aller jusqu’à faire oublier le texte dont il est question… ». Il a donc repris la version de M. Bouchor, mais en l’améliorant parfois du point de vue de l’adéquation entre prosodie verbale et prosodie musicale. Dans la mesure du possible, il tient à respecter des sonorités de la langue allemande comme pour le passage : « Les Juifs lui dirent alors : Wir haben ein Gesetz… », au lieu de traduire : Gesetz par « loi », il l’a remplacé par « précepte » : Nous avons un précepte : d’après ce précepte, il faut qu’il meure, ce qui produit une assonance plus proche de l’original allemand.  L’organiste titulaire de l’église Saint-Augustin, à la tête du Chœur liturgique de cette église et de l’Ensemble Confitebor, propose une version certes destinée aux non-germanophones, ce qui n’empêchera peut-être certains « puristes » de regretter la langue d’origine. Quoi qu’il en soit, cette version se situe dans une certaine tradition en usage en France au XXe siècle, éloignée des conceptions luthériennes bien plus sensibles et intériorisées ; Henri Mandeng (Pilate, Pierre) s’impose, contrairement à David Faggionato (l’Évangéliste). Quant aux interventions des chœurs, même énergiques et bien méritoires, elles gagneraient à plus de justesse et à une meilleure articulation. Démarche intéressante, efforts louables, résultat discutable…

 

 

24 Préludes pour orgue.  Jacques Kauffmann.  Orgues Cavaillé-Coll de St-Étienne de Mulhouse.  Skarbo (skarbo.music@orange.fr) : DSK 1103.  TT : 77’50.

Ce CD propose 24 pièces de longueur inégale, illustrant les caractéristiques de la musique d’orgue du XXe siècle.  Pourquoi 24 ? Jacques Kauffmann précise qu’il « obéit à un double fil conducteur : d’une part, le chiffre 24, mythique dans l’histoire de la musique depuis Jean-Sébastien Bach, d’autre part l’adéquation entre l’orgue de l’église catholique St-Étienne de Mulhouse et les œuvres de L. Vierne, A. Fleury et G. Litaize. » L’excellent titulaire de l’orgue du Couvent des Dominicains à Paris se réfère aux 24 Préludes et Fugues du Clavier bien tempéré de J.-S. Bach ; aux 24 Préludes et 24 Études de Fr. Chopin. Le premier volet de ce triptyque propose 7 extraits des 24 Pièces en style libre, op. 31 (1913) de L. Vierne, aux titres évocateurs : Cortège, Arabesque, Carillon…, de caractère, tour à tour, méditatif, nostalgique, énigmatique, massif. Le deuxième volet fait entendre 9 des 24 Pièces (1930-1933) d’A. Fleury, avec des mouvements traditionnels et contrastés : Allegro moderato, Très lent, Allegretto, Comme une marche (incisive et très rythmée), Modéré et expressif… dans lesquels le compositeur privilégie le facteur mélodique, les divers plans sonores, encore mis en valeur par une registration remarquable. Le troisième volet comporte 7 des 24 Préludes liturgiques (1953-1955) de G. Litaize, par exemple Sur un Cantique breton, de facture mélodique modale et très colorée ; Allegro (plage 21), très allant, nécessitant une certaine virtuosité ; Andante, très dépouillé et recueilli, contrastant avec l’Allegretto bien enlevé. Ce programme typique est réalisé au grand orgue Aristide Cavaillé-Coll, 1863 (40 jeux, 3 claviers, 1 pédalier) de l’église St-Étienne à Mulhouse, revu et augmenté en 1963 par le facteur strasbourgeois Max Roethinger (avec 12 jeux supplémentaires — dont 5 au pédalier — et une nouvelle console à 4 claviers). L’instrument permet d’obtenir, entre autres, des registrations très diversifiées, des effets et coloris postromantiques, impressionnistes.  Jacques Kauffmann a réalisé une rare symbiose entre facture organistique, programme et interprétation.

 

Georg BÖHM : Orgelwerke.  Ricercar (stephanie@outhere-music.com) : RIC 319.  TT : 69’56.

Georg Böhm, né à Hohenkirchen (Thuringe) en 1661 — donc dans le fief de la famille Bach — a été formé par son père, organiste, avant de faire ses études à Iena, puis à Hambourg, dans l’entourage du célèbre J. A. Reinken. Il est organiste, claveciniste et compositeur. Il est titulaire à l’église St-Jean de Lunebourg jusqu’à sa mort, le 18 mai 1733. Il connaît à la fois les traditions musicales d’Allemagne du Nord et du Sud, d’Italie et de France dont il réalise la synthèse et a d’ailleurs fortement influencé Jean-Sébastien Bach — occasionnellement choriste dans cette ville.  Bernard Foccroulle a retenu l’orgue Van Hagerbeer de la Grote Sint Laurenskerk (Alkmaar), parfaitement adapté à ce répertoire de 3 Préludes (en introduction, en transition et en conclusion) et de 15 Chorals luthériens très connus. Le Prélude (et Fugue) en do majeur, incisif, avec ses solos de pédale traditionnels, donne le ton massif. Le choral Vom Himmel hoch da komm ich her (pour le temps de Noël), avec son cantus firmus bien affirmé, puis orné, bénéficie d’un contrepoint en imitation. L’excellent organiste en fait clairement ressortir les différents plans sonores. Le programme comprend, entre autres, pour le temps de la Passion, le choral Christ lag in Todesbanden ; pour celui de Pentecôte, Nun bitten wir den Heiligen Geist.  La paraphrase du Notre Père commentée par Martin Luther : Vater unser im Himmelreich comporte trois versions : la première, très méditative, à 2 claviers ; la deuxième, à 1 clavier et pédalier ; et la troisième, plus développée, à 2 claviers et pédalier dans laquelle  G. Böhm ponctue le cantus firmus à la pédale, associé à des commentaires décoratifs aux claviers. Elle contraste avec le choral Auf meinen Lieben Gott trau’ ich in Angst und Not, conçu comme une petite partita : modèle du genre, allant de la simplicité vers la complexité contrapuntique. En plus des chorals luthériens, Christe, der du bist Tag und Licht (de source antérieure au XVIe siècle : Christe qui lux et dies es), repris lors de la Réforme, bénéficie de trois versions diversifiées interprétées avec délicatesse, finesse et intériorité. Comme ce disque avait été introduit, il se termine de façon grandiose et solennelle aux accents de l’imposant Prélude (et Fugue) en  mineur.  Tant par ses registrations judicieusement élaborées que par sa technique hors pair, Bernard Foccroulle a rendu un vibrant hommage à la facture d’orgue nordique et à G. Böhm.

 

 

Giovanni Pierluigi da PALESTRINA : Missa Papae Marcelli.  Weihnachtliche Chormusik Alter Meister.  Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP n6043.  TT : 55’07.

La Messe du Pape Marcel est entrecoupée d’œuvres pour Noël, d’ailleurs très bien venues avec, entre autres, Vom Himmel hoch da komm ich her dans la version de Johannes Eccard, baignant dans l’atmosphère lumineuse, deux noëls de M. Praetorius : Es ist ein Ros entsprungen et In dulci jubilo (latin/allemand, avec respect des assonances), pleine d’élan ; le noël de Leonhard Schröter (1532-1601) : Freut euch, ihr lieben Christen, ou encore le noël O Jesulein süss, o Jesulein mild de Samuel Scheidt et de J. S. Bach, très prenants. Le premier ensemble vocal fondé en 1999 par Volker Heldtfeld est devenu, en 2002, le chœur de chambre Opus vocale qui se distingue non seulement par sa haute musicalité, mais encore par sa plénitude vocale et le souci du détail planant aussi bien sur les noëls que sur la Missa Papae Marcelli. On sait que, lors du Concile de Trente (1562-1565), Palestrina a été considéré comme le défenseur de la polyphonie attaquée par les Pères.  Sa Messe à 6 voix, dite « du Pape Marcel » (imprimée en 1567 à Rome), s’est imposée ; elle respecte l’intelligibilité du texte, sans pour autant sacrifier la polyphonie. Elle répond à l’usage liturgique comme aux exigences artistiques. Voilà, incontestablement, une version de référence.

 

 

Tomás Luis de VICTORIA : Requiem. Officium defunctorum. Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 6042.  TT : 57’39.

Le célèbre Chœur de chambre de Saarbrucken, fondé en 1998 par Georg Grün, a enregistré chez Rondeau Production (Leipzig) l’Office des Défunts de Thomás Luis de Victoria (ca 1548-1611), ainsi que 3 motets pour le temps de la Passion et de Pâques.  Le texte reprend la Leçon 2 pour les matines (Job, 10, 1-7), la Messe des Morts proprement dite : Introït, Kyrie - Graduel, Offertoire -, Sanctus, Agnus Dei, Communio (suivi du motet Versa est in luctum cithara mea…, lamentation de Job), Absolutio : Libera me Domine avec le poignant Dies illa, dies irae, puis l’invocation : Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis, suivie de la triple invocation du Kyrie eleison.  Avec une incomparable maîtrise et haute technicité, le chef obtient de ses chanteurs une justesse parfaite, un fondu des voix rarement atteint, une diction irréprochable qui permettront aux discophiles de ressentir intensément cet Officium Defunctorum.  Meilleur hommage ne pouvait être rendu au remarquable polyphoniste espagnol, à l’occasion du quatrième centenaire de sa mort.

 

 

Nawal.  Caresse de l’âme.  Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 739-2.  TT : 63’28.

Nawal Mlanao, à la fois artiste et productrice depuis plus de vingt ans, « continue de s’inscrire résolument dans la lumière d’un Islam fondé sur l’amour, le respect et la paix ».  À travers ses chants, elle mise surtout sur les émotions et le mysticisme, et privilégie la musique comorienne qui est « un mélange de musique africaine, bantoue, arabo-perse, avec quelques épices occidentales »,  comme il ressort de ces 10 pièces lançant un message de paix.  Elles sont accompagnées au gambousi — ancêtre du luth arabe —, instrument de cérémonie ; au m’bira s’apparentant au sandza, « piano à pouces » - traditionnel pour appeler les esprits - ; au daf  (tambourin avec cymbalettes) employé dans le soufisme.  Ces instruments mystiques, aux sonorités dépaysantes, sont propices à la méditation et à l’introspection, tout comme son répertoire « pour la paix et la dignité humaine ».

 

Édith Weber.

 

Franz LISZT : Œuvres pour pianoCyprien Katsaris – 2 CDS Piano 21 : LC 11797, vol. 1.  Franz SCHUBERT : Œuvres pour pianoCyprien Katsaris – 2 CDs Piano 21 : LC 11797, vol. 8.  Wolfgang Amadeus MOZART : Concertos pour piano nos 5 & 27, Rondo pour piano & orchestre K. 382Cyprien Katsaris, Yoon Kuk Lee, Salzburger Kammerphilharmonie – Piano 21 : LC 11797, vol. 7.

L’extraordinaire talent du pianiste Cyprien Katsaris, tôt salué par des maîtres aussi avérés qu’Olivier Messiaen (« technique d’acier, fougue, force et autorité, brillance ») ou György Cziffra, illumine trois disques récents, aussi remarquables par la variété du programme que par la qualité transcendante de l’interprétation. Délicatesse mozartienne, virtuosité lisztienne et douceur schubertienne sont des données qui relèvent ici de l’incongru, tant l’artiste sait modeler le métal musical en usant simultanément de ces trois caractères pour la totalité de son immense répertoire.  Tout au long de sa carrière, cet étonnant virtuose se sera ainsi attaché à chercher, au sein de ses œuvres de prédilection, les couleurs harmoniques, raretés mélodiques et superpositions contrapuntiques les plus inattendues, sans jamais mettre en péril l’unité formelle et la cohérence structurelle voulues par les compositeurs.  Dût-il parfois, pour cela, dérouter une partie de ses auditeurs, sans doute afin de plus sûrement les séduire.  En cela, il reste le glorieux héritier de Franz Liszt, grand pianiste et grand compositeur, mais aussi incomparable improvisateur chez qui l’invention ne brutalisait jamais la forme.  En ce temps de grave crise du disque classique, par ailleurs, il est réconfortant de vérifier que le label « Piano 21 », créé par Katsaris, le 1er janvier 2001 (dix ans déjà !) offre un panel si complet et si divers du répertoire créé au cours des deux derniers siècles pour le roi des instruments.

 

Cyprien Katsaris ©DR

Gérard Denizeau.

 

Le Clavecin du Roi Soleil.  Jean-Patrice Brosse, clavecin. 2CDs Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC1125.  TT : 68’10 + 28’18.

Une anthologie des plus éminents compositeurs de pièces pour clavecin, dont Champion de Chambonnières, Couperin, d’Anglebert et Rameau, pour n’en citer que quelques-uns, composées au cours du règne de Louis XIV (1638-1715). En parallèle des deux disques, un livre largement illustré, le Clavecin du Roi Soleil, du même auteur, paru chez Bleu Nuit (www.bne.fr) vient compléter cet enregistrement. Un disque-hommage au clavecin, instrument qui ne vécut guère plus d’une centaine d’années, succédant au luth et s’éteignant avec l’arrivée du pianoforte.

 

 

Max BRUCH & Felix WEINGARTNER : Septuor op. posth. & Octuor op.73.  Octuor de France.  Jeff Cohen, piano.  Calliope : CAL1103.  TT : 72’17.

Un disque remarquable, tout à fait dans la lignée du répertoire de l’Octuor de France, qui nous donne, une fois de plus, le plaisir d’entendre deux œuvres peu connues de compositeurs du XIXe siècle, rarement joués. Le Septuor de Bruch, composition de jeunesse, un peu passéiste, aux accents brahmsiens et l’Octuor de Weingartner, post-romantique, plus méditatif, empreint de nostalgie. Tous deux, magnifiquement interprétés, deux climats différents, mais un même plaisir d’écoute.

 

 

Georges ENESCO : Sonates pour violoncelle & piano op.26.  Alexandre Dmitriev (violoncelle), Alexandre Paley (piano).  Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC1170. TT : 76’03.

Georges Enesco (1881-1955), personnalité éclectique, pédagogue, violoniste virtuose, chambriste renommé et chef d’orchestre, mais également, compositeur, comme en témoignent ces deux sonates de l’opus 26, composées à plus de trente-cinq années d’intervalle. La première, datant de 1898, œuvre de jeunesse aux accents brahmsiens, d’une beauté méditative, la seconde écrite en 1935, plus moderne et,  peut être, plus étrange avec son Final « à la roumaine ». Un enregistrement live capté par France Musique, au Festival de Montpellier, le 23 juillet 2009, un très beau moment de musique, magnifiquement interprété.

 

 

Giovanni GIORGI : Ave Maria.  Chœur de chambre de Namur, Cappella Mediterranea, dir. Leonardo Garcia-Alarcon.  Ricercar (www.ricercar.be) : RIC 313.  TT : 55’.

Inlassable découvreur de partitions oubliées, Leonardo Garcia-Alarcon nous propose, ici, une œuvre  d’un compositeur totalement méconnu.  Giovanni Giorgi, probablement né à Venise, ayant passé une partie de sa vie à Rome où il devient maître de chapelle à Saint-Jean-de-Latran en 1719, gagnant ensuite Lisbonne pour exercer le métier de compositeur,  mort à Lisbonne en 1762. Son œuvre, constituée exclusivement de musique sacrée, mêlant polyphonie et style concertant, est  porteuse de ces différentes influences qui conduiront au  futur classicisme. Bien enregistré, bien chanté et bien joué, mêlant plaisir et découverte, un disque indispensable à tous les amateurs de musique baroque.

 

 

GAIL, BOÏELDIEU, NADERMAN, DOMNICH, LAMBERT, ROMAGNESI, GARAT, JADIN : Romances françaises. French songs. 1795-1815.  Sylvie Nicephor (soprano), Etsuko Shoji (harpe Érard). Calliope : CAL 1101.  TT : 57’48.

Un disque plein de charme, consacré aux romances françaises, ces chansons simples, centrées sur la voix et  la ligne mélodique, dont les origines remonteraient à l’art des trouvères et dont l’âge d’or se situerait entre 1795 et 1815.  Au-delà d’un genre musical, la romance est un phénomène de société, prospérant à travers plusieurs régimes, depuis la monarchie (la reine Marie-Antoinette en aurait chanté et écrit, tout comme Hortense de Beauharnais, sous l’Empire) jusqu’au Directoire.  À mi-chemin entre rue et salon, la romance propose une sorte de consensus sentimental et social. Malgré le caractère un peu répétitif de ces chansons, le  beau timbre et la diction parfaite de Sylvie Nicephor, l’accompagnement discret mais efficace d’Etsuko Shoji se prêtent magnifiquement à ce genre d’exercice.  À découvrir.

 

 

Antonio VIVALDI : Concerti per piccolo.  Jean-Louis  Beaumadier & Philippe Pierlot (piccolo). Orchestre national de France, dir. Jean-Pierre Rampal. Ensemble instrumental La Follia, dir. Philippe Pierlot. Saphir (www.saphirproductions.net) :LVC 1171.  TT : 58’18.

Trois concertos pour piccolo & trois transcriptions pour cet instrument permettent d’en apprécier toutes les possibilités techniques et expressives. Des œuvres attachantes, remarquablement interprétées.

 

 

 

Robert SCHUMANN : Concerto for cello & orchestra.  Concerto for piano & orchestra.  Orchestre de Bretagne, dir. Grzegorz Nowak.  Matt Haimovitz (violoncelle), Laure Favre-Kahn (piano).  Transart : TR158. TT : 53’15.

Deux œuvres emblématiques du romantisme schumannien, oscillant entre le nostalgique Eusebius et le fougueux Florestan.  Deux compositions quasiment contemporaines (1846  et 1850) où s’expriment tour à tour la fougue, le bouillonnement intérieur, l’extase, le lyrisme, le drame, la tendresse, la virtuosité et l’amour pour Clara.  Deux monuments du répertoire romantique, deux admirables musiciens, une association rare au disque.  Interprétation live dans le cadre des Flâneries musicales d’été de Reims.

 

 

BEETHOVEN, LISZT, WAGNER : Odyssey.  Frédéric D’Oria-Nicolas, piano. Fondamenta  (www.fondamenta.fr) : FON-1101007.  TT : 58’13.

Un disque qui nous donne à entendre la Sonate « Waldstein » de Beethoven, la Vallée d’Obermann tirée des Années de Pèlerinage de Liszt, la transcription de l’ouverture de Tannhäuser de Wagner et Adagio de Bach BWV 564, transcrit par Busoni. Un enregistrement empli d’une présence éblouissante où Frédéric D’Oria-Nicolas se hisse au niveau des plus grands. Des tempi, des sonorités et un jeu entretenant des climats envoûtants qui perdurent bien au delà de l’écoute. Une prise de son d’une remarquable qualité, effectuée dans la magnifique salle de l’Arsenal de Metz.  En bonus, le « CD Mobility » version adaptée aux écoutes sur baladeur, voiture et ordinateur !  Du grand art !

 

 

CAVALLI, ROSSI, SCARLATTI, FALCONIERI, STROZZI, MARINI, MONTEVERDI : Ferveur & Extase.  Stéphanie d’Oustrac, mezzo-soprano.  Ensemble Amarillis.  Ambronay : AMY 027. TT : 64’18.

Un disque dont le programme est centré sur l’amour baroque et ses deux visages, sacré et profane, représentés par les figures de la Vierge Marie et de Didon, reine de Carthage.  Deux visions qui s’expriment au XVIIe siècle par le biais d’une nouvelle esthétique, celle du recitar cantando, où l’accent est mis sur une plus grande lisibilité des textes et une plus grande simplicité dans l’élocution et la déclamation. Stéphanie d’Oustrac (qui vient de triompher dans le rôle de Sesto, de la Clémence de Titus de Mozart, à l’Opéra Garnier) et ses complices de l’Ensemble Amarillis excellent dans cet exercice, dans une symbiose parfaite, vocale et instrumentale. Indispensable, à tous les  amateurs de musique baroque. Une chanteuse, pleine de talent, à suivre…

 

 

Johann Georg ALBRECHTSBERGER (1736-1809) : Entre ciel et terre.  Quatuor Mosaïques. Ensemble Baroque de Limoges, dir. Christophe Coin. Albin Paulus, guimbarde.  Labories Records : LC08.  TT : 65’40.

Un disque original qui permet de découvrir un visage peu connu du compositeur Albrechtsberger, considéré comme le représentant du plus pur classicisme viennois.  Professeur de Beethoven, titulaire de l’orgue de la cathédrale Saint-Étienne de Vienne, ami de Haydn, compositeur de musique sacrée, mais également, de musique profane, aimant à mêler timbres et instruments rares.  Cet enregistrement en est un des exemples les plus convaincants, avec notamment, l’utilisation de la guimbarde.  Les quatre Concertos pour guimbarde, écrits entre 1769 et 1771, étaient probablement destinés au révérend-père Bruno Glatzl, virtuose de cet instrument, moine bénédictin de l’abbaye de Melk, ville où la cour impériale avait l’habitude de séjourner lors de ses déplacements.  Une surprise à écouter absolument.

 

 

J. S. BACH : Das Wohltemperierte Klavier-Teil II.  Sébastien Guillot (clavecin).  2CDs Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC 1136.  TT : 73’43 + 79’54.

Ce disque présente, en premier enregistrement mondial, le second livre de la première version du Clavier bien tempéré de Johann Sebastian Bach, recueil de 24 Préludes & Fugues, interprétés par Sébastien Guillot, d’après le manuscrit autographe de Londres, acquis par la British Library en 1896.  La composition de cette version, dite A, daterait des années 1739-1742.  Par rapport à la version de référence de 1744, elle comprend nombre de variantes mélodiques, rythmiques et ornementales que les mélomanes éclairés auront à cœur de découvrir !  Parfaitement interprétée par Sébastien Guillot sur un clavecin O. Fadini de 1993 (d’après F. Blanchet, Paris 1733).

 

 

W. A. MOZART : Sonate n°11.  Marche turque K. 331.  Sonate n°2 K. 280.  Sonate n°13 K. 333.  Aldo Ciccolini (piano Bechstein).  La dolce volta (www.ladolcevolta.com) : LDV 03.  TT : 52’54.

À 85 ans, Aldo Ciccolini réenregistre ces sonates de Mozart, des sonates qu’il côtoie depuis l’adolescence.  Il en résulte, évidemment, un très beau Mozart, mûri, réfléchi, enrichi d’une expérience de plus de soixante-dix ans, épuré et chargé d’émotion, qui laisse chanter les notes et s’égrener la mélancolie dans un climat de romantisme naissant.  Un très bel enregistrement qui laisse espérer une intégrale.

 

 

Roula SAFAR : Vergers d’exil, échos méditerranéens.  Roula Safar (mezzo-soprano, guitare & percussions).  Hortus : 089.  TT : 52’47.

Force est de reconnaître que l’on ne retrouve pas, dans cet enregistrement, les accents chargés de transcendance qui nous avaient émus dans le précédent disque (Racines sacrées, Voix des Origines, Hortus 067).  On se sent ici, en effet, bien éloigné des complaintes de l’exil, comme du soleil de la Méditerranée, tant les textes paraissent plats pour la plupart, les arrangements incertains, la vocalité hasardeuse.

 

 

René MAILLARD : « Surviving after Hiroshima ». Concerto Grosso. Concerto da Camera n°2.  Royal Philharmonic Orchestra, dir. Dionysios Dervis-Bournias.  Sarah Jouffroy (mezzo-soprano).   Naxos (www.naxos.com) : 8.572623.  TT : 71’.

Un disque qui présente trois superbes compositions de René Maillard (°1931), compositeur français, lauréat du Prix de Rome en 1955, symbolisant  parfaitement la fructueuse symbiose entre tradition et modernité, revenu, au début des années 2000, à la composition sur les conseils éclairés de Nicolas Bacri, après une interruption de plus de quarante ans.  Surviving after Hiroshima est une cantate pour mezzo-soprano, chœur & orchestre, inspirée de l’histoire vraie  de Kyoko Hama, véritable hymne à l’espoir mettant en avant toutes les qualités du compositeur,  écriture intemporelle, clarté et richesse des couleurs orchestrales. En reprenant les formes classiques et traditionnelles, revisitées, le Concerto grosso pour quintette à vents & orchestre à cordes, composé en 1961, révisé en 2003 et le Concerto da Camera n°2 pour orchestre à cordes, composé en 1959,  complètent ce magnifique enregistrement.  Absolument indispensable !

 

 

Charles GOUNOD : Biondina, souvenir d’Italie.  David Lefort (ténor), Simon Zaoui (piano).  Hortus : 084.  TT : 61’02.

Un très beau disque qui vaut  par l’originalité de l’œuvre présentée, Biondina, composée à Londres  en 1872, chargée des influences italiennes recueillies par Gounod (1818-1893) lors de son séjour en Italie (Grand Prix de Rome, 1839) mais, également, par la qualité de l’interprétation vocale et pianistique.  Biondina, roman musical sur des poèmes de Giuseppe Zaffira, en douze chapitres, nous conte l’histoire d’un poète épris de sa voisine blonde et orpheline, qu’il épouse, avant que la mort ne la lui arrache bientôt.  Des mélodies  de Tosti, contemporain de Gounod, et des pages pour piano solo, dont À la lune, encore inédite au disque, complètent agréablement cet enregistrement.  Toutes occasions, pour Gounod, de faire montre de son amour pour la voix, la mélodie, l’Italie.  David Lefort et Simon Zaoui sont ici exemplaires, tout à fait convaincants dans ce domaine - associant diction claire, vocalité facile, timbre rond, ample et accompagnement efficace.  Un vrai régal !

 

 

Franz LISZT : Fever.  Claire Chevallier (piano Érard, 1876).  La dolce volta (www.ladolcevolta.com) : LDV 02.  TT : 72’08.

Une sonorité exceptionnelle, mais plus encore, un climat, une présence en filigrane, celle de Liszt jouant sur ce piano Érard qu’il aimait tant.  Un programme éclectique, aux multiples facettes ressemblant à Liszt lui-même.  L’Andante lagrimoso et Funérailles, tirés des Harmonies poétiques et religieuses, la Mephisto-Walzer n°1, la Lugubre gondola n°2, Saint François d’Assise, la Prédication aux oiseaux, Saint François de Paule marchant sur les flots et Wiegenlied.  Une rencontre passionnante entre un compositeur, une artiste talentueuse et un piano d’exception. Voilà un disque qui fera assurément date, en cette année du bicentenaire  de la naissance de Liszt (1811-1886).

 

Patrice Imbaud.

 

Richard WAGNER : Der fliegende Holländer.  Albert Dohmen (le Hollandais), Matti Salminen (Daland),  Ricarda Merbeth (Senta), Robert Dean Smith (Erik), Steve Davislim (le timonier), Silvia Hablowetz (Mary). Chœur & Orchestre symphonique de la Radio de Berlin, dir. Marek Janowski.  2 SACDs Pentatone : PTC 5186 400 (distr. Codaex).

Ce coffret, élégamment présenté en livre-disque, constitue le « Tome 1 » d’une entreprise nationale allemande menant au bicentenaire Wagner de 2013.  D’ici cette date sortiront, à un rythme périodique, les dix opéras principaux du compositeur, enregistrés en « live » sous la baguette de Marek Janowski dont on n’a pas oublié la Tétralogie d’il y a trente ans avec la Staaskapelle de Dresde.  Cette fois, ce sont les forces de la Radio de Berlin qui se prêtent à ces concerts exceptionnels, captés dans la salle de la Philharmonie.  Quelques phrases écrites par le président du Bundestag dans sa préface en disent long sur son plaisir d’écouter la musique sans qu’elle soit polluée par les mises en scène que nous-mêmes dénonçons dans ces colonnes !  Admirons tout d’abord avec quelle perfection (on peut même parler de virtuosité) les choristes (hommes et femmes) de la radio berlinoise donnent véritablement vie à leurs rôles collectifs : ils ont été préparés par Eberhard Friedrich, le chef des chœurs de Bayreuth, et ils étincellent tout du long.  Marek Janowski, confronté à l’orchestre wagnérien, se meut dans son élément, avec un respect souvent scrupuleux de la partition (il a choisi évidemment la version durchkomponiert), à l’exception surprenante d’un moment important, la Ballade de Senta qu’il dirige lourdement, sans remédier à l’absence de nuances de la soprano.  En effet, Ricarda Merbeth néglige complètement les fp sur lesquels repose l’effet du thème de la Ballade.  Rien ne la fait émerger d’une interprétation prosaïque du rôle.  Nous sommes loin de la vibrante émotion et de l’éloquente attention aux nuances que nous apportaient Catherine Naglestad et Hartmut Haenchen dans un récent DVD chroniqué ici même (Opus Arte).  La partie féminine s’avère d’ailleurs le maillon faible de la distribution puisque le mezzo-soprano jouant Mary n’a guère la voix bien placée.  Le risque du "live" nous fait craindre pour le Hollandais et Daland qui, tous deux, commencent la soirée en trébuchant sur la justesse, mais ce n’était que le temps de se chauffer. L’expression d’Albert Dohmen dégage toujours une noblesse qui lui gagne les cœurs ; l’aigu est radieux, mais certains graves, quoique résonnant richement, sont attrapés de manière... incertaine. L’expérience wagnérienne de Matti Salminen n’est plus à vanter, il met beaucoup d’esprit à faire vivre les phrasés wébériens du rôle de Daland (par moments, il ne passe pas loin de la basse bouffe mozartienne).  Deux bons ténors (Erik et le timonier) complètent la distribution.  La course du Vaisseau fantôme devant suivre un vent dominant parmi les deux options possibles (la survivance de racines passéistes, ou la révolution wagnérienne en marche), la lecture de Marek Janowski tire l’œuvre vers ses sources (Weber, Mozart, Rossini). Emporté par un dynamisme général, le temps passe vite, mais c’est au détriment d’un approfondissement émotionnel qui exhausserait le souffle futuriste, déjà bien affirmé, autant que la dimension mythique de l’amour des deux protagonistes. Est-ce volonté d’accuser le contraste avec le deuxième volet de ce parcours, à l’autre extrême du grand œuvre wagnérien, puisque Parsifal nous est annoncé sous peu ? Nous recevrons bientôt la réponse.

 

 

RACHMANINOV : Préludes op. 3 n°2, op. 32 n°5 et 12, op. 23 n°4, 5, 7.  Études-Tableaux op. 39 n°1, 3, 5.  CHOPIN : Sonate n°2 op. 35.  Maciej Pikulski, piano. Stermaria (http://mascarel.eu/label-stermaria).

Le courant, dicté par les mutations économiques, est au rapprochement entre activités de concert et diffusion discographique autour d’un même artiste.  Ainsi Laurence Hitzel prolonge-t-elle désormais la promotion des musiciens dont s’occupe son agence Mascarel par la création d’un label discographique, joliment baptisé Stermaria.  Le premier disque ouvre ses sillons au pianiste polonais Maciej Pikulski, dont le pianisme élégant et l’intelligente musicalité ne sont plus à vanter.  Il s’agit de prises effectuées en 2 jours (d’une belle qualité microphonique), et remontant à octobre 2008.  Alors se pose la question, au sein d’un marché discographique très concurrentiel, de la nécessité d’une gravure de plus : il semblerait plus judicieux qu’un artiste jeune, et guère parvenu au statut de vedette, se positionne sur le créneau d’œuvres non rebattues, ce qui rendrait nécessaire d’aller vers son disque, tandis que la nième version de Chopin, Beethoven ou autre, se heurtera toujours à d’immortelles références autrement plus marquantes – et attractives pour le public ! –, et ne conquerra sa place que si elle s’affirme comme le fruit d’une expérience longuement mûrie.  On voit bien ici que Maciej Pikulski sollicite excessivement les morceaux les plus célèbres (le Prélude en ut# mineur !), comme s’il se demandait comment faire pour s’y distinguer !  Tandis que d’autres plages coulent plus naturellement, ou que des idées pertinentes se font jour ici et là.  D’où un manque de cohérence dans la réalisation globale.  Prenons l’exemple de la Sonate n°2 de Chopin : le premier mouvement semble en proie à des contorsions, les motifs chantants ne trouvent pas leur agogique naturelle ; il manque au Scherzo une pulsation venue de l’estomac, et le trio se déroule superficiellement ; en revanche, le détachement presque lumineusement timbré de la Marche funèbre ouvre une perspective d’ordre métaphysique à l’immuabilité dénuée de pathos de son cheminement ; c’est une vision personnelle de la mort que nous propose l’interprète et nous l’accueillons ainsi ; mais, pris dans cette logique, le Presto émerge d’un brouillard et perd du coup sa dimension de houle hallucinée sans laquelle son extrême brièveté (son déséquilibre formel, à l’échelle de la Sonate) ne peut plus se justifier.  Parmi les pièces de Rachmaninov, relevons le splendide lyrisme de l’Étude-Tableau op. 39 n°5, les suggestives cascades du Prélude op. 23 n°7, la fraîcheur poétique du Prélude op. 32 n°5, le climat d’intériorité du Prélude op. 23 n°4.  Mais il manque une dimension imposante au Prélude op. 32 n°12 et à la cambrure de l’op. 23 n°5 que de grands pianistes russes ont marqué de leur empreinte.  Quant à l’Étude-Tableau op. 39 n°3, elle reste du beau piano trop extérieur, mais y manque le violent appel de la nostalgie russe, si présente au cœur de Rachmaninov.  Alors on se réjouirait d’entendre Maciej Pikulski, mais peut-être pas dans des œuvres où les géants de plusieurs générations pianistiques l’écrasent de leurs ombres prestigieuses.

 

 

Harmonious breath.  Concertos pour saxophone & orchestre d’instruments chinois de Yiu-Kwong Chung (°1956) et Leilei Tian (°1971) + deux arrangements de chants traditionnels chinois.  Claude Delangle (saxophones alto & soprano).  Orchestre chinois de Taipei, dir. En Shao.  Bis : CD-1790.

Oubliez toutes vos certitudes sonores et laissez-vous séduire par cette rencontre entre Orient et Occident qui s’inscrit dans un projet associant le label suédois Bis et des institutions de Taiwan : quatre solistes vedettes du label développent un partenariat avec l’orchestre d’instruments traditionnels ; la flûtiste Sharon Bezaly avait ouvert le bal, suivie du saxophoniste Claude Delangle ; viendront le tromboniste Christian Lindberg et la percussionniste Evelyn Glennie.  Claude Delangle situe son travail dans le droit fil de ses précédentes expériences au Japon et de sa riche pratique de la musique contemporaine, mais y voit aussi un reflet de l’histoire universelle des instruments à anche (anche double et anche simple).  Sous la direction d’En Shao, chef formé à l’orchestre symphonique en Angleterre, le jeu des instrumentistes traditionnels présente les mêmes vertus que celui d’un ensemble occidental, tandis que Claude Delangle sait évoquer avec virtuosité le guanzi chinois.  Le métissage sonore peut produire des moments magiques, tel le mouvement central (En écoutant la cascade) du Deuxième Concerto de Yiu-Kwong Chung, écrit pour une formation réduite mais féerique de quintette : saxophone soprano, vibraphone, erhu, guzheng, sanxian (trois instruments à cordes nettement différenciés).  En revanche, quand l’orchestre chinois se rapproche des repères occidentaux, l’expérience perd de son originalité et fait un peu « world music ». L’apport le plus novateur de ce disque est à mettre au crédit de Leilei Tian, compositrice formée en Suède et à Paris, dont Open secret (commande du ministère français de la Culture, 2009) représente une authentique création d’aujourd’hui, procédant par glissements mystérieux entre deux mondes finalement convergents.

 

 

« Soul Mates » : Paule MAURICE : Tableaux de Provence.  Piotr GRELLA-MOZEJKO : Moon down, Numen.  Caroline CHARRIÈRE : Miniature, Tranquillo-Agitato.  Victor CORDERO : Soul Mates.  Darius MILHAUD : Scaramouche.  Laurent Estoppey  (saxophone), Virginie Falquet (piano).  Claves (www.claves.ch) : 50-1111.

Sous le rébarbatif matricule « ST15 » (quelle idée de baptiser ainsi un ensemble !) se cachent deux artistes suisses pleins de fraîcheur.  Dans les « classiques » du répertoire saxophonistique (Paule Maurice et Darius Milhaud ; les Français rectifieront les graves approximations relatives à l’enseignement au Conservatoire de Paris dans les notices biographiques), on peut juger de l’esprit piquant que nos duettistes apportent à leurs interprétations ; la pianiste est délicieuse, on aimerait seulement que le saxophoniste travaillât encore la qualité de ses timbres.  Les écoles françaises, que l’on penche vers celle si féconde de Jean-Marie Londeix ou vers Claude Delangle, nous ont habitués à un modelé incomparable des sonorités de l’instrument ; l’on pense encore, dans cet ordre d’idées, au prodigieux Hollandais Arno Bornkamp, d’ailleurs élève de Londeix.  Le cœur du disque de Laurent Estoppey et Virginie Falquet repose sur des  pièces d’auteurs actuels écrites à leur intention : Piotr Grella-Mozejko (Canadien comme son nom ne l’indique pas) procède par délicates touches atmosphériques ; « presque imperceptible », indique-t-il sur un des morceaux, or on touche vite aux limites du non-renouvellement de cette imperceptibilité.  Mais, au moins, on traverse ces brumes en se laissant doucement envelopper, tandis que les pièces de Caroline Charrière sont inconsistantes et qu’il n’y a rien, dans Soul Mates de Victor Cordero que l’on ne trouve, autrement plus élaboré, dans le formidable cycle d’études pour saxophone de Christian Lauba.

 

 

Gabriel DUPONT (1878- 1914) : Les heures dolentes.  La maison dans les dunes.  Stéphane Lemelin.  2 CDs Atma Classique : ACD2 2544 (distr. Intégral).

Le pianiste canadien Stéphane Lemelin s’est fait une spécialité d’exhumer des pages françaises oubliées de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe.  On lui devait ainsi (toujours chez Atma) un beau disque Ropartz, mais aussi des gravures consacrées à des auteurs plus mineurs tels que Samazeuilh, Migot, Théodore Dubois. Aujourd’hui paraît enfin un enregistrement de décembre 2007 nous révélant deux recueils de Gabriel Dupont, destin fauché à 36 ans par la tuberculose, qui connut une relative gloire pour ses opéras (La Glu, Antar).  Le cahier de 14 pièces aux titres suggestifs, Les heures dolentes, constitue un émouvant journal intime de sa convalescence après le premier assaut de la maladie : on y ressent les angoisses d’un jeune homme de 25 ans mais aussi le candide regard porté sur la moindre petite joie ou une fraîche visite.  N’étant pas nourries de cette expression autobiographique, les 10 vignettes de La maison dans les dunes nous laissent indifférents.

À parler franchement, l’oubli dans lequel tomba cette musique s’explique par un manque de « signature » personnelle tandis que l’influence de son contemporain Debussy éclate par bouffées tellement « non digérées » qu’elle prête à sourire.  Peut-être manque-t-il à Stéphane Lemelin une étincelle d’imagination pour transcender ces pages de second tiroir ?  Et la prise de son n’est pas non plus la plus riche captation de piano que l’on puisse trouver sur le marché.

 

 

TCHAÏKOVSKY : Quatuor à cordes n°3 (a).  CHOSTAKOVITCH : Trio pour piano, violon et violoncelle n°2 (b).  Christian Tetzlaff (violon, a et b), Antje Weithaas (violon 2, a), Tatjana Masurenko (alto, a), Gustav Rivinius (violoncelle, a), Tanja Tetzlaff (violoncelle, b), Lars Vogt (piano, b).  Avi Music : 8553224  (distr. Codaex).

Issus de concerts se tenant sur le site de l’usine hydroélectrique de Heimbach (un bâtiment Art Nouveau de 1904 qui abrite chaque été un festival de musique de chambre dirigé par Lars Vogt), ces enregistrements réalisés par la radio Deutschlandfunk réunissent deux œuvres écrites comme des hommages funèbres à des amis musiciens disparus.  L’émotion nous étreint dès le lamento initial du 3e Quatuor de Tchaïkovsky.  Toutes les incursions de Christian Tetzlaff dans la musique de chambre produisent des fruits aussi magistraux que ses interprétations de soliste ; il fédère autour de lui de talentueux partenaires auxquels il communique un esprit fusionnel.  L’élan lyrique insufflé à l’œuvre de Tchaïkovsky met merveilleusement en lumière la richesse de l’écriture, animée de surcroît par une vie mouvante dans la gradation des dynamiques et les échanges de répliques.  L’Andante funebre et doloroso s’élève du lugubre désincarné à la compassion la plus tendrement vibrante.  Pourrait-on rêver interprétation plus accomplie, plus sentie ?  Je ne crois pas.  Dans le Trio n°2 de Chostakovitch, l’âpreté du 1er mouvement monte de très loin depuis les redoutables harmoniques de la phrase initiale du violoncelle (si bien réussis par Tanja Tetzlaff), le Scherzo endiablé grince un peu trop (je parle ici des cordes, non des intentions satiriques... effectivement grinçantes !).  Les pleurs rentrés du Largo s’exhalent par le son lointain des cordes sur l’imperturbabilité des accords de piano.  Leur interprétation du finale sur un motif juif privilégie les effets de lointain du premier élément en pizzicato, puis les sommets exacerbés sonnent avec la brutalité d’une catharsis (les micros engrangent même désagréablement les chocs qu’inflige Lars Vogt à son piano), non avec l’ampleur qui donne à ce mouvement son inexorable gravité dictée par la ferme pulsation : c’est une vision d’outre-monde qu’ont voulue les artistes, là où d’autres mettent l’accent sur la puissance visionnaire d’une opiniâtreté qui résiste à tout, y compris à la mort.  La comparaison des diverses versions de ce sublime Trio ouvrirait presque la voie à une discussion ontologique de type heideggerien sur la finitude...