L'éducation musicale n'a rien contre les étudiants...
Du cerveau musicien
Pour
être le « suprême mystère des sciences de l’homme » (Claude
Lévi-Strauss), domaine auquel « personne ne comprend rien »
(Pierre Schaeffer), la musique n’en possède pas moins des substrats
physiologiques. L’imagerie cérébrale nous les découvre, enfin !
Ainsi -
bien au-delà de la phrénologie chère à nos grands-parents (bosses des maths, de
la musique, du commerce, etc.) - notre dossier met-il en lumière :
l’hyperspécialisation,
dans la perception de la musique, de certaines aires corticales -sans
qu’elles soient, pour autant, isolées, « encapsulées ».
Rôle décisif, notamment, de l’hippocampe pour la mémoire à long terme,
mais aussi de la dopamine dans le plaisir musical
la manière dont la
musique s’inscrit durablement dans notre inconscient : ancrages
corporels, mnésiques & émotionnels révélés grâce à une enquête menée
auprès d’une soixantaine de sujets à l’écoute d’œuvres de Stravinsky ou de
Ligeti…
les conditions
d’optimale subordination, chez l’instrumentiste, de la « main périphérique »
(organe du toucher) à la « main centrale » (cerveau)
le rôle surprenant
du dessin, des mathématiques et de certaines machines dans la formation de
l’univers mental & musical d’un Ligeti – chimères sonores inspirées de
Piranèse ou d’Escher, aussi bien que d’univers motoriques…
le rôle majeur d’un
apprentissage précoce de la musique dans le développement de capacités
sensorimotrices, perceptives et cognitives sophistiquées, tout autant que
d’attention ou de mémoire (étude réalisée auprès d’adultes et d’enfants,
musiciens ou plasticiens).
Tout
cela expliqué par les plus grands spécialistes du cerveau - musiciens pour la
plupart…
Le 4e Forum mondial sur la
musique se déroulera à Tallinn
(Estonie), du 26 septembre au 1er octobre 2011. Renseignements : International Music Council - 1, rue Miollis,
Paris XVe. Tél. : 01 45 68 48 50. www.worldforumonmusic.org
Michaël Levinas à l’Institut.Élu le 18 mars 2009 dans la
section de Composition musicale au fauteuil de Jean-Louis Florentz, le musicien
a été installé, le mercredi 15 juin 2011, au sein de l’Académie des
Beaux-Arts, par son confrère François-Bernard Mâche. Renseignements : www.canalacademie.com/ida7198-Le-compositeur-Michael-Levinas.html
Hacked !…Suite au piratage de notre site Internet, notre
Maître de Toile s’est vu contraint de tout reconstituer. Cependant qu’avaient
disparu les liens vers nos précédentes Newsletters (quelque 80 000
destinataires mensuels)… Les re-voici ! (modifier les désinences
chiffrées) :
Auditorium du Louvre, saison 2011-2012 : Huit
cycles de concerts, cinq cycles de musique filmée. Renseignements : 01 40 20 55 55. www.louvre.fr
Saison 2011-2012 au Théâtre du Capitole
de Toulouse. Pas moins de 114 levers de rideau, avec,
notamment, une nouvelle production : Tannhaüser (Wagner), 4 nouvelles co-productions : Le Trouvère (Verdi), La
Clémence de Titus (Mozart), Les Indes
galantes (Rameau), Celui qui dit oui et Celui qui ditnon (Weill / Brecht), 2 reprises : Falstaff (Verdi), Madame Butterfly (Puccini). Et ce, outre 36 représentations
de ballet, 26 récitals & concerts... Renseignements : 05
61 22 31 31. www.theatre-du-capitole.fr
Prix 2011 de l’Académie des Beaux-Arts.
Prix de chant choral Liliane Bettencourt : Ensemble vocal « Sequenza 9.3 »,
dir. Catherine Simonpietri. Prix de la Fondation Simone & Cino
del Duca : Philippe Boesmans, compositeur. Grand Prix
d’orgue Jean-Louis Florentz : Virgile Monin. Prix
d’encouragement : Emmanuel Ceysson (harpiste), Romain Leleu
(trompettiste), Maxime Pascal & Debora Waldman
(chefs d’orchestre). Renseignements : 23,
quai Conti, Paris VIe. www.academie-des-beaux-arts.fr
« Théodore Dubois au piano ». Pour plus
de précisions concernant la photo ci-dessous, consulter l’excellent site : www.musimem.com/dubois-bio.htm
(Musica,
1904, coll. D.H.M.)
L’Ensemble intercontemporain (directeur
musical : Susanna Mälkki)dessine les contours de sa saison 2011-2012 : Pli selon pli de
Pierre Boulez ; Inori de
Karlheinz Stockhausen ; Caressant l’horizon d’Hèctor Parra (œuvre inspirée des recherches de l’astrophysicien
Jean-Pierre Luminet) ; Re Orso,
opéra de Marco Stroppa (sur un livret d’Arrigo Boito) ; des
créations de Matthias Pintscher, Unsuk Chin, Sean Shepherd,
Johannes Boris Borowski, Hanspeter Kyburz… Renseignements : 223, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe. Tél. : 01 44 84 44
50. www.ensembleinter.com
Festival « Virtuosités », à
Venise : du 8 octobre au 19 novembre 2011. Au Palazzetto
Bru Zane, « Centre de musique romantique française », seront notamment
proposés quatre cycles : L’épopée du concerto romantique / Pianos,
pianistes & « pianismes » / L’émancipation des instruments à
vent / « Fortes chanteuses » et « Chanteuses à
roulades ».Renseignements : +39
041 52 11 005. www.bru-zane.com
Le Festi’Val-de-Marne soufflera ses 25 bougies du 1er au 16 octobre 2011. Dans
le cadre des « Refrains des
Gamins » se produiront notamment : Henri Dès, Sophie Forte,
Jacques Haurogné, Hervé Suhubiette, David Sire &
Pierre Caillot, Chanson Plus Bifluorée, et les compagnies
« Refrains des gamins », « Un cadeau pour Sophie »,
« Comme sur des roulettes », « Brico Jardin »,
« Opéra Pagaï »… Renseignements : 01 45 15 07
07.www.festivaldemarne.org
Le Parvis, « Scène nationale Tarbes/Pyrénées » communique son programme pour
2011-2012. Parmi les artistes qui s’y produiront, citons :
Maguy Marin, Meg Stuart & Akram Khan (danse contemporaine),
Ana Teresa de Keersmaeker (chorégraphe), le spectacle Béjart ! (Ballet du Rhin), Brad Mehldau (jazzman), Philippe Jaroussky
(contre-ténor), Jordi Savall (violiste), Jan Garbarek & le
Hilliard Ensemble (saxophone & voix), l’Orchestre national du Capitole
de Toulouse (dir. Tugan Sokhiev), l’Ensemble Pygmalion (dir.
Raphaël Pichon), Véronique Sanson, Juliette & Abd Al Malik
(chanson)…Seront, en outre, retransmis
- en direct du Metropolitan Opera de New York - Le Crépuscule des dieux (Wagner) et La Traviata (Verdi).Renseignements : 05 62 90 08
55.www.parvis.net
La Chambre philharmonique, « Orchestre sur
instruments d’époque » créé en 2004 sous l’égide d’Emmanuel Krivine,
communique le programme de sa saison 2011-2012 : www.lachambrephilharmonique.com
Ircam &
transmission… Outre ses activités de recherche & création, l’Ircam
promeut nombre d’actions en direction des collèges, lycées, universités &
écoles de musique : « Atelier pratique : portrait d’un son »
(pour élèves de 4e, 3e, 2de, 1re),
« Conférence pédagogique : du labo au studio » (pour
élèves de Terminale, conservatoires, enseignement supérieur), « Visites
guidées » (groupes de 18 personnes maximum), « Concerts »
(tarifs réduits pour groupes scolaires ou d’étudiants), « Ateliers de
la création » (pour lycées professionnels), « Musique Lab »
(pour enseignants)… Renseignements : 01 44 78 48
16. www.ircam.fr
Diaphane Sacem…
* 137 000 sociétaires, dont
15 500 sociétaires étrangers
* 819,6 M€ perçus (répartis en 2010
et 2011)
* 647 M€ répartis aux ayants
droit (perçus en 2009 et 2010, hors action culturelle)
* 40 millions d’œuvres du
répertoire mondial représentées
* Près de 690 000 nouvelles
œuvres (françaises & étrangères) déposées au répertoire
* 16,6 M€ consacrés au soutien au spectacle vivant, à
la création & à la formation dans tous les genres musicaux
* 1 399 collaborateurs
répartis entre le siège social (à Neuilly-sur-Seine) et 89 implantations (à
Paris & en régions).
Natalie Dessay, marraine du Créa : « C’est
dans son approche complète du chant dramatique et accessible à tous les enfants
que le Créa est unique. Depuis plus de vingt ans, cette structure
atypique contribue au renouveau du répertoire lyrique par des enfants à travers
une démarche encadrée par des professionnels. Comment pourrais-je ne pas
apporter mon soutien à cette compagnie qui défend ardemment l’accès à l’art
lyrique et forme ainsi le public de demain ? ». Renseignements : 01 48 66 87 53. http://crea.centre.pagesperso-orange.fr
Centre national de la danse. Le
programme de la saison 2011-2012 est en ligne. Renseignements : 1,
rue Victor-Hugo, 93500 Pantin.Tél. : 01 41 83 98 98. www.cnd.fr
Lauré ! Notre collaborateur
David Lamaze vient de se voir décerner le titre de docteur en Musicologie
(mention Très honorable), après soutenance de sa thèse :
« Misia Godebska, un point commun entre Debussy et
Ravel ? »
« Il Garda in Coro », 3e Concours international pour
chœurs d’enfants, se déroulera du 17 au 21 avril 2012, à Malcesine, sur le lac
de Garde. Renseignements : +39 045 6570332. www.ilgardaincoro.it
Music & You, « Le Salon des
musiciens », se tiendra à Paris, Grande Halle de la Villette, du 28
septembre au 1er octobre… 2012 ! Renseignements : 01
47 56 52 25. www.salon-musique.com
Festival & Colloque à Hanovre. 29 septembre-3 octobre 2011. Société
internationale Heinrich Schütz (ISG)
La Société
internationale Heinrich Schütz a choisi pour son prochain Festival la ville de
Hanovre à l’occasion de ses 375 ans, car, en 1636, elle a été élevée au
rang de « Résidence (princière) ». L’inauguration aura lieu, le 29
septembre, à 15 heures, avec une allocution portant sur son historique,
suivie d’une visite.
Le Colloque,
sur le thème : « Heinrich Schütz et la musique dans les cours de
Basse Saxe » se tiendra tout le vendredi 30, sous la direction du
Prof. Dr. Walter Werbeck, président de la ISG. Un Atelier de chant permettra de préparer les œuvres de H. Schütz et R. de Lassus
interprétées le dimanche 2 octobre. Six Concerts sont prévus :
« Heinrich Schütz au XXe siècle », « la
musique baroque en Basse-Saxe », « les Italiens à Hanovre »,
« la polychoralité en Allemagne du Nord »… Des Excursions (avec concerts) sont organisées, notamment à la célèbre Bibliothèque de Wolfenbüttel
qui — outre sa visite commentée et celle d’une exposition —
comprendra une communication sur le thème « Heinrich Schütz, maître
de chapelle à la Cour de Wolfenbüttel ».
Nous vous
recommandons vivement ces manifestations dans ces lieux chargés d’histoire et
ces rencontres avec des musicologues, chefs, organistes (plusieurs orgues à l’église
du Marché), ensembles (y compris chœur d’enfants) de tout premier plan.Renseignements : info@schuetzgesellschaft.de
The Turn of the Screw(Le tour d’écrou), opéra de Benjamin Britten, sera donné les 29 et
30 septembre 2011, au Théâtre d’Arras. Orchestre-atelier Ostinato, dir.
Jean-Luc Tingaud. Renseignements : 03 21 71 66
16. www.laclefdeschants.com
« Les Journées romantiques », 8e édition, se dérouleront, du 7 au 15 septembre 2011, sur la péniche Planète Anako (amarrée face au
61, quai de la Seine, Paris XIXe). Direction
artistique : David Selig & Jeff Cohen. Avec,
notamment : June Anderson, François Le Roux, Abdel Rahman
El Bacha… Renseignements : 01 48 97 35
78. www.journees-romantiques.org
Le Festival d’Île-de-France « D’un monde à l’autre » se déroulera
du 4 septembre au 9 octobre 2011 : 29 lieux,
33 concerts. Renseignements : 51, rue Sainte-Anne, Paris IIe.
Tél. : 01 58 71 01 01. www.festival-idf.fr
La 32e édition du Festival d’Ambronay se
déroulera du 9 septembre au 2 octobre 2011.Thème : Passion Bach. Renseignements : place de l’Abbaye, 01500 Ambronay.Tél. : 04 74 38 74 04. www.ambronay.org
En l’Auditorium de Lyon, seront donnés, les 17 et
18 septembre 2011 : la 2e Symphonie
« Résurrection » de Gustav Mahler et Kaddish de Maurice Ravel. Chœurs de Lyon-Bernard Tétu
& Orchestre national de Lyon, dir. Leonard Slatkin. Renseignements : 04 72 98 25 30. www.solisteslyontetu.com
Caligula, opéra pour marionnettes de Giovanni Maria
Pagliardi, en 3 actes, sur un livret de Domenico Gisberti (créé
à Venise le 18 décembre 1672), sera recréé le dimanche 18 septembre 2011 (à
14h00 et 18h00), lors du « Festival mondial des Théâtres de Marionnettes »
de Charleville-Mézières – et ce, avant d’être représenté à Reims, Chaumont,
Gand (Belgique), Besançon, Paris, Vitry-sur-Seine. Avec le concours d’Arcal
(Compagnie nationale de théâtre lyrique & musical) et du Poème Harmonique
(direction : Vincent Dumestre). Renseignements : Arcal – 87,
rue des Pyrénées, Paris XXe. Tél. : 01 43 72 66 66. www.arcal-lyrique.fr
« Paroles et musique », les manuscrits de la
chanson française. Cette exposition se poursuit, jusqu’au 25
septembre 2011, au musée des Manuscrits du Mont-Saint-Michel /
Avranches. Renseignements : place d’Estouteville,
50300 Avranches. Tél. : 02 33 79 57 00. www.scriptorial.fr
Lamentations (2009), de
Betsy Jolas pour 5 voix de femmes a cappella,
sera donné le 17 septembre 2011, à 18h00, en l’abbaye Sainte-Croix de la
Cossonière, à Saint-Benoît (Vienne), par l’ensemble… Cum Jubilo. Entrée libre. Renseignements : 06 98 39 15 97. www.cumjubilo.com
La 26e édition du « Festival baroque de
Pontoise » se déroulera du 16 septembre au 23 octobre
2011. Musique, danse, théâtre, poésie… Renseignements : 7, place
du Petit-Martroy, 95300 Pontoise. Tél. : 01 34 35 18 71. www.festivalbaroque-pontoise.fr
Besançon/Franche-Comté : 64e Festival
international de musique & 52e Concours international de
jeunes chefs d’orchestre [237 candidats de 42 nationalités se sont
présentés, à Pékin, Besançon, Berlin ou Montréal, aux épreuves de présélections].
Du 16 septembre au 1er octobre 2011. Renseignements : 3bis, rue Léonel-de-Moustier.
Tél. : 03 81 82 08 72. www.festival-besancon.com
La XXIXe édition de Musica, « Festival international des musiques
d’aujourd’hui », se déroulera à Strasbourg, du 21 septembre au
8 octobre 2011. Sont programmées : 37 manifestations,
133 œuvres de 87 compositeurs, dont 26 créations &
17 premières françaises.Renseignements : 1, place Dauphine, 67000 Strasbourg.Tél. : 03 88 23 46 46. www.festival-musica.org
La XIXe édition des « Nuits romantiques du
lac du Bourget » se déroulera du 23 septembre au 8 octobre
2011. Thème : Autour de
Franz Liszt. Renseignements : 2, bd de la
Roche-du-Roi, 73100 Aix-les-Bains. Tél. : 04 79 88 46 20. www.nuitsromantiques.com
Le 16e Festival international « Toulouse les
Orgues » se déroulera du 5 au 16 octobre 2011. Thème : Des maîtres du passé aux meilleurs artistes
d’aujourd’hui. Hommages seront notamment rendus au facteur d’orgues
Aristide Cavaillé-Coll (1811-1899) et au poète-musicien Jehan Alain
(1911-1918). Présentation de spectacles mêlant danse verticale, orgue &
arts visuels. Renseignements : 05 61 33 76 87. www.toulouse-les-orgues.org
La 3e édition de la « Nuit SFR Live
Concerts » se déroulera le samedi 8 octobre à Paris, au
Grand Palais. Pour fans de musiques électroniques. Programmation
sur : www.lanuitsfr.fr
La production du Nez de Chostakovitch présenté cet été au
Grand Théâtre de Provence a été possible grâce à la réunion de trois
partenaires : le Metropolitan Opera de New York, le
Festival d’Aix et l’Opéra de Lyon. Le projet demandait des forces de
cette envergure et le résultat est à la hauteur de l’ambition soutenue. Le Nez a connu, dès son origine
littéraire, de nombreux remaniements liés à des censures plus ou moins
exprimées. Chostakovitch a considérablement retravaillé le texte de Gogol pour
les besoins de son opéra, réintroduisant des épisodes qui en avaient disparu.
Il avait 22 ans en 1928 lorsqu’il s’est attelé à ce qui apparaît encore
aujourd’hui comme une gageure. Créé deux ans plus tard, ce qui constitue une
sorte de préfiguration de théâtre musical a reçu un accueil public favorable
mais s’est attiré les réserves d’une critique prudente et déjà convaincue des
effets néfastes d’une création par trop originale et audacieuse.
Pour cette œuvre totalement
disparue du répertoire entre 1931 et 1974, William Kentridge, plasticien,
cinéaste et metteur en scène sud-africain propose une vision époustouflante.
Elle s’appuie sur une analyse et une documentation qui emprunte à l’Histoire,
autant politique qu’artistique. Le travail préparatoire à la mise en
scène a donné lieu à de petits films, à des animations, à des sculptures qui
étaient également présentés à l’Atelier Cézanne et à la Cité du Livre
d’Aix-en-Provence.
Comment narrer cette histoire
irracontable d’un nez qui, après un passage chez le barbier, quitte le visage
de son propriétaire, l’assesseur de collège Kovaliov, et part vivre sa vie
d’organe olfactif indépendant ? Kentridge fait appel à la vidéo, à des
figurines découpées projetées sur écran, à des éléments mobiles qui
s’assemblent pour dessiner un visage, un animal ou une machine, à des coupures
de presse, à des slogans, à des décors à plusieurs étages et plusieurs
facettes. Les dessins de Rodchenko et de toute l’avant-garde constructiviste
soviétique sont très présents dans l’inspiration de Kentridge. Les chanteurs
solistes ou du chœur sont autant de silhouettes cocasses et typiques, vêtues de
costumes qui détournent la tradition, comme ces grands manteaux à plis qui
donnent aux policiers des allures de derviches tourneurs. Les innombrables
trouvailles et références sont mises en espace avec une telle ingéniosité que
le spectateur n’est pas saturé et garde intacte sa capacité à recevoir la musique.
Dans la fosse, Kazushi Ono guide l’Orchestre & Chœur de l’Opéra de
Lyon de façon très acérée dans cette partition qui témoigne de l’assimilation
par le jeune Chostakovitch des œuvres de Stravinsky, de Prokofiev, d’Alban Berg
et de sa familiarité avec le jazz et les musiques d’accompagnement de films
muets. Les caractères très marqués et différenciés des voix sont magnifiquement
rendus par une distribution essentiellement russe, à l’exception de
Claudia Waite, soprano américaine, qui campe une redoutable femme de
barbier. Vladimir Samsonov est le baryton propriétaire du nez, assisté
d’un ineffable serviteur, long comme un jour sans pain, Vasily Efimov.
Les références de William Kentridge
témoignent d’une vision a posteriori, que ne pouvait avoir Chostakovitch
en 1930, de l’évolution de la politique artistique de l’URSS. Elles prennent un
sens très particulier pour le spectateur d’aujourd’hui qui peut constater que
le procès fait aux artistes de dérouter le public reste un thème cher aux
dirigeants, y compris hors des dictatures.
Thanks to my eyes, une création qui reste en deçà de ses
promesses
Soit une pièce de théâtre, Grâce à mes yeux, de Joël Pommerat,
créée en 2002. Soit un compositeur, Oscar Bianchi, séduit par cette
écriture, par cette histoire située on ne sait où, on ne sait quand. Soit Thanks to my eyes, opéra de chambre
commandé par le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence 2011 et Théâtre &
Musique. Pourquoi le passage d’un texte en français à un livret en
anglais ? Pour une musicalité de la langue souhaitée par le compositeur et
comprise par l’auteur ; seul un personnage, dans un rôle parlé, conserve
le français. Est-ce à cause de cette traduction, est-ce à cause du
rétrécissement du texte original qui devient livret ? Toujours est-il que
quelque chose semble s’être perdu en route. La lecture des intentions sur
le papier est très séduisante. Quelque part, quelqu’un, un fils,
vivant dans l’ombre d’un père prestigieux, sous l’aile d’une mère qui n’est
plus elle-même qu’une ombre. Le fils, celui qui ne réussira jamais,
reçoit des lettres, des lettres de femmes, reçoit des femmes, qui sont presque
déjà des ombres. Mais le père glorieux n’est sans doute qu’un imposteur.
Tout cela posé, avec un parfum à la Maeterlinck, on attend l’œuvre. Or,
ce qu’on voit et ce qu’on entend ne décolle pas de ce qu’on peut lire sur le
programme. Comme si le vent refusait de souffler dans les voiles de la
dramaturgie.
Pourtant la musique est là, très
belle, avec une écriture vocale intéressante, avec une orchestration riche en
instruments graves qui engendrent un spectre harmonique somptueux, avec un
accordéon inattendu qui ouvre un espace acoustique généreux. Oscar Bianchi,
né en 1975, est un compositeur qui a eu l’occasion de participer à l’Académie
européenne de musique. L’Ensemble Modern dirigé par Franck Ollu
ménage des nuances subtiles et les passages utilisant l’électroacoustique sont
particulièrement réussis. Mais on reste à la lisière. Quand
Joël Pommerat, dans un entretien, parle d’une femme qu’il a découverte
dans une ferme de montagne, alors qu’il était enfant, tellement vieille,
tellement d’un autre temps qu’il en a eu peur, on a envie de la connaître
aussi, pour partager cette émotion et cette crainte. Or elle était là,
devant nos yeux, sur la scène et l’on est passé à côté. Question
décidément cruciale, et posée depuis plus de quatre siècles, que celle du
fonctionnement d’un livret d’opéra.
Hélène Jarry.
Belshazzar au Capitole : l'oratorio scéniquement revisité
Georg Friedrich HAENDEL : Belshazzar. Oratorio
en trois parties. Livret de Charles Jennens. Kenneth Tarver,
Rosemary Joshua, Bejun Metha, Kritina Hammarström, Jonathan Lemalu. RIAS Kammerchor. Akademie für Alte Musik
Berlin, dir. René Jacobs. Mise en scène :
Christof Nel.
Si dans sa dernière période
créatrice Haendel se tourne vers la spiritualité et se consacre à l'oratorio
plus qu'à l'opéra,il n'en délaisse pas pour autant les sujets à fort
potentiel dramatique. Belshazzar (1745) est sans doute son
oratorio le plus habité de théâtralité. Le livret dont René Jacobs
souligne la densité, est tiré du Livre de Daniel dans l'Ancien Testament.
Mais le thème de la fin de l'empire babylonien puise à d'autres sources, tels
qu'Hérodote, Xénophon et les Psaumes. Oratorio biblique ou opéra caché,
on y croise des événements majeurs : la prédiction de la chute de
Babylone, le festin de Balthazar, l'écrasement d'une dynastie, la libération du
peuple hébreu. Du fait que l'œuvre n'était pas destinée à être mise en
scène, la musique pourvoit à l'imagination et prend une dimension essentielle.
Elle est en soi descriptive : « c'est la musique qui donne une
force, une âme et une grande présence dramatique à un théâtre invisible »,
dit encore René Jacobs. Haendel se libère du carcan de l'aria da capo
pour privilégier un récitatif accompagné d'une éloquente force expressive.
Ce qui engendre paradoxalement une liberté dramatique plus marquée que dans la
forme rigide de l'opera seria. La partie chorale occupe la place
centrale de ce drame collectif, incarnant les trois peuples en présence :
les Babyloniens, présomptueux mais aveugles, les Juifs, impressionnants
d'austérité et critiques, les Perses, agressifs et vigoureux. Les cinq
personnages tutoient l'univers de la tragédie antique : Belshazzar, pâle
fils de Nabuchodonosor, tyran sûr de son pouvoir mais faible devant le prodige
d'en-Haut, la reine Nitocris, sa mère, qui, la première, entrevoit la chute
inévitable de Babylone, figure hors norme dont la clairvoyance l'amènera à une
sorte de conversion, Cyrus, le héros qui la victoire conquise, se veut
magnanime, enfin le prophète Daniel qui donne au drame une dimension morale,
presque religieuse. On comprend qu'une telle œuvre appelle la scène.
Le spectacle du Capitole, co-produit
avec le festival d'Aix, réussit cette adaptation théâtrale. Non que son
concepteur Christof Nel cherche à transposer de manière radicale. Il
s'attache à suggérer plus qu'à imposer un schéma. Au-delà de la fresque
historique, c'est le thème du régicide qui est abordé et le conflit né du désir
d'élimination d'un tyran pour l'avènement d'une ère nouvelle. La portée
politique rejoint la destinée religieuse. La vision est intériorisée à
l'aune de cette première scène traitée en forme de prologue qui voit la reine
craindre la ruine de Babylone. La force de la régie réside dans l'art de
traiter la masse chorale avec une précision millimétrique et, en même temps, un
absolu naturel. Chacune des incarnations de cette collectivité multiforme
donne lieu à un habile changement de couvre-chef, rendant la transformation crédible
d'une scène à l'autre. Ainsi de la résolution des Perses à mener à bien
le stratagème de la conquête de la cité babylonienne en détournant le fleuve
Euphrate, de l'assurance des habitants de celle-ci, de leur joie bachique lors
de la scène du banquet, de la désespérance et du hiératisme du peuple hébreu.
L'art de sculpter les groupes est saisissant, tour à tour agglutinés en grappes
ou évoluant en ordre dispersé, ou encore alignés sagement assis, les jambes
ballantes. Des éclairages spectraux renforcent cette adroite animation.
Avec le RIAS Kammerchor, on a affaire à une phalange qui semble rompue à
la scène, comme elle est somptueuse dans la projection vocale et la souveraine
articulation du texte anglais. La régie est sobre et efficace, n'étaient
quelques acrobaties de figurants se déployant sur l'aplat d'un vaste mur barrant
le fond du plateau qui, au fil de l'action, dégage plusieurs plans en haut
desquels est juché le trône de Balthazar : symbole des solides remparts de
Babylone, l'impénétrable cité. René Jacobs fait corps avec ses
chanteurs, respirant avec eux. De sa direction émane une joie intérieure,
presque jubilatoire. L'orchestre de l'Akademie für Alte Musik Berlin est
l'instrument idéal pour en célébrer les couleurs chatoyantes. La chaleur
que ses musiciens font rayonner est palpable. Une distribution de grande
classe a été assemblée. Rosemary Joshua campe une Nitocris partagée entre
un pathétique amour maternel et le choc causé par le meurtre du roi. Le
contre-ténor Bejun Metha domine les couleurs héroïques de la partie de
Cyrus par une qualité étourdissante de vocalises. Le prophète Daniel est
bouleversant de sobriété à travers la composition de Kristina Hammarström,
impressionnante voix d'alto. On a plaisir à retrouver la basse chantante
de Jonathan Lemalu. S'il révèle par ses bravades la démesure du
tyran, Kenneth Tarver, Belshazzar, paraît en retrait, sans doute par une moins
longue fréquentation de l'idiome haendélien.
Ce magnifique spectacle, filmé
par Don Kent, lors de sa création au Festival d'Aix-en-Provence en juillet
2008, avec la même distribution, à l'exception de Neal Davies, paraît en
DVD. Il est tout aussi remarquable par la qualité de la prise de
vues : acuité des plans, originalité des cadrages, finesse des images, mis
à part quelques gros plans excessifs (2DVDs Harmonia Mundi : HMD
9909028.29. TT : 2h46).
Reprise des Noces
de Figaro à l'Opéra Bastille
W. A. MOZART : Le
Nozze di Figaro. Opera buffa en quatre actes. Livret de Lorenzo
Da Ponte. Erwin Schrott, Julia Kleiter, Christopher Maltman,
Dorothea Röschmann, Isabel Leonard, Ann Muray, Maurizio Muraro, Christian
Tréguier. Orchestre & Chœur de l'Opéra national de Paris, dir.
Dan Ettinger. Mise en scène : Giorgio Strehler, réalisée
par Humbert Camerlo.
Les directeurs de maisons
d'opéra aiment à revenir en arrière pour raviver le souvenir de productions
marquantes. À moins que ce ne soit pour conjurer le sort quant à
l'inexorable évolution de la mise en scène vers l'actualisation. Encore
que la question n'est pas de savoir si, pour entrer dans l'histoire de
l'interprétation, une mise en scène doit nécessairement être réaliste et être
donnée en costumes d'époque. L'essentiel est l'adéquation au texte, la
fidélité à l'esprit. Stéphane Lissner l'a fait à L Scala avec Le
Voyage àReims (Luca Ronconi) et Le Barbier de Séville (Jean-Pierre
Ponnelle). Jérôme Deschamps vient de l'illustrer avec Atys (Jean-Marie Villégier) ressuscité à l'Opéra-Comique. Nicolas Joel
l'assume fièrement avec ces Noces de Figaro présentées en 1974 par
Giorgio Strehler, qui inauguraient l'ère Rolf Liebermann à l'Opéra de
Paris. Quelle que soit la prégnance du souvenir, on ne se risquera pas au
jeu déraisonnable et bien futile des comparaisons. La reconstitution
réalisée par Humbert Camerlo qui avait travaillé à l'époque aux côtés de
Strehler, en conserve l'esprit. Et c'est là l'essentiel. Le reste
appartient à la sphère de l'interprétation. L'opera buffa de Mozart
est plus qu'un marivaudage, plus qu'un jeu d'amour et de duperie, qu'un avant-goût
d'une révolte majeure instillés dans la pièce de Beaumarchais. Selon
Strehler, « il y a tout cela dans Les Noces et beaucoup plus que
cela. Il y a le symbole de la vie et des sentiments qui se transforment ».
La force de sa régie réside dans une direction d'acteurs animée d'un souci de
vérité : intense expressivité dans les échanges ou les ensembles, vie
intérieure insufflée à ces moments de réflexion que sont les arias. La finesse
du jeu découvre ces sous-entendus, ces hésitations des sentiments, ces
intermittences du cœur si bien conçus par Da Ponte. La décoration
(Ezio Frigerio) assure cette fonction essentielle de servir la
dramaturgie. Son apparente simplicité y est pour beaucoup, tel un écrin
d'un goût parfait dans lequel s'inscrivent des costumes d'un raffinement
extrême (Franca Squarciapino). Encore que le plateau de Bastille
donne l'impression d'un vêtement trop large pour cette régie travaillée comme
une miniature. Et l'auditorium paraît d'un volume bien conséquent pour l'épanouissement
d'une musique qui réclame plus de confidence.
C'est d'ailleurs sur ce point
que le spectacle souffre de faiblesse. La direction musicale de Dan Ettinger
est sans relief, erratique dans les tempos, souffrant de décalages avec le
plateau, en particulier au Ier acte. Elle manque surtout
cruellement de ce dosage subtil de rigueur et d'élasticité qui doit habiter la
musique de Mozart. Tout semble manquer de lustre et malgré l'ardeur
déployée par le chef, se situer sur le même plan. Sans doute peu inspirés
par pareille conduite, les interprètes font preuve d'une piètre élégance dans
le chant, exception faite du comte et de la comtesse. Ces deux chanteurs,
rompus au phrasé mozartien, parviennent à tirer leur épingle du jeu.
Christopher Maltman est grandiose d'autorité vocale et scénique, sans être
imposant. Il y a chez cet homme une humanité qui ne demande qu'à
s'exprimer. Dorothea Röschmann est royale, ménageant un legato
souverain dans les grandes arias et une distinction naturelle dans les récitatifs,
même si la voix laisse transparaître par instant des signes de fatigue.
Ces deux compositions dominent de loin les débats. Le Figaro
d’Erwin Schrott, certes bien articulé et nanti d'un timbre de stentor est
dur, presque cassant. Cette rudesse, calculée ou involontaire, mais
cadrant peu avec la conception de Strehler, génère comme une prise de distance
par rapport au texte. La Suzanne de Julia Kleiter, dépassée par les
dimensions de Bastille, peine à se faire entendre. Cela est évident au Ier acte.
Mais les choses s'améliorent ensuite : le duo de la lettre avec la
Comtesse est pure délicatesse. Le Chérubin d’Isabel Leonard déçoit
aussi par une caractérisation sommaire et un chant au ras des notes. Des comprimari solides complètent la distribution dont Ann Murray, Marcellina et Christian
Tréguier, Antonio. Prometteuse sur le papier, la distribution réunie ne
parvient pas à imprimer au spectacle le cachet mémorable qu'exige une
production emblématique.
Les Huguenots à la Monnaie : enfin la réhabilitation !
Giacomo MEYERBEER : Les
Huguenots. Opéra en cinq actes. Livret d'Eugène Scribe
& Émile Deschamps. Marlis Petersen, Mireille Delunsch, Yulia
Lezhneva, Éric Cutler, Philippe Rouillon, Jean-François Lapointe, Jérôme
Varnier, Arnaud Rouillon, Xavier Rouillon, Avi Klemberg, Marcel Labonnette,
Frédéric Caton, Olivier Dumait. Orchestre symphonique & Chœurs de
La Monnaie, dir. Marc Minkowski. Mise en scène :
Olivier Py.
Le genre du grand opéra
français, si prisé au XIXe siècle, voué aux gémonies par le suivant,
connaît-il un retour en grâce ? Après La Juive à
l'Opéra Bastille, voici que La Monnaie présente Les Huguenots,
modèle emblématique de ce qui est démesure, faste sans limite et copieuse
durée. Librement inspiré de Mérimée et de sa Chronique du règne de
Charles IX, l'action a pour thème l'exaltation religieuse qui devait
conduire au massacre de la Saint-Barthélemy. Elle allie débat politique
sur fond de guerres civiles et intimisme d'un drame privé, les amours d'un
protestant, Raoul de Nangis, et d'une catholique, Valentine.
Celle-ci abjurera sa foi pour suivre l'aimé dans la mort. On y croise
aussi Marguerite de Valois, sœur du roi Charles IX qui, malgré une
apparente désinvolture coquette, tente de réconcilier catholiques et protestants.
La construction de la pièce n'évite pas la disparate qui, dans ses deux
premiers actes, s'apparente presque à une comédie laissant peu présager la
changement qui va s'opérer par la suite vers le drame le plus sombre. De
même, divers styles musicaux s'y amalgament : bel canto, palette
orchestrale à la manière allemande, pages dansées presque frivoles, déclamation
française héritée de la réforme de Gluck. Monter pareil spectacle n'est
pas aisé. Mais Olivier Py aime se confronter aux défis les plus audacieux.
Se défendant de transposer radicalement, il privilégie « un cadre
légendaire » qui va mélanger les trois époques, de l'histoire (1572), de
la création de l'œuvre (1836), et du monde d'aujourd'hui. La scénographie
fluide (Pierre-André Weitz) aide cette mise en perspective : un
gigantesque jeu de lego imaginant quelques demeures Renaissance, s'organisant
discrètement pour contraster les lieux qui, pour certains, acquièrent une
neutralité intemporelle. Les vastes scènes chorales enluminées d'éclairages
suggestifs prennent un formidable relief. Le texte est scruté sans fard
et analysé dans sa résonance actuelle. Dans un raccourci saisissant,
l'ultime scène du massacre des protestants confronte le spectateur au
questionnement de l'intolérance politico-religieuse. Les démêlés
belliqueux n'éludent pas la violence - les croix latines figurent des
épées - comme les longues confrontations emphatiques. Le duo qui unit
Raoul et Valentine au IVe acte atteint une rare véhémence.
Plus d'un trait est d'une crudité extrême : aux orgies masculines du Ier acte
font échos les ébats des dames de la cour au suivant, d'un érotisme rarement
aussi poussé sur une scène d'opéra. Une des forces de la dramaturgie est
de suggérer ce qui n'est que sous-entendu : des enjeux politiques au-delà
des passions humaines, de l'instauration du pluralisme religieux pour assurer
la tolérance civile au prix d'une réconciliation des parties en présence.
Ne s'entredéchire-t-on pas au nom du même Dieu ? Vision perspicace,
encore, que la présence muette d'une Catherine de Médicis vieillissante, en
particulier lors de la scène de la bénédiction des poignards…
Marc Minkowski ne cache pas son
enthousiasme pour une œuvre dont il souligne les vertus, même comparée à la
dramaturgie de Wagner, le rival et sans doute le responsable de la disgrâce de
Meyerbeer dès la fin du XIXe. Sa direction empoigne à bras-le-corps
cet incroyable patchwork de climats grandioses et d'ensembles complexes.
Tel un magma sous haute fusion, le flux musical ne connaît que peu de répit à
travers les entrelacements audacieux de thèmes et de cadences et les crescendos
faramineux souvent rien moins que flamboyants. L'ardeur que déploie sans
compter le chef sauve l'entreprise de toute grandiloquence banale.
L'orchestre fait au mieux pour tenir le régime, même si on eût aimé plus de
finesse instrumentale dans le registre des bois et moins de verdeur chez les
cuivres, dont Meyerbeer fait un usage immodéré. N'étaient çà et là
quelques intonations douteuses, les chœurs font assaut de vaillance.
L'opéra requiert une distribution pantagruélique, dont une multitude de rôles
plus ou moins longs privilégiant la déclamation. Ils sont tenus avec
panache. Il exige surtout une brochette de solistes capables de manier
une vocalité ardue et d'affronter un orchestre pas toujours enclin à la
discrétion. Celle ici réunie force l'admiration. Éric Cutler a le
timbre idoine et flexible pour braver la partie de ténor très aigu de Raoul,
souvent proche de l'idiome rossinien, comme l'endurance nécessaire pour briller
aussi bien dans l'air de bravoure placé au début que lors du long duo de
l'avant dernier acte, même s'il ne paraît pas toujours des plus concernés.
Jérôme Varnier, Marcel, le vieil antipapiste inflexible, possède ce timbre
de basse chantante typiquement français à la fois clair dans l'émission et
percutant dans la déclamation. Tout comme Philippe Rouillon qui use
de sa voix de stentor pour asséner l'intransigeance du catholique comte de Saint Bris.
Le rôle belcantiste de Marguerite de Valois, une femme libérée avant
l'heure, Marlis Petersen l'adorne d'éclatantes coloratures et d'une
indéniable lascivité. La sincérité dans la défense du style français et
la solide présence scénique de Mireille Delunsch, Valentine, font oublier
quelques notes aiguës inconfortables. Le rôle avait été créé par
Cornélie Falcon dont le nom reste attaché à cette tessiture particulière
de soprano dramatique. Enfin le page Urbain offre à la jeune soprano
russe Yulia Lezhneva l'occasion d'une sémillante composition. Le
festival vocal imaginé par Meyerbeer est bien proche de tenir toutes ses
promesses.
Jean-Pierre
Robert.
« Viva Verdi » au Théâtre des Champs-Élysées
I Due Foscari.Version de concert. Opéra en trois actes de
Giuseppe Verdi sur un livret de Francesco Maria Piave d’après Byron.
Orchestre national de France, Chœur de Radio France, dir. Daniele Callegari.
Anthony Michaels-Moore (doge Francesco Foscari), Ramón Vargas
(Jacopo Foscari), Manon Feubel (Lucrezia), Marco Spotti
(Loredano).
Un Verdi plein d’allant, mené de
main de maître par Daniele Callegari, bénéficiant d’une évidente
complicité de la part des musiciens de l’Orchestre national, pour cet opéra,
créé en 1844 au Teatro Argentina de Rome. Un livret assez mince,
d’inspiration historique, traité de façon intimiste, sans véritable action
dramatique, centré sur des rapports humains empreints d’émotion, sublimé par la
musique de Giuseppe Verdi où tous les protagonistes sont précédés d’un
thème instrumental réalisant un véritable « masque musical »,
une partition vocalement exigeante, parfaitement rendue par une distribution
remarquablement homogène. Au premier rang de laquelle, Ramon Vargas
au timbre lumineux et chaud, Manon Feubel qui saura faire preuve d’une
grande souplesse vocale, Anthony Michaels-Moore, puissant, à la fois
charismatique et émouvant, enfin Marco Spotti, peut-être un peu trop
effacé. Une version de concert qui malheureusement ne bénéficiera
d’aucune mise en situation, devant une salle peu fournie, mais enthousiaste.
Un opéra qui n’est pas, à l’évidence, une œuvre majeure, mais une belle soirée
musicale. Viva Verdi !
Festival MOZART au Théâtre des Champs-Élysées : Idomeneo. Opera seria en trois actes K. 366 (1781) sur un livret de
Giambattista Varesco, d’après Danchet. Le Cercle de l’Harmonie, Chœur
Les Éléments, dir. Jérémie Rohrer. Mise en scène : Stéphane
Braunschweig. Richard Croft (Idomeneo), Sophie Karhäuser (Ilia), Kate Lindsey
(Idamante), Alexandra Coku (Elettra), Paolo Fanale (Arbace), Nigel Robson (Le
Grand Prêtre), Nahuel di Piero (Neptune).
Opéra préféré de Mozart, opéra
du début de la maturité contenant en germe les productions ultérieures, de la
dernière décennie, dont on peut retrouver ici certains accents, synthèse des
différentes influencesallemandes,
italiennes et françaises, notamment gluckistes, collectées par Mozart lors de
ses voyages en Europe, en particulier à Paris, Idomeneo constitue, cette année, la pièce maîtresse du
Festival Mozart au TCE. Très rarement donné en version scénique,
créé le 29 janvier 1781 à Munich, sous la direction de Christian Cannabich
à la tête de nombreux musiciens de Mannheim, sa première représentation à Paris
date de 1887. Opéra particulier du fait de l’importance capitale des
chœurs dans le déroulement dramatique de l’ouvrage et de la richesse des thèmes
qu’il est possible d’aborder dans la mise en scène - guerre, paix, amour,
engagement, respect de la parole donnée, passation de pouvoir… Cette
production du TCE fut une indiscutable réussite musicale. Jérémie Rohrer
confirma, à la tête de son orchestre, ses dons de chef mozartien, sachant faire
valoir la très belle sonorité du Cercle de l’Harmonie, parfaitement en phase
avec les chanteurs, menant l’orchestre avec allant, du cantabile le plus
enjoué, au désespoir le plus sombre. La distribution vocale fut,
également sans faille, avec un excellent Richard Croft, parfaitement à l’aise
vocalementdans le rôle titre,
malgré les difficultés de la partition. L’angélique Ilia de Sophie Karhäuser
fut totalement convaincante, de même que Kate Lindsey, dominatrice ou
éplorée et Alexandra Coku, furieuse, qui firent avec bonheur leurs débuts
sur la scène du TCE. Une restriction, toutefois, concernant la mise en
scène de Stéphane Braunschweig, peu dérangeante mais n’apportant pas
grand-chose à la lecture de l’opéra. Il en restera une superbe musique,
magnifiquement servie par musiciens et chanteurs, n’est ce pas, en définitive,
le plus important ?...
Un terne « Crépuscule des dieux ». Götterdämmerung. Musique de Richard Wagner (1813-1883).
Troisième journée en trois actes du festival scénique l’Anneau du Nibelung (1876). Orchestre & Chœur de l’Opéra
national de Paris, dir. Philippe Jordan. Mise en scène :
Günter Krämer. Torsten Kerl (Siegfried), Iain Paterson (Gunther), Peter
Sidhom (Alberich), Hans-Peter König (Hagen), Katarina Dalayman (Brünnhilde),
Christiane Libor (Gutrune), Sophie Koch (Waltraute).
Un terne Crépuscule, une
bien triste fin ! Que dire qui n’ait été déjà dit, concernant cette
production du Ring, confié à la
baguette de Philippe Jordan et à la vision de Günter Krämer pour la
mise en scène, tant les craintes émises dès l’Or
du Rhin n’ont fait que se confirmer lors des opéras ultérieurs (Walkyrie et Siegfried). Une magnifique musique, superbement dirigée par
Philippe Jordan, restriction faite d’une certaine froideur, rançon d’une
lisibilité parfaite. Une distribution vocale peu homogène, de laquelle on
retiendra l’excellence de Hans-Peter König dans le rôle de Hagen et de
Sophie Koch dans celui de Waltraute, une prestation honorable du reste de
la distribution, avec une petite réserve concernant la Brünnhilde de Katarina Dalayman,
obligée parfois de forcer sa voix, l’insuffisance notoire et déjà signalée de
Torsten Kerl, campant un Siegfried benêt et sans voix, confirmant, s’il en
était encore besoin, l’erreur de casting le concernant. Une mise en scène
calamiteuse, faite d’un bric-à-brac de clichés convenus, sans aucune ligne
directrice dans l’interprétation de l’œuvre. Oui, une bien triste fin
pour cette Tétralogie qui méritait
beaucoup mieux ! Espérons qu’à l’occasion, en 2013, du bicentenaire
de la naissance du compositeur, Nicolas Joel nous gratifiera d’une tout
autre prestation...
Festival MOZART au Théâtre des Champs-Élysées :La Finta giardiniera.
Opéra bouffe en trois actes K.196 (1775) sur un livret attribué à Giuseppe
Petroselli. Academy of Ancient Music, dir. Richard Egarr.
Andrew Kennedy (Don Achise), Rosemary Joshua (Sandrina/Violante),
James Gilchrist (Belfiore), Klara Ek (Arminda), Daniela Lehner (Ramiro),
Elisabeth Watts (Serpetta), Andrew Foster-Williams (Roberto/Nardo).
Commande du Théâtre de la cour
de Munich pour la saison du Carnaval 1774-1775, créé au Salvartortheater de
Munich le 13 janvier 1775, Mozart avait alors 19 ans, La Finta giardiniera est un opéra de jeunesse où il est plus
facile de retrouver les leçons des anciens maîtres que d’entendre
d’hypothétiques accents prémonitoires des futurs opéras. L’œuvre pêche
surtout par la faiblesse de son livret, une dramaturgie inexistante, une
histoire, où « il y a de quoi mourir » comme le dit Don Achise
au IIe acte, sauvée toutefois par la musique, ici, parfaitement
exécutée, tant vocalement, qu’instrumentalement. Un opéra, comme une
farce, fait d’une succession d’airs, « trop d’airs » diraient
certains, si l’on ne sentait, en filigrane, une constante ironie rendant cette
partition si attachante. Remercions Michel Franck d’avoir programmé
cette œuvre peu connue et encore moins interprétée, dans cette version de
concert remarquable, bien chantée, bien jouée avec une vraie implication des
chanteurs, parfaitement équilibrée entre musique et chant. Richard Egarr,
successeur de Christopher Hogwood à la tête de l’Academy of Ancient Music
depuis 2006, sut rendre le côté festif de la farce, en étroite complicité avec
les chanteurs. Une distribution vocale de tout premier ordre, où il
convient de signaler l’excellence d’Andrew Kennedy pour la diction, Andrew
Foster-Williams pour le timbre, Elisabeth Watts pour le jeu, Daniela Lehmer et
Klara Ek pour la technique vocale. Une petite réserve pour le timbre
un peu métallique de Rosemary Joshua et celui, un brin nasillard, de James
Gilchrist. Une belle soirée.
Pascal DUSAPIN : Morning in Long Island.Création mondiale, Salle Pleyel. Orchestre philharmonique
de Radio France, dir. Myung-Whun Chung.
« Morning in Long Island », concert n° 1 pour grand
orchestre, commande de l’Orchestre philharmonique de
Radio France, des BBC Proms de Londres, de l’Orchestre de Séoul et du
MITO Settembre Musica, en création mondiale, Salle Pleyel, dédiée à Myung-Whun
Chung, cette nouvelle œuvre en trois mouvement de Pascal Dusapin fut
composée en 2010, en souvenir d’une promenade matinale sur la plage, lors d’un
séjour à Long Island. Après la composition du cycle des Sept solos pour
orchestre, cette nouvelle pièce orchestrale ouvre un nouveau cycle consacré à
la nature. Inutile d’y chercher un quelconque programme, il s’agit d’une
musique pour la musique, des sons, des couleurs, souvent caractéristiques de ce
compositeur qui aime à sculpter la masse orchestrale, avec la présence, ici,
d’un trio de cuivres (trompette, cor, trombone) éclaté dans la salle, pour une
spatialisation optimale du son, rappelant le concerto grosso. La musique
est ici prise à bras le corps, laissant émerger, çà et là, différents timbres
instrumentaux qui s’entrelacent, se quittent pour mieux se retrouver, utilisant
parfaitement les silences, une musique sans cesse menacée d’extinction pour
mieux renaître dans une dialectique de l’éternel retour, sous forme d’images,
de vagues, de climats, de mystères et d’émotions, une musique dionysiaque,
notamment dans le troisième mouvement (Swinging).
Une remarquable composition - comme une fureur de vivre – donnée
également, le 18 juillet 2011, au Royal Albert Hall de Londres.
Richard
STRAUSS : Salomé. Drame musical en un acte. Livret du
compositeur, d'après le drame éponyme d’Oscar Wilde. Angela Denoke,
Alan Held, Kim Begley, Doris Soffel, Marcel Reijans, Jurgita Adamonytė. Deutsches Symphonie-Orchester Berlin,
dir.Stefan Soltesz. Mise en
scène : Nikolaus Lehnhoff.
Avec le
drame d'Oscar Wilde, Richard Strauss tenait un sujet d'opéra idéal : une
progression dramatique qui par son aspect obsédant ne connaît pas de rémission,
un portrait de femme d'une audace peu commune. Plus ou moins consciemment
relève-t-il dans une irrésistible coulée musicale le défi des théories de
Freud, exposées dix ans plus tôt, en 1875, dans ses Études de l'hystérie.
La régie de Nikolaus Lehnhoff le laisse peu transparaître : le thème
de l'obsession n'y est qu'esquissé et ce qui ressort de la pathologie mentale
des personnages, peu approfondi. La mise en scène donne l'impression d'un
curieux mélange de grandiloquence décorative et de caractérisation restant à la
surface des choses. L'univers de la cour d'Hérode est visualisé par un
vaste dispositif barré de murs, d'escaliers et de passerelles qui ne favorisent
pas toujours l'intimité des échanges. Aucun tic du
« Regietheater » ne manque : néons blancs, revêtements lépreux,
carrelage déconstruit, accessoires fatigués. Tout concourt à un
expressionnisme de premier degré que des éclairages peu imaginatifs ne
cherchent pas à relever. Certains traits sont appuyés : tel ce
bourreau à la musculature avantageuse disposé comme une statue vivante en fond
de scène durant la confrontation entre Jochanaan et Salomé ou cette théorie
d'invités qui, délaissant le banquet d'Hérode, viennent en voyeurs savourer la
danse des sept voiles. Celle-ci le cèdera au banal et contrairement au
souhait de Strauss, sombre dans le travers du flirt avec Hérode. Ils
iront jusqu'à esquisser ensemble un pas de valse avant que la fille ne se
déchaîne contre le père dans un accès de violence sans doute apprécié par ce
dernier dans sa quête de plaisirs rares. Plus tôt, l'intermède que
constitue la dispute théologique des cinq juifs aura eu peu d'impact. La
dramaturgie semble du moins s'être concentrée sur le personnage titre.
Dès sa première apparition la belle princesse agit tel un aimant, objet de
désir pour ceux qui l'entourent, tandis qu'elle-même développe une
irrépressible et froide passion à l'endroit de Jochanaan. Ainsi
s'enroulera-t-elle dans la cape du prophète ou se lovera contre lui, laissant
espérer en vain une adhésion au discours de refus de celui-ci, avant de
s'attirer sa malédiction.
Angela
Denoke habite la jeune princesse de Judée d'une manière saisissante. Bien
au-delà du cliché de la petite fille monstrueuse qui fait un caprice ou de
l'égérie envoûtée par un désir insensé, c'est une femme résolue prise d'une
passion brûlante. Par son physique à la fois félin et un brin mature,
elle confère une aura de vérité à cette inéluctable trajectoire vers la mort.
Dès les premières répliques, elle fait sien ce rôle terriblement tendu par une
formidable articulation, un médium de la voix immédiatement reconnaissable et
une quinte aiguë rien moins que glorieuse, même si souvent négociée en
attaquant la note par en dessous. Une incarnation majeure. Passée
une entrée en matière abordée avec une rare agressivité dans l'imprécation et
n'était un accoutrement qui le fait ressembler à quelque sosie de Gengis Khan,
le Jochanaan d’Alan Held impressionne aussi.
Doris Soffel
campe une Hérodias hystérique et matrone dont les turpitudes ne sont cependant
tracées qu'au premier degré, ce qu'un chant passé constamment en force
n'arrange pas. Kim Begley réussit à donner du relief au tétrarque
Hérode qu'il ne charge pas, et s'avère adroit vocalement. À noter encore
les prestations convaincantes de Marcel Reijans, Narraboth, et de
Jurgita Adamonytė, le page d'Hérodias. Sans doute le chef
Stefan Soltesz n'aborde-t-il pas la partition comme « une musique d'elfes »,
ainsi que le demandait l'auteur en forme de boutade, et n'évite-t-il pas
l'écueil du tonitruant, lors des grands climax. Mais cet ancien assistant
de Karl Böhm s'attarde sur d'opalescentes nuances que l'Orchestre symphonique
de Berlin ménage avec brio, aux pupitres des vents en particulier. Et la
polytonalité imaginée par Strauss se révèle avec toute sa hardiesse.
Une rencontre au sommet : Pierre Boulez et
Daniel Barenboim
Aurait-on
imaginé Pierre Boulez, un jour, diriger Liszt ! Pour fêter le 200e anniversaire de la naissance du compositeur, le chef français a répondu à
l'invite de son ami Daniel Barenboim de jouer ensemble les deux concertos
pour piano. Sa rigueur méticuleuse alliée à l'esprit d'analyse dont le
pianiste anime ses exécutions confèrent à ces pages un relief singulier.
La liberté de la forme caractérise ces deux morceaux plus proches du poème
symphonique, avec piano obligé, que du concerto de facture classique. Une
autre originalité pour Liszt est de développer une vraie dramaturgie grâce au
procédé de la métamorphose thématique. Les modifications sont souvent
saisissantes, voire surprenantes, dans le souci d'unification. Alfred
Brendel parle à ce propos du caractère fortuit de l'enchaînement des séquences,
voire de « méthode aléatoire ». Le Premier concerto,
créé à Weimar en 1855 par l'auteur et Berlioz à la baguette, est célébré pour
sa phénoménale virtuosité. Barenboim l'aborde de manière extrêmement
contrastée : évanescence des parties lyriques très lentes alternant avec
gestes impérieux. L'allegretto vivace, en forme de scherzo, bardé de ce
thème emphatique qui revient en boucle, avec le contrepoint du triangle - placé
ici comme un soliste près du pianiste - est proprement festif. De
même l'impressionnante section en forme de marche évite l'excès démonstratif.
Le Deuxième concerto (1857) est plus élusif avec ses six sections
reliées entre elles par de subtiles transitions qui lui confèrent un parfum
d'improvisation. Il est traversé de thèmes
« méphistophéliques » ou, au contraire, d'intenses rêveries tel le
dialogue éphémère qui s'installe entre le piano et le violoncelle solo.
Là encore, les idées dérivées du thème principal sont travaillées savamment.
Daniel Barenboim se défend de tout épanchement excessif et Boulez respecte
scrupuleusement la lettre du discours orchestral, s'attachant à objectiver
quelques effets grandiloquents. Des exécutions nul doute marquées au coin
de la réflexion. À ces compositions, Boulez a eu l'ingénieuse idée d'associer
deux œuvres de Richard Wagner. L'Ouverture pour Faust op. 59, peu souvent jouée, a été composée en 1839-1840 pendant les années
passées à Paris alors que le musicien cherchait à se faire connaître.
Elle ne lui apportera pas le succès escompté. Un début sourd et
énigmatique laisse place à un développement plus animé. Wagner s'y
affranchit déjà de toute convention et on pressent quelques tournures
annonciatrices de Lohengrin (petite harmonie) et du Vaisseau fantôme (accords massifs). Mais la pièce reste
d'un intérêt mineur. Il en va tout autrement de Siegfried-Idyll,
une sérénade offerte en cadeau par le maître à son épouse Cosima pour son 33e anniversaire,
le jour de Noël 1870, à Tribschen. Jouée ici justement par une petite
formation orchestrale, c'est un pur bijou de sensibilité, une rêverie éveillée,
d'un tendre lyrisme. L'intensité poétique des cordes, la délicatesse du
contrepoint des bois, telle l'entrée de la flûte, le caractère pastoral avec
l'appel du cor sur le thème héroïque de Siegfried, le finale apaisé constituent
autant d'instants magiques que Boulez distille avec bonheur et que ses
musiciens rendent palpables. Assurément, un des grands moments du
concert.
Le
concert du dimanche de Pentecôte en matinée, devant un auditoire d'une
étonnante écoute, offrait l'occasion d'entendre le Quatuor Ebène dans un
programme de musique russe. Le Premier quatuor de Prokofiev
(1930), contemporain de la Quatrième symphonie, fruit d'une commande de
la Bibliothèque du Congrès de Washington, se réclame de Beethoven. Pour
honorer cette commande le compositeur s'imprégnera des compositions du maître
de Bonn. L'influence est surtout sensible au premier mouvement. Mais la
patte du compositeur russe est déjà à l'œuvre : l'énergie rythmique,
l'élan capricieux qui le parcourent sont autant de traits annonciateurs du
ballet Roméo et Juliette. Le vivace, sorte de scherzo, est très
allant, un brin motoriste. Un magistral andante d'une belle intensité
lyrique, traversé de ces dissonances lumineuses dont Prokofiev a le secret,
termine la pièce qui se clôt sur un émouvant decrescendo. Les Ebène déjouent
les difficultés techniques accumulées alliant brillance du jeu et profondeur de
pensée. Tout en contraste, le Second quatuor de Borodine (1882)
développe un lyrisme épanoui où triomphe la mélodie. Composé pour
commémorer les fiançailles, en 1862, du médecin-chimiste-musicien avec sa
future épouse Catherine Protopopova, il le proclame sans ambages dès la
première séquence si mélodieuse qu'elle en devient lascive et surtout au
troisième mouvement : cœur de la pièce, le « notturno » atteint
la quintessence de la poésie amoureuse. L'agencement du quatuor est
original avec une succession lent-rapide-lent-rapide. Le scherzo est dans
le droit fil de quelque danse d'elfes sortie du Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn. Et le finale offre un irrésistible climat allègre.
Nos quatre jeunes interprètes s'y distinguent par la perfection instrumentale
qui les caractérise, un sens des proportions et un lyrisme empreint d'une vraie
générosité.
De la prairie de Nuremberg à celle de Glyndebourne…
Richard WAGNER : Die Meistersinger von Nürnberg. Drame musical en trois actes. Livret du compositeur.
Gerald Finley, Alastair Miles, Anna Gabler, Marco Jentzsch, Topi Lehtipuu,
Johannes-Martin Kränzle, Michaela Selinger, Henry Waddington. The Glyndebourne Chorus. London Philharmonic
Orchestra, dir : Vladimir Jurowski. Mise en scène :
David McVicar.
Le vœu
le plus cher de son fondateur John Christie se réalise enfin : représenter LesMaîtres Chanteurs de Nuremberg à Glyndebourne ! Ce n'est
pas le premier Wagner donné dans le théâtre du Sussex - Tristan et Isolde l'y avait précédé en 2003 - mais y jouer cette œuvre particulière fait figure
d'incontestable événement. N'est-elle pas réputée, entre autres, pour ses
vastes proportions, ses multiples personnages, ses chœurs imposants, son rôle
titre-écrasant ! La production conçue par David McVicar n'a nulle honte à
afficher son réalisme. Alors que nombre de ses confrères évoluent vers la
transposition et l'abstraction visuelle, pour ne pas dire l'abscons de la
réinterprétation, le metteur en scène anglais semble s'en tenir à une lecture
au plus près du texte. Et l'on sait combien Wagner multiplie ici les indications
scéniques. Cette volonté de fidélité s'affiche dès avant la première
mesure : le fac-similé de la première page de la partition compose le
rideau de scène ! Le drame s'inscrit dans un décor évocateur dont le
plafond en ogives gothiques de l'église du Ier acte restera
l'élément permanent. Les diverses scènes sont traitées dans un souci du détail
suggestif : une place avec en son centre une fontaine surmontée d'une
statue du poète Jean-Paul au IIe acte, un intérieur haute époque
léché de milles bouquins et gravures pour le premier tableau du troisième, la
silhouette des murs de la cité médiévale de Nuremberg en toile de fond de la
fête sur la prairie. Les élégants costumes de style Biedermeier
situent l'action aux alentours de la création de l'ouvrage en 1868. Le
tout est enluminé par des éclairages généreux quoique manquant çà et là de
poésie évanescente, au IIe acte en particulier. La dramaturgie
construit des portraits singuliers. De fines touches l'émaillent : le
verre d'eau que Sachs passe à Walther pour lui permettre de reprendre ses esprits
durant le tumulte du Ier acte, ou plus tard, face à l'échoppe du
cordonnier-poète, le baiser sur la bouche offert impromptu par Eva à un Walther
tout étourdi de bonheur. Les personnages pittoresques jamais ne versent
dans l'excès. Celui de Beckmesser par exemple, s'il apparaît comme un ridicule,
n'est en rien un bouffon grotesque. Après tout, il est
« maître » lui aussi et d'importance puisque lui est confiée la
charge de marqueur. Après son échec au concours de chant, il ne déguerpit
pas piteusement comme souvent, mais se rallie avec ses pairs au triomphe de son
rival Hans Sachs. Les dialogues sonnent juste et il s'en dégage un
climat de bonne humeur et de vie : la bataille de rue qui clôt ou à peu
près le IIe acte, offre ce plaisant brouillamini contrôlé dont la
modeste dimension du plateau renforce l'impact. La fête du dernier
tableau est colorée avec acrobates et géants cracheurs de feu et l'arrivée des
Maîtres se veut académique. Ce tableau, comme tout le reste de la pièce,
acquiert une sorte d'immédiateté qui rend palpable ce que le bon Lavignac
qualifie de « comédie toute faite d'esprit et de tendresse émue ».
L'acoustique
très présente de l'auditorium de Glyndebourne flatte le discours wagnérien.
La séduisante direction de Vladimir Jurowski se délecte des entrelacs de
leitmotive, des manières archaïsantes, de la poésie diaphane qui affleure
constamment. Les tempos, plutôt modérés, ne sont jamais pondéreux. Ainsi
l'ouverture offre-t-elle un juste équilibre entre grandiose et vivacité tandis
que le prélude du IIIe acte avec ses longues phrases de violoncelles
condense toute la gravité de la rêverie de Sachs. Le LPO répond avec
brillance et conviction, la petite harmonie méritant une mention toute
particulière. Les ensembles ont fière allure, tel le quintette qui se clôt sur
une radieuse intervention de la soprano et les chœurs impressionnent ;
encore que le fameux « Wach auf » à l'acte III, entonné attaca,
eût mérité plus d'impact. Un vrai vent de jeunesse parcourt le cast, ici
un atout considérable, et plusieurs prises de rôle. À commencer par Gerald
Finley dans celui de Hans Sachs. Bien que ne disposant pas d'une voix
naturellement wagnérienne bardée de ces harmoniques envoûtantes qui portent le
débit, sa longue fréquentation de Mozart comme du répertoire de la mélodie lui
assure la flexibilité nécessaire pour affronter les vastes monologues comme les
longs dialogues. Une projection claire, une vaillance sans défaut,
notamment au dernier acte, sont au service d'un portrait du cordonnier-poète
dont émanent bonté, grandeur d'âme et profonde humanité. Il reste à
souhaiter que le chanteur, sagement, ne se confie pas trop souvent à ce rôle dévoreur.
Le Pogner de Alastair Miles, d'allure très british, est le tenant de la
tradition dans ce qu'elle a de sympathique, quoique la voix manque par moments
de ce « creux » dans lequel aiment à se perdre les rôles de
basse noble. Le Beckmesser de Han-Martin Kräntze sait garder la tête
froide quant aux contours comiques du rôle, écartant la caricature.
Topi Lehtipuu, David, fait son miel de la longue leçon de musique au Ier acte. Le Walther de Marco Jentsch possède une spontanéité naïve mais
aussi cette pointe d'esprit d'aventure qui fait passer ce jeune noble du rang
de bel amant à celui de champion de la rime. La voix possède la souplesse
requise par un rôle qui ne demande qu'à être abordé avec une finesse toute
italienne. Le timbre éthéré mais généreux d’Anna Gabler lui permet de se
mesurer aux traits plus que délicats que recèle le rôle d'Eva qu'elle dote
d'une présence enjouée.
Un Don Giovanni dans l'univers de Fellini
W A.
MOZART : Don Giovanni. Dramma giocoso en deux actes.
Livret de Lorenzo Da Ponte. Lucas Meachem, Matthew Rose, Toby Spence, In Sung Sim,
David Soar, Miah Persson, Albina Shagimuratova, Marita Solberg. The Glyndebourne
Chorus. Orchestra of the Age of Enlightenment, dir. Robin Tacciati.
Mise en scène : Jonathan Kent.
Représenté
pour la première fois à Glyndebourne en 1936 sous la direction de Fritz Buch, Don Giovanni est une œuvre-phare du festival. L'actuel théâtre, de par son
intimisme et sa belle présence acoustique, en fait en endroit idéal pour
l'apprécier. L'opéra des opéras a connu tant de métamorphoses au fil de
ses présentations scéniques qu'on se demande, non sans appréhension, quel parti
va adopter le metteur en scène. La production de Jonathan Kent situe
l'action dans un univers fellinien d'après-guerre. Plusieurs influences
se côtoient dans la décoration (Paul Brown), l'élément principal étant
inspiré de l'architecture du Palazzo dei Diamanti de Ferrare avec ses
murs aux arêtes taillées : une construction en forme de cube tournant sur
elle-même ou dont les parois se déploient pour découvrir autant de sites
différents sculptés par d'allusives lumières. Ouverte, elle découvre
encore d'autres théâtres, tel que les abords de la demeure du Commandeur ou
plus tard le casinetto de Don Giovanni. La scène de la noce campagnarde
durant laquelle Don Giovanni rencontre Zerlina compose dans les postures
et les costumes des participants un tableau tout droit sorti du film La strada.
Le final du premier acte plonge dans l'atmosphère étouffante d'une party triste,
avec ses ébats fatigués, ses échanges complaisants, alors que la fuite du
séducteur s'accompagne d'éclairs de feu. Le bel ordonnancement semble peu
à peu se déconstruire au second acte. Le sextuor évoluera dans un
capharnaüm miteux et la scène du cimetière sur une pente vertigineuse tout
comme celle du banquet. Alors que la table des agapes se renverse pour
découvrir le gisant du Commandeur, celui-ci se lève face à son meurtrier.
Image forte que, paradoxalement, la précipitation aux enfers ne suivra pas dans
le spectaculaire. La direction d'acteurs est incisive et des éclairages
élaborés étreignent les personnages : d'un blanc glacé pour en souligner
la dureté ou mordoré les enveloppant dans un chaud halo. Si le trio des masques
paraît bien banal, bien d'autres traits sont frappés au coin de l'originalité :
le catalogue que brandit Leporello n'est autre qu'un album-photo des conquêtes
de Don Giovanni saisies avec un polaroid et qu'il jette rageusement au
visage de Donna Elvira ; la fâcheuse rencontre de Don Giovanni
vêtu des habits de Leporello avec Masetto et ses acolytes à vélo tourne à une
sévère chasse à l'homme. Pour sombre et exacerbée qu'elle soit, la vision
livre bien des clés de lecture pénétrantes.
Le jeune
chef anglais Robin Tacciati empoigne la partition avec une belle assurance et
sa direction ne manque pas d'allant. Si certains tempos sont erratiques,
souvent très lents, du moins l'influx dramatique ne laisse-t-il pas indifférent
tout comme le soutien apporté aux chanteurs. Le fait de disposer d'un
orchestre jouant sur instruments anciens et pas trop nombreux ajoute une plasticité
particulière, plus « al dente » qu'avec une formation
conventionnelle. Il joue la version dite de Vienne (1788) dans son
intégralité. Ce qui permet d'entendre une scène rarement donnée, située
après le sextuor du IIe acte, réunissant Zerline et Leporello, au
cours de laquelle celle-ci corrige le valet, bien que faussement coupable
d'avoir estropié Masetto. Mais ce duo d'un faible intérêt retarde la
progression dramatique. La distribution se distingue par son homogénéité
et laisse découvrir de fortes individualités. Ainsi de Lucas Maechem qui
campe un séducteur blasé de son entreprise conquérante mais sachant retrouver
les ardeurs d'antan lorsqu'il faut éblouir la tendre Zerlina. L'empathie
avec le rôle est totale. Il y a du vrai bon sens paysan chez le Leporello
de Matthew Rose et un désarmant naturel. Reste que la vraie veine
mozartienne c'est chez le Don Ottavio de Toby Spence qu'on la trouve.
Pour sa première apparition à Glyndebourne, le ténor réussit un coup de maître.
La subtilité de ce rôle délicat, il la fait sienne avec une belle simplicité.
Des trois interprètes féminines la mieux au fait de la vocalité mozartienne
n'est pas la plus à l'aise, car Miah Persson, malgré un timbre séduisant,
est souvent à la peine avec les vocalises de Donna Elvira, dans la
première partie du moins. Marita Solberg avec son look à la
Marilyn Monroe est une Zerline tout sauf banale. La jeune ouzbèque
Albina Shagimuratova est une révélation : familière des rôles belcantistes,
elle assume avec une conviction peu commune la partie tendue de Donna Anna.
Un indéniable esprit d'ensemble plane sur la représentation.
Giuseppe
VERDI : La Traviata. Opéra en trois actes. Livret de
Francesco Maria Piave. Natalie Dessay, Charles Castronovo,
Ludovic Tézier, Adelina Scarabelli, Silvia de La Muela, Manuel Nuňez Camelino,
Kostas Smoriginas, Andrea Mastroni, Maurizio Lo Piccolo. Estonian Philharmonic Chamber Choir, London Symphony
Orchestra, dir. Louis Langrée. Mise en scène :
Jean-François Sivadier.
Le
Festival d'Aix offre une nouvelle production de La Traviata conçue
autour de Natalie Dessay par l'étoile montante de la régie lyrique en
France, Jean-François Sivadier. En homme de théâtre, soulignant combien
cet opéra proclame l'audace de la dramaturgie verdienne, il s'éloigne des
a priori qui tiennent autant à l'histoire de l'interprétation qu'aux
habitudes de jeu accumulées au fil du temps. Rien ne va se passer comme
on l'imaginait. Pourtant rarement aura-t-on perçu pareil respect des
exigences musicales. Le parallèle est d'emblée évident entre la
courtisane et la cantatrice car, pour lui, « La Traviata est
avant tout l'histoire d'une femme qui regarde son public dans les yeux, comme
une actrice, une chanteuse ». D'où la théâtralisation de tout ce qui,
chez l'interprète, va construire le personnage, jusqu'à l'effort face aux défis
vocaux. D'où l'idée de convier le spectateur à l'élaboration même de
l'opéra. Foin de décoration chargée, de jeux de scène uniquement mus par
la recherche de l'effet vocal. Le plateau est un espace ouvert dans
lequel va s'inscrire le mouvement que Sivadier place au cœur de sa vision.
Seuls des fragments de toiles peintes, un sol jonché de fleurs, quelques
chaises qu'on déplace vont suggérer des états plus que des lieux et permettre
quelques judicieux effets de simultanéité. La force de la direction
d'acteurs est de faire vraiment se rencontrer les personnages : Violetta
ne ménage sans doute pas Alfredo lors de leur première rencontre, improbable
coup de foudre. L'échange avec Germont père s'inscrira dans l'ambiguïté
des sentiments qui les animent. L'air de ce dernier « Di Provenza »
va bien au-delà du sentiment convenu, il éclaire de vérité la vaine tentative
de reprise en main d'un fils qui lui échappe. Sivadier manie le temps et
habite le silence, conférant au drame un rare degré de sensibilité.
Violetta n'est pas une héroïne lointaine comme souvent la diva d'opéra, mais un
être à la fois proche et universel qui transfigure tout par sa présence.
Natalie
Dessay se l'approprie. Sans avoir la voix naturelle du rôle, elle
l'habite avec une telle plénitude, une telle justesse d'accents qu'elle le
marque d'une empreinte nouvelle. Et le jeu des comparaisons cède le pas
devant une approche neuve du parcours d'une femme « constamment en
équilibre entre la chute et l'envol », selon Sivadier. Le premier
acte est tout sauf une démonstration de pure vocalité, le contraire d'un
discours apprêté. Le personnage prend d'emblée un relief
saisissant : un bout de femme d'une irrépressible énergie qu'une énième
rencontre amoureuse émeut aux tréfonds. Après un long silence interrogateur,
l'interjection « È strano ! » est le cri d'un être partagé
entre joie folle et incrédulité. Au deuxième acte, la tirade « Dite
alla giovine » délivrée pianissimo, murmurée à l'oreille d'un Germont
ébranlé, prélude à un échange qui, dans son humanité vraie, relègue toute
confrontation au second plan. Une bouleversante empathie naît entre les
deux contraires. Le dernier acte se vivra comme un effritement physique
autant qu'un délitement moral, une descente aux enfers au milieu de nulle part.
Vêtue d'une simple robe de soie, dépouillée de tout, Dessay bouleverse par une
confondante simplicité. La lutte ultime dépasse les frontières de la
scène : comme libérée de tout, Violetta s'avancera jusqu'à la fosse pour
s'effondrer à la dernière mesure.
Ceux qui
l'entourent sont attirés par ce papillon de la nuit. Charles Castronovo,
Alfredo, laisse la jeunesse éclater dans son chant. Une neutralité
initiale se dissipe vite dans une spontanéité conquérante et une ligne de chant
magistralement soutenue. Ludovic Tézier, Giorgio Germont, se
garde de souligner : chaque intervention est frappée au coin de
l'intelligence. Et le legato de ce timbre idéal de baryton Verdi est
souverain. À part Adelina Scarabelli, Annina plus typée que de
coutume de par la mise en scène, les seconds rôles restent pâles, la Flora de
Silvia de La Muela en particulier. La contribution chorale a de
l'allure, même si le tableau de la réception chez Flora, malgré son
mordant, ne convainc pas totalement. Louis Langrée dont a priori on
n'associe pas la baguette à l'univers verdien - c'est une première pour
lui - mais qui partage avec Dessay une complicité de longue date, livre
une vision justement équilibrée d'un musique réclamant la nuance plus que
l'éclat. L'approche se fait même chambriste à l'occasion. Pour
n'être pas habitué à la fosse de théâtre, bien qu'ayant déjà à son actif
plusieurs Verdi en concert (et au disque), le LSO prouve ses immenses capacités
d'adaptation. Il n'y a pas là une once de routine. La suavité des
bois subjugue. Autre atout d'une présentation inhabituelle mais
assurément refondée du chef d'œuvre de Verdi.
Une bien austère Clémence de Titus
Wolfgang
Amadeus MOZART : La Clemenza di Tito. Opera seria en deux
actes, K. 621. Livret de Caterino Mazzolà d'après Pietro Metastasio.
Gregory Kunde, Carmen Giannattasio, Sarah Connolly, Anna Stephany, Amel
Brahim-Djelloul, Darren Jeffery. Estonian Philharmonic Chamber Choir. London
Symphony Orchestra, dir. Sir Colin Davis.
Mise en scène : David McVicar.
Créé en 1791
pour le couronnement de l'empereur Leopold II, roi de Bohème, l'opéra
seria La Clémence de Titus s'intercale au milieu de la composition de La FlûteEnchantée. Longtemps, on n'y vit que pièce de second ordre, à
l'image de la « porcheria tedesca » fustigée par l'impératrice
d'Autriche. Le XXe siècle finissant signera sa redécouverte.
C'est que, malgré les circonstances éprouvantes de sa création et l'exigence
formelle de la pièce, Mozart transcende un genre passablement daté. Les
arias sur le modèle da capo et parées de virtuosité sont fondues parmi une
variété de morceaux concertants et de chœurs animés malmenant un canevas dramatique
habituellement empesé. Quelques productions marquantes récentes (Karl
& Ursel Hermann, Martin Kusej à Salzbourg) ont démontré combien cette
œuvre méritait autant de considération que les autres grands opéras.
David McVicar, paradoxalement, ne cherche pas à éluder la convention.
Sans doute moins inspiré par ce sujet antique, il crée une régie austère dont
il émane une certaine froideur. Les récitatifs deviennent vite ennuyeux,
les affrontements comme affadis. La dimension politique est peu approfondie.
La scénographie construite pèse de tout son poids et rigidifie la dramaturgie,
tels cet escalier monumental barrant le plateau qu'escaladent au pas de course
une escouade de gardes soupçonneux et cette colonnade massive censée définir un
espace d'intimité. Au point d'escamoter la belle idée de décorer le fond
de scène d'une agréable façade aixoise flanquée d'une fontaine royale.
Surtout, les ambiguïtés qui entourent les personnages ne sont
qu'esquissées : prégnance des jeux de pouvoir, versatilité des sentiments
amoureux. Plus d'un échange paraît figé et la résolution finale dépourvue
de relief.
On ne
saurait disputer à Sir Colin Davis de connaître son Mozart. Et pourtant
sa direction paraît bien sévère, empreinte de gravité (l'ouverture, les
marches). Les tempos sont souvent lents (air de Sesto,
« Parto ») et la sobriété de rigueur. Sans doute l'approche
« baroqueuse » privilégiée par des chefs comme Gardiner, Harnoncourt
ou Jacobs a-t-elle influencé l'art de l'interprétation au point que ce retour à
la tradition paraît proche de l'ascèse, solennelle, voire un brin rigide.
Mais quel superbe orchestre ! Le LSO, qu'une longue complicité unit
à son chef président, déroule des sonorités magiques, à la petite harmonie en particulier.
Les solos instrumentaux accompagnant les airs (clarinette, cor de basset)
arrêtent le temps. La distribution est inégale. Elle est dominée de
loin par le Sesto de Sarah Connolly dont la vocalité comme le style ne
sont que distinction. Excellentes aussi Anna Stephany, Annio, issue de
l'Académie européenne de musique du Festival, beau timbre et juste émotion, et
Amel Brahim-Djelloul, Servilia, au style accompli, même si la voix n'est pas
large. Rôle souvent gâté, pour ne pas dire massacré, Vitellia n'est pas
servie au mieux : le métal tranchant de Carmen Giannattasio arrache les
phrases. Et la violence reste factice, l'attendrissement trop calculé.
Gregory Kunde propose un Titus tout d'un bloc dont le legato n'est obtenu
qu'au prix de l'effort et la quinte aiguë détonne, sans grande aura dans le
conflit de conscience qui déchire ce romain immense et magnanime.
La mode, depuis quelques temps,
semble être aux exploits marathoniens. Que voulez-vous, dans ce monde très
concurrentiel, on se bat pour attirer l’attention et rien n’égale le sport à
cet effet ! Ainsi, telle journée voit défiler les cinq Concertos pour
piano de Beethoven (comme si Beethoven les avait prévus pour cet usage !),
telle autre les trois Années de
Pèlerinage (Mûza Rubackyté ou Nicholas Angelich endossant de
festival en festival la tenue du pèlerin lisztien). Autre lubie :
Jean-Philippe Collard donna vingt-et-une fois en un mois la Sonate en si mineur à la Salle Colonne (de quoi devenir fou ! Et qu’y
gagne la connaissance de Liszt ?!)…
L’idée eût-elle effleuré les
compositeurs que des œuvres nées indépendamment, à des âges différents de leur
vie, pussent être un jour enchaînées jusqu’à l’indigestion, qu’ils eussent émis
la réplique fameuse de P’tit Gibus dans La Guerre des boutons : « Si j’aurais su, j’aurais pas
venu ! ». C’est assurément les desservir que d’accabler les auditeurs ad nauseam de monomanie
stylistique, quel que soit le génie desdits compositeurs. Et Dieu sait que les
trois Années de pèlerinage traversent
des climats si différents qu’elles supportent fort bien l’audition en une
journée ! Là n’est pas le problème, mais l’art de composer un programme
consiste justement à discerner les éclairages mutuels par lesquels des pièces
autonomes, de styles ou d’époques éloignés, se rehausseront l’une l’autre, ouvrant
des perspectives – parfois insolites –qui renouvelleront la réception émotionnelle, sensitive, intellectuelle
des auditeurs. Ou alors, est-ce à reconnaître que le public des stades sportifs
a pris la place des vrais mélomanes ? Ou que le consumérisme, façon gavage
de la Folle Journée de Nantes, commande les réflexes pavloviens
d’auditeurs qui n’ont plus rien d’esthètes au goût raffiné ? L’écoute
d’une intégrale discographique (d’ailleurs distribuée dans le temps à la guise
de chacun en sa chacunière) relève d’une tout autre approche, plus
documentaire, et ne fait pas appel au même phénomène métapsychique de communion
émotionnelle que le concert. Une intégrale discographique revêt un sens
encyclopédique, elle entre sur nos rayonnages comme un outil de connaissance,
au même titre qu’une collection d’ouvrages d’érudition ; elle transmet
aussi les conclusions (provisoires, éternellement provisoires...) du parcours
approfondi d’un interprète sur le long terme, alors qu’une intégrale en concert
fait courir le risque de saturation et ne comble que le goût contestable, voire
malsain, de l’exploit comme fin en soi, ce qui ne devrait jamais être la
finalité de l’art.
Si l’accablement nous saisit devant
les redites des programmations pianistiques du bicentenaire, une même
irritation nous conduit à nous étonner que, en marge de ce déferlement sur les
claviers, les initiatives orchestrales aient été beaucoup plus maigres :
on croule sous les intégrales des Années
de pèlerinage ou des Harmonies
poétiques et religieuses, il pleut des Sonates
en si mineur, les Funérailles se succèdent selon le débit
d’une épidémie de choléra, mais pas un cycle organisé des poèmes symphoniques,
les grands perdants de cette commémoration (seul le Tasso émerge) ! C’est donner une vision parcellaire de l’œuvre
immense de Liszt et le ramener à ce que lui-même voulait fuir, son image de
pianiste conquérant. Autre exemple, l’œuvre pour piano et orchestre ne se
limite pas aux deux célèbres Concertos et à la Totentanz, et nulle occasion
ne fut exploitée d’entraîner la curiosité du public jusqu’à Malédiction,
la Fantaisie sur des mélodies populaires
hongroises (extension de la Rhapsodie hongroise
n°14), voire la Fantaisie sur des
thèmes des "Ruines d’Athènes" de Beethoven.
Si la Faust-Symphonie aura les honneurs d’un grand concert de l’Orchestre
philharmonique de Radio France dirigé par Eliahu Inbal, le 21 octobre,
la Dante-Symphonie (sublime
chef-d’œuvre) ne sera entendue que dans une version sur instruments “d’époque”,
lors d’une tournée estivale et automnale de l’orchestre Les Siècles (à
l’effectif un peu insuffisant, quelque vaillante soit la direction de
François-Xavier Roth). La rentrée nous offrira tout de même quelques compositions
religieuses du maître : Missa Choralis à Sainte-Clotilde le 21 septembre par le Chœur de Radio France, Christus aux Invalides le 22 octobre
par des forces venues de Hongrie, mais dans ce répertoire encore, que de pages
importantes auront manqué !
En attendant, les rééditions
discographiques se succèdent, escortant notamment les marathoniens susnommés,
après quoi le lecteur découvrira deux nouveautés dues à des pianistes allemands.
Sonate en si mineur, Après une lecture de Dante, 3 Sonnets de Pétrarque. Jean-Philippe Collard. EMI : 50999
095157 2 7.
Enregistré du 25 au 27 novembre
1991, le disque du pianiste français garde toute sa pertinence dans l’actuel panorama.
Certes, le piano de la Salle Wagram manquait un peu de chair (aïe ! les
octaves de l’exposition de la Sonate,
trop sèches), mais la sensibilité de l’interprète s’épanouit dans les pages de
circonvolutions rêveuses, sans que le contrôle de l’architecture du monument
cyclique échappe à la clarté logique qui gouverne cette version jusqu’à une fin
admirablement amenée, judicieusement posée. La Fugue est décochée avec un
rebond "méphistophélique", une pugnacité des attaques à la rythmique
serrée, qui en font l’une des plus suggestives que l’on puisse entendre. La
projection rythmique est d’ailleurs l’atout sur lequel s’appuie Jean-Philippe
Collard pour réussir la progression dramatique de Après une lecture de Dante, qui ne connaît aucun fléchissement. Inexplicablement,
les Sonnets 47 et 104 pèchent par manque d’inspiration,
demeurent extérieurs au sujet, alors que le Sonnet 123,
au contraire, nous suspend hors du temps, le pianiste y semant l’impalpable.
Les Années de
Pèlerinage.
Mûza Rubackyté. Coffret de 3 SACDs Lyrinx : LYR 2216.
Comme la concurrence est rude
dans ce cycle d’une vie ! La pianiste lituanienne l’enregistra en trois
étapes au cours de l’année 2003, et Lyrinx ressort le coffret pour accompagner
les tournées qu’elle accomplit avec ces recueils. Or, il semble que l’artiste
se soit de plus en plus pénétrée de son sujet en avançant dans le travail
d’enregistrement, ce qui a pour conséquence désagréable que les premières
plages de l’Année Suisse la
desservent (les quatre premières pièces demeurent en surface, sans la
recréation de la palette sonore que dicteraient leurs sujets), alors que la
troisième Année (Rome), moins
fréquentée il est vrai, la montre sous son meilleur jour. Disons-le d’emblée,
dans plusieurs des grands chevaux de bataille, elle ne s’impose pas face à des
rivaux donnant plus de poids sur le clavier, plus d’autorité technique, plus de
densité dans la couleur des timbres charnus, plus d’intensité visionnaire, laquelle
manque cruellement ici, par exemple dans la Vallée d’Obermann ou Il Penseroso, sollicités par
des tempi étirés que ne compense pas la profondeur. Reconnaissons cependant que
les dantesques grondements des houles lisztiennes de la Fantasia quasi Sonata la portent au dépassement de soi, même si le
Lazar Berman des grandes heures y demeure… indépassable. En revanche, dans Venezia e Napoli, le toucher perlé de
Bertrand Chamayou obtenait en concert des effets de couleur beaucoup plus
miroitants et chatoyants. Approchant de la fin de la première Année, la pièce
par laquelle Mûza Rubackyté nous émeut le plus est Le Mal du pays, et l’on ne peut s’empêcher de penser qu’elle y
investit tout ce qu’elle-même vécut dans son itinéraire d’exilée. On goûte
aussi (deuxième Année) la délicatesse toute féminine du Sposalizio à la diaphane lumière raphaélite.
Mais c’est dans la troisième Année que nous attendent les grands
moments : le dépouillement poétique d’Angelus !
Prière aux anges gardiens, l’intériorité funèbre de la Thrénodie n°1 (Aux Cyprès de
la Villa d’Este) tandis que le deuxième Aux
Cyprès de la Villa d’Este atteint son meilleur dans les plages rêveuses,
tout comme précédemment le Sonnet 104
de Pétrarque. Autre grande réussite, la Marche funèbre,
obsédante en ses pages extrêmes, nue dans sa partie centrale où Mûza Rubackyté
réussit à “habiter” la raréfaction de la matière sonore qui caractérise le
dernier Liszt. Mais après cette page envoûtante, on eût aimé qu’elle trouvât le
souffle mettant en perspective la complexité des différents plans de luminosité
et de puissance dans l’ultime Sursum corda ;
pourquoi faut-il que la lourdeur gâche notre attente ?! On retire de ce
coffret contrasté beaucoup de satisfactions, certes, mais il ne nous détournera
pas des versions d’illustres prédécesseurs s’accordant à certaines pages monumentales.
La prise de son de René Gambini, comme toujours, restitue avec fidélité le
piano.
LISZT : Fantaisie et Fugue sur
B-A-C-H, Litanei, Variations sur “Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen”, Berceuse,
Réminiscences des Puritains. Gregorio Nardi. Dynamic, réédition en collection
“Delizie musicali” : DM8017.
Le pianiste italien
n’avait que 24 ans lorsqu’il entreprit cet enregistrement (1988). Depuis, il a
plutôt développé une activité de critique musical et de musicologue, sans
parler de son implication dans le domaine de la musique contemporaine. Il avait
choisi de réunir des raretés, et les interprétait en prenant en considération
la tradition romantique : écoutez dans la Fantaisie et Fugue sur B-A-C-Hles emportements dans le rubato, les libertés dans les tempi (allant
jusqu’à l’excès de ralentissements grandiloquents), mais aussi les beaux
moments de rêverie, avec une fugue chromatique murmurée dans le mystère au fond
du clavier. La Litanei, transcrite
d’après Schubert, penche aussi vers cette tendance à s’écouter chanter, mais
avec une réelle profondeur de contemplation du son. Les Variations sur “Weinen, Klagen…” sont abordées avec une certaine
théâtralité – d’une belle venue, cependant – qui prépare, par la gestion des
contrastes, à l’art de dire sotto voce la lamentation intime, ou à la sobriété du choral final. La Berceuse (version de 1862), drapée d’une
mousseline de diaphanes fioritures, est un enchantement sous le toucher délicat
de Gregorio Nardi. Les Réminiscences
des Puritains ne comptent guère au rang de chef-d’œuvre parmi les
paraphrases d’opéras de Liszt ! Trop extérieures, elles ne visent qu’au
clinquant selon les canons en vogue pour plaire à la société friande de ces
morceaux de bravoure, et l’interprète ne peut rien pour les sauver, malgré tout
son brio. La prise de son manquant d’espace et d’ampleur dynamique, surtout
pour les pièces d’envergure, dans une acoustique non réverbérée, s’avère en
décalage par rapport aux intentions du pianiste. Mais ce disque – bien
accueilli en Europe à la date de sa première sortie – mérite de retrouver toute
sa place à l’occasion du vaste panorama de l’interprétation lisztienne suscité
par l’année commémorative.
Alfred BRENDEL plays
LISZT (Artist’s choice). Réédition d’enregistrements réalisés de 1972 à
1991. Coffret de 3 CDs Decca : 478 2825. TT : 3h
58’ ?
Brendel
fut un éclaireur sur la voie menant au Liszt non conventionnel. À l’heure où l’on
pensait Grand galop chromatique, il
enregistrait dès 1979 Unstern et la Csárdás macabre, cette danse folle
et inquiétante où l’insistance obsédante sur le demi-ton est élevée au rang de
principe générateur de la composition (car le chromatisme y devient la
conséquence du demi-ton observé au microscope, et non l’inverse). Il ciselait avec amour Abendglocken (de la Weihnachtsbaum-Suite offerte par Liszt à sa petite-fille). Puis vinrent La lugubre gondola I et
II à travers lesquelles nous mesurons tout le progrès accompli dans la
perception de ces pièces ultimes : Brendel, il y a trente ans, s’attachait
encore à dessiner le chant, les interprètes d’aujourd’hui se concentrent plutôt
sur la recherche obsessionnelle d’intervalles-pivots et la mise à nu du
squelette d’harmonies répudiant la tonalité, ce qui est à mon avis plus
judicieux, eu égard aux perspectives que Liszt ouvrait aux champs
révolutionnaires de la musique du XXe siècle. Ses cadets se
sentent plus libres d’investir Nuages gris de charge émotionnelle, mais encore fallait-il que des aînés leur ouvrissent la
voie. En revanche, Sursum corda (gravé en décembre 1986) atteint sous les doigts de Brendel des sommets
d’émotion au long d’une progression qui explose de grandeur sombre. Il vit Invocations comme l’épanouissement d’une
corolle de puissance qui épouse le sens de la grandeur mystique inhérent aux Harmonies poétiques et religieuses, tandis
que Pensée des morts (peut-être l’un
des sommets de ce coffret) nous emmène dans une gravité bouleversante, avec des pp d’outre-monde. Mais Bénédiction
de Dieu dans la solitude (une gravure remontant à 1976) fait resurgir le parti
pris, noté plus haut, d’articuler le chant très en dehors, ce qui donne une
couleur un peu "datée" ; on en retiendra pourtant les pp timbrés et habités de la fin. Même travers au début de Saint-François de Paule marchant sur les flots, au détriment des
soubassements, des profondeurs d’orgue trop absentes, mais la montée en
puissance de la houle prendra un tour impressionnant. Ceci dit, on y déplore
d’un piano trop métallique, et ce n’est pas la pire plage sur ce
chapitre : le gazouillis des oiseaux de Saint-François d’Assise souffre d’une captation de trop près qui
fait ressortir des vibrations déplaisantes dans l’aigu, mais l’interprète
séduit par une attention admirable aux détails.
Le plus
ancien enregistrement du coffret est la Totentanz,
en 1972 : Bernard Haitink venait d’achever son intégrale des poèmes
symphoniques de Liszt, et, emporté par son élan, il dirigeait une version
spectaculaire, disons même hypertrophiée, de cette danse macabre ; l’énergie
rythmique des deux partenaires dominait le tableau, Brendel dessinait un
contrepoint alla Bach, mais quel
piano abominable lui avait-on mis sous les doigts ! On reste perplexe à
l’écoute d’un Dies Irae en
cinémascope et en technicolor, ce qui est peut-être un peu dépassé aujourd’hui :
les interprètes ont appris à mieux en fouiller les intentions secrètes.
Dès 1976, il nous donnait la
version pianistique de la Fantaisie et
Fugue sur B-A-C-H, mû par une virtuosité de haut vol, même si l’étagement
des plans sonores néglige la référence à l’origine organistique. Les Variations sur Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen viendront en 1989, précédant ainsi le pianiste pourtant organiste
Dominique Merlet (1992). Ces Variations,
avouons-le,ne pleurent ni ne gémissent vraiment,
et l’on touche là à aux limites de la conception lisztienne de Brendel :
d’autres pianistes s’approprient mieux que lui le lyrisme du maître hongrois.
D’où la réserve que nous émettons face à son interprétation de La Vallée d’Oberman, de surcroît
handicapée par une captation de médiocre qualité (un "live" au
Concertgebouw d’Amsterdam en 1981) et un piano une nouvelle fois
inécoutable ! Et que dire de Funérailles (un "live" de 1981 à Vienne qui souffre des mêmes problèmes de
captation et de piano) où l’on ne comprend pas des rubato suspendant certains temps là où le glas doit sonner
l’inexorable ! Il surjoue dans l’exacerbation de la douleur, donc n’émeut
pas, sans parler de la pédalisation qui noie la section héroïque en hommage à
Chopin. Pour avoir beaucoup entendu les jeunes pianistes français dans Funérailles ces derniers temps, on peut
oser dire que certains y surclassent sans conteste Brendel (par exemple
Frédéric Vaysse-Knitter par sa profondeur tragique intensément vécue, François-Frédéric
Guy par sa puissante intériorité, Pascal Amoyel par son message
métaphysique). Le disque consacré à la Deuxième
Année de Pèlerinage irrite par un enchaînement des plages sans une seconde
de respiration pour nous laisser sortir du climat d’un morceau avant d’entrer
dans l’évocation du suivant : les trois Sonnets de Pétrarque s’enchaînent avec moins de césure que ne le
feraient trois sections d’une même œuvre, ce qui est contraire au sertissage
autonome qu’appelleraient autant leur
caractérisation que la forme poétique les ayant inspirés. Encore une fois, la
vigoureuse pugnacité du rebond rythmique est le ressort dominant de Brendel
dans Après une lecture de Dante. On
ne s’étonnera guère qu’il nous convainque sans réserve dans Il penseroso, dont les sombres
obsessions et les insistances harmoniques portent la préfiguration de toutes
les recherches tardives.
Sa lecture de la Sonate veut plus démontrer que laisser
parler ce qui appartient encore au romantisme. L’articulation très étudiée du
pianiste peut parfois entraîner sur des chemins... décalés : Les Jeux d’eau à la Villa d’Este sont
aussi peu impressionnistes que la Sonate n’est romantique.
En conclusion, à un jeune
pianiste on ne saurait recommander de prendre modèle sur ces gravures pour façonner
sa respiration lisztienne, mais on lui recommanderait à coup sûr d’y chercher
matière à réflexion, de s’interroger à l’écoute de Brendel le penseur. Car en
fait – ce que la place ne nous autorise pas à esquisser ici – il conviendrait
de reprendre et de discuter toutes les plages de ce coffret à la lumière des
pages profondes que Brendel a écrites dans ses livres Musical thoughts and afterthoughts (1976)et Music sounded out (les textes sur Liszt datent de 1980 à 1986), et une théorie de sa lecture lisztienne émergerait, dont la traduction
sonore épouse les postulats intellectuels.
LISZT : Tasso, Lamento e
Trionfo ; Totentanz* ; La lugubre gondola n°2 orchestrée par
John Adams ; La lugubre gondola n°1*, Recueillement*, Sursum corda*, transcr. de “Es
ist genug” de J. S. Bach*. Claudius Tanski (piano)*, Beethoven Orchester Bonn, dir.
Stefan Blunier. MDG : 937 1678-6.
Claudius Tanski est
un esprit toujours aux aguets, armé d’une intelligence de découvreur face à des
répertoires peu fréquentés. Il nous en administre une preuve supplémentaire,
par son choix de pièces solo en complément de ce disque d’orchestre. Il a
notamment exhumé une rareté, toute de concentration méditative, Recueillement, composée en 1877 et
publiée en 1884. Son interprétation du Sursum corda de la dernière Année de Pèlerinage semble comme sourdre de ce recueillement,
lui conférant une progression vers l’exaltation mystique qui nous emporte dans
des sphères autrement spiritualisées que l’interprétation somme toute trop
embourbée de Mûza Rubackyté ! De la première Lugubre gondola, il donne une vision moins sinistre que
d’autres grands interprètes, mais riche de chaudes résonances. Quant à la
deuxième Lugubre gondola, on la
découvre – touche de modernité bienvenue de ce disque – orchestrée par
John Adams : le travail, au demeurant fort respectueux, du
compositeur américain est un miracle d’expressivité (s’y montrent à son égal
les sonorités de l’orchestre de Bonn, spécialement les cordes, et la direction
de Stefan Blunier) ; il n’est pas une ligne, si profilée avec ses
intervalles caractéristiques du denier Liszt,pas une harmonie sous-jacentequi ne soient limpidement mises en valeur dans une chaude atmosphère de
vision intérieure (n’oublions pas qu’il s’agit d’une vision prémonitoire de Liszt
contemplant le passage des gondoles funèbres sous les fenêtres du Palais Vendramin
où il visite Wagner… lequel va mourir deux mois plus tard). Pas une faute de
goût dans le choix des timbres qui sert admirablement l’âme de cette
bouleversante musique. Ne serait-ce que pour cette plage – Liszt, dans le rôle
du transcripteur transcrit, en eût été enchanté ! –, le disque vaudrait la
peine d’être acquis.
Depuis que le Suisse
Stefan Blunier prit ses fonctions de Generalmusikdirektor de Bonn en août 2008,
l’orchestre, qui faisait auparavant pâle figure, progresse à pas de géant. Que
de travail pour amener les cordes à cette soyeuse expressivité, pour tirer vers
une excellence retrouvée des familles instrumentales à fondre dans une
homogénéité cohérente ! Cela nous vaut une belle interprétation du poème
symphonique Tasso traduisant une
vraie désolation dans la partie Lamento,
avec un sens du déroulé des lignes au long cours, car Liszt était un
admirable mélodiste, aimant rêver de longues sinuosités, vectrices d’émotion,
en arioso instrumental. Stefan Blunier
réussit à gérer les transitions avec les pages plus “optimistes” (le menuet
censé évoquer la vie à la cour de Ferrare, le Trionfo) dont il n’est guère aisé de tamiser quelques bruyants
débordements : c’est que Liszt avait un petit penchant désuet pour les
coups de cymbales !
La Totentanz, pour laquelle nous partageons
la prédilection de Serge Gut rappelée dans l’excellente notice
d’Axel Schröter, n’apparaît peut-être pas ici dans son interprétation la
plus convaincante : la place du curseur entre puissance (indispensable
pour communiquer l’hallucinante et noire suggestivité) et lourdeur (qui n’est
point synonyme de force spirituelle !) peine à se trouver ; de
surcroît, le piano mis à la disposition deClaudius Tanski s’avère bien moins gratifiant que l’instrument sur
lequel il a pu enregistrer la partie solo. Néanmoins, nous retiendrons de
l’ensemble un disque riche en émotions, au programme balayant un large champ, à
marquer d’une pierre blanche en cette Année Liszt.
Liszt/ Thalberg/ Pixis/ Herz/ Czerny/ Chopin :L’Hexameron. LISZT : Polonaise n°1, Ballade n°2, Valse-Impromptu, Variationen über Schuberts Trauerwalzer,transcription du lied Adélaïde de Beethoven, transcription du Prélude
et Fugue en ut majeur BWV 545 de J.S. Bach. Joseph Moog.
Claves : 50-1108.
Le label suisse,
s’associant à la radio allemande SWR, donne sa chance à un pianiste allemand de
23 ans, déjà présent sur de nombreuses scènes mondiales, Joseph Moog.
Celui-ci a conçu un programme hors des sentiers battus, où l’on peut comparer
diverses conceptions lisztiennes de la transcription et de la variation :
dans le Prélude et Fugue en ut majeur de Bach, le transcripteur se
montre très rigoureusement fidèle, se contentant de faire tenir les quatre
pattes de l’organiste dans les deux mains du pianiste. Malheureusement,
Joseph Moog a dû prendre exemple sur de mauvais organistes, car il donne à
entendre un jeu sec et martelé, sans noblesse de legato (on soupçonne par
ailleurs une nuance d’être faite au potentiomètre). S’attaquant au lied Adélaïde de Beethoven, en revanche,
Liszt se laisse emporter par son imagination d’improvisateur et l’agrémente
d’exubérantes cadenze où Beethoven,
qui n’en peut mais, se retrouve planté sur le bord de la route ; on entend
là le jeu de Joseph Moog dans toute sa plénitude. Il propose ensuite une
interprétation fort piquante de la Valse-Impromptu de 1852, sans négliger toutefois ce que les mesures introductives, avec leur
quarte augmentée, ont d’annonciateur des pièces ultimes. La même année, Liszt
manifestait-il la même ambiguïté en concluant ses Soirées de Vienne par des Variations
sur laTrauerwalzer (une valse
funèbre !) de Schubert et en l’ombrant de chromatismes ?Que nous sommes loin du déluge de virtuosité
“à l’épate” qui déferlait dans les Grandes
variations de bravoure sur la marche des “Puritains” de Bellini (L’Hexameron), cette pièce montée
collective si révélatrice des goûts du temps (nous sommes en 1837) !
Et pourtant, comme on reconnaît l’empreinte des styles de Liszt et de Chopin
dans les pages sorties de leurs jeunes plumes, au milieu des creuses
démonstrations de leurs confrères bateleurs d’estrade ! Que Joseph Moog
y prouve de manière éclatante ses moyens techniques, c’est incontestable, mais venons-en
aux choses sérieuses, car c’est dans les pièces “cent pour cent pur Liszt”
que l’on juge un véritable interprète : il traite avec pugnacité et rebond
rythmique la Polonaise n°1, aux
harmonies si lisztiennes, et cette vision très personnelle l’éloigne de
l’hommage à Chopin car, manifestement, la grâce ornementale et le lyrisme
pénétrant n’intéressent pas le jeune Allemand. Dans la pourtant sublime Ballade n°2, le thème de houle
infernale devient un terrain de digitodrome, ainsi vidé de sa substance tragique,
tandis que le thème éthéré ne prend pas assez le temps de se laisser
contempler. Et l’on se dit, pensive et résignée devant les mœurs des
producteurs : encore un disque enregistré trop tôt, où un virtuose précoce
montre ses muscles, mais où fait défaut la maturité de pensée dont on espère
(sans en être très sûre) qu’elle viendra avec l’âge…
On ne sait, du
microphone ou du piano Steinway, lequel est le plus ingrat. Car il faudrait
dans un premier temps que le pianiste, au jeu plutôt dur, apprivoisât un piano
au timbre anonyme, puis que l’ingénieur du son réussît à vaincre les travers de
l’un et de l’autre… Que de chemins à gravir encore…
Épilogue sur Schönberg
M’autorisera-t-on à terminer
cette chronique par un écart vers le point de non-retour de l’expansion wagnérienne
(celle-ci puisant quelques germes, et non des moindres, chez Liszt) ?
C’est que l’un des plus grandioses concerts de la fin de saison parisienne nous
proposait les Gurre-Lieder de Schönberg
(25 juin 2011). Eût-on jamais cru qu’un de nos orchestres régionaux fût un jour
à même d’éclater dans le lyrisme démesuré de cette œuvre hyperbolique mais
géniale : un tel miracle consacre le travail accompli par Marc Albrecht à
la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg. Il nous avait déjà donné
l’un des plus exaltants concerts de la saison de l’Orchestre national de France
(Schönberg-Brahms). Son enthousiasme transcendait maintenant les troupes
nombreuses requises par Schönberg, et la soirée s’inscrira dans nos mémoires
comme l’une des très grandes interprétations des Gurre-Lieder... malgré un ténor pitoyablement révélateur de la
crise vocale actuelle. Dans ce naufrage du chant wagnérien, Albert Dohmen
(le Paysan) surnage avec la classe
qu’on lui connaît, et Arnold Bezuyen (le Bouffon)
met en relief les piquantes qualités de caractérisation qui font de lui l’un
des grands Loge du moment. Mais
la palme de l’émotion revenait à Anna Larsson, qui se taillait un triomphe
par son chant sublime de Colombe des bois.
La célèbre actrice Barbara Sukowa prêtait son concours de narratrice, là
où l’on entend généralement un récitant masculin. Le souffle démiurgique de
Marc Albrecht, allié à une maîtrise technique sans faille, emportait les
quelque deux heures de musique avec une telle fougue qu’elle projetait une
unité par-delà les bifurcations stylistiques dues au processus de composition
assez fractionné dans le temps.
Dimitri CHOSTAKOVITCH : Trois danses Fantastiques,op. 5 pour piano.
Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : PN 131. 5 p.
Les éditions Le Chant du Monde réservent un sort royal à Dimitri Chostakovitch
(1906-1975). Après avoir publié des œuvres pour violon & piano et des
pages vocales, le répertoire pianistique s’enrichit de son opus 5 : Trois Danses fantastiques, composées en
1922 (Allegretto, Andantino, Allegretto),
s’apparentant à une Marche, une Valse et une Polka. Les pianistes auront
quelques difficultés de lecture, en raison du langage harmonique. Pour
l’interprétation, les nuances sont indiquées avec précision. Début
prometteur d’un jeune compositeur alors âgé de 16 ans.
VIOLONCELLE & ORCHESTRE
Aram KHATCHATOURIAN : Concerto pour violoncelle et orchestre. Le Chant du Monde (pianco@chantdumonde.com) : PO 4677.
97 p.
Aram Khatchatourian, né en 1903 près de Tbilisi et mort le 1er mai 1978 à Moscou, a fait ses études au Conservatoire de Moscou, et compose
depuis 1934. Ses œuvres sont souvent interprétées en Russie ; la
présente édition les fera mieux connaître en Europe. Ce Concerto - créé le 30 octobre 1946, dans
la grande salle du Conservatoire Tchaïkovsky de Moscou, par son dédicataire
Sviatoslav Knouchevitsky et l’Orchestre symphonique d’État d’URSS
dirigé par Alexandre Gauk - fait appel à un instrumentarium très fourni
(vents, harpe, percussions, cordes). Il est conçu en 3 mouvements
traditionnels : Allegro moderato très développé, avec des rythmes pointés et des passages à la fois méditatifs
et dramatiques pour le violoncelle solo ; Andante sostenuto expressif, avec quelques rythmes syncopés ; Allegro a battuta, exigeant une
certaine virtuosité de la part du soliste. À découvrir.
Guy MIAILLE : Danceries
pour orgue. Éloge de Claude Gervaise.Éditions Les Escholiers (edesco@orange.fr). Partition & CD (10’44).
Sous ce
titre, Guy Miaille a réalisé 11 pièces en hommage à Claude Gervaise ayant
publié à Paris, chez Pierre Attaingnant, quatre Livres de danceries et
des chansons polyphoniques. Les présentes Danceries dédiées à
Pierre Guillot sont « inspirées par [la teneur de] la chanson de Claudin
de Sermisy (1490-1562) : Il est jour, dit l’alouette ». Le
compositeur précise que « divers pans mélismatiques empruntés à cette
chanson tissent le discours musical de ces courtes compositions ». Elles
reprennent les formes traditionnelles : bransle, pavane, gaillarde, almande (sic) et tourdion. Très bien gravées, les danses
bénéficient de toutes les indications utiles : registration (pouvant varier à
la reprise), tempo, jeux. Le Bransle de Champaigne nécessite la partie
de pédale (accouplée au récit), mais les autres pages sont prévues pour deux
claviers. De difficulté moyenne, ces œuvres brèves peuvent agrémenter un culte
(lors de la collecte) et, bien entendu, être utilisées en concert. Un disque
joint à la partition illustre le propos de l’auteur et ses qualités
pédagogiques ; il suscitera l’intérêt des organistes et leur permettra de se
familiariser avec le caractère tour à tour jubilatoire, fervent de ces Pièces
pour l’orgue.
Édith Weber.
Les éditions François Dhalmann (tél. : 03 88 48 49
89. www.dhalmann.fr) proposent :
Daniel SAUVAGE : Récréations, vol. 2.
Douze études pour continuer les timbales (avec exercices préparatoires).
Parfois, en duo, avec hautbois, flûte ou violoncelle. Niveau : Moyen.
Éric FISCHER : Arthur’s Duetts. Huit duos pour cor
en fa & violon (versions
alternatives de violon). Niveau : Facile/moyen.
Jean-Luc RIMEY-MEILLE : Si vous avez quelques minutes… Dix
petites pièces de théâtre musical pour caisse claire, baguettes &
voix, accompagnées de temps à autre par un second instrument. Niveau :
Difficile.
Bruno GINER : Yoshihisa (in
memoriam Yoshihisa Taïra). « Carnets du 21e siècle ».
Pour marimba solo, 5 octaves. Pièce d’un seul tenant, divisée en 6
sections. Niveau : Difficile.
Éric FISCHER : Papiers. Douze trios pour
saxophone. La numérotation des pièces (de Papier 0 à Papier 11)
n’est liée qu’à la seule chronologie de la composition. Niveau : Facile.
CHANT
Leonard BERNSTEIN : I hate Music !
A cycle of 5 kid songs. Pour
voix élevée. Boosey & Hawkes (www.boosey.com) : BH 93425.
« Ces cinq mélodies (My name is Barbara / Jupiter has seven moons / I hate
music / A big Indian & a little Indian / I’m a person too)
doivent être chantées avec naturel, sans timidité ni fioritures »,
demandait le compositeur. Recommandations que
Jennie Tourel, créatrice du cycle, puis Barbra Streisand ne manquèrent naturellement
pas d’observer… Jouissif !
Emmanuel NORMAND (1971) : Déploration, pour soprano solo, mezzo-soprano solo
& chœur mixte à 6 parties (SMATBB). Symétrie (tél. : 04 78
29 52 14. www.symetrie.com) :
2008. 26 p. 15 €.
Écrite à la mémoire du
compositeur Laurent Galmiche, cette poignante pièce a cappella
nécessite des solistes de haute volée, cependant que les parties de chœur
sont, en revanche, accessibles à tout ensemble vocal.
PIANO
Stephen HELLER (1813-1888) : Vingt-cinq études mélodiques, op. 45, éditées
par Moritz Mayer-Mahr & Wilhelm Ohmen.
« Essential Exercices », Schott (www.schott-music.com) :
ED 20954. 64 p.
Où le compositeur - proche ami
de Chopin, Liszt, Schumann et Berlioz – propose divers exercices techniques
dans le phrasé éminemment mélodieux qui est le sien. De niveau facile à
intermédiaire. Non sans quelques pièces de bravoure !
Muzio CLEMENTI (1752-1832) : Six Sonatines op. 36.Urtext. Ernst-Günter
Heinemann, éditeur. G.
Henle Verlag (www.henle.com) :
848.
De ces 6 célèbres Sonatines
faciles, revoici l’édition originelle (doigtés du compositeur). En appendice,
est donnée une version postérieure de la 1re Sonatine.
Mikis THEODORAKIS : Songs for piano, vol. 1. Quarante
pièces transcrites par Tatiana Papageorgiou. Schott (www.schott-music.com) :
ED 21060. 136 p.
Il s’agit là d’une sélection de
pièces empruntées à des cycles de chansons du compositeur grec, à ses musiques
de ballet ou de film (Zorba the Greek)
ou à son oratorio Axion Esti.
Niveau : intermédiaire à avancé.
Erik SATIE : Trois Gnossiennes. « Anacrouse »,
éditions Bourgès R (tél. : 02 37 24 94 75. www.ebr.com.fr) :
EBR A097.
Version révisée par
Sarah Fahy & Patrice Bourgès. Partitions téléchargeables
sur : www.note4piano.com (avec
extraits visuels & sonores, plus texte de présentation).
David NEYROLLES (Sélectionnées & transcrites par) : Trente-trois
mélodies pour piano à quatre mains. À l’usage des grands
& petits débutants. CD inclus. « Piano
4 mains », éditions Bourgès R (tél. : 02 37 24 94 75. www.ebr.com.fr) :
EBR 516.
Mélodies traditionnelles ou signées
de compositeurs : Brahms, Pachelbel, Offenbach, Schubert, Dvořák,
Bizet, Scott Joplin, Verdi, Beethoven… Le CD propose les parties
séparées (99 pistes).
Jean-François PAILLER (Sélectionnés & transcrits par) : Huit thèmes
classiques pour piano à quatre mains.
2CDs inclus. « Anacrouse », éditions Bourgès R
(tél. : 02 37 24 94 75. www.ebr.com.fr) :
EBR 514.
Assortis de brèves notices
biographiques & de présentation des pièces, sont proposés huit thèmes classiques : La Moldau (Smetana), La Belle au bois dormant (Tchaïkovski), Dans la grotte du roi de
la montagne (Grieg), Air du toréador (Bizet), Danse des heures (Ponchielli), Water Music (Haendel), Le beau Danube bleu (Strauss), La truite (Schubert). L’un des CDs comporte les parties séparées.
Eduard PÜTZ (1911-2000) : I’m sorry, Mr. Czerny !Dix morceaux jazzy pour
piano. Schott (www.schott-music.com) :
ED 21087. 26 p. Niveau : Facile à intermédiaire.
De la plume d’un compositeur étonnamment
éclectique, que voilà un ensemble plaisant et bien écrit !
Nonobstant quelques erreurs d’altérations - que les chiffrages notés pour
l’improvisation permettent d’aisément déceler…
VIOLON
Karl JENKINS (°1944) : Sarikiz, concerto pour violon & orchestre de
chambre (ou à cordes). Réduction pour violon & piano par
Stephen Gibson. Boosey & Hawkes (www.boosey.com) : BH 12036.
D’écriture néoclassique et
techniquement accessible, Sarikiz s’inspire
de mélodies traditionnelles kazakhes. L’œuvre comporte 3 mouvements :
Allegro, Romanza (d’un grand lyrisme) & Dance. Fiche
descriptive.
VIOLONCELLE
Michael DARTSH & Susanne RICHTER : Der Cellokasten (L’étui de
violoncelle). Matériels pour débutants. Illustrations :
Juliane Gottwald. 23 x 30,5 cm, 124 p. Breitkopf &
Härtel (www.breitkopf.de) :
EB 8817. 18 €.
Des tout premiers pas (pousser,
tirer l’archet), à un peu plus difficile… 151 numéros composent 5 chapitres :
Posture & mouvements / Cordes à vide & techniques d’archet / Premières
gammes montantes & descendantes / Chromatismes / Jouer, lire,
noter des rythmes & créer des musiques. Sont, en outre, proposées de très nombreuses mélodies à jouer
& chanter en diverses occasions, et pour chaque saison. Ouvrage édité en
seul allemand, hélas !
CLARINETTE
Robert SCHUMANN : Träumerei (Rêverie. Extrait de Scènes
d’enfants). Arrangement pour clarinette sib & piano par Wolfgang Birtel. Schott (www.schott-music.com) :
ED 09895. 6 p. Niveau : Facile à intermédiaire.
De cette célèbre mélodie, voilà
une transcription qui sied admirablement à la clarinette.
À la différence
des ordinaires « basses ou chant donnés », ces exercices sont conçus
afin d’offrir à l’étudiant un espace de liberté toujours plus important,
stimulant ainsi son potentiel créatif. Tous les exercices sont empruntés,
sans modification, au répertoire classique. Notions harmoniques
abordées : Travail sur les Ier et Ve degrés /
Introduction des IIe, IVe et VIe degrés /
Cadences suspensives et conclusives / Introduction des accords de 4te & 6te et de 7e de dominante / Cadence rompue / Notion de
dominante secondaire / Introduction des IIIe et VIIe degrés /
Travail sur les modulations simples. Un formidable bain de jouvence !
Francis Cousté.
ORGUE
Guillaume LASCEUX : Essai théorique et pratique sur l’art de l’orgue.Présentation
par Jean Saint-Arroman. « Dominantes ». Anne Fuzeau Classique. Anne
Fuzeau Productions : http://www.editions-classique.com
Que voilà un ouvrage
passionnant ! Né en 1740, l’auteur meurt à Paris en 1831. Il a donc connu
de nombreux régimes et différentes manières d’exercer son art puisque,
organiste de Saint Étienne du Mont au moment de la Révolution, il y
continuera d’exercer en accompagnant les cérémonies des théophilanthropes à
Saint-Étienne-du-Mont, convertie en «Temple de la Piété Filiale». Il y reprit son poste d’organiste en 1803
avant de prendre sa retraite en 1819… Ce bref compte-rendu ne peut exprimer
toute la richesse de cet ouvrage : l’auteur commence par une présentation
générale de l’orgue, avec une description détaillée de l’instrument et de ses
jeux. Il expose les problèmes concernant la survie de l’art des facteurs et des
organistes en ce début de dix-neuvième siècle (l’ouvrage date de 1809). Et
surtout il y présente vingt six pièces écrites par lui, commentées abondamment
de façon pédagogique tant pour laregistration
que pour l’exécution. On ne peut malheureusement s’étendre davantage dans ce
cadre, mais cet ouvrage est un instrument indispensable pour tout organiste ou
musicologue.
Créée par Yves Castagnet en
1989, cette œuvre, la seule de Noël Lee pour orgue, s’écoute avec beaucoup de
plaisir : le langage, qualifié de dodécaphonique et néo-classique, est
surtout pleinement original au service d’une œuvre d’une grande beauté. Il y
faudra un instrument d’au moins deux claviers et possédant des mixtures et des
anches substantielles. Les suggestions de registration ont été établies par
Dominique Merlet et Carolyn Shuster-Fournier qui en a réalisé l’enregistrement
aux grandes orgues Cavaillé-Coll de l’église Saint-Antoine-des-Quinze-Vingts à
Paris.
L’histoire de cette œuvre est
assez étonnante dans la mesure où elle a été écrite au départ sans destination
particulière d’instrument… En fait, le hasard qui en a fait une véritable pièce
pour orgue, avec la collaboration de son dédicataire Denis Comtet, peut être
qualifié de providentiel.Quoi de plus
organistique que cette œuvre qui évoquera pour tout organiste une certaine Passacaille de la même tonalité…
Hyper-tonale ?Sans doute. Mais
surtout, c’est une fort belle œuvre, remarquablement enregistrée par son
dédicataire au grand orgue de Saint-François-Xavier, à Paris.
On sait la difficulté d’écrire
de jolies choses pour les débutants. Jean-Emile Collon y a parfaitement
réussi : il y a beaucoup de poésie et de charme dans cette barcarolle qui
devrait plaire au jeune pianiste. Il est vrai que l’auteur a étudié avec
Jacques Chailley et Maurice Martenot, deux références en la matière…
Elle n’est pas si facile, cette Pièce détachée n° 1, mais possède
beaucoup de charme et, mine de rien, demandera à l’interprète (niveau
élémentaire) de solides qualités techniques au service d’une grande
musicalité : passage du chant de la main droite à la main gauche, trois
voix pour deux mains, suites d’octaves… mais, on oublie la technique pour la
qualité musicale de l’œuvre.
Jean SICHLER : Wien.Valse de concert pour piano à 4 mains.
Delatour : DLT1395.
Voici une œuvre bien
réjouissante, écrite au retour d’un voyage à Vienne. « J’avais été frappé
par ce climat d’urbanité et de détente qui régnait aussi bien dans les heurigen
que sur le Ring,.. », écrit l’auteur. Œuvre
de concert plutôt difficile, cette valse est pleine de tempérament :
« du sourire à la joie de vivre, il n’y a qu’un pas », dit encore
l’auteur, et cette joie de vivre est communicative !
Henri J. BERTINI : 62 petites études de virtuosité pour piano.Revues
& doigtées par Alain A. Abbott.
Né à Londres en 1798, l’auteur
est mort en 1876. Virtuose apprécié, il participe le 20 avril 1828, avec Franz
Liszt à l'exécution de la Septième Symphonie de Beethoven, dont il avait fait
la transcription pour huit mains ! Il fut admiré par Berlioz lui-même qui parle
de lui dans une de ses lettres. De niveau assez difficile à difficile, ces
études méritaient d’être enfin éditée. Alain A. Abbott, dans son introduction,
expose les difficultés qu’il a rencontrées pour cette première édition et
appelle de ses vœux une prochaine édition critique et intégrale des œuvres de
ce compositeur trop oublié. Souhaitons que ces vœux soient vite
exaucés !
De moyenne difficulté, ces deux
pièces partent d’une même cellule mélodique pour s’aventurer dans des ambiances
bien différentes. Pourquoi pas ? a
des allures de valse faussement naïve, et ses parties à deux temps évoquent,
pourquoi pas, le « caf’conç’ ». Quant à la Clairière, si elle invite aussi à la valse, elle est effectivement
plus champêtre, le tout dans une tonalité diffuse, ou affirmée, débouchant
aussi sur la polytonalité.
ALTO
François BOCQUELET : Printempspour alto & piano. Lafitan :
P.L.2115.
Cette pièce de niveau
préparatoire nous emporte dans un très agréable ternaire, chantant et berceur,
non sans nous offrir aussi un véritable dialogue avec le pianiste, qui
s’exprime parfois dans une écriture en canon. Bref, il s’agit d’une œuvre
intéressante aussi bien techniquement que musicalement.
Jean-Baptiste MARTINI (1706-1784) : Corrente.Transcription pour alto
& piano de François Méreaux. Lafitan : P.L.2024.
Cette transcription est bien
intéressante dans la mesure où, nonobstant ses qualités intrinsèques, l’œuvre
constitue aussi un canon intégral entre l’alto et le piano. Ainsi altiste de
niveau préparatoire et pianiste pourront montrer leurs qualités d’écoute
réciproque…
VIOLE DE GAMBE
Max MÉREAUX : Calligramme pour viole de gambe. Armiane :
EAL516.
L’auteur affectionne cette
écriture pour des instruments réputés « anciens » mais dont la
couleur particulière mérite de vivre et de s’exprimer dans des œuvres
d’aujourd’hui. Le discours est lyrique, reste dans un environnement vaguement
tonal, et est d’une grande beauté.
Laissons la parole à l’auteur :
« Ces 3 pièces pour violoncelle seul ont été écrites à 3 époques
différentes, la plus récente (2009) est celle qui donne son nom au recueil. Le
violoncelle est pour moi l’un des instruments qui évoque le mieux la voix
humaine porteuse de toutes les émotions. ». La première pièce, Miremiroirs utilise toutes les
ressources des techniques contemporaines, le Poème, d’écriture classique, fait chanter l’instrument de façon
très libre. Quant au Caprice, il est
plein de fantaisie et de joie de vivre. Il s’agit d’un ensemble assez
difficile.
Ecrite pour le niveau
préparatoire, cette promenade tour à tour espiègle et romantique permettra à
chacun des deux partenaires de mettre en valeur leurs qualités expressives dans
un dialogue conçu comme une sonate pour deux instruments : le pianiste
n’est pas un accompagnateur, mais un partenaire sur le chemin des écoliers.
FLÛTE À BEC
Max MÉREAUX : Pantomimepour flûte à bec soprano. Initiation aux
micro-intervalles. Armiane : EAL514.
Destinée au second cycle, cette
œuvre particulièrement expressive demande évidemment une oreille affinée pour
répondre aux intentions de l’auteur. Inutile de préciser que cette pièce est
écrite pour une flûte à doigté baroque. Une tablature est bien entendue
proposée pour l’exécution des micro-intervalles.
FLÛTE TRAVERSIÈRE
Max MÉREAUX : Estampe pour flûte & piano. Armiane :
EAL517.
Voici une très jolie pièce,
ondoyante et chantante à souhait. Le piano accompagne les volutes et les mélodies de la flûte. Celle-cibénéficie même d’une courte cadence. Nous sommes
toujours dans ce langage à la fois lyrique et contemporain qu’on aime chez Max
Méreaux.
TROMPETTE
Bernard CARLOSÉMA : Turuta pour trompette seule (ut ou sib). Anne Fuzeau
classique. Anne Fuzeau productions : 50549. http://www.editions-classique.com
Dédiée « à l’Art d’Eric
Aubier », trompettiste universellement connu, cette œuvre exigeante fait
alterner passages calmes et nerveux en faisant appel aux techniques les plus
avancées de l’instrument. Le tout est plein d’intérêt et de vie. L’auteur
prévoit cependant une simplification pour les instrumentistes moins au fait de
ces techniques. Félicitons par ailleurs l’éditeur de la présentation très
claire de l’œuvre et notamment d’avoir imprimé à part la dernière page pour
éviter une tourne difficile.
PERCUSSIONS
Marcel JORAND : Feria.Pièce en 3 mouvements pour percussions &
piano. Lafitan : P.L.1907.
Issue de l’ambiance des fêtes
taurines du midi de la France, cette œuvre reprend trois moments forts de la
« Feria » : l’ « Abrivado », défilé et parade, la
« bodega », station obligée à l’auberge et enfin la « corrida ».
Elle demande trois timbales, une grosse caisse grave, et une cymbale sur stand…
sans oublier le piano ! Elle devrait procurer beaucoup de plaisir aux
élèves (niveau élémentaire) qui feront vivre cette Feria.
Michel NIERENBERGER : Fugato pour xylophone & piano. Lafitan :
P.L.2014.
Voilà un titre qui n’est pas
usurpé : si la partition n’est pas très difficile (niveau préparatoire),
sa mise en place révèlera les qualités d’écoute polyphonique des interprètes.
Une sorte de cadence a piacere introduit
un court fugato final plein d’éclat.
L’ensemble se révèle fort intéressant.
Jean-Michel TROTOUX : Elle nagepour vibraphone. Lafitan :
P.L.2059.
De niveau élémentaire, cette
pièce, qui a été utilisée pour un court-métrage d’Alexis Mallet, intitulé
« De l’air », se meut dans un monde à la fois doux et inquiétant,
dans une tonalité flottante… C’est un très joli moment musical.
Sébastien CALCOEN, Michel NIERENBERGER : Mes premières timbalespour timbales
& piano. Lafitan : P.L.2012.
Allegretto giocoso : on
imagine la joie du jeune percussionniste (niveau préparatoire) interprétant
pour la première fois une pièce pour timbales ! Deux timbales suffisent
pour cette pièce qui se termine par un « saute noir’ »
dominante/tonique ff qualifié par l’auteur de « triomphal » ! La
partie de piano donne des couleurs à tout cela en passant par des moments
faussement tragiques. Mais l’humour et la joie triomphent toujours !
Qu’est-ce qu’un
« vignophone » ? La réponse se trouve dans la dédicace « à
la grande dynastie des Vignon », Les plus curieux pourront se reporter au
site http://www.vignonmusic.fr/famille.htm où se trouve, nous semble-t-il, la réponse.
En tout cas, cette pièce bien
réjouissante met en œuvre non seulement la caisse claire mais aussi les mains
du pianiste frappant sur ses genoux, sur le rebord du pupitre (avec
circonspection, précisent les auteurs…). Bref, les élèves (de niveau préparatoire)
ne verront certainement pas le temps passer en montant cette œuvre ! Nul
doute qu’il en soit de même pour les auditeurs…
Cette pièce pleine d’allant est
destinée aux percussionnistes débutants. Si la technique en est évidemment
simple, il faudra cependant à l’interprète un rythme déjà bien installé. La
partie de piano donne à cette œuvre tout son sel mais n’est pas, elle, destinée
à un débutant : elle est abordable pour un élève de deuxième cycle.
CHANT CHORAL
Michel KEUSTERMANS : Au château de Beaufortpour chœur mixte (SATB)
a cappella. Delatour : DLT1906.
La chanson d’origine est-elle
belge ou originaire du Bas-Berry, comme d’autres sources semblent le
suggérer ? Peu importe : la mélodie est jolie, l’harmonisation très
agréable et pas très difficile, et la morale est sauve. Que demander de
plus ?
MUSIQUE DE CHAMBRE
Gabriel FAURÉ : Quatuor avec piano op. 15.Édité par Denis Herlin.
Bärenreiter : BA 7903.
Gabriel FAURÉ : Quatuor avec piano op. 45.Édité par Denis Herlin.
Bärenreiter : BA 7904.
Comme toujours chez Bärenreiter,
les œuvres françaises bénéficient d’une présentation en français, ce qui est
bien agréable. On lira avec un très grand intérêt les notices rédigées par
Denis Herlin, aussi pointues scientifiquement qu’abordables par tout lecteur
cultivé. On appréciera en particulier la manière dont il replace dans leur
époque les œuvres présentées. Il fait notamment ressortir l’importance de la
Société Nationale de Musique pour la renaissance de la musique de chambre
française à cette époque. Si le quatuor op. 45 a eu plus de mal à s’imposer que
le quatuor op. 15, aussi bien l’un que l’autre constituent un monument de la
musique de chambre française, et il est heureux qu’une édition critique de
cette qualité nous soit proposée aujourd’hui.
Max MÉREAUX : Sonate à troispour clarinette, piano &
violoncelle. Armiane : EAL515.
Créée en première audition à
Saint Omer en 1980 et à Paris en 1981, cette œuvre est présentée ici dans une
édition revue et corrigée. On appréciera particulièrement que sur la partie de
piano conducteur, la clarinette soit écrite en sons réels. L’œuvre est composée
de deux parties d’une durée d’environ cinq minutes chacune, et comportant des
séquences d’improvisation dûment balisées.
Raphaël FUMET : Nuit pour quatuor à cordes. Delatour :
DLT1833.
Les éditions Delatour continuent
leur remarquable travail d’édition de la musique de Raphaël Fumet, organiste et
compositeur mort en 1979. Auteur également d’une œuvre pour orchestre qui porte
le même titre, on retrouve dans celle-ci le goût de l’auteur pour la
contemplation nocturne. Il est vrai que le parc du collège de Juilly s’y prête
particulièrement… Il s’agit d’une pièce méditative, au timbre qu’on ne peut
s’empêcher de sentir gambée, quand on est organiste et qu’on sait de plus que
la version originale de cette pièce a effectivement été écrite pour orgue…
Jacques VEYRIER : Enluminures pour 2 flûtes, basson &
violoncelle. Delatour : DLT0645.
Des fulgurances, beaucoup de
lyrisme habitent ces enluminures qui
demandent autant de virtuosité que de sens musical. Il s’agit d’une œuvre
attachante pour une formation originale. Les flûtes sont souvent utilisées en
octaves ou en intervalles parallèles, de qui procure une plénitude des timbres,
un peu comme une mixture d’orgue.
Adrien POLITI : Tiramisu pour bandonéon, guitare & quintette à
cordes. Delatour : DLT1450.
Ce compositeur, né en 1957 en
Argentine, vit depuis 1986 en France. Ses compositions sont tout à fait
intéressantes. On notera l’originalité de la formation ici proposée. Ce Tiramisu plein d’énergie et de bonne
humeur estune invitation à un certain
dépaysement et à des mélanges de timbres inhabituels mais bien agréables.
Précisons que l’auteur demande, pour un meilleur équilibre entre les
instruments, que la guitare soit amplifiée.
Adrien POLITI : El chicopour bandonéon, guitare & quintette à
cordes. Delatour : DLT1448.
Du même auteur et pour la même
formation, voici une pièce dont le titre fait évidemment penser à un guitariste
célèbre, mais qui est surtout, dans un rythme de tango, bien agréable et
tonique. Comme pour la pièce précédente, pour un meilleur équilibre entre les
instruments, la guitare doit être amplifiée.
« Musique et Arts plastiques ». Hommage offert à Michèle Barbe de ses étudiants et amis.Études
réunies & présentées par Florence Collin. Série
« Musique et Arts plastiques » n°7, Université Paris-Sorbonne,
Observatoire musical français, 2011, 156 p.
À la Maison de la Recherche, le 18 juin 2011
- lors d’une brillante réunion pour marquer le dernier séminaire du
Professeur Michèle Barbe, avant sa retraite après 37 ans
d’enseignement -, de nombreux disciples et des collègues remplissaient la
salle jusqu’à la dernière place. Ils ont écouté avec grand intérêt des
témoignages et communications de Catherine Aubriot, Cécile Auzolle,
Muriel Joubert. Ils ont également honoré le Professeur émérite
Michel Guiomar, si fidèle acteur et participant, qui, avec le Professeur
émérite Marc-Mathieu Münch, ont tant contribué au renom de ce séminaire. Ils
ont eu une fidèle pensée pour Gérard Denizeau, empêché.
De NouveauxMélanges,réalisés
par ses étudiants et amis, ont été remis à celle qui, en 1989, a lancé en
Sorbonne ce Groupe de Recherche, inaugurant ainsi une nouvelle discipline
relative aux rapports entre Musique et Arts plastiques. Précédée d’une brève
biographie, Quatre regards sur Michèle Barbe de l’artiste
Guetty Long, Bernard Bandelier (son élève en classe de 6e),
Catherine Merle et Julie Fedi (dont elle a dirigé les recherches), la
partie principale « À la croisée des Arts : approches thématiques et études »
présente 9 contributions originales. Elles associent aussi bien
esthétique, poésie, théâtre de marionnettes, photographie que musiciens tels
que Schumann, Bruckner, Liszt, Chausson, Fauré, Massenet, Debussy… ou encore un
photographe, Constant Puyo. L’ensemble « explore les liens privilégiés
entre la musique et les arts plastiques qui posent, derrière les problèmes de
représentation et de traduction d’un art par l’autre, ceux de la synesthésie et
de la sémantique. » La liste des
travaux personnels et collectifs de Michèle Barbe est impressionnante. De
plus, en tant que directeur de recherches, elle a à son actif : 16 thèses
soutenues, 4 en voie d’achèvement, 10 en cours, 3 sujets déposés
; 119 mémoires de maîtrise (p. 123-138). Ces listes sont suivies d’un Index (8 pages en 2 colonnes), lui aussi révélateur de
l’ampleur de la démarche.
Cette manifestation - à l’initiative du
Professeur Danièle Pistone, directeur de l’Observatoire musical français
- a bénéficié des soins attentifs de Sylvie Douche. Avec
Florence Collin, Sandra Darcel et Anna Renoud, elle a aussi
assuré la participation musicale très appréciée, ayant encore rehaussé
l’atmosphère de cette inoubliable journée. Mais, par-delà la retraite, le
séminaire de Michèle Barbe continuera et réunira encore ses nombreux
collègues, disciples et amis.
Selon la formule
consacrée, cette nouvelle publication est illustrée par Catherine Faure, à
la fois peintre, illustratrice, critique, auteur et éditeur. Elle
présente d’entrée de jeu, non pas des bulles de textes, mais des illustrations
en pleine page avec quelques reproductions (Le
déjeuner sur l’herbe, L’Orchestre de
l’Opéra…) évoquant l’environnement d’Emmanuel Chabrier (1841-1894),
avec ses amis fidèles Paul Verlaine, Édouard Manet et sa femme, son
mariage (1873) avec Alice Dejean ; ses différents cadres de
vie : par exemple le Café de la Nouvelle Athènes, place
Pigalle ; une loge à l’Opéra… Les illustrations relatent aussi ses
voyages à Munich et en Espagne, l’événement occasionné en 1889 par
l’inauguration de la Tour Eiffel... La bibliographie de
François Hudry introduit E. Chabrier, « l’exact représentant
d’un Paris aujourd’hui disparu, celui du village de Montmartre de la fin du XIXe siècle », « admiré par certains, méprisé par d’autres », aborde sa
carrière et sa production. Deux disques intitulés « Les grands
interprètes » font entendre les œuvres les plus marquantes du compositeur,
par exemple l’Ouverture de Gwendoline enregistrée en 1957 à Paris, ou encore España (Londres, 1958), les 3 Valses
romantiques pour deux pianos (Marcelle Meyer et Francis Poulenc,
Paris, 1955, mono)… Les discophiles retrouveront avec plaisir
Camille Maurane (baryton) interprétant la fameuse Villanelle des petits canards… (Paris, 1958, stéréo).
Voilà, si nécessaire, Chabrier réhabilité par les talents de C. Faure, la
perspicacité de Fr. Hudry, les recherches de documents sonores
authentiques et ces deux CD si représentatifs.
Philippe CHARRU : Quand le lointain se
fait proche. La musique, une voie spirituelle.Éditions du Seuil, 2011, 301 p. 20 €.
Comme le souligne
l’auteur : « Qui veut marcher sur les chemins de la musique et sur ceux de
l’Esprit devra consentir à de patients déplacements intérieurs » et
évoluer du « connaître au sentir ». Il propose un nouveau regard sur
la place de la musique dans la quête spirituelle et aborde une « façon
nouvelle dans la mesure où la musique n’y est pas considérée d’abord comme un
art, mais comme un fait anthropologique capital ». La première
partie : « Musique et spiritualité », suggère « une autre
relation au monde », exploite « le rythme fondateur », le
matériau musical, la danse et le chant (« fondés sur notre capacité de
parler et de marcher »), la musique et le corps, pour aboutir à
« l’interpellation du Verbe fait chair » et à la voix christique. La deuxième partie : « La
quête spirituelle au regard des styles », plus musicale et moins
anthropologique, se réfère, à l’aide d’exemples emblématiques, à l’art musical
du Moyen Âge, du Baroque de Monteverdi, au Baroque luthérien de Schütz
et Bach, jusqu’à Charpentier et Mozart, puis Wagner et Debussy, pour aboutir à
Schoenberg et Webern. Enfin, la troisième partie : « L’écoute
musicale comme exercice spirituel », pose le problème : pourquoi
est-il si difficile d’écouter ? Ph. Charru se réfère
premièrement à l’oreille distante, c’est-à-dire « les résistances que
l’oreille oppose à la musique [qui] sont tenaces et dévoilent une inclination
surprenante, sinon inquiétante à ne pouvoir entendre que ce qu’elle veut bien
entendre ou a déjà entendu ». Ce propos est illustré par un
entretien entre Georges Brassens et André Sève. Deuxièmement,
il se réfère à « L’oreille avide [qui] consomme de la musique, la dévore
parfois, sans pouvoir goûter les différences. Sa quête est sans fin… car elle
prête à la musique une promesse de plénitude qu’elle ne peut tenir… L’imaginaire
commande l’écoute. » Dans le cas de l’oreille distante et de
l’oreille avide, « l’imaginaire et sa propension à l’inflation » ne
facilitent pas l’accès à l’œuvre musicale. Troisièmement, il se réfère à
« L’imaginaire religieux en question » à partir de citations
bibliques (Apocalypse, Jean) et constate que l’oreille
« ne peut plus s’arrêter à la distinction entre musique profane et musique
sacrée… ». Ph. Charru traite « la fragilité et la puissance de
la musique », en rappelant à l’aide du choral de J. S. Bach : An Wasserflüssen Babylon, que
« la question de chanter ou de ne pas chanter se trouve dépassée, s’il est
vrai qu’au temps de l’exil, on réapprend à chanter ». Il cite ce
constat de Mozart : « …la
musique, même dans les situations terribles, ne doit jamais offenser l’oreille,
mais plaire à l’auditeur, en d’autres termes, ne doit jamais cesser d’être la musique. »
Même Bartók, malgré les drames de la guerre et de l’exil, a « gardé intact
en lui jusque dans l’abandon et le dénuement de ses derniers jours, la source
secrète où sourd, intarissable, la joie de la musique ». Pour finir
ce parcours si dense, l’auteur revient au titre proprement dit : Quand le lointain se fait proche. Il
conclut que l’écoute musicale est un exercice spirituel, que la musique est
source de joie, que le lointain se fait proche « par la grâce de
l’art », que « faire entendre n’est certes pas au pouvoir des
mots… », et que « seule, la musique ouvre l’oreille et introduit à
son propre monde. »
Barbara HAGGH & Frédéric BILLIET (dir.) : Ars
musica septentrionalis. De l’interprétation du patrimoine musicale à
l’historiographie. PUPS
(alessandra.grillo@paris-sorbonne.fr), 2011. 262 p.
22 €.
Ces Actes du Colloque - organisé
par l’Université Paris-Sorbonne et associé à une Exposition de manuscrits
présentée à Douai, Cambrai et Bailleul - contribuent largement à une meilleure
connaissance des précieux fonds musicaux conservés dans le Nord (Flandres &
Nord de la France), attestés, entre autres, dans les inventaires des abbayes de
Saint-Wandrille, Saint-Amand, faisant notamment état de psautiers, d’ouvrages
liturgiques (tropaires, séquentiaires, antiphonaires), de traités de musique
spéculative, mais aussi de grammaire. Ils soulignent la richesse du patrimoine
médiéval sur lequel Edmond de Coussemaker avait, au XIXe siècle, si
largement attiré l’attention. Après la mise en situation par
B. Haggh et M. Huglo, la présentation codicologique des divers
documents et l’évocation des problèmes de l’écrit et de l’oralité, la dernière
partie, placée sous le signe de l’interdisciplinarité, débouche - par le biais
des Livres de chant et des Chansonniers - sur les problèmes
d’interprétation historique de ces manuscrits. Il importe que ces fonds
d’un importance capitale soient valorisés par les historiens, musicologues,
théoriciens, chanteurs et instrumentistes, tant par devoir de mémoire envers ce
riche passé qu’en hommage à E. de Coussemaker. Les Presses de
l’université Paris-Sorbonne n’ont pas ménagé leur peine pour l’édition de ce
beau volume sur papier glacé avec, en couverture, un extrait du Graduel de Robert de Croÿ (1540,
Médiathèque municipale de Cambrai, MsD12, fol. 2v.) qui, à lui seul, plongerait
déjà les lecteurs dans le vif du sujet : « de l’interprétation du
patrimoine musical à l’historiographie ». Cette publication est tout
à l’honneur du Comité scientifique composé de B. Haggh, M. Huglo et
Fr. Billiet, et des auteurs venus d’Angleterre, du Danemark, des
États-Unis et de la Sorbonne. Son intérêt est encore rehaussé par
l’excellente qualité de l’abondante Bibliographie (p. 231-255) et par l’Index des auteurs et compositeurs. Ces Actes,
placés sous le signe de « culture du livre », rendent donc un vibrant
hommage à la fois à l’héritage et au patrimoine musical français.
Philippe LESAGE : Anna Magdalena Bach et
l’entourage féminin de Jean-Sébastien Bach. Genève-Drize, éditions Papillon, 2011. 303 p.
38,06 €.
Philippe Lesage, éminent
germaniste et historien des idées, s’est livré à de patientes et minutieuses
recherches pour réaliser un véritable puzzle biographique, évoquant 28 années de la vie commune d’Anna Magdalena avec
Jean-Sébastien Bach entourés de leurs 13 enfants. Comme il ressort
du titre, il évoque également l’entourage féminin du Cantor : sa première
épouse, ses filles, ses amies, ses collaboratrices, sans oublier ses fils.
La chronologie très rigoureuse va de la naissance de Maria Barbara en 1684
à la mort de Susanna en 1809. Cet ouvrage qui comble une sérieuse lacune
est abondamment illustré : gravures, portraits d’époque, récits,
transactions, documents d’archives et photos récentes réalisées par
Philippe Lesage. Le lecteur curieux peut donc situer - dans leur vie
quotidienne et au fil des années - tous ces protagonistes, y compris les
« Bachinnen », les membres
de cette prestigieuse dynastie et ses composantes féminines : grand-mère,
belle-sœur, Hausmutter, nièce, prima donna, veuve, collaboratrice,
librettiste, couturière… Très bien présentée, préfacée par Gilles Cantagrel
rédigée d’une plume alerte et de lecture agréable, cette « première
biographie en français d’Anna Magdalena Bach » (et de son
environnement) passionnera non seulement les amis de Jean-Sébastien, mais
encore les historiens des idées, des mentalités, des sensibilités dans
l’Allemagne du XVIIIe siècle. À lire impérativement.
Cantica domini in terra aliena.
Christian songs under persecution and oppression.Jahrbuch für Liturgik und Hymnologie. Bulletins nos 38 et 39. Graz, Opole, 2010 & 2011 (IAH Sekretariat :
Barbara Lange, Schildkamp 1B. D-17252 Mirov).
Les Actes du dernier
Colloque du Cercle international d’Études hymnologiques, qui a eu lieu à Opole
(Pologne) en 2009, ont été édités avec soin par le
Dr. Fr. K. Prassl et le Dr. P. Tarlinski. Le
premier volume évoque les corpus de cantiques « en terre étrangère ».
Il offre un panorama inattendu, présentant un répertoire varié à propos du
chant des femmes d’inspiration sociale aux États-Unis ; des problèmes de
la censure du chant d’Église ; de la manière de chanter en pays étranger
(d’où le titre) ; d’hymnes polonais sur le thème de la liberté, ainsi que
d’un Aperçu de l’hymnologie en
Pologne avec son vrai trésor de chants religieux. Le second volume aborde
- avec réalisme et honnêteté intellectuelle - l’influence des persécutions et
de l’oppression sur les chants chrétiens ; il traite la situation dans
divers pays (Slovaquie, Norvège, Taiwan...), le chant choral en Norvège, le
chant protestant en Slovaquie lors de la Contre-Réforme, le chant des Amiches
allemands installés aux États-Unis ; la musique religieuse catholique à
Timisoara ; les nouveaux recueils en Roumanie… On trouvera également
des chants militaires et de combat sous le règne communiste. Ces Actes
représentent une sérieuse mise en garde. Les éditeurs n’ont pas ménagé
leur peine pour rendre compte du répertoire souvent imposé par les autorités
oppressantes, des réactions face aux persécutions et des problèmes d’identités
religieuses.
Édith Weber.
Sylvie BOUISSOU : Crimes, cataclysmes & maléfices dans l'opéra baroque en
France. « Musique ouverte », Minerve, 2011.
15,5 x 23 cm, 304 p. 25 €.
Cet ouvrage fort original traite
un aspect bien particulier de l'opéra baroque en France : la place qu'y
occupe ce ressort dramatique particulier qu'est la catastrophe. Ou
comment cette notion constitue un terrain d'expérimentation privilégié pour les
compositeurs de l'époque, alors même qu'elle répond aux attentes d'un public
avide de spectaculaire et d'émotions fortes. En outre, l'avènement de la
machinerie « moderne » autorisait l'émergence de ces manifestations
extraordinaires ou morbides qui se voient réserver une place stratégique dans
l'action. Spécialiste de la musique baroque, forte d'une étude quasi
exhaustive des livrets d'opéras des XVIIeet XVIIIe siècles, l'auteur interroge le fonctionnement du genre à travers cette notion,
analysée sur le plan thématique aussi bien que musical et esthétique. La
catastrophe peut être d'origine naturelle - la tempête, le tremblement de
terre -, criminelle - le meurtre, l'infanticide - ou encore
surnaturelle - le sacrifice, la métamorphose. Elle est aussi bien
objet social (l'exquise horreur flattant le goût du spectateur) qu'objet
poétique car elle est source d'inspiration dans la mesure où elle convoque les
manifestations inspirées de la nature et le sens du merveilleux. Enfin
elle est objet musical et théâtral : le goût du spectaculaire devient
constitutif de la musique elle-même, en stimule l'invention et conditionne ses
effets. L'art de l'imitation des bruits de la nature, l'expression du
mouvement conduisent à des modes d'écriture d'abord stéréotypés, à but
descriptif, puis de plus en plus audacieux par le recours à des structures
complexes accumulant plusieurs séquences, dont le ballet à qui est assignée une
fonction narrative. Rameau en fournira des exemples parmi les plus
illustres car il est passé maître de ce « climat instable et effrayant par
le biais d'une écriture quasi frénétique » (manifestation tellurique
dans « Les Incas du Pérou » des Indes galantes, scène de
la glaciation dans Les Boréades). La monstruosité par le
crime ou le maléfice est aussi un faire-valoir pour le héros. Ainsi les
conséquences esthétiques de la recherche de péripéties dramatiques aussi fortes
marquent-elle d'une empreinte spécifique l'opéra baroque français. Car
celui-ci « ne se résume pas à un divertissement intuitif » mais
« révèle un monde incroyablement hétérogène ». L'ambition du
livre est de théoriser ces mécanismes dramaturgiques essentiels dans son
fonctionnement. Extrêmement documenté, fouillé dans l'analyse, il
comprend un index des œuvres citées, de nombreux exemples musicaux et une
bibliographie exhaustive.
Cristina BĂRBULESCU : Les opéras européens d'aujourd'hui : comment promouvoir
un spectacle ? Préface de Philippe Agid.
L'Harmattan, 2011. 13,5 x21,5 cm, 130 p. 13,50 €.
Ce petit ouvrage forme une sorte
de complément à celui que Philippe Agid, aux côtés de Jean-Claude Tarondeau, a
consacré au Management des opéras. Il l'a d'ailleurs préfacé.
La problématique est de savoir quels sont les publics européens d'opéra
aujourd'hui et quelles techniques créatives de relations publiques et de
communication peuvent être conçues pour les fidéliser et attirer de nouveaux
spectateurs. Autrement dit, le questionnement du fonctionnement de l'art
lyrique à travers la promotion du spectacle… Après une analyse de la
spécificité du théâtre d'opéra et de ses divers publics, est abordée la
question de la constitution de ce qu'on appelle dans le jargon de la
communication « une image attachée » qui constitue le point de départ
d'une démarche de communication ou de marketing. Taboue jusqu'à un passé
récent dans le domaine de l'Art (car synonyme de programmation basée sur des
critères de facilité, telles les préférences du public ou les considérations de
pure rentabilité), celle-ci devient essentielle. Cristina Bărbulescu
propose des outils de relations publiques qui permettent de changer la
perception souvent négative du public et de vaincre les clichés et freins
psychologiques qui font que beaucoup fonctionnent sur les préjugés bien connus
d'élitisme, de genre difficile d'accès ou ennuyeux. Car aussi bien une
stratégie de communication a pour fins d'informer, de persuader et d'éduquer…
Fondée sur les études les plus récentes menées sur les publics d'opéra et sur
des entretiens avec des spécialistes œuvrant dans trois grandes maisons
européennes (Opéra de Paris, Royal Opera House, Grand Théâtre de Genève), cette
monographie, qui se signale par sa rigueur, apporte une pierre intéressante à
l'édifice d'une meilleure connaissance de l'institution.
Patrick ALLIOTTE : Alain Fondary, la voix du souffleur. Préface
de Roberto Alagna. Symétrie, 2011. 15 x 21 cm,
162 p. 19 €.
Le titre de cet ouvrage
biographique est un jeu de mots. Car le souffleur dont il est question à
propos du grand baryton Alain Fondary n'est pas celui qui, dans sa cage au
bord de la fosse d'orchestre, vient en aide au chanteur en mal de texte, mais
cet autre qui, dans l'art du verre, crée par son souffle d'airain l'objet
façonné. Curieux destin de celui qui ayant débuté la carrière vers la
trentaine, connaîtra la consécration internationale à près de 45 ans au
moment où la plupart de ses confrères entament le dernier chapitre de la leur.
Au point d'être cité comme contre-exemple en la matière ! Destiné à
devenir un athlète de haut niveau, il lui aura fallu batailler dur pour faire
de ce souffle de verrier le plumage de son chant, cette voix de stentor bien
reconnaissable. Et puis, comme il advient en nombre des destins
opératiques, la chance se lèvera sur le chemin : événements prémonitoires,
rencontres de personnages flairant le talent, aidant à dépasser les premières
inhibitions. S'ensuit l'enchaînement des succès : du premier
engagement à Cherbourg à la première Scala, de la onzième heure dans une Aïda dirigée par Lorin Maazel, et surtout à ce Scarpia qu’Herbert von Karajan
lui impose tout de go en 1988 pour son Festival pascal à Salzbourg l'année
suivante, au point de le faire fondre en larmes. Car, durant quelque
42 ans de scène, Fondary, dit Nounours, aura croisé bien des figures
emblématiques et presque toujours des premiers rôles : outre son Scarpia,
son Iago et son Grand Prêtre de Dagon (Samson et Dalila) resteront dans
bien des mémoires. Si le récit relate par le menu les premières années,
truffées de toutes les anecdotes familiales que l'on imagine, l'auteur ne se
montre ensuite pas toujours disert sur le parcours de son ami. Sans doute
cet homme généreux ne se livre-t-il pas aisément et le narrateur préfère-t-il
rester pudique. En tout cas, notre « voix du souffleur » professe
un inébranlable optimisme et possède la sagesse des grands :
« Chanter, ce n'est pas simplement de la technique, ce n'est pas
simplement un corps d'athlète, c'est aller réveiller la pensée, une part
d'universel en chacun qui va résonner, ranimer l'émotion ». Un
regret : n'avoir pas confié au disque plus de rôles. Une vision pour
l'avenir : aider les jeunes dans le métier, car « là où il y a une volonté,
il y a un chemin ».
Jean-Pierre
Robert.
Alain SCHUHL & Jean-Luc SCHWARTZ. La musique est-elle une science ? « Les Petites Pommes du Savoir », n°74. Le Pommier. 64 p.
4,50 €.
Un livre tout à fait passionnant
que devrait lire quiconque s’intéresse à la musique. Une façon
particulièrement, didactique et amusante d’aborder l’acoustique musicale,
conçue comme le long parcours que la musique emprunte depuis le cerveau du
compositeur jusqu’à celui de l’auditeur. Un livre qui décrit, de manière
claire, en faisant appel à différentes sciences, l’émission du son au niveau
instrumental, sa propagation dans l’air, sa perception par l’oreille et son
interprétation au niveau du cerveau. Un ouvrage qui, heureusement, ne
lève pas la totalité du voile sur le mystère de la musique.
Leonard B. MEYER : Émotion et signification en musique. Actes Sud, 2011. 343 p. 29 €.
Un livre-référence du
musicologue américain Leonard B. Meyer (1918-2007), écrit en 1956, qui n’avait,
à ce jour, jamais été traduit en français (traduction de Catherine Delaruelle).
Un ouvrage traitant des rapports entre musique et émotion, développant des
idées capitales sur la psychologie cognitive de la musique, qui inaugure le
rapprochement entre musicologie et sciences humaines, ouvrant ainsi la voie à
une vision transversale élargie de la musicologie (musique & sociologie
chez Adorno, musique & ethnologie chez Merriam, ou encore musique &
linguistique chez Ruwet). Pour Meyer, c’est dans le jeu des tensions et
détentes induites par la matière musicale que réside la signification musicale
et le renvoi au monde des émotions. Pour rendre compte de la relation
tension /détente, Meyer fait appel aux lois générales de la Gestalt, élaborées
par le psychologue Kurt Koffa (1935), ce qui lui permettra de démontrer
comment le fonctionnement des structures musicales (rythme, régularité,
symétrie) est à la base de l’évocation des émotions, en contribuant à la
satisfaction de l’esprit (loi de prégnance). Tourné vers l’avenir de
l’œuvre, le cerveau aspire à la complétude et peut réinterpréter son passé de
manière à compléter ou régulariser ce qu’il vient d’entendre. Meyer fait
également intervenir, dans cette attente, notre familiarisation avec le style,
c'est-à-dire avec l’ensemble de nos connaissances musicales, propre à chacun,
qui permet la communication entre compositeur et auditeur. Pour Meyer, la
signification en musique est immanente à la musique elle -même, sa méthodologie
est parfaitement en phase avec sa conception ontologique de la musique,
fondamentalement intra musicale. Un livre d’une importance
historique certaine, même si, aujourd’hui, pour expliquer nos émotions
musicales, il est sans doute nécessaire de faire appel à d’autres mécanismes
plus complexes, plus combinatoires, développés dans les travaux plus récents de
sémantique musicale, de neurobiologie ou de physiologie.
Patrice
Imbaud.
Laurence DECOBERT : Henry Du Mont (1610-1684). Maistre et
compositeur de la Musique de la Chapelle du Roy et de la Reyne.
Études du Centre de Musique baroque de Versailles. Mardaga (www.mardaga.be). 17 x 24 cm,
480 p., ex. mus., ill. n&b et couleurs. 39 €.
Au même titre que Buxtehude,
Purcell ou Lully, Henry Du Mont fut assurément l’un des plus grands musiciens
de la fin du XVIIe siècle – illustre, en son temps, bien
au-delà des frontières du royaume, aussi bien pour ses talents de compositeur
que de claveciniste ou d’organiste. Sauf celui du théâtre, il aura abordé
tous les genres : motets pour petit effectif ou à grand chœur, messes
polyphoniques, œuvres en plain-chant, airs spirituels, chansons, pièces
instrumentales (pour clavier, pour cordes). Merci à Laurence Decobert,
conservateur au département de la Musique de la BnF, de s’être fait le premier
véritable biographe d’un grand musicien français (originaire du Pays de Liège),
jusqu’à présent négligé. Une superbe réhabilitation.
Sylvie MAMY : Antonio Vivaldi. Fayard. Reliure
souple. 14 x 22 cm, 870 p. 35 €.
Étonnamment, la vie et une
grande partie de l’œuvre de Vivaldi restaient à découvrir. C’est dire
l’intérêt de cette énorme monographie, dans laquelle Sylvie Mamy, éminente
spécialiste de la vie musicale & théâtrale de la Venise du Settecento,
retrace la vie tumultueuse et, à bien des égards, paradoxale du Prete rosso.
Quatre parties composent l’ouvrage : Venise (1703-1717) / Voyages en
Italie, Mantoue, Florence, Milan, Brescia, Rome (1718-1724) / L’Europe et
l’Italie / Apothéose et déclin.
Tiziano SCARPA : Stabat Mater. Roman. Traduit de
l’italien par Dominique Vittoz. Christian Bourgois (www.christian-bourgois-editeur.fr).
12 x 20 cm, 144 p. 14 €.
Abandonnée par sa mère à sa
naissance, puis recueillie en l’Hospice de la Pietà de Venise, Cecilia mène une
vie rangée entre routine scolaire & étude du violon. Elle tient une
manière de journal quotidien, destiné à sa mère inconnue (« Madame
Mère, au cœur de la nuit, je quitte mon lit pour venir, ici, vous écrire »,
tel est l’incipit de l’ouvrage), et dialogue en secret avec une jeune femme qu’elle
suppose être sa propre mort. Jusqu’au jour où un nouveau maître de
musique, Don Antonio (dont elle ignore le patronyme, Vivaldi) bouleversera
ses conceptions de la musique et de la vie. Fiction certes, car l’auteur
reconnaît bien volontiers divers anachronismes dans, notamment, les dates de
création de certaines œuvres du compositeur, mais sans préjudice de la
vraisemblance d’un roman pour lequel il a obtenu, en 2009, le prestigieux prix
littéraire italien Strega.
Hildegarde de BINGEN : Physica.Le livre des subtilités des créatures divines (XIIe siècle).
Traduit du latin, préfacé & annoté par Pierre Monat.
Présentation : Claude Mettra. « Atopia », Jérôme Millon
(www.millon.com). 16 x
24 cm, 300 p. 30 €.
Premier compositeur de
l’histoire dont le nom nous soit parvenu (elle nous a laissé quelque
70 chants, hymnes & séquences et 82 mélodies regroupées dans Ordo
virtutem, drame liturgique), sainte Hildegarde de Bingen (1098-1179) n’en
fut pas moins la plus savante moniale bénédictine (linguiste et physicienne) de
son temps. À vocation plus ou moins médicinale, le présent ouvrage est
consacré aux plantes (230 chapitres), éléments (14 chapitres), arbres
(63 chapitres), pierres (26 chapitres), poissons (36 chapitres),
oiseaux (72 chapitres), bêtes sauvages (45 chapitres), reptiles
(8 chapitres), métaux (8 chapitres). La plupart de ces neuf
livres comporte une préface indépendante… Trace d’antiques savoirs certes,
mais aussi expression d’une intime solidarité avec toutes les formes - visibles
ou invisibles - du vivant…
François JACOB (Études réunies par) : Voltaire à l’Opéra.
« L’Europe des Lumières », 7. Classiques Garnier (www.classiques-garnier.com).
16 x 25 cm, 244 p., 36 €.
Dix-huitiémiste réputé &
directeur de l’Institut/Musée Voltaire de Genève, François Jacob s’est
ici entouré des meilleurs spécialistes : Pierre Frantz,
Marian Hobson, Béatrice Ferrier, François Jacob (« L’opéra
des Lumières »), Pierre Brunel, Olivier Bara,
Vincent Petitjean, Philippe Martin-Horie (« Du bel canto à la fin de Zaïre »),
Richard Cole, Henri Rossi, Jean-Marie Curti, Paul Méfano
(« Le XXe siècle ou le choix du conte »).
Auriez-vous imaginé que la liste des opéras composés sur un livret de Voltaire
(ou inspirés par l’un de ses textes) comporterait quelque cent titres
(1733-1994) ? Index nominum et
rerum.
Alexandre SOREL : Comment jouer… la Fantaisie-Impromptu de Chopin. Entretiens avec
Jean-Jacques Eigeldinger & Abdel Rahman El Bacha.
« Guide pratique », n°1. Symétrie (www.symetrie.com). 21 x
29,5 cm, 48 p., ill. n&b, ex. mus. 15 €.
Au sommaire de ce premier numéro
d’une collection désormais classique, on trouve : La Fantaisie-Impromptu de Chopin / Cette pièce dans la vie de
Chopin / Comment travailler & apprendre / Diverses éditions /
Entretiens avec Jean-Jacques Eigeldinger & Abdel Rahman El Bacha /
Discographie sélective.
Alexandre SOREL : Comment jouer… le Nocturne
en si majeur op. 9 n°3 de Chopin. Entretien avec Bruno Rigutto.
« Guide pratique », n°6. Symétrie (www.symetrie.com). 21 x
29,5 cm, 46 p., ill. n&b, ex. mus. 15 €.
Au sommaire du n°6 de cette
remarquable collection : Le Nocturne
en si majeur op. 9 n°3
dans la vie de Chopin / Le Nocturne
en si majeur op. 9 n°3 /
Entretien avec Bruno Rigutto / Discographie sélective.
Sont également parus :
Comment jouer… Un sospiro de
Liszt (n°2), la Deuxième Rhapsodie de Brahms (n°3), Jardins sous la pluie et Images de Debussy (n°4), le Quatrième Impromptu de Schubert
(n°5).
Catherine SAUVAT : Le pianiste voyageur. La vie trépidante de
Louis Moreau Gottschalk. Payot (www.payot-rivages.fr). 15,5 x 23,5 cm,
174 p., cahier de photos n&b. 16 €.
Pianiste virtuose et
compositeur, distingué par Chopin et Berlioz, l’Américain Louis
Moreau Gottschalk (1829-1869) se définissait lui-même comme
« artiste voyageur ». Né à la Nouvelle-Orléans, il
sillonna toute l’Europe et les Amériques, se plaisant à organiser, un peu
partout, de gigantesques concerts rassemblant des centaines de musiciens, des
dizaines de pianistes… Personnage aventureux, flamboyant, qui ne laisse pas
d’étonner… Dix chapitres : Un Américain à Paris / Souvenirs
de la Nouvelle-Orléans / Tournées virtuoses en Europe / America,
America / Trois épisodes cubains / Autour de la bohème
new-yorkaise / Les îles paradisiaques / « Quelle vie,
bon Dieu ! » / « Rêver d’une carrière pavée de
dollars » / L’Amérique toujours plus au sud.
Arnold SCHOENBERG : Le Style et l’Idée. Écrits réunis par
Leonard Stein. Traduit de l’anglais par Christiane de Lisle.
Édition présentée par Danielle Cohen-Levinas. « Musique »,
Buchet/Chastel (www.buchetchastel.fr).
16,5 x 24 cm, 420 p., ex. mus. 29 €.
Sont ici réunis la plupart des
écrits publiés par le compositeur dans diverses revues autrichiennes,
allemandes ou américaines, ainsi que des brouillons de lettres et des
manuscrits recueillis, post-mortem, par son assistant Leonard Stein.
Toute une passionnante trajectoire est ainsi reconstituée…
En 10 chapitres : Comment je me juge / La musique
moderne / La musique folklorique & le nationalisme / Les
critiques & la critique / La composition avec 12 sons /
Théorie & composition / L’exécution & la notation /
L’enseignement / De quelques compositeurs / Questions d’ordre social
& politique.
Boris de SCHLŒZER : Comprendre la musique. Contributions à la Nouvelle
Revue française et à La Revue musicale (1921-1956). Édition
établie & présentée par Timothée Picard. « Æsthetica »,
Presses universitaires de Rennes (www.pur-editions.fr).
16,5 x 21 cm, 438 p. 22 €.
Spécialiste de l’étude des
conceptions & représentations de la musique à travers la littérature et
l’histoire des idées, Timothée Picard nous permet de redécouvrir ici l’un
des grands penseurs de la musique. Pour qui, il fut toujours trois
questions-clés : Qu’est-ce que la musique ? Qu’est-ce que la
comprendre ? Comment en rendre compte dans l’ordre du langage ?
Toutes réflexions solidement ancrées dans les évolutions de la première moitié
du XXe siècle… Une somme sans précédent.
Jacques BOUËT & Makis
SOLOMOS (Sous la direction de) : Musique et
globalisation : musicologie-ethnomusicologie.
« Musique/Philosophie », L’Harmattan. 288 p.,
ex. mus. 28 €.
Il s’agit là des actes du
colloque éponyme qui se déroulait, à Montpellier, en octobre 2008. S’il
est un domaine artistique concerné par la mondialisation, c’est bien la
musique. Spécialistes des musiques savantes occidentales, du jazz &
des musiques populaires ont confronté leurs points de vue avec des spécialistes
de musiques non globalisées d’Europe de l’Est, d’Asie centrale, du
sous-continent indien, des Touaregs du Maghreb ou de Trinidad. Analyses
parfois contradictoires mais, le plus souvent, complémentaires. Participaient
à ce colloque : L. Aubert, Fr. Borel, J. Bouët,
S. Bourgenot, J. Brown, P. A. Castanet, Cl. Chastagner, J. During, N. Elias, Chr. Guillebaud, A. Helmlinger, Ph. Lalitte,
Fr.-B. Mâche, C. Pardo Salgado, G. Siciliano, M. Solomos.
Marie-Bernadette DUFOURCET &
Anne SURGERS (Textes réunis et présentés par) : Corps dansant-Corps glorieux. Musique, danses et fêtes de
cour en Europe au temps d’Henri IV et de Louis XIII. Les
Cahiers d’Artes (Atelier de recherches transdisciplinaire esthétique et
société) n°7. Presses universitaires de Bordeaux (www.pub.u-bordeaux3.fr).
15 x 21 cm, ill. n&b. 25 €.
A été ici menée une réflexion
transdisciplinaire : musique, chorégraphie, mais aussi philosophie,
poétique, histoire, histoire du spectacle, rhétorique, arts visuels, jeux des
corps... Autour, notamment, des questions suivantes : Rôle politique
du spectacle de cour à la fin du XVIe siècle & son extension à
diverses élites / Influences de la pensée humaniste dans la
représentation, la composition musicale, les traités chorégraphiques /
Mise en jeu emblématique et allégorique, révélant les « nombres secrets de
l’harmonie » (selon Caroso). Très complète bibliographie.
Pierre-Jean RÉMY : Karajan. « Documents »,
Odile Jacob (www.odilejacob.fr).
Format de poche, 576 p. 26,41 €.
Prodigieuse fut la trajectoire humaine
et musicale d’Herbert von Karajan (1908-1989), nobliau salzbourgeois qui, enfant
prodige, développa la carrière que l’on sait, « un destin que l’on
oserait dire shakespearien » note Pierre-Jean Rémy. Sept parties
composent cette biographie, désormais de référence : L’enfance d’un
chef / Un jeune chef / Un chef en déroute / Un très grand
chef / Le premier chef du monde / Le chef en son royaume / Le
chef blessé.
Nicolas DONIN (Textes réunis
& présentés par) :Composer.
Numéro 31/10 de Genesis, « Revue internationale de critique
génétique ». PUPS (http://pups.paris-sorbonne.fr). 22 x 27 cm,
192 p., ex. mus., ill. n&b. 35 €.
Au sommaire du dossier de cette
savante livraison : Nicolas Donin (Écritures musicales… sur le vif /
Nouveaux objets, nouveaux problèmes) ; Amanda Bayley
(Genèse du 2e Quatuor à cordes de
Michael Finnissy) ; Philippe Leroux (Questions de faire :
la génétique musicale in vivo vue du côté du créateur) ;
Georges Aperghis (entretien avec Nicolas Donin & Jean-François
Trubert) ; François-Xavier Féron (présentation de la 1re section
de Partiels de Gérard Grisey). Hors dossier, nombreuses
autres contributions.
Raphaële VANÇON : Musicien amateur ou professionnel ? La
construction identaire musicienne. « Logiques sociales »,
L’Harmattan. 15,5 x 24 cm, 242 p., 24 €.
Depuis
les années 80, l’espace social des pratiquants de la musique s’est
considérablement élargi. C’est à proposer une nouvelle modélisation de la
chose que s’est ici attachée Raphaële Vançon (spécialiste… des musiques
anciennes). Trois grandes parties : L’organisation de l’espace
social des pratiques artistiques, de la création du ministère de la Culture
(1959) à l’été 2003 / Pour une construction fonctionnaliste &
asymétrique de l’espace social des pratiquants de la musique / Pour une
construction interactionniste de cet espace social. Bibliographie (livres
& articles, discours & rapports, jurisprudence).
Revue Piano n°25 (2011-2012). Une publication de La Lettre du musicien (www.lalettredumusicien.fr). 21 x
30 cm, 192 p., ex. mus., ill. n&b et couleurs.
14 €.
Au
sommaire de cette publication très attendue : À l’affiche (Nicolas Stavy, Piotr Anderszewski), L’art de la transcription (Franz Liszt, Ferruccio Busoni, Leopold Godowsky…), Pédagogie (Marie Jaëll, Marcel Ciampi, France Clidat,
Alexandre Sorel…), Anniversaires (Woelfl, Thalberg, Massenet,
Boëllmann, Debussy, Ciurlionis, Ibert, Françaix), Concours (en France, à
l’étranger), Histoire (en Grèce au XXe siècle, Hélène
de Montgeroult, Maria Szymanowska, Liszt-Érard / Chopin-Pleyel), Instruments (le marché, les nouveautés, les accessoires, l’entretien…), Piano aujourd’hui (Gérard Pesson, Thierry Machuel, créations mondiales, piano-jazz), Éditions (partitions, livres, disques, Louis Lortie, Leslie Howard), Saisons (2010-2011 / 2011-2012).
Marc DUBOIS : La voix en confort.
Voix & technique. Préface de Jean Abitbol. Symétrie (www.symetrie.com). 15 x
21 cm, 168 p., schémas. 35 €.
Tout
d’abord accordeur de pianos, Marc Dubois vira bientôt chanteur, chef de chœur &
professeur associé à l’IUFM de Lorraine (en tant qu’orthophoniste chargé de la
voix parlée de l’enseignant). Aussi s’agit-il ici d’un ouvrage de
praticien, prioritairement destiné aux orthophonistes et autres
« professeurs de voix » (parlée ou chantée). Thèmes abordés :
Il est une voix / Le geste vocal / La voix, phénomène
acoustique / L’instrument de la voix : le corps /
L’instrumentiste : le mental / Si l’instrumentiste est le mental, son
solfège est l’imagination (sic) / La voix carte de visite, carte à
jouer / La recherche permanente de confort / Situations
d’interventions vocales / Détente, relaxation ? En annexe :
glossaire, bibliographie, sites Internet.
Musiciens sans frontières. Revue Circuit, vol. 21, n°2
(2011). Les Presses de l’Université de Montréal (www.revuecircuit.ca). 21 x
23 cm, 120 p., ex. mus., ill. n&b.
28 $ CA.
Au sommaire de cette brillante livraison :
Lorsque l’ethnomusicologue sort de sa bulle (Nathalie Fernando) /
Paradoxe dans la relation entre oralité & écriture musicale (René Orea) /
…phraser le monde : continuité, geste et énergie dans l’œuvre musicale
(Philippe Leroux) / The Challenge of African Art Music
(Kofi Agawu) / L’improvisation & ses lieux communs : Pays de
l’Oach, Roumanie (Bernard Lortat-Jacob) / One fusion among many :
merging Bali, India & the West through modernism (Michaël Tenzer) /
Notes sur l’esthétique de la rumba congolaise (Bob W. White).
Guy DUBOIS : La conquête de l’Ouest en
chansons (1840-1910).
L’Écarlate/L’Harmattan (ecarlate.jeromemartin@yahoo.fr).
15,5 x 24 cm, 460 p., ill. n&b. 33 €.
Passionnante
est cette étude sociohistorique des chants de soldats, hors-la-loi, chercheurs
d’or, mineurs, Mormons et fermiers américains du XIXe siècle.
Où sont présentés les textes des innombrables ballades & chants populaires
d’un temps mythologique, nous découvrant cette fabuleuse migration, ses
substrats passionnels et idéologiques.
Alexandre TYLSKI (Sous la direction de) : John Williams. Un alchimiste musical à
Hollywood. « Univers musical », L’Harmattan.
220 p. 21 €.
Né à
New York en 1932, John Williams est surtout célèbre pour ses musiques de films : Star Wars, Jaws, E.T., Jurassic Park, Tintin, Harry Potter… Il est également jazzman, chef d’orchestre, compositeur
pour le concert & scénariste musical (pour Wyler, Altman, Eastwood,
Spielberg, Hitchcock, Penn, Frankenheimer, Lucas, de Palma, Stone, Annaud,
Parker, Pollack…). Au sommaire de cette remarquable monographie : Ouverture (N. Saada, A. Tylski) / Une empreinte socioculturelle (S. Personne, O. Desbrosses, Fl. Groult) / Un
patchwork musical (S. Abdallah, Ph. Gonin, J. Rossi, C. Carayol) / Lettres
de compositeurs (M. Chion, Br. Coulais, E. Kermovant,
M. Litwin, A. Silvestri) / Ressources (Pièces de jazz,
musiques pour la télévision, compositions pour le cinéma, partitions de
concert, albums-compilations).
Roland GUILLON : L’empreinte de Parker, Gillespie & Ellington sur le jazz
des années 1950-1960. « Univers musical »,
L’Harmattan. 13,5 x 21,5 cm, 140 p. 13,50 €.
Fort versé dans l’histoire du
jazz, le sociologue Roland Guillon s’est ici attaché à mettre en lumière continuités
& croisements durant la décennie la plus faste de cette musique. Des
points de vue harmonique et rythmique mais aussi, au-delà des différences de
style, des « imaginaires » – africain notamment… Deux parties : Parker & Gillespie (Deux figures/ Les compagnons/
Les disciples/ L’écho thématique) ; Duke Ellington (L’imaginaire ellingtonien/ Les compagnons du
même style/ Les compagnons d’un autre style/ Les adeptes d’autres styles/ Deux
rencontres : Mingus, Coltrane/ L’écho thématique). Riches
discographie & bibliographie.
Jacques RÉDA : Autobiographie du jazz. Accompagnée de plus de
150 solistes. Climats/Flammarion (www.editions.flammarion.com).
14,5 x 22 cm, 360 p. 23 €.
Célèbre critique de jazz,
Jacques Réda donne ici la parole au jazz lui-même (trente premières pages du
livre). Puis il consacre de copieuses notices aux quelque
150 musiciens qu’il estime être les grands acteurs de cette musique (classés
par ordre chronologique, avec éléments discographiques) : Les deux
piliers (Louis Armstrong, Duke Ellington), Premier album (de Scott Joplin à Illinois Jacquet), Second album (de
Charlie Parker à James Carter). Intéressera aussi bien le néophyte
que l’amateur chevronné.
Howard S. BECKER &
Robert R. FAULKNER : « Qu’est-ce
qu’on joue, maintenant ? ». Le répertoire de jazz
en action. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Bruno Gendre.
La Découverte (www.editionsladecouverte.fr).
13,5 x 22 cm, 300 p. 21 €.
Signée par deux éminents sociologues-musiciens,
cette enquête aborde les problématiques suivantes : Compétences
nécessaires à un jazzman / Dynamiques à l’œuvre sur scène / Modes
d’apprentissage / Comment un répertoire se constitue dans le parcours d’un
musicien, individuellement & collectivement / Autres secteurs d’action
collective éclairés par cette notion de répertoire. Le tout, à partir de
conversations, d’anecdotes et d’exemples concrets…
Dermot GAULT : The New
Bruckner.Compositional Development and the Dynamics of
Revision. Ashgate (www.ashgate.com). Relié sous jaquette,
280 p., tableaux & ex. mus. 60 £.
Auteur d’une thèse de doctorat sur
les symphonies de Bruckner (Queen’s University de Belfast), l’auteur met, cette
fois, l’accent sur les interactions de la biographie, de divers travaux
érudits, des analyses et de la réception de l’œuvre. Principaux
chapitres : Tradition & innovation / Messes & premières
symphonies / Émergence de la « Symphonie brucknérienne » /
Consolidation & révisions / Quatre chefs-d’œuvre / Bruckner &
ses disciples / Symphonie n°8 / La dernière
décennie / Anomalies historiques... En annexe : Les différentes
versions des symphonies.
K.M. KNITTEL. Seeing Mahler : Music and the Language
of Antisemitism in Fin-de-Siècle Vienna. Ashgate (www.ashgate.com). Relié sous jaquette,
204 p., 55 £.
Nul doute que la direction de
l’Opéra de Vienne par Gustav Mahler (1897-1907) aura été peu appréciée par la
presse antisémite de cette cité. Enseignante à l’Université du Texas
(Austin), l’auteur traite successivement : Métamorphoses de Mahler /
Images de Mahler (portraits, photographies, caricatures) / Wagner & Le
judaïsme dans la musique / La critique viennoise / Le problème
Richard Strauss / Une physiognomonie musicale. En
appendice : recension des articles parus lors de la création des œuvres de
G. Mahler et R. Strauss. Bibliographie,
index.
Hugh DAUNCEY & Philippe LE GUERN (Edited by). Stereo : Comparatives Perspectives on the
Sociological Study of Popular Music in France and Britain. « Ashgate
Popular & Folk Music Series », Ashgate (www.ashgate.com). Relié sous jaquette,
284 p., 60 £.
Sous la direction de Hugh Dauncey
(Newcastle University) & Philippe Le Guern (Université d’Avignon &
CNRS-EHESS-UAPV), ce passionnant ouvrage de sociologie développe, de part et
d’autre du Channel, un dialogue autour
des musiques populaires depuis quelque vingt ans. Au sommaire : Top of the pops / Writing the history of
popular music / Charting the history of amplified musics in France / Popular
music policy in UK / Cultural policies & popular, contemporary,
amplified musics / The UK music economy / The economics of music in
France / Mediation of popular music in UK / Music & the media in
France : the sociological viewpoint / Genres & the aesthetics of
popular music in the UK / The issue of musical genres in France /
Mapping British music audiences : subcultural, everyday & mediated
approches / Music audiences, cultural hierarchies & State
interventionism : a typical french model ? / Is it different for
girls ? / Local music scenes in France.
Daniel LAFRANCE & Me Serge PROVENÇAL : L’édition musicale.
De la partition à la musique virtuelle.Berger (www.editionsberger.com). 20,3 x 20,3 cm, 288 p. 29 €.
Cinq fois centenaire, l’édition
musicale n’en est pas moins l’une des plus méconnues. Elles n’a pourtant
cessé de se transformer, et doit - aujourd’hui même - s’adapter aux nouvelles
révolutions technologiques & législations planétaires du droit d’auteur.
Aussi le présent ouvrage rendra-t-il les plus signalés services à tout auteur,
compositeur, interprète ou professionnel du monde musical.
Neuf chapitres : Histoire de l’édition musicale / L’œuvre
musicale & sa protection / Le droit d’auteur / La profession
d’éditeur musical / La maison d’édition type / Les pratiques
contractuelles en édition musicale / La gestion collective & la
gestion individuelle / L’économie numérique & l’édition
musicale / Convention de Berne & traités de l’OMPI.
* Gabriel Fauré
* Frontières du chant et de la parole
Spectaculaire :
faites le plein de sorties !
Pour
sa 4e édition,Spectaculaire, la fête des sorties culturelles s’installe autour du
Bassin de la Villette, dans le XIXe arrondissement, les
samedi 24 et dimanche 25 septembre prochain, de 11h à 19h.
Théâtres,
musées, salles de concert, écoles de pratique amateur… plus de250 institutions culturelles franciliennes sont réunies pour vous présenter leurs programmes
et vous permettre d’organiser votre année culturelle en
un week-end.
Pour
les mélomanes, le « Village Musique »
les accueille, avec de grands lieux de la musique classique comme le
Théâtre des Champs-Élysées, la Salle
Pleyel, la Cité de la Musique, le Théâtre du
Châtelet ou encore l’Opéra-Comique qui seront
présents lors du week-end et vous feront bénéficier
de leurs meilleurs tarifs.
Plus
de 100 animationsgratuites vous mettront l’eau à
la bouche : mini-concerts, rencontres, extraits de spectacles,
cirque…
Au
programme, Bach, Kodály, Hersant, Chostakovitch, Dvořák…
ou bien encore les compositeurs de la Renaissance relisant
l’Antiquité.
Spectaculaire,24 et 25-IX-2011. Quai de la Loire, Paris XIXe. Mo Jaurès.
Découvrez une solution innovante et
accessible à toutes les écoles de musique !
Logiciels de gestion avec site internet intégré
Accessible par internet / Sécurisé
Simple d'utilisation / 100% économique
Découvrez gratuitement la nouvelle version disponible à partir du 15 septembre !
Et pour plus de visibilité, vos manifestations pourront être retransmises et affichées
automatiquement sur votre site internet, sur le site de votre groupement ou fédération,
ainsi que sur le portail musical www.openassos.fr
Passer
une publicité. Si vous souhaitez promouvoir votre activité, votre programme éditorial
ou votre saison musicale dans L’éducation
musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site
Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs publicitaires.