www.leducation-musicale.com

septembre-octobre 2009
n° 562
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A paraître
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mai-juin 2009
n° 561
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Sommaire :
1. L'éditorial de Francis Cousté
: "Compositrices"
2. Informations générales
3. Varia
4. Manifestations et Concerts
5. Recensions de spectacles
6. Annonces de saisons
7. Interview de Pierre Amoyal
8. L'édition musicale
9. Bibliographie
10. CDs et DVDs
11. La vie de L’éducation musicale
Abonnez-vous à L'éducation musicale, et l'Encyclo de la musicienne est à vous !
Compositrices…
Parmi les membres du sexe dit fort (pour sa musculature…),
n’était-il pas jusqu’à présent communément admis que – de par, notamment, leur
capacité d’enfanter – les femmes avaient un sens plus aigu des réalités qu’eux-mêmes,
davantage portés à l’abstraction de disciplines aussi peu terre-à-terre, voire
schizophréniques, que la composition musicale ou la mathématique pure ?
En effet, au moins à l’égal de leurs compagnons, les femmes ne se sont-elles
pas illustrées dans tous les domaines de l’esprit ? À l’exception,
peut-être, des deux disciplines précitées…
Il semble toutefois que le beau sexe soit désormais en
mesure d’infirmer ce malheureux clivage. Gardons-nous, en outre, d’oublier
que le premier compositeur dont l’histoire nous ait légué le nom était celui…
d’une compositrice, Hildegard von Bingen (1098-1179). Puis que lui succédèrent,
mais bien plus tard, Élisabeth Jacquet de La Guerre, Fanny Mendelssohn, Lili
Boulanger… – pour ne citer que trois personnalités phares du passé.
Devant la montée des intégrismes religieux qui tant menace
le statut des femmes, il est éminemment souhaitable que nos sociétés leur
rendent le plus juste et vibrant hommage. Et c’est précisément le cas aujourd’hui
avec, en particulier, l’exposition en cours au Centre Pompidou [« elles@centrepompidou »], le
Festival d’Île-de-France 2009 [« Elles…
musiques au féminin »] et, bien sûr, les dossiers que nous leur
consacrons.
Francis B. Cousté

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Les États Généraux
des Musiques du monde se tiendront, à Sciences-Po/Paris, les 11 et 12 septembre 2009.
Artistes, chercheurs, politiques et professionnels de la culture échangeront
témoignages et points de vue. Renseignements : www.mondomix.com/forum/etatsgeneraux ou www.zonefranche.com
Les « Journées
de la Scène » auront lieu à Amiens, les 29 et 30 septembre 2009, autour du thème : Quel nouveau souffle pour le spectacle
vivant ? Déclinaisons : Comment assurer durablement
les présences artistiques sur les territoires ? Quelles relations
construire entre équipes artistiques et population ? Comment la création
peut-elle se nourrir du territoire ? Sur quelles bases établir aujourd’hui
un projet culturel de territoire ? Renseignements : 02
40 20 60 20. www.professionnelsduspectacle.com
Amiens ©DR
Coup de Jarnac, rue
de Valois…
©Didier Plowy/MCC
Festival d’Automne à Paris. Le programme de sa 38e édition est en ligne
sur : www.festival-automne.com
Pas moins de 65 manifestations, avec : Saburo Teshigawara,
Rodrigo Garcia, The Wooster Group, William Kentridge et le Handspring Puppet
Company, la compagnie Stan, une rétrospective intégrale de Guy Maddin, un film
en version scénique avec orchestre et Isabella Rossellini (récitante). Œuvres
d’Edgard Varèse et Gary Hill, Wolfgang Rihm, Morton Feldman, Luciano Berio,
Frederic Rzewski...
« Notes
d’automne ». Ces
Rencontres musicales et littéraires en bords de Marne se dérouleront au
Perreux, du 6 au 11 octobre 2009 (directeur artistique : Pascal
Amoyel. président d’honneur : Jean Piat). Avec
notamment : Robin Renucci, Marie Laforêt, Jean-François Zygel, Frédéric
Lodéon, Dominique Hoff, Bernard Cavanna [notre photo]… Renseignements : 01
48 71 53 69. www.festivalnotesdautomne.fr
©DR
Colloque de
l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) :
www.colloqueopc20ans.net/prochaines_etapes.html
« Les
Musicales » de l’Institut du Monde arabe (président : Dominique
Baudis) se
dérouleront du 9 octobre 2009 au 29 mai 2010. Large kaléidoscope musical
composé d’artistes venus du Machreq, du Maghreb et d’Europe (26 troupes). Renseignements : 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed V, 75005 Paris. www.imarabe.org
©IMA
Saison de la Turquie
en France (juillet 2009-mars 2010). Pas moins de 400 événements – avec la participation de Müsennâ (mise en miroir des musiques ottomane et baroque d’Europe),
d’Arkin Allen (mixant flûte ney et sons électroniques), de groupes de la scène
indépendante ou indie-rock (Kim Ki O, Change of Plan, DDR…), de Jordi Savall et
Kudsi Ergüner, des pianistes Gülsin Oney, Toros Can, Hüseyin Sermet et Fazil
Say (dont sera créée la Première
Symphonie dite « Istanbul », pour instruments classiques et
orientaux), etc. Renseignements : www.saisondelaturquie.fr
Ministres de la Culture ©Jean-Philippe
Baltel
« Multiple(s)
Empreinte(s) »,
tel est l’intitulé de la saison 2009-2010 de l’Ensemble genevois
Contrechamps. Outre ses nombreux concerts dédiés à la musique
contemporaine, cette remarquable formation multiplie les activités
pédagogiques : Concerts pour les enfants, Répétitions générales, Concerts
commentés, Interventions des musiciens ou d’un musicologue, Ateliers en classes
primaires et enfantines, Les enfants et la création, Partenariat avec la Haute
École de musique de Genève. Renseignements : 8, rue de la
Coulouvrenière, CH-1204 Genève. Tél. : +41 (0)22 329 24 00. www.contrechamps.ch
©Contrechamps
Le Prix des Muses 2009,
mention in honorem, a été attribué à Jean Mongrédien,
professeur honoraire à la Sorbonne, pour son ouvrage en 8 volumes Le Théâtre-Italien de Paris (1801-1831),
chronologie et documents. Les éditions Symétrie ont, à cette occasion,
mis en ligne le site www.theatre-italien.fr (site compagnon des 5 384 pages de la version papier) permettant
d’effectuer des recherches, en plein texte, dans les index de cette monumentale
monographie. Renseignements : 04 78 29 52 14. http://symetrie.com
Le Concours
international de saxophone de Ville-d’Avray (ouvert aux saxophonistes de toutes nationalités,
sans limite d’âge) se déroulera les 13 et 14 mars 2010. Le programme
comporte trois créations d’œuvres de Nicolas Bacri, Philippe Hersant et
Jean-Louis Petit [notre photo]. Renseignements : Festival de
musique française - 34, avenue Bugeaud, Paris XVIe. Tél. 01 78
33 14 57. http://int.comp.paris.va.free.fr/index.html
©DR
2010 :
« La voix dans la formation du musicien ». Les 29, 30 et 31 janvier 2009, se
tiendront, à Boulogne-sur-Mer, des rencontres nationales autour des thématiques
suivantes : La voix dans la
construction de la personnalité / La
voix dans la formation artistique / La voix, parcours de formation. Renseignements : Institut français d’art choral (Abbaye-aux-Dames, BP 125, 17104 Saintes
Cedex. Tél. : 05 46 92 99 54. www.artchoral.org
Jean-Luc Hess, président de Radio France, se
félicite de la progression de l’audience des stations France Musique (1,6%) et
France Culture (1,5%) [source Médiamétrie].
Maison de Radio France (vue depuis la Tour
Eiffel) ©Gérard Ducher
Ircam : Le détail de la saison 2009-2010
est en ligne. Consulter : http://www.ircam.fr/saison.html
***
Haut
Grands Prix 2009 des
Boulevards de l’affiche. Dans la catégorie Musique ont été couronnées les affiches
ci-dessous. Renseignements : www.boulevardsdelaffiche.com
« A song a day keeps the doc away » (China Daily)
©DR
« Manuel de
Falla a été sauvé de l’échec par la France », estime Elena García Paredes, petite-nièce du
compositeur & directrice du Fonds Manuel de Falla. Et
d’ajouter : « Il savait que s’il restait en Espagne, il devrait se
contenter de monter des zarzuelas et de donner des cours de piano ». Renseignements : www.diariodeleon.es/noticias/noticia.asp?pkid=457249
Manuel de Falla ©DR
Selon « The Global Language Monitor », la langue anglaise aurait - avec Web 2.0 - franchi le cap du million
de mots.
©GLM
« Africa » de Toto, revisité slovène : www.koreus.com/video/perpetuum-jazzile-africa.html
©Perpetuum Jazzile
Music not
just for the soul… « La musique
classique pourrait avoir des effets thérapeutiques » affirme le Professeur
Luciano Bernardi de l’Université de Pavie. Elle affecte directement le
cœur, les artères et les poumons ont démontré les tests effectués auprès d’un
panel de 12 chanteurs & de 12 personnes non musiciennes. Musiques
diffusées : extraits de Turandot (Puccini),
de la IXe Symphonie (Beethoven),
de Nabucco & La Traviata (Verdi) et d’une cantate de Bach. Étude parue
dans Circulation : Journal of the
American Heart Association. Renseignements : www.cbc.ca/arts/music/story/2009/06/23/study-italian-heart-therapy.html
Sports &
musique… Si Héraclès brillait dans les
activités sportives et militaires, il était moins habile pour les arts et les
choses de l'esprit. Son maître de musique, le malheureux Linos – frère
d’Orphée - l'apprit à ses dépens. La lyre n’étant pas du goût de son
élève, celui-ci lui défonça le crâne avec l’objet du litige. Convaincu de
meurtre, il sera toutefois acquitté en vertu de la loi de Rhadamante qui lui
accorda… la légitime défense.
Héraclès tuant Linos. Dessin de
Nicolas Poussin
American way of
life… Aux
États-Unis, les adultes estiment être des martyrs du travail. Ce n’est
certes pas le cas de leurs enfants, lesquels ont des rythmes autrement moins
soutenus que ceux de leurs homologues européens - pourtant réputés paresseux… Les
jeunes Américains ne travaillent, en effet, que 180 jours par an, contre une
moyenne de 195 en Europe et de plus de 200 en Asie du Sud-Est. Ils ne
travaillent que 32 heures par semaine, contre 35 en France, 37 au Luxembourg,
44 en Belgique, 53 au Danemark, 60 en Suède. Fin des cours en début
d’après-midi, une seule heure de travail à la maison ; trois mois de
vacances d’été… Aussi Barack Obama juge-t-il urgent de repenser tout
cela : « On ne peut plus tabler
sur un calendrier académique conçu pour une Amérique, pays de fermiers qui avaient
besoin de leurs enfants pour les travaux agricoles ». Regroupées
dans l’association « Knowledge is Power Programme » (KIPP), un
millier d’écoles (sur quelque 90 000) ont déjà rompu avec le
système : avec des horaires quotidiens de 7h30 à 17h, des cours certains
samedis ainsi que deux semaines en été (The
Economist, June 13th-19th 2009)…
Mais quid, dès lors, des activités culturelles et
sportives qui, jusqu’à présent, se déroulaient l’après-midi ? Articulum tacet…
Disques d’or, de
platine, de diamant… Toujours
plus bas sont les seuils d’attribution. Pour l’or, il est ainsi passé de
100 000 (en 1999) à 75 000 (en 2006) et à 50 000 (en
2009). Pour le platine, de 200 000 à 100 000. Pour le
diamant, de 750 000 à 500 000. Et ce, en raison du
téléchargement illégal : les ventes de CDs se sont, en effet, effondrées de
60 % en six ans. Source : Syndicat national de
l’industrie phonographique (Tél. : 01 44 13 66 66. www.disqueenfrance.com/fr)
Optimisme… « Les femmes font
maintenant de la politique et les hommes dansent » (Anne Teresa de Keersmaeker,
commentant The Song, son dernier ballet (Le Monde du 1er août
2009).
©DR
Terapia tanguera : www.tangovia.org
Plus de 800 Music Shops auraient fait, depuis 3 ans, l’objet
d’attentats à la bombe dans la vallée pakistanaise de la Swat. Source : www.freemuse.org/sw34395.asp
Les femmes
aussi ! Superbe complément à nos dossiers sur les compositrices, le Centre Pompidou lance
un site consacré à nos contemporaines dans les arts visuels : http://elles.centrepompidou.fr
Justice islamique : Un Iranien a été
condamné à cinq ans de prison ferme pour avoir mis en musique le Coran. Source :
www.adnkronos.com/AKI/English/CultureAndMedia/?id=3.0.3538866073
From Australia : « La situation précaire de
la musique dans les écoles publiques ne signifie pas seulement la perte, pour
nos enfants, d’une dimension importante de la vie, mais aussi le manque de développement
de certaines de leurs fonctions du cerveau et compétences sociales. La
Chine et le Vénézuela l’ont fort bien compris, ainsi que les parents
australiens, mais nos politiciens sont sourds ». Source :
www.abc.net.au/rn/backgroundbriefing/stories/2009/2612176.htm
Dont acte… L’exact « crédit photographique »
de la couverture de notre n°561 n’était pas : ©Sylvain Rivaud, mais : ©Sylvain Rivaud/Cinezik.net
***

Haut
Tango à l’Institut finlandais de Paris. Le jeudi
10
septembre 2009
, à
20h,
se
produiront la pianiste Laura Mikkola [notre photo], l’accordéoniste Pedro
Hietanen et le saxophoniste Jukka Perko. Renseignements : 60, rue des Écoles, Paris Ve.
Tél. :
01 40 51 89 09
. info@institut-finlandais.asso.fr
©DR
La XXe édition du festival
« Présences » se déroulera à Paris les 18, 19 et 20
septembre & les 13, 14 et 15 novembre 2009. 24 compositeurs ; 20
créations (14 mondiales, 6 françaises) dont 12 commandes de Radio France ;
11 concerts gratuits. Sans préjudice de sa toute nouvelle implantation à
Shanghai, les 30 avril, 1er, 2 et 4 mai 2010. Renseignements : 01 56 40 15
16. www.concerts.radiofrance.fr
Cité de la musique : Gustav Leonhardt. Domaine privé. Du mardi 15 au samedi
19 septembre 2009
. Renseignements :
01 44 84 44 84
. www.citedelamusique.fr
Le Festival Baroque de Pontoise [essentiellement
dédié, cette année, à Purcell et à Haendel] se déroulera durant six week-ends, du
11 septembre au 18 octobre 2009. Avec la participation d’une quinzaine
d’ensembles réputés et de nombreux solistes. Renseignements : 7, place du Petit-Martroy, 95300
Pontoise. Tél. : 01 34 35 18 71. www.festivalbaroque-pontoise.fr
Pontoise, Château de l’Hermitage ©DR
Auditorium du Louvre, saison 2009-2010.
« Classique en images » est
dédié… au Baroque (raretés filmées depuis les origines de
l’enregistrement / William Christie, Jean-Claude Malgloire, Jordi
Savall…). « France-Russie 2010 »
(Boris Berezovsky, Gleb Ivanov, Capella de Saint-Pétersbourg, hommages au
Bolchoï et au Mariinsky, Cédric Tiberghien, Alina Ibragimova…). Cycles
« Piano solo », Musiques de chambre », « Voix », « Concerts du jeudi », « Musiques traditionnelles ottomanes », « Électrons libres », « Duos éphémères », « [concerts (œuvre)²] », « Umberto Eco »… Six séances de
films autour de « Gustav Mahler, le
Bohémien viennois », avec une conférence de Henry-Louis de La Grange… Informations : 01 40 20 55
55. www.louvre.fr/llv/auditorium/alaune.jsp
©RMN/Arnaudet
La Péniche Opéra, Compagnie nationale de théâtre lyrique
et musical, présente, du 19 au 23 octobre 2009, à 20h30, deux opéras de Paul
Hindemith : Aller-retour et Le long dîner de Noël. En création
française. Direction musicale, transcription & traduction :
Lionel Peintre. Mise en scène : Mireille Laroche. Renseignements : Bassin de la
Villette/ 46, quai de la Loire, Paris XIXe. Tél. : 01 53
35 07 77. www.penicheopera.com
©DR
Opéra de Tours. Saison 2009-2010 : La Clémence de Titus (Mozart), Pas sur la bouche ! (Yvain), Le téléphone / Amelia va au bal (Menotti), Capuleti
e Montecchi (Bellini), Dialogues des
Carmélites (Poulenc), Tosca (Puccini). Pour Jeune Public : Concert pour les petites oreilles (Ravel, Bernstein, Milhaud), La boîte à joujoux (Debussy), La ronde des animaux (Fr. Krief), L’histoire de Babar (Poulenc). Renseignements : 02 47 60 20 20. http://operadetours.com
©DR
« Les Concerts de poche », en
tournée… Avec notamment le concours, en septembre-octobre 2009, de :
Marianne Piketty & Éric Le Sage, Henri Demarquette, Caroline Casadesus,
Gary Hoffmann, Svetlin Roussev, Michel Dalberto, Philippe Cassard, Hélène
Delavault, Marie-Christine Barrault, l’Ensemble Pasticcio Barocco, Vassilena
Serafimova, Jean-François Zygel & Antoine Hervé... Renseignements : 01 60 71 69
35. www.concertsdepoche.com
Carnatica Brothers (K.N. Shashikiran, P. Ganesh et
leurs musiciens) se produiront - pour la première fois en France - le vendredi
25 septembre, à 20h30, en l’Auditorium du Musée Guimet. Gottuvadhyam (ou
Chitra Vina) & chant. Renseignements : 01 40 73 88
18. www.guimet.fr/-auditorium
©DR
Conservatoire national
supérieur de musique & de danse de Lyon. Les très riches heures de la saison de ce
prestigieux établissement sont en ligne sur : www.cnsmd-lyon.fr/e.php?lsd=9x354&tc=5
CNSMDL ©DR
Desperate Singers : Requiem for Klaus Nomi. Oratorio burlesque &
tragique. Œuvres de Henry Purcell, Olga Neuwirth, Eugène Kurtz, Raymond
Murray Schafer et Luciano Berio. Avec Brigitte Peyré (soprano), Alain
Aubin (contre-ténor), Olivier Pauls (mise en scène). Ensemble Télémaque,
dir. Raoul Lay. Création le
28 septembre
2009
, au Théâtre
des Bouffes-du-Nord, à Paris. Reprise le
21
novembre 2009
,
au Théâtre de la Minoterie, à Marseille. Renseignements :
04 91 39
29 13
. www.ensemble-telemaque.com
©Max Minniti
Invités par l’Orchestre de Paris (dir. Kristjan Järvi), Richard Galliano (bandonéon)
& Yamandu Costa (guitare) se produiront le mardi 27 octobre, à
20h,
au Théâtre du Châtelet,
Paris. Au programme : Estancia (Ginastera), Suite pour
guitare à sept cordes & orchestre (Carrilho), Concerto pour
bandonéon (Piazzolla), La noche de los Mayas (Revueltas). Renseignements :
01 40 28 28 00
. www.orchestredeparis.com
Francis Cousté
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Recensions de spectacles en France
& en Europe
Apothéose wagnérienne à Aix-en-Provence
L'aventure
wagnérienne aixoise débutée en 2006, s'achève avec Le
Crépuscule des dieux. Ce qui
restera dans la mémoire, c'est avant tout la prestation de
l'Orchestre philharmonique de Berlin, et comment le
prince des phalanges européennes s'inscrit, sous la houlette de son chef Simon
Rattle, dans l'univers opératique, sans
rien abandonner de son identité symphonique. La dernière journée du Ring est
un immense poème musical qui comprend ses moments purement orchestraux, le
Voyage de Siegfried sur le Rhin, incandescent d'envolée joyeuse ici, la Marche
funèbre, glorification exaltée et non pas déploration grandiloquente, où Rattle
laisse un temps se déchaîner ses forces orchestrales. Mais c'est beaucoup plus.
Ce qui fait le prix de cette interprétation, c'est
la lisibilité, la continuelle transparence sonore, le fondu de la texture quel
que soit le registre, de la force la plus tellurique à l'impalpable poésie. Et
que dire de ces transitions géniales entre scènes. Ainsi du changement de
climat s'opérant après le sombre monologue de
Hagen, pour décrire l'isolement dans lequel se trouve Brünnhilde, la désolation
de la femme seule. On se prend à redécouvrir tel trait des violoncelles
qu'affectionne le compositeur, tel chatoiement orchestral enluminé par
les bois, la cantilène des six harpes alignées, la noirceur abyssale
du discours - prélude du II - qui vous entraîne dans d'insondables
profondeurs. Le naturel de l'expression chantée, refusant l'emphase, domine une
distribution qui frôle l'excellence. N'est pas un détail le fait de confier le
rôle de Waltraute à Anne Sofie von Otter. Car
pour être courte, la seule scène où elle intervient est cruciale, alors que
cette sœur de Brünnhilde l'exhorte à la
raison. Gerd Grochowski tire le meilleur de la partie de
Gunther, de son timbre de baryton expressif. Combien de chanteurs sont-ils
capables ces jours de rivaliser avec Ben Heppner quant à la ligne de chant et à
la maîtrise du registre aigu de Siegfried ? Son
naturel touchant n'a d'égal que la décontraction vocale dont il forge l'ultime
récit des exploits du héros. La Brünnhilde de Katarina Delayman tient le choc.
La féminité dont elle pare cette belle figure emporte l'adhésion, comme
l'expressivité de son chant jusque dans les passages exposés. Mikhail Petrenko,
Hagen, manque sans doute de creux lors des appels aux vassaux, mesuré à un
orchestre lancé à pleine puissance. Mais le mordant froid qu'il apporte confère
une singulière force aux interventions de cet agent maléfique.

C'est
un des traits essentiels de la mise en scène de Stéphane Braunschweig que de se
concentrer sur les dialogues dont la lisibilité théâtrale capte l'atmosphère
sans sombrer dans quelque réinterprétation imposée. Deux
exemples : l'échange entre Alberich et Hagen qui ouvre le IIe acte a
cette force incantatoire qui scelle un pacte de mort. Le trio qui conclut ce
même acte, où Brünnhilde humiliée en vient à dévoiler comment trahir, mise sur
une retenue tout sauf vengeresse. Pactes transgressés, trahisons réciproques, Braunschweig évite tout pathos dans
les confrontations qui jalonnent ce récit épique où l'on passe du monde des
dieux à celui des hommes et à ses vanités. Reste
que l'affadissement des rapports entre personnages, le
déclin des destins héroïques à l'heure de l'héritage encombrant laissé par les
dieux du Walhalla, ce Wotan dont l'ombre apparaît fugace lors de l'immolation
de Brünnhilde, le trouvent peut-être moins inspiré. L'espace, jusqu'alors cerné, se libère mais le dépouillement
décoratif qui élude à dessein tout figuratif laisse un sentiment de trivialité
à des passages tels que la réunion de famille des Gibichung ou la scène des
vassaux – à laquelle Rattle ôte musicalement aussi toute grandiloquence.
***
Un concert historique
La
résidence en Aix de l'orchestre berlinois est aussi l'occasion de concerts
symphoniques. Pierre Boulez était aux commandes dans un programme réunissant Bartók,
Ravel et lui-même. Moments exceptionnels s'il en est que la réunion de ce
musicien nimbé de gloire et pourtant si éloigné de la vedette d'estrade, et de
ces instrumentistes fameux, visiblement sous le charme. Musique pour cordes, percussion et
célesta achève la brillante synthèse entre les recherches
de Bartók puisées à la tradition hongroise et modernisme
basé sur le rythme et l'harmonie novatrice. À l'exemple de ces deux groupes de cordes disposées de part et d'autre d'un noyau
central de percussions. De ce kaléidoscope sonore
où les dissonances se rapprochent d'un certain expressionnisme, mais
dont le texte est animé d'un sens suprême de la forme, Boulez offre une vision
unifiée et, pour le citer, « partagée entre évidence et
émotion ». Ambiguïté tonale, vitalité rythmique
rivalisent avec richesse d'accents, notamment à l'intense adagio, sorte de
nocturne qui distille le mystère, comme l'andante tranquillo initial installait l'angoisse. Le final est tout de saveur
populaire. Suit le Concerto pour la main gauche de
Ravel et son univers luxuriant. Prodige de la forme, là encore. Au-delà du tour de force qui consiste à donner par la seule main gauche
l'impression d'un jeu couvrant le spectre sonore des deux mains, on y admire
l'asservissement d'une extrême virtuosité à un discours comme
improvisé, la fonction à caractère rhapsodique aussi de l'orchestration d'un
coloriste absorbant jusqu'aux syncopes du style jazz. Pierre-Laurent Aimard [notre photo] et son ami Boulez en livrent une exécution
serrée, animée d'une véhémence tragique, presque panique, que seule la partie
centrale, une cadence qui ne dit pas son nom, tempère pour un moment d'une
relative détente.
©Paul
Cox
Le
pianiste, fêté, prend alors la parole pour annoncer non pas un bis, mais
« un complément de programme ». Il
jouera les cinq Notations pour piano (1945),
dont la version orchestrale figure ensuite au programme. Géniale idée. En effet, les Notations pour orchestre I à
IV et VII (1980-1999) sont inspirées de
ces pièces pianistiques, non à la manière d'une simple orchestration comme le
faisait Ravel, mais telles des extensions, des dérivés - suivant
le concept cher à l'auteur - d'œuvre en
devenir. Alors que la manière des pièces pour piano
rappelle Messiaen, dont Boulez venait de suivre la classe au Conservatoire, leurs sœurs pour
orchestre forment un élargissement de l'espace-temps
musical. Il est fascinant de voir le compositeur chef d'orchestre, de sa
sobre battue d'une redoutable efficacité, obtenir des Berlinois
de chatoyantes sonorités sous une apparence d'épure, comme il est étonnant de
constater comment Boulez tire parti de la quintessence que lui offrent ses
miniatures pianistiques pour en extrapoler une texture harmonique et des
couleurs d'une richesse insoupçonnées.
***
Idomeneo revu par Olivier Py
Mozart
n'a pas toujours de la chance à Aix. Mais la nouvelle production de Idomeneo, pour
moderne qu'elle soit, est à considérer. Là où son collègue en
charge du Wagner joue la discrétion introspective, Olivier Py inscrit sa régie
dans la dramatisation et le mouvement. La
dimension politique, dont celle récurrente ces temps, de l'esclavage, le
rapport père-fils et la question de l'infanticide, la violence à peine contenue
entre personnages forgent un drame qui se veut actualisé. L'élément
décoratif (Pierre André Weitz) - quelque cité stylisée à la couleur
froide de l'acier - s'impose. Une batterie de praticables, découvrant plusieurs niveaux qui se métamorphosent en autant de combinaisons
différentes, forme un écrin mobile pour saisir un grand brassage de situations
et illustrer quelque tragédie grecque moderne. Le dispositif met en exergue le chœur et
permet de différencier les scènes plus intimistes. Direction d'acteurs d'un
homme qui connaît ses classiques, jeux de scènes ingénieux explicitent un opera
seria dont Mozart a déjà dépassé les rigidités. Omniprésent depuis sa
machination de la tempête qui jette Idomeneo sur le rivage crétois, le dieu
Neptune va manier les fils d'un drame qu'il veut inexorable. La quête de
violence primitive réclamant le sacrifice d'une vie imprime quelque chose d'inéluctable
à une action dont chaque personnage crie sa vérité. Réflexion/action
telle apparaît la différence entre Idomeneo et Idamante. Le premier est torturé
par une issue à laquelle il ne peut échapper dès la première rencontre avec son
fils - ici à travers un jeu de miroirs, belle idée. Idamante oscille entre amour simple et volonté de réconciliation, car
« prophète de paix » il ne conçoit pas la violence. Ilia
a la force de caractère d'une femme qui prend son destin en main
car, selon Py, elle est « le génie politique de la pièce ». Elettra, dernière incarnation d'une figure gluckiste, restera manipulatrice et
enjôleuse, comme hors du temps. On n'oubliera pas l'image
saisissante de la fin du IIe acte,
qui voit surgir les quatre cavaliers de l'apocalypse sur une vision de feu. La
symbolique maçonnique de la scène des prêtres du IIIe acte
n'est pas éludée.
Nul
doute impressionné par pareille régie, la
direction de Marc Minkowski révèle un vrai sens de l'urgence et a des accents
tranchés. La scansion réservée aux arias d'Elettra a quelque
chose de rageur. À la caractérisation dramatique des airs répond une
extrême émotion musicale. Les récitatifs laissent sur le qui-vive
et les ensembles plongent au cœur de l'expression théâtrale.
Peu de chanteurs aujourd'hui confèrent au rôle-titre
autant de conviction que Richard Croft. Les vocalises, d'une
époustouflante précision, sont au service d'une expression
bouleversante. L'Idamante de Yann Beuron, ténor, forme
un contraste intéressant, vocalement et dramatiquement. Sophie Karthäuser
atteint une sorte d'idéal dans Ilia, quintessence du chant mozartien, et
Mireille Delunsch apporte son immense métier à la partie tragique d'Elettra.
Celle d'Arbace est transfigurée par Xavier Mas. Surtout,
tous ont ce suprême « souci du dire » qui apporte à ce chef-d'œuvre le frisson
de la tragédie antique.
***
The Fairy Queen à Glyndebourne
Pour
ses 75 printemps, le festival de Glyndebourne s'offre une
cure de contes de fées. The Fairy Queen de
Purcell puise au Songe d'une nuit d'été de
Shakespeare. Ce semi-opéra est composé de la pièce et de musique qui la
complète plus qu'elle ne l'adapte, car pas un mot du grand Will
n'est mis en musique. Mais tout contribue à révéler
la fantaisie souvent onirique que véhicule un texte plein de rebondissements et
de facéties, en soi un vrai manifeste de l'imagination humaine, aux confins du
réel et du romanesque. La pièce réarrangée et
réduite, bien que conservant une substantielle durée, est entrecoupée
d'intermèdes musicaux, les masques, autant des divertissements que des
illustrations comme en miroir, car chacun d'eux est relié thématiquement au drame. Ces parties musicales, par le truchement du chant, du
mime et de la danse, et à travers une extrême variété d'airs et d'ensembles,
prolongent les idées qui y sont contenues, où le pouvoir de l'inconscient, la
force libératoire du rêve, la fantaisie nocturne produisent une inextricable alchimie d'amour, de poésie, de folie. Ce
sont tour à tour le masque du sommeil, ou de la féerie et de
l'illusion, celui de la séduction ou de l'amour enchanté sous toutes ses
formes, le masque du jour nouveau et des quatre saisons, et enfin celui du
mariage, où raison et sentiment sont réconciliés, à l'instar de l'union enfin
scellée des deux couples amoureux de Shakespeare. La pièce dans la pièce,
Pyrame et Tisbé, jouée par de vrais-faux comédiens amateurs
truculents, est là pour ajouter un brin de déraison dans les joutes amoureuses.
Voilà de quoi enflammer l'imagination d'un metteur en scène et Jonathan Kent
n'est pas en reste. Durant près de quatre heures il nous tient en haleine en
une profusion de tableaux mêlant genres et époques, enchantement
et comique débridé, érigeant l'hybride en principe sans sombrer dans
la facilité - et ce jusque dans l'extrême : une scène de
fornication mettant aux prises une myriade de lapins ! Le
spectacle rebondit par moult effets de surprise, dont les illustrations décoratives
ne sont pas les moindres : machinerie agile, débauche de costumes
chamarrés, visions allégoriques. Et l'on passe de l'élégiaque à
la plus franche excitation dans une sorte d'improvisation, inhérente à
l'univers shakespearien.

William
Christie préside aux destinées musicales. Il nous révèle que l'origine
du semi-opéra est française, celui-ci ayant à voir avec la
comédie-ballet, et combien
Purcell, un grand cosmopolite en son temps, a puisé à diverses influences, même
italienne. Il démontre combien les interventions musicales
de cette œuvre sont étonnantes, riche instrumentation à
l'aune des ces bois caquetant, effets spéciaux de dynamique pour des contrastes
marqués, remarquable fluidité de l'écriture. Et l’Orchestra
of the Age of Enlightenment répond par des merveilles de fraîcheur sonore. L'élégance du phrasé, l'extrême finesse du discours sont un constant
ravissement. La troupe, nombreuse, réunissant acteurs, chanteurs, danseurs, est
marquée au coin de la jeunesse. C'était un souhait du chef, par souci de
vraisemblance, que de faire jouer cet hymne à la juvénilité par de jeunes interprètes.
Combien a-t-il raison ! Sans parler des acteurs hors pair – un
intarissable Bottom - on signalera les interventions des sopranos Claire
Debono, Lucy Crowe ou Carolyn Sampson, des ténors Ed Lyon et
Sean Clayton ou de la basse Andrew Foster-Williams, tous des habitués
des ouvrages montés par Christie. Bonne nouvelle : Ce spectacle,
coproduit par l'Opéra-Comique, y sera présenté en janvier
2010.
***
Rusalka et le monde enchanté des ondines
Pour
sa première production de Rusalka de Dvořák,
Glyndebourne engrange un autre beau succès. La metteure en scène Melly Still, qui
vient du ballet et livre aussi sa première prestation opératique, conçoit une
dramaturgie narrative qui illustre parfaitement ce que cette pièce doit à ses
origines de conte comme à son univers merveilleux.
Une de ses idées force est de restituer le mouvement des ondins par
une myriade de danseurs vêtus de noir au point de se faire oublier, qui portent
ou hantent les habitants du lac comme s'ils évoluaient dans l'eau même. Cette visualisation des ébats
aquatiques emporte aussi l'idée de la démultiplication des esprits
des lieux comme des forces invisibles qui sous-tendent
l'action. Aussi le trait sera-t-il de nouveau utilisé lors des imprécations de
Jezibaba pour faire devenir mortelle la nixe Rusalka.
La sorcière n'est-elle pas alors entourée d'une pléiade de ses semblables
imitant ses faits et gestes. Belle vision encore que la transformation qui
s'opère chez l'ondine, la révélation de sa féminité : après
qu'elle a vu disperser son carcan de sirène, elle en vient, toute
chancelante, à fouler amoureusement ses jambes libérées, comme découvertes. Au deuxième acte,
Rusalka subira le déguisement de l'habit de mariée, comme malgré elle, et
restera isolée durant les fastes de la noce, presque repoussée en son statut
d'épouse officielle. On est loin de la réécriture psychanalytique de l'équipe
Wieler-Morabito à Salzburg ou de la transposition en miroir opérée par Robert
Carsen à Bastille. Si le signifiant peut
paraître en retrait, le spectacle gagne en lisibilité et sa poétique éclate
avec une force peu commune. À part la mine
patibulaire réservée à Vodnik, l'Esprit des eaux, singé en quelque Alberich,
les personnages sont croqués avec habileté et naturel. Ce que renforce l'amusant
mélange des genres dans les costumes, modern style pour les invités de la noce,
genre papier crépon chez les sœurs de l'héroïne, alors que
celle-ci se voit, comme d'autres nixes des eaux profondes,
avant sa mutation humaine, délicieusement agrémentée d'une immense queue de
sirène virevoltant en autant de méandres blanchâtres. Les
profondeurs de la forêt et de son lac enchanté, plongés dans un sombre
environnement que seule la lumière modifie en intensité, sont suggérées par un
judicieux dispositif ménageant les deux plans des eaux et du rivage. Au dernier
acte le baiser de mort de la nixe à son Prince inconstant laisse le sentiment
du drame inéluctable d'une trahison annoncée.

Musicalement
l'achèvement est encore plus incontestable. Car Jiri Belohlàvec connaît
mieux que quiconque son Dvořák. L'orchestre - un LPO chatoyant - regorge d'un chaud lyrisme qui se répand en de
belles phrases caressées, voluptueuses presque. Le savant réseau
de leitmotive qui le tisse prend le sens de l'évidence malgré
sa complexité. L'intensité symphonique apportée ne fait que mieux ressortir
combien la pénétrante instrumentation de ce chef-d'œuvre porte
le chant. Anna Maria Martinez est une Rusalka vibrante d'humanité et d'une
souveraine beauté vocale dans un rôle fort exigeant dramatiquement. Tous les
autres protagonistes, fort sollicités par leur régisseure, et dont on mesure le
profit tiré d'une longue période de répétitions, font honneur à la réputation
de la maison. Ainsi la Jezibaba histrion de Larissa Diadkova, le beau métal de
ténor de Brandon Jovanovich, dans le Prince, ou la basse sonore de Mischa
Schelomianski, Vodnik. Le public ne s'y trompe pas, qui
leur réserve une ovation triomphale.
Jean-Pierre Robert
Haut
La riche saison 2009/2010 de
l'Opernhaus de Zurich
Comme
de coutume la prochaine saison zurichoise, qui ne présentera pas moins de 36
productions d'opéras, offre un riche panel de nouveautés et de reprises,
défendues par la crème des chefs d'orchestre et des chanteurs qui font la
réputation de la maison. Pour ce qui est des œuvres données pour la
première fois - encore une des originalités de l'Opernhaus - on citera : Mosè
in Egitto de Rossini, dans une régie de Moshe Leiser et
Patrice Caurier, avec Erwin Schrott dans le rôle titre, Der
Ferne Klang de Franz Strecker, créé en 1912
(régie de Jens-Daniel Herzog, et direction de Ingo
Metzmacher) et Il Corsaro de
Verdi, mélodrame d'après Byron, dirigé par le jeune chef danois Eivind Gullberg
Jansen. Viendront aussi de nouvelles productions de Luisa
Miller (Barbara Frittoli, Fabio Armiliato, Léo Nucci) et de Rusalka,
décidément à l'honneur partout en Europe, ces
temps. Le renouvellement du répertoire se poursuivra avec les productions de Madama
Butterfly (dirigée par Carlo Rizzi), Il Barbiere
di Siviglia que conduira le vétéran Nello Santi, Les
Contes d'Hoffmann, dans une régie de Matthias Langhoff avec Laurent
Naouri dans les quatre rôles de vilain, Salomé, dirigée par Christoph von Dohnanyi, et La Femme sans ombre, qui
marquera le retour du précédent GMD, Franz Welser Möst, à la tête d'une
prestigieuse distribution. Enfin Nikolaus Harnoncourt dirigera Idomeneo qu'il mettra en scène ; une première.
Le
répertoire italien sera fort représenté pour ce qui est des reprises. D’abord
par Verdi, avec six autres opéras : Ernani (dir. Nello Santi), Simone Boccanegra (Carlo Rizzi), Il Trovatore (Adam Fischer), Rigoletto, La
Traviata (avec Renée Fleming) et l'immanquable Nabucco. De Puccini, on
donnera La Bohème et Tosca (régie
de Robert Carsen), de Rossini La Cenerentola, et
de Donizetti Don Pasquale. Il
faut encore signaler Boris Godounov et Eugène
Onéguine - qu'incarnera Thomas Hampson - l'un et l'autre conduits
par Vladimir Fedoseyev, Carmen, et surtout Königkinder,
l'autre chef-d'œuvre de Humperdinck, avec Janos
Kaufman, une rare occasion de retrouver le grand ténor dans une salle qui a
tant fait pour sa réputation, désormais mondiale.
Le
versant allemand sera représenté par Strauss, avec Elektra, que
conduira Daniele Gatti, nouveau directeur musical, Der
Rosenkavalier - direction de Peter Schneider, avec Renée Fleming
en Maréchale - et Ariadne auf Naxos (mise
en scène de Klaus Guth et direction de Mark Elder) ; mais
aussi une reprise attendue de Der Freischütz (P. Schneider) et de Die
Meistersinger von Nürnberg, le
seul Wagner de la saison (dir. Philippe Jordan). Enfin
Mozart verra à l'affiche Don Giovanni (dirigé
par une autre figure, Theodor Guschlbauer, avec Carlos Alvarez), Cosí fan
tutte (dir. Franz
Welser Möst), La Clemenza di Tito et Die
Zauberflöte. Le
baroque, peut-être moins favorisé cette année, verra néanmoins une reprise
d'importance, Orlando de
Haendel, dirigée par William Christie, et une nouvelle production de La
grotta di Trofonio de Salieri (donnée au Théâtre de
Winterthur).
Renseignements : Opernhaus Zürich, Falkenstrasse 1, CH-8008 Zürich.
Tél. : 00 41 44 268 66 66. www.opernhaus.ch
***
L'Opéra de Lorraine-Nancy : Une
saison 2009/2010 frappée au coin de l'originalité
Pour
sa quatrième année de contrat en tant que label national, l'Opéra
de Lorraine-Nancy offre une programmation inventive et variée, affichant sept
spectacles mêlant répertoire et curiosités. Rossini ouvrira le bal avec son inénarrable Il Viaggio
a Reims, dans une production qui sillonnera l'hexagone puisque coproduite par pas moins de 17 maisons d'opéras. Un quarteron
de jeunes chanteurs sera à l'œuvre (du 4 au 10 octobre 2009). Suivra -
en coproduction avec Toulouse - Medea de Cherubini,
dirigée par Paolo Olmi, dans une mise en scène de Yannis Kokkos, un habitué des lieux (du 10 au 19 novembre). Pour
les fêtes de fin d'année (du 26 décembre au 1er janvier) on montera La Vie Parisienne que
Jacques Offenbach a dotée d'une musique enfiévrée. Dirigée par Claude Schnitzler, cet opéra bouffe sera produit par Carlos
Wagner à qui l'on doit une zarzuela nancéenne d'anthologie. Nouveauté
à Nancy aussi que Pelléas et Mélisande dirigé par Juraj Valcuha et mis en scène par Alain Garichot (du 20 au 29
janvier 2010). Une soirée en « double bill » réunira Trouble in Tahiti de Bernstein et L'Enfant et les sortilèges de
Ravel, curieuse combinaison a priori, que le metteur en
scène Benoît Benichou annonce faire prospérer par un dispositif décoratif modulable
commun aux deux pièces (du 19 au 26 mars). La fortune souriant aux
audacieux, La Ville morte de
Korngold sera ensuite à l'affiche, dirigée par Daniel Klajner
(du 9 au 18 mai), autre exemple de « correspondance » entre
un musicien et un poète, en l'occurrence Georges Rodenbach. La
régie de Philipp Himmelmann se promet d'être sagace (du 9 au 18 mai). La
saison s'achèvera avec Othello de Verdi, dirigé par
Paolo Olmi et produit par Jean-Claude Berutti (du 13 au 22 juin).
Outre
des concerts de l'Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, dont les
programmes seront souvent en lien avec les spectacles lyriques présentés, il
faut saluer deux initiatives importantes. La mise en place d'une mission
d'insertion professionnelle de jeunes artistes dans le domaine du lyrique, qui
dispensera des diplômes du niveau licence sanctionnant une formation en
alternance pour les métiers du chant et de musiciens d'orchestre. Un
Centre de formation des apprentis, à
vocation nationale, sera ainsi ouvert à la rentrée 2009 pour des jeunes de
18-25 ans. Ce projet qui s'inscrit dans la philosophie du « plus
et mieux » prônée par la direction nancéenne,
constitue une première en France. Par ailleurs, sera proposée une formule
d'abonnement commun avec l'autre scène lorraine, l'Opéra théâtre de
Metz métropole, préfigurant un rapprochement si longtemps souhaité
(il offrira, côté Metz, quatre spectacles : La
Bohème, Hamlet, L'Attaque
du moulin - une rareté d’Alfred Bruneau - La
fausse Magie, pièce peu connue de Grétry, et L'Opéra
de Quat'sous).
Renseignements : 1, rue
Sainte-Catherine, 54000 Nancy. Tél. : 03 83
85 33 20. opera@opera-national-lorraine.fr ; www.opera-national-lorraine.fr
Jean-Pierre Robert
***
Pierre Amoyal
« Jouer et
transmettre »
Propos recueillis
par Gérard Denizeau
C’est à l’occasion
d’un concert au sein du magnifique complexe du « Cœur de Ville » de
Vincennes que se produit la rencontre avec Pierre Amoyal. Silhouette
juvénile, sympathie immédiate et grande simplicité dans toutes ses attitudes…
le célèbre violoniste ne pratique rien, à l’évidence, du triste culte de la
personnalité qui dénature tant de discours dans le monde musical. Le
voudrait-il d’ailleurs, qu’il n’en aurait guère le loisir, tant le programme de
ses activités a de quoi donner le vertige :
L’été aura tout été… sauf tranquille. De juin à
août, le relevé des concerts, masterclasses, académies et autres manifestations
n’est pas des plus aisés, de l’espace Beaulieu de Lausanne (création, par La
Camerata de Lausanne du Concerto pour cor
des Alpes du compositeur hongrois Ferenc Farkas, décédé le 10 octobre
dernier, dans sa 95e année) au Festival des Nuits du Suquet, à
Cannes, animé par l’ami Gabriel Tacchino pour un concert Mozart-Rota-Tchaikovski,
en passant par Dax, Montebello en Italie, Saint-Riquier, Compiègne… pour y
faire entendre Mendelssohn, Bach, Weber, Britten… À titre plus
individuel, le programme inclut Salzburg pour l’académie du Mozarteum à
laquelle je suis chaque année fidèle… l’occasion de donner, notamment, la Deuxième sonate pour piano et violon de
Roussel, en compagnie du pianiste Bruno Canino. Sans préjudice de Mozart et de
Brahms. Courchevel ensuite, pour y retrouver - avec Pascal Devoyon qui
anime l’académie estivale - la ronde des concerts et des masterclasses…
Septembre ne sera pas moins animé, inscrit sous le signe de modernes
Schubertiades pour Espace 2, la grande chaîne musicale suisse.
Moscou ensuite, et sa nouvelle Maison de la musique aux 2 500 places
destinées à des auditeurs de Haydn et de Mendelssohn. À l’est toujours, et
toujours un peu plus loin, Singapour. J’y serai en octobre…
Quelques mots sur la
Camerata de Lausanne ?
Créée en 2002 par le Conservatoire de Lausanne, à mon
instigation, la Camerata entend renouer avec la tradition des ensembles se
produisant sans chef. Elle forme un ensemble d’instruments à cordes à géométrie
variable selon le répertoire interprété, accompagné parfois de clavecin ou de
piano, et dont les membres sont admis sur concours. En provenance des
quatre coins du monde, les talents qui la forment constituent un ensemble
homogène, dynamique et de même tradition instrumentale. Ils peuvent ainsi
conjuguer formation musicale de haut niveau et vie professionnelle. L’enthousiasme,
le plaisir de faire de la musique et la complicité qui leur est propre sont de
rigueur. La Camerata de Lausanne s’est produite dès ses débuts, en Suisse
et en Europe, dans différents festivals (Radio France et Montpellier, Mozarteum
de Salzburg, Toulon et sa région, Correspondances des Pays de la Loire), et en
concert à la Fondation Gianadda de Martigny et à l’Opéra de Lausanne, ainsi
qu’à Amsterdam, Damas, Beyrouth, Paris, Grenoble, Marseille, Mérignac,
Biarritz, Milan, Catane, Venise, Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Singapour,
Macao, Bangkok et Shanghai. Elle a tenu la partie musicale des
représentations du Directeur de théâtre de Mozart et de La canterina de
Haydn à l’Opéra de Lausanne et à Tourcoing, sous ma direction. Cette
saison, elle se produit au festival des Friches musicales d’Évry, au Pôle Culturel
de Wasquehal, ainsi qu’au festival Correspondances des Pays de la Loire.
Ouverte, stimulée par les nouveaux projets, elle construit son répertoire et
ses activités professionnelles au fil des rencontres. Souvent sollicitée pour
aller au-devant des jeunes, elle partage aussi son exigence d’une musique
sensible, nuancée et profondément ressentie avec des publics de tous horizons
et de toutes cultures. La Camerata de Lausanne bénéficie de nombreux
soutiens, notamment de la Ville de Lausanne et du Canton de Vaud.
La transmission du
savoir reste l’une de vos grandes préoccupations…
Le secret de l’humanisme musical, c’est avant tout le
refus d’un certain égoïsme. Aucun antidote plus puissant en la matière que
celui d’une jeunesse à guider. Mais sans jouer au chef… Ainsi, à la
Camerata de Lausanne, je reste à jamais « un éternel étudiant ».
D’ailleurs, il vaut de rappeler comment l’affaire s’est déroulée. Il y a
sept ans, après de longues années d’enseignement à Lausanne, je me suis trouvé
dans la curieuse situation d’avoir à compléter une formation de jeunes
instrumentistes à laquelle il manquait un violon. Non seulement, je n’ai
vu aucun inconvénient à servir ainsi notre maîtresse à tous, la musique, mais
encore cette expérience a-t-elle été déterminante. Car, lors de la
première répétition, me retrouvant sur scène avec mes propres élèves,
c’est-à-dire des musiciens de haute qualité mais ne possédant pas encore de
statut professionnel, j’ai éprouvé soudain une émotion absolument inédite,
d’une incroyable profondeur. Il me semblait que quelque chose d’inespéré
m’était soudain révélé avec ce partage. Quelque chose qui dépassait tout ce que
j’avais pu connaître sur toutes les scènes du monde en tant que concertiste.
Oui, je n’hésite pas à le dire, cette répétition reste le second grand choc de
ma vie d’artiste. Le premier, je l’avais subi, tout enfant, avec
l’audition du Concerto de Tchaïkovski
par Jascha Heifetz. Un inoubliable
électrochoc. Dans l’instant, ma destinée venait d’être fixée. Et
dès le lendemain, je passais avec mon violon ces heures de travail dont je
savais déjà qu’elles seraient le lot de tous les jours de ma vie.
Au gré de votre
carrière, vous êtes passé du Conservatoire de Paris à celui de Lausanne.
Je garde un excellent souvenir de mes collègues de la Rue
de Madrid, notamment de Maurice André et de Jean-Pierre Rampal. En
revanche, j’ai rencontré là-bas quelques petites difficultés administratives
quant à l’exercice de ma double activité de concertiste et d’enseignant. À
Lausanne, ou d’ailleurs d’une façon générale en terre germanique, il est bien
plus facile d’enseigner sans rien réduire de son activité de concert. Sans
compter l’estime très supérieure dont jouissent les pédagogues en ces pays.
Sans négliger non plus la majoration des émoluments ! En ce qui me
concerne, non seulement le cumul des activités n’a rien de contraignant dans
ces conditions, mais il est nécessaire. D’ailleurs, je me suis aussi
tourné vers d’autres champs exploratoires, le théâtre par exemple, avec le
célèbre clown américain Buffo (Howard Buten) ; un projet de film est même
en route.
Il y a quelque chose de merveilleux dans la découverte du
violon par les jeunes élèves. Cet instrument est si ardu au départ, il
nécessite tant de passion pour vaincre les premières difficultés ! Quand
on lit l’enthousiasme dans l’œil d’un petit garçon ou d’une petite fille
affronté à ces difficultés, ou quand on prête attention à la qualité du silence
qu’il ou elle observe après avoir joué… quel bonheur ! Et quelle certitude
de ne pas se tromper quant aux aptitudes de ces tous jeunes impétrants à la
gloire musicale ! Car la musique se fait avant tout dans le silence qui
précède le jeu de l’archet. Qui précède le rêve, donc… lequel ensuite se
concrétise ou non. Il est un autre silence tout aussi important, celui qui suit
l’exécution, une sorte d’observation rétrospective de ce qui vient de se
passer. Je suis extrêmement sensible à ces deux moments. Et aussi
bien sûr, à la part du silence qui est endémique à la musique elle-même.
Que vous inspire le
durcissement de la carrière musicale au cours des dernières décennies ?
Ce durcissement, cette déshumanisation, il me semble qu’on
ne peut y échapper qu’au prix d’une absolue sincérité. Il faut refuser le
vedettariat dans tout ce qu’il a de facile, de superficiel. Compter, par
exemple, sur ce qu’on arrive à extraire de l’instrument et non sur tout un jeu
de mimiques faciales destinées à impressionner la partie la plus crédule du
public. Récemment, on m’a fait découvrir sur YouTube une étrange vidéo
montrant, sans bande sonore (je pense qu’il s’agit du triple concerto de
Beethoven), les traits de trois artistes qui donnent à voir tout le panel des
moues qu’est sensée provoquer la musique sur le visage de ceux qui l’exécutent.
Il y a là démonstration, par l’absurde, de la nécessaire précellence du son
pour tout ce qui est musical ! Il me revient, à ce sujet, que mon
maître Jascha Heifetz nourrissait quelque inquiétude, dans les années 70,
en voyant les contorsions de Jacqueline Du Pré. Que penserait-il
aujourd’hui ? La musique, elle n’est pas un spectacle racoleur !
Vous
êtes l’auteur du curieux aphorisme : « Qui a deux femmes perd son
âme, qui a deux violons perd la raison » (Pour l’amour d’un Stradivarius, Paris, Robert Laffont, 2004,
p. 214).
J’ai eu la chance d’entamer ma vraie carrière avec l’un
des plus célèbres violons du monde, le Kochansky Stradivarius de 1717.
Pendant très longtemps, je n’en ai usé que pour les répétitions et les
concerts. Soudain, un jour, il m’est apparu que c’était toute ma vie que je
devais partager avec ce merveilleux instrument, y compris les heures
d’exercice. Puis cet instrument m’a été volé, presque par hasard, en
1987. J’ai alors racheté l’instrument de Christian Ferras, avant de
récupérer, en 1991, l’instrument qui m’avait été dérobé. À cette
occasion, j’ai compris l’impossibilité du mariage à trois, et j’ai revendu le
« remplaçant ». Le nom de Christian
Ferras nous renvoie d’ailleurs à la question que vous posiez plus haut,
relative à ce durcissement de la « compétition musicale » qui aura
été le fait du second XXe siècle. Christian, cet artiste
merveilleusement doué, m’a raconté comment, au seuil d’un concert très
important à Philadelphie, il a combattu la déferlante du trac par l’absorption
d’un verre d’alcool, avant de jouer magnifiquement. Prélude à la descente
aux enfers…
Précisément,
comment échapper à la malédiction du trac ?
Bon, comme je ne fais pas partie des bienheureux
inconscients qui peuvent très bien clore un excellent repas cinq minutes avant
d’entrer en scène, sans la moindre inquiétude, il m’a bien fallu mettre en
œuvre une certaine stratégie pour combattre l’angoisse d’avant le concert.
J’avais d’ailleurs été à bonne école, ayant assisté à la métamorphose de Jascha
Heifetz lorsque, parvenu à 70 ans, il s’était retiré de la scène ;
oubliées la peur et la tension, il était redevenu un homme libre, apaisé.
Moi aussi, je serai content le jour où ça s’arrêtera ! Sans rien oublier
des formidables joies que m’auront procurées ces innombrables concerts formant
la trame de ma destinée. Mais des joies payées au prix fort !
Pour combattre la pression, je me suis livré à une pratique assidue du sport,
ce qui, au passage, m’a évité de ces tendinites et autres douleurs qui frappent
si régulièrement les violonistes. Oui, le secret de la sérénité est
peut-être là, dans le déroulement d’une vie saine. Et aussi dans
l’exercice d’une responsabilité permanente à l’endroit de tous ces jeunes gens
qui, en retour, me transmettent leur bienfaisante énergie, cette fraîcheur
propre au premier âge de la vie, qui est celui de tous les apprentissages.
________________
Enregistrements
récents de Pierre Amoyal
Jean-Sébastien BACH : Concertos pour violon BWV 1042 et BWV 1043. Mars
2009. CD Asin : B001QVCFLY.
Albert HUYBRECHTS : Musique de chambre. Pierre Amoyal, Marie Hallynck, David
Lively, Yuko Shimizu-Amoyal. Juin 2009. CD Asin : B0027REDKM
Petr Illitch TCHAÏKOVSKI : Musique de chambre (à paraître).
Haut
CHANT
Canons d’hier et d’aujourd’hui. Lyon. Voix Nouvelles (info@voix-nouvelles.com). Diffusion Cerf, distribution Sodis.
2009. 24 p. 14 €.
Préfacé par Jean-Michel Dieuaide, ce recueil sera
aussi utile aux animateurs qu’aux enseignants qui y trouveront un choix de
canons bien connus : Dona nobis
pacem ; Gelobet sei der Herr,
mein Gott (J. S. Bach) ; Praise
God (Th. Tallis)… et à
découvrir : Tout au long du chemin sur les paroles de Didier Rimaud et la musique plus développée de Christian
Villeneuve, avec accompagnement d’orgue. La valeur pédagogique de la
forme du canon est indéniable. Cette sélection très bien présentée de 15
canons, de caractère didactique, s’imposera d’emblée : succès assuré.
Édith Weber
FORMATION MUSICALE
Anthony
GIRARD : L’orchestration de Haydn à
Stravinsky. Billaudot : G8195B.
S’il est quelqu’un de capable d’un tel travail, c’est bien
ce compositeur, orfèvre en la matière. Le propos d’Anthony Girard n’est pas d’écrire
un nouveau traité d’orchestration mais de montrer à travers des exemples de
treize compositeurs, de Haydn à Stravinsky comment on peut passer d’une
écriture pianistique à l’écriture orchestrale. Pour ce faire, l’auteur utilise
des réductions pour piano à deux ou quatre mains (ou une version pour piano
préalable) des extraits d’œuvres qu’il propose. À partir de cette version pour
piano, il montre comment les auteurs ont orchestré leurs œuvres en dévoilant et
expliquant les différents procédés qui permettent la plénitude et la beauté de
la réalisation orchestrale. On rêverait d’un CD qui nous restituerait les
différentes étapes de la démonstration, de la réduction pour piano à la version
achevée, en passant par les différents moments du travail d’orchestration tel
qu’il nous est décrit. À nous de faire travailler notre « oreille
intérieure » pour suivre le travail jusqu’à sa réalisation finale.
Celui-ci est découpé en différentes étapes : instrumentation des parties
principales, doublures, fonds, effets particuliers. Terminant par un extrait de
la Symphonie liturgique d’Arthur
Honegger, l’auteur conclut ainsi : « Les techniques
d’orchestration découlent toujours directement du geste créateur. Si l’idée est
puissante et authentique, alors s’ouvrent les portes de l’imaginaire
orchestral. Il n’y a pas d’autres critères pour juger une orchestration que le
plaisir qu’elle offre. […] Mais que vaudrait une superbe orchestration sans une
envergure créatrice qui lui donne un sens ? » Qu’ajouter à
cela ?
Anthony GIRARD : Le langage musical de Bartók dans le 4e Quatuor à cordes. Billaudot : G 8674 B.
Dans ce sixième cahier d’analyse, Anthony Girard étudie, à
travers une de ses œuvres, un auteur dont le langage musical est
particulièrement original. Comme toujours, il nous conduit de découvertes en
découvertes par une analyse où la technique est toujours au service de la
compréhension intime de la musique. Trois grandes parties : intensité
expressive et abstraction, les aspects les plus significatifs du langage, et la
forme. La démarche est d’une parfaite logique et permet d’aborder cette œuvre
complexe sans risque de s’y perdre. Laissons conclure l’auteur : « La
musique de Bartók, dans ses réalisations les plus abouties, laisse à penser que
cette obsession formelle, ce besoin de symétrie, ces préoccupations numériques
rejoignent la quète éternelle de la beauté absolue ».
Patrick
KERSALÉ : Légendes et mythes. Thèm’Axe 3.
2DVDs. Lugdivine.
C’est avec un peu de retard que je rends compte de ce
remarquable travail de Patrick Kersalé sur les légendes et mythes du monde. La
musique occidentale n’est pas oubliée, avec l’Orfeo de Monteverdi, Les
Indes galantes de Rameau et la Chevauchée des Walkyries de Wagner. Le
premier DVD est consacré au tour du monde, le second est entièrement consacré au
Râmâyana en Inde, en Indonésie, et à ses adaptations. Ces deux DVDs sont d’une
très grande richesse et d’une exploitation rendue facile par les différents
outils proposés, dont le livret de quatre-vingt pages qui accompagne l’ensemble
sous forme de fichier pdf.
PIANO
Dominique LE GUERN,
Jacques GUIONET, Jorane CAMBIER : Le
petit Pianorama. Classique, jazz, variété, musiques de films… Répertoire
progressif à partir de la première année. Album + CD.
Hit-Diffusion.
On ne peut que louer l’esprit qui a présidé au choix et
aux arrangements des nombreuses pièces (plus de cinquante) contenues dans ce
recueil : aussi simples soient-ils, ces morceaux respectent l’esprit et
l’harmonie des originaux. Même si les auteurs n’ont pas rédigé de programme
pédagogique pour leur recueil, celui-ci transparaît dans la succession des
difficultés. À chaque professeur de mettre à profit ce remarquable
travail. Les auteurs souhaitent que cet ouvrage devienne « le compagnon
indispensable de tous les apprentis pianistes dans la découverte de
l’instrument et du langage musical » : gageons que ce sera bien vite
le cas ! Le CD comporte non seulement chaque pièce, interprétée avec
beaucoup de goût, mais pour certaines d’entre elles un play-back orchestral de
la meilleure venue. Voilà donc un recueil à conseiller vivement pour les
débutants en piano.
Charles HERVÉ et
Jacqueline POUILLARD : 33 études
pour piano. Lemoine : 28664 H.L.
Il s’agit d’une compilation par Ch. Hervé et J. Pouillard
d’études ou de pièces d’auteurs divers connus ou moins connus, comme Schumann,
Czerny, Bartók, Goedicke, Maikapar… classées de façon qu’elles permettent une
approche de tous les « jeux » typiques du piano. Reprenant les
dénominations d’études célèbres, nous trouvons au hasard : « pour le
staccato, pour la vélocité, pour l’approche des sonorités nouvelles »,
etc. Voilà donc un ouvrage très méthodique qui permet d’aborder chaque
difficulté avec de la bonne musique.
FLÛTE TRAVERSIÈRE
Éric LEDEUIL : La flûte imaginative. Méthode de
flûte traversière en deux volumes. Volume 1. Album + CD.
Leduc : AL30 365. Cahier : AL30 366 + CD.
Cette méthode en quatre langues (français, allemand,
anglais, espagnol) propose une formation musicale complète à l’intérieur du
cours de flûte. Elle aborde aussi bien la technique classique que la technique
contemporaine à travers des exercices qui sont autant de petits morceaux de
style proposés aux élèves. La méthode comprend également des ateliers permettant,
par des exercices auditifs, une approche de l’improvisation et de la
composition. Des cadres historiques complètent le tout pour permettre au jeune
flûtiste de situer son instrument dans l’histoire de la musique et des
musiciens. Ajoutons que le CD est remarquablement enregistré et comporte les play-back
d’un certain nombre de pièces.
CLARINETTE
Claude CROUSIER,
Evdokija DANAJLOSKA, Jean-Luc HERVÉ, Bruno MANTOVANI, Alberto POSADAS, Philippe
SCHOELLER, Fuminori TANADA : Pièces contemporaines pour clarinette. Album
+ CD Lemoine : 28331 H.L.
Ce recueil a été coordonné par Aude Richard-Camus en
étroite collaboration avec les compositeurs dont certains ont, par ailleurs,
enregistrés eux-mêmes leur œuvre sur le CD. Celui-ci comporte l’exécution de
l’ensemble du recueil. Certaines pièces sont pour clarinette seule, d’autres
sont des duos de clarinette ou clarinette-piano. Il s’agit, selon le mot même
d’Aude Richard-Camus, d’un fabuleux projet de transmission et de création.
Certaines pièces sont d’écriture classique. D’autres font appel aux sons multiphoniques
ainsi qu’à d’autres techniques de jeu contemporaines. Les indications
pédagogiques ne manquent pas, ainsi qu’une notice détaillée sur chacun des
compositeurs qui ont participé au projet.
Philippe RIO : Trois paysages marins. Pièce en trois
mouvements pour clarinette sib et piano. Lafitan : P.L.1841.
Pièce de vacances s’il en est, car nous passons de L’écume sur les falaises à À marée basse dans la brume pour finir
par Jeu de balle sur la plage. Ces
pièces, de niveau débutant ou élémentaire, sont pleines de poésie et d’entrain.
Marie-Luce
SCHMITT : 1 – Mélancolie, pour
clarinette sib et piano. Lafitan : P.L.1881.
Quelle pièce jolie et délicate d’une compositrice qui se
dit modestement « compositrice de pièces pédagogiques » !
Première d’une série de quatre morceaux consacrés aux mesures irrégulières à
cinq et sept temps, cette Mélancolie vise,
entre autres, à privilégier le « passage du la au si »
qui, selon l’auteur, orfèvre en la matière, reste la principale difficulté de
la clarinette. Destinée au niveau préparatoire, cette œuvre devrait, selon le
vœu de l’auteur, donner au jeune clarinettiste beaucoup de plaisir, tant dans
le travail que dans l’interprétation.
SAXOPHONE
François
ROSSÉ : Jonction, pour saxophone
alto et piano. Leduc : AL 30 436.
François Rossé, qui a écrit un poème placé en exergue de
son œuvre, se propose une fusion intime entre piano et saxophone, bien loin du
soliste et de l’instrument accompagnateur. Il fait très souvent appel aux sons
multiphoniques tels qu’ils ont été proposés par Daniel Kientzy, mais d’autres
combinaisons sont possibles. Une pièce exigeante à découvrir.
Betsy JOLAS : Walking
ground, pour deux saxophones altos. Leduc : AL 30 435.
Cette pièce constitue le deuxième volet de la suite Pueri apud magistros exercentur. « Les
enfants s’exercent auprès des maîtres » : y a-t-il un plus beau
programme que cette citation de Cicéron ? Ces pièces sont conçues comme
des duos maître-élève. Paradoxalement, la partie du maître est plus
facile que celle de l’élève pour lui permettre de mieux surveiller le jeu de
son disciple ! Les autres pièces, Allo,
Oh là !, Scat sont écrites de la même manière et forment un ensemble
cohérent. Dans cette pièce, le jeune saxophoniste emboîte le pas des noires
marchantes (walking) sur l’immuable
dallage du thème-série (ground).
Enzo GIECO : Bastelicaccia 2007 pour saxophone alto
et piano. Delatour : DLT 1620.
Cette pièce sans grande difficulté est pleine de charme et
de musicalité. La partie de piano n’offre pas non plus de difficulté insurmontable.
Ce pourrait être l’occasion de faire exécuter un duo à deux élèves de niveau
élémentaire ou moyen.
François
ROSSÉ : Sonate en arcs pour
saxophones alto et soprano combinés alternant avec un autre saxophone « au
choix ». Anne-Fuzeau production : E.F. 8642.
Cette pièce a été écrite en 1982 sur la proposition de
Daniel Kientzy, qui en est le créateur et le dédicataire. Elle s’inscrit dans
la recherche de pratiques instrumentales nouvelles, peut-être plus recherchées
dans les années 80 qu’aujourd’hui, où elles sont devenues des
« classiques ». Il s’agit de séquences dont certaines s’exécutent
avec deux saxophones joués simultanément. L’exécutant est évidemment guidé pas
à pas dans cette pratique originale.
TOUS INSTRUMENTS À
VENT
Jean-Louis DELAGE,
Matthieu DELAGE : Welcome to flute, 10
pièces faciles avec play-back. Album + CD. Hit Diffusion.
Six autres recueils, avec les mêmes transcriptions dans la
même tonalité réelle, ont été réalisées pour : hautbois, clarinette, saxophones en sib et mib, trompette
et cor en fa. Ainsi
l’exécution simultanée (à l’unisson ou à l’octave) est-elle possible : ces
sept recueils sont donc à recommander chaudement pour des « bœufs »
interclasses. De Mozart à We are
the champions en passant par Offenbach et Édith Piaf, voilà un recueil bien
sympathique. Le CD, pour les morceaux rapides, donne le play-back à différentes
vitesses, permettant une mise en place aisée. Certes, ce recueil est aux
antipodes du précédent, mais il ne faudrait pas bouder notre plaisir devant ces
arrangements fort bien faits et qui constitueront - n’en doutons pas - la
récréation des jeunes instrumentistes.
BATTERIE
Alain BEMER, Guy
MAUNY, Bernard ZIELINSKI : La Groove
Attitude, pour batterie solo. Lafitan : P.L.1913.
Ces six pièces originales, de styles variés, dont deux
dans le style des musiques celtiques, visent à mettre en valeur la musicalité
des instrumentistes et à tester leur technique. Présentés au début du recueil,
les auteurs viennent de divers horizons. Les conseils pédagogiques sont très
précis et les élèves seront guidés pas à pas.
Sébastien CALCOEN,
Michel NIERENBERGER : Le tapeur de
galets pour batterie et piano. Lafitan : P.L.1906.
Pleine d’humour en même temps que de musique, cette pièce
devrait charmer les batteurs de niveau préparatoire. Je ne résiste pas au
plaisir de donner la définition du Tapeur de galets : « percussionniste
improvisé des années 1970, jouant avec des objets non manufacturés (galets,
bouts de bois, etc.). Leur seul défaut était de jouer en dépit du bon
sens, tout en s’obstinant à se produire en même temps que les musiciens engagés
pour ce faire. » (L’Argot du musicien d’Alain Bouchaux, Madeleine Juteau et
Didier Roussin).
Bernard ZIELINSKI,
Michel NIERENBERGER : La Sylphide
d’Hangzhou, pour caisse claire, grosse caisse, cymbale, hi-hat et piano.
Niveau : 1er cycle – 1re année. Lafitan : P.L.1802.
Cette pièce est un véritable petit récit en musique,
dialogue entre la Sylphide conquise et le Cavalier. Elle peut être interprétée
avec un récitant. On y trouve le thème du « jeune homme » et celui de
la « bien aimée »… À jouer et mettre en scène très vite !
MUSIQUE D’ENSEMBLE
Jean-Baptiste
BRÉVAL : Les nocturnes ou six airs
variés pour un violon et un violoncelle – 1782. « Facsi-Music »,
Anne Fuzeau Productions : 50 162.
Cette collection, rappelons-le, est destinée à mettre à la
portée de tous des fac-similés sans préface ni notes, de façon à ce que le coût
en soit minoré, en gardant la qualité des fac-similés. C’est le cas de ces
charmants duos, non sans difficultés mais de bonne facture, qu’on aura plaisir
à découvrir… et à jouer !
ORCHESTRE
MENDELSSOHN-BARTHOLDY : Symphonie in A « Italienische »
op. 90. Bärenreiter Urtext : BA 9094.
Les éditions Bärenreiter
poursuivent leur publication monumentale des œuvres de Mendelssohn. Outre la
partition de cette symphonie éditée avec le soin que l’on connaît, on peut
apprécier la copieuse et très intéressante préface, ainsi que la bibliographie
rédigées par Christopher Hogwood. Sont ici présentées dans leur intégralité les
deux versions de 1833 et 1834. On voit tout l’intérêt de cette édition. On peut
aussi obtenir, sous la référence BA 9094, l’ensemble du matériel
d’orchestre.
Daniel Blackstone
MUSIQUE DE CHAMBRE
Elisabeth
AIGNER-MONARTH & Antoinette Van ZABNER (Éditeurs) : TWOgether, 14 duos pour piano & un
autre instrument. Breitkopf Pädagogik (www.breitkopf.com) :
EB 8647. 15,80 €.
Fort bienvenue est cette publication des éditions
Breitkopf : elle comporte deux duos avec violon (Takács, Bohm), deux avec
violoncelle (Caix d’Hervelois, Kaspar Schmid), deux avec flûte (Mozart,
Hassler), deux avec flûte à bec soprano (Telemann, Aichinger), deux avec
clarinette (Reger, Bresgen), deux avec saxophone alto (Schmitz, Jay) et deux
avec trompette (Haendel, Francl). Avec, bien sûr, les parties
séparées. Le tout assorti de considérations didactiques et de conseils
d’interprétation (en allemand et en anglais). Au bonheur des
chambristes !
Groovy Strings. « String Thing », Breitkopf Pädagogik
(www.breitkopf.com). 140 p., 1CD audio/vidéo. 36 €.
Tout autant que le rythme, le groove peut être enseigné. C’est le but que se sont assigné les auteurs de ce
remarquable album. Vingt-six partitions jazzy pour trio à cordes (deux
violons, un violoncelle ou contrebasse ad libitum), de la plume de Suzanne
Paul, Nicola Kruse, Jens Piezunka ou Mike Rutledge, accompagnées d’utiles méthodologies
et autres recommandations (malheureusement en seul allemand), composent un
album auquel on peut prédire - sans risque excessif - le plus vif succès dans nos
jeunes sphères chambristes.
MUSIQUE ANCIENNE
Jehan BARRA dit
« Hottinet » : Motets et
messes. Introduction & transcription : Jacques
Barbier. « Musica Gallica », éditions Dominique Guéniot
(tél. : 03 25 84 06 72. www.editionsgueniot.fr).
21 x 29,5 cm. 146 p. 28 €.
Au nombre de huit – dont deux Magnificat -, les motets à quatre voix de Jehan Barra dit
« Hottinet » (maître de chapelle, au début du XVIe siècle,
de la cathédrale Saint-Mammès de Langres) illustrent - dans une écriture
polyphonique favorisant de courts duos en imitation - la variété des textes
utilisés pour le calendrier liturgique. Savamment introduite par le
professeur Jacques Barbier, de l’Université François-Rabelais de Tours, cette
magnifique intégrale de l’œuvre religieuse du compositeur comporte également
les Missa de Venerabili Sacramento & Missa Casale Monferrato. Une
précieuse redécouverte.
MUSIQUES D’AUJOURD’HUI
Les éditions
François DHALMANN (Tél. :
03 88 48 49 89
. www.dhalmann.fr) présentent, dans leur
collection Maïa, « Musique
d’aujourd’hui sur instruments anciens » (dir. Éric Fischer) :
- pour
Basse de viole : Plainte de
Bruno Giner
- pour
Viole de gambe : Intermezzo de Patrice Fouillaud
- pour
Clavecin (Cycle 1) : Balouba 1 de Sylvain Kassap, La bleue grise de Patrice Fouillaud, Ricercare de Bruno Gilet, Rives d’Olivier
Dejours, Petit éphémère 1 de Bernard de Vienne
- pour
Flûte à bec alto : Air de
Karl Naegelen
- pour
Flûte à bec ténor : T’so de
François Rossé
- pour
Flûtes à bec soprano & alto (jouées simultanément) : Diaulos 2 de Bruno Giner.
DVD-ROM
TimeStretch. IPEmusic/Prodipe
(tél. : 02 51 32 20 35. www.ipemusic.com). 29,90 €.
Ce nouvel outil (en français) vous permettra de
transposer, d’adapter, de sauvegarder, de graver tout ou partie de vos CDs
audio, fichiers Wav, MP3 ou WMA. Changements aisés de tempo ou de
tonalité (jusqu’à l’octave supérieure ou inférieure) sont désormais accessibles
à tout chanteur et musicien, mais aussi à tout enseignant (pour dictées
musicales ou analyses d’œuvres). Démonstrations sur le site ad hoc.
Francis Gérimont
***
Franck
FERRATY : La musique pour piano de
Francis Poulenc ou le temps de l’ambivalence. L’Harmattan, 2009.
313 p. 29,50 €.
Si Francis Poulenc (1899-1963) est bien connu par son
œuvre vocale en général (mélodies, opéras), religieuse en particulier (Messes, Gloria…), sa musique pour piano surprend. Il estimait d’ailleurs
avoir « raté » sa production pianistique, considérée comme
« intermittent du spectacle ». Cette étude vient à point nommé
démontrer que le musicien, bien que « hanté par le souvenir des
disparus », fait preuve d’une « éclatante contradiction
pianistique ». En historiographe avisé, Fr. Ferraty a exploité à fond
des sources écrites, sonores et visuelles très solides, largement scrutées et
mises en perspective. Sa rétrospective historique se situe à deux
niveaux : mythasmatique et fantasmatique ; sa méthode globalisante
lui permet de dégager la singularité du « cas Poulenc », sa
« trajectoire particulière au sein d’une vaste sphère contextuelle
englobant tous les courants ». L’originalité du livre consiste à
« décrypter les points de convergence et de divergence », première
tentative par rapport au compositeur, à partir de réflexions très neuves
placées sous le signe de l’ambivalence : humour/drame ;
conscience/inconscient ; amour/mort ;
intériorité/extériorité... Après avoir brossé un tableau de la situation
historique (deux guerres mondiales) : réactions au rationalisme, au
mysticisme et au postivisme, mode du folklorisme, culte de l’antique, sacre de
l’art nègre, à côté du primitivisme russe et de l’art de la rue, l’auteur
résume la vie conflictuelle de Poulenc, son adolescence perturbée, ses maîtres
(R. Viñes, Ch. Koechlin) à l’époque d’un entre-deux culturel très
éclectique, d’un croisement de générations. Il dégage ensuite les troubles de
la bi-polarité, l’ambivalence : source de mélancolie permettant d’énoncer
les catégories d’ambivalence et de souligner les phénomènes d’exaltation et de
dépression entretenus par un déséquilibre affectif originel. Étayée de
nombreuses notes révélatrices, de la chronologie des compositions de Poulenc,
d’une importante bibliographie thématique et interdisciplinaire - mais dépourvue
de citations musicales -, cette nouvelle approche de sa musique de piano
retiendra l’attention des mélomanes, analystes, comparatistes et esthéticiens.
Françoise
RICO : Le chant du roseau de
Provence. L’histoire des anches pour instruments à vent, de l’agriculture à
la culture. Auguste-Zurfluh (emilie.zurfluh@orange.fr). 2009, 170 p. 30 €.
Françoise Rico, qui a vécu au milieu des
canniers dans le Var, rend hommage à une « plante musicale » et au
« chant du roseau de Provence ». Ce petit bout de bois est
exploité par les joueurs de basson, clarinette, hautbois, cromorne, entre
autres. Appelées « anches » (arundo donax), ces languettes s’apparentent aux cordes vocales, car
elles « produisent le son ». L’auteur inaugure une nouvelle
discipline associant à la fois l’histoire, l’organologie et l’agriculture au
service de la culture. Les lecteurs seront passionnés par le rappel historique
depuis le IVe siècle, les divers instruments à anche, les familles
de vanniers. Cet ouvrage original évoque les rituels, les étapes de la
fabrication. Il est aussi un régal pour les yeux grâce à ses illustrations très
bien venues (instruments, paysages, artisans…). De conception très neuve, avec
son contenu, sa Table des matières structurée « musicalement » (avec
Prélude, Ouverture et trois mouvements) et quelques Appendices, il représente
une excellente défense et illustration d’un élément sans lequel la musique
instrumentale aurait été lésée de l’Antiquité à nos jours.
Édith
Weber
Pierre
LAFITAN : Les virtuoses
francs-comtois. 2009, Proxitude
(http://www.proxitude.com), 158 p.
14,00 €
Que voilà un curieux ouvrage, qui retrace dans le détail
l’histoire de l’Harmonie de Beaulieu-Mandeure, dans le Doubs, depuis ses
commencements balbutiants autant qu’enthousiastes dans les années 1880 jusqu’au
triomphe de l’année 2008 où elle accède à la division d’honneur.
Anecdotique ? On pourrait le craindre. Mais ce récit passionnant, qui
touche autant à la musique qu’à l’histoire industrielle et, par conséquent,
humaine d’un pays, est en réalité un véritable plaidoyer pour la pratique
musicale amateur : il nous rappelle en particulier que la musique
d’harmonie, si décriée parfois, a été le terreau sur lequel sont nées de
nombreuses écoles de musique. Et cela pas seulement en campagne ou en province,
mais dans certaines banlieues proches de la capitale. De plus, ce livre nous
rappelle aussi le travail patient et courageux – et fructueux ! – de la
Confédération Musicale de France. Précisons que l’auteur est aussi un éditeur
courageux qui édite de très nombreuses pièces pédagogiques de qualité…
Daniel Blackstone
Jean-Yves TADIÉ : Le songe musical. Claude Debussy. Gallimard, 2008. 234 p.
Un livre sur Debussy échappant aux habituelles biographies ou analyses
de l'œuvre, voilà qui mérite attention. Celui de Jean-Yves
Tadié est, avant tout, le dit d'un amoureux d'une
musique « qui échappe à l'ordre de la raison musicale », parce qu'elle est « inspirée par le rêve » ; d'un esthète aussi qui tel Claude de France, pourrait dire « je veux écrire mon songe musical ». Le
témoignage encore d'un fin connaisseur de la chose musicale et littéraire ;
comme son modèle. Outre la relation subtile qui unit musique et littérature,
Mallarmé, Maeterlinck, Proust, des pages pénétrantes sur l'enfance en musique,
sur l'émotion, l'angoisse révélée, les terreurs suscitées, dévoilent un
personnage complexe taraudé par la mélancolie, celle du génie. Et que dire de ces notions consubstantielles à l'univers debussyste
que sont le temps, le silence, la vie intérieure, le rôle de l'inconscient.
Autre analyse perspicace que les amitiés, les autres - entendez ses collègues, vis-à-vis desquels Monsieur Croche antidilettante peut être ironique, plus, féroce. Le
pauvre Grieg en fera les frais et Wagner en sortira molesté. On saisit, au fil du récit, ce qui chez Debussy ressort de l'insaisissable, « un homme au rêve habité » qui
« vit dans un monde
imaginaire », comme on perçoit les principes sur lesquels se fonde son
esthétique, ce sur quoi toute sa reflexion artistique est basée, jusqu'à ce mot si juste « Debussy étrangle les épanchements ». Et de poser cette question : « Au-delà des titres, la musique a-t-elle un sens ? » En un parcours d'impressions forgées à
l'aune de sa propre expérience, l'auteur nous convie à un récit cursif et
poétique. Il met en lumière
un musicien de l'indicible.
Erik BAECK : André Cluytens. Itinéraire
d'un chef d'orchestre. Mardaga, 2009. 416 p.
Le plus français des chefs d'orchestre belges méritait une biographie
moderne digne de son immense talent et de sa grande renommée. C'est ce à quoi
s'est attelé le musicologue Erik Baek, non sans difficulté car l'homme était
discret et secret quant
à ses goûts et opinions. À partir d'archives et d'un riche matériau de témoignages de musiciens
et de critiques, est narrée la carrière de ce directeur musical rigoureux que ses
musiciens respectaient. Après les années d'apprentissage à Anvers, sa
ville natale, et son irrésistible ascension dans les provinces françaises, au Capitole de Toulouse, puis à Lyon, l'installation à Paris à partir de 1942 prend la forme d'une
consécration, à la tête de deux de ses phalanges de renom, l'Orchestre de la
Société des Concerts du Conservatoire, puis l'Orchestre de la RTF, comme de ses
deux maisons d'opéra, l'Opéra Comique et le Théâtre national de l'Opéra.
Comment ne pas se souvenir d'une Salomé, en 1964, dans la mise en scène de
Wieland Wagner, avec Anja Silja, qui créa l'événement. Cet infatigable travailleur, ce grand communicateur, dont la critique
se plaisait à louer la direction sensible, le tempérament vibrant, le sens de
l'analyse, ne pouvait que se hausser au premier plan. Son éclectisme lui
ouvrira les portes des hauts lieux européens de l'art lyrique : la Scala, Venise, Vienne, Munich et Berlin. Bayreuth enfin. Lorsqu'il y débute, à 50 ans, il connaît son Wagner
comme peu et inspire une telle confiance qu'un Windgassen, pilier des ténors de céans, lui confiera « avec vous je pourrais chanter Siegfried sans
répétition ». Présent sur la Verte Colline de 1955 à 1958, puis
en 1965, il sera un des artisans du renouvellement de l'interprétation
musicale, aux côtés de Wieland Wagner, le grand ordonnateur du « Neu Bayreuth ». André Cluytens gardera cependant toujours une
prédilection pour le répertoire français qu'il défendait avec panache. Cette
carrière exemplaire sera marquée sur sa fin par les affres d'un drame personnel (sa passion pour la cantatrice Anja Silja) et précocement interrompue par la maladie. L'ouvrage est complété par
une liste méticuleuse des programmes dirigés par le maître et une bibliographie exhaustive.
Jean-Yves BOSSEUR : La musique du XXe siècle à la croisée des arts. « Musique ouverte », Minerve, 2008. 252 p.
Le thème des échanges entre musique et autres disciplines artistiques a suscité beaucoup de
littérature. Le compositeur Jean-Yves Bosseur se penche sur le XXe siècle finissant qui voit les démarches interdisciplinaires se multiplier. La coexistence n'est pas toujours pacifique, laissant à
l'auditeur-spectateur le soin de débrouiller les fils. Cela ne fonctionnne que s'il y a communauté de pensée. Ainsi en est-il
entre danse et musique, de l'approche de John Cage et de Merce Cunningham, bien
que fondée sur le principe d'autonomie absolue. C'est bien sûr entre musique et
texte que les rapports ont le plus évolué, depuis la phrase-manifeste de Schoenberg pour qui « la fidélité au texte n'a pas plus de rapport avec
la valeur de l'œuvre que la ressemblance avec le modèle n'en a dans la
valeur d'un portrait ». Le couple poésie et musique est écartelé entre
fusion et tension. L'expérimentation peut aller jusqu'à l'éclatement du texte
lorsque le compositeur élabore la parole mise en musique (Stockhausen, Kagel). L'opéra se voit ouvrir des voies nouvelles. Des
genres se font jour, telle la poésie sonore. L'auteur se penche encore sur le
sort de la musique au cinéma, à l'exemple du travail de Hitchcock et de Hermann, qui débarrasse le genre des « grossières caricatures du style romantique avec ses enflures
psychologiques », ou encore sur l'influence de la musique à l'aube de
l'abstraction picturale ou dans l'architecture. Les diverses disciplines
s'interrogent mutuellement et ne sauraient se laisser enfermer dans de fausses évidences. Car « un art doit apprendre d'un autre art l'emploi de
ses moyens et appliquer ensuite, selon ses propres principes, les moyens qui sont à lui et à lui seul » (Kandinsky).
Jean-Pierre Robert
Gisela
Rothe (éd.) : Recorders Based on Historical Models - Fred Morgan
Writings and Memories. Fulda. Mollenhauer, 205 p.
La firme allemande Mollenhauer a publié en juillet 2007 un
grand livre richement illustré entièrement consacré au facteur de flûtes à bec
australien Frederick G. Morgan, bien connu des flûtistes à bec et
également des facteurs de flûtes traversières historiques. En 1978,
l'année des débuts de Fr. Morgan à Amsterdam, Frans Brüggen, Walter van
Hauwe et Kees Boecke habitaient à cent mètres de son atelier. C'est de ces
premiers contacts qu'est né un authentique savoir-faire qui est allé rapidement
au-delà d'un simple savoir-copier, chaque modèle fabriqué par Morgan après de
longues années d'attente pour ses clients, qu'il soit conçu d'après Terton,
Bressan ou Stanesby, étant le reflet du génie propre au maître australien.
C'est grâce à lui que la facture instrumentale haut de gamme a pu prendre un
véritable essor, car Morgan publiait régulièrement les résultats de ses
recherches ou en faisait part lors de conférences. Révélés à Bruges en 1972
lors du concours « Musica Antiqua », ses instruments ont depuis été
utilisés par les meilleurs solistes dans de très nombreux enregistrements de par
le monde. Dans ce grand livre somptueusement illustré également
disponible en allemand où les connoisseurs retrouveront avec plaisir la
fameuse collection de flûtes de Frans Brüggen, on lira les témoignages de
54 auteurs de 15 pays différents, dont ceux de Jean-François Beaudin
(Canada), Philippe Bolton (France) et Barthold Kuijken (Belgique), et, bien
sûr, Fred Morgan lui-même. De nombreuses informations et schémas
techniques séduiront les spécialistes et les inciteront peut-être à publier un
ouvrage semblable pour la traversière. En 2002, Mollenhauer et le
Morgan-Workshop de Daylesford (Australie) ont conclu un partenariat afin de
poursuivre en Allemagne la production du facteur australien.
Jean Cassignol
Arno MÜNSTER : Adorno, une introduction. Hermann
(www.editions-hermann.fr).
Bibliographie. 276 p. 35 €.
Adorno (1903-1969) fut de ces rares philosophes à être
vraiment musicien. Poly-instrumentiste, compositeur élève de Berg, il a
laissé d’abondants écrits musicologiques, souvent décisifs. Or ces
derniers, comme on le sait, ne sont qu’éléments d’une des pensées les plus
riches du XXe siècle. C’est le trajet de celle-ci qu’A. Münster
synthétise dans le présent ouvrage, remarquable par sa hauteur de vues et par
la clarté avec laquelle il rend compte de questions complexes. On assiste
ainsi à la genèse d’une philosophie qui a su s’extirper de la domination du
néo-kantisme et de tous les systèmes qui, visant une totalité, tendent à
liquider le particulier et son expérience subjective (« le Tout, c’est le
non-vrai »). Au contraire, usant avec ses collègues de l’école de
Francfort de méthodes interdisciplinaires associant la psychologie sociale, la
sociologie ou la psychanalyse, Adorno a souhaité défendre « les droits
imprescriptibles de l’individu » aussi bien contre le concept mythifié
(que percera la dialectique) que contre les structures aliénantes du
capitalisme (théorie marxienne de la fétichisation de la marchandise et de la
réification de la conscience). Hantée par l’échec des Lumières et la
barbarie nazie, fuie lors d’un exil douloureux, cette philosophie sociale
matérialiste a également produit une importante critique de la culture et une
sociologie de l’art dévoilant les homologies structurelles entre les œuvres et
la société. Passionnant !
David LEDENT : La révolution symphonique. L’invention d’une
modernité musicale. Préface de Peter
Szendy. « Esthétiques », L’Harmattan. Bibliographie, index.
262 p., 25 €.
Les formes musicales, formes symboliques, entretiennent
avec les formes sociales des « relations intelligibles » que révèlent
les discours sur la musique et les formes de perception de la vie musicale.
C’est ainsi que la « forme symphonique » repose sur l’invention du
concert public au XVIIIe siècle ou sur la possibilité nouvelle au
XIXe siècle de « contempler les œuvres pour elles-mêmes »,
hors des catégories héritées de la société de cour, mais dans le cadre de
l’idéalisation ambivalente de l’individualité (figure romantique du mélomane)
et de l’égalité (démocratie). Cette contribution à une « sociologie
historique des formes musicales », rigoureuse et d’une clarté exemplaire,
se fonde sur un impressionnant appareil théorique appuyé, entre autres, sur
Weber ou Elias. Un livre tout à fait remarquable.
Philippe MAJORELLE : Saint-Saëns. Le Beethoven français. Séguier (www.atlantica.fr).
Bibliographie, chronologie, catalogue des œuvres, discographie. 160 p., 18 €.
La cause de Saint-Saëns, musicien
surdoué et relativement méconnu, gagnera-t-elle à cet opuscule d’amateur ?
Paul Gontcharoff
Buford NORMAN : Quinault, librettiste de Lully. Le poète des Grâces. Traduit de
l’anglais par Thomas Vernet & Jean Duron. Études du Centre de musique
baroque de Versailles. Mardaga (www.mardaga.be).
17 x 24 cm, 384 p., ill. n&b, ex. mus. 38 €.
Bien qu’il fût le dramaturge le plus souvent représenté et
le mieux rémunéré du règne de Louis XIV, l’œuvre du librettiste Quinault
fut longtemps négligée par l’histoire littéraire. La présente monographie
lui rend, pour la première fois, un juste hommage. Où sont précisément
étudiés les livrets de onze opéras, depuis celui de Cadmus & Hermione (1673) jusqu’à celui d’Armide (1686). Sachant qu’après Lully, nombre d’autres
compositeurs mirent ces livrets en musique : Blainville, Mondonville,
Gluck, Piccini, J.C. Bach, Paisiello… En conclusion de l’ouvrage, sont
développés les concepts théoriques de représentation, de mimèsis et de reconnaissance. Mais pourquoi faut-il qu’une
nouvelle fois, ce soit un auteur étasunien qui ait dû prendre l’initiative
d’une telle monographie ? Il prépare aujourd’hui un « Racine et la
musique »…
Jean-Paul
C. MONTAGNIER : Henry Madin
(1698-1748). Un musicien lorrain au service de Louis XV.
Préface de Davitt Moroney. Guéniot (www.editionsgueniot.fr).
16 x 24 cm, 360 p., ill.n&b, ex. mus. 30 €.
Déjà auteur d’un Charles-Hubert
Gervais. Un musicien au service du Régent et de Louis XV (CNRS Éditions), Jean-Paul C. Montagnier s’est intéressé, cette fois,
à la vie et à l’œuvre d’un prêtre-musicien originaire de Verdun, sous-maître de
la Musique de la Chapelle royale de Versailles, dont les motets étaient fort
appréciés à la Cour. Une première partie restitue, en son temps, la
carrière d’Henry Madin (Musicien en province, 1698-1737 / Musicien du roi,
1738-1748) ; la seconde partie propose un parcours critique de l’œuvre
théorique (Traité du contrepoint simple)
et musicale (messes, « un Bouquet pour
le cardinal de Fleury », petits et grands motets), le tout émaillé de
nombreuses citations musicales. Pièces justificatives, catalogue
exhaustif.
Nicolas BERNIER
(1665-1734) : Principes de
composition. Fac-similé du manuscrit « Rés. Vmb. ms 2 » de
la BnF. Introduction par Jean-Paul C. Montagnier (en français et en
anglais). Guéniot (www.editionsgueniot.fr). 18,5 x
23,5 cm, 115 p. 22 €.
De la plume même de « Mr Bernier, ancien maître de musique de la
Sainte-Chapelle, à Paris », considéré comme le meilleur pédagogue de tout le
règne de Louis XV, ces Principes de
composition (ici magnifiquement restitués en fac-similé) visaient à conduire
l’étudiant vers l’art de la composition à 4 et 5 parties - non sans ignorer les
nouvelles théories harmoniques de J.-Ph. Rameau. Voilà qui fera assurément
le bonheur de tout amateur de musique ancienne.
Revue Musica et Memoria, nos 109-112.
Publication de l’association Élisabeth Havard de La Montagne (Le Moulin Blanc,
87300 Bellac. Tél. : 05 55 68 84 75. www.musimem.com).
14,5 x 20,5 cm, 230 p., ill. n&b. 20 €.
D’une inactualité farouchement revendiquée, le quadruple numéro
de cette excellente revue propose : Notes sur quelques lauréats méconnus
du Prix de Rome (J. Daussoigne-Méhul, P. Roll, Ch. Constantin,
R. de Pezzer) / Louis Moreau Gottschalk / Itinéraire de
Paris à La Nouvelle-Orléans du compositeur & chef d’orchestre Eugène
Prévost (1809-1872) / Hommage à Corneil de Thoran, compositeur &
directeur de la Monnaie de Bruxelles (1881-1953) / Un musicien
cubain : Alejandro García Caturla (1906-1940) / Louis Niedermeyer
(1902-1961) et L’École de musique
classique et religieuse / Obituaire 2008 / Revue des revues.
André DAVID
(1922-2007) : Catalogue des œuvres.
Préface d’Alexis Galpérine. Delatour France (www.editions-delatour.com).
14,5 x 21 cm. 24 p.
Suivant en cela le vœu du compositeur, ne sont prises en
compte que les œuvres postérieures à 1970 : pour instruments seuls, en duo
ou trio, pour clavier & voix, pour ensembles instrumentaux (avec ou sans
voix), concertantes, pour soli, chœurs & orchestre, opéra. Discographie,
bibliographie.
Franck
FERRATY : La musique pour piano de
Francis Poulenc ou le temps de l’ambivalence. « Univers
musical », L’Harmattan. 15,5 x 24 cm, 316 p.
29,50 €.
Avec sa propre musique pour piano, Poulenc eut toujours de
curieux rapports d’« hainamoration ». Ne confiait-il pas, en
1954, à Claude Rostand : « Ce
qu’il y a d’étrange c’est que, dès que le piano devient accompagnement de
mélodies, alors j’innove. […] C’est
le piano seul qui m’échappe. Là je suis victime de faux-semblants ».
Foncière ambivalence qu’à la lumière de la psychanalyse, Franck Ferraty met en
évidence. Bien au-delà du répertoire pianistique…
Alain GOUDARD : Le tambour fait vibrer mon esprit (« Entre-deux
n°4 »). Tous les jours,
inventés (« Entre-deux n°5 »). Éditions Mômeludies/CFMI de
Lyon (www.momeludies.com).
14 x 18 cm, 64 p. 10 € (le numéro).
Dans le Fascicule n°4, sont présentées « Les Percussions de Treffort : propos
sur une aventure musicale et humaine » (trente ans à la tête d’un
ensemble réunissant amateurs handicapés mentaux & professionnels de la
musique). Le Fascicule n°5 présente « Traces sur le chemin des Percussions de Treffort » (carnet de
voyage jalonné de multiples rencontres avec artistes, ensembles, compositeurs,
chorégraphes, metteurs en scène…). Un riche et émouvant témoignage
pédagogique.
Barbara
LEBRUN : Protest Music in France. Production,
Identity and Audiences. Ashgate Publishing Ltd (www.ashgate.com). Relié toile sous jaquette. 16 x 24 cm, 200 p.,
ill. n&b. £50.00
Arguant du subit désamour de la critique musicale à l’égard
de Carla Bruni, dès lors qu’elle épousa le Président de la République – comme si
prestige et authenticité ne pouvaient s’accorder qu’avec une conscience de gauche,
alternative -, Barbara Lebrun (University of Manchester) tente de donner sens à
ce paradigme, de comprendre sa formation et sa résilience en France, aussi bien
que les préjudices qu’il entraîne. Retraçant l’évolution de la Protest Music in France depuis 1981, l’auteur
la resitue dans ses contextes économique, historique et idéologique. Dégageant
également les liens entre rock alternatif, labels indépendants, major companies et politiques
culturelles. Mettant par ailleurs l’accent sur deux genres emblématiques des
années 90 : la chanson néoréaliste (authenticité & nostalgie) et le
rock métissé (de musiques maghrébines & rythmes latinos). Tout un
chapitre est, en outre, consacré à Manu Chao (anti-globalisation, thème porteur
à l’international). Sont enfin étudiés la réception de ces musiques, les
festivals et sites qui leur sont consacrés. Riches bibliographie et
discographie.
Stockhausen au
Québec. Revue Circuit. Musiques
contemporaines (www.revuecircuit.ca).
Vol. 19, n°2 (2009). Les Presses de l’Université de Montréal.
23 x 21,5 cm, 120 p., photos n&b. 18 $.
Stockhausen aura fait trois
séjours à Montréal : en 1958 (conférence sur « Le langage
musical » ; entretien radiophonique avec Maryvonne Kendergi, ici
retranscrit), en 1964 (conférence sur « Quatre critères de la musique
électronique » ; concert avec Max Neuhaus & David Tudor), en 1971
(concert du groupe Stockhausen ; « Musialogue » avec Maryvonne
Kendergi ; concert du Collegium vocale de Cologne). Principaux éléments
de la présente livraison : Premiers Kontakte (Jonathan Goldman),
S’orienter avec Hermann Hesse (Christoph von Blumroder), Cl. Vivier and
K. Stockhausen : moments from a double portrait (Bob Gilmore),
Influence de Stockhausen sur les compositeurs électroacoustiques québécois
(Robert Normandeau), Considérations en provenance de Sirius (Michel
F. Côté), La mesure du temps (entretien inédit de Maryvonne Kendergi avec
K. Stockhausen), On Stockhausen’s Kontakte, a lecture/analysis
(John Rea), Analyse par une interprète de Kathinkas Gesang als Luzifers
Requiem (Marie-Hélène Breault). Hors dossier : In memoriam Christian Bourgois (Pierre Boulez & Jean-Jacques Nattiez), Nouveautés
(Réjean Beaucage & Jonathan Goldman). Remarquable ! À
l’ordinaire de cette belle revue…
Sophie
STÉVANCE : Duchamp, compositeur. Préface de Pierre Albert
Castanet. (Sémiotique et philosophie de la musique), L’Harmattan.
13,5 x 21,5 cm, ex. mus. 26,50 €.
Nouvelle publication de notre
éminente collaboratrice (cf. L’EM n°511-512, 562 et Fascicule du
baccalauréat 2010), ce livre met l’accent sur un aspect encore trop peu
connu du père de tous les ready-made, Marcel Duchamp. Outre ses chapitres
introductif et conclusif, l’ouvrage comporte cinq parties : Présentation
des compositions & énoncés musicaux ; La musique conceptuelle ;
La logique de l’œuvre musicale conceptuelle ; Duchamp & la fonction
compositeur ; Duchamp dans la modernité musicale. Non sans
bibliographie, discographie et index nominum.
Márta GRABÓCZ : Musique, narrativité, signification. Préface de Charles Rosen.
« Arts & Sciences de l’art », L’Harmattan. 15,5 x
24 cm, 380 p., tableaux, ex. mus. 34.50 €.
Professeur à l’Université de
Strasbourg, Márta Grabócz a déjà publié plusieurs ouvrages dans les domaines de
la signification musicale, des nouvelles méthodes en musicologie et de la
musique contemporaine. Elle récidive avec le présent recueil de seize articles
(1984-2007) consacré à des aspects ignorés de la musicologie
traditionnelle : signification musicale (mise en lumière des unités
expressives propres à certains styles de la musique occidentale, du Baroque au
début du XXe siècle) et narrativité musicale (regard
analytique porté notamment sur l’organisation de ces contenus expressifs et
leur sens). Selon quatre axes : Théorie de la narrativité et
de ses applications musicales / Analyse narratologique de quelques œuvres
de Mozart et de Beethoven / Analyse de l’œuvre pour piano de Liszt, en
rapport avec les genres littéraires romantiques / Analyse des topiques
& stratégies compositionnelles dans certaines œuvres de Bartók, aussi bien
que des archétypes initiatiques dans les opéras de Dusapin, Mâche et Dazzi.
Francis
COURTOT : Brian Ferneyhough. Figures et dialogues.
« Univers musical », L’Harmattan. 15,5 x 24 cm, ill.
n&b, ex. mus., 26,50 €.
Repensant le rapport
compositeur/interprète/auditeur, Brian Ferneyhough fait excéder les limites de
l’œuvre musicale pour la faire dialoguer avec d’autres disciplines, artistiques
ou intellectuelles. Maître de conférences à Lille III, Francis
Courtot interroge les techniques d’écriture du compositeur, au regard notamment
des grands thèmes de la modernité finissante (langage, dialogue entre les arts
& avec la philosophie, historicité…). Concluant sur d’éthiques
réflexions autour de la modernité et du sens de l’œuvre d’art.
Jean-Marc BEL : En route vers Woodstock. De Kerouac à Dylan, la longue marche des
babyboomers. « Attitudes », Le mot et le reste (tél. : 04
91 73 41 88. www.atheles.org/lemotetlereste).
14,5 x 21 cm, 312 p., 23 €.
Il s’agit là de l’heureuse
réédition du portrait nostalgique de toute une génération « en âge de tuer
mais pas de voter », qui aura grandi avec le rock et assisté à son
évolution - selon Elvis Presley, Ray Charles, les Beatles, les Stones,
Jimi Hendrix, Bob Dylan… mais aussi Jack Kerouac, James Dean, Allen Ginsberg,
Martin Luther King… Longue marche de jeunes rebelles, exilés de l’intérieur, que
l’on réunit désormais sous le nom de « génération Woodstock » (du nom
de ce mythique festival qui se déroula, les 15, 16 et 17 août 1969, auprès du
lieu de résidence de Bob Dylan). Quatre grandes parties composent l’ouvrage : Prologue (En
route vers Woodstock), American Graffiti (It ain’t necessarily so ;
Rock around the clock ; Sweet little sixteen ; We shall overcome), The
times they are a-changin’ (All you need is love), Aquarius (The Woodstock
music & art fair). D’une pierre blanche...
Boris VIAN : Chroniques de jazz. Texte établi &
présenté par Lucien Malson. Pauvert/Le Livre de poche, n°14535.
11 x 18 cm, 416 p. 6,95 €.
Ces chroniques inénarrables, qui tant firent le bonheur
des premiers lecteurs de Jazz Hot,
ont été ici regroupées selon divers tropismes : L’American way of life / Questions de principe / La vie du
jazz / Tradition & évolution / Un certain Panassié / Plutôt
pour / La presse en folie… Un constant bonheur de feuillettement !
Quincy TROUPE : Miles Davis. Traduit de
l’anglais (États-Unis) par Émilien Bernard & Alexis Allais. Préface
d’Yves Buin. « Castor Music », Le Castor Astral (www.castorastral.com). Format de
poche (12 x 18 cm), 224 p., 14 €.
Si vous aimez Miles Davis, ne manquez surtout pas de lire
ce recueil de souvenirs, signé de l’un des rares familiers du trompettiste.
Qui, tout en reconnaissant le génie du musicien, ne laisse pas de nous décrire
le caractère invraisemblablement ombrageux (litote…) d’un Noir haïssant toute
forme d’oncle-tomisme. Au parcours
à tout le moins déconcertant : bopper avec Monk et Parker, hardbopper avec
Coltrane, experimental avec H. Hancock et W. Shorter, de transition
avec Gil Evans, Julian Adderley et Bill Evans, intégrant enfin -
dans sa période « électrique » - les avancées technologiques du funk,
du rock, du rap aussi bien que les influences indiennes, africaines,
antillaises… Un prochain biopic hollywoodien devrait s’inspirer de cet ouvrage, au demeurant fort bien écrit (et
traduit). Magnifique poète, Quincy Troupe n’a-t-il pas remporté par deux
fois l’American Book Award ?
Daniel SOUTIF (Sous
la direction de) : Le Siècle du
jazz. Art, cinéma, musique et photographie, de Picasso à
Basquiat. Musée du quai Branly/Skira-Flammarion (www.editions.flammarion.com).
Broché à rabats, 24 x 28 cm, 448 p., illustr. n&b et
couleurs. 49,90 €.
Si vous n’eûtes pas l’heur de visiter cette merveilleuse
exposition (Paris, musée du quai Branly, 16 mars-28 juin 2009), ne ratez surtout
pas son admirable catalogue ! Montrant l’évolution des goûts et des modes
de pensées, ce fort volume (quelque 2,160 kg) ouvre des perspectives dans
tous les domaines de la création : musique certes, mais aussi peinture
(Léger, Dubuffet, Man Ray, Matisse, Picabia, Pollock, Basquiat…), photographie,
cinéma, littérature, poésie… En sept parties : Archéologie du jazz / L’âge
du jazz (1917-1930) / L’ère du
swing (1930-1939) / Temps de
guerre (1939-1945) / Be-bop (1945-1960) / La révolution free (1960-1980) / Époque contemporaine (1960-2002). Avec, en justes annexes, biographies et bibliographie.
Jean-Christophe
MARTI (Texte et musique) & Christophe SAWADOGO (Illustrations) : Le
Grand Dépaysement d’Alexandre le Grand. Conte musical pour douze
voix, un percussionniste et deux comédiens jouant en langue des signes.
Avant-propos de Philippe Carbonneaux. Ensemble Musicatreize, dir. Roland
Hayrabedian. Actes Sud Album cartonné, 21 x 21 cm, ill.
couleurs, CD inclus. 25 €.
Il s’agit là du 5e conte
musical - mêlant chanteurs et musiciens, parfois comédiens et danseurs - publié
chez Actes Sud par Musicatreize. Un bonheur renouvelé ! Ce Grand
Dépaysement fait référence à la geste d’Alexandre Le Grand, apportant aux
rabbis du Néguev puis aux femmes africaines, l’enseignement de son maître
Aristote. Parabole s’inspirant d’une légende évoquée, il y a vingt-deux
siècles, dans le Talmud de Babylone, dont les péripéties abordaient le
thème douloureux de la colonisation. Thème qui retrouve une brûlante
actualité, à l’heure de la mondialisation et de la disparition de tant de nos cultures.
Belle interprétation, par Musicatreize, de la partition de Jean-Christophe
Marti (publiée chez Billaudot). Somptueuses illustrations couleurs,
signées Christophe Sawadogo.
Arnaud LE GOUËFFLEC (Scénariste)
& Olivier BALEZ (Dessinateur) : Topless. Bande dessinée. « 1000 Feuilles », Éditions Glénat (www.glenat.com). 18,5 x
26 cm, sous jaquette, 72 p. couleurs, 13,99 €.
Manière de road-movie existentiel qui voit s’acoquiner
Martin, lunaire pianiste de cabaret (obsédé par Thelonious Monk), et Jeanne,
strip-teaseuse solaire. Folle sera leur équipée dans la DS
« empruntée » à leur patron, monsieur Frognard. D’autant plus
que, surprise ! Dans le coffre est dissimulé un gros magot – ce qui ne
manquera pas de leur causer quelques soucis majeurs… Une totale réussite et
graphique et narrative !
Francis Cousté
Cécile AUZOLLE
(dir.) : Regards sur Daniel-Lesur.
Compositeur et humaniste (1908-2002). PUPS, 2009. 412 p.
30 €.
Cet ouvrage collectif aborde les diverses facettes de la
personnalité et de l’œuvre de Daniel-Lesur - compositeur, membre du mouvement
« Jeune France » (depuis sa création en 1936), à la recherche d’un
humanisme musical français, mais également enseignant à la Schola Cantorum,
compositeur de musiques de film et d’opéra, chroniqueur radiophonique,
administrateur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux. Histoire
d’un homme, au travers de ses rencontres, de ses amitiés, de ses engagements,
mais aussi, histoire d’une époque qui oscille entre tradition et modernité, dans
le monde déstabilisé de l’après-guerre, ce livre a valeur de document sur la
musique et l’esthétique du XXe siècle.
Patrice Imbaud
Haut
Maurice RAVEL : L’Enfant et les Sortilèges. Ma
Mère l’Oye. Berliner
Philharmoniker, dir. Simon Rattle. EMI Classics :
2641972.
Le généreux minutage (72’28) de ce CD permet de disposer
des deux grandes partitions de Ravel évoquant les enfants. C’est pour les deux
enfants de ses amis Godebski que Ravel écrivit, pour piano à quatre mains, Ma Mère l’Oye, partition qu’il orchestra
puis amplifia pour en faire un ballet. Simon Rattle a su traduire cette féerie
avec juste ce qu’il faut de naïveté pour retrouver l’atmosphère des contes pour
enfants. Composée essentiellement en 1924, sur un texte de Colette, la
« fantaisie lyrique » L’Enfant
et les Sortilèges fait appel à pas moins de vingt et un rôles chantés, à un
chœur mixte et à un chœur d’enfants. La lecture que nous propose Simon Rattle
est très convaincante. Il est servi par de bons chanteurs, dont certains,
comme Nathalie Stutzmann ou José Van Dam, sont heureusement obligés de
respecter la tonalité de la partition, alors qu’ils transposent sans vergogne,
trahissant le compositeur, lorsqu’ils enregistrent des mélodies. Le
Berliner Philharmoniker est à la hauteur de sa réputation. Quant à la prise de
son, réalisée en concert, elle est bien spatialisée.
Marco da
GAGLIANO : La Dafne. Fuoco e cenere, dir. Jay Bernfeld. Arion : ARN 68776.
Voilà le quatrième enregistrement en CD de cette Favola in musica, datant de 1608, un des
premiers opéras. Récemment engagé par les Gonzague de Mantoue, Marco Zanubi,
dit Marco da Gagliano (1582-1642), composa son œuvre sur un livret d’Ottavio
Rinuccini, qui avait déjà été mis en musique (presque entièrement perdue) par
Jacopo Peri, en 1594. Le talentueux librettiste de l’opéra naissant s’inspira
ici d’un épisode des Métamorphoses d’Ovide (I, 452-567) : l’amour fou et contrarié d’Apollon pour la vierge
chasseresse Daphné. Fondateur de l’ensemble Fuoco e cenere, le violiste
Jay Bernfeld a accompli un remarquable travail d’interprétation, portant une
attention particulière sur la prosodie du texte italien, le parlando cantando ; et il a réussi,
surtout pour les femmes. Avec un effectif réduit – sept musiciens
seulement – il parvient à nous faire pénétrer avec passion, donc avec feu et
embrasement/cendre, dans le drame de l’amour à sens unique. Et tout cela en
respectant – ô miracle ! – le diapason légal à 440 Hz. Finalement,
tout ce que je demande aux interprètes de la musique qu’ils appellent
« baroque », c’est de pouvoir comparer leurs grotesques
reconstitutions, dont presque tout repose sur des suppositions, des conjectures
et un instrumentarium vraiment baroque/bizarre, avec la traduction actuelle, à
notre sensibilité ; mais ils se dérobent… Pourquoi ?
Gabriel FAURÉ : Œuvres concertantes. Solistes,
Orchestre de Bretagne, dir. Moshe Atzmon. Timpani : 1C1172.
C’est la première fois, sauf erreur, que les œuvres
concertantes de Fauré sont réunies en un seul disque. Tout fauréen ne peut que
se réjouir d’une telle initiative, même si, des sept partitions con cernées,
quatre seulement ont été orchestrées par l’auteur du Requiem, qui avait en fait une certaine appréhension de
l’orchestre. La célèbre Élégie pour violoncelle est fort bien jouée, comme la Romance, par Henri Demarquette. On goûte également la Fantaisie pour flûte, confiée à Juliette
Harel. Jean-Marc Phillips-Varjabédian au violon nous charme avec la Berceuse et le Concerto. La plus lourde responsabilité incombait au pianiste
Jérôme Ducros, pour la magnifique Ballade et la non moins belle Fantaisie. J’avoue
être là un peu déçu, particulièrement dans la Ballade, et je préfère nettement l’excellente version d’Emmanuel
Strosser (avec l’Orchestre de Picardie, dir. Edmon Colomer, CD Assai 222122).
Il faut par ailleurs, encore une fois, saluer le courage de Stéphane Topakian,
qui défend résolument la musique française avec sa firme Timpani ; et ce
disque est une nouvelle réussite.
Chansons et danses de la Renaissance française. Polyphonia Antiqua, dir. Yves Esquier. Pierre
Verany : PV 709011. Distr. Arion.
Retour en CD d’une superbe réalisation publiée en disque
noir en 1984, illustrant musicalement la Renaissance française. Du
Jacques Moderne, du Claudin de Sermisy ou du Clément Janequin pour notre plus
grand plaisir. Et ils ne sont que sept – dont certains chantent en outre
– à jouer différents instruments. Et tout cela au diapason légal. Quel
beau disque !
Philippe Zwang
Complaintes du monde celte. Mouezh Paotred Breizh (Chœur d’hommes de Bretagne).
Jade (43, rue de Rennes 75006
Paris. promotion@milanmusic.fr) :
399 293-2. TT : 72’23.
Le Chœur d’hommes de Bretagne (Mouezh Paotred Breizh) introduit les
discophiles dans le monde celte. Il s’efforce de mieux faire connaître les
chants en langue bretonne et à les préserver. Ce cinquième CD de l’Ensemble - champion
de Bretagne 2008 du Chant choral en breton - regroupe des chants donnés en
concert, traditionnels, issus des fonds bretons et gallois, ainsi que de
nouvelles compositions. Le livret comprend fort heureusement la
traduction française. Le sous-titre : Klemmvanoù
ar Celted ! signifie : Complaintes
du monde celte qui évoquent à la fois la nostalgie, la mélancolie, parfois
l’élan. Les thèmes sont empruntés à la mer (La
veuve du marin), à l’histoire (Le
siège de Guingamp), à la religion (Sainte
Patronne du Folgoët, Bénédiction
celtique, Meulomp Doue (Louons Dieu… choral gallois). Même
s’il y a un emprunt à une mélodie de D. Bortniansky (1751-1825), c’est
toute l’âme bretonne qui émane de ces chants.
Duo Andreas Gabriel & Fabian Müller und die « Helvetic
Fiddlers ». Musiques suisses (musiques-suisses@mgb.ch) : MGB-NV9. TT : 59’24.
Voici un disque inattendu de musique suisse
populaire pour violon déjà en faveur au XIXe siècle et qui connaît
un regain d’intérêt. Les œuvres nécessitent toutefois une technique différente
et un jeu apparenté à celui des anciens ménétriers. Ce répertoire spécifique,
qui autrefois s’apprenait de père en fils, fait l’objet actuellement de cours
dans certains Conservatoires suisses. Ces pièces utilisent le procédé de
la variation, de l’ornementation et de l’improvisation typique des anciens violoneux
qui avait été oubliée. La musique de danse (polka, valse) est accompagnée
par un seul instrumentiste qui tape énergiquement du pied. Il est plus
important de bien faire danser que de rechercher le « beau son ». Le
Duo comprend Andreas Gabriel (violon populaire) et Fabian Müller (violoncelle),
auxquels sont associés André Schaub (contrebasse) et les « Helvetic Fiddlers ».
Certains titres sont en dialecte ; les pièces les plus récentes datent de
1960. Échantillon de musique helvétique à découvrir.
Prières de Saint François d’Assise. Jade : CD 699
680-2. TT : 40’36
En cette année 2009 marquant le 800e anniversaire de la fondation de l’ordre franciscain, les éditions Jade ont
regroupé des textes significatifs de saint François d’Assise et de sainte
Claire, lus avec infiniment de sensibilité par Claire Meunier, Luc Reydel et
Michaël Lonsdale. Pour en faciliter la réception, ils sont judicieusement
entrecoupés de ponctuations musicales monodiques et polyphoniques, extraites du Laudario di Cortona (cf. Lettre d’information n°30,
rubrique : CDs) et interprétées
par l’Ensemble vocal de Montpellier, sous la direction de Jean Gouzès. Un
condensé de mysticisme franciscain.
Roland
de LASSUS : Magnum Opus Musicum. Ricercar (Outhere S. A. Rue du Chêne 27,
B 1000 Bruxelles. stephanie.flament@alpha-prod.com) :
RIC 283. TT : 56’08.
Cette nouvelle collaboration du Chœur de chambre
de Namur et de La Fenice, sous la direction de Jean Tubéry, permet de découvrir
des motets (3 à 12 voix) publiés par les fils de Roland de Lassus (1532-1594),
en 1604 — soit dix ans après sa mort —, et regroupés sous le titre : Magnum Opus Musicum. Il s’agit de
pièces de circonstance, avec rappel historique, par exemple le motet (à 6
voix), très développé : Qui
trepidas, qui musa times… (Pourquoi
trembles-tu, pourquoi, muse, crains-tu…) composé pour les noces du prince Guillaume de Bavière et Renée de Lorraine.
Le programme varié comprend 23 pièces, dont 21 cantiones respectivement à 4, 5 et 6 voix, parmi lesquelles des cantiones sine textu alternent avec des
titres bien connus : Ut queant laxis, Quam pulchra es (en deux
versions : vocale et instrumentale), Super
flumina Babylonis… À noter
l’histoire cocasse de l’Espagnol invité à dîner par un marchand belge (Hispanum ad coenam…). L’ensemble est rehaussé par les
sonorités exceptionnelles des cornets à bouquin, saqueboutes, flûtes à bec,
orgue… Accompagné de tous les textes et de leur traduction française, étayé de
documents d’époque, l’excellent texte de présentation de Jérôme Lejeune met
immédiatement les discophiles en situation tant sur le plan compositionnel (esthétique
de Josquin, technique du cantus firmus, écriture madrigalesque, chant et
déchant, voix à découvert…) que sur le plan des sources mélodiques. Ce CD
s’imposant tour à tour par son intériorité, son humour inattendu, son
dynamisme, sa plénitude vocale, est une réussite du genre digne des Chapelles
musicales du XVIe siècle.
Au-delà du silence : Johann Sebastian
Bach. Tambour
Battant (taabatt@gmail.com) : TABA
11 08 0001. TT : 77’07.
Cédric Burgelin (°1970), titulaire de cinq
médailles d'or, a été formé par les plus grands maîtres de l'orgue :
Gaston Litaize, Michel Chapuis, Michel Bouvard et Olivier Latry. Il a
obtenu deux premiers prix (orgue et basse continue) du CNSM et le Diplôme de
Formation supérieure. Il se produit régulièrement en soliste ainsi que dans
diverses formations. Titulaire des grandes orgues historiques de la cathédrale
de Saintes, il y a enregistré, sous le titre évocateur : Au-delà du silence, une petite
anthologie d’œuvres de J. S. Bach. D’emblée, l’aria des Variations Goldberg crée une atmosphère calme et méditative
exceptionnelle, propice à l’écoute et au recueillement, et justifie déjà le
titre. L’Ouverture de ces mêmes Variations contraste par son
solennité énergique, à laquelle succède l’Adagio si prenant de la Sonate en trio.
Toute la démarche de l’interprète repose sur les contrastes brusques dans les
mouvements (Très vitement – Gravement…) et l’expression tour à tour
calme et entraînante, la technique irréprochable et la précision d’attaque ne
nuisent en rien à l’expression et à l’émotion. Des chorals pour le temps
de Pentecôte et de l’Avent bénéficient d’une registration exceptionnelle.
À remarquer, plage 13 : la superposition des cloches et du jeu d’orgue, du
meilleur effet. Comme il se doit, l’Aria initial pose un lumineux point d’orgue sur ce programme d’un rare
achèvement.
Édith Weber
Thierry
MACHUEL : Sur la terre simple. Œuvres
profanes pour chœur a cappella.
Label inconnu (contact@label-inconnu.com) :
LI 09-0301. Solistes du chœur Mikrokosmos, dir. Loïc Pierre.
TT : 57’16.
Seize œuvres sur des poésies de langues variées chantées
par un petit effectif de solistes d’une belle homogénéité (mais les solos sont
parfois désagréables). Dans l’esprit du madrigal, les textes appellent la
musique : dissonances et ralenti pour la mort, ostinato scintillant pour
les étoiles… Tout sonne bien. Les tempi lents favorisent le déploiement vocal,
souplement pulsé, l’harmonie tonale fait la part belle au mineur ou à la gamme
par tons et, sur de fréquents bourdons, l’unisson domine, les élaborations
polyphoniques par imitations générant plus un foisonnement tintinnabulant qu’un
véritable contrepoint. Mais cette beauté consensuelle qui semble se
souvenir d’un Poulenc qui se souviendrait de Josquin reste si prévisible
qu’elle finit par lisser ce qui nous accroche dans les textes de Jabès ou
Bonnefoy. L’art peut-il faire l’économie de la résistance aux langages
convenus ?
Paul Gontcharoff
Ludwig van BEETHOVEN : Rondos et
bagatelles. Natalia Valentin, forte-piano (www.nataliavalentin.com). Paraty :
109.104. TT : 56’11.
Modestes par leur dimension, ces pièces où la ligne
mélodique et l’improvisation tiennent une large part, écrites en marge des
grandes œuvres pianistiques, nous donnent à entendre un Beethoven plein de
spontanéité et de fraicheur. L’interprétation de Natalia Valentin,
empreinte de clarté et de virtuosité, est encore valorisée par un remarquable
piano-forte allemand du XVIIIe siècle, restauré par Christopher
Clarke, qui donne à cet enregistrement une sonorité d’époque.
Bob
VERSCHUEREN : Catalogue de plantes.
Un travail sonore de plasticien de l’artichaut au roseau. Fuga
Libera : FUG 705. TT : 65’47.
Si la musique postmoderne nous propose d’entendre
l’inaudible, ce qui suppose une présence au-delà du sonore, la présence est ici
végétale, voire potagère (artichaut, carotte…). Pour mélomane végétarien,
à consommer toutefois avec modération !
Frédéric
ROSSILLE : Ocean Song. Rêves
magiques (Cécile Duchamp.reves-magiques@wanadoo.fr).
TT : 18’03.
Dernier album du compositeur et pianiste français Frédéric
Rossille, Ocean Song nous donne à
entendre une très belle composition, empreinte de poésie, de charme et de
sagesse orientale si prisée par l’auteur, bien mise en évidence par le jeu du
piano, clair voire transparent, qui nous invite à lâcher prise…
Débora RUSS Ensemble : Andares. Aeon (www.aeon.fr) : AECD 0979. TT : 66’54.
Les amateurs de tango et de jazz apprécieront ce disque de
Débora Russ qui associe, avec bonheur, les grands standards (Piazzolla,
Sanchez…) à ses compositions personnelles. Le tango apparait ici pour ce qu’il
est : une musique métissée et
évolutive, capable de chanter l’amour, les joies enfantines, la peine… La voix
chaude et sensuelle et l’orchestre aux accents « jazzy et latino »
font indiscutablement de ce disque, une réussite, une invitation au voyage.
Laudes et chants soufis. Ensemble Doulce Mémoire, dir. Denis Raisin Dadre. Zig-Zag
Territoires : ZZT 090901.TT : 76’07.
Saluons l’œcuménisme de ce disque qui associe, pour notre
plus grand plaisir, des chants chrétiens et soufis, issus des confréries
d’Orient et d’Occident, démontrant bien que la musique, si elle constitue le
plus court chemin vers Dieu, moyen d’ascèse et de dévotion, n’a pas besoin
d’église. Une prière en même temps qu’une leçon de tolérance. À
méditer…
Patrice Imbaud
Barbara STROZZI (1619-1677) : Virtuosissima compositrice. Cappella Mediterranea, dir. Leonardo
García Alarcón. Ambronay : AMY 020. Distr. Harmonia Mundi.
TT : 60’03.
Voilà un compositeur majeur du XVIIe siècle ultramontain qu’il conviendrait certes de réhabiliter.
Serait-ce sa « féminitude » qui, des siècles durant, fit oublier
cette brillante élève de Francesco Cavalli ? Sur des poèmes de son
père, le célèbre Giulio Strozzi (librettiste, entre autres, de Monteverdi),
Barbara publiait, en 1644, vingt-cinq madrigaux, au langage très seconda prattica, dont plusieurs se retrouvent sur ce superbe enregistrement, où sont aussi inclus des madrigaux de Monteverdi et Sigismond d’India.
HÄNDEL
Gold : Célèbres
arias & chœurs. 2CDs Decca (www.decca.com) :
478 1460. TT : 142’38.
Précieuse compilation de
« tubes » haendéliens, interprétés par les plus étincelantes stars
du chant (plus ou moins...) baroque : Janet
Baker, Cecilia Bartoli, Teresa Berganza, Grace
Bumbry, Joyce DiDonato, Plácido Domingo, Kathleen
Ferrier, Renée Fleming, Susan Gritton, Marilyn Horne, Kiri
Te Kanawa, Magdalena Kožená, Sylvia McNair, Danielle de Niese, Russell
Oberlin, Anne Sofie von Otter, Luciano Pavarotti, Thomas
Quasthoff, Nigel Robson, Andreas Scholl, Joan
Sutherland, Bryn Terfel, John Tomlinson, Rolando Villazón,
Fritz Wunderlich et… les English Concert Choir, Academy
& Chorus of St Martin in the Fieds et Choir of Westminster Abbey.
Anton BRUCKNER : 8e Symphonie, WAB 108. Wolfgang Amadeus MOZART : Symphonie « Prague », K. 504. Staatskapelle Dresden, dir. Bernard
Haitink. 2CDs Profil/Hänssler : PH 07057. TT : 59’53 + 54’11.
Il s’agit,
dans ce 24e volume de l’« Edition Staatskapelle Dresden », d’un concert
donné au profit des victimes des inondations catastrophiques qui touchaient en 2002, la ville de Dresde. Avec le grand Bernard
Haitink, la 8e Symphonie de
Bruckner a trouvé l’interprète visionnaire que nécessitent ses dimensions gigantesques (quatre
mouvements, d’une durée totale de quelque 86 minutes) : profonde unité de l’œuvre et plans sonores sont admirablement
mis en relief.
Quant à la Symphonie « Prague », elle acquiert ici une gravité insoupçonnée. Un enregistrement
d’anthologie.
« Trios
avec clarinette ». BRAHMS : Trio pour clarinette, violoncelle & piano op. 114. BARTÓK : « Contrastes » pour violon, clarinette & piano, Sz. 111. KHACHATURIAN : Trio pour violon, clarinette & piano. Florent Pujuila (clarinette), Deborah Nemtanu (violon), Yovan
Markovitch (violoncelle), Romain Descharmes (piano). Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC 1102. TT : 57’35.
Bonheur de retrouver, dans ces interprétations juvénilement complices, les célèbres trios de Brahms et Bartók, tout autant que de découvrir (du moins pour moi) celui d’Aram Khachaturian, datant de 1932,
beaucoup plus inspiré et
chatoyant - et surtout moins clinquant - que bien de ses œuvres à venir.
Complete Recordings “Rias” of
Wilhelm FURTWÄNGLER. Live in
Berlin. 12 CDs
+ Bonus CD. Audite (www.audite.de) : 21.403.
Il s’agit là d’une
compilation de tous les concerts dirigés par Wilhelm Furtwängler, à la tête
du Berliner Philharmoniker, du 25 mai 1947 au
23 mai 1954, pour la station de radio Rias Berlin. Dans un répertoire
exclusivement germanique : Bach, Beethoven, Blacher, Brahms,
Bruckner, Fortner, Gluck, Händel, Hindemith, Mendelssohn, Schubert, Schumann,
Strauss, Wagner, Weber. En bonus : Colloque du 27 février 1951, en la « Hochschule
für Musik » de Berlin, au cours duquel Werner Egk et ses étudiants interviewaient Furtwängler sur l’art de l’interprétation. Bien
que les bandes originales aient été remastérisées, il demeure quelques disparités dans la qualité des prises de son. Mais ce ne
sera nullement un handicap pour les inconditionnels du célèbre chef d’orchestre.
Mikael TARIVERDIEV (1931-1996) : Quo vadis ? Christophe Guida aux grandes orgues de Roquevaire
(www.christopheguida.fr).
Célèbre en Russie pour, notamment, les bandes originales de 132 films, Mikael Tariverdiev a
également composé de nombreuses chansons, 4 partitions de ballet, 4 opéras, de
la musique instrumentale et des pièces d’orgue - tels que les extraits ici
réunis : 1er mouvement de la Chernobyl Symphony pour orgue op.94, 2e mouvement de la suite Quo
vadis ?, quatre mouvements du 1er Concerto « Cassandra », 1er mouvement du 2e Concerto « Cahier polyphonic », ainsi que les Chorals n°2, 3 et 8. Défi à l’académisme et à l’insipidité de
la culture de masse héritée du régime soviétique, la musique de Tariverdiev
porte une marque – bien que toujours tonale – tout à fait singulière.
Merci au jeune et
brillant organiste Christophe Guida (Marseille, 1982) de nous révéler cet éminent
compositeur russe dont un Concours international d’orgue porte, tous les deux
ans, le nom, à Kaliningrad.
Hugues DUFOURT : Les Météores. Ancuza Aprodu (piano), Fabrice Jünger (flûte). Ensemble orchestral contemporain, dir. Daniel Kawka. Sismal Records : SR004.
TT : 65’48.
Toute de timbrique fascination et de mystère est l’œuvre d’Hugues Dufour, assurément l’un de nos plus importants compositeurs. Cet album comporte quatre œuvres majeures : L’origine du monde (inspirée du fameux tableau de Courbet) pour piano et 14 instruments ; Hommage à Charles Nègre (grand photographe français du XIXe siècle) pour sextuor ; The Watery Star (« L’étoile des eaux », titre emprunté à Shakespeare) pour 8
instruments ; Antiphysis (« rejet du naturalisme
sous toutes ses formes ») pour flûte et orchestre de chambre. Un indispensable !
Marcos PORTUGAL
(1762-1830) : Matinas do Natal (Rio de Janeiro, 1811). Ensemble Turicum,
dir. Luis Alves da Silva & Mathias Weibel. 2CDs Paraty (www.paraty.fr) : 209.108. TT : 47’56 +
44’57.
Tant dans l’histoire musicale du Portugal que
dans celle du Brésil, unique est la position de Marcos Antonio da Fonseca Portugal. Ses 22 opéras ou opéras-comiques et innombrables autres productions scéniques connurent, en
Europe et au Brésil, le plus vif
succès. C’est à Rio de Janeiro qu’il composa notamment, en
1811, ces Matinas
do Natal, monumental ensemble de huit « Responsórios » (pour sopranos, alto, contreténors, ténor,
baryton et basses, ici accompagnés sur instruments d’époque). La veine est assurément populaire, et les mélodies d’une réjouissante fraîcheur d’inspiration. Merci à l’Ensemble
Turicum qui s’est donné pour
mission de mieux faire connaître le vaste répertoire de la péninsule ibérique et de
l’Amérique du Sud. En
l’espèce il s’agit d’une révélation. [Parution du coffret le 9 novembre 2009.]
Francis Gérimont
Centenaire Haydn
Joseph HAYDN : Concertos pour violoncelle & orchestre Hob. VII:1 et 2. Georg Matthias MONN : Concerto pour violoncelle,
cordes & clavecin en sol mineur. Jean-Guihen Queyras,
violoncelle. Freiburger Barockorchester, dir. Petra Müllejans.
Harmonia Mundi : HMX 2961816. TT : 66'22.
Curieux destin que celui des deux concertos de Haydn pour le
violoncelle. Le premier, en ut, ne
fut redécouvert qu'en 1961, à Prague ; tandis que le second, en ré, longtemps attribué à son dédicataire, le musicien de l'orchestre
d'Esterhaza, Anton Kraft, et arrangé ensuite par quelque virtuose en quête de
reconnaissance, ne sera définitivement reconnu comme étant du maître que grâce
à la découverte de l'autographe en 1954. Et pourtant quels chefs-d'œuvre,
dont se sont vite emparés les grandes vedettes de l'instrument au XXe siècle, au rang desquels Slava Rostropovitch. Composés à quelque
vingt ans d'intervalle, ils sont forts différents. Là où le premier se situe
encore dans la continuité de Carl Philip Emmanuel Bach, fort virtuose en
particulier lors d'un finale enjoué, le cello gambadant sur un orchestre
sautillant d'allégresse, le second offre des sonorités plus maîtrisées et une
fière énergie au finale rondo que caractérisent des attaques à l'arraché.
Dans les deux cas, l'écriture soliste est techniquement brillante, requérant
une belle habileté. Jean-Guihen Queyras, à qui sa participation à l'Ensemble
Intercontemporain a enseigné rigueur et précision rythmique, n'en apporte pas
moins poésie et lyrisme. Les adagios et leurs cantilènes amples (n°1) que
distingue une rare ligne de chant couronnée par un ppp (n°2) sont là pour le prouver. Le concerto de Matthias Monn se
place dans le sillage d'un Vivaldi et emprunte au style ritournelle. La
thématique n'est, bien sûr, pas aussi inventive que chez Haydn, mais le
continuum ne manque pas d'attrait, notamment à l'adagio en forme de sicilienne.
Le Freiburger Barockorchester, dirigé par son premier violon, apparaît comme
l'ensemble rêvé pour jouer ces musiques délicatement expressives.
Joseph HAYDN : Sonates pour piano : H.XVI, n°20,
32, 34, 37, 40, 42, 48-52. Fantasia : H.XVII, n°4. Adagio : H.XVII,
n°9. Andante con
variazioni : H.XVII, n°6. Alfred Brendel, piano. « The
Original's », 4CDs Universal/Decca : 478 1369. TT : 200'17.
Hommage au compositeur autant qu'à l'interprète,
Universal a eu la bonne idée de regrouper en un seul coffret les diverses gravures qu’Alfred Brendel a livré des Sonates de Haydn. Un monument ! Longtemps considéré comme un musicien « pour connaisseurs » et avec condescendance - ne parlait-on pas du « papa Haydn » - méconnu dans bien de ses compositions, ses opéras,
sa musique pour piano, les choses ont bien changé dans les dernières
décennies du siècle dernier. Un interprète comme Alfred Brendel aura beaucoup
fait pour réhabiliter ses pièces pour le clavier. On se souvient qu'il aimait
volontiers débuter un concert par un morceau de ce compositeur, chantre du
classicisme viennois, comme il l'était lui-même de ce style d'interprétation
raffiné que caractérisent la discontinuité, le contraste et la surprise. Ce qu'on retient avant tout de ces exécutions, c'est l'humour qui parcourt
une musique en apparence naïve, pourtant emplie de tournures surprenantes, de
contrastes inattendus, de ruptures soudaines, de digressions à première vue
sans objet. Brendel signe ses interprétations d'une ironie
subtile, d'une délicate fantaisie - tel gruppetto mordant ou tel trait
précipité lâché comme une plaisanterie. Comme Haydn, il sait colorer cette thématique si inventive, elle-même en
constante métamorphose, et varier les jeux de résonances. La merveilleuse
ductilité pianistique est pur bonheur, faite de rigueur en apparence
indéfectible, mais qui recouvre une vraie humanité. Et la richesse d'expression puisée autant à la fantaisie roborative
qu'au raffinement de la forme, sans parler d'un travail perspicace sur la
dynamique, illustre un univers sans cesse renouvelé. De quoi tempérer la vision pessimiste qu'avait l'interprète, de la transmission par le disque, « plate réalité » du concert ; même si « chez lui, l'auditeur idéal se concentre de la même manière en se
souvenant des concerts auxquels il a assisté, exactement comme le pianiste se
représente un public imaginaire quand il enregistre en studio » (Réflexions faites, Buchet/Chastel, 1979).
Wolfgang Amadeus MOZART : Idomeneo, dramma per musica. Richard Croft, Bernarda Fink, Sunhae Im,
Alexandrina Pendatchanska, Kenneth Tarver, Nicolas Rivenq, Luca Tittoto. Freiburger Barockorchester, dir. René Jacobs. 3CDs Harmonia Mundi : HMC 902036.38.
TT : 53'54+75'39+61'33.
Pour ceux qui ont eu la chance d'assister à son concert de Idomeneo, donné à la Salle
Pleyel, la fulgurance de l'interprétation de René Jacobs ne sera pas une
surprise. Ce qui frappe, c'est la juste réévaluation
d'un chef-d'œuvre, et
d'abord de son livret. De ce que le jeune musicien doit à son auteur,
l'abbé Varesco, poète mais aussi instrumentiste, à son message d'humanité. De
son caractère musical hybride aussi, que d'aucuns ont cru devoir fustiger. Mais ne serait-ce pas sa force, s'interroge Jacobs ? Ancré dans le passé (sa veine seria), inscrit dans le présent (la tragédie
lyrique initiée par Gluck) et tourné vers l'avenir (l'univers de Da Ponte), Idomeneo offre une dramaturgie complexe qui trouve son aboutissement dans les
relations entre les quatre principaux personnages : Idomeneo et Idamante - le conflit entre père et fils, les épreuves,
Ilia et Elettra - le bien et le mal, le positif et le négatif. La symbolique des tonalités employées par Mozart est d'une
impressionnante évidence, souligne le chef qui insiste sur les deux mondes
qu'habitent les arias archaïsants et les airs modernes, et
surtout sur l'architecture unificatrice de la pièce que seule une exécution
intégrale permet de révéler. Rien d'étonnant à ce que les récitatifs soient l'objet d'une attention particulière, vraie mise en perspective du texte, retrouvant la
tension de la diction. Et quelle originalité dans le traitement du continuo, emmené par la déclamation allègre du piano-forte. La lecture de Jacobs est vivifiante, généreuse dans le choix de
tempi extrêmement contrastés, de la nuance caressée à l'énergie la plus
communicative, signifiante dans ses moindres inflexions. Gloire soit rendue à la magnifique plasticité sonore d'un orchestre
qui ne sonne jamais épais. L'affiche vocale est exceptionnelle. Dans le rôle
titre, le ténor clair de Richard Croft favorise justement une émission plus
lyrique qu'héroïque et les vocalises sont exécutées avec brio. Bernarda Fink
est une sorte d'idéal en Idamante, bouleversante d'émotion contenue, d'une
ligne de chant immaculée. La fraîcheur du timbre de Sunhae Im, hors de toute banalité ingénue, incarne avec
justesse l'espoir que porte Ilia, sa radiance aussi. Et les prestiges d'une voix non forcée font, de l'Elettra
d’Alexandrina Pentdachanska, un modèle de goût. Car l'excès, s'il y a, dans cette figure tragique, reste à l'orchestre de Mozart, haletant, dévastateur, terrifiant. Une version proprement révélatrice.
Jean CRAS : Sonate
pour violoncelle & piano. Trio pour violon, violoncelle & piano. Largo
pour violoncelle & piano. Philippe Koch (violon), Aleksandr Khramouchin (violoncelle), Alain Jacquon (piano). Timpani : 1C1151. TT : 70'59.
Jean Cras appartient à cette race d'autodidactes chez qui
l'inspiration, appramment sans limite, va de pair avec une écriture originale. Ne disait-il pas être partagé entre son métier d'officier de marine,
choisi, et celui de compositeur, qui s'est imposé à lui. Musicien précoce, il eut pour mentor Duparc. Et Vincent d'Indy tenait en haute estime son jeune collègue. Sa Sonate pour violoncelle & piano (1901) composée à bord du cuirassier Saint Louis, plonge dès les premiers accords massifs, vivement attaqués dans le grand dramatisme. La
veine restera généreuse tout au long de l'allegro initial, les deux instruments
se voyant gratifiés d'une écriture richement harmonique. L'adagio, intensément
lyrique, prvilégie un discours très expressif, celle d'une complainte mélodique. Et le finale, marqué « vif » est puissant, développant une forme
spacieuse. Le Trio pour violon, violoncelle & piano, de 1907, en quatre parties, n'est pas non plus avare d'inspiration. Traités de manière très personnelle, souffle et couleurs
y abondent. La puissance du discours, la sûreté de
l'agencement technique s'expriment dans un vaste allegro, « modérément animé », modulant de manière typiquement gallique. Le
mouvement lent montre une vraie clarté dans l'énoncé des idées. Deux morceaux marqués « très
vif » font suite : le premier en guise de scherzo, le second, pour une conclusion
enjouée, de forme très libre, mettant à contribution à part égale les trois
instruments et progressant dans l'esprit de la chanson populaire. L'exécution
est toute de conviction, comme
dans la première pièce ou encore
dans ce Largo pour violoncelle & piano, inédit au disque, sorte de lied méditatif et mélancolique, culminant
dans de grandes interjections. Un
beau paysage musical enfin révélé.
« The
Berlin Recital ».
Robert SCHUMANN : Sonate pour violon & piano n°2, op.121, Kinderszenen pour piano, op.15.
Béla BARTÓK : Sonate pour violon solo (1944), Sonate pour violon & piano n°1
(1921). Fritz KREISLER : Liebeslied, Schön
Rosmarin. Gidon
Kremer (violon), Martha Argerich (piano). 2CDs EMI : 6 93399 2. TT : 58'01+58'47.
Signe des temps, la vogue de l'intégrale cède le pas au projet
éclectique, calqué sur celui du concert, à géométrie variable même. Le programme, que les deux interprètes ont promené partout en
Europe – dont à Pleyel - fin 2006, rapproche
Schumann et Bartók. Un choix a priori curieux, qui s'avère fascinant au jeu des contraires : richesse harmonique chez le premier, rudesse pour
le second. Ils ont écrit chacun
deux sonates pour violon & piano, mais en favorisant leur instrument favori, le clavier pour Schumann, le violon pour Bartók. La Sonate
n°2 de Schumann est tout sauf virtuose, se situant
dans le registre médian du violon. Le
climat en est plutôt sombre, les deux instruments se complétant plus qu'ils ne
s'opposent. L'originalité de la pièce réside dans son 3e mouvement, « doux, simple » aux sonorités insistantes, inquiétantes. Dans la Première
Sonate de Bartók, les deux protagonistes semblent se comporter de manière indépendante
l'un de l'autre, dans le registre passionnel, mélancolique, de la frénésie
véhémente, frôlant l'expressionisme. Mais il y a plus : des consonances insoupçonnées, des traits
mystérieux que cachent de thèmes de caractère hongrois et surtout un sens de la
progression du discours très élaboré au violon, que le piano contrebalance de façon on ne peut plus percussive. Dire que nos deux musiciens se complètent tient de l'euphémisme. C'est
plutôt du plaisir de converser ensemble, d'aller au plus profond, qu'il faut
parler. Le piano d’Argerich est ample dans sa palette dynamique, et d'un engagement constamment affirmé. L'archet de Kremer, même si
pas toujours suave dans Schumann, force l'admiration par son incandescence. Celle-ci se mesure aussi à son exécution visionnaire de la Sonate pour
violon seul du
Hongrois, un tour de force. Bartók y empile toutes sortes de difficultés techniques dont des notes
aiguës à l'arraché. Et pourtant l'impression de libre improvisation
prédomine ici. Les contrastes saisissants - en particulier au 3e mouvement, Melodia, naviguant entre polyphonie dépouillée et
modernisme audacieux - distinguent une œuvre qui, au mouvement lent, fait traverser des contrées
étranges. Martha Argerich livre encore une interprétation pénétrante des Kinderszenen, délicates miniatures qui confessent l'attrait de
Schumann pour le
monde de l'enfance : l'art d'alterner le style ballade, l'architecture des marches, la douceur
émerveillée, mais aussi les interrogations, le mystère de ces sublimes
transitions qu'elle ménage non sans quelque facétie.
« Piotr
Anderszewski at Carnegie Hall ». Johann Sebastian
BACH : Partita n°2. Robert
SCHUMANN : Faschingsschwank aus Wein, op.26.
Leoš JANÁČEK : Dans
les brumes. Ludwig van BEETHOVEN : Sonate
pour piano, n°31, op.110.
Béla BARTÓK : Trois danses hongroises. Piotr Anderszewski, piano. 2CDs
Virgin Classics : 267291 2 1.
TT : 42'49+41'36.
Autre programme de concert : celui donné à Carnegie Hall, en décembre 2008, par Piotr Anderszewski,
personnalité curieuse de tout, d'un enthousiasme réel - ce qu'on a pu apprécier
dans le film récent que lui a consacré Bruno Montsaingeon – et, à en juger par ce CD, pianiste en rien confiné
dans ses choix artistiques. On sait qu'il voue à Bach une passion immodérée. La Suite n°2 offre une rythmique rigoureuse mais pas sèche et retrouve le sens de
l'improvisation comme dans la Sarabande qui évolue sur des nuances ppp. Le Cappricio
final éclate de force. Son Carnaval de Vienne convoque un Schumann puissant, sans concession à quelque virtuosité démonstrative dans le vaste allegro, débordant de poésie
mélancolique à l'heure de la romance,
appelant un romantisme sans a priori grandiloquent (scherzo), distillant toutes
les ressources du clavier
dans ce qu'il a de nocturne (intermezzo) ou de passionné au finale. Du
grand pianisme assurément. Comme dans cette pièce on ne peut plus en contraste, Dans les brumes, une des rares que Leoš Janáček a laissées à l'instrument. Un monde sonore qui doit quelque chose à la fluidité debussyste, au
mystère enfoui, au lyrisme affirmé qui oscille entre douceur et inquiétude, en
lointain écho aux compositions de l'auteur pour le théâtre. Elle trouve ici un
interprète aussi à l'aise qu'il l'est par ailleurs dans les pièces de son
compatriote Szymanowski. Nouveau contraste saisissant avec la grande Sonate
op.110 de Beethoven qui montre un
Anderszewski tout aussi chez lui dans le répertoire classique. L'allègement de
la texture prime sur le souffle épique. Le cheminement vers la sérénité
s'inscrit dans une vision intense, expression de ce que cette pièce doit à la
souffrance. L'atmosphère
n'est pas à l'éclat ; à la sagesse intérieure plutôt, que livrent des nuances aux confins du
désespoir. Non que l'urgence du discours et l'énergie fassent défaut, en particulier lors de l'ultime fugue, triomphante et victorieuse péroraison.
Frédéric
CHOPIN : Sonate
n°3, op. 58. Deux Nocturnes, op.62. Trois
Mazurkas,
op.59. Polonaise-Fantaisie, op.61. Trois Mazurkas,
op.63. Trois Valses,
op.64. Mazurkas, op.67
n°2 et n°4. Sonate
pour violoncelle & piano, op.65. Mazurka, op.68 n°4. Maria Joao
Pires (piano).
Pavel Gomziakov (violoncelle). 2CDs Universal/DG :
477. TT : 56'19+70'05.
La grande pianiste portugaise Maria Joao Pires revient à son cher Chopin ; pour un voyage parmi les dernières compositions
du maître, que caractérisent l'approfondissement de la forme - la Polonaise-Fantaisie op.61
n'emprunte que de loin au rythme de la polonaise dansée - la retenue
émotionnelle, le raffinement extrême, l'exploration de l'âme au fil de climats
changeants où la mélancolie poignante côtoie la gaieté sans fard (Mazurkas,
op.59). Une ascèse qui ne
signifie pas tristesse, l'absence de recherche de l'effet, l'éclat, à ne pas
confondre avec brillance, sont autant de secrets de l'approche de Pires, d'une
abyssale profondeur sous une naturelle simplicité (Nocturnes, op.62). Le jeu délié empli d'une vraie tendresse est tout sauf ostentatoire (Valses, op.64). Dans la Troisième Sonate qui ouvre le programme, si éloignée de la fièvre qui parcourt la Sonate n°2, le
registre est celui de l'émotion retenue, des sentiments variés, tel le
recueillement qui atteint
une dimension philosophique (Largo) ; mais aussi de l'optimisme qui conclut une pièce où lyrisme et traits
épiques se sont mesurés en une joute élégante. La Sonate pour violoncelle & piano op. 65, dédiée à Franchommne et jouée avec lui par Chopin lors de son
ultime concert parisien, est un autre moment phare de la dernière manière de
celui-ci. Moderne dans son écriture singulière, si
différente des œuvres pianistiques, bannissant désormais toute
virtuosité, le traitement des idées y est extrêmement concentré, tout comme prime l'audace harmonique. Le doux chant
du violoncelle ajoute à la réflexion intérieure et l'interprète, Pavel
Gomziakov, de sa riche et enveloppante sonorité, s'accorde on ne peut mieux au toucher limpide de Pires.
Frédéric CHOPIN : Sonate n°2.
Alexander SCRIABIN : Sonate
n°2 « Sonate-Fantaisie ». Franz LISZT : Sonate pour piano en si mineur. György LIGETI : Études n°4 : « Fanfares » et n°10 : « L'Apprenti
sorcier ». Yuja Wang, piano. Universal/DG : 477 8140. TT : 74'10.
Pour ses débuts au disque, la pianiste chinoise Yuja
Wang, déjà adoubée par Claudio Abbado, joue l'audace et gagne ses galons. Quelle autorité de la part de cette frêle jeune femme de 21 ans dans
la Sonate n°2 de Chopin ! Une
entrée en matière saisissante prélude à une énergie incroyable qui cependant ne cherche pas à tirer sur l'effet. Le
deuxième thème du scherzo s'aventure dans les régions de la réflexion et le
contraste avec le staccato du premier n'en est que plus marqué. Le lento de la Marche funèbre est résolu dans sa progression dynamique
et là encore le 2e thème apporte une touche d'introspection non emphatique. L'énigmatique
presto final n'a jamais paru aussi
avant-gardiste. La 2e Sonate de Scriabine appartient à la première manière de
l'auteur, presque impressioniste. La
virtuosité d'écriture exige beaucoup de l'interprète et Yuja Wang démontre une
particulière habileté dans la force des attaques, la fluidité de la main
droite, le sens de l'improvisation du discours. Mais le morceau de choix reste
la grande Sonate de Liszt. De ce morceau
redoutable, Yuja Wang propose une exécution d'une étonnante maturité : clarté d'exposition des divers motifs, naturel de
l'expression, contrastes entre accords massifs et rubato poétique, art de
varier les climats par de subtiles transitions, comme de bâtir un crescendo, ou encore de décocher les traits energico dont Liszt
fertilise à l'envi sa pièce ; sans parler d'une vélocité ébouriffante pour ménager une formidable progression dramatique. En guise de pause, « comme de petites étincelles entre les œuvres plus grandes » dit-elle, Yuja Wang intercale deux Études de Ligeti, non pour démontrer quelque tour de
force, mais plutôt l'inventivité avec laquelle elle sait déjà composer un
programme. L'effet hypnotique de
la n°4, proche du jazz, le dispute à l'étonnant sostenuto de la n°10 qui dans son cheminement abstrait n'est pas sans faire penser au final
de la Sonate de Chopin. La formidable technique de
l'interprète en vient à se faire oublier ; de
même que toute comparaison avec un autre prodige chinois bien connu dont on
espère que Mlle Wang ne
suivra pas l'exemple.
DVDs
Leoš JANÁČEK : La Petite Renarde rusée, opéra en trois actes. A.Tsallagova, H.Esther
Minutillo, J.Rasilainen, Michelle Lagrange, David Kuebler, R.Bracht, P.Gay.
Orchestre de l'Opéra national de Paris, dir. Dennis Russell Davies. Medici Arts : 3078388. TT : 101'.
De tous ses opéras, Janáček chérissait La Petite Renarde rusée, « une chose gaie avec une fin triste » comme il l'appelait. La production de André Engel, filmée live à l'Opéra Bastille, retrouve la fraîcheur et l'innocence douce amère
du roman feuilleton dont s'est inspiré le musicien, de ces scènes de la vie
animale qui racontent une histoire d'amour si vraie, où des destins fugaces
croisent ceux d'humains dérisoires dans la célébration d'un hymne panthéiste. Le monde de la forêt est tiré ici vers un champ de tournesols dont
l'immensité est bordée par une voie de chemin de fer. Car l'homme ne cherche-t-il pas à domestiquer la nature ? Celle-ci aura pourtant le dernier mot. L'hiver
frileux qui emportera la renarde facétieuse, laisse place au retour du
printemps, au renouvellement éternel du cycle de la vie. De sa nombreuse descendance, l'un des rejetons de la renarde
Fine-Oreille sera, comme elle, capturé par le garde forestier,
toujours captivé par sa beauté. La
prise de vue souligne ce que la régie a de délicatement nostalgique : les animaux, représentés par des enfants, sont
stylisés par quelques traits finement caricaturaux. Surtout, elle révèle un univers d'une onirique poésie où le
raisonnable n'est peut-être pas là où on l'attend, et des figures d'animaux
personnifiés qui, à la différence de Chanteclerc, ne déclinent pas
les travers humains, mais sont le miroir des hommes. Belle idée que de visualiser les interludes symphoniques par des
évocations agrestes et le rappel du passage clé de la scène précédente. Au-delà de l'allégorie, la pièce se lit comme un roman cursif où tout
n'est que suggéré par une musique qui est elle-même action.
Richard WAGNER : Tristan
und Isolde,
drame lyrique en trois actes. Ian Storey, Waltraud Meier, Michelle DeYoung, Gerd Grochowski, Matti Salminen. Orchestre du Teatro alla Scala, dir. : Daniel Barenboim. Filmé live le 7 décembre 2007. 3DVDs Virgin Classics : 51931599. TT :
267'.
Quelle chance de pouvoir, grâce au DVD, revoir et
disséquer la mise en scène que Patrice Chéreau a sculptée du Tristan et Isolde de Wagner. Ce
qu'un régisseur venant du théâtre parlé peut apporter à l'opéra, en termes de
compréhension, on le vérifie ici, ô combien. Chéreau a imaginé de placer ce drame on ne peut plus intérieur dans le mouvement même de la vie : l'équipage du navire de Tristan au premier acte,
la soldatesque à la solde de Mélot au deuxième,
les écuyers du héros au dernier. Tout cela tisse l'arrière-plan vivant d'une action dont les longs monologues
sont tout sauf statiques, tant le mot est signifiant. Ainsi du récit d'Isolde mis en perspective sur fond de labeur de
l'équipage ou de sa lassitude de ne point arriver, de la présence humaine agressive
qui creuse d'autant plus la tristesse résignée émanant des stances de Marke, de
l'abyssale désolation qui s'empare de tous durant le délire où Tristan
désespère de pouvoir mourir sans Isolde. Le
découpage cinématographique habilement séquencé, très étudié dans ses
techniques - fondus enchaînés, surimpressions, images superposées ou en rupture
- se cale sur les accents de la mise en scène. Au-delà de la plastique de l'environnement aux tons gris et bleu nuit,
de la peinture de personnages délestés de tout hiératisme, des interactions
entre ceux-ci, est dévoilée une alliance rare du chant et du drame. Telle
gestuelle naturelle, vraie, tel jeu de scène refusant l'emphase, non seulement
expliquent, mais plus, décryptent ce que l'opéra offre de prégnance théâtrale ; pas seulement dans le cheminement obsessionnel et épuisant des deux
héros, mais aussi quant au drame que vivent Marke, Brangaene et Kurwenal. Ils transfigurent même l'interprétation musicale qui, tout comme la pâte sonore forgée par Daniel Barenboim, en acquiert un relief saisissant.
Ludwig
van BEETHOVEN : Concerto pour piano n°3. Anton BRUCKNER : Symphonie n°7.
Alfred Brendel, piano. Orchestre du
Festival de Lucerne, dir. Claudio
Abbado. DVD EuroArts : 2054649.
TT : 106'.
Le concept de musique de chambre étendu à l'orchestre symphonique, tel
pourrait être le credo des exécutions dirigées par Claudio Abbado à la tête de
son Orchestre du Festival de Lucerne. Cette formation à nulle autre semblable réunit des musiciens venus d'horizons
divers, solistes, membres d'ensembles de chambre ou d'orchestres. Elle transcende l'hétérogénéité de forts talents individuels à la
faveur d'une sonorité d'une rare homogénéité et d'un jeu à l'incomparable densité - comme le démontre le programme du concert
inaugural du festival 2005. Il débute par le 3e Concerto pour piano de Beethoven dont Alfred Brendel capte l'essence. Avec le complice Abbado qui imprime d'emblée un tempo alerte, sa
vision est d'une élégance suprême et le jeu gagne, s'il est possible encore, en acuité. L'exécution est d'une rare émotion aussi. Suit la 7e Symphonie de
Bruckner, une relative rareté dans le répertoire du maître italien. L'approche favorise le lyrisme et débarrasse de tout pathos cet univers sonore souvent catalogué d'emphatique. Nul n'est besoin de tempos pondéreux pour déployer l'élan intérieur,
forger le grandiose. La prise de vue fait participer le spectateur à
l'élaboration de quelque chose qui se construit. On est loin de ces captations filmées dont le seul dessein est de
montrer tour à tour instrumentistes et chef d'orchestre en une succession d'images décoratives. Et
quel sens de l'événement !
Jean-Pierre Robert
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Laëtitia Girard
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