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septembre-octobre 2009
n° 562


A paraître



mai-juin 2009
n° 561


Sommaire :

1. L'éditorial de Francis Cousté : "Compositrices"
2. Informations générales
3. Varia
4. Manifestations et Concerts
5. Recensions de spectacles
6. Annonces de saisons
7. Interview de Pierre Amoyal
8.
L'édition musicale

9. Bibliographie
10. CDs et DVDs

11. La vie de L’éducation musicale


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Compositrices…

 

Parmi les membres du sexe dit fort (pour sa musculature…), n’était-il pas jusqu’à présent communément admis que – de par, notamment, leur capacité d’enfanter – les femmes avaient un sens plus aigu des réalités qu’eux-mêmes, davantage portés à l’abstraction de disciplines aussi peu terre-à-terre, voire schizophréniques, que la composition musicale ou la mathématique pure ?  En effet, au moins à l’égal de leurs compagnons, les femmes ne se sont-elles pas illustrées dans tous les domaines de l’esprit ?  À l’exception, peut-être, des deux disciplines précitées…

 

Il semble toutefois que le beau sexe soit désormais en mesure d’infirmer ce malheureux clivage.  Gardons-nous, en outre, d’oublier que le premier compositeur dont l’histoire nous ait légué le nom était celui… d’une compositrice, Hildegard von Bingen (1098-1179).  Puis que lui succédèrent, mais bien plus tard, Élisabeth Jacquet de La Guerre, Fanny Mendelssohn, Lili Boulanger… – pour ne citer que trois personnalités phares du passé.

 

Devant la montée des intégrismes religieux qui tant menace le statut des femmes, il est éminemment souhaitable que nos sociétés leur rendent le plus juste et vibrant hommage.  Et c’est précisément le cas aujourd’hui avec, en particulier, l’exposition en cours au Centre Pompidou [« elles@centrepompidou »], le Festival d’Île-de-France 2009 [« Elles… musiques au féminin »] et, bien sûr, les dossiers que nous leur consacrons.

 

Francis B. Cousté

 

 


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Les États Généraux des Musiques du monde se tiendront, à Sciences-Po/Paris, les 11 et 12 septembre 2009.  Artistes, chercheurs, politiques et professionnels de la culture échangeront témoignages et points de vue.  Renseignements : www.mondomix.com/forum/etatsgeneraux ou www.zonefranche.com

 

Les « Journées de la Scène » auront lieu à Amiens, les 29 et 30 septembre 2009, autour du thème : Quel nouveau souffle pour le spectacle vivant ?  Déclinaisons : Comment assurer durablement les présences artistiques sur les territoires ? Quelles relations construire entre équipes artistiques et population ? Comment la création peut-elle se nourrir du territoire ? Sur quelles bases établir aujourd’hui un projet culturel de territoire ?  Renseignements : 02 40 20 60 20.  www.professionnelsduspectacle.com

Amiens ©DR

 

Coup de Jarnac, rue de Valois…

©Didier Plowy/MCC

 

Festival d’Automne à Paris. Le programme de sa 38e édition est en ligne sur : www.festival-automne.com  Pas moins de 65 manifestations, avec : Saburo Teshigawara, Rodrigo Garcia, The Wooster Group, William Kentridge et le Handspring Puppet Company, la compagnie Stan, une rétrospective intégrale de Guy Maddin, un film en version scénique avec orchestre et Isabella Rossellini (récitante). Œuvres d’Edgard Varèse et Gary Hill, Wolfgang Rihm, Morton Feldman, Luciano Berio, Frederic Rzewski...

 

« Notes d’automne ». Ces Rencontres musicales et littéraires en bords de Marne se dérouleront au Perreux, du 6 au 11 octobre 2009 (directeur artistique : Pascal Amoyel.  président d’honneur : Jean Piat).  Avec notamment : Robin Renucci, Marie Laforêt, Jean-François Zygel, Frédéric Lodéon, Dominique Hoff, Bernard Cavanna [notre photo]… Renseignements : 01 48 71 53 69. www.festivalnotesdautomne.fr

©DR

 

Colloque de l’Observatoire des politiques culturelles (OPC) :

www.colloqueopc20ans.net/prochaines_etapes.html

bandeau 20 ans opc

 

« Les Musicales » de l’Institut du Monde arabe (président : Dominique Baudis) se dérouleront du 9 octobre 2009 au 29 mai 2010.  Large kaléidoscope musical composé d’artistes venus du Machreq, du Maghreb et d’Europe (26 troupes).  Renseignements : 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed V, 75005 Paris. www.imarabe.org

©IMA

 

Saison de la Turquie en France (juillet 2009-mars 2010).  Pas moins de 400 événements – avec la participation de Müsennâ (mise en miroir des musiques ottomane et baroque d’Europe), d’Arkin Allen (mixant flûte ney et sons électroniques), de groupes de la scène indépendante ou indie-rock (Kim Ki O, Change of Plan, DDR…), de Jordi Savall et Kudsi Ergüner, des pianistes Gülsin Oney, Toros Can, Hüseyin Sermet et Fazil Say (dont sera créée la Première Symphonie dite « Istanbul », pour instruments classiques et orientaux), etc. Renseignements : www.saisondelaturquie.fr

Ministres de la Culture ©Jean-Philippe Baltel

 

« Multiple(s) Empreinte(s) », tel est l’intitulé de la saison 2009-2010 de l’Ensemble genevois Contrechamps.  Outre ses nombreux concerts dédiés à la musique contemporaine, cette remarquable formation multiplie les activités pédagogiques : Concerts pour les enfants, Répétitions générales, Concerts commentés, Interventions des musiciens ou d’un musicologue, Ateliers en classes primaires et enfantines, Les enfants et la création, Partenariat avec la Haute École de musique de Genève.  Renseignements : 8, rue de la Coulouvrenière, CH-1204 Genève.  Tél. : +41 (0)22 329 24 00. www.contrechamps.ch

©Contrechamps

 

Le Prix des Muses 2009, mention in honorem, a été attribué à Jean Mongrédien, professeur honoraire à la Sorbonne, pour son ouvrage en 8 volumes Le Théâtre-Italien de Paris (1801-1831), chronologie et documents.  Les éditions Symétrie ont, à cette occasion, mis en ligne le site www.theatre-italien.fr (site compagnon des 5 384 pages de la version papier) permettant d’effectuer des recherches, en plein texte, dans les index de cette monumentale monographie.  Renseignements : 04 78 29 52 14. http://symetrie.com

 

Le Concours international de saxophone de Ville-d’Avray (ouvert aux saxophonistes de toutes nationalités, sans limite d’âge) se déroulera les 13 et 14 mars 2010.  Le programme comporte trois créations d’œuvres de Nicolas Bacri, Philippe Hersant et Jean-Louis Petit [notre photo].  Renseignements : Festival de musique française - 34, avenue Bugeaud, Paris XVIe.  Tél. 01 78 33 14 57.  http://int.comp.paris.va.free.fr/index.html

©DR

 

2010 : « La voix dans la formation du musicien ». Les 29, 30 et 31 janvier 2009, se tiendront, à Boulogne-sur-Mer, des rencontres nationales autour des thématiques suivantes : La voix dans la construction de la personnalité / La voix dans la formation artistique / La voix, parcours de formationRenseignements : Institut français d’art choral (Abbaye-aux-Dames, BP 125, 17104 Saintes Cedex.  Tél. : 05 46 92 99 54. www.artchoral.org

 

Jean-Luc Hess, président de Radio France, se félicite de la progression de l’audience des stations France Musique (1,6%) et France Culture (1,5%) [source Médiamétrie].

Maison de Radio France (vue depuis la Tour Eiffel) ©Gérard Ducher

 

Ircam : Le détail de la saison 2009-2010 est en ligne.  Consulter : http://www.ircam.fr/saison.html

 

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Grands Prix 2009 des Boulevards de l’affiche.  Dans la catégorie Musique ont été couronnées les affiches ci-dessous.  Renseignements : www.boulevardsdelaffiche.com

                         

 

« A song a day keeps the doc away » (China Daily)

©DR

 

« Manuel de Falla a été sauvé de l’échec par la France », estime Elena García Paredes, petite-nièce du compositeur & directrice du Fonds Manuel de Falla.  Et d’ajouter : « Il savait que s’il restait en Espagne, il devrait se contenter de monter des zarzuelas et de donner des cours de piano ».  Renseignements : www.diariodeleon.es/noticias/noticia.asp?pkid=457249

Manuel de Falla ©DR

 

Selon « The Global Language Monitor », la langue anglaise aurait - avec Web 2.0 - franchi le cap du million de mots.

©GLM

 

« Africa » de Toto, revisité slovène : www.koreus.com/video/perpetuum-jazzile-africa.html

©Perpetuum Jazzile

 

Music not just for the soul« La musique classique pourrait avoir des effets thérapeutiques » affirme le Professeur Luciano Bernardi de l’Université de Pavie.  Elle affecte directement le cœur, les artères et les poumons ont démontré les tests effectués auprès d’un panel de 12 chanteurs & de 12 personnes non musiciennes.  Musiques diffusées : extraits de Turandot (Puccini), de la IXe Symphonie (Beethoven), de Nabucco & La Traviata (Verdi) et d’une cantate de Bach.  Étude parue dans Circulation : Journal of the American Heart Association.  Renseignements : www.cbc.ca/arts/music/story/2009/06/23/study-italian-heart-therapy.html

 

 

Sports & musique… Si Héraclès brillait dans les activités sportives et militaires, il était moins habile pour les arts et les choses de l'esprit.  Son maître de musique, le malheureux Linos – frère d’Orphée - l'apprit à ses dépens.  La lyre n’étant pas du goût de son élève, celui-ci lui défonça le crâne avec l’objet du litige.  Convaincu de meurtre, il sera toutefois acquitté en vertu de la loi de Rhadamante qui lui accorda… la légitime défense.

Héraclès tuant Linos.  Dessin de Nicolas Poussin

 

American way of life… Aux États-Unis, les adultes estiment être des martyrs du travail.  Ce n’est certes pas le cas de leurs enfants, lesquels ont des rythmes autrement moins soutenus que ceux de leurs homologues européens - pourtant réputés paresseux… Les jeunes Américains ne travaillent, en effet, que 180 jours par an, contre une moyenne de 195 en Europe et de plus de 200 en Asie du Sud-Est.  Ils ne travaillent que 32 heures par semaine, contre 35 en France, 37 au Luxembourg, 44 en Belgique, 53 au Danemark, 60 en Suède.  Fin des cours en début d’après-midi, une seule heure de travail à la maison ; trois mois de vacances d’été… Aussi Barack Obama juge-t-il urgent de repenser tout cela : « On ne peut plus tabler sur un calendrier académique conçu pour une Amérique, pays de fermiers qui avaient besoin de leurs enfants pour les travaux agricoles ».  Regroupées dans l’association « Knowledge is Power Programme » (KIPP), un millier d’écoles (sur quelque 90 000) ont déjà rompu avec le système : avec des horaires quotidiens de 7h30 à 17h, des cours certains samedis ainsi que deux semaines en été (The Economist, June 13th-19th 2009)…

Mais quid, dès lors, des activités culturelles et sportives qui, jusqu’à présent, se déroulaient l’après-midi ?  Articulum tacet

 

Disques d’or, de platine, de diamant… Toujours plus bas sont les seuils d’attribution.  Pour l’or, il est ainsi passé de 100 000 (en 1999) à 75 000 (en 2006) et à 50 000 (en 2009).  Pour le platine, de 200 000 à 100 000.  Pour le diamant, de 750 000 à 500 000.  Et ce, en raison du téléchargement illégal : les ventes de CDs se sont, en effet, effondrées de 60 % en six ans.  Source : Syndicat national de l’industrie phonographique (Tél. : 01 44 13 66 66.  www.disqueenfrance.com/fr)

 

Optimisme… « Les femmes font maintenant de la politique et les hommes dansent » (Anne Teresa de Keersmaeker, commentant The Song, son dernier ballet (Le Monde du 1er août 2009).

©DR

 

Terapia tanguera : www.tangovia.org

 

Plus de 800 Music Shops auraient fait, depuis 3 ans, l’objet d’attentats à la bombe dans la vallée pakistanaise de la Swat.  Source : www.freemuse.org/sw34395.asp

 

Les femmes aussi !  Superbe complément à nos dossiers sur les compositrices, le Centre Pompidou lance un site consacré à nos contemporaines dans les arts visuels : http://elles.centrepompidou.fr

 

Justice islamique : Un Iranien a été condamné à cinq ans de prison ferme pour avoir mis en musique le Coran.  Source :

www.adnkronos.com/AKI/English/CultureAndMedia/?id=3.0.3538866073

 

From Australia : « La situation précaire de la musique dans les écoles publiques ne signifie pas seulement la perte, pour nos enfants, d’une dimension importante de la vie, mais aussi le manque de développement de certaines de leurs fonctions du cerveau et compétences sociales.  La Chine et le Vénézuela l’ont fort bien compris, ainsi que les parents australiens, mais nos politiciens sont sourds ».  Source :

www.abc.net.au/rn/backgroundbriefing/stories/2009/2612176.htm

 

 

Dont acte… L’exact « crédit photographique » de la couverture de notre n°561 n’était pas : ©Sylvain Rivaud, mais : ©Sylvain Rivaud/Cinezik.net

 

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Tango à l’Institut finlandais de Paris.  Le jeudi 10 septembre 2009 , à 20h, se produiront la pianiste Laura Mikkola [notre photo], l’accordéoniste Pedro Hietanen et le saxophoniste Jukka Perko.  Renseignements : 60, rue des Écoles, Paris Ve.  Tél. : 01 40 51 89 09 info@institut-finlandais.asso.fr

©DR

 

La XXe édition du festival « Présences » se déroulera à Paris les 18, 19 et 20 septembre & les 13, 14 et 15 novembre 2009.  24 compositeurs ; 20 créations (14 mondiales, 6 françaises) dont 12 commandes de Radio France ; 11 concerts gratuits.  Sans préjudice de sa toute nouvelle implantation à Shanghai, les 30 avril, 1er, 2 et 4 mai 2010.  Renseignements : 01 56 40 15 16. www.concerts.radiofrance.fr

 

Cité de la musique : Gustav Leonhardt. Domaine privé. Du mardi 15 au samedi 19 septembre 2009 Renseignements : 01 44 84 44 84 www.citedelamusique.fr

 

Le Festival Baroque de Pontoise [essentiellement dédié, cette année, à Purcell et à Haendel] se déroulera durant six week-ends, du 11 septembre au 18 octobre 2009.  Avec la participation d’une quinzaine d’ensembles réputés et de nombreux solistes.  Renseignements : 7, place du Petit-Martroy, 95300 Pontoise.  Tél. : 01 34 35 18 71. www.festivalbaroque-pontoise.fr

Pontoise, Château de l’Hermitage ©DR

 

Auditorium du Louvre, saison 2009-2010.  « Classique en images » est dédié… au Baroque (raretés filmées depuis les origines de l’enregistrement / William Christie, Jean-Claude Malgloire, Jordi Savall…).  « France-Russie 2010 » (Boris Berezovsky, Gleb Ivanov, Capella de Saint-Pétersbourg, hommages au Bolchoï et au Mariinsky, Cédric Tiberghien, Alina Ibragimova…).  Cycles « Piano solo », Musiques de chambre », « Voix », « Concerts du jeudi », « Musiques traditionnelles ottomanes », « Électrons libres », « Duos éphémères », « [concerts (œuvre)²] », « Umberto Eco »…  Six séances de films autour de « Gustav Mahler, le Bohémien viennois », avec une conférence de Henry-Louis de La Grange… Informations : 01 40 20 55 55.  www.louvre.fr/llv/auditorium/alaune.jsp

©RMN/Arnaudet

 

La Péniche Opéra, Compagnie nationale de théâtre lyrique et musical, présente, du 19 au 23 octobre 2009, à 20h30, deux opéras de Paul Hindemith : Aller-retour et Le long dîner de Noël.  En création française.  Direction musicale, transcription & traduction : Lionel Peintre.  Mise en scène : Mireille Laroche.  Renseignements : Bassin de la Villette/ 46, quai de la Loire, Paris XIXe.  Tél. : 01 53 35 07 77.  www.penicheopera.com

La Péniche Opéra

©DR

 

Opéra de Tours.  Saison 2009-2010 : La Clémence de Titus (Mozart), Pas sur la bouche ! (Yvain), Le téléphone / Amelia va au bal (Menotti), Capuleti e Montecchi (Bellini), Dialogues des Carmélites (Poulenc), Tosca (Puccini).  Pour Jeune Public : Concert pour les petites oreilles (Ravel, Bernstein, Milhaud), La boîte à joujoux (Debussy), La ronde des animaux (Fr. Krief), L’histoire de Babar (Poulenc).  Renseignements : 02 47 60 20 20.  http://operadetours.com

Opéra de Tours

©DR

 

« Les Concerts de poche », en tournée… Avec notamment le concours, en septembre-octobre 2009, de : Marianne Piketty & Éric Le Sage, Henri Demarquette, Caroline Casadesus, Gary Hoffmann, Svetlin Roussev, Michel Dalberto, Philippe Cassard, Hélène Delavault, Marie-Christine Barrault, l’Ensemble Pasticcio Barocco, Vassilena Serafimova, Jean-François Zygel & Antoine Hervé...  Renseignements : 01 60 71 69 35. www.concertsdepoche.com

 

Carnatica Brothers (K.N. Shashikiran, P. Ganesh et leurs musiciens) se produiront - pour la première fois en France - le vendredi 25 septembre, à 20h30, en l’Auditorium du Musée Guimet.  Gottuvadhyam (ou Chitra Vina) & chant.  Renseignements : 01 40 73 88 18. www.guimet.fr/-auditorium

©DR

 

Conservatoire national supérieur de musique & de danse de Lyon.  Les très riches heures de la saison de ce prestigieux établissement sont en ligne sur : www.cnsmd-lyon.fr/e.php?lsd=9x354&tc=5

CNSMDL ©DR

 

Desperate Singers : Requiem for Klaus Nomi.  Oratorio burlesque & tragique.  Œuvres de Henry Purcell, Olga Neuwirth, Eugène Kurtz, Raymond Murray Schafer et Luciano Berio.  Avec Brigitte Peyré (soprano), Alain Aubin (contre-ténor), Olivier Pauls (mise en scène).  Ensemble Télémaque, dir. Raoul Lay.  Création le 28 septembre 2009 , au Théâtre des Bouffes-du-Nord, à Paris. Reprise le 21 novembre 2009 , au Théâtre de la Minoterie, à Marseille.  Renseignements : 04 91 39 29 13 . www.ensemble-telemaque.com

©Max Minniti

 

Invités par l’Orchestre de Paris (dir. Kristjan Järvi), Richard Galliano (bandonéon) & Yamandu Costa (guitare) se produiront le mardi 27 octobre, à 20h, au Théâtre du Châtelet, Paris.  Au programme : Estancia (Ginastera), Suite pour guitare à sept cordes & orchestre (Carrilho), Concerto pour bandonéon (Piazzolla), La noche de los Mayas (Revueltas).  Renseignements : 01 40 28 28 00 . www.orchestredeparis.com

Francis Cousté

 

 


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Recensions de spectacles en France & en Europe

 

Apothéose wagnérienne à Aix-en-Provence

L'aventure wagnérienne aixoise débutée en 2006, s'achève avec Le Crépuscule des dieuxCe qui restera dans la mémoire, c'est avant tout la prestation de l'Orchestre philharmonique de Berlin, et comment le prince des phalanges européennes s'inscrit, sous la houlette de son chef Simon Rattle, dans l'univers opératique, sans rien abandonner de son identité symphonique. La dernière journée du Ring est un immense poème musical qui comprend ses moments purement orchestraux, le Voyage de Siegfried sur le Rhin, incandescent d'envolée joyeuse ici, la Marche funèbre, glorification exaltée et non pas déploration grandiloquente, où Rattle laisse un temps se déchaîner ses forces orchestrales. Mais c'est beaucoup plus. Ce qui fait le prix de cette interprétation, c'est la lisibilité, la continuelle transparence sonore, le fondu de la texture quel que soit le registre, de la force la plus tellurique à l'impalpable poésie.  Et que dire de ces transitions géniales entre scènes. Ainsi du changement de climat s'opérant après le sombre monologue de Hagen, pour décrire l'isolement dans lequel se trouve Brünnhilde, la désolation de la femme seule. On se prend à redécouvrir tel trait des violoncelles qu'affectionne le compositeur, tel chatoiement orchestral enluminé par les bois, la cantilène des six harpes alignées, la noirceur abyssale du discours - prélude du II - qui vous entraîne dans d'insondables profondeurs. Le naturel de l'expression chantée, refusant l'emphase, domine une distribution qui frôle l'excellence. N'est pas un détail le fait de confier le rôle de Waltraute à Anne Sofie von Otter.  Car pour être courte, la seule scène où elle intervient est cruciale, alors que cette sœur de Brünnhilde l'exhorte à la raison.  Gerd Grochowski tire le meilleur de la partie de Gunther, de son timbre de baryton expressif. Combien de chanteurs sont-ils capables ces jours de rivaliser avec Ben Heppner quant à la ligne de chant et à la maîtrise du registre aigu de Siegfried ? Son naturel touchant n'a d'égal que la décontraction vocale dont il forge l'ultime récit des exploits du héros. La Brünnhilde de Katarina Delayman tient le choc. La féminité dont elle pare cette belle figure emporte l'adhésion, comme l'expressivité de son chant jusque dans les passages exposés. Mikhail Petrenko, Hagen, manque sans doute de creux lors des appels aux vassaux, mesuré à un orchestre lancé à pleine puissance. Mais le mordant froid qu'il apporte confère une singulière force aux interventions de cet agent maléfique.


 

C'est un des traits essentiels de la mise en scène de Stéphane Braunschweig que de se concentrer sur les dialogues dont la lisibilité théâtrale capte l'atmosphère sans sombrer dans quelque réinterprétation imposée. Deux exemples : l'échange entre Alberich et Hagen qui ouvre le IIe acte a cette force incantatoire qui scelle un pacte de mort. Le trio qui conclut ce même acte, où Brünnhilde humiliée en vient à dévoiler comment trahir, mise sur une retenue tout sauf vengeresse.  Pactes transgressés, trahisons réciproques, Braunschweig évite tout pathos dans les confrontations qui jalonnent ce récit épique où l'on passe du monde des dieux à celui des hommes et à ses vanités.  Reste que l'affadissement des rapports entre personnages, le déclin des destins héroïques à l'heure de l'héritage encombrant laissé par les dieux du Walhalla, ce Wotan dont l'ombre apparaît fugace lors de l'immolation de Brünnhilde, le trouvent peut-être moins inspiré.  L'espace, jusqu'alors cerné, se libère mais le dépouillement décoratif qui élude à dessein tout figuratif laisse un sentiment de trivialité à des passages tels que la réunion de famille des Gibichung ou la scène des vassaux – à laquelle Rattle ôte musicalement aussi toute grandiloquence.

 

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Un concert historique

La résidence en Aix de l'orchestre berlinois est aussi l'occasion de concerts symphoniques. Pierre Boulez était aux commandes dans un programme réunissant Bartók, Ravel et lui-même. Moments exceptionnels s'il en est que la réunion de ce musicien nimbé de gloire et pourtant si éloigné de la vedette d'estrade, et de ces instrumentistes fameux, visiblement sous le charme. Musique pour cordes, percussion et célesta achève la brillante synthèse entre les recherches de Bartók puisées à la tradition hongroise et modernisme basé sur le rythme et l'harmonie novatrice.  À l'exemple de ces deux groupes de cordes disposées de part et d'autre d'un noyau central de percussions. De ce kaléidoscope sonore où les dissonances se rapprochent d'un certain expressionnisme, mais dont le texte est animé d'un sens suprême de la forme, Boulez offre une vision unifiée et, pour le citer, « partagée entre évidence et émotion ». Ambiguïté tonale, vitalité rythmique rivalisent avec richesse d'accents, notamment à l'intense adagio, sorte de nocturne qui distille le mystère, comme l'andante tranquillo initial installait l'angoisse. Le final est tout de saveur populaire.  Suit le Concerto pour la main gauche de Ravel et son univers luxuriant. Prodige de la forme, encore. Au-delà du tour de force qui consiste à donner par la seule main gauche l'impression d'un jeu couvrant le spectre sonore des deux mains, on y admire l'asservissement d'une extrême virtuosité à un discours comme improvisé, la fonction à caractère rhapsodique aussi de l'orchestration d'un coloriste absorbant jusqu'aux syncopes du style jazz. Pierre-Laurent Aimard [notre photo] et son ami Boulez en livrent une exécution serrée, animée d'une véhémence tragique, presque panique, que seule la partie centrale, une cadence qui ne dit pas son nom, tempère pour un moment d'une relative détente.

©Paul Cox

 

Le pianiste, fêté, prend alors la parole pour annoncer non pas un bis, mais « un complément de programme ».  Il jouera les cinq Notations pour piano (1945), dont la version orchestrale figure ensuite au programme.  Géniale idée. En effet, les Notations pour orchestre I à IV et VII (1980-1999) sont inspirées de ces pièces pianistiques, non à la manière d'une simple orchestration comme le faisait Ravel, mais telles des extensions, des dérivés - suivant le concept cher à l'auteur - d'œuvre en devenir.  Alors que la manière des pièces pour piano rappelle Messiaen, dont Boulez venait de suivre la classe au Conservatoire, leurs sœurs pour orchestre forment un élargissement de l'espace-temps musical. Il est fascinant de voir le compositeur chef d'orchestre, de sa sobre battue d'une redoutable efficacité, obtenir des Berlinois de chatoyantes sonorités sous une apparence d'épure, comme il est étonnant de constater comment Boulez tire parti de la quintessence que lui offrent ses miniatures pianistiques pour en extrapoler une texture harmonique et des couleurs d'une richesse insoupçonnées.

 

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Idomeneo revu par Olivier Py

Mozart n'a pas toujours de la chance à Aix. Mais la nouvelle production de Idomeneo, pour moderne qu'elle soit, est à considérer.  Là où son collègue en charge du Wagner joue la discrétion introspective, Olivier Py inscrit sa régie dans la dramatisation et le mouvement.  La dimension politique, dont celle récurrente ces temps, de l'esclavage, le rapport père-fils et la question de l'infanticide, la violence à peine contenue entre personnages forgent un drame qui se veut actualisé. L'élément décoratif (Pierre André Weitz) - quelque cité stylisée à la couleur froide de l'acier - s'impose.  Une batterie de praticables, découvrant plusieurs niveaux qui se métamorphosent en autant de combinaisons différentes, forme un écrin mobile pour saisir un grand brassage de situations et illustrer quelque tragédie grecque moderne. Le dispositif met en exergue le chœur et permet de différencier les scènes plus intimistes. Direction d'acteurs d'un homme qui connaît ses classiques, jeux de scènes ingénieux explicitent un opera seria dont Mozart a déjà dépassé les rigidités. Omniprésent depuis sa machination de la tempête qui jette Idomeneo sur le rivage crétois, le dieu Neptune va manier les fils d'un drame qu'il veut inexorable. La quête de violence primitive réclamant le sacrifice d'une vie imprime quelque chose d'inéluctable à une action dont chaque personnage crie sa vérité. Réflexion/action telle apparaît la différence entre Idomeneo et Idamante. Le premier est torturé par une issue à laquelle il ne peut échapper dès la première rencontre avec son fils - ici à travers un jeu de miroirs, belle idée.  Idamante oscille entre amour simple et volonté de réconciliation, car « prophète de paix » il ne conçoit pas la violence.  Ilia a la force de caractère d'une femme qui prend son destin en main car, selon Py, elle est « le génie politique de la pièce ».  Elettra, dernière incarnation d'une figure gluckiste, restera manipulatrice et enjôleuse, comme hors du temps.  On n'oubliera pas l'image saisissante de la fin du IIe acte, qui voit surgir les quatre cavaliers de l'apocalypse sur une vision de feu.  La symbolique maçonnique de la scène des prêtres du IIIe acte n'est pas éludée.

 

Nul doute impressionné par pareille régie, la direction de Marc Minkowski révèle un vrai sens de l'urgence et a des accents tranchés. La scansion réservée aux arias d'Elettra a quelque chose de rageur. À la caractérisation dramatique des airs répond une extrême émotion musicale. Les récitatifs laissent sur le qui-vive et les ensembles plongent au cœur de l'expression théâtrale. Peu de chanteurs aujourd'hui confèrent au rôle-titre autant de conviction que Richard Croft. Les vocalises, d'une époustouflante précision, sont au service d'une expression bouleversante. L'Idamante de Yann Beuron, ténor, forme un contraste intéressant, vocalement et dramatiquement. Sophie Karthäuser atteint une sorte d'idéal dans Ilia, quintessence du chant mozartien, et Mireille Delunsch apporte son immense métier à la partie tragique d'Elettra. Celle d'Arbace est transfigurée par Xavier Mas.  Surtout, tous ont ce suprême « souci du dire » qui apporte à ce chef-d'œuvre le frisson de la tragédie antique.

 

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The Fairy Queen à Glyndebourne

Pour ses 75 printemps, le festival de Glyndebourne s'offre une cure de contes de fées. The Fairy Queen de Purcell puise au Songe d'une nuit d'été de Shakespeare. Ce semi-opéra est composé de la pièce et de musique qui la complète plus qu'elle ne l'adapte, car pas un mot du grand Will n'est mis en musique.  Mais tout contribue à révéler la fantaisie souvent onirique que véhicule un texte plein de rebondissements et de facéties, en soi un vrai manifeste de l'imagination humaine, aux confins du réel et du romanesque.  La pièce réarrangée et réduite, bien que conservant une substantielle durée, est entrecoupée d'intermèdes musicaux, les masques, autant des divertissements que des illustrations comme en miroir, car chacun d'eux est relié thématiquement au drame. Ces parties musicales, par le truchement du chant, du mime et de la danse, et à travers une extrême variété d'airs et d'ensembles, prolongent les idées qui y sont contenues, où le pouvoir de l'inconscient, la force libératoire du rêve, la fantaisie nocturne produisent une inextricable alchimie d'amour, de poésie, de folie.  Ce sont tour à tour le masque du sommeil, ou de la féerie et de l'illusion, celui de la séduction ou de l'amour enchanté sous toutes ses formes, le masque du jour nouveau et des quatre saisons, et enfin celui du mariage, où raison et sentiment sont réconciliés, à l'instar de l'union enfin scellée des deux couples amoureux de Shakespeare. La pièce dans la pièce, Pyrame et Tisbé, jouée par de vrais-faux comédiens amateurs truculents, est là pour ajouter un brin de déraison dans les joutes amoureuses. Voilà de quoi enflammer l'imagination d'un metteur en scène et Jonathan Kent n'est pas en reste. Durant près de quatre heures il nous tient en haleine en une profusion de tableaux mêlant genres et époques, enchantement et comique débridé, érigeant l'hybride en principe sans sombrer dans la facilité - et ce jusque dans l'extrême : une scène de fornication mettant aux prises une myriade de lapins ! Le spectacle rebondit par moult effets de surprise, dont les illustrations décoratives ne sont pas les moindres : machinerie agile, débauche de costumes chamarrés, visions allégoriques. Et l'on passe de l'élégiaque à la plus franche excitation dans une sorte d'improvisation, inhérente à l'univers shakespearien.


 

William Christie préside aux destinées musicales. Il nous révèle que l'origine du semi-opéra est française, celui-ci ayant à voir avec la comédie-ballet, et combien
Purcell, un grand cosmopolite en son temps, a puisé à diverses
influences, même italienne.  Il démontre combien les interventions musicales de cette œuvre sont étonnantes, riche instrumentation à l'aune des ces bois caquetant, effets spéciaux de dynamique pour des contrastes marqués, remarquable fluidité de l'écriture. Et l’Orchestra of the Age of Enlightenment répond par des merveilles de fraîcheur sonore.  L'élégance du phrasé, l'extrême finesse du discours sont un constant ravissement. La troupe, nombreuse, réunissant acteurs, chanteurs, danseurs, est marquée au coin de la jeunesse. C'était un souhait du chef, par souci de vraisemblance, que de faire jouer cet hymne à la juvénilité par de jeunes interprètes. Combien a-t-il raison ! Sans parler des acteurs hors pair – un intarissable Bottom - on signalera les interventions des sopranos Claire Debono, Lucy Crowe ou Carolyn Sampson, des ténors Ed Lyon et Sean Clayton ou de la basse Andrew Foster-Williams, tous des habitués des ouvrages montés par Christie. Bonne nouvelle : Ce spectacle, coproduit par l'Opéra-Comique, y sera présenté en janvier 2010.

 

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Rusalka et le monde enchanté des ondines

Pour sa première production de Rusalka de Dvořák, Glyndebourne engrange un autre beau succès. La metteure en scène Melly Still, qui vient du ballet et livre aussi sa première prestation opératique, conçoit une dramaturgie narrative qui illustre parfaitement ce que cette pièce doit à ses origines de conte comme à son univers merveilleux.  Une de ses idées force est de restituer le mouvement des ondins par une myriade de danseurs vêtus de noir au point de se faire oublier, qui portent ou hantent les habitants du lac comme s'ils évoluaient dans l'eau même.  Cette visualisation des ébats aquatiques emporte aussi l'idée de la démultiplication des esprits des lieux comme des forces invisibles qui sous-tendent l'action. Aussi le trait sera-t-il de nouveau utilisé lors des imprécations de Jezibaba pour faire devenir mortelle la nixe Rusalka. La sorcière n'est-elle pas alors entourée d'une pléiade de ses semblables imitant ses faits et gestes. Belle vision encore que la transformation qui s'opère chez l'ondine, la révélation de sa féminité : après qu'elle a vu disperser son carcan de sirène, elle en vient, toute chancelante, à fouler amoureusement ses jambes libérées, comme découvertes. Au deuxième acte, Rusalka subira le déguisement de l'habit de mariée, comme malgré elle, et restera isolée durant les fastes de la noce, presque repoussée en son statut d'épouse officielle. On est loin de la réécriture psychanalytique de l'équipe Wieler-Morabito à Salzburg ou de la transposition en miroir opérée par Robert Carsen à Bastille.  Si le signifiant peut paraître en retrait, le spectacle gagne en lisibilité et sa poétique éclate avec une force peu commune.  À part la mine patibulaire réservée à Vodnik, l'Esprit des eaux, singé en quelque Alberich, les personnages sont croqués avec habileté et naturel. Ce que renforce l'amusant mélange des genres dans les costumes, modern style pour les invités de la noce, genre papier crépon chez les sœurs de l'héroïne, alors que celle-ci se voit, comme d'autres nixes des eaux profondes, avant sa mutation humaine, délicieusement agrémentée d'une immense queue de sirène virevoltant en autant de méandres blanchâtres.  Les profondeurs de la forêt et de son lac enchanté, plongés dans un sombre environnement que seule la lumière modifie en intensité, sont suggérées par un judicieux dispositif ménageant les deux plans des eaux et du rivage. Au dernier acte le baiser de mort de la nixe à son Prince inconstant laisse le sentiment du drame inéluctable d'une trahison annoncée.

 

Musicalement l'achèvement est encore plus incontestable. Car Jiri Belohlàvec connaît mieux que quiconque son Dvořák.  L'orchestre - un LPO chatoyant - regorge d'un chaud lyrisme qui se répand en de belles phrases caressées, voluptueuses presque.  Le savant réseau de leitmotive qui le tisse prend le sens de l'évidence malgré sa complexité. L'intensité symphonique apportée ne fait que mieux ressortir combien la pénétrante instrumentation de ce chef-d'œuvre porte le chant. Anna Maria Martinez est une Rusalka vibrante d'humanité et d'une souveraine beauté vocale dans un rôle fort exigeant dramatiquement. Tous les autres protagonistes, fort sollicités par leur régisseure, et dont on mesure le profit tiré d'une longue période de répétitions, font honneur à la réputation de la maison. Ainsi la Jezibaba histrion de Larissa Diadkova, le beau métal de ténor de Brandon Jovanovich, dans le Prince, ou la basse sonore de Mischa Schelomianski, Vodnik.  Le public ne s'y trompe pas, qui leur réserve une ovation triomphale.

Jean-Pierre Robert

 

 

 


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La riche saison 2009/2010 de l'Opernhaus de Zurich

Comme de coutume la prochaine saison zurichoise, qui ne présentera pas moins de 36 productions d'opéras, offre un riche panel de nouveautés et de reprises, défendues par la crème des chefs d'orchestre et des chanteurs qui font la réputation de la maison.  Pour ce qui est des œuvres données pour la première fois - encore une des originalités de l'Opernhaus - on citera : Mosè in Egitto de Rossini, dans une régie de Moshe Leiser et Patrice Caurier, avec Erwin Schrott dans le rôle titre, Der Ferne Klang de Franz Strecker, créé en 1912 (régie de Jens-Daniel Herzog, et direction de Ingo Metzmacher) et Il Corsaro de Verdi, mélodrame d'après Byron, dirigé par le jeune chef danois Eivind Gullberg Jansen. Viendront aussi de nouvelles productions de Luisa Miller (Barbara Frittoli, Fabio Armiliato, Léo Nucci) et de Rusalka, décidément à l'honneur partout en Europe, ces temps. Le renouvellement du répertoire se poursuivra avec les productions de Madama Butterfly (dirigée par Carlo Rizzi), Il Barbiere di Siviglia que conduira le vétéran Nello Santi, Les Contes d'Hoffmann, dans une régie de Matthias Langhoff avec Laurent Naouri dans les quatre rôles de vilain, Salomé, dirigée par Christoph von Dohnanyi, et La Femme sans ombre, qui marquera le retour du précédent GMD, Franz Welser Möst, à la tête d'une prestigieuse distribution. Enfin Nikolaus Harnoncourt dirigera Idomeneo qu'il mettra en scène ; une première.

 

Le répertoire italien sera fort représenté pour ce qui est des reprises. Dabord par Verdi, avec six autres opéras : Ernani (dir. Nello Santi), Simone Boccanegra (Carlo Rizzi), Il Trovatore (Adam Fischer), Rigoletto, La Traviata (avec Renée Fleming) et l'immanquable Nabucco.  De Puccini, on donnera La Bohème et Tosca (régie de Robert Carsen), de Rossini La Cenerentola, et de Donizetti Don PasqualeIl faut encore signaler Boris Godounov et Eugène Onéguine - qu'incarnera Thomas Hampson - l'un et l'autre conduits par Vladimir Fedoseyev, Carmen, et surtout Königkinder, l'autre chef-d'œuvre de Humperdinck, avec Janos Kaufman, une rare occasion de retrouver le grand ténor dans une salle qui a tant fait pour sa réputation, désormais mondiale.

Le versant allemand sera représenté par Strauss, avec Elektra, que conduira Daniele Gatti, nouveau directeur musical, Der Rosenkavalier - direction de Peter Schneider, avec Renée Fleming en Maréchale - et Ariadne auf Naxos (mise en scène de Klaus Guth et direction de Mark Elder) ; mais aussi une reprise attendue de Der Freischütz (P. Schneider) et de Die Meistersinger von Nürnberg, le seul Wagner de la saison (dir. Philippe Jordan).  Enfin Mozart verra à l'affiche Don Giovanni (dirigé par une autre figure, Theodor Guschlbauer, avec Carlos Alvarez), Cosí fan tutte (dir. Franz Welser Möst), La Clemenza di Tito et Die Zauberflöte.  Le baroque, peut-être moins favorisé cette année, verra néanmoins une reprise d'importance, Orlando de Haendel, dirigée par William Christie, et une nouvelle production de La grotta di Trofonio de Salieri (donnée au Théâtre de Winterthur).

Renseignement: Opernhaus Zürich, Falkenstrasse 1, CH-8008 Zürich.  Tél. : 00 41 44 268 66 66. www.opernhaus.ch

 

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L'Opéra de Lorraine-Nancy : Une saison 2009/2010 frappée au coin de l'originalité

Pour sa quatrième année de contrat en tant que label national, l'Opéra de Lorraine-Nancy offre une programmation inventive et variée, affichant sept spectacles mêlant répertoire et curiosités.  Rossini ouvrira le bal avec son inénarrable Il Viaggio a Reims, dans une production qui sillonnera l'hexagone puisque coproduite par pas moins de 17 maisons d'opéras. Un quarteron de jeunes chanteurs sera à l'œuvre (du 4 au 10 octobre 2009). Suivra - en coproduction avec Toulouse - Medea de Cherubini, dirigée par Paolo Olmi, dans une mise en scène de Yannis Kokkos, un habitué des lieux (du 10 au 19 novembre). Pour les fêtes de fin d'année (du 26 décembre au 1er janvier) on montera La Vie Parisienne que Jacques Offenbach a dotée d'une musique enfiévrée.  Dirigée par Claude Schnitzler, cet opéra bouffe sera produit par Carlos Wagner à qui l'on doit une zarzuela nancéenne d'anthologie. Nouveauté à Nancy aussi que Pelléas et Mélisande dirigé par Juraj Valcuha et mis en scène par Alain Garichot (du 20 au 29 janvier 2010). Une soirée en « double bill » réunira Trouble in Tahiti de Bernstein et L'Enfant et les sortilèges de Ravel, curieuse combinaison a priori, que le metteur en scène Benoît Benichou annonce faire prospérer par un dispositif décoratif modulable commun aux deux pièces (du 19 au 26 mars).  La fortune souriant aux audacieux, La Ville morte de Korngold sera ensuite à l'affiche, dirigée par Daniel Klajner (du 9 au 18 mai), autre exemple de « correspondance » entre un musicien et un poète, en l'occurrence Georges Rodenbach. La régie de Philipp Himmelmann se promet d'être sagace (du 9 au 18 mai). La saison s'achèvera avec Othello de Verdi, dirigé par Paolo Olmi et produit par Jean-Claude Berutti (du 13 au 22 juin).

 

Outre des concerts de l'Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, dont les programmes seront souvent en lien avec les spectacles lyriques présentés, il faut saluer deux initiatives importantes. La mise en place d'une mission d'insertion professionnelle de jeunes artistes dans le domaine du lyrique, qui dispensera des diplômes du niveau licence sanctionnant une formation en alternance pour les métiers du chant et de musiciens d'orchestre. Un Centre de formation des apprentis, à vocation nationale, sera ainsi ouvert à la rentrée 2009 pour des jeunes de 18-25 ans. Ce projet qui s'inscrit dans la philosophie du « plus et mieux » prônée par la direction nancéenne, constitue une première en France. Par ailleurs, sera proposée une formule d'abonnement commun avec l'autre scène lorraine, l'Opéra théâtre de Metz métropole, préfigurant un rapprochement si longtemps souhaité (il offrira, côté Metz, quatre spectacles : La Bohème, Hamlet, L'Attaque du moulin - une rareté d’Alfred Bruneau - La fausse Magie, pièce peu connue de Grétry, et L'Opéra de Quat'sous).

Renseignements : 1, rue Sainte-Catherine, 54000 Nancy.  Tél. : 03 83 85 33 20. opera@opera-national-lorraine.fr ; www.opera-national-lorraine.fr

 

Jean-Pierre Robert

 

 

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Pierre Amoyal

« Jouer et transmettre »

 

Propos recueillis par Gérard Denizeau

 

C’est à l’occasion d’un concert au sein du magnifique complexe du « Cœur de Ville » de Vincennes que se produit la rencontre avec Pierre Amoyal.  Silhouette juvénile, sympathie immédiate et grande simplicité dans toutes ses attitudes… le célèbre violoniste ne pratique rien, à l’évidence, du triste culte de la personnalité qui dénature tant de discours dans le monde musical.  Le voudrait-il d’ailleurs, qu’il n’en aurait guère le loisir, tant le programme de ses activités a de quoi donner le vertige :

L’été aura tout été… sauf tranquille.  De juin à août, le relevé des concerts, masterclasses, académies et autres manifestations n’est pas des plus aisés, de l’espace Beaulieu de Lausanne (création, par La Camerata de Lausanne du Concerto pour cor des Alpes du compositeur hongrois Ferenc Farkas, décédé le 10 octobre dernier, dans sa 95e année) au Festival des Nuits du Suquet, à Cannes, animé par l’ami Gabriel Tacchino pour un concert Mozart-Rota-Tchaikovski, en passant par Dax, Montebello en Italie, Saint-Riquier, Compiègne… pour y faire entendre Mendelssohn, Bach, Weber, Britten…  À titre plus individuel, le programme inclut Salzburg pour l’académie du Mozarteum à laquelle je suis chaque année fidèle… l’occasion de donner, notamment, la Deuxième sonate pour piano et violon de Roussel, en compagnie du pianiste Bruno Canino. Sans préjudice de Mozart et de Brahms.  Courchevel ensuite, pour y retrouver - avec Pascal Devoyon qui anime l’académie estivale - la ronde des concerts et des masterclasses…  Septembre ne sera pas moins animé, inscrit sous le signe de modernes Schubertiades pour Espace 2, la grande chaîne musicale suisse.  Moscou ensuite, et sa nouvelle Maison de la musique aux 2 500 places destinées à des auditeurs de Haydn et de Mendelssohn. À l’est toujours, et toujours un peu plus loin, Singapour.  J’y serai en octobre…

 

Quelques mots sur la Camerata de Lausanne ?

Créée en 2002 par le Conservatoire de Lausanne, à mon instigation, la Camerata entend renouer avec la tradition des ensembles se produisant sans chef. Elle forme un ensemble d’instruments à cordes à géométrie variable selon le répertoire interprété, accompagné parfois de clavecin ou de piano, et dont les membres sont admis sur concours.  En provenance des quatre coins du monde, les talents qui la forment constituent un ensemble homogène, dynamique et de même tradition instrumentale.  Ils peuvent ainsi conjuguer formation musicale de haut niveau et vie professionnelle.  L’enthousiasme, le plaisir de faire de la musique et la complicité qui leur est propre sont de rigueur.  La Camerata de Lausanne s’est produite dès ses débuts, en Suisse et en Europe, dans différents festivals (Radio France et Montpellier, Mozarteum de Salzburg, Toulon et sa région, Correspondances des Pays de la Loire), et en concert à la Fondation Gianadda de Martigny et à l’Opéra de Lausanne, ainsi qu’à Amsterdam, Damas, Beyrouth, Paris, Grenoble, Marseille, Mérignac, Biarritz, Milan, Catane, Venise, Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Singapour, Macao, Bangkok et Shanghai.  Elle a tenu la partie musicale des représentations du Directeur de théâtre de Mozart et de La canterina de Haydn à l’Opéra de Lausanne et à Tourcoing, sous ma direction.  Cette saison, elle se produit au festival des Friches musicales d’Évry, au Pôle Culturel de Wasquehal, ainsi qu’au festival Correspondances des Pays de la Loire.  Ouverte, stimulée par les nouveaux projets, elle construit son répertoire et ses activités professionnelles au fil des rencontres. Souvent sollicitée pour aller au-devant des jeunes, elle partage aussi son exigence d’une musique sensible, nuancée et profondément ressentie avec des publics de tous horizons et de toutes cultures.  La Camerata de Lausanne bénéficie de nombreux soutiens, notamment de la Ville de Lausanne et du Canton de Vaud.

 

La transmission du savoir reste l’une de vos grandes préoccupations…

Le secret de l’humanisme musical, c’est avant tout le refus d’un certain égoïsme. Aucun antidote plus puissant en la matière que celui d’une jeunesse à guider. Mais sans jouer au chef…  Ainsi, à la Camerata de Lausanne, je reste à jamais « un éternel étudiant ».  D’ailleurs, il vaut de rappeler comment l’affaire s’est déroulée.  Il y a sept ans, après de longues années d’enseignement à Lausanne, je me suis trouvé dans la curieuse situation d’avoir à compléter une formation de jeunes instrumentistes à laquelle il manquait un violon.  Non seulement, je n’ai vu aucun inconvénient à servir ainsi notre maîtresse à tous, la musique, mais encore cette expérience a-t-elle été déterminante.  Car, lors de la première répétition, me retrouvant sur scène avec mes propres élèves, c’est-à-dire des musiciens de haute qualité mais ne possédant pas encore de statut professionnel, j’ai éprouvé soudain une émotion absolument inédite, d’une incroyable profondeur.  Il me semblait que quelque chose d’inespéré m’était soudain révélé avec ce partage. Quelque chose qui dépassait tout ce que j’avais pu connaître sur toutes les scènes du monde en tant que concertiste.  Oui, je n’hésite pas à le dire, cette répétition reste le second grand choc de ma vie d’artiste.  Le premier, je l’avais subi, tout enfant, avec l’audition du Concerto de Tchaïkovski par Jascha Heifetz.  Un inoubliable électrochoc.  Dans l’instant, ma destinée venait d’être fixée.  Et dès le lendemain, je passais avec mon violon ces heures de travail dont je savais déjà qu’elles seraient le lot de tous les jours de ma vie.

 

Au gré de votre carrière, vous êtes passé du Conservatoire de Paris à celui de Lausanne.

Je garde un excellent souvenir de mes collègues de la Rue de Madrid, notamment de Maurice André et de Jean-Pierre Rampal.  En revanche, j’ai rencontré là-bas quelques petites difficultés administratives quant à l’exercice de ma double activité de concertiste et d’enseignant.  À Lausanne, ou d’ailleurs d’une façon générale en terre germanique, il est bien plus facile d’enseigner sans rien réduire de son activité de concert. Sans compter l’estime très supérieure dont jouissent les pédagogues en ces pays.  Sans négliger non plus la majoration des émoluments ! En ce qui me concerne, non seulement le cumul des activités n’a rien de contraignant dans ces conditions, mais il est nécessaire.  D’ailleurs, je me suis aussi tourné vers d’autres champs exploratoires, le théâtre par exemple, avec le célèbre clown américain Buffo (Howard Buten) ; un projet de film est même en route.

Il y a quelque chose de merveilleux dans la découverte du violon par les jeunes élèves. Cet instrument est si ardu au départ, il nécessite tant de passion pour vaincre les premières difficultés ! Quand on lit l’enthousiasme dans l’œil d’un petit garçon ou d’une petite fille affronté à ces difficultés, ou quand on prête attention à la qualité du silence qu’il ou elle observe après avoir joué… quel bonheur ! Et quelle certitude de ne pas se tromper quant aux aptitudes de ces tous jeunes impétrants à la gloire musicale ! Car la musique se fait avant tout dans le silence qui précède le jeu de l’archet. Qui précède le rêve, donc… lequel ensuite se concrétise ou non. Il est un autre silence tout aussi important, celui qui suit l’exécution, une sorte d’observation rétrospective de ce qui vient de se passer.  Je suis extrêmement sensible à ces deux moments.  Et aussi bien sûr, à la part du silence qui est endémique à la musique elle-même.

 

Que vous inspire le durcissement de la carrière musicale au cours des dernières décennies ?

Ce durcissement, cette déshumanisation, il me semble qu’on ne peut y échapper qu’au prix d’une absolue sincérité.  Il faut refuser le vedettariat dans tout ce qu’il a de facile, de superficiel.  Compter, par exemple, sur ce qu’on arrive à extraire de l’instrument et non sur tout un jeu de mimiques faciales destinées à impressionner la partie la plus crédule du public.  Récemment, on m’a fait découvrir sur YouTube une étrange vidéo montrant, sans bande sonore (je pense qu’il s’agit du triple concerto de Beethoven), les traits de trois artistes qui donnent à voir tout le panel des moues qu’est sensée provoquer la musique sur le visage de ceux qui l’exécutent.  Il y a là démonstration, par l’absurde, de la nécessaire précellence du son pour tout ce qui est musical !  Il me revient, à ce sujet, que mon maître Jascha Heifetz nourrissait quelque inquiétude, dans les années 70, en voyant les contorsions de Jacqueline Du Pré. Que penserait-il aujourd’hui ? La musique, elle n’est pas un spectacle racoleur !

 

Vous êtes l’auteur du curieux aphorisme : « Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux violons perd la raison » (Pour l’amour d’un Stradivarius, Paris, Robert Laffont, 2004, p. 214).

J’ai eu la chance d’entamer ma vraie carrière avec l’un des plus célèbres violons du monde, le Kochansky Stradivarius de 1717.  Pendant très longtemps, je n’en ai usé que pour les répétitions et les concerts. Soudain, un jour, il m’est apparu que c’était toute ma vie que je devais partager avec ce merveilleux instrument, y compris les heures d’exercice.  Puis cet instrument m’a été volé, presque par hasard, en 1987.  J’ai alors racheté l’instrument de Christian Ferras, avant de récupérer, en 1991, l’instrument qui m’avait été dérobé.  À cette occasion, j’ai compris l’impossibilité du mariage à trois, et j’ai revendu le « remplaçant ».  Le nom de Christian Ferras nous renvoie d’ailleurs à la question que vous posiez plus haut, relative à ce durcissement de la « compétition musicale » qui aura été le fait du second XXe siècle.  Christian, cet artiste merveilleusement doué, m’a raconté comment, au seuil d’un concert très important à Philadelphie, il a combattu la déferlante du trac par l’absorption d’un verre d’alcool, avant de jouer magnifiquement.  Prélude à la descente aux enfers…

 

Précisément, comment échapper à la malédiction du trac ?

Bon, comme je ne fais pas partie des bienheureux inconscients qui peuvent très bien clore un excellent repas cinq minutes avant d’entrer en scène, sans la moindre inquiétude, il m’a bien fallu mettre en œuvre une certaine stratégie pour combattre l’angoisse d’avant le concert.  J’avais d’ailleurs été à bonne école, ayant assisté à la métamorphose de Jascha Heifetz lorsque, parvenu à 70 ans, il s’était retiré de la scène ; oubliées la peur et la tension, il était redevenu un homme libre, apaisé.  Moi aussi, je serai content le jour où ça s’arrêtera ! Sans rien oublier des formidables joies que m’auront procurées ces innombrables concerts formant la trame de ma destinée.  Mais des joies payées au prix fort !  Pour combattre la pression, je me suis livré à une pratique assidue du sport, ce qui, au passage, m’a évité de ces tendinites et autres douleurs qui frappent si régulièrement les violonistes.  Oui, le secret de la sérénité est peut-être là, dans le déroulement d’une vie saine.  Et aussi dans l’exercice d’une responsabilité permanente à l’endroit de tous ces jeunes gens qui, en retour, me transmettent leur bienfaisante énergie, cette fraîcheur propre au premier âge de la vie, qui est celui de tous les apprentissages.

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Enregistrements récents de Pierre Amoyal

Jean-Sébastien BACH : Concertos pour violon BWV 1042 et BWV 1043. Mars 2009.  CD Asin : B001QVCFLY.

Albert HUYBRECHTS : Musique de chambre.  Pierre Amoyal, Marie Hallynck, David Lively, Yuko Shimizu-Amoyal. Juin 2009.  CD Asin : B0027REDKM

Petr Illitch TCHAÏKOVSKI : Musique de chambre (à paraître).

 

 


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CHANT

Canons d’hier et d’aujourd’hui. Lyon.  Voix Nouvelles (info@voix-nouvelles.com). Diffusion Cerf, distribution Sodis.  2009. 24 p. 14 €.

Préfacé par Jean-Michel Dieuaide, ce recueil sera aussi utile aux animateurs qu’aux enseignants qui y trouveront un choix de canons bien connus : Dona nobis pacem ; Gelobet sei der Herr, mein Gott (J. S. Bach) ; Praise God (Th. Tallis) et à découvrir : Tout au long du chemin sur les paroles de Didier Rimaud et la musique plus développée de Christian Villeneuve, avec accompagnement d’orgue.  La valeur pédagogique de la forme du canon est indéniable. Cette sélection très bien présentée de 15 canons, de caractère didactique, s’imposera d’emblée : succès assuré.

Édith Weber

 

FORMATION MUSICALE

Anthony GIRARD : L’orchestration de Haydn à Stravinsky. Billaudot : G8195B.

S’il est quelqu’un de capable d’un tel travail, c’est bien ce compositeur, orfèvre en la matière. Le propos d’Anthony Girard n’est pas d’écrire un nouveau traité d’orchestration mais de montrer à travers des exemples de treize compositeurs, de Haydn à Stravinsky comment on peut passer d’une écriture pianistique à l’écriture orchestrale. Pour ce faire, l’auteur utilise des réductions pour piano à deux ou quatre mains (ou une version pour piano préalable) des extraits d’œuvres qu’il propose. À partir de cette version pour piano, il montre comment les auteurs ont orchestré leurs œuvres en dévoilant et expliquant les différents procédés qui permettent la plénitude et la beauté de la réalisation orchestrale. On rêverait d’un CD qui nous restituerait les différentes étapes de la démonstration, de la réduction pour piano à la version achevée, en passant par les différents moments du travail d’orchestration tel qu’il nous est décrit. À nous de faire travailler notre « oreille intérieure » pour suivre le travail jusqu’à sa réalisation finale. Celui-ci est découpé en différentes étapes : instrumentation des parties principales, doublures, fonds, effets particuliers. Terminant par un extrait de la Symphonie liturgique d’Arthur Honegger, l’auteur conclut ainsi : « Les techniques d’orchestration découlent toujours directement du geste créateur. Si l’idée est puissante et authentique, alors s’ouvrent les portes de l’imaginaire orchestral. Il n’y a pas d’autres critères pour juger une orchestration que le plaisir qu’elle offre. […] Mais que vaudrait une superbe orchestration sans une envergure créatrice qui lui donne un sens ? » Qu’ajouter à cela ?

 

Anthony GIRARD : Le langage musical de Bartók dans le 4e Quatuor à cordes. Billaudot : G 8674 B.

Dans ce sixième cahier d’analyse, Anthony Girard étudie, à travers une de ses œuvres, un auteur dont le langage musical est particulièrement original. Comme toujours, il nous conduit de découvertes en découvertes par une analyse où la technique est toujours au service de la compréhension intime de la musique. Trois grandes parties : intensité expressive et abstraction, les aspects les plus significatifs du langage, et la forme. La démarche est d’une parfaite logique et permet d’aborder cette œuvre complexe sans risque de s’y perdre. Laissons conclure l’auteur : « La musique de Bartók, dans ses réalisations les plus abouties, laisse à penser que cette obsession formelle, ce besoin de symétrie, ces préoccupations numériques rejoignent la quète éternelle de la beauté absolue ».

 

Patrick KERSALÉ : Légendes et mythes. Thèm’Axe 3.  2DVDs. Lugdivine.

C’est avec un peu de retard que je rends compte de ce remarquable travail de Patrick Kersalé sur les légendes et mythes du monde. La musique occidentale n’est pas oubliée, avec l’Orfeo de Monteverdi, Les Indes galantes de Rameau et la Chevauchée des Walkyries de Wagner. Le premier DVD est consacré au tour du monde, le second est entièrement consacré au Râmâyana en Inde, en Indonésie, et à ses adaptations. Ces deux DVDs sont d’une très grande richesse et d’une exploitation rendue facile par les différents outils proposés, dont le livret de quatre-vingt pages qui accompagne l’ensemble sous forme de fichier pdf.

 

PIANO

Dominique LE GUERN, Jacques GUIONET, Jorane CAMBIER : Le petit Pianorama. Classique, jazz, variété, musiques de films… Répertoire progressif à partir de la première année.  Album + CD.  Hit-Diffusion.

On ne peut que louer l’esprit qui a présidé au choix et aux arrangements des nombreuses pièces (plus de cinquante) contenues dans ce recueil : aussi simples soient-ils, ces morceaux respectent l’esprit et l’harmonie des originaux. Même si les auteurs n’ont pas rédigé de programme pédagogique pour leur recueil, celui-ci transparaît dans la succession des difficultés.  À chaque professeur de mettre à profit ce remarquable travail. Les auteurs souhaitent que cet ouvrage devienne « le compagnon indispensable de tous les apprentis pianistes dans la découverte de l’instrument et du langage musical » : gageons que ce sera bien vite le cas ! Le CD comporte non seulement chaque pièce, interprétée avec beaucoup de goût, mais pour certaines d’entre elles un play-back orchestral de la meilleure venue. Voilà donc un recueil à conseiller vivement pour les débutants en piano.

 

Charles HERVÉ et Jacqueline POUILLARD : 33 études pour piano.  Lemoine : 28664 H.L.

Il s’agit d’une compilation par Ch. Hervé et J. Pouillard d’études ou de pièces d’auteurs divers connus ou moins connus, comme Schumann, Czerny, Bartók, Goedicke, Maikapar… classées de façon qu’elles permettent une approche de tous les « jeux » typiques du piano. Reprenant les dénominations d’études célèbres, nous trouvons au hasard : « pour le staccato, pour la vélocité, pour l’approche des sonorités nouvelles », etc. Voilà donc un ouvrage très méthodique qui permet d’aborder chaque difficulté avec de la bonne musique.

 

FLÛTE TRAVERSIÈRE

Éric LEDEUIL : La flûte imaginative.  Méthode de flûte traversière en deux volumes. Volume 1.  Album + CD.  Leduc : AL30 365. Cahier : AL30 366 + CD.

Cette méthode en quatre langues (français, allemand, anglais, espagnol) propose une formation musicale complète à l’intérieur du cours de flûte. Elle aborde aussi bien la technique classique que la technique contemporaine à travers des exercices qui sont autant de petits morceaux de style proposés aux élèves. La méthode comprend également des ateliers permettant, par des exercices auditifs, une approche de l’improvisation et de la composition. Des cadres historiques complètent le tout pour permettre au jeune flûtiste de situer son instrument dans l’histoire de la musique et des musiciens. Ajoutons que le CD est remarquablement enregistré et comporte les play-back d’un certain nombre de pièces.

 

CLARINETTE

Claude CROUSIER, Evdokija DANAJLOSKA, Jean-Luc HERVÉ, Bruno MANTOVANI, Alberto POSADAS, Philippe SCHOELLER, Fuminori TANADA : Pièces contemporaines pour clarinette. Album + CD Lemoine : 28331 H.L.

Ce recueil a été coordonné par Aude Richard-Camus en étroite collaboration avec les compositeurs dont certains ont, par ailleurs, enregistrés eux-mêmes leur œuvre sur le CD. Celui-ci comporte l’exécution de l’ensemble du recueil. Certaines pièces sont pour clarinette seule, d’autres sont des duos de clarinette ou clarinette-piano. Il s’agit, selon le mot même d’Aude Richard-Camus, d’un fabuleux projet de transmission et de création. Certaines pièces sont d’écriture classique. D’autres font appel aux sons multiphoniques ainsi qu’à d’autres techniques de jeu contemporaines. Les indications pédagogiques ne manquent pas, ainsi qu’une notice détaillée sur chacun des compositeurs qui ont participé au projet.

 

Philippe RIO : Trois paysages marins. Pièce en trois mouvements pour clarinette sib et piano. Lafitan : P.L.1841.

Pièce de vacances s’il en est, car nous passons de L’écume sur les falaises à À marée basse dans la brume pour finir par Jeu de balle sur la plage. Ces pièces, de niveau débutant ou élémentaire, sont pleines de poésie et d’entrain.

 

Marie-Luce SCHMITT : 1 – Mélancolie, pour clarinette sib et piano. Lafitan : P.L.1881.

Quelle pièce jolie et délicate d’une compositrice qui se dit modestement « compositrice de pièces pédagogiques » ! Première d’une série de quatre morceaux consacrés aux mesures irrégulières à cinq et sept temps, cette Mélancolie vise, entre autres, à privilégier le « passage du la au si » qui, selon l’auteur, orfèvre en la matière, reste la principale difficulté de la clarinette. Destinée au niveau préparatoire, cette œuvre devrait, selon le vœu de l’auteur, donner au jeune clarinettiste beaucoup de plaisir, tant dans le travail que dans l’interprétation.

 

SAXOPHONE

François ROSSÉ : Jonction, pour saxophone alto et piano. Leduc : AL 30 436.

François Rossé, qui a écrit un poème placé en exergue de son œuvre, se propose une fusion intime entre piano et saxophone, bien loin du soliste et de l’instrument accompagnateur. Il fait très souvent appel aux sons multiphoniques tels qu’ils ont été proposés par Daniel Kientzy, mais d’autres combinaisons sont possibles. Une pièce exigeante à découvrir.

 

Betsy JOLAS : Walking ground, pour deux saxophones altos. Leduc : AL 30 435.

Cette pièce constitue le deuxième volet de la suite Pueri apud magistros exercentur. « Les enfants s’exercent auprès des maîtres » : y a-t-il un plus beau programme que cette citation de Cicéron ? Ces pièces sont conçues comme des duos maître-élève.  Paradoxalement, la partie du maître est plus facile que celle de l’élève pour lui permettre de mieux surveiller le jeu de son disciple ! Les autres pièces, Allo, Oh là !, Scat sont écrites de la même manière et forment un ensemble cohérent. Dans cette pièce, le jeune saxophoniste emboîte le pas des noires marchantes (walking) sur l’immuable dallage du thème-série (ground).

 

Enzo GIECO : Bastelicaccia 2007 pour saxophone alto et piano. Delatour : DLT 1620.

Cette pièce sans grande difficulté est pleine de charme et de musicalité. La partie de piano n’offre pas non plus de difficulté insurmontable. Ce pourrait être l’occasion de faire exécuter un duo à deux élèves de niveau élémentaire ou moyen.

 

François ROSSÉ : Sonate en arcs pour saxophones alto et soprano combinés alternant avec un autre saxophone « au choix ». Anne-Fuzeau production : E.F. 8642.

Cette pièce a été écrite en 1982 sur la proposition de Daniel Kientzy, qui en est le créateur et le dédicataire. Elle s’inscrit dans la recherche de pratiques instrumentales nouvelles, peut-être plus recherchées dans les années 80 qu’aujourd’hui, où elles sont devenues des « classiques ». Il s’agit de séquences dont certaines s’exécutent avec deux saxophones joués simultanément. L’exécutant est évidemment guidé pas à pas dans cette pratique originale.

 

TOUS INSTRUMENTS À VENT

Jean-Louis DELAGE, Matthieu DELAGE : Welcome to flute, 10 pièces faciles avec play-back. Album + CD.  Hit Diffusion.

Six autres recueils, avec les mêmes transcriptions dans la même tonalité réelle, ont été réalisées pour : hautbois, clarinette, saxophones en sib et mib, trompette et cor en fa. Ainsi l’exécution simultanée (à l’unisson ou à l’octave) est-elle possible : ces sept recueils sont donc à recommander chaudement pour des « bœufs » interclasses.  De Mozart à We are the champions en passant par Offenbach et Édith Piaf, voilà un recueil bien sympathique. Le CD, pour les morceaux rapides, donne le play-back à différentes vitesses, permettant une mise en place aisée. Certes, ce recueil est aux antipodes du précédent, mais il ne faudrait pas bouder notre plaisir devant ces arrangements fort bien faits et qui constitueront - n’en doutons pas - la récréation des jeunes instrumentistes.

 

BATTERIE

Alain BEMER, Guy MAUNY, Bernard ZIELINSKI : La Groove Attitude, pour batterie solo.  Lafitan : P.L.1913.

Ces six pièces originales, de styles variés, dont deux dans le style des musiques celtiques, visent à mettre en valeur la musicalité des instrumentistes et à tester leur technique. Présentés au début du recueil, les auteurs viennent de divers horizons. Les conseils pédagogiques sont très précis et les élèves seront guidés pas à pas.

 

Sébastien CALCOEN, Michel NIERENBERGER : Le tapeur de galets pour batterie et piano.  Lafitan : P.L.1906.

Pleine d’humour en même temps que de musique, cette pièce devrait charmer les batteurs de niveau préparatoire.  Je ne résiste pas au plaisir de donner la définition du Tapeur de galets : « percussionniste improvisé des années 1970, jouant avec des objets non manufacturés (galets, bouts de bois, etc.).  Leur seul défaut était de jouer en dépit du bon sens, tout en s’obstinant à se produire en même temps que les musiciens engagés pour ce faire. » (L’Argot du musicien d’Alain Bouchaux, Madeleine Juteau et Didier Roussin).

 

Bernard ZIELINSKI, Michel NIERENBERGER : La Sylphide d’Hangzhou, pour caisse claire, grosse caisse, cymbale, hi-hat et piano. Niveau : 1er cycle – 1re  année. Lafitan : P.L.1802.

Cette pièce est un véritable petit récit en musique, dialogue entre la Sylphide conquise et le Cavalier. Elle peut être interprétée avec un récitant. On y trouve le thème du « jeune homme » et celui de la « bien aimée »… À jouer et mettre en scène très vite !

 

MUSIQUE D’ENSEMBLE

Jean-Baptiste BRÉVAL : Les nocturnes ou six airs variés pour un violon et un violoncelle – 1782.  « Facsi-Music », Anne Fuzeau Productions : 50 162.

Cette collection, rappelons-le, est destinée à mettre à la portée de tous des fac-similés sans préface ni notes, de façon à ce que le coût en soit minoré, en gardant la qualité des fac-similés. C’est le cas de ces charmants duos, non sans difficultés mais de bonne facture, qu’on aura plaisir à découvrir… et à jouer !

 

ORCHESTRE

MENDELSSOHN-BARTHOLDY : Symphonie in A « Italienische » op. 90. Bärenreiter Urtext : BA 9094.

Les éditions Bärenreiter poursuivent leur publication monumentale des œuvres de Mendelssohn. Outre la partition de cette symphonie éditée avec le soin que l’on connaît, on peut apprécier la copieuse et très intéressante préface, ainsi que la bibliographie rédigées par Christopher Hogwood. Sont ici présentées dans leur intégralité les deux versions de 1833 et 1834. On voit tout l’intérêt de cette édition. On peut aussi obtenir, sous la référence BA 9094, l’ensemble du matériel d’orchestre.

Daniel Blackstone

 

MUSIQUE DE CHAMBRE

Elisabeth AIGNER-MONARTH & Antoinette Van ZABNER (Éditeurs) : TWOgether, 14 duos pour piano & un autre instrument.  Breitkopf Pädagogik (www.breitkopf.com) : EB 8647.  15,80 €.

Fort bienvenue est cette publication des éditions Breitkopf : elle comporte deux duos avec violon (Takács, Bohm), deux avec violoncelle (Caix d’Hervelois, Kaspar Schmid), deux avec flûte (Mozart, Hassler), deux avec flûte à bec soprano (Telemann, Aichinger), deux avec clarinette (Reger, Bresgen), deux avec saxophone alto (Schmitz, Jay) et deux avec trompette (Haendel, Francl).  Avec, bien sûr, les parties séparées.  Le tout assorti de considérations didactiques et de conseils d’interprétation (en allemand et en anglais).  Au bonheur des chambristes !

 

Groovy Strings.  « String Thing », Breitkopf Pädagogik (www.breitkopf.com). 140 p., 1CD audio/vidéo.  36 €.

Tout autant que le rythme, le groove peut être enseigné.  C’est le but que se sont assigné les auteurs de ce remarquable album.  Vingt-six partitions jazzy pour trio à cordes (deux violons, un violoncelle ou contrebasse ad libitum), de la plume de Suzanne Paul, Nicola Kruse, Jens Piezunka ou Mike Rutledge, accompagnées d’utiles méthodologies et autres recommandations (malheureusement en seul allemand), composent un album auquel on peut prédire - sans risque excessif - le plus vif succès dans nos jeunes sphères chambristes.

 

MUSIQUE ANCIENNE

Jehan BARRA dit « Hottinet » : Motets et messes.  Introduction & transcription : Jacques Barbier.  « Musica Gallica », éditions Dominique Guéniot (tél. : 03 25 84 06 72. www.editionsgueniot.fr).  21 x 29,5 cm. 146 p.  28 €.

Au nombre de huit – dont deux Magnificat -, les motets à quatre voix de Jehan Barra dit « Hottinet » (maître de chapelle, au début du XVIe siècle, de la cathédrale Saint-Mammès de Langres) illustrent - dans une écriture polyphonique favorisant de courts duos en imitation - la variété des textes utilisés pour le calendrier liturgique.  Savamment introduite par le professeur Jacques Barbier, de l’Université François-Rabelais de Tours, cette magnifique intégrale de l’œuvre religieuse du compositeur comporte également les Missa de Venerabili Sacramento & Missa Casale Monferrato.  Une précieuse redécouverte.

 

MUSIQUES D’AUJOURD’HUI

Les éditions François DHALMANN (Tél. : 03 88 48 49 89 . www.dhalmann.fr) présentent, dans leur collection Maïa, « Musique d’aujourd’hui sur instruments anciens » (dir. Éric Fischer) :

  • pour Basse de viole : Plainte de Bruno Giner
  • pour Viole de gambe : Intermezzo de Patrice Fouillaud
  • pour Clavecin (Cycle 1) : Balouba 1 de Sylvain Kassap, La bleue grise de Patrice Fouillaud, Ricercare de Bruno Gilet, Rives d’Olivier Dejours, Petit éphémère 1 de Bernard de Vienne
  • pour Flûte à bec alto : Air de Karl Naegelen
  • pour Flûte à bec ténor : T’so de François Rossé
  • pour Flûtes à bec soprano & alto (jouées simultanément) : Diaulos 2 de Bruno Giner.

 

DVD-ROM

TimeStretch.  IPEmusic/Prodipe (tél. : 02 51 32 20 35.  www.ipemusic.com). 29,90 €.

Ce nouvel outil (en français) vous permettra de transposer, d’adapter, de sauvegarder, de graver tout ou partie de vos CDs audio, fichiers Wav, MP3 ou WMA.  Changements aisés de tempo ou de tonalité (jusqu’à l’octave supérieure ou inférieure) sont désormais accessibles à tout chanteur et musicien, mais aussi à tout enseignant (pour dictées musicales ou analyses d’œuvres).  Démonstrations sur le site ad hoc.

Francis Gérimont

 

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Franck FERRATY : La musique pour piano de Francis Poulenc ou le temps de l’ambivalence.  L’Harmattan, 2009.  313 p.  29,50 €.

Si Francis Poulenc (1899-1963) est bien connu par son œuvre vocale en général (mélodies, opéras), religieuse en particulier (Messes, Gloria…), sa musique pour piano surprend. Il estimait d’ailleurs avoir « raté » sa production pianistique, considérée comme « intermittent du spectacle ». Cette étude vient à point nommé démontrer que le musicien, bien que « hanté par le souvenir des disparus », fait preuve d’une « éclatante contradiction pianistique ». En historiographe avisé, Fr. Ferraty a exploité à fond des sources écrites, sonores et visuelles très solides, largement scrutées et mises en perspective. Sa rétrospective historique se situe à deux niveaux : mythasmatique et fantasmatique ; sa méthode globalisante lui permet de dégager la singularité du « cas Poulenc », sa « trajectoire particulière au sein d’une vaste sphère contextuelle englobant tous les courants ». L’originalité du livre consiste à « décrypter les points de convergence et de divergence », première tentative par rapport au compositeur, à partir de réflexions très neuves placées sous le signe de l’ambivalence : humour/drame ; conscience/inconscient ; amour/mort ; intériorité/extériorité...  Après avoir brossé un tableau de la situation historique (deux guerres mondiales) : réactions au rationalisme, au mysticisme et au postivisme, mode du folklorisme, culte de l’antique, sacre de l’art nègre, à côté du primitivisme russe et de l’art de la rue, l’auteur résume la vie conflictuelle de Poulenc, son adolescence perturbée, ses maîtres (R. Viñes, Ch. Koechlin) à l’époque d’un entre-deux culturel très éclectique, d’un croisement de générations. Il dégage ensuite les troubles de la bi-polarité, l’ambivalence : source de mélancolie permettant d’énoncer les catégories d’ambivalence et de souligner les phénomènes d’exaltation et de dépression entretenus par un déséquilibre affectif originel. Étayée de nombreuses notes révélatrices, de la chronologie des compositions de Poulenc, d’une importante bibliographie thématique et interdisciplinaire - mais dépourvue de citations musicales -, cette nouvelle approche de sa musique de piano retiendra l’attention des mélomanes, analystes, comparatistes et esthéticiens.

 

Françoise RICO : Le chant du roseau de Provence. L’histoire des anches pour instruments à vent, de l’agriculture à la culture.  Auguste-Zurfluh (emilie.zurfluh@orange.fr).  2009, 170 p.  30 €.

Françoise Rico, qui a vécu au milieu des canniers dans le Var, rend hommage à une « plante musicale » et au « chant du roseau de Provence ».  Ce petit bout de bois est exploité par les joueurs de basson, clarinette, hautbois, cromorne, entre autres.  Appelées « anches » (arundo donax), ces languettes s’apparentent aux cordes vocales, car elles « produisent le son ».  L’auteur inaugure une nouvelle discipline associant à la fois l’histoire, l’organologie et l’agriculture au service de la culture. Les lecteurs seront passionnés par le rappel historique depuis le IVe siècle, les divers instruments à anche, les familles de vanniers. Cet ouvrage original évoque les rituels, les étapes de la fabrication. Il est aussi un régal pour les yeux grâce à ses illustrations très bien venues (instruments, paysages, artisans…). De conception très neuve, avec son contenu, sa Table des matières structurée « musicalement » (avec Prélude, Ouverture et trois mouvements) et quelques Appendices, il représente une excellente défense et illustration d’un élément sans lequel la musique instrumentale aurait été lésée de l’Antiquité à nos jours.

Édith Weber

 

Pierre LAFITAN : Les virtuoses francs-comtois. 2009, Proxitude (http://www.proxitude.com), 158 p. 14,00 €

Que voilà un curieux ouvrage, qui retrace dans le détail l’histoire de l’Harmonie de Beaulieu-Mandeure, dans le Doubs, depuis ses commencements balbutiants autant qu’enthousiastes dans les années 1880 jusqu’au triomphe de l’année 2008 où elle accède à la division d’honneur. Anecdotique ? On pourrait le craindre. Mais ce récit passionnant, qui touche autant à la musique qu’à l’histoire industrielle et, par conséquent, humaine d’un pays, est en réalité un véritable plaidoyer pour la pratique musicale amateur : il nous rappelle en particulier que la musique d’harmonie, si décriée parfois, a été le terreau sur lequel sont nées de nombreuses écoles de musique. Et cela pas seulement en campagne ou en province, mais dans certaines banlieues proches de la capitale. De plus, ce livre nous rappelle aussi le travail patient et courageux – et fructueux ! – de la Confédération Musicale de France. Précisons que l’auteur est aussi un éditeur courageux qui édite de très nombreuses pièces pédagogiques de qualité…

Daniel Blackstone

 

Jean-Yves TADIÉ : Le songe musical. Claude Debussy. Gallimard, 2008.  234 p.

Un livre sur Debussy échappant aux habituelles biographies ou analyses de l'œuvre, voilà qui mérite attention. Celui de Jean-Yves Tadié est, avant tout, le dit d'un amoureux d'une musique « qui échappe à l'ordre de la raison musicale », parce qu'elle est « inspirée par le rêve » ; d'un esthète aussi qui tel Claude de France, pourrait dire « je veux écrire mon songe musical ». Le témoignage encore d'un fin connaisseur de la chose musicale et littéraire ; comme son modèle. Outre la relation subtile qui unit musique et littérature, Mallarmé, Maeterlinck, Proust, des pages pénétrantes sur l'enfance en musique, sur l'émotion, l'angoisse révélée, les terreurs suscitées, dévoilent un personnage complexe taraudé par la mélancolie, celle du génie.  Et que dire de ces notions consubstantielles à l'univers debussyste que sont le temps, le silence, la vie intérieure, le rôle de l'inconscient. Autre analyse perspicace que les amitiés, les autres - entendez ses collègues, vis-à-vis desquels Monsieur Croche antidilettante peut être ironique, plus, féroce.  Le pauvre Grieg en fera les frais et Wagner en sortira molesté.  On saisit, au fil du récit, ce qui chez Debussy ressort de l'insaisissable, « un homme au rêve habité » qui « vit dans un monde imaginaire », comme on perçoit les principes sur lesquels se fonde son esthétique, ce sur quoi toute sa reflexion artistique est basée, jusqu'à ce mot si juste « Debussy étrangle les épanchements ».  Et de poser cette question : « Au-delà des titres, la musique a-t-elle un sens ? » En un parcours d'impressions forgées à l'aune de sa propre expérience, l'auteur nous convie à un récit cursif et poétique. Il met en lumière un musicien de l'indicible.

Le songe musical : Claude Debussy

 

Erik BAECK : André CluytensItinéraire d'un chef d'orchestre.  Mardaga, 2009.  416 p.

Le plus français des chefs d'orchestre belges méritait une biographie moderne digne de son immense talent et de sa grande renommée. C'est ce à quoi s'est attelé le musicologue Erik Baek, non sans difficulté car l'homme était discret et secret quant à ses goûts et opinions.  À partir d'archives et d'un riche matériau de témoignages de musiciens et de critiques, est narrée la carrière de ce directeur musical rigoureux que ses musiciens respectaient.  Après les années d'apprentissage à Anvers, sa ville natale, et son irrésistible ascension dans les provinces françaises, au Capitole de Toulouse, puis à Lyon, l'installation à Paris à partir de 1942 prend la forme d'une consécration, à la tête de deux de ses phalanges de renom, l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, puis l'Orchestre de la RTF, comme de ses deux maisons d'opéra, l'Opéra Comique et le Théâtre national de l'Opéra. Comment ne pas se souvenir d'une Salomé, en 1964, dans la mise en scène de Wieland Wagner, avec Anja Silja, qui créa l'événement.  Cet infatigable travailleur, ce grand communicateur, dont la critique se plaisait à louer la direction sensible, le tempérament vibrant, le sens de l'analyse, ne pouvait que se hausser au premier plan. Son éclectisme lui ouvrira les portes des hauts lieux européens de l'art lyrique : la Scala, Venise, Vienne, Munich et Berlin.  Bayreuth enfin. Lorsqu'il y débute, à 50 ans, il connaît son Wagner comme peu et inspire une telle confiance qu'un Windgassen, pilier des ténors de céans, lui confiera « avec vous je pourrais chanter Siegfried sans répétition ».  Présent sur la Verte Colline de 1955 à 1958, puis en 1965, il sera un des artisans du renouvellement de l'interprétation musicale, aux côtés de Wieland Wagner, le grand ordonnateur du « Neu Bayreuth ». André Cluytens gardera cependant toujours une prédilection pour le répertoire français qu'il défendait avec panache. Cette carrière exemplaire sera marquée sur sa fin par les affres d'un drame personnel (sa passion pour la cantatrice Anja Silja) et précocement interrompue par la maladie. L'ouvrage est complété par une liste méticuleuse des programmes dirigés par le maître et une bibliographie exhaustive.

 

Jean-Yves BOSSEUR : La musique du XXe siècle à la croisée des arts. « Musique ouverte », Minerve, 2008.  252 p.

Le thème des échanges entre musique et autres disciplines artistiques a suscité beaucoup de littérature. Le compositeur Jean-Yves Bosseur se penche sur le XXe siècle finissant qui voit les démarches interdisciplinaires se multiplier.  La coexistence n'est pas toujours pacifique, laissant à l'auditeur-spectateur le soin de débrouiller les fils.  Cela ne fonctionnne que s'il y a communauté de pensée. Ainsi en est-il entre danse et musique, de l'approche de John Cage et de Merce Cunningham, bien que fondée sur le principe d'autonomie absolue. C'est bien sûr entre musique et texte que les rapports ont le plus évolué, depuis la phrase-manifeste de Schoenberg pour qui « la fidélité au texte n'a pas plus de rapport avec la valeur de l'œuvre que la ressemblance avec le modèle n'en a dans la valeur d'un portrait ». Le couple poésie et musique est écartelé entre fusion et tension. L'expérimentation peut aller jusqu'à l'éclatement du texte lorsque le compositeur élabore la parole mise en musique (Stockhausen, Kagel). L'opéra se voit ouvrir des voies nouvelles. Des genres se font jour, telle la poésie sonore. L'auteur se penche encore sur le sort de la musique au cinéma, à l'exemple du travail de Hitchcock et de Hermann, qui débarrasse le genre des « grossières caricatures du style romantique avec ses enflures psychologiques », ou encore sur l'influence de la musique à l'aube de l'abstraction picturale ou dans l'architecture. Les diverses disciplines s'interrogent mutuellement et ne sauraient se laisser enfermer dans de fausses évidences. Car « un art doit apprendre d'un autre art l'emploi de ses moyens et appliquer ensuite, selon ses propres principes, les moyens qui sont à lui et à lui seul » (Kandinsky).

Jean-Pierre Robert

 

Gisela Rothe (éd.) : Recorders Based on Historical Models - Fred Morgan Writings and Memories. Fulda. Mollenhauer, 205 p.

La firme allemande Mollenhauer a publié en juillet 2007 un grand livre richement illustré entièrement consacré au facteur de flûtes à bec australien Frederick G. Morgan, bien connu des flûtistes à bec et également des facteurs de flûtes traversières historiques.  En 1978, l'année des débuts de Fr. Morgan à Amsterdam, Frans Brüggen, Walter van Hauwe et Kees Boecke habitaient à cent mètres de son atelier. C'est de ces premiers contacts qu'est né un authentique savoir-faire qui est allé rapidement au-delà d'un simple savoir-copier, chaque modèle fabriqué par Morgan après de longues années d'attente pour ses clients, qu'il soit conçu d'après Terton, Bressan ou Stanesby, étant le reflet du génie propre au maître australien.  C'est grâce à lui que la facture instrumentale haut de gamme a pu prendre un véritable essor, car Morgan publiait régulièrement les résultats de ses recherches ou en faisait part lors de conférences. Révélés à Bruges en 1972 lors du concours « Musica Antiqua », ses instruments ont depuis été utilisés par les meilleurs solistes dans de très nombreux enregistrements de par le monde.  Dans ce grand livre somptueusement illustré également disponible en allemand où les connoisseurs retrouveront avec plaisir la fameuse collection de flûtes de Frans Brüggen, on lira les témoignages de 54 auteurs de 15 pays différents, dont ceux de Jean-François Beaudin (Canada), Philippe Bolton (France) et Barthold Kuijken (Belgique), et, bien sûr, Fred Morgan lui-même.  De nombreuses informations et schémas techniques séduiront les spécialistes et les inciteront peut-être à publier un ouvrage semblable pour la traversière.  En 2002, Mollenhauer et le Morgan-Workshop de Daylesford (Australie) ont conclu un partenariat afin de poursuivre en Allemagne la production du facteur australien.

Jean Cassignol

 

Arno MÜNSTER : Adorno, une introduction.  Hermann (www.editions-hermann.fr). Bibliographie. 276 p.  35 €.

Adorno (1903-1969) fut de ces rares philosophes à être vraiment musicien.  Poly-instrumentiste, compositeur élève de Berg, il a laissé d’abondants écrits musicologiques, souvent décisifs.  Or ces derniers, comme on le sait, ne sont qu’éléments d’une des pensées les plus riches du XXe siècle.  C’est le trajet de celle-ci qu’A. Münster synthétise dans le présent ouvrage, remarquable par sa hauteur de vues et par la clarté avec laquelle il rend compte de questions complexes.  On assiste ainsi à la genèse d’une philosophie qui a su s’extirper de la domination du néo-kantisme et de tous les systèmes qui, visant une totalité, tendent à liquider le particulier et son expérience subjective (« le Tout, c’est le non-vrai »).  Au contraire, usant avec ses collègues de l’école de Francfort de méthodes interdisciplinaires associant la psychologie sociale, la sociologie ou la psychanalyse, Adorno a souhaité défendre « les droits imprescriptibles de l’individu » aussi bien contre le concept mythifié (que percera la dialectique) que contre les structures aliénantes du capitalisme (théorie marxienne de la fétichisation de la marchandise et de la réification de la conscience).  Hantée par l’échec des Lumières et la barbarie nazie, fuie lors d’un exil douloureux, cette philosophie sociale matérialiste a également produit une importante critique de la culture et une sociologie de l’art dévoilant les homologies structurelles entre les œuvres et la société.  Passionnant !

 

David LEDENT : La révolution symphonique. L’invention d’une modernité musicale. Préface de Peter Szendy. « Esthétiques », L’Harmattan. Bibliographie, index. 262 p., 25 €.

Les formes musicales, formes symboliques, entretiennent avec les formes sociales des « relations intelligibles » que révèlent les discours sur la musique et les formes de perception de la vie musicale.  C’est ainsi que la « forme symphonique » repose sur l’invention du concert public au XVIIIe siècle ou sur la possibilité nouvelle au XIXe siècle de « contempler les œuvres pour elles-mêmes », hors des catégories héritées de la société de cour, mais dans le cadre de l’idéalisation ambivalente de l’individualité (figure romantique du mélomane) et de l’égalité (démocratie).  Cette contribution à une « sociologie historique des formes musicales », rigoureuse et d’une clarté exemplaire, se fonde sur un impressionnant appareil théorique appuyé, entre autres, sur Weber ou Elias.  Un livre tout à fait remarquable.

 

Philippe MAJORELLE : Saint-Saëns. Le Beethoven français. Séguier (www.atlantica.fr). Bibliographie, chronologie, catalogue des œuvres, discographie. 160 p., 18 €.

La cause de Saint-Saëns, musicien surdoué et relativement méconnu, gagnera-t-elle à cet opuscule d’amateur ?

Paul Gontcharoff

 

Buford NORMAN : Quinault, librettiste de Lully.  Le poète des Grâces.  Traduit de l’anglais par Thomas Vernet & Jean Duron.  Études du Centre de musique baroque de Versailles.  Mardaga (www.mardaga.be).  17 x 24 cm, 384 p., ill. n&b, ex. mus.  38 €.

Bien qu’il fût le dramaturge le plus souvent représenté et le mieux rémunéré du règne de Louis XIV, l’œuvre du librettiste Quinault fut longtemps négligée par l’histoire littéraire.  La présente monographie lui rend, pour la première fois, un juste hommage.  Où sont précisément étudiés les livrets de onze opéras, depuis celui de Cadmus & Hermione (1673) jusqu’à celui d’Armide (1686).  Sachant qu’après Lully, nombre d’autres compositeurs mirent ces livrets en musique : Blainville, Mondonville, Gluck, Piccini, J.C. Bach, Paisiello…  En conclusion de l’ouvrage, sont développés les concepts théoriques de représentation, de mimèsis et de reconnaissance.  Mais pourquoi faut-il qu’une nouvelle fois, ce soit un auteur étasunien qui ait dû prendre l’initiative d’une telle monographie ? Il prépare aujourd’hui un « Racine et la musique »…

 

Jean-Paul C. MONTAGNIER : Henry Madin (1698-1748).  Un musicien lorrain au service de Louis XV.  Préface de Davitt Moroney.  Guéniot (www.editionsgueniot.fr).  16 x 24 cm, 360 p., ill.n&b, ex. mus.  30 €.

Déjà auteur d’un Charles-Hubert Gervais.  Un musicien au service du Régent et de Louis XV (CNRS Éditions), Jean-Paul C. Montagnier s’est intéressé, cette fois, à la vie et à l’œuvre d’un prêtre-musicien originaire de Verdun, sous-maître de la Musique de la Chapelle royale de Versailles, dont les motets étaient fort appréciés à la Cour.  Une première partie restitue, en son temps, la carrière d’Henry Madin (Musicien en province, 1698-1737 / Musicien du roi, 1738-1748) ; la seconde partie propose un parcours critique de l’œuvre théorique (Traité du contrepoint simple) et musicale (messes, « un Bouquet pour le cardinal de Fleury », petits et grands motets), le tout émaillé de nombreuses citations musicales.  Pièces justificatives, catalogue exhaustif.

 

Nicolas BERNIER (1665-1734) : Principes de composition. Fac-similé du manuscrit « Rés. Vmb. ms 2 » de la BnF.  Introduction par Jean-Paul C. Montagnier (en français et en anglais).  Guéniot (www.editionsgueniot.fr).  18,5 x 23,5 cm, 115 p.  22 €.

De la plume même de « Mr Bernier, ancien maître de musique de la Sainte-Chapelle, à Paris », considéré comme le meilleur pédagogue de tout le règne de Louis XV, ces Principes de composition (ici magnifiquement restitués en fac-similé) visaient à conduire l’étudiant vers l’art de la composition à 4 et 5 parties - non sans ignorer les nouvelles théories harmoniques de J.-Ph. Rameau.  Voilà qui fera assurément le bonheur de tout amateur de musique ancienne.

 

Revue Musica et Memoria, nos 109-112.  Publication de l’association Élisabeth Havard de La Montagne (Le Moulin Blanc, 87300 Bellac.  Tél. : 05 55 68 84 75.  www.musimem.com).  14,5 x 20,5 cm, 230 p., ill. n&b.  20 €.

D’une inactualité farouchement revendiquée, le quadruple numéro de cette excellente revue propose : Notes sur quelques lauréats méconnus du Prix de Rome (J. Daussoigne-Méhul, P. Roll, Ch. Constantin, R. de Pezzer) / Louis Moreau Gottschalk / Itinéraire de Paris à La Nouvelle-Orléans du compositeur & chef d’orchestre Eugène Prévost (1809-1872) / Hommage à Corneil de Thoran, compositeur & directeur de la Monnaie de Bruxelles (1881-1953) / Un musicien cubain : Alejandro García Caturla (1906-1940) / Louis Niedermeyer (1902-1961) et L’École de musique classique et religieuse / Obituaire 2008 / Revue des revues.

 

André DAVID (1922-2007) : Catalogue des œuvres.  Préface d’Alexis Galpérine.  Delatour France (www.editions-delatour.com). 14,5 x 21 cm.  24 p.

Suivant en cela le vœu du compositeur, ne sont prises en compte que les œuvres postérieures à 1970 : pour instruments seuls, en duo ou trio, pour clavier & voix, pour ensembles instrumentaux (avec ou sans voix), concertantes, pour soli, chœurs & orchestre, opéra.  Discographie, bibliographie.

 

Franck FERRATY : La musique pour piano de Francis Poulenc ou le temps de l’ambivalence.  « Univers musical », L’Harmattan.  15,5 x 24 cm, 316 p. 29,50 €.

Avec sa propre musique pour piano, Poulenc eut toujours de curieux rapports d’« hainamoration ».  Ne confiait-il pas, en 1954, à Claude Rostand : « Ce qu’il y a d’étrange c’est que, dès que le piano devient accompagnement de mélodies, alors j’innove. […] C’est le piano seul qui m’échappe. Là je suis victime de faux-semblants ».  Foncière ambivalence qu’à la lumière de la psychanalyse, Franck Ferraty met en évidence.  Bien au-delà du répertoire pianistique…

 

Alain GOUDARD : Le tambour fait vibrer mon esprit (« Entre-deux n°4 »).  Tous les jours, inventés (« Entre-deux n°5 »).  Éditions Mômeludies/CFMI de Lyon (www.momeludies.com).  14 x 18 cm, 64 p.  10 € (le numéro).

Dans le Fascicule n°4, sont présentées « Les Percussions de Treffort : propos sur une aventure musicale et humaine » (trente ans à la tête d’un ensemble réunissant amateurs handicapés mentaux & professionnels de la musique).  Le Fascicule n°5 présente « Traces sur le chemin des Percussions de Treffort » (carnet de voyage jalonné de multiples rencontres avec artistes, ensembles, compositeurs, chorégraphes, metteurs en scène…).  Un riche et émouvant témoignage pédagogique.

          

 

Barbara LEBRUN : Protest Music in France.  Production, Identity and Audiences.  Ashgate Publishing Ltd (www.ashgate.com).  Relié toile sous jaquette.  16 x 24 cm, 200 p., ill. n&b.  £50.00

Arguant du subit désamour de la critique musicale à l’égard de Carla Bruni, dès lors qu’elle épousa le Président de la République – comme si prestige et authenticité ne pouvaient s’accorder qu’avec une conscience de gauche, alternative -, Barbara Lebrun (University of Manchester) tente de donner sens à ce paradigme, de comprendre sa formation et sa résilience en France, aussi bien que les préjudices qu’il entraîne.  Retraçant l’évolution de la Protest Music in France depuis 1981, l’auteur la resitue dans ses contextes économique, historique et idéologique.  Dégageant également les liens entre rock alternatif, labels indépendants, major companies et politiques culturelles.  Mettant par ailleurs l’accent sur deux genres emblématiques des années 90 : la chanson néoréaliste (authenticité & nostalgie) et le rock métissé (de musiques maghrébines & rythmes latinos).  Tout un chapitre est, en outre, consacré à Manu Chao (anti-globalisation, thème porteur à l’international).  Sont enfin étudiés la réception de ces musiques, les festivals et sites qui leur sont consacrés.  Riches bibliographie et discographie.

Protest Music in France

 

Stockhausen au Québec.  Revue Circuit. Musiques contemporaines (www.revuecircuit.ca). Vol. 19, n°2 (2009). Les Presses de l’Université de Montréal.  23 x 21,5 cm, 120 p., photos n&b.  18 $.

Stockhausen aura fait trois séjours à Montréal : en 1958 (conférence sur « Le langage musical » ; entretien radiophonique avec Maryvonne Kendergi, ici retranscrit), en 1964 (conférence sur « Quatre critères de la musique électronique » ; concert avec Max Neuhaus & David Tudor), en 1971 (concert du groupe Stockhausen ; « Musialogue » avec Maryvonne Kendergi ; concert du Collegium vocale de Cologne).  Principaux éléments de la présente livraison : Premiers Kontakte (Jonathan Goldman), S’orienter avec Hermann Hesse (Christoph von Blumroder), Cl. Vivier and K. Stockhausen : moments from a double portrait (Bob Gilmore), Influence de Stockhausen sur les compositeurs électroacoustiques québécois (Robert Normandeau), Considérations en provenance de Sirius (Michel F. Côté), La mesure du temps (entretien inédit de Maryvonne Kendergi avec K. Stockhausen), On Stockhausen’s Kontakte, a lecture/analysis (John Rea), Analyse par une interprète de Kathinkas Gesang als Luzifers Requiem (Marie-Hélène Breault). Hors dossier : In memoriam Christian Bourgois (Pierre Boulez & Jean-Jacques Nattiez), Nouveautés (Réjean Beaucage & Jonathan Goldman).  Remarquable ! À l’ordinaire de cette belle revue…

 

Sophie STÉVANCE : Duchamp, compositeur. Préface de Pierre Albert Castanet.  (Sémiotique et philosophie de la musique), L’Harmattan.  13,5 x 21,5 cm, ex. mus. 26,50 €.

Nouvelle publication de notre éminente collaboratrice (cf. L’EM n°511-512, 562 et Fascicule du baccalauréat 2010), ce livre met l’accent sur un aspect encore trop peu connu du père de tous les ready-made, Marcel Duchamp.  Outre ses chapitres introductif et conclusif, l’ouvrage comporte cinq parties : Présentation des compositions & énoncés musicaux ; La musique conceptuelle ; La logique de l’œuvre musicale conceptuelle ; Duchamp & la fonction compositeur ; Duchamp dans la modernité musicale.  Non sans bibliographie, discographie et index nominum.

 

Márta GRABÓCZ : Musique, narrativité, signification.  Préface de Charles Rosen. « Arts & Sciences de l’art », L’Harmattan. 15,5 x 24 cm, 380 p., tableaux, ex. mus.  34.50 €.

Professeur à l’Université de Strasbourg, Márta Grabócz a déjà publié plusieurs ouvrages dans les domaines de la signification musicale, des nouvelles méthodes en musicologie et de la musique contemporaine. Elle récidive avec le présent recueil de seize articles (1984-2007) consacré à des aspects ignorés de la musicologie traditionnelle : signification musicale (mise en lumière des unités expressives propres à certains styles de la musique occidentale, du Baroque au début du XXe siècle) et narrativité musicale (regard analytique porté notamment sur l’organisation de ces contenus expressifs et leur sens).  Selon quatre axes : Théorie de la narrativité et de ses applications musicales / Analyse narratologique de quelques œuvres de Mozart et de Beethoven / Analyse de l’œuvre pour piano de Liszt, en rapport avec les genres littéraires romantiques / Analyse des topiques & stratégies compositionnelles dans certaines œuvres de Bartók, aussi bien que des archétypes initiatiques dans les opéras de Dusapin, Mâche et Dazzi.

 

Francis COURTOT : Brian Ferneyhough.  Figures et dialogues.  « Univers musical », L’Harmattan.  15,5 x 24 cm, ill. n&b, ex. mus., 26,50 €.

Repensant le rapport compositeur/interprète/auditeur, Brian Ferneyhough fait excéder les limites de l’œuvre musicale pour la faire dialoguer avec d’autres disciplines, artistiques ou intellectuelles.  Maître de conférences à Lille III, Francis Courtot interroge les techniques d’écriture du compositeur, au regard notamment des grands thèmes de la modernité finissante (langage, dialogue entre les arts & avec la philosophie, historicité…).  Concluant sur d’éthiques réflexions autour de la modernité et du sens de l’œuvre d’art. 

 

Jean-Marc BEL : En route vers Woodstock.  De Kerouac à Dylan, la longue marche des babyboomers.  « Attitudes », Le mot et le reste (tél. : 04 91 73 41 88. www.atheles.org/lemotetlereste). 14,5 x 21 cm, 312 p., 23 €.

Il s’agit là de l’heureuse réédition du portrait nostalgique de toute une génération « en âge de tuer mais pas de voter », qui aura grandi avec le rock et assisté à son évolution - selon Elvis Presley, Ray Charles, les Beatles, les Stones, Jimi Hendrix, Bob Dylan… mais aussi Jack Kerouac, James Dean, Allen Ginsberg, Martin Luther King… Longue marche de jeunes rebelles, exilés de l’intérieur, que l’on réunit désormais sous le nom de « génération Woodstock » (du nom de ce mythique festival qui se déroula, les 15, 16 et 17 août 1969, auprès du lieu de résidence de Bob Dylan).  Quatre grandes parties composent l’ouvrage : Prologue (En route vers Woodstock), American Graffiti (It ain’t necessarily so ; Rock around the clock ; Sweet little sixteen ; We shall overcome), The times they are a-changin’ (All you need is love), Aquarius (The Woodstock music & art fair).  D’une pierre blanche...

 

Boris VIAN : Chroniques de jazz. Texte établi & présenté par Lucien Malson.  Pauvert/Le Livre de poche, n°14535.  11 x 18 cm, 416 p.  6,95 €.

Ces chroniques inénarrables, qui tant firent le bonheur des premiers lecteurs de Jazz Hot, ont été ici regroupées selon divers tropismes : L’American way of life / Questions de principe / La vie du jazz / Tradition & évolution / Un certain Panassié / Plutôt pour / La presse en folie…  Un constant bonheur de feuillettement !

Chroniques de jazz

 

Quincy TROUPE : Miles Davis.  Traduit de l’anglais (États-Unis) par Émilien Bernard & Alexis Allais.  Préface d’Yves Buin. « Castor Music », Le Castor Astral (www.castorastral.com).  Format de poche (12 x 18 cm), 224 p., 14 €.

Si vous aimez Miles Davis, ne manquez surtout pas de lire ce recueil de souvenirs, signé de l’un des rares familiers du trompettiste.  Qui, tout en reconnaissant le génie du musicien, ne laisse pas de nous décrire le caractère invraisemblablement ombrageux (litote…) d’un Noir haïssant toute forme d’oncle-tomisme.  Au parcours à tout le moins déconcertant : bopper avec Monk et Parker, hardbopper avec Coltrane, experimental avec H. Hancock et W. Shorter, de transition avec Gil Evans, Julian Adderley et Bill Evans, intégrant enfin - dans sa période « électrique » - les avancées technologiques du funk, du rock, du rap aussi bien que les influences indiennes, africaines, antillaises…  Un prochain biopic hollywoodien devrait s’inspirer de cet ouvrage, au demeurant fort bien écrit (et traduit).  Magnifique poète, Quincy Troupe n’a-t-il pas remporté par deux fois l’American Book Award ?

 

Daniel SOUTIF (Sous la direction de) : Le Siècle du jazz.  Art, cinéma, musique et photographie, de Picasso à Basquiat.  Musée du quai Branly/Skira-Flammarion (www.editions.flammarion.com).  Broché à rabats, 24 x 28 cm, 448 p., illustr. n&b et couleurs.  49,90 €.

Si vous n’eûtes pas l’heur de visiter cette merveilleuse exposition (Paris, musée du quai Branly, 16 mars-28 juin 2009), ne ratez surtout pas son admirable catalogue ! Montrant l’évolution des goûts et des modes de pensées, ce fort volume (quelque 2,160 kg) ouvre des perspectives dans tous les domaines de la création : musique certes, mais aussi peinture (Léger, Dubuffet, Man Ray, Matisse, Picabia, Pollock, Basquiat…), photographie, cinéma, littérature, poésie…  En sept parties : Archéologie du jazz / L’âge du jazz (1917-1930) / L’ère du swing (1930-1939) / Temps de guerre (1939-1945) / Be-bop (1945-1960) / La révolution free (1960-1980) / Époque contemporaine (1960-2002).  Avec, en justes annexes, biographies et bibliographie.

Catalogue d'exposition Le Siècle du Jazz

 

Jean-Christophe MARTI (Texte et musique) & Christophe SAWADOGO (Illustrations) : Le Grand Dépaysement d’Alexandre le Grand.  Conte musical pour douze voix, un percussionniste et deux comédiens jouant en langue des signes. Avant-propos de Philippe Carbonneaux.  Ensemble Musicatreize, dir. Roland Hayrabedian.  Actes Sud Album cartonné, 21 x 21 cm, ill. couleurs, CD inclus. 25 €.

Il s’agit là du 5e conte musical - mêlant chanteurs et musiciens, parfois comédiens et danseurs - publié chez Actes Sud par Musicatreize.  Un bonheur renouvelé !  Ce Grand Dépaysement fait référence à la geste d’Alexandre Le Grand, apportant aux rabbis du Néguev puis aux femmes africaines, l’enseignement de son maître Aristote.  Parabole s’inspirant d’une légende évoquée, il y a vingt-deux siècles, dans le Talmud de Babylone, dont les péripéties abordaient le thème douloureux de la colonisation.  Thème qui retrouve une brûlante actualité, à l’heure de la mondialisation et de la disparition de tant de nos cultures.  Belle interprétation, par Musicatreize, de la partition de Jean-Christophe Marti (publiée chez Billaudot).  Somptueuses illustrations couleurs, signées Christophe Sawadogo.

 

Arnaud LE GOUËFFLEC (Scénariste) & Olivier BALEZ (Dessinateur) : Topless. Bande dessinée. « 1000 Feuilles », Éditions Glénat (www.glenat.com).  18,5 x 26 cm, sous jaquette, 72 p. couleurs, 13,99 €.

Manière de road-movie existentiel qui voit s’acoquiner Martin, lunaire pianiste de cabaret (obsédé par Thelonious Monk), et Jeanne, strip-teaseuse solaire.  Folle sera leur équipée dans la DS « empruntée » à leur patron, monsieur Frognard.  D’autant plus que, surprise ! Dans le coffre est dissimulé un gros magot – ce qui ne manquera pas de leur causer quelques soucis majeurs… Une totale réussite et graphique et narrative !

Francis Cousté

 

Cécile AUZOLLE (dir.) : Regards sur Daniel-Lesur. Compositeur et humaniste (1908-2002). PUPS, 2009.  412 p.  30 €.

Cet ouvrage collectif aborde les diverses facettes de la personnalité et de l’œuvre de Daniel-Lesur - compositeur, membre du mouvement « Jeune France » (depuis sa création en 1936), à la recherche d’un humanisme musical français, mais également enseignant à la Schola Cantorum, compositeur de musiques de film et d’opéra, chroniqueur radiophonique, administrateur de la Réunion des théâtres lyriques nationaux.  Histoire d’un homme, au travers de ses rencontres, de ses amitiés, de ses engagements, mais aussi, histoire d’une époque qui oscille entre tradition et modernité, dans le monde déstabilisé de l’après-guerre, ce livre a valeur de document sur la musique et l’esthétique du XXe siècle.

Patrice Imbaud

 

 

 



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Maurice RAVEL : L’Enfant et les SortilègesMa Mère l’Oye.  Berliner Philharmoniker, dir. Simon Rattle.  EMI Classics : 2641972.

Le généreux minutage (72’28) de ce CD permet de disposer des deux grandes partitions de Ravel évoquant les enfants. C’est pour les deux enfants de ses amis Godebski que Ravel écrivit, pour piano à quatre mains, Ma Mère l’Oye, partition qu’il orchestra puis amplifia pour en faire un ballet. Simon Rattle a su traduire cette féerie avec juste ce qu’il faut de naïveté pour retrouver l’atmosphère des contes pour enfants.  Composée essentiellement en 1924, sur un texte de Colette, la « fantaisie lyrique » L’Enfant et les Sortilèges fait appel à pas moins de vingt et un rôles chantés, à un chœur mixte et à un chœur d’enfants. La lecture que nous propose Simon Rattle est très convaincante.  Il est servi par de bons chanteurs, dont certains, comme Nathalie Stutzmann ou José Van Dam, sont heureusement obligés de respecter la tonalité de la partition, alors qu’ils transposent sans vergogne, trahissant le compositeur, lorsqu’ils enregistrent des mélodies.  Le Berliner Philharmoniker est à la hauteur de sa réputation. Quant à la prise de son, réalisée en concert, elle est bien spatialisée.

 

Marco da GAGLIANO : La DafneFuoco e cenere, dir. Jay Bernfeld.  Arion : ARN 68776.

Voilà le quatrième enregistrement en CD de cette Favola in musica, datant de 1608, un des premiers opéras. Récemment engagé par les Gonzague de Mantoue, Marco Zanubi, dit Marco da Gagliano (1582-1642), composa son œuvre sur un livret d’Ottavio Rinuccini, qui avait déjà été mis en musique (presque entièrement perdue) par Jacopo Peri, en 1594. Le talentueux librettiste de l’opéra naissant s’inspira ici d’un épisode des Métamorphoses d’Ovide (I, 452-567) : l’amour fou et contrarié d’Apollon pour la vierge chasseresse Daphné.  Fondateur de l’ensemble Fuoco e cenere, le violiste Jay Bernfeld a accompli un remarquable travail d’interprétation, portant une attention particulière sur la prosodie du texte italien, le parlando cantando ; et il a réussi, surtout pour les femmes.  Avec un effectif réduit – sept musiciens seulement – il parvient à nous faire pénétrer avec passion, donc avec feu et embrasement/cendre, dans le drame de l’amour à sens unique. Et tout cela en respectant – ô miracle ! – le diapason légal à 440 Hz.  Finalement, tout ce que je demande aux interprètes de la musique qu’ils appellent « baroque », c’est de pouvoir comparer leurs grotesques reconstitutions, dont presque tout repose sur des suppositions, des conjectures et un instrumentarium vraiment baroque/bizarre, avec la traduction actuelle, à notre sensibilité ; mais ils se dérobent… Pourquoi ?

 

Gabriel FAURÉ : Œuvres concertantes. Solistes, Orchestre de Bretagne, dir. Moshe Atzmon.  Timpani : 1C1172.

C’est la première fois, sauf erreur, que les œuvres concertantes de Fauré sont réunies en un seul disque. Tout fauréen ne peut que se réjouir d’une telle initiative, même si, des sept partitions con cernées, quatre seulement ont été orchestrées par l’auteur du Requiem, qui avait en fait une certaine appréhension de l’orchestre.  La célèbre Élégie pour violoncelle est fort bien jouée, comme la Romance, par Henri Demarquette. On goûte également la Fantaisie pour flûte, confiée à Juliette Harel.  Jean-Marc Phillips-Varjabédian au violon nous charme avec la Berceuse et le Concerto.  La plus lourde responsabilité incombait au pianiste Jérôme Ducros, pour la magnifique Ballade et la non moins belle Fantaisie. J’avoue être là un peu déçu, particulièrement dans la Ballade, et je préfère nettement l’excellente version d’Emmanuel Strosser (avec l’Orchestre de Picardie, dir. Edmon Colomer, CD Assai 222122).  Il faut par ailleurs, encore une fois, saluer le courage de Stéphane Topakian, qui défend résolument la musique française avec sa firme Timpani ; et ce disque est une nouvelle réussite.

 

Chansons et danses de la Renaissance française.  Polyphonia Antiqua, dir. Yves Esquier.  Pierre Verany : PV 709011.  Distr. Arion.

Retour en CD d’une superbe réalisation publiée en disque noir en 1984, illustrant musicalement la Renaissance française.  Du Jacques Moderne, du Claudin de Sermisy ou du Clément Janequin pour notre plus grand plaisir.  Et ils ne sont que sept – dont certains chantent en outre – à jouer différents instruments. Et tout cela au diapason légal.  Quel beau disque !

Philippe Zwang

 

Complaintes du monde celte.  Mouezh Paotred Breizh (Chœur d’hommes de Bretagne).  Jade (43, rue de Rennes 75006 Paris. promotion@milanmusic.fr) : 399 293-2.  TT : 72’23.

Le Chœur d’hommes de Bretagne (Mouezh Paotred Breizh) introduit les discophiles dans le monde celte. Il s’efforce de mieux faire connaître les chants en langue bretonne et à les préserver. Ce cinquième CD de l’Ensemble - champion de Bretagne 2008 du Chant choral en breton - regroupe des chants donnés en concert, traditionnels, issus des fonds bretons et gallois, ainsi que de nouvelles compositions.  Le livret comprend fort heureusement la traduction française. Le sous-titre : Klemmvanoù ar Celted ! signifie : Complaintes du monde celte qui évoquent à la fois la nostalgie, la mélancolie, parfois l’élan. Les thèmes sont empruntés à la mer (La veuve du marin), à l’histoire (Le siège de Guingamp), à la religion (Sainte Patronne du Folgoët, Bénédiction celtique, Meulomp Doue (Louons Dieu… choral gallois).  Même s’il y a un emprunt à une mélodie de D. Bortniansky (1751-1825), c’est toute l’âme bretonne qui émane de ces chants.

 

Duo Andreas Gabriel & Fabian Müller und die « Helvetic Fiddlers ».  Musiques suisses (musiques-suisses@mgb.ch) : MGB-NV9.  TT : 59’24.

Voici un disque inattendu de musique suisse populaire pour violon déjà en faveur au XIXe siècle et qui connaît un regain d’intérêt. Les œuvres nécessitent toutefois une technique différente et un jeu apparenté à celui des anciens ménétriers. Ce répertoire spécifique, qui autrefois s’apprenait de père en fils, fait l’objet actuellement de cours dans certains Conservatoires suisses.  Ces pièces utilisent le procédé de la variation, de l’ornementation et de l’improvisation typique des anciens violoneux qui avait été oubliée.  La musique de danse (polka, valse) est accompagnée par un seul instrumentiste qui tape énergiquement du pied. Il est plus important de bien faire danser que de rechercher le « beau son ». Le Duo comprend Andreas Gabriel (violon populaire) et Fabian Müller (violoncelle), auxquels sont associés André Schaub (contrebasse) et les « Helvetic Fiddlers ».  Certains titres sont en dialecte ; les pièces les plus récentes datent de 1960.  Échantillon de musique helvétique à découvrir.

 

Prières de Saint François d’Assise.  Jade : CD 699 680-2.  TT : 40’36

En cette année 2009 marquant le 800e anniversaire de la fondation de l’ordre franciscain, les éditions Jade ont regroupé des textes significatifs de saint François d’Assise et de sainte Claire, lus avec infiniment de sensibilité par Claire Meunier, Luc Reydel et Michaël Lonsdale. Pour en faciliter la réception, ils sont judicieusement entrecoupés de ponctuations musicales monodiques et polyphoniques, extraites du Laudario di Cortona (cf. Lettre d’information n°30, rubrique : CDs) et interprétées par l’Ensemble vocal de Montpellier, sous la direction de Jean Gouzès.  Un condensé de mysticisme franciscain.

 

Roland de LASSUS : Magnum Opus Musicum. Ricercar (Outhere S. A. Rue du Chêne 27, B 1000 Bruxelles. stephanie.flament@alpha-prod.com) : RIC 283. TT : 56’08.

Cette nouvelle collaboration du Chœur de chambre de Namur et de La Fenice, sous la direction de Jean Tubéry, permet de découvrir des motets (3 à 12 voix) publiés par les fils de Roland de Lassus (1532-1594), en 1604 — soit dix ans après sa mort —, et regroupés sous le titre : Magnum Opus Musicum.  Il s’agit de pièces de circonstance, avec rappel historique, par exemple le motet (à 6 voix), très développé : Qui trepidas, qui musa times… (Pourquoi trembles-tu, pourquoi, muse, crains-tu…) composé pour les noces du prince Guillaume de Bavière et Renée de Lorraine.  Le programme varié comprend 23 pièces, dont 21 cantiones respectivement à 4, 5 et 6 voix, parmi lesquelles des cantiones sine textu alternent avec des titres bien connus : Ut queant laxis, Quam pulchra es (en deux versions : vocale et instrumentale), Super flumina Babylonis À noter l’histoire cocasse de l’Espagnol invité à dîner par un marchand belge (Hispanum ad coenam…). L’ensemble est rehaussé par les sonorités exceptionnelles des cornets à bouquin, saqueboutes, flûtes à bec, orgue… Accompagné de tous les textes et de leur traduction française, étayé de documents d’époque, l’excellent texte de présentation de Jérôme Lejeune met immédiatement les discophiles en situation tant sur le plan compositionnel (esthétique de Josquin, technique du cantus firmus, écriture madrigalesque, chant et déchant, voix à découvert…) que sur le plan des sources mélodiques.  Ce CD s’imposant tour à tour par son intériorité, son humour inattendu, son dynamisme, sa plénitude vocale, est une réussite du genre digne des Chapelles musicales du XVIe siècle.

 

Au-delà du silence : Johann Sebastian Bach.  Tambour Battant (taabatt@gmail.com) : TABA 11 08 0001.  TT : 77’07.

Cédric Burgelin (°1970), titulaire de cinq médailles d'or, a été formé par les plus grands maîtres de l'orgue : Gaston Litaize, Michel Chapuis, Michel Bouvard et Olivier Latry.  Il a obtenu deux premiers prix (orgue et basse continue) du CNSM et le Diplôme de Formation supérieure. Il se produit régulièrement en soliste ainsi que dans diverses formations. Titulaire des grandes orgues historiques de la cathédrale de Saintes, il y a enregistré, sous le titre évocateur : Au-delà du silence, une petite anthologie d’œuvres de J. S. Bach.  D’emblée, l’aria des Variations Goldberg crée une atmosphère calme et méditative exceptionnelle, propice à l’écoute et au recueillement, et justifie déjà le titre.  L’Ouverture de ces mêmes Variations contraste par son solennité énergique, à laquelle succède l’Adagio si prenant de la Sonate en trio.  Toute la démarche de l’interprète repose sur les contrastes brusques dans les mouvements (Très vitementGravement…) et l’expression tour à tour calme et entraînante, la technique irréprochable et la précision d’attaque ne nuisent en rien à l’expression et à l’émotion.  Des chorals pour le temps de Pentecôte et de l’Avent bénéficient d’une registration exceptionnelle.  À remarquer, plage 13 : la superposition des cloches et du jeu d’orgue, du meilleur effet.  Comme il se doit, l’Aria initial pose un lumineux point d’orgue sur ce programme d’un rare achèvement.

Édith Weber

 

Thierry MACHUEL : Sur la terre simple. Œuvres profanes pour chœur a cappella.  Label inconnu (contact@label-inconnu.com) : LI 09-0301.  Solistes du chœur Mikrokosmos, dir. Loïc Pierre.  TT : 57’16.

Seize œuvres sur des poésies de langues variées chantées par un petit effectif de solistes d’une belle homogénéité (mais les solos sont parfois désagréables).  Dans l’esprit du madrigal, les textes appellent la musique : dissonances et ralenti pour la mort, ostinato scintillant pour les étoiles… Tout sonne bien. Les tempi lents favorisent le déploiement vocal, souplement pulsé, l’harmonie tonale fait la part belle au mineur ou à la gamme par tons et, sur de fréquents bourdons, l’unisson domine, les élaborations polyphoniques par imitations générant plus un foisonnement tintinnabulant qu’un véritable contrepoint.  Mais cette beauté consensuelle qui semble se souvenir d’un Poulenc qui se souviendrait de Josquin reste si prévisible qu’elle finit par lisser ce qui nous accroche dans les textes de Jabès ou Bonnefoy.  L’art peut-il faire l’économie de la résistance aux langages convenus ?

Paul Gontcharoff

 

Ludwig van BEETHOVEN : Rondos et bagatellesNatalia Valentin, forte-piano (www.nataliavalentin.com).  Paraty : 109.104.  TT : 56’11.

Modestes par leur dimension, ces pièces où la ligne mélodique et l’improvisation tiennent une large part, écrites en marge des grandes œuvres pianistiques, nous donnent à entendre un Beethoven plein de spontanéité et de fraicheur.  L’interprétation de Natalia Valentin, empreinte de clarté et de virtuosité, est encore valorisée par un remarquable piano-forte allemand du XVIIIe siècle, restauré par Christopher Clarke, qui donne à cet enregistrement une sonorité d’époque.

 

Bob VERSCHUEREN : Catalogue de plantes. Un travail sonore de plasticien de l’artichaut au roseau.  Fuga Libera : FUG 705.  TT : 65’47.

Si la musique postmoderne nous propose d’entendre l’inaudible, ce qui suppose une présence au-delà du sonore, la présence est ici végétale, voire potagère (artichaut, carotte…).  Pour mélomane végétarien, à consommer toutefois avec modération !

 

Frédéric ROSSILLE : Ocean Song.  Rêves magiques (Cécile Duchamp.reves-magiques@wanadoo.fr).  TT : 18’03.

Dernier album du compositeur et pianiste français Frédéric Rossille, Ocean Song nous donne à entendre une très belle composition, empreinte de poésie, de charme et de sagesse orientale si prisée par l’auteur, bien mise en évidence par le jeu du piano, clair voire transparent, qui nous invite à lâcher prise…

[Record's jacket]

 

Débora RUSS Ensemble : Andares.  Aeon (www.aeon.fr) : AECD 0979. TT : 66’54.

Les amateurs de tango et de jazz apprécieront ce disque de Débora Russ qui associe, avec bonheur, les grands standards (Piazzolla, Sanchez…) à ses compositions personnelles. Le tango apparait ici pour ce qu’il est : une musique métissée  et évolutive, capable de chanter l’amour, les joies enfantines, la peine… La voix chaude et sensuelle et l’orchestre aux accents « jazzy et latino » font indiscutablement de ce disque, une réussite, une invitation au voyage.

 

Laudes et chants soufis.  Ensemble Doulce Mémoire, dir. Denis Raisin Dadre.  Zig-Zag Territoires : ZZT 090901.TT : 76’07.

Saluons l’œcuménisme de ce disque qui associe, pour notre plus grand plaisir, des chants chrétiens et soufis, issus des confréries d’Orient et d’Occident, démontrant bien que la musique, si elle constitue le plus court chemin vers Dieu, moyen d’ascèse et de dévotion, n’a pas besoin d’église.  Une prière en même temps qu’une leçon de tolérance.  À méditer…

Patrice Imbaud

 

Barbara STROZZI (1619-1677) : Virtuosissima compositrice.  Cappella Mediterranea, dir. Leonardo García Alarcón.  Ambronay : AMY 020.  Distr. Harmonia Mundi.  TT : 60’03.

Voilà un compositeur majeur du XVIIe siècle ultramontain qu’il conviendrait certes de réhabiliter.  Serait-ce sa « féminitude » qui, des siècles durant, fit oublier cette brillante élève de Francesco Cavalli ?  Sur des poèmes de son père, le célèbre Giulio Strozzi (librettiste, entre autres, de Monteverdi), Barbara publiait, en 1644, vingt-cinq madrigaux, au langage très seconda prattica, dont plusieurs se retrouvent sur ce superbe enregistrement, où sont aussi inclus des madrigaux de Monteverdi et Sigismond d’India.

 

HÄNDEL Gold : Célèbres arias & chœurs2CDs Decca (www.decca.com) : 478 1460.  TT : 142’38.

Précieuse compilation de « tubes » haendéliens, interprétés par les plus étincelantes stars du chant (plus ou moins...) baroque : Janet Baker, Cecilia Bartoli, Teresa Berganza, Grace Bumbry, Joyce DiDonato, Plácido Domingo, Kathleen Ferrier, Renée Fleming, Susan Gritton, Marilyn Horne, Kiri Te Kanawa, Magdalena Kožená, Sylvia McNair, Danielle de Niese, Russell Oberlin, Anne Sofie von Otter, Luciano Pavarotti, Thomas Quasthoff, Nigel Robson, Andreas Scholl, Joan Sutherland, Bryn Terfel, John Tomlinson, Rolando Villazón, Fritz Wunderlich et… les English Concert Choir, Academy & Chorus of St Martin in the Fieds et Choir of Westminster Abbey.

 

Anton BRUCKNER : 8e Symphonie, WAB 108.  Wolfgang Amadeus MOZART : Symphonie « Prague », K. 504.  Staatskapelle Dresden, dir. Bernard Haitink.  2CDs Profil/Hänssler : PH 07057.  TT : 59’53 + 54’11.

Il s’agit, dans ce 24e volume de l’« Edition Staatskapelle Dresden », d’un concert donné au profit des victimes des inondations catastrophiques qui touchaient en 2002, la ville de DresdeAvec le grand Bernard Haitink, la 8e Symphonie de Bruckner a trouvé l’interprète visionnaire que nécessitent ses dimensions gigantesques (quatre mouvements, d’une durée totale de quelque 86 minutes) : profonde unité de l’œuvre et plans sonores sont admirablement mis en relief.  Quant à la Symphonie « Prague », elle acquiert ici une gravité insoupçonnée.  Un enregistrement d’anthologie.

 

« Trios avec clarinette ».  BRAHMS : Trio pour clarinette, violoncelle & piano op. 114.  BARTÓK : « Contrastes » pour violon, clarinette & piano, Sz. 111.  KHACHATURIAN : Trio pour violon, clarinette & piano.  Florent Pujuila (clarinette), Deborah Nemtanu (violon), Yovan Markovitch (violoncelle), Romain Descharmes (piano). Saphir (www.saphirproductions.net) : LVC 1102.  TT : 57’35.

Bonheur de retrouver, dans ces interprétations juvénilement complices, les célèbres trios de Brahms et Bartók, tout autant que de découvrir (du moins pour moi) celui d’Aram Khachaturian, datant de 1932, beaucoup plus inspiré et chatoyant - et surtout moins clinquant - que bien de ses œuvres à venir.

 

Complete Recordings Rias of Wilhelm FURTWÄNGLER.  Live in Berlin.  12 CDs + Bonus CD Audite (www.audite.de) : 21.403.

Il s’agit là d’une compilation de tous les concerts dirigés par Wilhelm Furtwängler, à la tête du Berliner Philharmoniker, du 25 mai 1947 au 23 mai 1954, pour la station de radio Rias Berlin.  Dans un répertoire exclusivement germanique : Bach, Beethoven, Blacher, Brahms, Bruckner, Fortner, Gluck, Händel, Hindemith, Mendelssohn, Schubert, Schumann, Strauss, Wagner, Weber.  En bonus : Colloque du 27 février 1951, en la « Hochschule für Musik » de Berlin, au cours duquel Werner Egk et ses étudiants interviewaient Furtwängler sur l’art de l’interprétationBien que les bandes originales aient été remastérisées, il demeure quelques disparités dans la qualité des prises de son.  Mais ce ne sera nullement un handicap pour les inconditionnels du célèbre chef d’orchestre.

 

Mikael TARIVERDIEV (1931-1996) : Quo vadis ? Christophe Guida aux grandes orgues de Roquevaire (www.christopheguida.fr).

Célèbre en Russie pour, notamment, les bandes originales de 132 films, Mikael Tariverdiev a également composé de nombreuses chansons, 4 partitions de ballet, 4 opéras, de la musique instrumentale et des pièces d’orgue - tels que les extraits ici réunis : 1er mouvement de la Chernobyl Symphony pour orgue op.94, 2e mouvement de la suite Quo vadis ?, quatre mouvements du 1er Concerto « Cassandra », 1er mouvement du 2e Concerto « Cahier polyphonic », ainsi que les Chorals n°2, 3 et 8.  Défi à l’académisme et à l’insipidité de la culture de masse héritée du régime soviétique, la musique de Tariverdiev porte une marque – bien que toujours tonale – tout à fait singulière.  Merci au jeune et brillant organiste Christophe Guida (Marseille, 1982) de nous révéler cet éminent compositeur russe dont un Concours international d’orgue porte, tous les deux ans, le nom, à Kaliningrad.

Hugues DUFOURT : Les Météores Ancuza Aprodu (piano), Fabrice Jünger (flûte).  Ensemble orchestral contemporain, dir. Daniel Kawka.  Sismal Records : SR004.  TT : 65’48.

Toute de timbrique fascination et de mystère est l’œuvre d’Hugues Dufour, assurément l’un de nos plus importants compositeurs.  Cet album comporte quatre œuvres majeures : L’origine du monde (inspirée du fameux tableau de Courbet) pour piano et 14 instruments ; Hommage à Charles Nègre (grand photographe français du XIXe siècle) pour sextuor ; The Watery Star (« L’étoile des eaux », titre emprunté à Shakespeare) pour 8 instruments ; Antiphysis (« rejet du naturalisme sous toutes ses formes ») pour flûte et orchestre de chambre.  Un indispensable !

 

Marcos PORTUGAL (1762-1830) : Matinas do Natal (Rio de Janeiro, 1811).  Ensemble Turicum, dir. Luis Alves da Silva & Mathias Weibel.  2CDs Paraty (www.paraty.fr) : 209.108.  TT : 47’56 + 44’57.

Tant dans l’histoire musicale du Portugal que dans celle du Brésil, unique est la position de Marcos Antonio da Fonseca Portugal.  Ses 22 opéras ou opéras-comiques et innombrables autres productions scéniques connurent, en Europe et au Brésil, le plus vif succès.  C’est à Rio de Janeiro qu’il composa notamment, en 1811, ces Matinas do Natal, monumental ensemble de huit « Responsórios » (pour sopranos, alto, contreténors, ténor, baryton et basses, ici accompagnés sur instruments d’époque).  La veine est assurément populaire, et les mélodies d’une réjouissante fraîcheur d’inspiration.  Merci à l’Ensemble Turicum qui s’est donné pour mission de mieux faire connaître le vaste répertoire de la péninsule ibérique et de l’Amérique du Sud.  En l’espèce il s’agit d’une révélation. [Parution du coffret le 9 novembre 2009.]

Francis Gérimont

 

Centenaire Haydn

Joseph HAYDN : Concertos pour violoncelle & orchestre Hob. VII:1 et 2.  Georg Matthias MONN : Concerto pour violoncelle, cordes & clavecin en sol mineur.  Jean-Guihen Queyras, violoncelle.  Freiburger Barockorchester, dir. Petra Müllejans.  Harmonia Mundi : HMX 2961816. TT : 66'22.

Curieux destin que celui des deux concertos de Haydn pour le violoncelle. Le premier, en ut, ne fut redécouvert qu'en 1961, à Prague ; tandis que le second, en , longtemps attribué à son dédicataire, le musicien de l'orchestre d'Esterhaza, Anton Kraft, et arrangé ensuite par quelque virtuose en quête de reconnaissance, ne sera définitivement reconnu comme étant du maître que grâce à la découverte de l'autographe en 1954.  Et pourtant quels chefs-d'œuvre, dont se sont vite emparés les grandes vedettes de l'instrument au XXe siècle, au rang desquels Slava Rostropovitch.  Composés à quelque vingt ans d'intervalle, ils sont forts différents. Là où le premier se situe encore dans la continuité de Carl Philip Emmanuel Bach, fort virtuose en particulier lors d'un finale enjoué, le cello gambadant sur un orchestre sautillant d'allégresse, le second offre des sonorités plus maîtrisées et une fière énergie au finale rondo que caractérisent des attaques à l'arraché.  Dans les deux cas, l'écriture soliste est techniquement brillante, requérant une belle habileté. Jean-Guihen Queyras, à qui sa participation à l'Ensemble Intercontemporain a enseigné rigueur et précision rythmique, n'en apporte pas moins poésie et lyrisme. Les adagios et leurs cantilènes amples (n°1) que distingue une rare ligne de chant couronnée par un ppp (n°2) sont là pour le prouver.  Le concerto de Matthias Monn se place dans le sillage d'un Vivaldi et emprunte au style ritournelle.  La thématique n'est, bien sûr, pas aussi inventive que chez Haydn, mais le continuum ne manque pas d'attrait, notamment à l'adagio en forme de sicilienne. Le Freiburger Barockorchester, dirigé par son premier violon, apparaît comme l'ensemble rêvé pour jouer ces musiques délicatement expressives.

 

Joseph HAYDN : Sonates pour piano : H.XVI, n°20, 32, 34, 37, 40, 42, 48-52.  Fantasia : H.XVII, n°4.  Adagio : H.XVII, n°9.  Andante con variazioni : H.XVII, n°6.  Alfred Brendel, piano.  « The Original's », 4CDs Universal/Decca : 478 1369.  TT : 200'17.

Hommage au compositeur autant qu'à l'interprète, Universal a eu la bonne idée de regrouper en un seul coffret les diverses gravures qu’Alfred Brendel a livré des Sonates de Haydn. Un monument ! Longtemps considéré comme un musicien « pour connaisseurs » et avec condescendance - ne parlait-on pas du « papa Haydn » - méconnu dans bien de ses compositions, ses opéras, sa musique pour piano, les choses ont bien changé dans les dernières décennies du siècle dernier. Un interprète comme Alfred Brendel aura beaucoup fait pour réhabiliter ses pièces pour le clavier. On se souvient qu'il aimait volontiers débuter un concert par un morceau de ce compositeur, chantre du classicisme viennois, comme il l'était lui-même de ce style d'interprétation raffiné que caractérisent la discontinuité, le contraste et la surprise.  Ce qu'on retient avant tout de ces exécutions, c'est l'humour qui parcourt une musique en apparence naïve, pourtant emplie de tournures surprenantes, de contrastes inattendus, de ruptures soudaines, de digressions à première vue sans objet.  Brendel signe ses interprétations d'une ironie subtile, d'une délicate fantaisie - tel gruppetto mordant ou tel trait précipité lâché comme une plaisanterie.  Comme Haydn, il sait colorer cette thématique si inventive, elle-même en constante métamorphose, et varier les jeux de résonances. La merveilleuse ductilité pianistique est pur bonheur, faite de rigueur en apparence indéfectible, mais qui recouvre une vraie humanité.  Et la richesse d'expression puisée autant à la fantaisie roborative qu'au raffinement de la forme, sans parler d'un travail perspicace sur la dynamique, illustre un univers sans cesse renouvelé.  De quoi tempérer la vision pessimiste qu'avait l'interprète, de la transmission par le disque, « plate réalité » du concert ; même si « chez lui, l'auditeur idéal se concentre de la même manière en se souvenant des concerts auxquels il a assisté, exactement comme le pianiste se représente un public imaginaire quand il enregistre en studio » (Réflexions faites, Buchet/Chastel, 1979).

 

 

Wolfgang Amadeus MOZART : Idomeneo, dramma per musica.  Richard Croft, Bernarda Fink, Sunhae Im, Alexandrina Pendatchanska, Kenneth Tarver, Nicolas Rivenq, Luca Tittoto.  Freiburger Barockorchester, dir. René Jacobs.  3CDs Harmonia Mundi : HMC 902036.38.  TT : 53'54+75'39+61'33.

Pour ceux qui ont eu la chance d'assister à son concert de Idomeneo, donné à la Salle Pleyel, la fulgurance de l'interprétation de René Jacobs ne sera pas une surprise.  Ce qui frappe, c'est la juste réévaluation d'un chef-d'œuvre, et d'abord de son livret.  De ce que le jeune musicien doit à son auteur, l'abbé Varesco, poète mais aussi instrumentiste, à son message d'humanité. De son caractère musical hybride aussi, que d'aucuns ont cru devoir fustiger.  Mais ne serait-ce pas sa force, s'interroge Jacobs ? Ancré dans le passé (sa veine seria), inscrit dans le présent (la tragédie lyrique initiée par Gluck) et tourné vers l'avenir (l'univers de Da Ponte), Idomeneo offre une dramaturgie complexe qui trouve son aboutissement dans les relations entre les quatre principaux personnages : Idomeneo et Idamante - le conflit entre père et fils, les épreuves, Ilia et Elettra - le bien et le mal, le positif et le négatif.  La symbolique des tonalités employées par Mozart est d'une impressionnante évidence, souligne le chef qui insiste sur les deux mondes qu'habitent les arias archaïsants et les airs modernes, et surtout sur l'architecture unificatrice de la pièce que seule une exécution intégrale permet de révéler.  Rien d'étonnant à ce que les récitatifs soient l'objet d'une attention particulière, vraie mise en perspective du texte, retrouvant la tension de la diction.  Et quelle originalité dans le traitement du continuo, emmené par la déclamation allègre du piano-forte. La lecture de Jacobs est vivifiante, généreuse dans le choix de tempi extrêmement contrastés, de la nuance caressée à l'énergie la plus communicative, signifiante dans ses moindres inflexions.  Gloire soit rendue à la magnifique plasticité sonore d'un orchestre qui ne sonne jamais épais. L'affiche vocale est exceptionnelle. Dans le rôle titre, le ténor clair de Richard Croft favorise justement une émission plus lyrique qu'héroïque et les vocalises sont exécutées avec brio. Bernarda Fink est une sorte d'idéal en Idamante, bouleversante d'émotion contenue, d'une ligne de chant immaculée.  La fraîcheur du timbre de Sunhae Im, hors de toute banalité ingénue, incarne avec justesse l'espoir que porte Ilia, sa radiance aussi.  Et les prestiges d'une voix non forcée font, de l'Elettra d’Alexandrina Pentdachanska, un modèle de goût. Car l'excès, s'il y a, dans cette figure tragique, reste à l'orchestre de Mozart, haletant, dévastateur, terrifiant. Une version proprement révélatrice.

 

Jean CRAS : Sonate pour violoncelle & piano.  Trio pour violon, violoncelle & piano.  Largo pour violoncelle & pianoPhilippe Koch (violon), Aleksandr Khramouchin (violoncelle), Alain Jacquon (piano). Timpani : 1C1151.  TT : 70'59.

Jean Cras appartient à cette race d'autodidactes chez qui l'inspiration, appramment sans limite, va de pair avec une écriture originale.  Ne disait-il pas être partagé entre son métier d'officier de marine, choisi, et celui de compositeur, qui s'est imposé à lui.  Musicien précoce, il eut pour mentor Duparc.  Et Vincent d'Indy tenait en haute estime son jeune collègue.  Sa Sonate pour violoncelle & piano (1901) composée à bord du cuirassier Saint Louis, plonge dès les premiers accords massifs, vivement attaqués dans le grand dramatisme. La veine restera généreuse tout au long de l'allegro initial, les deux instruments se voyant gratifiés d'une écriture richement harmonique. L'adagio, intensément lyrique, prvilégie un discours très expressif, celle d'une complainte mélodique. Et le finale, marqué « vif » est puissant, développant une forme spacieuse.  Le Trio pour violon, violoncelle & piano, de 1907, en quatre parties, n'est pas non plus avare d'inspiration.  Trais de manière très personnelle, souffle et couleurs y abondent.  La puissance du discours, la sûreté de l'agencement technique s'expriment dans un vaste allegro, « modérément animé », modulant de manière typiquement gallique. Le mouvement lent montre une vraie clarté dans l'énoncé des idées. Deux morceaux marqués « très vif » font suite : le premier en guise de scherzo, le second, pour une conclusion enjouée, de forme très libre, mettant à contribution à part égale les trois instruments et progressant dans l'esprit de la chanson populaire. L'exécution est toute de conviction, comme dans la première pièce ou encore dans ce Largo pour violoncelle & piano, inédit au disque, sorte de lied méditatif et mélancolique, culminant dans de grandes interjections.  Un beau paysage musical enfin révélé.

 

« The Berlin Recital ».  Robert SCHUMANN : Sonate pour violon & piano n°2, op.121, Kinderszenen pour piano, op.15.  Béla BARTÓK : Sonate pour violon solo (1944), Sonate pour violon & piano n°1 (1921).  Fritz KREISLER : Liebeslied, Schön Rosmarin.  Gidon Kremer (violon), Martha Argerich (piano). 2CDs EMI : 6 93399 2. TT : 58'01+58'47.

Signe des temps, la vogue de l'intégrale cède le pas au projet éclectique, calqué sur celui du concert, à géométrie variable même.  Le programme, que les deux interprètes ont promené partout en Europe dont à Pleyel - fin 2006, rapproche Schumann et Bartók.  Un choix a priori curieux, qui s'avère fascinant au jeu des contraires : richesse harmonique chez le premier, rudesse pour le second.  Ils ont écrit chacun deux sonates pour violon & piano, mais en favorisant leur instrument favori, le clavier pour Schumann, le violon pour Bartók.  La Sonate n°2 de Schumann est tout sauf virtuose, se situant dans le registre médian du violon.  Le climat en est plutôt sombre, les deux instruments se complétant plus qu'ils ne s'opposent.  L'originalité de la pièce réside dans son 3e mouvement, « doux, simple » aux sonorités insistantes, inquiétantes.  Dans la Première Sonate de Bartók, les deux protagonistes semblent se comporter de manière indépendante l'un de l'autre, dans le registre passionnel, mélancolique, de la frénésie véhémente, frôlant l'expressionisme.  Mais il y a plus : des consonances insoupçonnées, des traits mystérieux que cachent de thèmes de caractère hongrois et surtout un sens de la progression du discours très élaboré au violon, que le piano contrebalance de façon on ne peut plus percussive.  Dire que nos deux musiciens se complètent tient de l'euphémisme. C'est plutôt du plaisir de converser ensemble, d'aller au plus profond, qu'il faut parler.  Le piano d’Argerich est ample dans sa palette dynamique, et d'un engagement constamment affirmé. L'archet de Kremer, même si pas toujours suave dans Schumann, force l'admiration par son incandescence.  Celle-ci se mesure aussi à son exécution visionnaire de la Sonate pour violon seul du Hongrois, un tour de force.  Bartók y empile toutes sortes de difficultés techniques dont des notes aiguës à l'arraché.  Et pourtant l'impression de libre improvisation prédomine ici.  Les contrastes saisissants - en particulier au 3e mouvement, Melodia, naviguant entre polyphonie dépouillée et modernisme audacieux - distinguent une œuvre qui, au mouvement lent, fait traverser des contrées étranges. Martha Argerich livre encore une interprétation pénétrante des Kinderszenen, délicates miniatures qui confessent l'attrait de Schumann pour le monde de l'enfance : l'art d'alterner le style ballade, l'architecture des marches, la douceur émerveillée, mais aussi les interrogations, le mystère de ces sublimes transitions qu'elle ménage non sans quelque facétie.

 

« Piotr Anderszewski at Carnegie Hall ». Johann Sebastian BACH : Partita n°2.  Robert SCHUMANN : Faschingsschwank aus Wein, op.26. Leoš JANÁČEK : Dans les brumes. Ludwig van BEETHOVEN : Sonate pour piano, n°31, op.110.  Béla BARTÓK : Trois danses hongroises.  Piotr Anderszewski, piano.  2CDs Virgin Classics : 267291 2 1. TT : 42'49+41'36.

Autre programme de concert : celui donné à Carnegie Hall, en décembre 2008, par Piotr Anderszewski, personnalité curieuse de tout, d'un enthousiasme réel - ce qu'on a pu apprécier dans le film récent que lui a consacré Bruno Montsaingeon et, à en juger par ce CD, pianiste en rien confiné dans ses choix artistiques. On sait qu'il voue à Bach une passion immodérée. La Suite n°2 offre une rythmique rigoureuse mais pas sèche et retrouve le sens de l'improvisation comme dans la Sarabande qui évolue sur des nuances ppp.  Le Cappricio final éclate de force.  Son Carnaval de Vienne convoque un Schumann puissant, sans concession à quelque virtuosité démonstrative dans le vaste allegro, débordant de poésie mélancolique à l'heure de la romance, appelant un romantisme sans a priori grandiloquent (scherzo), distillant toutes les ressources du clavier dans ce qu'il a de nocturne (intermezzo) ou de passionné au finale.  Du grand pianisme assurément. Comme dans cette pièce on ne peut plus en contraste, Dans les brumes, une des rares que Leoš Janáček a laissées à l'instrument.  Un monde sonore qui doit quelque chose à la fluidité debussyste, au mystère enfoui, au lyrisme affirmé qui oscille entre douceur et inquiétude, en lointain écho aux compositions de l'auteur pour le théâtre. Elle trouve ici un interprète aussi à l'aise qu'il l'est par ailleurs dans les pièces de son compatriote Szymanowski.  Nouveau contraste saisissant avec la grande Sonate op.110 de Beethoven qui montre un Anderszewski tout aussi chez lui dans le répertoire classique. L'allègement de la texture prime sur le souffle épique. Le cheminement vers la sérénité s'inscrit dans une vision intense, expression de ce que cette pièce doit à la souffrance. L'atmosphère n'est pas à l'éclat ; à la sagesse intérieure plutôt, que livrent des nuances aux confins du désespoir.  Non que l'urgence du discours et l'énergie fassent défaut, en particulier lors de l'ultime fugue, triomphante et victorieuse péroraison.

 

Frédéric CHOPIN : Sonate n°3, op. 58.  Deux Nocturnes, op.62.  Trois Mazurkas, op.59.  Polonaise-Fantaisie, op.61.  Trois Mazurkas, op.63.  Trois Valses, op.64.  Mazurkas, op.67 n°2 et n°4.  Sonate pour violoncelle & piano, op.65.  Mazurka, op.68 n°4.  Maria Joao Pires (piano).  Pavel Gomziakov (violoncelle). 2CDs Universal/DG : 477.  TT : 56'19+70'05.

La grande pianiste portugaise Maria Joao Pires revient à son cher Chopin ; pour un voyage parmi les dernières compositions du maître, que caractérisent l'approfondissement de la forme - la Polonaise-Fantaisie op.61 n'emprunte que de loin au rythme de la polonaise dansée - la retenue émotionnelle, le raffinement extrême, l'exploration de l'âme au fil de climats changeants où la mélancolie poignante côtoie la gaieté sans fard (Mazurkas, op.59). Une ascèse qui ne signifie pas tristesse, l'absence de recherche de l'effet, l'éclat, à ne pas confondre avec brillance, sont autant de secrets de l'approche de Pires, d'une abyssale profondeur sous une naturelle simplicité (Nocturnes, op.62).  Le jeu délié empli d'une vraie tendresse est tout sauf ostentatoire (Valses, op.64).  Dans la Troisième Sonate qui ouvre le programme, si éloignée de la fièvre qui parcourt la Sonate n°2, le registre est celui de l'émotion retenue, des sentiments variés, tel le recueillement qui atteint une dimension philosophique (Largo) ; mais aussi de l'optimisme qui conclut une pièce où lyrisme et traits épiques se sont mesurés en une joute élégante. La Sonate pour violoncelle & piano op. 65, dédiée à Franchommne et jouée avec lui par Chopin lors de son ultime concert parisien, est un autre moment phare de la dernière manière de celui-ci.  Moderne dans son écriture singulière, si différente des œuvres pianistiques, bannissant désormais toute virtuosité, le traitement des idées y est extrêmement concentré, tout comme prime l'audace harmonique. Le doux chant du violoncelle ajoute à la réflexion intérieure et l'interprète, Pavel Gomziakov, de sa riche et enveloppante sonorité, s'accorde on ne peut mieux au toucher limpide de Pires.

 

Frédéric CHOPIN : Sonate n°2. Alexander SCRIABIN : Sonate n°2 « Sonate-Fantaisie ».  Franz LISZT : Sonate pour piano en si mineur.  György LIGETI : Études n°4 : « Fanfares » et n°10 : « L'Apprenti sorcier ».  Yuja Wang, piano.  Universal/DG : 477 8140.  TT : 74'10.

Pour ses débuts au disque, la pianiste chinoise Yuja Wang, déjà adoubée par Claudio Abbado, joue l'audace et gagne ses galons.  Quelle autorité de la part de cette frêle jeune femme de 21 ans dans la Sonate n°2 de Chopin ! Une entrée en matière saisissante prélude à une énergie incroyable qui cependant ne cherche pas à tirer sur l'effet. Le deuxième thème du scherzo s'aventure dans les régions de la réflexion et le contraste avec le staccato du premier n'en est que plus marqué.  Le lento de la Marche funèbre est résolu dans sa progression dynamique et là encore le 2e thème apporte une touche d'introspection non emphatique. L'énigmatique presto final n'a jamais paru aussi avant-gardiste. La 2e Sonate de Scriabine appartient à la première manière de l'auteur, presque impressioniste.  La virtuosité d'écriture exige beaucoup de l'interprète et Yuja Wang démontre une particulière habileté dans la force des attaques, la fluidité de la main droite, le sens de l'improvisation du discours. Mais le morceau de choix reste la grande Sonate de Liszt. De ce morceau redoutable, Yuja Wang propose une exécution d'une étonnante maturité : clarté d'exposition des divers motifs, naturel de l'expression, contrastes entre accords massifs et rubato poétique, art de varier les climats par de subtiles transitions, comme de bâtir un crescendo, ou encore de décocher les traits energico dont Liszt fertilise à l'envi sa pièce ; sans parler d'une vélocité ébouriffante pour ménager une formidable progression dramatique.  En guise de pause, « comme de petites étincelles entre les œuvres plus grandes » dit-elle, Yuja Wang intercale deux Études de Ligeti, non pour démontrer quelque tour de force, mais plutôt l'inventivité avec laquelle elle sait déjà composer un programme.  L'effet hypnotique de la n°4, proche du jazz, le dispute à l'étonnant sostenuto de la n°10 qui dans son cheminement abstrait n'est pas sans faire penser au final de la Sonate de Chopin. La formidable technique de l'interprète en vient à se faire oublier ; de même que toute comparaison avec un autre prodige chinois bien connu dont on espère que Mlle Wang ne suivra pas l'exemple.

 

DVDs

Leoš JANÁČEK : La Petite Renarde rusée, opéra en trois actes. A.Tsallagova, H.Esther Minutillo, J.Rasilainen, Michelle Lagrange, David Kuebler, R.Bracht, P.Gay. Orchestre de l'Opéra national de Paris, dir. Dennis Russell Davies. Medici Arts : 3078388. TT : 101'.

De tous ses opéras, Janáček chérissait La Petite Renarde rusée, « une chose gaie avec une fin triste » comme il l'appelait.  La production de André Engel, filmée live à l'Opéra Bastille, retrouve la fraîcheur et l'innocence douce amère du roman feuilleton dont s'est inspiré le musicien, de ces scènes de la vie animale qui racontent une histoire d'amour si vraie, où des destins fugaces croisent ceux d'humains dérisoires dans la célébration d'un hymne panthéiste.  Le monde de la forêt est tiré ici vers un champ de tournesols dont l'immensité est bordée par une voie de chemin de fer.  Car l'homme ne cherche-t-il pas à domestiquer la nature ? Celle-ci aura pourtant le dernier mot. L'hiver frileux qui emportera la renarde facétieuse, laisse place au retour du printemps, au renouvellement éternel du cycle de la vie.  De sa nombreuse descendance, l'un des rejetons de la renarde Fine-Oreille sera, comme elle, capturé par le garde forestier, toujours captivé par sa beauté.  La prise de vue souligne ce que la régie a de délicatement nostalgique : les animaux, représentés par des enfants, sont stylisés par quelques traits finement caricaturaux.  Surtout, elle révèle un univers d'une onirique poésie où le raisonnable n'est peut-être pas là où on l'attend, et des figures d'animaux personnifiés qui, à la différence de Chanteclerc, ne déclinent pas les travers humains, mais sont le miroir des hommes.  Belle idée que de visualiser les interludes symphoniques par des évocations agrestes et le rappel du passage clé de la scène précédente.  Au-delà de l'allégorie, la pièce se lit comme un roman cursif où tout n'est que suggéré par une musique qui est elle-même action.

 

Richard WAGNER : Tristan und Isolde, drame lyrique en trois actes.  Ian Storey, Waltraud Meier, Michelle DeYoung, Gerd Grochowski, Matti Salminen.  Orchestre du Teatro alla Scala, dir. : Daniel Barenboim.  Filmé live le 7 décembre 2007.  3DVDs Virgin Classics : 51931599.  TT : 267'.

Quelle chance de pouvoir, grâce au DVD, revoir et disséquer la mise en scène que Patrice Chéreau a sculptée du Tristan et Isolde de Wagner.  Ce qu'un régisseur venant du théâtre parlé peut apporter à l'opéra, en termes de compréhension, on le vérifie ici, ô combien.  Chéreau a imaginé de placer ce drame on ne peut plus intérieur dans le mouvement même de la vie : l'équipage du navire de Tristan au premier acte, la soldatesque à la solde de Mélot au deuxième, les écuyers du héros au dernier.  Tout cela tisse l'arrière-plan vivant d'une action dont les longs monologues sont tout sauf statiques, tant le mot est signifiant.  Ainsi du récit d'Isolde mis en perspective sur fond de labeur de l'équipage ou de sa lassitude de ne point arriver, de la présence humaine agressive qui creuse d'autant plus la tristesse résignée émanant des stances de Marke, de l'abyssale désolation qui s'empare de tous durant le délire où Tristan désespère de pouvoir mourir sans Isolde.  Le découpage cinématographique habilement séquencé, très étudié dans ses techniques - fondus enchaînés, surimpressions, images superposées ou en rupture - se cale sur les accents de la mise en scène.  Au-delà de la plastique de l'environnement aux tons gris et bleu nuit, de la peinture de personnages délestés de tout hiératisme, des interactions entre ceux-ci, est dévoilée une alliance rare du chant et du drame. Telle gestuelle naturelle, vraie, tel jeu de scène refusant l'emphase, non seulement expliquent, mais plus, décryptent ce que l'opéra offre de prégnance théâtrale ; pas seulement dans le cheminement obsessionnel et épuisant des deux héros, mais aussi quant au drame que vivent Marke, Brangaene et Kurwenal.  Ils transfigurent même l'interprétation musicale qui, tout comme la pâte sonore forgée par Daniel Barenboim, en acquiert un relief saisissant.

Ludwig van BEETHOVEN : Concerto pour piano n°3.  Anton BRUCKNER : Symphonie n°7.  Alfred Brendel, piano.  Orchestre du Festival de Lucerne, dir. Claudio Abbado.  DVD EuroArts : 2054649.  TT : 106'.

Le concept de musique de chambre étendu à l'orchestre symphonique, tel pourrait être le credo des exécutions dirigées par Claudio Abbado à la tête de son Orchestre du Festival de Lucerne.  Cette formation à nulle autre semblable réunit des musiciens venus d'horizons divers, solistes, membres d'ensembles de chambre ou d'orchestres.  Elle transcende l'hétérogénéité de forts talents individuels à la faveur d'une sonorité d'une rare homogénéité et d'un jeu à l'incomparable densité - comme le démontre le programme du concert inaugural du festival 2005.  Il débute par le 3e Concerto pour piano de Beethoven dont Alfred Brendel capte l'essence.  Avec le complice Abbado qui imprime d'emblée un tempo alerte, sa vision est d'une élégance suprême et le jeu gagne, s'il est possible encore, en acuité.  L'exécution est d'une rare émotion aussi. Suit la 7e Symphonie de Bruckner, une relative rareté dans le répertoire du maître italien.  L'approche favorise le lyrisme et débarrasse de tout pathos cet univers sonore souvent catalogué d'emphatique.  Nul n'est besoin de tempos pondéreux pour déployer l'élan intérieur, forger le grandiose.  La prise de vue fait participer le spectateur à l'élaboration de quelque chose qui se construit.  On est loin de ces captations filmées dont le seul dessein est de montrer tour à tour instrumentistes et chef d'orchestre en une succession d'images décoratives.  Et quel sens de l'événement !

Jean-Pierre Robert

 

 

     


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Laëtitia Girard