Sommaire :
1. Editorial : "Claude de France"
2. Informations
générales
3. Varia
4. Manifestations
et Concerts
5. Le Festival de musique de Dresde
6. Recensions de spectacles et concerts
7. A réserver sur l'agenda
8. Nouveautés dans l'édition musicale
9. Bibliographie
10. CDs et DVDs
11. La librairie de L’éducation musicale
12. Où trouver la Revue de L’éducation musicale ?
13. La vie de L’éducation musicale
14. Où trouver le numéro du Bac ?
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L'éducation musicale n'a rien contre les étudiants...


Claude de France
De larges pans de mystère
enveloppent la personnalité de Claude Debussy… Et cela, quel que soit le nombre de savantes études qui lui furent
consacrées, telles celles de Léon Vallas, Edward Lockspeiser, Marcel Dietschy,
Christian Goubault et surtout François Lesure - dont on ne saurait
trop louer la « biographie critique », assortie d’un catalogue
raisonné de l’œuvre (Fayard, 2003). Ouvrage où, en regard du génie de l’artiste, ne sont jamais
dissimulées les faiblesses de l’homme…
De par son dédain même du
clinquant et de la rhétorique, ce musicien – l’un des plus grands qui furent – n’en
demeure pas moins, de tous, le plus français. Même si l’ardent consumérisme de nos contemporains ne les porte guère à
reconnaître pareilles qualités…
Le dossier que nous lui
consacrons aujourd’hui comporte, outre une Chronologie minutieusement
circonstanciée, des entretiens avec Jean-Michel Nectoux (commissaire de
l’exposition « Debussy, la musique et les arts ») &
Denis Herlin (rédacteur en chef, pour le CNRS, des Œuvres complètes de Claude Debussy, en 36 volumes), un
article sur « la pure modernité sonore de Debussy », une analyse de La Damoiselle élue, une
approche poétique de L’Après-midi d’un
faune de Mallarmé, un parallèle (influences et coïncidences) entre Debussy
et Ligeti.
Sans préjudice d’un entretien
avec le compositeur Alain Bancquart, d’un plaidoyer pour le
chant choral en tant que remède à l’Attention Deficit
Disorder, de considérations sur César Franck, musicien religieux, et de
la conclusion de notre étude sur le traitement de la voix chez Pink Floyd…
Francis B.
Cousté.
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Hommage à Simone Féjard (1911-2012). À cette grande dame qui vient de nous quitter à l’âge de 101 ans,
hommage solennel était rendu à Paris, le 31 mai 2012, en l’église
Saint-Nicolas-des-Champs. Merveilleuse compositrice
– que sa légendaire modestie aura quelque peu desservie -, elle fut longtemps Chef
de chant à l’Opéra de Paris, et enseigna également au Centre La Fontaine
(Centre de préparation au professorat d’Éducation musicale). Une foule d’artistes de l’Opéra qu’elle aura
musicalement formés était venue participer à la cérémonie. Au cours de laquelle
nous pûmes entendre : « Libera me » du Requiem de Fauré (par Vincent Le Texier), Ronsard à son âme de Ravel (par
Jérôme Varnier), Laudate Pueri de Vivaldi (par Élisabeth Vidal), Ave Maria de Gounod (par Roberto Alagna), et par le chœur des solistes de
l’Opéra : Complainte à la mémoire de
François Villon de Simone Féjard et Ave Verum de Mozart.
Simone
Féjard, Xavier Depraz (Classe d’Art lyrique)
BOEN n°22 du 31 mai 2012. « Poursuivre
le développement des pratiques musicales collectives à l’école, au collège et
au lycée » (Circulaire
n°2012-083 du 9 mai 2012). Où est
notamment annoncée la création d’un Chœur de l’Éducation nationale, réunissant
une quarantaine de professeurs-chanteurs expérimentés ; il sera dirigé par
Didier Grojsman, fondateur du Créa (notre photo).
Consulter : www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=60252
©DR
« Chanson d’expression française, jazz & musiques
actuelles », tel est
l’intitulé du cursus de licence (sur 3 ans) qu’ouvre, en septembre 2012,
l’Université de Bordeaux 3. Renseignements : 06 81 96 35 11. www.bordarts.com
« Radio : ouvrez grand vos oreilles ! » Cette remarquable exposition sur « L’histoire de la radiodiffusion en France,
des années 20 à nos jours » se poursuit, au Conservatoire
national des arts et métiers (CNAM), jusqu’au 2 septembre 2012. Sous
le parrainage de José Artur, du Mouv’ et de France Culture. Renseignements : 60, rue
Réaumur, Paris IIIe. Tél. : 01 53 01 82 00. http://radio.arts-et-metiers.net
Claude Debussy, le Saint-Germanois : « Journée anniversaire », le
mercredi 22 août 2012, en la maison natale du compositeur : Visite exceptionnelle
de l’exposition / Récital de piano par Mûza Rubackyté /
« Soufflons les 150 bougies… » Renseignements : 38, rue au Pain, 78100
Saint-Germain-en-Laye. Tél. : 01
30 87 20 63.
www.saintgermainenlaye.fr/en/loisirs/culture/150e-anniversaire-claude-debussy
Le Palazzetto Bru Zane, « Centre de
musique romantique française », programme en 2012-2013 : 320 concerts dans 141 villes,
155 partenariats, 7 projets pédagogiques & 6 concours
internationaux, 8 colloques, 20 chantiers biographiques de
compositeurs & 12 chantiers thématiques, 2 livres, 35 coproductions
discographiques. Renseignements : San Polo 2368, I-30125 Venezia. Tél. : +39 041 52 11 005. www.bru-zane.com
« Musique en académies », le diaporama : www.canalacademie.com/ida7169-Musique-en-academies-notre-diaporama.html
Francis Cousté.
Marie-Thérèse MICHAUX-BESSON, organiste, est
décédée le 1er juin 2012 à l’âge de 84 ans. Née à Paris en 1928, elle a remporté de
nombreuses récompenses au Conservatoire de Paris (Orgue & improvisation,
Esthétique musicale, entre autres) et travaillé avec Maurice Duruflé,
Simone Plé-Caussade, Norbert Dufourcq, Roland-Manuel mais aussi
Marie-Claire Alain et Gaston Litaize. Soliste attitrée à l’ORTF, on a pu l’entendre souvent sur les
ondes. Très investie dans
l’enseignement, elle a exercé diverses charges pédagogiques au sein de l’École
César-Franck de 1971 à 1991, ainsi que dans diverses Académies ou stages. Elle
a occupé la tribune de Notre-Dame d’Espérance à Paris. Mais son nom reste surtout attaché à celle de
Saint-Louis-en-l’Île, comme organiste de chœur, puis co-titulaire du
grand orgue. Elle était rompue au
métier d’organiste liturgique, mais cette activité laissait, hélas !
quelque peu dans l’ombre une nature musicienne de qualité, excessivement
modeste. Sa grande culture musicale, sa sensibilité aux problèmes de l’orgue,
sa curiosité toujours en éveil, sa générosité pour encourager élèves et
confrères étaient proverbiales. Son
regard d’une terrible lucidité était pourtant empreint de bonté. Merci pour tout, Marie-Thérèse.
Saint-Louis-en-l’Île ©Aubertin
Georges Guillard.
***
Florilège vocal de Tours 2012. 1er Prix du Concours
international de chœurs de jeunes : Solfa de la Schola cantorum « Coralina », La Havane
(notre photo). Palmarès complet : www.florilegevocal.com/page.php?page_id=52
©DR
Steven Spielberg :
- Si vous pouviez vous
réincarner en quelqu'un d'autre, qui aimeriez-vous être ?
-
John Williams.
-
©DR
Sur France Culture :
« Continents Musiques ». Du lundi au vendredi de 16h à 17h. Musiques d’en France et d’ailleurs (23-27 juillet), Amérique du Nord (30 juillet-3 août), Afrique (6-10 août), Asie-Pacifique (13-17 août), Amérique du Sud (20-24 août). Renseignements : www.franceculture.fr
Le Concours international de quatuor de cuivres se déroulera, les 22 et 23 mars
2013, à Paris/Ville-d’Avray. Effectif : 2 trompettes, cor, trombone
(ou 2 trompettes), 2 trombones. Renseignements : +33 1.78.33.14.57. http://ensembledecuivres.asso-web.com
À Patricia Petibon, France 2
va consacrer sa nouvelle émission musicale « Berlingot » (90’), les
vendredis 6, 13, 20 et 27 juillet 2012.
©DR
Wata Music (Musique de l’eau). À Gaua (Archipel du Vanuatu) : www.dailymotion.com/video/xcwwwc_wata-music-musique-de-l-eau_music
©DR
Berklee College of
Music. Brian Cole vient d’être nommé Doyen du 1er Campus
international de Valence (Espagne). Renseignements : 06 38 80 88 24. www.berkleevalencia.org
Brian Cole ©Berklee
« La » recette ! http://www.youtube.com/watch?v=G2CvIV3dFHo
© PV
Nova
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©Wes
Anderson
« La Croisée des cultures », 18e stage de
danses & musiques du monde, se déroulera à Genève (Suisse) du 1er au 8 juillet 2012. Renseignements : Ateliers d’ethnomusicologie – 10, rue de Montbrillant, CH-1201 Genève. Tél. : +41 22 919 04 94. www.adem.ch
En l’Auditorium de Lyon, l’Orchestre national de
Lyon donnera – « Ciné-concert exceptionnel » - le 3e volet
du Seigneur des Anneaux, les
6, 7, 8, 10 et 11 juillet 2012. Renseignements : 149,
rue Garibaldi, Lyon IIIe. Tél. : 04 78 95 95 95. www.auditorium-lyon.com
L’Association internationale Dimitri
Chostakovitch organise
un concert au Théâtre antique de Delphes (Grèce), le 7 juillet
2012 : « Chostakovitch et ses
amis compositeurs Tishchenko & Weinberg ». Avec le concours du Quatuor Danel. Renseignements : 19bis, rue des Saints-Pères, Paris VIe. Tél. : 01 47 03 90 43. www.chostakovitch.org
©DR
La soprane Barbara Hannigan se produira dans deux nouvelles productions : Written on Skin de
George Benjamin (7 juillet 2012, Festival d’Aix-en-Provence), Lulu d’Alban Berg (1er octobre 2012,
Théâtre de La Monnaie, Bruxelles). Renseignements : www.barbarahannigan.com
©Elmer de Haas
L’Université d’été judéo-espagnole se déroulera
à Paris, du 8 au 13 juillet 2012. Mercredi 11 juillet : Journée consacrée aux musiques
judéo-espagnoles, avec Chochana Weich-Shahak, Jessica Roda,
Marlène Samoun, Naïma Chemoul. Modérateur : Hervé Roten. Durant cette session, auront également lieu quatre concerts,
avec Marlène Samoun, Vanessa Paloma, Liat Cohen,
Hayati Kafé & Naïma Chemoul. Renseignements : Centre Alliance
Edmond J. Safra – 6bis, rue
Michel-Ange, Paris XVIe. www.cfmj.fr
« Messiaen au Pays de la
Meije », 15e édition, rendra hommage au grand compositeur-pédagogue
et à, notamment, son disciple Gérard Grisey, du 14 au 22 juillet
2012. Renseignements : 05320 La Grave. Tél. : 04 76 79 90 05. http://blogmessiaen.blogspot.com ou : www.festival-messiaen.com
Chanson & poésie… Les 20 et 21 juillet
2012, en la chapelle Notre-Dame-des-Croix de Loctudy (Finistère), se produiront
Brigitte Maillard & Christophe Rosenberg. Entrée libre. Renseignements : 02 98 87 53 78. www.brigittemaillard.net
« Chambre avec Vues », festival de musique de chambre,
4e édition, se déroulera à Rabastens (Tarn), du 19 au
22 juillet 2012. « Hommage à Astor Piazzolla ». Renseignements : 3, quai des
Escoussières, 81800 Rabastens. Tél. : 06 86 85 03 17. www.chambreavecvues.fr
Le XIIIe Festival de musique « Ars Terra » se déroulera en
Somme/Picardie maritime, du 22 au 27 juillet 2012. Sur le
thème : « Musique française,
musique allemande : un Concerto européen ». Renseignements : 13, rue de
l’Église, 80120 Villers-sur-Authie. Tél. : 06 38 12 53 38. www.arsterra.fr
Les Nuits d’Été de Mâcon dérouleront leur 10e édition du 22 au 28 juillet 2012. Avec
le concours, notamment, de : Bruno Fontaine, Marie-Christine
Barrault, Arnaud Richard, Xavier Le Roux, Éric Geneste,
Jean-Pascal Meyer & Nicolas Mallarte. Renseignements : 06
81 29 13 74. www.artenliberte.fr
Flâneries musicales de Reims. Cette manifestation se déroulera
jusqu’au 12 juillet 2012. Renseignements : 03 26 36 78 00. www.flaneriesreims.com
©DR
La cambiale di matrimonio (« Le
mariage par lettre de change »), opéra bouffe en un acte de
Gioachino Rossini, livret de Gaetano Rossi,
pour 6 chanteurs & orchestre, sera en tournée du 8 au
24 juillet 2012. Direction musicale : Leonardo
García Alarcón. Régie : Stephan Grögler. Calendrier :
08 juillet | Nuits de Fourvière, église Saint-Just, Lyon
10 juillet | Festival de Namur (Belgique)
12 juillet | Musée national d’Art roumain, Bucarest (Roumanie)
15 juillet | Festival des Arts jaillissants, Montsapey
17 juillet | Collegio Ghislieri, Pavie (Italie)
19 juillet | Académie philharmonique de Ljubljana (Slovénie)
21 juillet | Festival d’Aix-en-Provence
22 juillet | Festival Les Estivales, Perpignan
24 juillet | Opéra de Vichy
et…
16 & 17 novembre | Opéra royal de Versailles
Versailles Festival propose « Le
triomphe de Haendel » : Le Messie (Chapelle royale, les mardi 10 et mercredi 11 juillet, à 20h00), avec
The King’s Consort, dir. Robert King / Tamerlano (Opéra royal, le mercredi 11 juillet, à 19h30), avec Les
Musiciens du Louvre/Grenoble, dir. Marc Minkowski. Renseignements : 01 30 83 78
89. www.chateauversailles-spectacles.fr
Francofolies… Elles se dérouleront du
11 au 15 juillet 2011. Renseignements : 6, rue de la Désirée, 17000 La Rochelle. Tél. : 05 46 28 28 28. www.francofolies.fr
Lyric des Lices, festival de musique sur
la plage de Ramatuelle, propose notamment, le 29 juillet 2012 :
« De Chopin à Debussy, le chemin de
la grâce », récital donné par le pianiste & compositeur
Yves Henry (directeur du Festival de Nohant). Renseignements : Épi Plage,
83350 Ramatuelle. Tél. : 04
98 12 95 95. www.epi-plage.com
39e Académie-Festival de
musique des Arcs. Cette manifestation se déroulera du 18 juillet au 2 août
2012. Renseignements : 01
40 07 11 48. www.festivaldesarcs.com
©DR
Le 32e Festival international
de piano de La Roque d’Anthéron se déroulera du 22 juillet au
22 août 2012. Renseignements : 04
42 50 51 15. www.festival-piano.com
©DR
Le 89e Festival
« Cornouaille Quimper » propose du 24 au 29 juillet 2012 : rock,
musiques du monde, pop, culture bretonne & spectacles de danse. Avec
notamment : Loreena McKennit, le Bagad Kemper
& Red Cardell (Fest Rock), Sharon Corr (notre photo),
Tri Yann (40 ans de scène), Emir Kusturica & The
No Smoking Orchestra, Ian Anderson (Jethro Tull), Gabriel
& Marie (Malicorne), Soïg Siberil, Sonerien Du, le trio
Ewen/Delahaye/Favennec, Sin Antesia, Ronan Le Bars Group, Armel
An Hejer, Guichen, Raggalendo, les Goristes, Hamon/Martin (création
Blue & Black Zebra), Breabach... Renseignements : 02 98 55 53 53. www.festival-cornouaille.com
©DR
« Jazz aux frontières », 3e édition, se
déroulera à Montgenèvre (Hautes-Alpes), du 26 au 29 juillet 2012. Renseignements : 04 92 21 52
55. www.jazzauxfrontieres.com
Saint-Tropez : « Les Nuits du
château de la Moutte » se dérouleront du 26 juillet au
13 août 2012. Renseignements : 04
94 96 96 94.
www.lesnuitsduchateaudelamoutte.com
©DR
« Jazz in Marciac », 35e édition, se déroulera du
27 juillet au 15 août 2012. Renseignements : place de l’Hôtel de Ville, 32230 Marciac. Tél. : 0892 690 277. www.jazzinmarciac.com
Le 42e Festival interceltique de
Lorient se déroulera –
« Année de l’Acadie » - du
3 au 12 août 2012. Renseignements : 11, espace Nayel, 56100 Lorient. Tél. : 02 97 21 24 29. www.festival-interceltique.com
« Classique au vert ». Ce festival se déroulera
au Parc floral de Paris, tous les samedis et dimanches, du 4 août au
16 septembre 2012, à 16h00. Renseignements : Esplanade Saint-Louis, devant le château de Vincennes, Paris XIIe. www.classiqueauvert.paris.fr
©DR
Le Festival Berlioz se déroulera à La
Côte-Saint-André (ville natale du compositeur) du 22 août au
2 septembre 2012. Renseignements : 04 74 20 20 79. www.festivalberlioz.com
« Les Nuits de la Vallongue »
présentent : Didon et Énée de Purcell
(vendredi 24 août 2012, 21h15) et « Soirée Bel Canto »
(samedi 25 août 2012, 21h15). Renseignements : Domaine de la Vallongue, 13810 Eygalières. Tél. : 04 90 95 91 70. www.lavallongue.com/content/13-nuits-lyriques
« Rencontres musicales de Vézelay » Elles se dérouleront du
23 au 26 août 2012. Renseignements : 03 86 94 84
40. www.rencontresmusicalesdevezelay.com
©DR
« Jazz à la Villette » se déroulera du 29 août au 9 septembre
2012. Renseignements : 01 40 03 75 75. www.citedelamusique.fr/minisites/1209_jazzalavillette/programme.aspx ou : www.villette.com
Diasporas, Musiques en partance, tel est l’intitulé du Festival
d’Île-de-France qui se déroulera du samedi 8 septembre au dimanche
14 octobre 2012. Venus de
29 pays : 450 artistes, 26 lieux, 29 concerts. Renseignements : www.festival-idf.fr
65e Festival de musique de Besançon. Intitulée « L’enfance de l’art », cette manifestation se déroulera du 14
au 23 septembre 2012. Compositeur
en résidence : Misato Mochizuki (notre photo). Renseignements : 03 81 82 08
72. www.festival-besancon.com
Le 27e Festival baroque de Pontoise se déroulera du 14 septembre au
20 octobre 2012. Renseignements : 7, place du Petit-Martroy, 95300 Pontoise. Tél. : 01 34 35 18 71. www.festivalbaroque-pontoise.fr
©DR
Le 41e Festival d’Automne à Paris se déroulera du 13 septembre au
31 décembre 2012. Compositeurs programmés : Benedict Mason |Hans Abrahamsen
| Frédéric Pattar
| LuciaRonchetti | Karlheinz Stockhausen | Gavin Bryars
| Heiner
Goebbels | Pierre-Yves
Mace | Brian
Ferneyhough | Guillaume de Machaut | Ryoji
Ikeda | Edgard Varèse
| Enno Poppe | Mauro Lanza | Gérard
Pesson | Maurice Ravel | Igor Stravinsky |
Anton Webern. Renseignements : 156, rue de Rivoli, Paris Ier. Tél. : 01 53 45 17 17. www.festival-automne.com
Angers Nantes Opéra a établi le programme de sa saison 2012-2013. Six productions : Deux veuves de Bedřich Smetana (création française), Un chapeau de paille d’Italie de
Nino Rota, Vénus et Adonis de
John Blow, La rose blanche d’Udo Zimmermann, L’Enlèvement au sérail de W. A. Mozart, La Traviata de Giuseppe Verdi. Renseignements : www.angers-nantes-opera.com
« Mémoires
d’instants », tel est
l’intitulé de la saison 2012-2013 de l’ensemble genevois Contrechamps. Renseignements : 8, rue de la
Coulouvrenière, CH-1204 Genève. Tél. : +41 22 329 24 00. www.contrechamps.ch/saison
©DR
L’Ensemble Intercontemporain, dir. Susanna Mälkki a établi sa saison 2012-2013. Renseignements : 01 44 84 44
50. www.ensembleinter.com
©Élisabeth
Schneider
Le Théâtre du Capitole de Toulouse a arrêté son programme pour 2012-2013. Renseignements : 1, place du
Capitole, 31000 Toulouse. Tél. : 05 61 63 13 13. www.theatre-du-capitole.fr
Le Festival Musica se déroulera à Strasbourg du 21 septembre au 6 octobre
2012 : 38 manifestations, 50 compositeurs, 80 œuvres,
28 créations. Renseignements : 1, place Dauphine,
67000 Strasbourg. Tél. : 03
88 23 46 46. www.festival-musica.org
« Orchestres en fête », 5e édition, se déroulera du 16 au 25 novembre
2012. Renseignements : 01
42 80 26 27. www.orchestresenfete.com ou : www.france-orchestres.com
L’Orchestre Lamoureux, dir. Fayçal Karoui, a établi le programme de sa saison 2012-2013. Renseignements : 01 58 39 30
30. www.orchestrelamoureux.com
Salle Pleyel, saison 2012-2013. Renseignements : 252, fg
Saint-Honoré, Paris VIIIe. Tél. : 01 42 56 13 13. www.sallepleyel.fr
Francis Cousté.
Journées Heinrich Schütz à Torgau
(Allemagne), 27-30 septembre 2012.
La Société internationale Heinrich Schütz organise ses Journées d’Études à Torgau, autour de
la chapelle du Château, première église luthérienne dès le début de la Réforme,
où M. Luther a prêché. Elles ont lieu en liaison avec la
« Décade Luther » (2012) et sont placées sous le titre :
« Réformation et Musique ».
Les Conférences souligneront les liens entre Heinrich Schütz, ses convictions religieuses et sa
musique, et seront illustrées par des Concerts (musique religieuse et profane), avec la participation de la Lautten-Compagney
dirigée par Wolfgang Katschner, l’ensemble français Sagittarius dirigé par
Michel Laplénie, bien connu de nos lecteurs, et la Kantorei Johann Walter
de Torgau.
Au programme, figurent, entre autres, les Dafne-Fantasien, adaptation de la Tragicomoedia de Dafne avec des marionnettes et sur la
musique de l’époque de Schütz, au Château de Torgau, en souvenir de la
représentation locale de Dafne (1627)
dont la musique de Schütz est perdue. La Batzdorfer Hofkapelle participera
également au concert.
À ces manifestations, s’ajoutent encore une excursion à Wittenberg, avec un concert à l’orgue Ladegast de
l’église du Château, un concert d’orgues itinérant à Torgau et un projet avec
participation d’un chœur. Venez nombreux pour renforcer notre Section française
de l’Association internationale Heinrich Schütz.
Pour de plus amples renseignements et pour obtenir le prospectus,
s’adresser à la : Internationale
Heinrich-Schütz-Gesellschaft e. V. (Heinrich-Schütz-Allee 35, D-34131
Kassel. Tél. :
00 49 (0)561-3105-0. info@schuetzgesellschaft.de)
©DR
Édith Weber
(Responsable de la Section française)
***
Haut
Dresde est une cité culturelle
comme il en est peu d'exemple en Europe. Durement affectée par les atrocités de la guerre, reconstruite
avec autant d'opiniâtreté que d'efficacité, la « Florence du nord » a
retrouvé son lustre d'antan et offre une étonnante foison d'œuvres d'art. À l'ombre de la gigantesque Frauenkirche,
l'emblème de la ville, se dressent l'ensemble du Residenzschloss, le château,
avec son trésor et ses cabinets de curiosités, et le grandiose ensemble du Zwinger,
sorte de Versailles en pleine ville, qui renferme diverses collections
prestigieuses, dont le musée de la porcelaine. C'est que les grands de Saxe aimaient les belles choses, dont la
matière de la porcelaine, fabriquée à tout juste une encablure, dans la petite
cité riante de Meissen. Mais aussi
l'ivoire, dont un saisissant ensemble d'objets tournés est livré à l'admiration
du visiteur, les nacres, les pierres précieuses, et une panoplie d'objets
guerriers d'un étonnant raffinement. Tout
à côté, l'harmonieuse façade du Semperoper, du nom de son fameux architecte
Gottfried Semper, s'offre à la vue. Et au souvenir, de la multitude d'œuvres musicales qui y virent le
jour. On pense aux opéras de
Richard Strauss, Salomé, Elektra, Der Rosenkavalier. Plusieurs palais abritent de riches
collections picturales, mais accueillent aussi des concerts. La ville moderne, à l'architecture avant-gardiste,
ménage un contraste non sans intérêt. Là encore le mélomane averti saura
dénicher des lieux inattendus, telle cette usine Volkswagen, d'assemblage du
haut de gamme, toute de verre, la « Gläserne Manufaktur », sise
en pleine verdure.
Frauenkirche ©DR
Émergeant d'une saison déjà fort
riche, le Dresdner Musikfestspiele établit ses quartiers au printemps. Il aligne
un certain nombre de manifestations prestigieuses, mêlant orchestres, musique
de chambre et solistes. Du Wiener Philharmoniker à Pierre-Laurent Aimard,
de la Camerata Salzburg à Angelika Kirchschlager, les programmes sont
attirants, et confirment la place de ce festival parmi les grands. Sous le thème « Cœur d'Europe »,
la présente édition célébrait la proximité de la saxonne Dresde avec la Bohème,
l'Autriche et la Hongrie, à l'aune de ce fécond triangle reliant Vienne,
Budapest et Prague. Le génie musical
qui les façonne serait impensable sans la musique tzigane, ce désir de vie chez
les gens du peuple, associé à la vitalité des élites émergeant des grandes
cités. « Un volcan créatif », comme l'appelle Jan Vogler,
l'intendant du festival.
Bach à la Frauenkirche
©Killig
La Frauenkirche, dévouée au
culte protestant, en impose à la vue du spectateur, par ses vastes proportions
octogonales, et son orgue de Silbermann trônant au-dessus du maître-autel. Plus sans doute qu'il ne flatte ses oreilles,
car l'acoustique y est quelque peu capricieuse : l'imposante coupole, qui
se hisse bien haut, absorbe le son, qui a tendance à s'envoler ver les cieux,
plus qu'à combler les auditeurs assis dans la nef ou peuplant les divers
balcons qui la ceignent. Qu'importe,
l'assistance, très nombreuse, se presse pour entendre l'Orchestra of the Age
of Enlightenment et le ténor britannique Ian Bostridge jouer Bach. La soirée mêle pièces instrumentales et
vocales. Le cantor sera assuré
d'exécutions rigoureuses, car les musiciens anglais savent ce que précision
veut dire. Ainsi le 4e Concerto brandebourgeois,
passée la volatilité de l'acoustique, se pare-t-il de la suprême finesse des
trois instrumentistes solos, deux flûtes à bec et un violon. On sait la richesse de cette pièce, qui comme
les nos 2 et 5, appartient au genre du concerto grosso, où
le ripieno converse avec le concertino des solistes. L'invention mélodique y est légendaire. La vigoureuse rythmique
exprime une sorte d'exubérance optimiste. Ian Bostridge dédie l'exécution de la cantate « Ich habe genug »,
BWV 82 (1727), à Dietrich Fischer-Dieskau, qui, dit-il, l'a si souvent
chantée. De fait, l'émotion est
perceptible dans cette voix, elle aussi reconnaissable entre toutes, comme
l'était celle du grand chanteur disparu. Il en est aussi de la recherche du mot expressif, de la note tenue ppp. Ce cantique de l'agonie
cultive la nostalgie de la mort, si chère à Bach, qui contraste pourtant
affligé et allègre, à l'aune de cette aria finale « Je me réjouis de ma
mort ». L'accompagnement de flûte
de Lisa Beznosiuk est enchanteur, et les cordes ont un velouté
remarquable. Le mysticisme qui baigne
la plupart des cantates d'églises, on le retrouve dans l'aria extraite de la
cantate « Komm, du Süsse Todesstunde », BWV 161, ou dans
l'hymne de mort « Lass, Fürstin, lass noch einen Strahl », BWV 198,
qui se signale par les interventions de la flûte traversière & de la
flûte piccolo et les vocalises du chanteur. Tandis qu'un extrait de l'Oratorio
de Pâques, BWV 249, se déroule telle une berceuse, agrémentée des deux
flûtes baroques, et que cette autre air de la Passion selon saint Jean, dans sa deuxième version, se montre
héroïque, faisant appel chez le soliste à une succession de mots pointés. Bostridge montre combien il est à l'aise dans
cet univers qui cultive la belle nuance et le fin legato. Des morceaux purement instrumentaux
complètent le programme, intercalés entre les pièces vocales. Ainsi de la Sinfonia de la Cantate BWV 169, avec
accompagnement d'orgue positif, ou de celle de la Cantate BWV 35. Ils
prolongent le plaisir, sous la houlette du claveciniste Steven Devine,
déjà nanti d'une sûre gloire artistique outre-Manche, pour servir dans les
phalanges aussi prestigieuses que le London Baroque Orchestra ou le présent
Orchestre de l'Âge des Lumières. Écouter Bach dans ce cadre tant chargé
d'histoire est une expérience unique.
La Staatskapelle de Dresde chez elle
©Matthias Creutziger
La Staatskapelle de Dresde est
l'un des plus anciens orchestres d'Allemagne. Sa fondation remonte en effet à 1548, date à laquelle le Kurfürst
Moritz von Sachsen réunit un ensemble de musiciens pour sa chapelle
princière. Depuis lors, elle s'est
illustrée sous la direction de musiciens tels que Heinrich Schütz ou Adolf Hasse,
puis Carl Maria von Weber et Richard Wagner. Pour ne reprendre que les cent dernières
années, elle fut dirigée par Reiner, Busch, Böhm, Keilberth, Kempe, Sanderling,
Blomstedt et Sinopoli. Après quelques
années difficiles, où Haitink prêta son concours, elle devrait connaître un
nouveau lustre avec l'arrivée comme « Chefdirigent », à compter de
septembre 2012, de Christian Thielemann. Celui-ci est déjà fêté, à en
juger par les nombreuses affiches s'étalant dans les rues. À noter que le compositeur en résidence pour
la prochaine saison n'est autre que Hans Werner Henze, le doyen
révéré des compositeurs allemands actuels. La patine de l'orchestre
est légendaire et ses interprétations souvent de référence, à l'aune des
nombreux disques publiés. Le concert
exceptionnel, donné le 24 mai, dans le cadre du Musikfestspiele, dirigé
par Thielemann précisément, programmait la VIIIe Symphonie de Bruckner. La tradition brucknérienne de l'orchestre est bien établie, qui
remonte à 1885, avec la première audition de la IIIe Symphonie. L'affection que porte Christian Thielemann au compositeur
autrichien l'est tout autant. Cette VIIIe Symphonie a connu
une gestation délicate, Bruckner la remaniant à plusieurs reprises, l'adagio
notamment, et il en existe plusieurs éditions. Thielemann a choisi de diriger la version, conforme à l'originale,
établie par Robert Haas, en 1939, et donnée à Vienne cette même année, par
Furtwängler. Il s'agit, en fait, de la
version dite « mixte », adoptée aussi par des chefs comme Wand,
Karajan ou Haitink, mais non par Böhm ou Jochum : une synthèse de la
partition de 1887 et des remaniements instaurés dans la seconde version, de
1890. Au dire du chef « cette
édition est plus concluante et plus intégrée, ce qui est décisif en matière
d'interprétation ». Comme à son
habitude, Thielemann va au bout du bout de la recherche de l'idée, de la
phrase, de l'élan. Rien n'apparait
brutal, non plus que tonitruant, le contraste se fait subtil, au scherzo par
exemple, où la coupe du premier thème est plus amène que sous d'autres baguettes. Les grands crescendos « cathédralesques » restent
vertueux et libèrent une puissance qui n'est pas écrasante. Si la manière est à
certains moments quelque peu étudiée (1er mouvement), la
sincérité n'est jamais en défaut, et la pâte orchestrale rien moins
qu'incandescente. L'effet de
saisissement est sans doute moindre et l'habituelle démesure revue à la baisse,
au profit d'une coulée plus naturelle. Thielemann
privilégie des tempos lents, qui conduisent logiquement à faire de la poignante
méditation qu'est l'adagio, le centre de gravité de l'œuvre. Le parti de ralentissement n'est pas sans
risque, mais celui-ci, mesuré au demeurant, est assumé, lors du trio qui
folâtre généreusement avec ses arpèges des trois harpes. Dire que la
Staatskapelle est à son meilleur tient de l'euphémisme, tant chaque ensemble,
cordes, bois, cuivres, chaque pupitre même, des timbales en particulier,
atteint la splendeur sonore, dans l'acoustique chaude et présente, quoique sans
effet de loupe, de la salle du Semperoper.
Rapsodie, folklore et passion chez VW
©Killig
Assister à un concert dans le
cadre de l'atelier d'une chaîne de montage automobile, voilà qui n'est pas
commun ! Mais VW est le partenaire
n° 1 du festival. Le lieu est nickel, un bijou de technologie : vous
êtes au milieu d'une théorie de carcasses de « Phaéton », suspendues
sur un rail, attendant de prendre leur aspect définitif, et d'appareils
étranges, semble-t-il dernier cri, dont on vous explique, vidéo à l'appui,
comment ils vont conduire chaque pièce détachée naturellement à sa place sur le
futur bolide. Dans un environnement de
lumière tamisée, aux couleurs bleu de nuit, la mise en place du concert prend
une allure surréaliste lorsque débarquent, par petits groupes, les spectateurs
endimanchés, menés par des hôtesses à la manière chic. Mais ce lieu improbable, offert pour écrin à
un concert, cadre finalement avec la personnalité de la violoniste
Patricia Kopatchinskaja dont on sait l'anticonformisme. La jeune Moldave ne se déclare-t-elle pas
elle-même « subversive » ! Son programme, « Rapsodia », marie folklore est-européen
et pages classiques, dans le mode tzigane, puisées chez Bartók, Kurtág, Ravel
et Enescu. Comme il en est de son
disque, paru en 2010, chez Naïve. Le
concert débute et se conclut par un bouquet de pièces empruntées au folklore
moldave, où l'on mesure l'engagement de l'intéressée et de ses partenaires. La
transcription pour violon et piano des Danses roumaines de Bartók sonne avec passion, et l'héritage du folklore est ici évident. Les huit Duos
pour violon & cymbalum op. 4 de György Kurtág, apparaissent
tels des aphorismes musicaux, tant le langage y est raréfié, ce que la sonorité
du cymbalum souligne. Mais sous ces
notes filées et cette introspection, le drame est sous-jacent. La veine
tsigane, on la retrouve dans Tzigane de Ravel, donnée ici dans sa
version avec accompagnement de violon, contrairement au disque où
Kopatchinskaja avait opté pour le cymbalum. La liberté prise dans les premières phrases est étonnante, et
l'énergie débordante ne se démentira pas. Une façon de voir que n'aurait
peut-être pas désapprouvée l'auteur, tant la manière bohémienne est placée au
centre d'une vision ébouriffante de caractère. Le sommet du concert restera l'exécution de la 3e Sonate pour violon &
piano, op. 25, de George Enescu, « dans le caractère
populaire roumain ». La donnée
folklorique de cette pièce, qui a vu le jour en 1926, est réappropriée de
l'intérieur, sans pour autant perdre la fraîcheur de l'inspiration populaire
moldave. Enescu, violoniste virtuose, sait mêler traits populaires et savants. Yehudi Menuhin, l'un de ses interprètes
de légende, estimait, à son propos, que « le violon chante avec une
liberté et un élan d'improvisation inégalés ». La pièce, de forme rhapsodique, occupe aussi une place de choix
dans l'art énescien, pour allier liberté tirée de son inspiration
folklorique, et rigueur de la construction. Antoine Goléa y voyant
« la flèche étonnamment hardie qui indique la direction profonde, secrète,
de toute la vie créatrice d'Enesco ». Une ligne alliant expansivité et fragilité caractérise le
« Moderato malinconio » initial. L'andante « sostenuto e misterioso » est un chant
nocturne, déployant des sonorités évocatrices de paix, mais aussi de trouble,
de l'âme roumaine sans doute, de par le travail sur le timbre et le rythme
parlando-rubato, où le piano se voit traité comme un cymbalum précisément. Le finale reprend le chemin d'un récit
pittoresque paysan, non sans passion, tandis qu'en conclusion, revient le thème
initial. Patricia Kopatchinskaja
et sa consœur Mihaela Ursuleasa en proposent une interprétation
vibrante.
Où l'on retrouve l'Orchestre du Mariinski en
tournée...
©Killig
Autre concert de prestige, au
Semperoper, que celui de l'Orchestre du Mariinski et de Valery Gergiev,
qui présentait aussi l'intendant Jan Vogler, sous sa casquette de
violoncelliste. Pour l'occasion, était
donné le Concerto d'Arthur Honegger,
achevé en 1929, et créé l'année suivante par Marcel Maréchal et le Boston
Symphony Orchestra dirigé par Serge Koussevitzky. Au sein de la production du musicien, ce
concerto pour violoncelle demeure rare, de par sa concision, quelque 18 minutes,
et son agencement savant : trois mouvements, joués d'un seul tenant, une
cadence ad libitum servant de transition entre les deux derniers, chacun
étant lui-même divisé en trois séquences, selon le schéma A-B-A. Le rythme est aisé, l'écriture cursive,
l'esprit enjoué, voire ironique, allant jusqu'à mêler des éléments de jazz dans
un discours sévèrement classique qui fait la part belle aux procédés cycliques. Le lento central est une ample
cantilène du cello, qui se voit par ailleurs sollicité dans tous ses registres. L'orchestre est coloré et transparent. Le finale déborde de fantaisie, avec un
soliste volubile. En un mot, selon la
belle formule de Marcel Delannoy, voilà « un ouvrage de gracieuse
allure où l'orchestre laisse suffisamment d'air au soliste ». Jan Vogler, de sa sonorité ample, lui
donne tout son zest, et Gergiev y prend visiblement plaisir. Cette petite perle était entourée par Bartók
et Strauss. Du premier, la suite du Mandarin merveilleux montre la virtuosité de l'orchestre du Mariinski. Cette « Pantomime dansée »
n'est en effet pas avare de climats mystérieux ou orgiaques, de rythmes
syncopés ou de valses extatiques, d'harmonies dissonantes ou grotesques. Nourri plus qu'on ne le croit de
l'impressionnisme français, le langage de Bartók, avec sa touche magyare, le
conduit à imposer une esthétique d'atmosphère, parée d'allusions, de symboles
et d'inexprimé. Tirée du ballet (1919),
la suite (1928) en est la synthétique émanation, plus qu'un digest, d'une
tension qui ne se relâche pas un instant. L'interprétation de Gergiev ménage le grotesque et une énergie
tellurique lors de l'épisode de la mort du mandarin. La seconde partie est consacrée à Ein Heldenleben (Une
vie de héros) de Strauss, « poème symphonique pour grand orchestre »
(1898). De ce morceau de choix s'il en
est, Gergiev livre une lecture fastueuse, transcendant la pure virtuosité
orchestrale. Dès les premières pages,
et leur ample envolée, l'empathie du chef avec l'idiome straussien s'impose, sa
multitude de climats, sa faconde forgée à une dramaturgie essentielle. Les six
mouvements de cette grandiose épopée, la « symphonie fantastique de
l'aurore du XXe siècle » (Antoine Goléa), vont dérouler
une imagerie, où la tendresse n'est pas afféterie, la brillance refuse
l'ostentatoire, la puissance l'effet gratuit. Le héros, nul doute Strauss lui-même, est noble et fougueux,
sensible et volontaire, imaginatif, jusque dans ses élans intimes. Les univers dans lesquels il se trouve
immergé, dont l'épisode du champ de bataille sont peints avec un immense
respect de l'écriture complexe, quoique immédiatement séduisante de Strauss.
Car Gergiev, dont la gestuelle se fait de plus en plus épurée, pétrit chaque
épisode avec une justesse du trait qui sort ce morceau d'orchestre de la pure
démonstration, et l'assure d'une vraie noblesse, au-delà de son aspect
grandiose. L'orchestre répond avec
ferveur, dont son premier violon, et le cor qui accompagne le héros, et un rare
sens de l'adaptation, sans jamais donner l'impression d'effet de masse. Les deux derniers épisodes, « Les œuvres
de paix du héros » et « Solitude et plénitude de la vie du
héros » offrent une suavité marquée au coin d'un apaisement sûrement
conquis, qui ne verse aucunement dans le sentimental. Une formidable exécution !
Jean-Pierre Robert.
***
Haut
L’eau & le feu au Théâtre des Champs-Élysées. Orchestre Philharmonique de Rotterdam, dir. Yannick Nezet-Seguin. Nicholas Angelich, piano.
Dernier concert de la saison au
TCE pour le jeune et fougueux chef québécois, Yannick Nézet-Seguin à la tête de
son Orchestre philharmonique de Rotterdam, qu’il quittera la saison prochaine
pour prendre en charge les destinées du Philadelphia Orchestra outre-Atlantique.
Un programme associant Brahms (Concerto
pour piano n°1 et Symphonie n°2)
et Webern (Cinq pièces pour orchestre op. 10) qui donna l’occasion au public
de l’avenue Montaigne de ressentir successivement l’eau et le feu, la
fougue et l’ennui. Une première partie
comprenant le Concerto n°1 de
Brahms achevé en 1858, créé en 1859 par le compositeur, à Hanovre, sous la
direction de Joachim. Une œuvre
particulière dont la composition semble avoir demandé plusieurs années et de
nombreuses modifications, traduisant la transmutation difficile du langage
pianistique au langage orchestral (la forme initiale étant une sonate pour
deux pianos). Nicholas Angelich
en donna une interprétation assez plate, platitude confinant rapidement à
l’ennui, malgré une direction d’orchestre attentive et un orchestre
parfaitement en place. En revanche, la seconde
partie permit de retrouver la fougue, l’intelligence et le savoir-faire du
jeune chef canadien qui enchaîna sans transition les Cinq pièces pour orchestre (1911-1913) de Webern, toute en délicatesse et succession de timbres, et
la Symphonie n°2 (1877) de
Brahms, éminemment romantique. Une
direction très engagée qui sculpte la pâte sonore, un phrasé qui fait alterner
tension et détente, lyrisme et mystère, profondeur et légèreté, une belle
sonorité orchestrale riche en couleurs malgré quelques dérapages au niveau des
cuivres, un plaisir de jouer et un enthousiasme communicatif. Une belle soirée de musique !
©DR
Sans enthousiasme… Orchestre national de France,
dir. Sir Colin Davis. Emanuel Ax, piano. Théâtre des Champs-Élysées.
Un manque d’enthousiasme et une
certaine tristesse ressentis dès l’entrée en scène de Sir Colin Davis,
chef emblématique s’il en est, président du London Symphony Orchestra, âgé
aujourd’hui de 85 ans, marchant difficilement, soutenu par Emanuel Ax,
pour gagner, à petits pas mal assurés, la chaise installée sur l’estrade d’où
il dirigera tout le concert. Un
programme associant le Concerto pour
piano n°5 dit « L’Empereur » (1809-1811) de Ludwig van Beethoven
et la Symphonie n°7 (1884-1885) d’Antonín
Dvořák. Une démonstration
pianistique d’Emanuel Ax, un merveilleux toucher, mais un curieux manque
d’émotion pour une interprétation sans éclat de ce concerto qui demandait
certainement plus d’engagement, d’expressivité, de profondeur et de passion. Point de souffle épique mais une désespérante
et magistrale platitude… Une direction
réduite à sa plus simple expression, pour ne pas dire inexistante, et un
National qui ne semblait pas dans ses meilleurs jours, comme en témoignent
quelques décalages et attaques approximatives, pour aborder la Symphonie n°7 de Dvořák dont
on nous donna à entendre une lecture assez terne et confuse, chaotique, sans
allant ni fil conducteur sauf, peut être, lors du dernier mouvement qui sembla,
sans nul doute mais bien tardivement, retrouver un peu de cohérence dans la
conception et de cohésion dans l’exécution orchestrale. Une soirée sans enthousiasme qu’on oubliera
rapidement, des applaudissements du public qui sonnent plus comme un hommage au
grand chef britannique pour une carrière exemplaire, que comme la manifestation
immédiate d’une quelconque émotion musicale.
©DR
Aux âmes bien nées… Formidable Vladimir Jurowski ! London
Philharmonic Orchestra, dir. Vladimir Jurowski. Truls Mork, violoncelle. Théâtre des Champs-Élysées.
Le théâtre de l’avenue Montaigne
était loin d’être plein et les absents avaient assurément tort, privés de ce
magnifique concert du LPO dirigé par son chef titulaire, le jeune et talentueux
Vladimir Jurowski, âgé de 40 ans, héritier d’une grande tradition
musicale familiale et fils du chef d’orchestre Mikhail Jurowski. Un programme associant La petite renarde rusée, suite d’orchestre de Leoš Janáček
(1854-1928) le Concerto pour violoncelle
et orchestre n°2 d’Antonín Dvořák (1841-1904) avec le violoncelliste
Truls Mork en soliste et la Symphonie n°1
dite « Linz » d’Anton Bruckner (1824-1896). La très belle Suite symphonique, en deux parties de Janáček, ouvrait la
soirée, partition ardue et complexe où l’important travail sur les timbres
instrumentaux fut parfaitement rendu par la direction précise et efficace du
jeune chef russe. Suivait ensuite le
Concerto pour violoncelle de Dvořák dont le violoncelliste norvégien
donna une interprétation d’exception, à la fois lyrique et virtuose, fougueuse
et fervente, douloureuse et passionnée, modèle d’équilibre entre soliste et
orchestre, entre chant du violoncelle et réponse des bois. En « bis » Le Chant des oiseaux, comme un hommage à Casals. Après la pause, la Symphonie « Linz » de
Bruckner, composée en 1865, créée à Linz en 1868, dont Vladimir Jurowski
donna une lecture particulièrement claire et juste, évitant le
« trop » et le « trop peu », loin de toute lourdeur et
emphase, se concentrant sur le phrasé délicat, toute en nuances, alternant tour
à tour sentiment d’urgence dans le premier mouvement, méditation dans le
second, violence ambiguë dans le troisième et fougue du final, sachant maintenir la tension malgré les nombreuses variations
rythmiques, dirigeant un orchestre totalement réactif, parfaitement en place,
faisant preuve d’une évidente complicité avec son chef. Une ovation de la salle et les
applaudissements, mérités, des musiciens pour leur chef concluaient cette
magnifique soirée. Bravo
messieurs !
©DR
Parfait ! Tout simplement. Orchestre
philharmonique de Vienne, dir. Sir Simon Rattle. Théâtre
des Champs-Élysées.
Si certains esprits chagrins se
plaisaient à répéter, au vu de ses récentes prestations, parfois décevantes,
comme notamment le cycle Beethoven sous la direction de Christian Thielemann,
que l’Orchestre philharmonique de Vienne n’atteignait plus les sommets
d’antan, force est de reconnaître que les Wiener Philharmoniker ont apporté,
par ce concert au TCE, un démenti formel à ces tristes augures, restant à
l’évidence une phalange d’exception, surtout lorsqu’elle est dirigée par le - non moins exceptionnel - chef
anglais. Un programme viennois, sur
mesure, associant Brahms, Webern et Schumann, permettant à ce magnifique
orchestre de faire montre de tout son talent individuel et collectif. En première partie, la Symphonie n°3 de Brahms, créée à Vienne en 1883 par
Hans Richter ; Simon Rattle en donna une vision pleine d’allant,
dynamique, contrastée, tant dans les nuances que les tempi, à la fois emplie de
verve et de méditation, modèle d’équilibre entre la douceur des cordes et la
poésie des vents. Une mention
particulière pour la clarinette de Norbert Täubl, le hautbois de Harald Hörth
et le merveilleux solo de cor de Lars Michael Stransky. Après la pause, un peu de confusion et un
léger manque de précision dans les attaques pour les Six Pièces pour grand orchestre op. 6 (1909, révision 1928)
de Webern, qui contraste avec la lecture précise et dense donnée, ici même, il
y a quelques jours, des Cinq Pièces
pour orchestre de chambre op. 10 (1911-1913) par Yannick Nézet-Seguin à la tête du Philharmonique de
Rotterdam (mais l’effectif instrumental n’est pas le même et peut-être s’agit-il
d’une préférence personnelle). Pour
conclure cette magnifique soirée, la Symphonie n°3, dite « Rhénane » de
Schumann dont le chef anglais donna une interprétation ample, comme
habitée, trouvant toujours le ton
juste, dirigeant avec intelligence et précision un orchestre totalement
conquis, faisant preuve d’une rare cohésion, d’une superbe sonorité et d’une
empathie certaine pour son chef d’un soir. Bref, un concert d’exception !
©DR
Patrice Imbaud.
Re Orso à l'Opéra-Comique
Marco STROPPA : Re Orso. Légende
musicale en deux parties, pour 4 chanteurs, 4 acteurs,
11 instruments, voix et sons invisibles, spatialisation et
totem acoustique. Livret : Catherine Ailloud-Nicolas & Giordano
Ferrari, d'après la fable d'Arrigo Boito. Rodrigo Ferreira, Monica Bacelli, Marisol Montalvo, Alexander Kravets,
Geoffrey Carey, Piera Formenti, Daniel Carraz, Cyril Anrep, Anthony Millet.
Ensemble intercontemporain, dir. Susanna Mälkki. Mise en scène : Richard Brunel.
©Elisabeth
Carecchio
Pour son premier opéra, créé à
l'Opéra-Comique, Marco Stroppa (°1959) ne donne pas dans la facilité. Il
emprunte son sujet à Arrigo Boito, librettiste de Verdi pour Othello et Falstaff, et à son poème dramatique Re Orso,
le Roi Ours, écrit en 1864. Ce
conte, en vers, narre le destin d'un despote sanguinaire, dans la Crète de
l'an 1000, qui, hanté par une voix invisible le mettant en garde contre la
puissance du Ver, tue ses semblables, mû par l'espoir vain de faire cesser
cette voix. Ce Barbe-Bleue moderne
sombrera dans la folie, attendant son châtiment. Deux parties opposent, d'une
part, la vie privée et sociale du monarque tyrannique, entouré de courtisans
complaisants, minés par la peur, d'autre part, son agonie, parée de visions de
cauchemar, d'apparitions des figures trucidées. La victoire du Ver, conçu comme la voix du peuple, sur le tyran,
en constitue l'épilogue. Ce singulier
personnage n'est pas sans rappeler « L'Épopée du Ver », un des poèmes
de La Légende des siècles de Victor Hugo. À partir d'un texte déjà très élaboré sur le plan formel, dans
ses rythmes et ses couleurs, sa démesure même, Stoppa a conçu un dispositif
original, où l'intrication entre musique et texte est poussée loin, assemblage
sonore associant voix naturelle et voix virtuelle, mêlant musiciens et
interprètes, comme chanteurs et acteurs. Chacun des quatre personnages principaux est accompagné par un
instrument spécifique, et se voit assigner un type de voix particulier :
le roi est un contre-ténor, et le basson dans le registre aigu, sa référence
sonore, le Ver une mezzo-soprano, et l'alto sa « voix », Oliba,
que le roi épouse de force, une soprano colorature, à laquelle est
associée la clarinette, et le Trouvère, bouffon sardonique, un ténor de
composition dont le falsetto rivalise avec la trompette. Un savant travail électroacoustique complète
le panel sonore, au point de s'approprier tout l'espace dans la seconde
partie. Stroppa se veut sincère et
accessible : la dénonciation des dérives du pouvoir est clairement visée,
comme un décalage ironique et grinçant entre réalité et fiction, à l'image de
ce Trouvère illuminé, qui accompagne son chant d'un piano robotisé,
assisté par ordinateur. La tension ne lâche pas l'auditeur un seul instant, mis
à part un grand silence peu avant la dernière scène, volonté affirmée jusque
dans le choix des voix, privilégiant les tessitures aiguës ; une manière
partagée par la plupart des compositeurs actuels touchant à l'opéra.
©Elisabeth
Carecchio
Le spectacle est haut en
couleurs, et intimement lié à la composante musicale. Les auteurs l'explicitent pour chaque scène, dont l'intitulé est
accompagnée de son commentaire d'ordre musical, tel que
« Duel dialectique (embrouillé) et larve de Tango (émietté) », ou
encore « Litanie, grand tutti bordélique (grand pandémonium, comme une
gigue boiteuse) ». Et on n'a là
qu'une faible idée des prétentions dramatiques. La régie de Richard Brunel, comme chorégraphiée, insiste
puissamment sur la violence et les débordements en tous genres, sanguinaires en
particulier. Ainsi de l'épisode des
noces du Roi, ou celui de la « Litanie », qui tient plus du
« mess » indescriptible, que de la parade carnavalesque à laquelle ont
pensé ses concepteurs. Une succession
interminable de sons de cloche, censés évoquer le glas de l'agonie, ouvre sur
une ultime scène, symbolique, où par le truchement d'un « totem
acoustique », savoir une colonne de haut-parleurs, les sons, distribués en
rafales, évoquent une sorte de
métamorphose, le Ver, seul « survivant » de cette histoire, savourant sa
victoire. Le travail scénique est valeureux, souvent ingénieux, et les
protagonistes se tirent d'affaire vaillamment, chanteurs comme acteurs, unis
dans une même émulation. Tous sont sonorisés, pour éviter tout phénomène
d'absorption par l'univers musical, nous dit-on, lorsque la régie les contraint
à s'exprimer à une certaine distance du public. La poignée de musiciens de
l'Ensemble intercontemporain, dont un accordéoniste, s'acquittent
scrupuleusement d'une tâche que l'on comprend fort complexe. Et qu'il revient à leur chef attitrée,
Susanna Mälkki, de coordonner, quoique celle-ci demeure cachée durant la
seconde partie. Le compositeur et ses
assistants, à la console informatique, s'occupent alors du travail de synthèse.
Reste que l'ésotérisme sonore et visuel du spectacle a tendance à obscurcir la
portée de la fable. Et que ce qui dure moins d'une heure et demi, confine peu à
peu à la lassitude, au travers de ces mots chuchotés ou mâchonnés, notamment
par étirement des syllabes, ces sons susurrés, ces cris ou invectives bizarres,
ces tournures elliptiques, répétées à l'envi. Cette impression, surtout, de quelque chose constamment porté sur le fil
du rasoir. L'âpreté d'une histoire
effroyable, souvent tournée en dérision, captée par une musique largement basée
sur l'électronique, est-ce là le lot de l'opéra du XXIe siècle ?
Les débuts parisiens de l'Orchestra Mozart
©Orchestra Mozart
Dernier né des orchestres de
jeunes à être dirigé par le maestro Claudio Abbado,
l'Orchestra Mozart a conquis le public de la Salle Pleyel. Un programme taillé sur mesure lui permet de
faire valoir ses qualités : transparence sonore, caractère pellucide des
cordes, attaques des bois d'une clarté exemplaire, luminosité d'ensemble. La direction extrêmement lisible d'Abbado
facilite les choses : une gestuelle extrêmement liée, mais d'une
efficacité redoutable, façonnant chaque trait avec patience. Les jeunes musiciens paraissent fascinés par
pareille appropriation du matériau musical. L'effectif n'est pas trop fourni,
cinq contrebasses, par exemple, et la disposition intéressante, les bois
placés sur le même plan que les cordes, et les timbales juste derrières les
basses, au fond à droite. L'ouverture
d’Egmont donne la clé de ce que sera tout le concert : retrouver la
quintessence, dans une simplicité affirmée, qui se défie de l'emphase. Beethoven vouait un culte immodéré au poète
Goethe. Le héros Egmont, pour lequel il
confessera à l'auteur avoir « pris feu à son sujet aussitôt que je l'ai
lu ! », lui inspirera, en 1810, une musique de scène, précédée d'une
ouverture héroïque devenue célèbre. La lutte pour la liberté trouve là, comme
déjà dans Léonore/Fidelio, matière à s'exprimer puissamment. L'attaque de la trompette et la coda victorieuse
sonnent comme l'élan même de la vie. Le Concerto
pour piano op. 54 de Schumann (1845), créé par Clara, occupe une place
particulière dans le répertoire. Schumann admirait les deux œuvres concertantes de Chopin consacrées à ce
genre. Et pourtant, on est loin de la brillance associée aux pièces du
romantisme. Ce
« Phantasie-concerto » intègre le soliste dans l'orchestre, au point
que Clara dira qu'il est « impossible de penser séparément l'un de
l'autre ». Sa tonalité, de la mineur, a été puisée chez
Beethoven, celui de Fidelio « ou l'amour conjugal ». Rapprochement saisissant. L'allegro introductif, qui fut longtemps
conçu comme un tout, indépendant de ce qui suit, est un grand mouvement de
sonate, lui-même en trois parties, selon une construction en arche. L'Intermezzo, andantino grazioso, s'il
prolonge la partie andante du mouvement précédent, introduit un autre climat,
plus détendu, qu'agrémentera bientôt le solo de violoncelle ; ce que
Brahms reprendra dans son 2e Concerto.
L'allegro final est vif et s'achemine vers une conclusion héroïque. Le pianiste
roumain Radu Lupu, figure de sage dans le bel automne de sa carrière, voit
cette pièce comme un colloque intérieur. La démarche, d'un dépouillement inouï, comme en apesanteur, souvent sur
le ton de la confidence, s'impose dans l'allegro affettuoso, façonné avec
infinie douceur, chuchoté presque, d'une simplicité qui tranche avec la manière
décidée adoptée par bien de ses collègues. Et Abbado tisse une trame translucide et apaisée, idéal écrin pour le
soliste. La cadence est abordée avec
une infinie tendresse, et les phrases finales se parent de l'aérien d'une danse
d'elfe. Le mouvement médian sera dans
la même veine. Comme le finale, coulant dans le style de la ballade,
conquérant, sans être extraverti. Car
il y a chez Lupu une retenue, qui si elle surprend au premier abord, sévère, à
la réflexion, sur l'ensemble du concerto, heureuse quant au maintien de
l'équilibre entre les deux composantes schumanniennes, de Florestan et d'Eusébius.
La 2e Symphonie en ut de Schumann (1846), donnée en seconde partie, n'est pas sans rappeler
l'atmosphère du concerto, et le choix de les rapprocher est, nul doute,
judicieux. On a dit tout le bien de
cette interprétation, à propos du concert donné au récent Festival de Pâques de
Lucerne (cf. NL de mai 2012). Son opalescence prend peut-être une dimension
encore plus marquée dans l'acoustique feutrée de Pleyel. C'est que l'exécution
est d'une classe en elle-même, la jeune phalange n'ayant rien à envier aux
formations les plus aguerries, dont la salle parisienne nous livre les vertus.
Il en émane une clarté exceptionnelle, grâce à la battue expressive du maestro
Abbado. On se délecte de la limpidité
d'une pièce dont on a loué l'économie motivique digne de Haydn, et l'art de la
métamorphose pratiquée par Liszt. La
rythmique marquée de son premier mouvement, la ronde preste et fiévreuse du
scherzo, que ne traversent pas moins de deux trios, sont proprement enthousiasmantes.
Le lyrisme ému de l'adagio atteint une grandeur tout sauf pesante, avec ses vagues,
qui aux cordes passent de pupitre en pupitre. Le finale emporte une effervescence qui, là encore, signe un élan
vital irrépressible. Un vent de jeunesse, une leçon de style devant un public
conquis, qui comprend qu'il tient là des instants précieux où se gagne
l'essence même de la musique.
L'Histoire du soldat à l'Athénée : un moment de théâtre
total.
Igor STRAVINSKY : L'Histoire du soldat. Conte musical. Texte de Charles-Ferdinand Ramuz.
Laurent Cuniot, Raphaëlle Delaunay, Mathieu Genet, Serge Tranvouer. Ensemble orchestral TM +, dir.
Laurent Cuniot. Mise en
scène : Jean-Christophe Saïs.
©Florent Mayolet
« Un des chefs-d'œuvre les
plus secrets de Stravinsky » (André Boucourechliev), L'Histoire du
soldat offre ceci de fascinant d'élever ce qui est au départ une pièce
inspirée du théâtre de tréteaux, au rang de fable à portée universelle. Chacune des composantes du spectacle relève
de la trouvaille de génie. Le texte, a priori banal, rejoint le mythe de
Faust, le pacte avec le diable : un brave soldat qui s'en revient de
guerre, échange son violon contre un livre merveilleux dont s'échappe la
richesse. C'est au Diable qu'il vend
son âme, comme celle de son instrument... La composition musicale, en apparence simple, est un incroyable patchwork
de manières diverses et de rythmes empruntés aux danses les plus avancées de
l'époque, tango, ragtime. Et pourtant,
elle se vit comme une épure, avec ses rythmes marqués, ses motifs récurrents,
et son Petit concert placé en son centre. Les sept musiciens représentent les diverses familles
instrumentales et, à l'intérieur de celles-ci, les extrêmes, dans l'aigu et
dans le grave : les cordes, un violon & une contrebasse, les bois, le
basson & la clarinette, les cuivres, une trompette & un trombone, sans
oublier un brelan de percussions, bien
senties. La facture même de l'œuvre est
un savant mélange de musique, de texte parlé, de danse et de mime. Les
protagonistes sont réduits à quatre, un acteur, un récitant, deux danseurs. Mais l'acteur peut se faire danseur, et ce
dernier déclamer. Tandis que le
récitant n'est pas cantonné dans un rôle formel. Stravinsky assigne aux musiciens un rôle de soliste, pas seulement
musical, lui qui professait avoir « toujours eu horreur d'écouter la
musique les yeux fermés, sans une part active de l'œil ».
©DR
Ce spectacle de poche, puisé au
conte populaire, retrouve, dans la production du théâtre de l'Athénée, l'esprit
qui a guidé ses auteurs. La mise en scène de Jean-Christophe Saïs lie
intimement tous ses éléments en une rare adéquation : récit et musique se
rejoignent, danse et mime ne font qu'un. Surtout, les musiciens sont intégrés à l'action. Là où Stravinsky les voit « bien en
évidence d'un côté de la scène », la régie pousse l'idée à son point
ultime : l'orchestre se fait personnage. N'est-il pas le multiple du Diable ? Assurément, car le chef endosse le costume de
ce personnage séducteur, dansé à l'origine. Il se mêle aux autres, le Soldat, le Narrateur, la Princesse, dans
un tout fusionnel. Le spectacle, d'une
étonnante fluidité, est d'une vraie légèreté, à l'image du soldat, d'abord
funambule sur son trapèze, accroché à un immense ballon blanc, comme en
apesanteur. Il semble ne pouvoir s'en
détacher, et plane au-dessus du monde. Descendu
de ce perchoir, pour aller guérir la fille du Roi, il se mêlera aux arabesques
de cette énigmatique Princesse, se faisant danseur lui-même. Le Diable est, à la fois, chef des musiciens
et puissant révélateur du destin. Tous
les protagonistes sont, à la fois, d'une consistance réelle et presque
immatériels dans leur statut archétypal. Mathieu Genet, transfuge de la Comédie Française, est un
Soldat désarmant de sincérité et de spontanéité. Il émane même quelque tendresse chez ce jeune homme qui ne
chancelle pas dans sa confrontation avec son diabolique partenaire. Il ne paraît pas ébranlé et saura rebondir.
Le Narrateur, Serge Tranvouez, sait trouver les mots justes, pour
tracer le Destin, de ces phrases qui reviennent en boucle, et sont souvent
frappées au coin de la maxime. Ainsi :
« On ne peut pas être à la fois qui on est et qui on était ». Laurent Cuniot, le Diable, passe du
statut d'acteur à celui de démiurge musical dans une rare solution de
continuité. Il est satanique, certes,
mais sans excès, et mène prestement ses musiciens, qui le suivent à la trace ou
l'entourent en des groupes suggestifs. La
fraîcheur du jeu de ceux-ci est un sujet d'émerveillement. La dynamique du spectacle leur doit beaucoup. Et l'on en apprécie que plus ce qui
ressortit au rythme implacable ou malléable, à travers ces marches, couplets,
voire un choral imitant Bach. À ces
mirifiques couleurs aussi, qui trouvent leur zénith lors du Petit concert
et ses danses travaillées, dans la meilleure veine du Stravinsky des
années 20. La Princesse de
Raphaëlle Delaunay, qu'elle a elle-même chorégraphiée, est d'une étonnante
lascivité dans son solo, qui peu à peu absorbe les gestes et tout l'être du
Soldat. Un pur moment de théâtre
total.
Le charismatique Bernard Haitink enflamme le LSO
©bruceduffie.com
Bernard Haitink, que d'aucuns
avaient jadis affublé du sort de passe-muraille, jugé comme trop au pied de la
lettre du texte, est aujourd'hui quasi vénéré pour sa direction inspirée. Plus qu'un kapellmeister stoïque, une sorte
de sage, qui nous redécouvre la musique dans ce qu'elle a de fondamental. Le second des deux concerts de la résidence
de printemps du LSO l'aura montré, si il en était encore besoin, car cette
vérité est partagée partout en Europe. Il
aura aussi démontré quelle phalange de tout premier ordre est l'orchestre
londonien : la plastique sonore atteint une plénitude qui le fait
s'aligner aux côtés des plus grands, avec nul doute un plus, la qualité de ses
bois. Haitink avait réuni Purcell,
Mozart et Schubert. De l'auteur de Didon et Énée, la Chaconne à quatre, en sol mineur,
est donnée dans une version pour les seules cordes. Elle sonne clair, malgré
son contexte de tristesse, proche de la « mourning music »,
chère au compositeur anglais. Ses
variations à partir du thème d'origine, ou « ground », déploient une
extrême noblesse de ton. Le 23e Concerto
pour piano, K. 488, de Mozart est joué par Maria João Pires. À la différence des trois œuvres qui le
précèdent, il est d'un caractère intimiste, mélange de joie et de douleur,
oscillant entre sourire et larmes. Simple
dans son orchestration, il laisse de côté trompettes et timbales. Il offre une
clarté bienfaisante dans son allegro initial, faisant entrer le soliste après
une introduction où s'est déjà forgé ce dialogue entre cordes et vents, qui va
marquer l'œuvre toute entière. L'adagio
signe un mémorable échange entre piano et orchestre, sur un délicat rythme de
sicilienne, que la pianiste portugaise livre avec une touchante simplicité. L'entrelacs du piano et de la petite
harmonie, la flûte en particulier, qui surnage comme aérienne, est un miracle
d'équilibre. L'allegro assai final est pris énergiquement par le chef, plein
d'optimisme, et le va-et-vient des thèmes semble ne pas devoir s'arrêter, alors
que d'imperceptibles modifications en agrémentent le cours. Il y a plus qu'une
vraie entente entre Haitink et Pires : le sentiment d'aller à l'essentiel. Dans une sorte d'idéal de jeu, au-delà
de la délicatesse et de l'agilité, comme coulant de source. Par un travail d'orchestre asservi à une
profonde cohérence musicale. On
retrouve, mais à une plus vaste échelle, cette dernière caractéristique dans
l'exécution de la Symphonie en ut de Schubert. Elle jouit d'une célébrité
plus proche de l'admiration convenue que du franc enthousiasme, puisque, depuis
Schumann, on dit à l'envi qu'elle se complaît dans de « divines
longueurs ». Voire ! Elle est abordée par Haitink avec une telle
énergie que le souffle qui l'anime relègue au second plan lesdites longueurs. Depuis la noble introduction des cors,
jusqu'à l'apothéose finale, jamais la pulsation ne vient à faiblir. L'animation du flux, on la mesure à moult
impulsions. Par exemple, lors de la
transition entre les deux premiers sujets de l'allegro initial, où la battue se
fait soudain très généreuse, ou lorsque telle reprise est abordée un soupçon
plus vite. De même, l'andante con moto
est-il décidé, apportant au cheminement régulier du voyageur une pulsation qui
en anime la rêverie. Le grand climax
qui clôt une progression volontaire, et son fabuleux accord fff, laissent
interdit : devant la tension ne se
relâchant qu'après un silence, et la rupture étonnante qu'introduisent les
pizzicatos des cordes. L'esprit de la
danse aussi n'est pas loin, qui fleurit encore au scherzo, pris justement
vivace, d'une extrême vitalité. Haitink
contraste le trio par un geste très mesuré, paisible, mélange de force et de douceur. Mais quel bonheur sonore avec de tels bois ! L'immense finale voit perdurer la même
ardente pulsion, un souffle incantatoire par moment. La concentration de
l'orchestre est palpable, la brillance instrumentale proprement inouïe. Le dynamisme visionnaire de ces pages pousse
jusqu'à la limite de la frénésie. Sans
doute, cet ultime message confié à l'orchestre, avec l'Inachevée,
n'était pas destiné à rester le dernier mot de Schubert. Il annonce, en tout cas, une ère nouvelle.
Un Trouvère d'une singulière présence à La Monnaie
Giuseppe VERDI : Il Trovatore. Drame lyrique en quatre parties. Livret de Salvatore Cammarano & Leone
Emanuele Bardare, d'après le drame El Trovador de Antonio Garcia Gutiérrez. Scott
Hendricks, Misha Didyk, Sylvie Brunet, Marina Poplavskaya, Giovanni Furlanetto. Orchestre symphonique & chœurs de
La Monnaie, dir. Marc Minkowski. Mise en scène : Dmitri Tcherniakov.
©Bernd Uhlig
Et si Le Trouvère, dont
on sait l'intrigue incompréhensible, devenait lisible ? C'est la pari tenté par
Dmitri Tcherniakov à La Monnaie. Le metteur en scène russe, connu
pour ses lectures radicales, prend les choses à bras le corps : « Il Trovatore sera raconté comme une
histoire intime, privée et secrète ». Cinq personnages, dans un huis clos, au sens propre. Réunis
par l'un d'eux, Azucena, pour évoquer, et réinterpréter, une histoire qu'ils ont
jadis vécue, et qui les a si profondément marqués. « La principale force motrice, c'est la découverte
progressive du passé grâce aux efforts communs ». L'opéra de Verdi n'est-il pas centré sur des
récits et des souvenirs du passé, confus et embrouillés, primant l'action. Et
ne voulait-il pas, à l'origine, l'appeler « Azucena ou la
gitane » ? Dans ce qui est
une interprétation-fiction, Tcherniakov assemble ses personnages pour «
éclaircir les mystères du passé ». Et le passé devient présent, le conflit ne résistant pas longtemps
à l'analyse de mémoire. Ils sont constamment en scène, participant, même muets,
à toutes situations, qu'ils observent ou analysent, qu'ils soient dans la
position de simuler, de bluffer, ou de protester. Les rôles secondaires sont
évacués, leurs répliques dites par les protagonistes eux-mêmes, et le chœur
relégué en coulisses ou dans la fosse. En
fait, l'effort pour remettre de l'ordre est certain, et ce qui passe pour
incohérent, prend une allure, sinon de clarté, du moins de vraisemblance. Le
concept dramaturgique du lieu unique et de l'intimisme permet un glissement
subtil entre jeu de rôles et réalité, comme une mise en abyme entre espace de
la représentation et perception qu'en a le spectateur, temps de l'histoire et
vécu de celle-ci. L'entreprise,
audacieuse, est facilitée par une direction d'acteurs millimétrée. Un
exemple : son premier air, « Tacea la notte placida », et la
cabaletta qui suit, Leonora les enlève, ivre de bonheur, face à une
Azucena-Inés transportée par l'évocation de ces souvenirs joyeux. Encore : le récit et l'air du comte de
Luna, « Il balen del suo sorriso », fruit d'un amour passion,
il les vit comme une torture, alors que les deux amants, Manrico et Leonora
s'enlacent à l'arrière-plan. Le
personnage de Luna est peint avec une rare sagacité : loin du traître
d'opéra, du banal méchant, mais un homme qui souffre, et perd peu à peu tout
jugement. Le fait de se remémorer le passé devient vite tourment du présent, et
la froide harmonie qui prévaut dans la maison, au début, bascule dans un
effroyable désordre. Le policé sombre dans la violence, au point que Luna tuera
Ferrando. Certes, la médaille a
quelques revers : les passages emphatiques sont gommés, théâtralement,
tels le chœur des gitans, ou la scène chorale d'envoi au combat, qui clôt la
troisième partie. Mais le gain
dramatique est tel qu'on passe sur ces libertés. Car l'essentiel est préservé, révélé même. On approche des personnages vrais, non des
marionnettes. On est happé par une
énergie théâtrale quasi volcanique qui, à y regarder de près, progresse
par des thèmes récurrents, associés à l'idée dramatique : le souvenir
obsessionnel de l'immolation de sa mère par Azucena, et sa stratégie calculée
de revanche, bien plus prégnante que la soif de vengeance de Luna, impénitent
jaloux amoureux, la quête d'identité de Manrico, au cœur de cette sombre trame
d'enfant jadis précipité dans les flammes. « La mémoire est l'avenir du passé », disait Paul Valéry.
©Bernd Uhlig
Face à un tel défi scénique, la
pure exhibition vocale, associée à la pièce, a tendance à passer au second
plan. Mais Marc Minkowski est là
pour montrer combien l'exécution musicale est déterminante, dans ce qui est
aussi un opéra de chef. Sa vision est
nerveuse et extrêmement contrastée, libérant une énergie souvent spectaculaire.
Loin de tout décor, l'orchestre se fait personnage. Et celui de La Monnaie
offre une brillance bien supérieure à sa prestation dans Les Huguenots,
avec le même chef. La chaleur
instrumentale est intense, que Minkowki a renforcée aux altos et violoncelles. Justice est rendue au travail d'orchestre si
minutieux de Verdi, que les recherches récentes ont d'ailleurs fini par
réhabiliter. Ce que le chef définit
comme « du bel canto sur le fil », requiert beaucoup des interprètes,
confrontés à l'exigence de force et de tension, mais aussi de lyrisme très
nuancé. Sans parler de la tradition qui
s'est emparée de l'opéra, du carré d'as vocal, des contre-ut fulgurants demandés au ténor, de
l'incroyable ductilité à la soprano, etc. On reste un peu sur sa faim, question splendeur, chez la Leonora
de Marina Poplavskaya, si souvent distribuée dans les productions
verdiennes à travers le monde, et qui pourtant peine à maintenir une ligne
digne de ce nom, comme dans l'air de l'acte IV, au demeurant chanté
intégralement de dos. Garçon façon
blouson doré, le Manrico de Misha Didyk, d'abord décomplexé, est peu
à peu pris au piège de l'émotion, et vocalement satisfaisant, nonobstant une
émission à la résonance peu italienne. Le Ferrando de Giovanni Furlanetto est plus clair que de
coutume, pour jouer ici l'apaisement, tel un médiateur. Avec les deux autres, les personnages
« bruns », si chers au maître de Busseto, et tant mis en valeur par
la présente production, les choses prennent une toute autre allure. Scott Hendricks, Luna, possède un timbre
de baryton de bronze, et un legato enviable. La composition est d'une théâtralité pointilleuse, celle d'une
violence envers tous, qui ne sait plus se contenir. Sylvie Brunet tient la palme : prestation aristocrate
d'une Azucena, autre que la gitane à l'emporte-pièce, prosaïque, qu'on présente
si souvent, mais femme de caractère, intelligente, sans doute la seule à savoir
les clés du drame, voix de mezzo-contralto impressionnante, dominant le
plateau, à l'image d'une régie qui en fait le centre de gravité.
Retour des Pêcheurs
de perles à l'Opéra-Comique
Georges BIZET : Les Pêcheurs de perles. Opéra en trois actes. Livret d'Eugène Cormon &
Michel Carré. Sonya Yoncheva, Dmitry Korchak, André Heyboer,
Nicolas Testé. Chœur Accentus. Orchestre philharmonique de
Radio France, dir. Léo Hussain. Mise en scène : Yoshi Oida.
©Pierre
Grosbois
Bizet n'est pas que l'auteur de Carmen. Et, peut-être, celle-ci ne serait pas sans cette
sympathique œuvre jeunesse, Les Pêcheurs de perles, qui montre déjà
le don mélodique du musicien. Inspiré du livre d'un certain Octave Sachot, L'île de Ceylan et ses curiosités
naturelles, le livret peut paraître convenu, et ses personnages stéréotypés. On a puisé dans les clichés des
coutumes primitives, celles des pêcheurs risquant leur vie pour un improbable
trésor, des lieux inaccessibles, tel le rocher sur lequel la vierge Leila
doit prier pour eux. Des cérémonies
religieuses aussi, de l'emprise de la nature encore, et du poids des forces
élémentaires, l'orage qui s'empare du climat comme des cœurs, le feu qui
embrasera les lieux, facilitant la fuite des amants. Deux hommes, amis d'enfance, aiment la même femme, une vestale
inaccessible, et ont fait serment, au nom de leur amitié, de taire cette
passion. L'un deux succombera. L'autre pardonnera au nom de la
reconnaissance envers la jeune femme, qui lui avait jadis sauvé la vie. Le conflit devoir-passion, l'affirmation de
l'individu face à la communauté, mais aussi la lutte entre générations, les
jeunes, les plus anciens, tout cela est ménagé en une construction classique,
somme toute. L'exotisme du sujet, dont
a fait des gorges chaudes, agit comme une toile de fond, empruntée à la mode de
l'ailleurs, tant prisée au XIXe : un orientalisme coulé dans le
moule gallique, plutôt que servile imitation. Encore que Bizet instille finement quelques mélismes originaux,
ornements harmoniques sonnant « oriental », ostinatos, inflexions
dans l'instrumentation, traits de harpes, de flûte, de percussions. Et sait l'évoquer magistralement au fil de
l'histoire, à partir du thème de l'amitié, qui scellé dans le duo réunissant
Nadir et Zurga, reviendra plus d'une fois, finement. L'opinion fut pourtant divisée lors de la création, en 1863 :
Berlioz estima que l'opéra « contient un nombre considérable de beaux
morceaux expressifs pleins de feu et d'un riche coloris ». Mais Chabrier reprochera à la musique de
« manquer de style ou plutôt de les avoir tous ». Il reste que l'ouvrage est fort agréable, et
finalement pas si daté qu'il y paraît. La
nouvelle production de l'Opéra-Comique se distingue par l'excellence de son
volet musical. Léo Hussain dirige un orchestre vigoureux, et ne ménage pas
la fièvre qui prévaut dans ces pages. Familier
du répertoire lyrique, le Philhar de Radio France connaît sur le bout des
doigts rythmes et couleurs.
©Pierre
Grosbois
La distribution est intéressante
par sa jeunesse et son expérience. Sonya Yoncheva propose une Leila assurée. Loin de la femme fragile et mystérieuse,
celle-ci est maître d'elle-même et du jeu. Le timbre de cette artiste bulgare
n'est pas sans rappeler celui de sa devancière dans le rôle, la roumaine
Ileana Cotrubas, voire même la façon vocale d'une Angela Georghiu. Ces voix, venues d'Europe du centre, ont en
elles l'exacte couleur de l'idiome français, et un sens du phrasé, qui les met
de plain-pied avec ce type de rôle. Dmitry Korchak est un Nadir plein de charme, qui ne cherche
pas à se mettre en avant. Son ténor
ductile ménage des nuances remarquables, que son parfait français approche de
l'idéal. Le Zurga d’André Heyboer,
figure centrale ici, distille puissance inextinguible et souveraine ligne de
chant, et la composition, naturelle, offre ceci d'intéressant qu'elle se
détache du cliché du baryton entravant l'union nécessaire du couple
ténor-soprano. Nicolas Testé,
Nourabad, complète, à la basse, un quintette fort bien achalandé. Le chœur Accentus, outre une diction
exemplaire, apporte à la représentation une aura de spontanéité inattendue. La mise en scène de Yoshi Oida joue la
discrétion et la finesse. Ne cherchant pas à tirer la pièce vers
l'orientalisme, précisément, il l'aborde avec la distance qui sied à une
interprétation pour le public d'aujourd'hui. Pas de relecture alambiquée, mais une vision objective, qui fait
du personnage de Zurga le centre de l'intrigue : témoin malgré lui, et
victime, de l'amour d'un autre, il saura mettre au second plan sa propre
passion, son orgueil d'homme blessé, sa haine au premier degré, pour ce qui est
un renoncement exemplaire. Traitées de
manière stylisée, façon chœur antique, les interventions chorales sont conçues
avec un subtil mouvement. Cette
animation, aussi discrète qu'efficace, assure à des passages clés le
rebond nécessaire. Ainsi de l'air de
Nadir, qu'agrémentent les pirouettes de sveltes plongeurs en fond de scène, ou
de celui de Leila, qu'accompagne le jeu des pêcheurs jonglant avec leurs
paniers en osier. L'atmosphère demeure
toujours limpide, d'une lande aux tons bleutés, agréablement évoquée en un
espace ouvert, qui cherche même à repousser les limites du plateau de
Favart.
Jean-Pierre Robert.
***
Le Festival d'Ambronay et ses
« métamorphoses »
Pour sa 33e édition,
le festival d'Ambronay place sa programmation sous le thème des
« métamorphoses ». Déclinées
de diverses manières. En questionnant
les musiques, leurs multiples facettes, à partir du baroque, pour explorer bien
au-delà. Ainsi de concerts centrés sur
l'idée de variations : « Amour & Folie », illustrés par
Patricia Petibon, accompagnée de l'ensemble Amarillis (22/9), par exemple,
ou les héroïnes d'Ovide, célébrées par Roberta Invernizzi, l'
Accademia bizantina et Ottavio Dantone (27/9). L'interrogation peut porter sur la notion de
transformation. Il en va ainsi d'une soirée de variations sur les Variations Goldberg de Bach (15/9), et d'une journée du « Clavier métamorphosé »
(23/09), autrement dit le clavier dans tous ses états, clavecin, pianoforte et
piano moderne. En matière
d'interprétation aussi, qui se vit en constante évolution, avec une nouvelle
lecture des dernières symphonies de Schubert, due à Marc Minkowski (16/9),
ou du Requiem de Mozart que Leonardo
García Alarcón veut détacher de Süssmayr, pour revenir aux sources (29/9). Dans la forme même du concert enfin, en
imaginant d'autres relations avec le public, plus disposé, eu égard à la beauté
du lieu et à sa situation non citadine, à explorer de nouvelles expériences. Bien sûr, les grands noms du baroque seront
là, comme la Petite Bande des Kuijken dans un programme Bach avec le
claveciniste Benjamin Allard (21/9), William Christie et ses
Arts Florissants, pour les « Histoires sacrées » de
Charpentier (5/10), Jérémie Rhorer et le Cercle de l'Harmonie, le
Chœur Arsys de Bourgogne. Comme
les solistes Nathalie Stutzmann et son ensemble Orfeo 55 (6/10), ou
Max Emmanuel Cencic et le Concerto Köln (7/10) ; mais aussi de
jeunes solistes et ensembles, que le festival se plaît à projeter dans la
lumière. De nouveaux textes seront
explorés, dont un Nabucco (1683) de Michelangelo Falvetti (14/9),
ou L'Ippolito (1752) du portugais Francisco António d'Almeida,
d'après la tragédie de Racine (20/9). Et
des nouvelles musiques, puisqu'aussi bien l'évolution des dernières années
n'oppose plus baroque et moderne, mais s'attache à une synthèse. Ambronay, à la pointe de l'innovation et de
la recherche, à travers les divers aspects de ce qui est avant tout un centre
culturel, n'en finit pas de scruter l'horizon musical. Et le festival d'été, pour en être le phare,
n'est qu'une de ses facettes.
Comme d'usage bien établi, le
festival se déroulera sur quatre week-ends, du 14 septembre au 7 octobre. Les concerts du soir, précédés de «
mise en oreilles », auront vu, au long de la journée, se succéder
« carte blanche aux jeunes ensembles »,
« déambulation musicale », atelier de découverte, de fado en
particulier, ou autre « scène amateurs en plein air ».
L'académie baroque européenne d'Ambronay, qui comprend depuis 2010, des
résidences de jeunes ensembles, abordera cette année, et pour la première fois,
Rossini et sa Cambiale di matrimonio, opéra de jeunesse,
composé en 1810. Ses musiciens ont été
recrutés en partenariat avec le Festival d'Aix-en-Provence.
©Jérémie
Kerling
À noter qu'Ambronay mène une
action culturelle essentielle, proposant durant l'année, diverses activités
destinées aux publics scolaires, jeunes publics et familles, jeunes
professionnels, étudiants et formateurs. Une convention de jumelage a été passée avec l'Inspection
académique de l'Ain et le Rectorat de l'Académie de Lyon. Le partenariat avec
les conservatoires s'inscrit dans le réseau des conservatoires européens.
Renseignements et location : Festival d'Ambronay.
Week-ends du 14 au 16 septembre, 19 au 23 septembre, 27 au
30 septembre, et 3 au 7 octobre 2012. Tarifs de 10 à 65 €.
Divers tarifs réduits sont proposés, ainsi qu'un Pass « Métamorphoses du
clavier ». Centre culturel de
rencontre d'Ambronay, place de l'Abbaye, 01500 Ambronay. Tél. : 04 74
38 74 04. contact@ambronay.org
Saison 2012/2013 de la Péniche Opéra
©DR
La Péniche Opéra se vit
boulimique pour la saison 2012-2013, celle de son 30e anniversaire,
qui multiplie les spectacles, mais aussi les lieux : canaux et routes de
France, Opéras d'Avignon, Reims, Limoges et Rouen, et à Paris un nouveau
site : l'Espace Pierre Cardin, venant complémenter le vaisseau amiral,
amarré quai de la Loire.
Plusieurs productions verront le
jour : « Les maîtres de chapelle », réunissant ceux composés par
Telemann, Cimarosa et Paër, mis en scène par Alain Paties, assisté de
Francesca Bonato, avec l'ensemble Carpe Diem (11, 12 et 13 octobre). Puis Hänsel et Gretel de Humperdinck,
les 9 novembre à Meaux, 17 novembre à Fontainebleau, 16 et 17 décembre
à Vitry, 22, 23, 29 et 30 décembre, à l'Espace Pierre Cardin. Enfin, Le
peintre amoureux de son modèle, opéra-découverte d'Egide Duny, les 24,
25 et 26 mai. On reprendra, vu le
succès, Rita, elle est pas belle la
vie ? de Donizetti, du 18 janvier au 31 mars, tous les
vendredis, samedis et dimanches.
Trois anniversaires vont rythmer
la saison : Celui des 30 ans d'activité de la compagnie, le 29 novembre,
dans le cadre du festival « Les nuits des musiciens ». Christophe Crapez assurant la direction
musicale, et Alain Patiès la mise en scène. Puis celui de Poulenc les 10, 11, 12 janvier 2013, avec les
Amis de Francis Poulenc. Et enfin
celui de Britten, le 20 avril, réunissant Salomé Haller et
Christophe Crapez, accompagnés par Nicolas Krüger. Trois « coups de cœur » encore : Dominique Visse
et son ensemble de jazz-rock, « 17 sous tension » (26 au
31 décembre), Le C' pop, chœur amateur de la Péniche Opéra (22,
23, 24 novembre), et Dorothée Lorthiois pour des contes et légendes autour
de Hänsel et Gretel (9 décembre). Trois « De bouches à bouches » déclineront la thématique
de la bouffe, de la bouche, du baiser, de la boulimie, de l'ivresse, dans un
spectacle conçu sur le modèle, qui a fait recette, de « À Corps et à
Cris », les 14 janvier, 18 février, 8 avril, le programme,
inédit, variant chaque fois. Enfin, un
« lundi de la contemporaine », est prévu autour du britannique Finzi,
avec le Quatuor Helios, le 19 novembre.
Renseignements et location : Péniche
Opéra - 46, quai de la Loire, Paris XIXe. Tél. : 01 53 35 07 77. www.penicheopera.com ou penicheopera@hotmail.com
Le Costume à l'Opéra se met en scène
©Julien
Benhamou/OnP
Une exposition est consacrée aux
costumes du XXe siècle à l'Opéra de Paris. La passion pour le costume de théâtre remonte
à loin, et le XIXe l'avait déjà portée haut. Mais c'est le directorat de Jacques Rouché
(1914-1945) qui va en marquer l'apogée, avec l'arrivée des peintres dans les
ateliers, Léon Bakst, Fernand Léger ou Giorgio de Chirico. Le
costume s'assigne une fonction qui, au-delà de la mise en valeur du chanteur ou
du danseur, est de s'inscrire dans la vision scénographique du spectacle. L'École de Paris, avec Chapelain-Midy,
Wakhevitch, Carzou, et bien sûr Lila de Nobili, va marquer d'une
empreinte essentielle la scène parisienne. On pense à la Carmen de cette
dernière. Dans les années 1960, ce
sont les stylistes qui entrent en scène, Yves Saint-Laurent, puis Kenzo et
bientôt Christian Lacroix. Cette exposition retrace cette fabuleuse
histoire d'étoffes, qui a toujours été le miroir de son époque. Quelque
150 maquettes, photo, costumes et accessoires l'illustrent au Palais Garnier.
L'étoffe dans la modernité, costumes du XXe siècle à
l'Opéra de Paris. Bibliothèque-Musée de l'Opéra, Palais Garnier,
du 19 juin au 30 septembre 2012, de 10h00 à 17h00. Entrée angle des rues Scribe et Auber, Paris IXe. Tarif : 9 €,
tarif réduit : 6 €. Catalogue : 20 €.
« Musique en l'Île » : orgue et chœurs
à foison
©DR
Pour sa 24e saison,
le festival « Musique en l'Île » livre des soirées plurielles. L'orgue y tient, bien sûr, une large part,
avec en particulier une trilogie emmenée par Thierry Escaich,
début juillet : le 3, à Saint-Étienne-du-Mont, pour le Requiem de Duruflé, lieu oblige, le 5, à
Saint-Sulpice, où l'on donnera la Messe à
deux orgues de Widor, et les 7 et 8, à La Madeleine, pour le Requiem de Fauré. Le célèbre organiste exécutera aussi des
pièces de Messiaen, Langlais ou Dupré, et se livrera peut-être encore à des
improvisations. Le festival se poursuit
tout l'été, dans les belles églises parisiennes. Avec, entre autres, des soirées autour de chœurs de la
Russie éternelle, venus de Saint-Pétersbourg, les 24 et 29 juillet,
10 et 12 août, et le 2 septembre, alternativement à
Saint-Germain-des-Prés et à Saint-Louis-en-l'Île. Ou de formations chorales
débarquées d'outre-Manche, ceux du King's College de Londres, le
3 août, et les Oxford Voices, le 21 août. L'assistance à ces concerts est libre.
Renseignements : www.latoisondart.com/paris.html
Jean-Pierre Robert.
***
FORMATION MUSICALE
Nathalie MARKARIAN et Sylvie
VILLEMIN : Cap sur la musique. Cours complet de Formation musicale. 1er cycle :
volume 2. Lemoine : 28 999 H.L.
Après un premier volume dont nous avons rendu compte en
mars/avril 2006, voici donc le deuxième volume de cette méthode. On en
appréciera le côté éminemment pratique. Lecture de notes, lecture de rythmes,
intonation, écoute, découverte du répertoire, théorie, contrôle des
connaissances : tout se trouve dans chaque leçon. Mais cela ne dispensera pas le professeur de
« nourrir » ces dix leçons bien charpentées et très agréablement
présentées.
Sophie ALLERME-LONDOS : Des notes et des couleurs. 1 vol. CD. Lemoine : 29034 H.L.
Voici
une entreprise intéressante et trop peu souvent tentée : une initiation
pratique aux rudiments de l’harmonie, basée sur un travail d’oreille et aidée
par un CD. La réussite est certaine. Mais il faudra étoffer le propos des
auteurs par de nombreux jeux musicaux dans le prolongement de ceux proposés. Cela n’enlève rien au mérite de cet ouvrage
qui pourra servir de support à bien des découvertes qui feront que nos
instrumentistes seront aussi des musiciens.
Christian BELLEGARDE : Au fil de l’écriture. 70 textes en 3 recueils des accords de 3 sons aux styles
d’auteurs. 1er recueil : 26 textes d’harmonie. Basses
et chants donnés. 1 vol. de textes, 1 vol. de réalisations. Billaudot :
G 9302 B.
L’avantage
de ces textes par rapport aux textes « classiques » est notamment la
variété des formations proposées : quatuor vocal, quatuor à cordes, piano,
instrument et piano qui mettent l’élève en situations réelles d’écriture.
Textes et réalisations sont intéressants et stimulants pour développer le sens
musical et l’oreille de ceux qui les utiliseront.
Jean-Jacques METZ : Urbain’s band book. La pratique orchestrale à l’école. Volume 1. Billaudot.
Livre de l’enseignant : G 9159 B. Livre de l’élève : G 9160 B.
Nés
de l’initiative du conservatoire et de la mairie de Nantes qui, en 2000, initient
la création d’une « fanfare urbaine », ces livres sont, comme le dit
l’auteur, « l’écrit d’une transmission orale ». Bien loin de refuser
l’écrit, ce travail y conduit tout naturellement. Éminemment pratique, il
propose tous les instruments nécessaires à la réalisation. Il faudra compléter ces deux recueils par dix
posters indispensables à la mise en œuvre. Il est difficile d’en dire plus sans
avoir vécu soi-même l’expérience, mais il s’agit d’une aventure passionnante et
pleine de promesses.
PIANO
Claude PASCAL : À portée de mains. Six pièces assez faciles pour piano. Sempre più : SP0010.
Chacun des titres de ces courtes
pièces permettront au jeune pianiste de se faire une image mentale et de
raconter en quelques secondes toute une petite histoire. Grasse matinée, Câlin du soir, Foot-ball : autant d’ambiances
évocatrices qui permettent, sur des morceaux techniquement faciles, de procéder
à tout un travail de recherche de timbre et d’ambiance. Pour faciles qu’elles
soient, ces pièces sont donc loin de manquer d’intérêt.
SATIE : Ogives-Gymnopédies. « Pianistic Milestones ».
Bärenreiter Urtext : BA 10806.
On peut effectivement considérer
que ces pièces de Satie constituent des jalons dans l’histoire de la musique
moderne. Les Ogives sont certes moins
connues que les Gymnopédies, mais ne
sont pas moins importantes que ces dernières par leur influence sur les
compositeurs français de l’époque. Si on est germanophone ou anglophone, on
appréciera l’importante préface ainsi que les abondantes notes pour
l’interprétation. On regrettera seulement que, pour un compositeur français,
l’éditeur ne nous en ait pas donné, comme il le fait souvent, une traduction
française.
André DELCAMBRE : Dompteur de tigrespour piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2406.
Cette charmante pièce exercera
l’interprète à dompter les rythmes syncopés présents tant à la main gauche qu’à
la main droite. La mélodie se partage d’ailleurs équitablement entre les deux
mains…
Arletta ELSAYARY : Le piano côté… cours. Cinq pièces originales pour pianiste débutant. Lafitan :
P.L. 2405 -1 à 5.
C’est toujours avec un grand
plaisir qu’on retrouve les compositions d’Arletta Elsayary, toujours
remarquablement écrites et pleines d’humour. C’est encore le cas ici, où
l’auteur explore les différents « cours » que suivent nos
élèves : cours de… piano, bien sûr, mais aussi de danse, d’équitation, de
judo et même de langue arabe… Le tout en glissant dans chaque pièce une
difficulté caractéristique mais tout à fait en situation.
Alexandre THEODOULIDES : Intermède pour
piano. Élémentaire. Lafitan :
P.L.2338.
Cette pièce attachante commence dolce et joue d’abord sur les résonances :
les indications très précises de pédale en sont la preuve. Mais le discours se
complique peu à peu dans des gerbes sonores de plus en plus complexes et un mouvement
de plus en plus rapide. Cela demandera à l’interprète à la fois technique et
sensibilité.
Jean-Michel TROTOUX : J’ai le sentiment… pour piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2403.
Que voilà un joli
sentiment ! Écrite en bonne partie dans une tonalité vague de sol mineur, cette valse
mélancolique flotte en quelque sorte sur des harmonies délicates et un peu
évanescentes qui lui donne beaucoup de charme tout en créant un certain
malaise… bien agréable !
Antonin SERVIERE : Bagatelle sans altérité pour piano. Delatour :
DLT1021.
Il est difficile d’en dire autre
chose que l’auteur : « Exorde, narration, digression, péroraison...
Tentative de recréation. "La disposition rhétorique classique". Un hommage
à Ludwig, aussi. La Bagatelle pour clavier. Mais point de futilité : le Vrai !
L'œuvre est composée de manière compulsive, narrative. Implacable logique, Du travail motivique, Du
reste, D'isotopies sémantiques. Figurations dérivées, Rendre les gestes
empruntés, Contourner l'altérité. » Cette œuvre difficile est donc à découvrir.
Gérard HILPIPRE : Winter Music. Poème pour piano. Delatour :
DLT0832.
On connait le côté quasi
mystique des œuvres de Gérard Hilpipre. Cette pièce en est un nouvel exemple,
qui déroule ses harmonies délicates et mystérieuses sous le patronage de
Shelley : « If Winter come scan
Spring be for behind ? » (Si l’hiver arrive, le printemps peut-il
être loin derrière ?). Les
couleurs sonores sont à rechercher plus que tout. Les indications de l’auteur y
aident d’ailleurs avec efficacité.
GUITARE
Bruno GINER : Tiempo de saeta. Octuor de guitares (1er cycle). Dhalmann : FD0354.
Si elle n’est pas techniquement
difficile, cette œuvre demandera à être présentée pour que les interprètes en
saisissent l’esprit. Rappelons qu’une
« saeta » est une courte chanson à caractère religieux qui intervient
spontanément dans une procession. C’est
bien de cela dont il s’agit ici. Il y a donc toute une ambiance à créer,
essentiellement rythmique, scandée à certains moments par de courtes mélodies.
Auteurs divers : Brasil. Pièces
pour 1 ou 2 guitares recueillies par
Patrick Guillem. Delatour : DLT1257.
Ces pièces, de niveau assez
difficile à difficile sont empruntées essentiellement à l’univers de la musique
brésilienne : le choix des compositeurs confère malgré cela à ce recueil
une grande diversité.
Auteurs divers : Autour de la Valse. Pièces pour 1 à 4 guitares recueillies par Patrick Guillem. Delatour : DLT1256.
De niveau assez facile à
difficile, ce recueil va, par le choix très varié des auteurs, de la valse
classique à la valse contemporaine en passant par le jazz et la valse musette…
Il est toujours intéressant de pouvoir orienter une classe dans ses différents
niveaux en lui fournissant un thème fédérateur. Ce pourra être l’un des
objectifs de ce recueil.
Bruno GINER : Tiempo de vientos. Quatuor de guitares (2e cycle).
Dhalmann : FD0355.
C’est la deuxième pièce du cycle
dont fait partie l’œuvre précédente. La pièce superpose des couches rythmiques
différenciées inspirées à l’auteur par les différents vents qui balayent
régulièrement la Catalogne. Il faudra
donc que les interprètes fassent preuve d’imagination et de sensibilité pour
restituer ces vents aux caractères aussi affirmés que différents.
Alain VÉRITÉ : Play Jazz. 8
pièces pour guitare. Lemoine :
28999 H.L.
Allant de la quatrième année à
la septième année de guitare, ces pièces comportent, comme le précise l’auteur,
« du swing (beaucoup), de vraies mélodies, des harmonies inspirées par la
pratique assidue des « standards », une diversité de tempos et
d’ambiances, et, au passage, des suggestions pour traduire dans les
« gestes » certains des aspects propres à « l’esprit » du jazz ». Disons simplement que le contenu du
recueil est absolument fidèle à ce programme et qu’il devrait permettre un
véritable « pont » entre le guitariste « classique » et le
guitariste de jazz… Ajoutons que l’ouvrage contient de très judicieux conseils
pédagogiques et de mise en œuvre.
ACCORDÉON
Jean-Michel TROTOUX : 2 = 1 + 1. Pièce pour accordéon. Débutant. Lafitan :
P.L.2418.
Outre que la pièce est à deux
temps, le titre s’explique par la dédicace : « à mes jumeaux Bleuenn
et Maël » ! Cette petite promenade sur les degrés I, IV et V est
pleine de bonhomie et aidera l’interprète à structurer son oreille harmonique.
VIOLON
Gilles MARTIN : Maestro violino ! pour violon et piano. 1re et 3e positions. Fin de 1er cycle.
Lafitan : P.L.2388.
Cette valse allègre et tonique
écrite dans un sol majeur de bon aloi
module sagement tout en permettant au jeune violoniste de montrer ses talents
de futur virtuose. Assez curieusement, on sent dans l’introduction comme une
réminiscence de bourrée… ce qui ne nuit nullement au charme de cette pièce. La
partie de piano est facilement abordable par un élève de niveau moyen.
François BOCQUELET : Oasis pour
violon et piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2456.
Pourquoi Oasis ? Peut-être à cause du charme rafraichissant de la
mélodie ou de quelques chromatismes… Toujours est-il que cette très jolie pièce
est pleine d’intérêt par les qualités de justesse, de phrasé et d’expressivité
qu’elle exige de l’interprète. On remarquera aussi la marche harmonique
descendante de la deuxième page, répétée deux fois, mais variée la deuxième
fois par un accompagnement de piano en mouvement contraire. Ce pourra être
l’occasion d’une séance d’analyse « sur le tas »… Là encore, la
partie de piano peut être interprétée facilement par un élève.
ALTO
Claude-Henry JOUBERT : Variations sur « Au près de ma blonde » pour alto avec accompagnement de piano. Sempre più : SP0005.
En variant pour son instrument
de prédilection cette vieille chanson française écrite par son homonyme (et,
pourquoi pas, ancêtre !) André Joubert du Collet en 1704,
Claude-Henry Joubert nous offre une œuvre bien agréable. Construite selon les canons traditionnels de
la variation française (double, triple, etc.) et comportant également la
traditionnelle variation au ton homonyme (lui aussi !) mineur, elle
se termine par un dialogue entre les deux instrumentistes suivi d’un baroud
d’honneur « più vivo » bien réjouissant.
VIOLONCELLE
Éric FISCHER : La ligne de partage du jour. Violoncelle seul. Dhalmann : FD0342.
Éric Fisher a composé pour
toutes sortes d’instruments et d’ensembles. Cette œuvre pour violoncelle seul,
écrite dans un langage contemporain, allie timbres et techniques de jeu pour
créer une ambiance sonore tout à fait intéressante. Inutile de préciser qu’il
ne s’agit pas d’une œuvre pour débutant…
Gérard HILPIPRE : Trois petites pièces pour violoncelle et piano. Delatour : DLT0713.
Très concentrée (trois pièces
pour une durée d’à peine cinq minutes), cette œuvre comporte donc trois
tableaux très caractérisés. Passant d’un « Prestissimo misterioso »
quasi impalpable à un « Tempo molto moderato » dans lequel
s’intercale un très bref passage « molto accelerando » réservé au
piano sur une longue pédale de violoncelle pour terminer par un « Adagissimo »
méditatif, cette véritable « Suite » se conclut dans un calme à la
fois méditatif et énigmatique.
HAUTBOIS
Pascal PROUST : Pluie d’été pour
hautbois et piano. Sempre più :
SP0009.
On peut espérer que lorsque
cette recension paraîtra, le titre sera moins d’actualité… Une première partie,
rêveuse, mais sans mélancolie, précède un allegretto à trois temps dansant
comme les gouttes et les gouttelettes. Il
faudra respecter scrupuleusement le phrasé qui donne à cette pièce tout son
caractère.
TROMPETTE
Jérôme NAULAIS : L’échappée belle pour trompette en ut ou sib (ou cornet) et piano. Sempre
più : SP0007.
Deux parties se répondent,
permettant d’explorer deux registres de l’instrument : une dans le grave,
en sib majeur construite sur un
joli thème très mélodieux, et l’autre en mib majeur,
reprenant à la quarte supérieure ce même thème pour de nouvelles gracieuses
arabesques. Il s’agit d’une pièce fort agréable qui fera ressortir les qualités
musicales des interprètes.
TROMBONE
Jérôme NAULAIS : Court métrage pour
trombone et piano. Sempre più : SP0006.
Pourquoi « Court
métrage » ? Sans doute parce que cette courte pièce est composée de
séquences également courtes et de styles très variés qui font penser à de la
musique de film décrivant les ambiances de plans contrastés et assez courts. On
pourrait suggérer aux interprètes de se faire, dans la tête, un
« cinéma » pour mieux correspondre à l’esprit de cette pièce. Il y a
certainement beaucoup de plaisir à prendre à cette interprétation.
Jérôme NAULAIS : 10 petites pièces variées pour trombone. Sempre più : SP0008.
Précisons qu’il s’agit de pièces
pour trombone solo. Jérôme Naulais a su
faire de ces dix petites pièces dix petits tableaux contrastés allant de la
marche à la rêverie nostalgique. Si elles peuvent évidemment se jouer
séparément, elles constituent également un ensemble plein de charme autant que
de variété (comme le titre l’indique fort justement).
COR
Pascal PROUST : Primavera pour
cor et piano. Sempre più : SP0004.
Cette œuvre est le morceau
imposé du Concours national de l’Association française du cor, à Saint-Étienne,
pour octobre 2012. Une première partie,
en forme de habanera, à la fois un peu mélancolique et très chantante est
suivie d’une mini-cadence qui sert d’introduction à un Allegro moderato sous-tendu
par un rythme d’anapeste. À la fois vigoureux et expressif, il développe dans
un la mineur tout à fait
classique une mélodie pleine de charme et de finesse.
PERCUSSIONS
Régis FAMELART : Capalès. Concert’Opéra
pour piano et percussion d’après Carmen de
Georges Bizet pour la fin du cycle 1. Dhalmann : FD0373.
Voici une œuvre bien
réjouissante qui s’inscrit dans la lignée des nombreuses
« fantaisies » sur des thèmes d’opéra pour divers instruments qui ont
fait florès au XIXe siècle. On la voit bien terminer brillamment une
audition d’élèves. Bref, souhaitons beaucoup de plaisir aux interprètes et à
leurs auditeurs !
Christian HAMOUY, Paul
MINDY : Hamy. Ensemble pour marimba et percussions traditionnelles. Dhalmann : FD0275.
De difficulté moyenne, cette
œuvre en quatre parties est tout à fait originale en ce qu’elle veut permettre
des passerelles entre les classes de percussions classiques et celles de
percussions traditionnelles. Les auteurs, issus eux-mêmes de ces deux
traditions, présentent la manière d’interpréter ces pièces. Ils donnent ce
conseil très judicieux qui résume bien leur propos : « Il est
recommandé d’explorer auparavant ces instruments qui peuvent paraître
rudimentaires mais qui nécessitent un certain goût et pourraient développer une
certaine esthétique sonore et musicale afin de donner l’impression de l’eau qui
coule, de vagues qui s’échouent sur la plage et de vent qui pousse des feuilles
sur le sol ou dans les arbres… ».
CHŒURS
CALDARA : Stabat mater. Bärenreiter.
Conducteur : BA 8955. Partition
de chœur avec réduction de piano : BA 8955-90.
Ce Stabat mater est écrit pour cordes, orgue, deux trombones et orgue.
Le matériel est également disponible à la vente. On appréciera, comme
d’habitude, la clarté et la lisibilité de l’ensemble ainsi que le sérieux de la
révision.
BACH : Chorsätze aus dem Weihnachts-Oratorium BWV 248. Parties I à III arrangées pour chœur et orgue.
Bärenreiter : BA 7525.
Il ne fait nul doute que les
chorales apprécieront ces chœurs et chorals extraits de l’Oratorio de Noël accompagnés seulement à l’orgue. Cet accompagnement,
réalisé par Holger Gehring demande un instrument à deux claviers et
pédalier. Il s’agit non d’une simple réduction mais d’une véritable
transcription qui permettra d’interpréter ces extraits sans en trahir l’esprit.
MUSIQUE D’ENSEMBLE
Charles BALAYER : I remember pour
hautbois et flûte solo, harpe, 3 cors et orchestre à cordes. Delatour : DLT0487.
Cette pièce a été composée en
1997 à la mémoire de Jean Doz, flûtiste et directeur du Conservatoire de Brive. Tout au long de l’œuvre, la harpe
égrène ses arpèges qui soutiennent la mélodie exposée d’abord au hautbois puis
reprise par la flûte pour aboutir à un dialogue final des deux instruments
solistes tandis que les cordes forment une nappe sonore. Le thème, d’abord modal, s’épanouit ensuite
en la majeur. Est-ce une
impression ou la tête de ce thème est-elle une réminiscence de l’« In
Paradisum » de l’Office des défunts ? Quoiqu’il en soit, c’est de la
fort belle musique.
Daniel Blackstone.
ÉDUCATION MUSICALE
Johan GUITON & Hervé
MAGNAN : Musiques
plurielles. « Crescendo », Gérard Billaudot (www.billaudot.com). 21 x 29,5 cm, 50 p.,
ill. n&b et couleurs, tableaux, ex. mus.
Il s’agit là d’un « Cours
complet d’Éducation musicale » qui, au fil des parutions, s’adressera aux
classes de 6e, 5e, 4e et 3e. Le « parcours de formation » du
présent volume (niveau 6e, livre de l’élève) propose :
Musique et arts du spectacle vivant / Musique, intention et mémoire /
Musique et société contemporaine / Musique, interprétation et
recréation / Musique et arts du langage / Musique, fonctions et
circonstances / Frise chronologique / Planisphère. Un tout nouvel et fort éclairant itinéraire !
ÉCRITURE MUSICALE
Christian BELLEGARDE : Au fil de l’écriture. 70 textes en 3 recueils (des accords de 3 sons aux
styles d’auteurs). Textes & réalisations. Gérard Billaudot (www.billaudot.com). 23 x 31 cm, 30 p.
Dans ce premier recueil
(comportant 2 fascicules : textes & réalisations) sont rassemblés 26 textes
d’harmonie - basses et chants donnés. Pour
diverses formations : Quatuor vocal, quatuor à cordes,
piano seul... Privilégiant écoute
intérieure et musicalité.
PIANO
Aline SANS : Objectif piano. Nouvelle édition revue & coloriée (+ CD). Hit Diffusion (www.editions-hit-diffusion.fr). 112 p.
Fruit de l’expérience
pédagogique de l’auteur (http://alinesans.com),
cette méthode pour débutants offre un parcours global, à la fois précis et
ludique : 99 morceaux, célèbres ou à découvrir (à 2 ou
4 mains) jalonnent le parcours – dans une mise en page aérée, en couleurs
et richement illustrée. Le CD propose la version audio de tous les morceaux du
recueil (classiques, traditionnels, jazz, pop, musiques du monde).
MUSIQUES D’ENSEMBLE
Éric PÉNICAUD : Thème, variations et carillon. Version concertante, pour ensemble de
guitares. Éditions d’Oz (www.productionsdoz.com) :
DZ 1667.
Résolument contemporaine, cette
œuvre (d’une durée d’environ 6’00) fait concerter un soliste de niveau avancé
& trois guitaristes de niveau moyen - ensemble ponctué de percussions,
éventuellement assurées par le professeur. Signalons que le carillon final autorise l’aléatoire, « jusqu’à
devenir un joyeux désordre au point culminant ».
Éric PÉNICAUD : Jubilatio, pour violon & guitare. Durand (www.durand-salabert-eschig.com)
: DF 15915.
Très « virtuose » -
comme souvent chez Éric Pénicaud –, cette pièce (de quelque 5’30) mêle la
plus extrême précision agogique à des séquences librement improvisées, rythmes
ad libitum.
Francis Gérimont.
***
Véronique DOMINGUEZ (trad.) : Le Jeu d’Adam. Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques »,
2012, 368 p. 13,50 €.
Conservé à la Bibliothèque municipale de Tours (cote 927), le Jeu d’Adam peut être considéré
comme le premier drame religieux en langue vernaculaire avec des chants latins.
Nécessitant des mises en scène et des décors différents, au temps de l’Avent et
de Noël, il était représenté devant le parvis des églises. L’idée directrice en
est la culpabilité, c’est-à-dire le péché d’Adam. Cette édition est accompagnée
de la traduction en français moderne, de nombreuses annotations, de
commentaires explicatifs, d’indications relatives au jeu, d’analyses (rimes et
mètres) complétant le sens du texte. Elle
fera aussi mieux comprendre les mystères de la composition du texte médiéval. Le manuscrit groupe deux Ordines avec dialogue en anglo-normand entre Adam et Figura (la Figure),
ainsi que des descriptions, conseils et réparties. Les littéraires seront
intéressés par l’évolution de la langue, mais aussi par des analyses (rimes et
mètres) ; les spécialistes du théâtre, par des indications à propos de la
technique scénique ; enfin, les musicologues & hymnologues, par les
répons chantés par le chœur (cf. indications : chorus cantet). Ce Jeu marque la transition entre le drame
liturgique latin et le drame semi-liturgique. Il appartient au patrimoine
littéraire et liturgique médiéval. Cette nouvelle édition bilingue de
Véronique Dominguez fera référence.
Bernard
BANOUN, Lenka STRANSKA, Jean-Jacques VELLY : Leoš Janáček. Création et culture européenne. « L’Univers musical », Paris, L’Harmattan (www.librairieharmattan.com), 2011,
296 p. 31 €.
Ce volume reproduit les Actes du Colloque international
(Paris-Sorbonne, 3-5 avril 2008), organisé par des Équipes de recherche « Patrimoines
et Langages musicaux » (Paris-Sorbonne) et « Histoire des
représentations » (Université François-Rabelais, Tours). Le dénominateur commun « Création et
culture européenne » est, selon la formule de l’ambassadeur de la
République tchèque à Paris, Pavel Fischer : « Leoš Janáček, ou le trait d’union entre la culture tchèque et la culture
française ». En effet, ce compositeur (né en 1854 et mort en1928) occupe une
place importante dans l’histoire de la musique tchèque, puis européenne, mais
ce n’est qu’à partir de 1916, avec son opéra Jenůfa, qu’il attire l’attention de la sphère musicale
internationale. La première partie : « Territoires de Janáček » le situe à
la fois dans l’histoire, l’espace et le contexte idéologique, et aborde la
réception de son œuvre en Allemagne. La seconde partie, intitulée :
« La pensée compositionnelle », présente ses écrits littéraires et
théoriques, les processus compositionnels avec notamment les « interactions
entre son, image, texte et geste dans le processus de création » ; les
problèmes de timbre, de métaphore et d’orchestration. Ces Actes trilingues
publiés par des enseignants Paris-Sorbonne comportant
des contributions d’une vingtaine de musicologues français et étrangers, montrent
comment Janáček,
d’abord marqué par le régionalisme et la tradition, s’imposera sur le plan
international où il deviendra « le représentant d’une avant-garde européenne ».
Manfred Hermann SCHMID : Notationskunde. Schrift und Komposition 900-1900. Kassel, Bâle, Londres… « Bärenreiter
Studien Musik, n°18 » Bärenreiter. 2012, 298 p. 29,95 €.
Par rapport aux manuels traditionnels déjà anciens de
Johannes Wolf et de Willi Apel, cet ouvrage a le mérite de faire le
point du dernier état de la question, d’élargir l’histoire de la notation
jusqu’en 1900 et d’aborder également la paléographie non musicale et
l’écriture. Il est en même temps une
initiation à la musique antique, à la théorie médiévale, à la conception des
partitions de Monteverdi jusqu’à Wagner. La musique monodique s’est longtemps transmise oralement, jusqu’au
moment où le répertoire devenu plus complexe était difficile à retenir par
cœur. L’apprenti paléographe trouvera
un guide sûr à travers tous les types de notations : dasiane, syllabique,
neumatique, avec lignes, lettres, puis notes… De nombreux extraits musicaux proviennent de manuscrits bien
connus : pour l’Ars Antiqua : Winchester Tropar, Bamberg (Paris), Las Huelgas… ; pour l’Ars Nova, manuscrits de Machaut
et de Vitry (Codex Ivrea)… De
très utiles indications bibliographiques raisonnées par chapitre rendront
service. Au fil des pages, les
musicologues trouveront des précisions relatives à la notation et sa
terminologie latine ; aux durées (relatives), aux figures de notes,
silences et ligatures, à l’utilisation du color (rouge), puis à la mesure. Ils
apprendront à restituer des textes anciens en notation moderne, à mettre en
partition des motets à 3 et 4 voix depuis le XIIIe siècle. Ils comprendront la théorie de la
notation franconienne (durées des notes, prolations, principes de perfection,
d’imperfection et d’altération), le passage de la notation noire à la notation
blanche, l’indication du tempo, les principes des tablatures de luth
allemandes, françaises et italiennes. Un
chapitre aborde l’évolution de la pensée polyphonique et les partitions
correspondantes. À noter également : les devoirs (« Aufgaben ») : transcriptions et questions
judicieusement posées (pourquoi la noire est-elle appelée crotchet en anglais ?) (voir : www.baerenreiter.com). À tous points de vue, ce livre pratique,
facilitant la compréhension, la restitution et l’interprétation d’œuvres
anciennes et plus récentes, deviendra un indispensable et incontournable
vademecum.
Édith Weber.
Marianne MASSIN (Textes réunis par) : Transe, Ravissement, Extase. Éditions Ambronay, 2012, 109 p. 14 €.
Troisième volet d’un triptyque
consacré aux rapports entre « Musique et Sacré », ce cahier d’une
centaine de pages étudie l’expérience - paradoxale et incontrôlable - que
constitue l’émotion musicale, ainsi que ses rapports avec le rituel, en
analysant ses manifestations les plus intenses que sont la transe, le
ravissement et l’extase, toutes manifestations susceptibles d’effacer les
limites entre profane et sacré. Chaque
état est, ici, défini et replacé dans des contextes différents - comme la
civilisation arabo-musulmane, le soufisme, le candomblé brésilien, l’opéra
baroque ou l’œuvre de Liszt… Un livre particulièrement riche en questionnements,
apportant des conclusions parfois contradictoires qui témoignent d’une pensée
vivante, foisonnante, enrichie par la pluridisciplinarité. Un ouvrage important et une bibliographie
pertinente pour aller plus loin dans une réflexion plus large sur l’esthétique
musicale. À méditer…
Patrice Imbaud.
James LION : Leoš Janáček, Jean Sibelius, Ralph Vaughan Williams
: Un chemin commun vers les sources. Beauchesne, « Le miroir des
savants », 2012. 15,5 x
24 cm, 719 p. 79 €.
Une mise en perspective de trois
compositeurs emblématiques de leurs pays, de leur culture, puisée à ses
origines populaires, voilà qui caractérise l'ouvrage de James Lion. De ceux-ci, Janáček est paradoxalement le moins
ignoré. Car Sibelius n'en finit pas, en
France du moins, de purger un incompréhensible purgatoire. Quant à Vaughan Williams, il est, pour
la plupart, à peu près inconnu. Ils sont sensiblement contemporains et
partagent un amour immodéré de leur patrie, cette relation particulière de
l'homme à sa terre, comme une vaste culture philosophique et musicale. Chacun à sa manière, s'est attaché à la
collecte des sources orales du chant, du folklore, dans ce que ce mot a de plus
essentiel, étymologiquement « the lore of the people », le savoir du
peuple. Ce qui permet de les réunir,
c'est l'hymnologie, qui, en tant que science des sources, dit l'auteur,
« ne se s'intéresse pas seulement au chant religieux », mais «
s'occupe du chant en tant que tel, depuis ses origines, dans et par ses
manifestations en tous lieux et tous temps ». À cet égard, ces musiciens « ont joué le même rôle, de
révélateur du passé à travers la recherche des sources », défendant et
valorisant « les traditions appartenant à trois langues imprégnées de
poétique, le morave, le finnois, l'anglais ». La première partie se concentre sur l'itinéraire biographique
croisé des trois compositeurs. Cette approche plurielle s'avère enrichissante
car elle révèle des affinités insoupçonnées, des admirations mutuelles, et un
dénominateur commun : leur pragmatisme, en particulier vis-à-vis de
l'appréhension du chant populaire, conçu comme une poétique musicale, en vue de
son intégration dans la musique savante. Car « musique populaire et musique savante sont
indéfectiblement liées ». La quête de vérité intérieure chez Janáček, la
recherche ethnologique, on les retrouve chez Vaughan Williams. L'Anglais admirait Sibelius et ce qui chez ce
dernier ressortit au sentiment national. Sa musique en est imprégnée, si marquée par l'hymnique. Chacune des autres
parties s'attache à analyser, pour chaque musicien, les œuvres essentielles,
dans l'optique choisie par l'auteur. Chez
Janáček, ce
sont les opéras Jenůfa, « ce drame psychologique
imprégné de folklore », et La petite renarde rusée, qui
« montre le fossé qui sépare la vie conventionnelle et plate de certains
hommes et la vie naturelle, instinctive, stoïque et grandiose de Bystrouška ». C'est l'univers du Kalevala, chez
Sibelius, et ce qui appartient aux mélodies runiques, dans La Fille de Pohjola op.49, et le cycle de Lemminkäinen, op.22 : ou « comment
l'homme, en quête d'insatiables plaisirs terrestres, est conduit inexorablement
à l'échec ». Pour ce qui est de
Vaughan Williams, qui se voit offrir l'exposé le plus détaillé, l'auteur se
penche d'abord sur la notion de folk-song et le concept de
« National Music ». Puis il analyse son grand œuvre, The
Pilgrim's Progress (Le voyage du pèlerin), depuis ses origines dans le
récit allégorique du poète puritain John Bunyan (1628-1688), jusqu'au
détail de sa composition : sa longue maturation, entre 1904 et 1952, sa
dramaturgie particulière basée sur l'élément religieux, à travers le
cheminement de son héros, Chrétien, « victorieux de la banalisation grâce
à sa foi en la justice ». Pour eux
tous, la mélodie est une forme d'expression du « calcul de
satisfaction » qui régit la vie intérieure de l'Homme. L'ouvrage est
assorti d'un dictionnaire biographique comprenant quelque 477 entrées, et
d'une bibliographie exhaustive. C'est
le qualificatif qui caractérise ce riche et stimulant livre.
Jean-Pierre Robert.
Marc BELISSA : Haendel en son temps. Ellipses (www.editions-ellipses.fr). 16 x 24 cm., 434 p., cahier
d’ill. sépia et couleurs. 24,40 €.
Réputé dix-huitiémiste,
Marc Belissa s’attache, cette fois, à ce « tonneau de porc et de bière », tel que Berlioz décrivait le
compositeur du Messie. Personnalité curieuse, inventive et
cosmopolite qu’il était certes nécessaire de débarrasser des multiples scories
accumulées depuis sa mort… C’est chose faite ! Ouverture : Portraits avec & sans perruque. Acte I : de Halle à Rome en
passant par Hambourg (1685-1709). Premier entracte : l’Angleterre de 1603 à 1737. Acte II : Haendel l’Anglais ou
l’acclimatation de l’opéra seria à
Londres (1710-1736). Deuxième entracte : l’Angleterre de 1737 à 1759. Acte III : de l’opéra à
l’oratorio (1737-1759). Épilogue : la postérité de Haendel,
icône britannique ou figure du cosmopolitisme musical ? En annexes : cartes, chronologie,
glossaire, catalogue, discographie, bibliographie, index.
Valentine DECHAMBRE (Sous la direction de) : Pascal Dusapin. Entretiens sur la musique & la psychanalyse. Préface : Richard Peduzzi. Postface : François Ansermet. « Psyché », Les Éditions nouvelles
Cécile Defaut (http://encd.fr). 14 x
22,5 cm, 186 p., ill. n&b. 18 €.
Il s’agit là d’une conversation
en quatre temps : Le flux, La trace, Le temps, L’inconscient, réalisée par des psychanalystes avec le
compositeur Pascal Dusapin. Avec, en ouverture : Lettre et variations puis L’espace
d’une inspiration (Valentine Dechambre) et Une garde-robe au paradis (Richard Peduzzi). En addendum : La composition & l’exercice de la parole (Jacqueline Dheret), Une musique du
paradoxe (Myriam Mitelman), Capter
la voix (François Ansermet), Mio sole (Valentine Dechambre), L’instant « Perelà » (Nathalie George), Un usage du « parlando » (Paulo Siqueira), Les timbres de l’humeur (Valentine Dechambre). En postface, François Ansermet
s’interroge sur Les paradoxes de la
création.
Jacques OFFENBACH : Notes d’un musicien en voyage. Précédées d’une notice biographique par
Albert Wolff (1876). « Opéra », éditions Cartouche (www.cartouche-editions.com). Diff. :
Les Belles Lettres. 16 x
20 cm, 160 p. 14 €.
Il s’agit là d’un recueil de
plaisantes anecdotes et impressions - souvent décalées – consignées par le
compositeur au fil d’un périple vers le Nouveau Monde : traversée en
bateau & mœurs de ses hôtes américains. Succulent !
Jack-Alain LÉGER : Place de l’Opéra. « Opéra », éditions Cartouche (www.cartouche-editions.com). Diff. : Les Belles Lettres. 16 x 20 cm, 88 p. 14 €.
Écrivain sulfureux et musicien
de la scène underground française,
Jack-Alain Léger a souvent publié des notices destinées aux brochures de
l’Opéra de Paris. Sous les auspices de
Jean Cocteau (« Quand une tête
dépasse, les étrangers l’admirent, les Français veulent la couper »),
en voici un florilège : « Je suis le Chevalier à la
rose ! », « Pour le plaisir », « Une secrète
malveillance », « Mais moi, je sais qui je suis ! »,
« Totus mundus agit histrionem »,
« Le silence partout, comme si le monde était mort… » , « Fair is foul and foul is fair »,
« L’ombre du désir », « Wagner l’antisémite », « Pour
Rossini… Aria d’ironia »,
« Le trio des adieux ».
Jean-Christophe BRANGER, Vincent GIROUD et alii : Présence du XVIIIe siècle dans l’opéra
français du XIXe siècle, d’Adam à Massenet. « Musique et musicologie », Université
de Saint-Étienne (http://publications.univ-st-etienne.fr). 15 x 21 cm, 496 p.,
ill. n&b, ex. mus. 30 €.
Il s’agit là des Actes du
colloque qui se déroula, en novembre 2009, lors du « Xe Festival Massenet »,
à l’Université de Saint-Étienne. Mise
en lumière de l’influence du XVIIIe siècle sur l’opéra du XIXe :
du Toréador (1849)
d’Adolphe Adam à la Manon (1884)
et au Chérubin (1905) de
Jules Massenet. Outre les Prolégomènes (Stephen Huebner),
trois grandes parties composent l’ouvrage : Modèles musicaux & historiques du XVIIIe siècle,
entre attirance et répulsion (Stéphane Lelièvre, Alban Ramaut,
Gérard Condé, Thierry Santurenne) / Nostalgie, pastiche & parodie du XVIIIe siècle (Stephan Etcharry, Ryszard D. Golianek, Charlotte Loriot,
Jean-Claude Yon, Pauline Girard, Sabine Teulon Lardic,
Vincent Giroud) / Interpréter
& mettre en scène le XVIIIe siècle (Julien Garde,
Michela Niccolai, Rémy Campos).
Sergiu CELIBIDACHE (1912-1996) : La musique n’est rien. Textes & entretiens pour une
phénoménologie de la musique (réunis & traduits de l’allemand par Hadrien
France-Lanord & Patrick Lang). Préface : Ida Haendel. Actes Sud (www.actes-sud.fr). 11,5 x 21,7 cm, 336 p.,
ex. mus. 29 €.
« Sur la phénoménologie musicale » (conférence prononcée en 1985
à Munich) est le seul texte théorique publié du vivant du célèbre chef
d’orchestre. Mais riche est le corpus
de ses écrits consignés en cahiers & de ses entretiens… Ensemble ici réuni sous trois rubriques :
Phénoménologie de la musique / Autour de Furtwängler / Musique &
méditation. Où est notamment abordé le
problème de l’essence de la musique : espace & temps musical, tempo,
transcendance du son… En annexes : Chronologie, Références des
textes, Celibidache aujourd’hui, Index
rerum et nominum.
Hélios AZOULAY : Tout est musique. Vuibert (www.la-librairie-vuibert.com). 14 x 21 cm, 192 p.,
ill. n&b. 16 €.
Sous les
auspices de Ben & de Paul Valéry (« Je n’hésite jamais à le déclarer, le diplôme est l’ennemi mortel de la
culture »), ci-git un florilège d’amères bouffonneries autour
d’Euterpe et de ses officiants.
Stéphane OLIVESI : L’expérience esthétique. Une archéologie des arts & de la communication. « Champion Essais,
14 », Honoré Champion (www.honorechampion.com). 15,5 x
23,5 cm, 452 p. 42 €.
Pour familière qu’elle soit, l’expérience
esthétique n’en demeure pas moins énigmatique – eu égard à l’extrême diversité
de ses logiques, conduisant d’aucuns à s’exprimer, produire, créer, contempler,
lire, écouter… cependant que d’autres commentent, classent, éditent, produisent,
répertorient…
Expliciter « comment ça communique », tel est le
propos de Stéphane Olivesi, professeur en Sciences de l’information à l’université
Lumière Lyon 2. Sous six rubriques :
Historicité, anhistoricité / Juger & classer / Du sujet en
art / De l’expérience esthétique du sens… au sens de l’expérience
esthétique / Représentation, narration, expression / Dynamiques de
l’expérience.
Marie-Pierre LASSUS : Gaston Bachelard musicien. Une philosophe des silences et des timbres. « Esthétique & sciences des
arts », Presses universitaires du Septentrion (www.septentrion.com). 20 x
20 cm, 270 p. 24 €.
Penser & sentir semblaient,
pour Bachelard, une seule et même chose : aussi - estime le philosophe - appartient-il
au musicien qui « entend par
l’imagination plus que par la perception » de nous apprendre à sentir
& penser un monde désormais soumis à une dé/perception, au profit de la
sensation. Enseignant à Lille 3,
Marie-Pierre Lassus a conçu son ouvrage en 8 parties :
Gaston Bachelard et la musique des éléments / Qu’est-ce que la
musique ? / Le postulat de non-analyse / Une ontologie de
l’invisible & de l’inaudible / La musique ou le chant de
l’alouette / Marcher-danser, nager / L’alchimie de la perception
& l’art de la musique / Rêver, penser, voir. Riche bibliographie.
Edmond COUCHOT : La nature de l’art. « Ce que les sciences cognitives nous révèlent sur le plaisir
esthétique ». Hermann (www.editions-hermann.fr).
15 x 23 cm, 316 p. 28 €.
S’adressant à un lectorat de
non-spécialistes mais suffisamment averti des choses de l’art, le présent essai
dresse un tableau général & historique de ce qu’ont apporté, en ce domaine,
les sciences cognitives. Neuf chapitres :
Sciences & technologies de la cognition (bref aperçu historique) /
L’expérience esthétique / Approches neurobiologiques des conduites esthétiques /
Les processus de la création artistique / L’empathie dans la communication
intersubjective / Les conduites esthétiques comme expériences
vécues / Le temps dans l’empathie / Évolution & culture, fonction
de l’art / Art & science. Index nominum et rerum.
Arts de la
synchronisation. Revue Circuit (vol. 22, n°1), Les Presses de l’Université de Montréal (www.revuecircuit.ca). 21,2 x 22,8 cm, 120 p.,
ill. n&b, ex. mus. 18 $.
Sommaire :
« Harmonie préétablie ? » (Jonathan Goldman),
« Synchronisme musical & musiques mixtes : du temps
écrit au temps produit » (Arshia Cont), « Composition
interactive : du geste instrumental au contrôle de l’électronique dans Synesthesia 4 : Chlorophylle »
(Cléo Palacio-Quentin), « Rien dans les mains… Light music de Thierry de Mey » (Barah
Héon-Morissette), « Unconducting the Self-Synchronizing Orchestra »
(Andrew Culver). Où est,
notamment, mis en lumière que - parmi les processus cognitifs impliqués dans la
synchronisation musicale - le phénomène de l’anticipation joue un rôle majeur.
Document :
« Sur l’aléatorisme (1962). Quelques notes en marge de Jeux vénitiens » de
Witold Lutoslawski » (Zbigniew Skowron).
Cahier d’analyse : Éclaircies à l’aube du XXIe siècle de Michel Longtin (François-Hugues Leclair). Brèves & recensions de spectacles.
Chantal CAZAUX : Giuseppe Verdi, mode d’emploi. Avant-Scène Opéra. 15 x 21 cm,
290 p., ill. n&b et couleurs. 25 €.
Par la très érudite rédactrice
en chef de L’Avant-Scène Opéra,
voici un « mode d’emploi » qui – n’en doutons pas – rendra de
signalés services. Où l’on suit Verdi,
de ses années de « galère » aux triomphes de la maturité… Au fil de cinq chapitres abondamment
illustrés : Points de repère biographiques / Études / Regards
sur les 28 opéras (d’Oberto, 1839,
à Falstaff, 1893) / Écouter
& voir / Repères pratiques. Ouvrage disponible en librairie & en PDF (via le site : www.asopera.com).
Marianne MASSIN et alii : Transe, Ravissement,
Extase. « Cahiers
d’Ambronay, 3 », Éditions Ambronay (www.ambronay.org) /
Symétrie (www.symetrie.com). 16 x 22 cm, 112 p.,
tableaux. 14 €.
Où sont décantées les plus
intenses manifestations – parfois paradoxales - de l’émotion
musicale : états de transe, de ravissement, d’extase… Grâce aux contributions
de personnalités issues d’horizons divers : Aline Tauzin
(« L’émotion musicale dans la civilisation arabo-musulmane »),
Marion Aubrée (« La transe : de la musique et de la
voix »), Marianne Massin (« La grâce fragile du ravissement
musical »), Sylvie Pébrier (« Écoute et ravissement dans
quelques scènes d’opéra baroque »), Pierre Kuentz (« Dramaturgie
de la bouche »), Violaine Anger (« Le plaisir musical suprême au
XIXe siècle : quelques pistes »), Bruno Moysan
(« La virtuosité romantique de Liszt comme expérience de la transe, du
ravissement et de l’extase »). De
tout nouveaux éclairages…
Jean-Michel VIVES : La Voix sur le divan. Musique sacrée, opéra, techno. « Psychanalyse »,
Aubier/Flammarion (www.editions.flammarion.com). 13,5 x 22 cm,
272 p. 22 €.
« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la voix sans jamais
oser le demander à votre psychanalyste », tel est l’ambitieux propos
de l’ouvrage. En six séances :
Petit conte psychanalytique sur l’origine d’une voix / La voix perdue des
castrats / Évolution du genre opéra : une irrésistible tension vers
le cri / Le féminin au risque de la voix / Pourquoi les adolescents
préfèrent écouter de la techno plutôt que leurs parents / Fiat vox !
Klaus HUBER (°1924) : Au nom des opprimés. Écrits et entretiens. Avant-propos
de Philippe Albèra. Envoi signé Brian Ferneyhough. Éditions Contrechamps
(www.contrechamps.ch). 14 x 22 cm, 310 p.,
ill. n&b, ex. mus. 25 €.
Aussi bien proche des mystiques que
des tenants de la théologie de la libération, Klaus Huber refuse « l’art
pour l’art ». Dénonçant
l’injustice, l’oppression, l’asservissement, la réification, ses œuvres
renvoient à des conceptions éthiques… Ainsi l’auteur se montre-t-il solidaire
de Mahmoud Darwich, Ernesto Cardenal, Ossip Mandelstam… L’ouvrage
comporte un choix d’essais & l’intégralité des notices écrites sur ses
propres œuvres. Planches de
salut ?
Stephen BROAD : Olivier
Messiaen : Journalism 1935-1939. Ashgate (www.ashgate.com). Relié sous jaquette. 16 x
24 cm., 170 p., ex. mus. 55 £.
Dans une première partie,
Stephen Broad (Royal Conservatoire of Scotland, UK) a – pour la première
fois - regroupé les articles originels publiés par Messiaen, de 1935 à 1939,
dans La Revue musicale, La Sirène (puis La Syrinx), Le Monde musical, La Page musicale et autres publications. Traduction
anglaise en seconde partie. Nombreux
exemples musicaux. En appendice :
Catalogue des articles (par titres, date, revues), notices biographiques (d’une
centaine de personnalités), bibliographie, index.
Oscar ODENA et alii : Musical Creativity : Insights from Music Education
Research. « Sempre
(Society for Education, Music & Psychology Research) », Ashgate (www.ashgate.com). Relié sous jaquette. 16 x
24 cm., 224 p., schémas, ex. mus. 50 £.
Comment
développer la créativité musicale ? Comment se nourrit-elle de l’improvisation collective ? Peut-elle
être un outil de communication en musicothérapie ? Telles sont les interrogations ici
développées par une équipe d’experts internationaux. Au fil de trois
chapitres : Conceptualizing musical creativity / Examples from
practice / Paths for further enquiry.
Leiling CHANG : Dialogues, temps musical, temps social. « Univers musical »,
L’Harmattan. 13,5 x 21,2 cm,
120 p. 13,50 €.
Docteur
en musicologie de l’Université de Montréal, Leiling Chang a rassemblé
divers essais autour du rôle social de l’expérience esthétique & de la
place des émotions dans l’ensemble des faits sociaux. Réflexion assortie de commentaires sur les Méditations pascaliennes de
Pierre Bourdieu - temporalisation, émotions & sentiments
temporels, sens de la vie…
Évelyne ENDERLEIN & Tatiana VICTOROFF (Textes
réunis par) : Pouchkine, poète de l’altérité. « Configurations littéraires », Presses
universitaires de Strasbourg (www.pu-strasbourg.com).
16,5 x 24 cm, 188 p., ill. n&b. 22 €.
Né des
rencontres qui se tinrent à Strasbourg à l’occasion de l’exposition
« Pouchkine illustré » (BNUS, printemps 2010), cet ouvrage
collectif met l’accent sur ce qui fit « l’altérité » d’un poète se
heurtant - sa vie durant - à l’hostilité de son propre milieu & des
autorités. Quatre parties :
Modernité de Pouchkine : nouveaux regards / Pouchkine, poète
européen / Pouchkine face au pouvoir / Pouchkine face à la
postérité. Comprenant notamment les
articles : Pouchkine, un Mozart
russe ? (Nikita Struve), Le
Don Juan russe : mythe national, héros apprivoisé (Katia
Goloubinova-Cennet), Pouchkine, le
malpensant, quelques réflexions à propos de Boris Godounov (Évelyne Enderlein)…
Allan
F. MOORE : Song Means : Analysing and Interpretating Recorded
Popular Song. « Popular
& Folk Music Series », Ashgate (www.ashgate.com). 15,5 x
23,5 cm, 412 p., figures, tables, ex. mus. 19.99 £.
Ce florilège
de quelque 20 ans d’écrits autour d’enregistrements de chansons (essentiellement
anglo-étasuniennes) comporte les chapitres suivants : Methodology, Shape, Form, Delivery, Style, Friction, Persona,
Reference, Belonging, Syntheses, Questions. Très nombreux exemples musicaux.
Christian GUTLEBEN & Michel REMY (Sous la
direction de) : Le refus. Esthétique, littérature, société, musique. « Cycnos », L’Harmattan. 15,5 x
24 cm, 254 p. 27 €.
Dans ce
volume consacré à « Nécessité et intempestivité du refus, formes &
stratégies », nous trouvons une vingtaine de communications (sur la
cinquantaine qui constituèrent le colloque organisé, en janvier 2011, à l’Université
de Nice). Au chapitre « Musique », trois communications :
« Du refus dans mon œuvre de compositeur » (Alain Fourchotte),
« Lulli refusé par Lully » (Annick Fiaschi-Dubois), « Refus de la
mondialisation musicale chez Bartók et Enescu » (Liliana-Isabela
Aposyu Haider).
Françoise CLAUS et alii : L’histoire des arts
et les maîtres de l’école primaire. « Ressources Formation / Enjeux du système
éducatif », CNDP/CRDP de l’académie de Toulouse (www.sceren.com). 18 x 25 cm, ill. couleurs, Cédérom inclus.
25 €.
Dans une
première partie, sont rappelés le sens & les enjeux de l’Histoire des arts,
dessinés les processus de mise en œuvre de son enseignement en Primaire ;
il est, en outre, insisté sur le rôle de cette discipline dans la formation du
futur citoyen & sur sa contribution à l’acquisition d’une culture humaniste
et la maîtrise de la langue. La seconde partie propose de nombreuses
ressources pour son enseignement au cycle 3 - en lien avec le programme
d’Histoire. Des entretiens avec de grands artistes enrichissent l’ouvrage :
Paul Andreu, Philippe Beaussant, William Christie, Thierry
Crépin-Leblond, Pierre Encrevé, Cédric Klapisch. Précieux cédérom – autour, notamment, de
l’opéra Hippolyte et Aricie de
J. Ph. Rameau.
Annie BACHELARD, Daniel COULON &
Jean-Paul LOISY : Musique au quotidien. De la Maternelle au CE1. Scérén/CRDP de l’académie de Dijon (www.ac-dijon.fr/crdp). 20,5 x 29 cm, 290 p.,
ill. n&b, ex. mus. 2 CDs. 69 €.
L’ouvrage
s'adresse aux enseignants « de la Maternelle au CE1 », quelle que
soit leur maîtrise du langage musical. Avec
les CDs inclus, il fournit la matière nécessaire pour explorer en classe
différents domaines : chant & jeux vocaux, écoute, activités
rythmiques, corporelles, instrumentales ou de codage/décodage... Plus de 100 fiches pédagogiques donnent
l'assurance de développer progressivement, chez les élèves, des compétences à
la fois techniques et artistiques, mettant en jeu sensibilité et imagination. Les auteurs proposent deux utilisations
possibles : soit en suivant l'ordre chronologique des fiches, soit en suivant
dix parcours thématiques. Les CDs comportent
plus de 90 extraits : chansons, œuvres musicales ou extraits sonores
nécessaires à la mise en œuvre des séquences. Un formidable outil !
Valérie KLEIN & Baptiste BUOB : Luthiers, de la main
à la main. Actes Sud (www.actes-sud.fr) / Musée de Mirecourt.
19,6 x 25,5 cm, 192 p., ill. n&b et couleurs. 39 €.
Catalogue
de l’exposition éponyme qui se tiendra à Mirecourt jusqu’au 31 décembre
2013 (www.musee-lutherie-mirecourt.fr),
ce somptueux ouvrage (remarquable iconographie historique) propose : Artefacts (La juste mesure du violon / Trois générations de
fabricants de guitares au XIXe siècle / Chronique
épistolaire de la crise des années 1950-1960 / Une dynastie
d’archetiers : les Bazin / Mirecourt & la facture
instrumentale, historique), Art de faire (De quelques idées reçues en lutherie / Du vol à l’appropriation du
savoir / Les gestes du luthier / De la main à l’oreille). En annexes : résumés des articles
(en français & anglais), bibliographie.
Alain POULANGES : Boby Lapointe ou les
mamelles du destin. Préface de
Pierre Perret. L’Archipel (www.editionsarchipel.com). 14 x 22,5 cm, 254 p., album
de photos n&b. 19,94 €.
Inoubliable Boby Lapointe
(1922-1972), pour ceux qui eurent le privilège de l’entendre au
Cheval d’or, à l’Échelle de Jacob ou au Port du
Salut ! Chansons loufoques,
surréalistes, truffées de virelangues, d’onomatopées et de calembours que découvriront
- avec bonheur - les nouvelles générations : Aragon et Castille, Bobo Léon, Avanie et
framboise, L'Hélicon, Ta Katie
t'a quitté, L'été où est-il ?, La Maman des poissons,
L'Ami Zantrop… Merci à
Alain Poulanges d’avoir réalisé - pour le 40e anniversaire
de sa disparition - la biographie d’un génial virtuose de « l’à-peu-près ».
Dans leur collection « Voix du Monde », les
éditions Demi Lune (www.editionsdemilune.com) publient une série de biographies dédiées aux grandes
figures des musiques du monde (13 x 18 cm, 150-200 p.,
ill. n&b, 14-15 €).
·
Sont déjà parues : Cesaria Evora / Nusrat Fateh Ali Khan /
Youssou N’Dour / Salif Keita.
·
Viennent de paraître : Caetano Veloso, l’âme brésilienne (Ricardo Pessanha &
Carla Cintia Conteiro), Fela Kuti, le génie de l’Afrobeat (François Bensignor).
·
À paraître : Gilberto Gil /
Ravi Shankar / Astor Piazzolla / Manu Dibango…
Régine DETAMBEL : Opéra sérieux, roman. Actes Sud (www.actes-sud.fr).
11,5 x 21,7 cm, 144 p. 14,5 €. Version numérique.
Plus encore que l’histoire
d’Elina Marsch (qui, née en 1926, aura grandi en compagnie de célèbres
cantatrices, maîtresses de son père, ténor préféré de Janáček), Opéra sérieux est le roman de la
voix - fascinante, apaisante ou terrifiante - d’Elina, qui ne saurait imaginer…
ce que peuvent bien faire les gens lorsqu’ils ne chantent pas !
Max GENÈVE : Virtuoses, roman. Serge Safran (www.sergesafranediteur.fr ). 14 x 21 cm, 400 p. 19,50 €.
Voilà qui couronnera joyeusement
vos lectures estivales ! (en librairie le 23 août…) Admirablement
écrit, ce « polar » vous plongera dans les aventures étasuniennes d’un
cinéaste européen - amant d’une célèbre jeune violoniste, sur laquelle il doit
réaliser un film pour Arte. Rattrapé
qu’il sera par son passé de reporter dans les pays du Golfe, lorsqu’il filmait le
commandant Massoud, Oussama ben Laden et autres personnages diversement recommandables… Soit le livre d’un grand écrivain - fort
versé, de surcroît, dans les problématiques musicales.
POUR LES PLUS JEUNES
Y a d’la joie ! Album/CD
« Tralalère » illustré par Thibault Prugne, incluant la chanson
de Charles Trenet. Casterman (www.casterman.com). 23 x
23 cm, couverture cartonnée, 14 p. couleurs. 9,95 €.
À lire et à chanter ! Ravissantes
illustrations sur Paris…
Francis Cousté.
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Anthologie, chant grégorien et polyphonie. Jade (www.jade-music.net) : 699
753-2. TT : 76’53.
Réalisée en 2002 par le Chœur des Pères norbertins (ou prémontrés)
de l’Abbaye Saint-Michel, au sud de Los Angeles (Californie), communauté
fondée en 1957 par des prêtres hongrois, cette sélection de 18 pièces
donne un aperçu éloquent du répertoire norbertin. Par exemple : des chants
liturgiques traditionnels (7 Traits ; Introït, Alleluia, Offertoire,
Communion, Répons…), ou encore 4 pièces polyphoniques de
G. P. da Palestrina : Tu
nobis dona, Arbor decora, Ave Maria, Panis angelicus qui s’imposent par l’indépendance des voix
d’hommes, le caractère calme et méditatif. À noter : une pièce appartenant à la liturgie
norbertine, plus développée, chantée après les fêtes pascales : Exultet jam angelica turba caelorum (Que la musique angélique tressaille de joie
dans les cieux) ; à l’introduction monodique, succèdent versets et
répons ; la suite traduit la joie, invoque la miséricorde divine ;
l’ensemble se termine sur une prière : Que
le cierge « brûle durant toute cette nuit pour nous en dissiper les
ténèbres… que l’étoile du matin le trouve encore allumé », chantée
avec émission vocale plus directe et très différente de celles de
Solesmes ; de plus, les auditeurs seront frappés par la prononciation
spécifique du latin par des Américains… et un legato qui peut sembler excessif. Ce répertoire prévu pour divers
temps liturgiques : Noël, Pâques, Pentecôte, entre autres, montre que,
parallèlement à l’observance monastique, le chant « grégorien »
occupe une place de choix à côté de la pratique polyphonique.
Canzoni et Madrigali passaggiati. Hybrid’Music
(www.hybridmusic.com) : H1828. TT : 50’21.
Ce disque propose une petite anthologie de musique italienne des
XVIe et XVIIe siècles comprenant des pièces reposant sur
des thèmes de chansons bien connues et à la mode, comme, par exemple, Suzanne ung jour qui a inspiré tant de
musiciens, ou de madrigaux comme Io son
ferito, ahi lasso, ainsi que 2 Canzoni (G. Frescobaldi, B. de Selma), 1 Capriccio (G. Frescobaldi) pour orgue et cornet et 1 Partita pour orgue seul. Il offre une triple démonstration. D’abord,
avec l’association de timbres : cornet à bouquin (qui se prête
parfaitement à la vocalité), cornet muet, flûte à bec et orgue) ; puis, la
perception de l’accord mésotonique de l’orgue, de la flûte à bec soprano
(accordée en la = 466) ;
enfin, l’art de la diminution (passages rapides autour de la mélodie d’origine)
en usage, instrumentistes et chanteurs ayant l’habitude d’improviser,
d’inventer des lignes musicales, d’introduire des diminutions et des Passaggiati selon les théories exposées
par Giovanni Battista Bovicelli dans son Traité : Regole, passaggi di musica (1594), bref
de pratiquer l’ornementation en virtuoses. Cette réalisation, reprenant cette
habitude du XVIIe siècle, propose des versions instrumentales, avec
le concours d’Eva Godard (cornet à bouquin) accompagnée à l’orgue par
Arnaud Van de Cauter qui se produit aussi en soliste dans la Partita (très développée) sopra l’aria della Romanesca. Ces pièces
brèves associent par exemple Cyprien de Rore et Richardo Rogniono,
G. Palestrina et G. B. Bovicelli, Thomas Créquillon et
Girolamo dalla Casa… Un modèle du genre tant par la qualité de la
démonstration que par la musicalité de l’interprétation très fidèle à
l’esthétique du temps.
Vesperae Bohemicae (Ceske nespory). Radioservis
Distribution. CD Diffusion (info@cddiffusion.fr 28, route d'Eguisheim, BP 4, 68920 Wettolsheim) : CR0321-2-131. TT : 48’53.
À l’époque baroque, les Vêpres (Nespory), prières du soir,
appartenant à la liturgie catholique, évoluent vers l’esthétique du concert,
permettant à la fois aux chanteurs et aux compositeurs de faire preuve de leurs
talents vocaux et techniques. Débutant
par l’intonation grégorienne, elles peuvent être chantées selon la pratique
alternée (alternatim praxis)
entre soliste et fidèles, ou orgue (ou autre instrument) et chœur qui se
répondent ou s’unissent. Au XVIIe siècle, les compositeurs exploitent la basse continue, utilisent des
instruments solistes et préconisent la traduction figuraliste musicale des
images et des idées du texte, selon les règles de la rhétorique et le principe
de l’ornementation. Traditionnellement, ces Vêpres commencent par l’exclamation extraite du Psaume 70 (69) : Deus in adjutorium meum
intende (Seigneur, viens à mon
secours), suivi d’une lecture chantée, des versus et responsorium,
d’une hymne strophique et du Magnificat,
ainsi que d’une prière (Oratio) et,
en réponse, du Benedicamus Domino conclusif. Mais cette ordonnance sera
simplifiée au profit de la forme de l’antienne harmonisée. L’ensemble des Vêpres doit se terminer dans la
méditation et le calme. Ce disque comporte 22 plages avec, d’une part, des
œuvres brèves du Pater Albericus Mazak (1650) à découvrir,
d’Adam Vaclav Michna (1648), Andreas Hammerschmidt (1649), de
Philipp Jakob Rittler (1659), Johann Josef Flixi (avant 1662) et
Wendelin Hueber (1650) ; d’autre part, plus proches de nous, des
pages provenant du Liber usualis (Rome, 1927). Les Prague Chamber
Singers sont fidèles à la tradition vocale du XVIIe siècle, avec
uniquement des voix d’hommes, pratiquent la prononciation italienne du latin
généralement en usage en Moravie, et privilégient le fondu et la justesse des
voix, ainsi que l’atmosphère de calme et d’intériorité inhérente aux Vêpres. Cette réalisation avec un programme assez
neuf dans la production discographique d’Europe de l’Est mérite amplement
l’attention des mélomanes curieux.
J. S. BACH : Cantates
BWV 170 & 35. Zig Zag Territoires (stephanie@outhere-music.com) : ZZT 305. TT : 72’56.
L’ensemble Le Banquet céleste propose 2 Cantates de Jean-Sébastien
Bach. La Cantate 170 : Vergnügte Ruh, beliebte Seelenlust (Bienheureuse paix, bien aimée béatitude)
créée à Leipzig le 28 juillet 1726, se rattache à la catégorie des cantates à
une seule voix. Elle comprend
3 Airs entrecoupés de 2 Récitatifs sur le livret de Georg Christian
Lehms. Le Cantor de Leipzig fait appel notamment au hautbois d’amour (son
instrument de prédilection) et au violon pour traduire la paix profonde et
l’harmonie céleste si bien exprimées par la voix agréable et calme de
Damien Guillon, contre-ténor et chef qui, grâce à un travail minutieux et
approfondi, tire le meilleur parti de l’orchestre. La Cantate 35 : Geist und Seele wird verwirret (L’esprit
et l’âme sont confondus) sur le livret du même poète, plus développée, a
été créée à Leipzig le 8 septembre 1726. Comme la précédente, elle ne comporte pas de choral. Son effectif
comprend hautbois, taille, violons, alto, orgue obligé & continuo. Elle commence par une sinfonia bien enlevée un peu à la manière d’un concerto de soliste
réservant un rôle important à l’orgue. Son idée générale repose sur la
contemplation et la louange, la consolation et la confiance. Après une autre sinfonia, un chant d’exultation évoque
aussi les douleurs de la vie si bien ressenties par le remarquable soliste. Ce CD est complété par deux pièces d’orgue
redoutables interprétées à l’orgue Thomas (2007) de l’Église réformée
du Bouclier, à Strasbourg, par Maude Gratton. Dans la Sonate en trio n°3 en ré mineur,
BWV 527, elle s’impose par sa solide technique et son indépendance aux
claviers et pédalier et, dans la Fantaisie
et Fugue en sol mineur, BWV 542,
par son énergie, son excellent tempo et son sens précis de la construction. Ce CD, qui a aussi le mérite de compléter le
répertoire de cantates pour voix seule, se devrait de figurer dans toute
discothèque de musique religieuse baroque.
Albert SCHWEITZER spielt Orgelwerke / plays
organ works. 4 CDs Musée A. Schweitzer, F-68140 Gunsbach (http://www.schweitzer.org/french/assoc/asfgun.htm) :
FABFOUR 233041. TT : 63’40 + 76’25 + 78’59 +
76’24.
Albert Schweitzer (1875-1965), Prix Nobel de la Paix (1965), le « grand
docteur blanc » est aussi théologien, pasteur luthérien, philosophe,
hymnologue et organiste. Ses penchants
vers le romantisme à la fois pour le répertoire et la facture d’orgue sont bien
connus. Ce coffret en est en quelque sorte l’illustration avec, pour la facture
d’orgue, les instruments historiques de l’église paroissiale de Gunsbach
(simultaneum), de All Hallows Church, Barking by the Tower (Londres),
l’orgue Silbermann de Sainte-Aurélie (Strasbourg) ; pour ses goûts
des œuvres J. S. Bach, F. Mendelssohn-Bartholdy et C. Franck,
entre autres. Ces disques permettent de mieux saisir ses conceptions
esthétiques reflétées par ses propres interprétations à l’orgue, marquant toute
une époque… Les enregistrements
remontent à 1935 (Sainte-Aurélie et Londres), 1936-37 et (Sainte-Aurélie) et
1951-52 (Gunsbach) : d’où l’intérêt non seulement historique, mais encore
révélateur de ses mentalité et sensibilité musicales bien particulières dans
l’interprétation de nombreux Préludes de
chorals, Préludes et Fugues, Passacaille, Fantaisie et Fugue de J. S. Bach. La Sonate, op. 65, n°6
de F. Mendelssohn-Bartholdy est redoutable, avec la citation de la
paraphrase allemande (M. Luther) du Notre Père et sa mélodie conjointe énoncée dans un tempo propre à A. Schweitzer,
avec le thème de la Fugue exposé en
un legato soutenu. Enfin, malgré l’acoustique peu favorable, le 4e CD
se termine aux accents bien romantiques, puis majestueux des 3 Chorals de C. Franck.
Curiosité esthétique et organistique.
André CAPLET : Le Miroir de Jésus. Rondeau Production (www.rondeau.de) : ROP 6055. TT : 60’53.
L’œuvre
d’André Caplet (1878-1925) a été quelque peu oubliée
par la postérité. Il a, entre autres, composé le Miroir de Jésus sur 15 petits
poèmes du poète Henri Ghéon (1875-1944) sur les saints mystères du
Rosaire. Après le Prélude annonçant
le titre, l’œuvre est structurée en 3 parties : Miroir de joie, Miroir de peine et Miroir de gloire. Le texte évoque les moments décisifs de la vie du
Christ : Annonciation, Nativité, Présentation au Temple ; agonie,
flagellation jusqu’à la Crucifixion ; Résurrection, Ascension, Pentecôte,
Assomption jusqu’au Couronnement au ciel. A. Caplet tire le meilleur parti de ces brefs poèmes en
strophes rimées de 4 vers très évocateurs, à la fois descriptifs et
lyriques, parfois impressionnistes à la manière de Cl. Debussy. Le Chœur de filles (Mädchenchor) de Hanovre fait preuve d’une excellente prononciation
de la langue française, ce qui n’est pas le moindre mérite pour un ensemble
vocal allemand, d’une extrême justesse dans l’aigu, d’une précision dans les
vocalises, résultat d’un travail acharné et en profondeur. Ce chœur, avec le concours d’Esther Choi
(mezzo-soprano), de Teresa Zimmermann (harpe) et d’un orchestre de cordes,
est placé sous la direction si sensible de Gudrun Schröfel qui a
parfaitement assimilé et transmis l’esprit de cette page méditative. Le
Miroir de Jésus, œuvre si originale, dans laquelle sont associés tradition
médiévale, chant alterné entre soliste et chœur, et langage musical
contemporain, est réhabilité grâce à cette belle « Défense et
illustration » réalisée en Allemagne par des interprètes qui ont bravé les
difficultés phonétiques de la langue française. Cette version de référence a
droit aux plus vifs éloges.
Jaroslav
KRČEK : Oratorio Ten, ktery jest / The One Who Is. Arcodiva : UP 0144-2
131. CD Diffusion (info@cddiffusion.fr ; 28, route d'Eguisheim, BP 4, 68920 Wettolsheim). TT : 74’47.
Lors de
l’écoute, pour comprendre le sens de l’oratorio : Ten, ktery jest / The One Who Is (Celui qui est), en langue tchèque, il est indispensable de suivre
la traduction anglaise du livret. Cet
enregistrement a été pris sur le vif, lors du concert (6 mars 2011) de la
Société anthroposophique de la République tchèque, pour commémorer le 150e anniversaire de la naissance de Rudolf Steiner (1861-1925), fondateur de
l’anthroposophie. Très inféodé à l’héritage national, J. Krček (né
en 1939, en Bohême du Sud) a le don d’exploiter des mélodies populaires et d’en
tirer le meilleur parti dans des œuvres symphoniques. Le livret, influencé par
la Christologie de R. Steiner,
comprend des citations bibliques (Sermon
sur la montagne, Évangile de Jean),
des textes apocryphes (Évangile de
Thomas-Didyme) et quelques extraits
du livre du réformateur tchèque Jan Amos Comenius (1592-1670) se situant
dans le sillage des Frères moraves. L’oratorio comporte 3 parties : 1. Des pierres au pain. 2. Notre Père. 3. Le Verbe. Dans la 1re,
le récitant (la Voix) dialogue avec Jésus et sa mère ; dans la 2e,
le récitant, la voix du tentateur, le Christ, le chœur interviennent. La 3e se présente davantage, après
l’introduction confiée au récitant, comme un dialogue entre le Christ et le
chœur. D’une manière générale, cette œuvre concerne la vie et le message du
Christ, et se termine par l’affirmation du
chœur : « L’obscurité s’est transformée en pierre. Ce qui était n’est
plus… « Seuls l’amour et la
foi sont éternels, celui qui aime ne mourra pas ». Ce disque a été réalisé avec le concours de 3 solistes :
Edita Adlerova (mezzo-soprano), Roman Janal (baryton), Alfred Strejcek
(récitant), de l’Orchestre philharmonique de Pilsen et du Chœur philharmonique de Prague qui n’ont pas
ménagé leurs efforts pour respecter les intentions du compositeur dirigeant sa
propre œuvre : ce qui représente une réelle garantie d’authenticité.
Shakespeare 21. Rondeau Production (www.rondeau.de) : ROP 6056. TT : 55’49.
Dans cette anthologie hors des
sentiers battus, les poèmes de William Shakespeare (1564-1616), écrits à
la charnière entre le XVIe et le XVIIe siècle, sont
transposés dans le langage musical de notre temps, tels qu’ils ont été traités
par 8 compositeurs dont les plus célèbres sont incontestablement l’Anglais
Ralph Vaughan Williams (1872-1958) et le Suisse Frank Martin
(1890-1974) ; les moins connus : les Suédois Sven-Eric Johanson
(1919-1997) et Sven Hagvil (°1953) et l’Italien Fabio Nieder (°1957)
résidant en Allemagne. Les thèmes évoqués sont, entre autres, Orphée avec son
luth, la belle Silvia, les Sirènes... ; des lieux (tours, palaces,
temples...), mais encore la nature (arbres, vent, sable, hiver et l’éternel été...) ;
des sentiments et états d’âme (amour, rêve...). Ces œuvres sont extraites notamment de King Henry VIII, des Songs, A Midsummer Night’s Dream, Fancies (I et II), The Tempest, As You
Like It... Des interprètes de
premier ordre : Johanna Marie Hennig (piano), Anna Betina Diouf
(alto), Anke Franzius (harpe), Snezana Nesic (accordéon), Dörte Siefert
(percussions) et le Kammerchor Hannover font mieux connaître, voire
découvrir, ces pages de Shakespeare. Ces
instrumentistes et le Chœur de chambre de Hanovre, dirigés en connaissance de
cause par Stephan Doormann (issu d’une famille de cantors d’Allemagne du
Nord et fondateur, en 2007, du Kammerchor Hannover), ont signé cette
incontournable anthologie pour le plaisir des anglicistes, des mélomanes et
discophiles.
Adriaen WILLAERT : Vespro della beata Vergine. Ricercar (stephanie@outhere-music.com) : RIC 325. TT : 79’30.
Récemment, les Vespro della
beata Vergine ont retenu l’attention des éditeurs de disques depuis le
grand succès des Vêpres de
Monteverdi. Les Vêpres (de vespera, soir), célébrées de 17h à 18h,
comprennent un verset d’ouverture (Deus
in adiutorium), 5 psaumes, une lecture du chapitre, une hymne, un Magnificat avec antienne, des prières
et, pour terminer, le Benedicamus Domino.
Adriaen Willaert (1490-1562) a lui aussi composé des Vespro della Madonna (Venise, 1555). Ces pièces, régies par le
principe de la pratique alternée (Alternatimpraxis)
entre grégorien et polyphonie d’un verset à l’autre, nécessitent donc
l’alternance d’un groupe soliste et d’un autre groupe à plusieurs voix par
partie. Le programme, provenant du
recueil Di Adriano [Willaert] e di Iachet [de Mantoue] i salmi appartenenti alli Vesperi publié par A. Gardane en 1550, regroupe des extraits de plain-chant ;
des Salmi con le sue risposte :
Psaumes 109 : Dixit Dominus à 8 voix (Jachet de Mantua (1483-1559) : 1er chœur
– Willaert : 2e chœur), 121 et 126 ; d’autres Psaumes (112, 147). Chaque pièce est précédée de son intonation
grégorienne suivies du développement polyphonique en contrepoint simple ou avec
des entrées successives. La musique d’orgue est représentée par deux Toccate d’Annibale Padovano
(1527-1575), organiste à San Marco aux côtés de Willaert, deux Ricercar de Willaert,
interprétés par Joris Verdin à l’orgue Lorenzo da Prato
(1471-75) et Giovanni Fachetti (1531) de la basilique de San Petronio,
à Bologne. C’est le mérite de Dirk Snellings, à la tête de La Capilla
Flamenca, d’avoir fidèlement reconstitué ce service vénitien de Vêpres pour
plusieurs chœurs en l’honneur de la Vierge Marie et de l’avoir replacé
dans le cadre de l’histoire de la musique pour double-chœur. Ces Vêpres s’imposent par la justesse et le
fondu des voix, par leur musicalité, leur expression profonde et leur
intériorité.
Thomas Luis da VICTORIA : La Fiesta de Pascua en Piazza Navona. 2 CDs Lauda Musica : LAU 012. Diffusion : Outhere (stephanie@outhere-music.com). TT :
52’ + 52’53.
Tomas Luis da Victoria (1548-1611) se rattache à la Confrérie
espagnole de la Résurrection active à l’église San Giacomo, à Rome où elle
devait prendre en charge la procession qui avait lieu à l’aube sur la
place Navone : d’où le titre de cette production. En fait, elle associe des pages non seulement
de T. L. da Victoria, mais encore de Jacobus de Kerle,
musicien allemand défenseur de la polyphonie attaquée par les Pères du Concile
de Trente (1545-1563) ; des musiciens italiens
G. P. da Palestrina, G. M. Asola, G. Animuccia,
et espagnols Francisco Guerrero, Fernando de las Infantas… Le
programme prévoit d’abord les Matines et Laudes (avec des motets, psaumes,
antiennes et hymnes) ; puis la Procession (avec ces mêmes formes, y
compris des fanfares instrumentales) ; et, enfin, la Messe, les Vêpres et
les Complies. Au total : 25 pièces offrant un aperçu de ces
festivités pascales et processions précédées par une fanfare de trompettes. Elles illustrent le rôle capital accordé à
ces cérémonies dans l’église et autour de la place Navone. La Grande Chapelle, placée sous la
direction d’Albert Recasens, a réalisé un remarquable enregistrement en
première mondiale qui intéressera aussi bien les discophiles curieux que les
historiens de la musique et des sensibilités religieuses en Italie dans la
mouvance de la Contre-Réforme.
César FRANCK : Œuvres posthumes et inédites. 2 CDs Ricercar (stephanie@outhere-music.com) : RIC 324. TT : 53’37 + 51’56.
L’œuvre d’orgue de C. Franck (1822-1890) est surtout connue par
ses 6 Pièces, 3 Pièces, 3 Chorals publiés entre 1868 et 1890 souvent interprétés. Pour les rendre dans les meilleures
conditions de timbre et d’acoustique des œuvres posthumes et inédites,
Joris Verdin a eu raison de sélectionner l’orgue de la cathédrale de Saint-Omer,
comme le précise J.-M. Fauquet : « un Cavaillé-Coll ancien, où les plans
symphoniques ne sont pas encore figés, avec un habillage plein-jeu classique,
un grand chœur massif et une multitude de possibilités de combinaisons de
jeux de fond et de solos ». Les
discophiles pourront découvrir, en 2 disques, 37 pièces posthumes (Offertoires, Grands Chœurs, Préludes,
2 Amen, 1 Gloria, 1 Sortie et plusieurs Allegretto et Andantino…) ainsi qu’un Petit Offertoire inédit. Dans de nombreuses pièces, Franck s’impose
comme organiste liturgique selon la pratique du XIXe siècle,
avec Entrée, Offertoire, Élévation, Communion et Sortie, devant aussi dialoguer pour l’Introït, le Gloria, Sanctus et Ite missa est (mais ne devant pas alterner avec le Credo entièrement chanté). Il se souvient des thèmes de plain-chant (Ave maris stella), mais aussi des Noëls français de N. Saboly (Mes bonnes gens, attendez-moi ; Venez, divin Messie…), compose aussi des
pièces libres pouvant aller jusqu’au style symphonique. L’excellent organiste J. Verdin précise
qu’il n’a pas toujours respecté les registrations indiquées par le
compositeur ; toutefois, par ses registrations adéquates, il en restitue
toute l’atmosphère. En ce sens, il a le mérite de révéler aux discophiles et
organistes la « face cachée » de la production de C. Franck.
Édith Weber.
« La lira di Napoli ». Joseph HAYDN : Notturnos pour deux lyres organisées, deux clarinettes en ut, deux cors, deux altos & basse, n°1
en ut, et n°2 en fa. Concerto pour deux lyres organisées, deux violons, deux altos, basse
& deux cors, n°3, en sol. Wolfgang Amadeus MOZART : Concerto pour deux lyres organisées, deux
cors & cordes. Vincenzo ORGITANO : Sinfonia n°3. Ignace PLEYEL : Notturno pour deux lyres organisées, deux
clarinettes en ut, deux cors, deux
altos & basse. Matthias Loibner,
Thierry Nouat, Tobie Miller, lyres organisées. Ensemble Baroque de Limoges, dir. : Christophe Coin. Laborie : LC07. TT : 66'06.
La lyre organisée est un
instrument hybride qui tient de la vielle et de l'orgue. Mélange d'une vielle à
roue et de tuyaux d'orgue, elle permet de marier le timbre et le phrasé clairs
de l'instrument à vent avec la dynamique et la flexibilité de l'instrument à
cordes. Elle se joue toujours en duo.
C'est le roi Ferdinand IV de Naples qui la popularisa, la jouant lui-même. Il fit appel aux compositeurs de
passage à la cour, notamment viennois, fasciné qu'il était par la culture
autrichienne : Joseph Haydn, en particulier, qui coucha sur la papier
pas moins de 5 concertos et 8 nocturnes. Le maître d'Esterháza, qui
aimait les sonorités inaccoutumées, y trouvait matière à satisfaire une
inventivité mélodique légendaire. Ainsi les deux Notturno gravés ici sont-ils imaginatifs, particulièrement lorsque
les lyres sont alliées à la clarinette aiguë. Le Concerto n°3, d'un sûr classicisme, met peut-être plus encore
en valeur cette curieuse et rare combinaison : par exemple, lorsqu'à
l'allegro con spirito initial, les deux lyres dialoguent avec le cello, ou dans
un finale quasi dansé, sorte de scherzo agrémenté de ce qui semble être un
trio. De même, Ignace Pleyel, dans son propre Nocturne, utilise-t-il les diverses façons de sonner des
instruments : proche de la vielle dans la « marcia » initiale,
élargissant le spectre pour un effet militaire amusant, ou assimilable à l'orgue, à l'andante. Le finale unira les deux manières. La lyre
peut aussi participer au tutti orchestral, comme dans la brève Sinfonia d'un certain Vincenzo Orgitano
(1738-1815), précepteur des filles du monarque napolitain : les lyres sont
intégrées dans les vents. Quant au Concerto
en fa de Mozart, morceau dont l'attribution est sujette à caution, il offre
un traitement intéressant de l'instrument, exploitant au mieux ses possibilités
techniques et sa tessiture, comme le constate Matthias Loibner. Ainsi
d'une cadence au premier mouvent, et de diverses manières, tour à tour
chantante à l'arioso cantabile, et enjouée au rondo final, agrémenté de
quelques traits spirituels. Mozart connaissait l'existence de la vielle à roue,
pour l'avoir utilisée dans ses Danses
allemandes K. 602. Il s'est
arrêté à Naples lors de son périple italien de 1768. Et le manuscrit dudit
concerto est conservé dans la bibliothèque de Naples. Autant d'indices... En tout cas, s'il
n'est pas de sa main, il en est une belle imitation. Alors qu'il n'existe
pratiquement plus d'instruments de ce type, à part dans quelques musées,
l'Ensemble Baroque de Limoges en a fait reconstituer deux, à l'initiative de
Christophe Coin. Le résultat est
passionnant : Coin et ses collègues se font une fête de ces harmonies
envoûtantes. Ce CD est à rapprocher d'un autre volume, intitulé « deLirium »
(LC03), consacré à Joseph Haydn, comportant, entre autres, le Concerto n°1 et le Notturno n°3 pour deux lyres
organisées.
Georg Philipp TELEMANN : « Quixotte &
La Changeante ». Concertos en fa majeur pour trois violons, TWV 53, en sol majeur pour
alto, TWV 51, en do majeur pour deux violons, TWV 52. Suites
« Burlesque de Quixotte », en sol majeur, TWV 55/10, « La Changeante » en sol mineur, TWV 55/2. Europa Galante, dir. Fabio Biondi. CD agOgique : AGO005. TT : 71'57.
La production considérable de
Telemann n'est jamais aussi captivante que lorsqu'il est question de la petite formation chambriste. Le présent disque en donne un aperçu
significatif. Les concertos adoptent le schéma tripartite italien, le ou les
solistes n'étant soutenus que par les cordes et la basse continue. Mais le modèle est transcendé, car ils offrent
une large dynamique aux mouvements extrêmes, qui tranche avec le caractère plus
pensif du passage médian. Ainsi, le Concerto
pour trois violons, qui appartient à la série de la Tafelmusik,
musique de table, est-il bondissant, tandis que les entrelacs des solistes
soutiennent la cantilène du largo. Le Concerto
pour deux violons, de sa ritournelle obstinée, mais pas obsédante, se
différencie de Vivaldi, et le chant à deux de l'adagio est d'une remarquable
discrétion. Bâtie sur le modèle de la sonate « da chiesa »,
lent-vif-lent-vif, le Concerto pour alto, quasiment le premier livré à cet
instrument, offre un chant progressant majestueusement aux premier et troisième
mouvements, mesurés, alors que les deux autres séquences sont coulantes, voire
fougueuses au presto final. Mais
l'originalité du programme réside dans les deux suites. Celle dite
« Burlesque de Quixotte », passée son Ouverture tripartite, dans le
goût français, dresse, en six épisodes, un portrait suggestif du Chevalier de
la Longue Figure. Le piquant le dispute
au pénétrant. Telle la désopilante « Son attaque des Moulens a
Vent », à la rythmique preste qui ménage quelques ruptures saisissantes,
ou « Ses soupirs amoureux auprès de la Princesse Dulcinée », aux
délicieux tressaillements, légèrement exagérés, pour évoquer l'aimable
insistance à se faire entendre. Ou
encore « Le Galop de Rossinant », un sommet d'esprit de par son
sautillement cocasse. Cela finit avec « La couche de Quixotte », par
une sorte de danse à la sonorité de vielle, un sommeil agité de pensées
grandioses. L'instrumentation est un
trésor d'ingéniosité. La Suite « La Changeante » brille par les
nombreuses indications de tonalités affectant ses sept parties. Qui font suite
à une Ouverture très développée et variée dans ses séquences, annonçant les
diverses danses qui vont suivre. Parmi celles-ci « Les Scaramouches -
Vitement » sont irrésistibles dans leurs ritournelles avec des saillies ppp, et les menuets empreints de grâce, sans maniérisme. Délaissant son
cher Vivaldi, Fabio Biondi et ses musiciens de Europa Galante
apportent de fabuleuses couleurs à ces musiques enchanteresses.
Anton BRUCKNER : Symphonie n°9. Version en quatre mouvements : finale
reconstruit par Samale-Phillips-Cohrs-Mazzucca (1983-2012). Berliner Philharmoniker, dir. Simon Rattle. EMI : 9 52969 2. TT : 80'10.
On pensait tout connaître de la
dernière symphonie de Bruckner. Miné par la maladie, il ne pourra en mener à
bien l'achèvement, et le troisième mouvement, adagio, en est resté la
conclusion. En fait, Bruckner a laissé
plus que des esquisses d'un quatrième mouvement. Il existe une partition d'orchestre, à peu près complète. Sur
653 mesures, près de 600 sont de la main de l'auteur, ou « clairement
reconstituables sur la base des esquisses développées qu'il a laissées »,
dit Rattle. Quatre musiciens, Nicola Samale, Giuseppe Mazzuca,
John Phillips et Benjamin-Gunnar Cohrs se sont attelés à reconstituer le
finale, en travaillant à partir de ces données. Ils ont ainsi restauré les morceaux manquants, qui totalisent,
d'une part, 117 mesures rédigées directement à partir des esquisses
originales ou des ébauches de déroulement et 96 mesures au titre des
lacunes comblées. C'est cette version
complétée que présente aujourd'hui Simon Rattle. Il n'est pas le premier à
avoir tenté l'expérience et ainsi cherché à jouer la symphonie dans son
entièreté. Alors que des travaux
existaient depuis 1983, Nikolaus Harnoncourt avait déjà, en 2002, avec la
Philharmonie de Vienne, décidé de jouer le dernier mouvement, n'omettant que la
coda. Ce quatrième mouvement qui comprend exposition, développement,
réexposition et coda, dévoile un matériau novateur insoupçonné et une audace
harmonique étonnante. Il est bâti de
courtes séquences, avec le souci de résoudre la tension accumulée durant les
trois précédents, l'adagio en particulier. Il comporte un choral avec un
ostinato aux violons, reprenant un motif du Te Deum,
une fugue, et une citation de la 6e Symphonie.
Il diffère complètement du finale des autres symphonies.
Influencée ou non par cet ajout,
la vision que forgent de la symphonie Rattle et ses Berlinois s'inscrit dans
une dynamique beethovénienne, et vise plus l'affirmation de la tension
dramatique que la recherche d'un mysticisme plus ou moins hérité de Wagner ;
à la différence d'un Barenboim, dans sa récente exécution à Pleyel (cf. NL de mai 2012). Elle s'appuie aussi sur la modernité de
l'œuvre : une approche nouvelle du développement thématique, une conception
de la tonalité quasi avant-gardiste pour l'époque, une harmonie audacieuse par
ses dissonances. Les tempos sont allant et le flux volontariste, sans
s'appesantir sur les silences entre phrases. Le premier mouvement est soutenu,
sans hiératisme excessif, le chef n'hésitant pas à accélérer pour maintenir la
tension. Il en ressort une extrême clarté des plans. La violence démoniaque du
scherzo n'est pas recherchée pour elle-même, mais offre une perspective
assurée, celle de la coupe rageuse des accords en aplats. Le trio est frémissant dans son premier thème,
expansif, sans excès, dans le second et sa guirlande des bois. Ne cachant pas
sa référence à Wagner, au thème du Graal de Parsifal, l'adagio ne
cherche plus à masquer son instabilité tonale. Mais, pour Rattle, la méditation sera plus dramatique que poignante.
Là encore, plus tendu vers Beethoven que tourné vers Wagner. L'irrésistible
montée des cordes jusqu'au climax grandiose, le contraste des sections
centrales, la coda fabuleuse de force, triple fortissimo, montrent la voie à
une paix retrouvée. Il est certain qu'après cette étape frôlant l'extase, le
finale nouveau, marqué « misterioso, pas vite », fait un choc. On ne
s'attendait pas à voir l'instabilité tonale s'amplifier, se vivre comme une
autre lutte, avec son rappel de la thématique agitée du 1er mouvement,
ses rythmes pointés, à l'allure obsessionnelle. Ce n'est pas sans faire penser
au Beethoven de la IXe, relayé par le vaste appareil brucknérien. La
dynamique et la texture laissent le discours s'acheminer vers une coda
unificatrice, sorte d'action de grâce au Créateur, à qui est dédié ce monument. Est-ce le reflet exact de la résolution
triomphale voulue par Bruckner ? Simon Rattle le pense, qui n'hésite
pas à affirmer qu'« il y a ici plus de Bruckner qu'il n'y a de Mozart dans
le Requiem ». Cette
interprétation vérifie les bienfaits de l'enregistrement live. Elle est adornée d'une des plus belles
prises de son effectuées dans la Philharmonie de Berlin.
Arnold SCHOENBERG : Pelleas
und Melisande, op. 5. Richard WAGNER : Tristan
und Isolde, Prélude du Ier acte. Gustav Mahler Jugendorchester, dir.
Pierre Boulez. Universal/DG :
477 9347. TT : 51'12.
Ce disque est la captation d'un
concert de la tournée, au Japon, en avril 2003, effectuée par l'Orchestre des
jeunes Gustave Mahler, sous la direction de Pierre Boulez. Il
rapproche deux œuvres appartenant au romantisme tardif, dont la seconde se
nourrit de la première. Le Prélude du premier acte de Tristan et Isolde est
considéré comme l'acte fondateur de la modernité. Le « début de l'ère chromatique contemporaine », selon
Boulez. Celui-ci en donne la version
dite de concert. Transparence et
lisibilité, mais aussi fougue dans la partie centrale, livrent comme un épure
de cette stricte construction en arche. Il est dommage qu'à part une exécution au festival d'Osaka,
en 1967, le chef français n'ait plus dirigé cet opéra. Le poème symphonique Pelleas und Melisande,
op. 5 de Schoenberg fut réputé, par Mahler entre autres, injouable, de par
sa complexité, sa polytonalité exubérante sans doute. Avec le recul du temps, on le catégorise dans
la première manière du compositeur, alors que que celui-ci vouait une
admiration non feinte pour les classiques et ses contemporains, Wagner bien
sûr. L'univers de Tristan plane sur cette pièce. Mais le message emporte
déjà son lot d'ambiguïté, et l'abandon
de la tonalité est proche. Mis en
regard du drame lyrique de Debussy, la manière dont Schoenberg s'empare du
texte de Maeterlinck peut sembler quelque peu absconse. Un drame sans texte,
d'une violence à peine contenue. Ses diverses séquences, alternant modes vif et
lent, dessinent une symphonie en quatre parties, qui fait la part belle aux
thèmes récurrents, façon leitmotiv, pour caractériser les personnages.
L'ensemble réserve quelques solos fugaces de violoncelle, ou du cor anglais
mélancolique (qui rappelle le IIIe acte de Tristan), d'aériens arpèges de harpe, voire un traitement
concertant du quatuor à cordes. On trouve même, à l'occasion, quelques traits
d'une manière que n'aurait pas reniée Richard Strauss qui, au demeurant,
aurait soufflé ce sujet à l'auteur de Moïse et Aaron. Dans cette pièce
de 1903, Schoenberg ne tourne pas encore le dos aux vastes effluves romantiques
chargées, et la transparence n'est, certes, pas immédiate, mais elle triomphe
d'une certaine obscurité. Les pages
finales, amorcées par d'étranges sonorités, fantasmagoriques, progressent en
s'élargissant, avec leurs crescendos successifs, vers un apaisement ultime.
Avec un orchestre fourni, au niveau des cordes, l'objectivité boulézienne
débarrasse du texte ce qui ressortit au pathos postromantique.
Pierre WISSMER : « Un long voyage ». Sonatine
pour violon & piano. Sonate pour piano. Trois Études pour piano. Trio Adelfiano. Trio
Steuermann. Hortus :
094. TT : 52'31.
Le compositeur franco-suisse
Pierre Wissmer (1915-1992), au sein d'une abondante production, a privilégié la
musique de chambre. Sa manière se
caractérise par l'équilibre, alliant « la clarté française, la précision
suisse, un goût italien pour le brio et une pointe d'abandon slave » selon
la belle formule de Bernard Gavoty et de Daniel-Lesur. Les pièces inscrites dans ce disque montrent
on ne peut mieux son souci d'exigence de la forme. La Sonatine pour violon
& piano, de 1946, frappe par la fluidité de l'écriture, qui se fait
expressive dans ses contrastes, mêlant délicatesse et esprit des pièces
françaises du début du XXe siècle, et netteté helvétique. Débutant par un allegro joyeux, mêlant les
tonalités de si majeur et de sol# mineur, sa « Romance » centrale
déploie un beau chant, et le rondo conclusif, fort enjoué, est construit autour
d'un refrain dansant repris dans plusieurs déclinaisons. La Sonate
pour piano (1949) s'ouvre par un allegro décidé, qui fait penser à
l'espièglerie de Poulenc, ou à l'étrangeté de Milhaud, se poursuit par un
andante méditatif, nostalgique dans son mètre de sicilienne, et déborde
d'inventivité rythmique au finale, dans la manière française, avec un refrain
en forme de barcarolle. Les Trois Études
pour piano, de 1967, offrent cette originalité de faire jouer, tour à tour,
la seule main droite, puis la main gauche, et enfin les deux réunies à la
troisième, qui récapitule toutes les difficultés précédemment accumulées, dont
des intervalles dissonants. Enfin, le Trio Adelfiano, pour trio avec
flûte ou piano, a pour origine une commande de la Société d'étudiants Adelphia
de Genève, pour son centenaire, en 1978. Dans sa version pour piano, de 1981, il fait se succéder un
« Prélude et fugue » virtuose, fondé sur une série dodécaphonique,
puis un « Nocturne » empli de mystère, évoqué par les deux cordes,
susurrant, presque langoureuses, et un piano discret. Le dernier mouvement,
« Meletouga », est agité, voire facétieux, à l'image de quelques
agapes estudiantines. Le piano mène la danse dans une rythmique assurée, avec
un épisode plus calme au milieu, qui déchaînera cependant une conclusion vive
en forme de course-poursuite haletante. On saluera la belle interprétation des membres du Trio Steuermann,
dont sa pianiste, Anne de Fornel.
Franz SCHUBERT : Quatuors n°13, « Rosamunde »
D. 804 en la mineur /
n°14, « La jeune fille et la
mort » D. 810 en ré mineur ;
n°15, D. 887 en sol majeur. Artemis Quartet. 2 CDs Virgin Classics : 50999
602512 2. TT : 78'23 + 51'35.
Les trois derniers quatuors
constituent chez Schubert un achèvement et, en même temps, un point de départ,
le chemin vers la symphonie. L'idée est
juste de les rapprocher, pour analyser ce qui les distingue ou les rapproche. Ce que le Quatuor Artemis met on ne peut
mieux en lumière dans une interprétation spectrale. Le Quatuor D. 804, dit « Rosamunde », du lied du même nom, est sombre. À l'image du thème mélancolique, presque
éploré, qu'énonce, d'entrée de jeu, le 1er violon, s'épanchant
douloureusement. Les Artemis
privilégient une sonorité charnue, ce qui confère au développement une extrême
puissance. La mélodie de l'andante,
d'une désarmante simplicité, est savamment agencée dans sa progression
expressive. Les Artemis
ralentissent ici, en un effet saisissant. Le menuetto n'en a plus que le nom : une danse d'une
tristesse indicible, un sursaut de l'âme. Le trio cherche à introduire quelque joie, mais y parvient-il,
dans son relent de Ländler ? La
reprise sombre de nouveau dans le chagrin. L'allegro conclusif offre ce rythme enjoué que le mouvement
précédent a refusé. Les Artemis respectent scrupuleusement l'indication
moderato, et le rythme ne s'emballe pas. Comme toujours chez Schubert, le drame
refait vite surface. Le 14e Quatuor,
« La jeune fille et la mort »,
génère une tension qui s'exprime dès l'attaca,
sorte d'appel du Destin. Si le deuxième
thème se fait plus souple, l'urgence est au cœur de la manière des Artemis, un
élan palpable parcourant tout le premier mouvement, qui ne connaît que peu le
répit. Ils n'hésitent pas à booster le
tempo, amplifiant les contrastes. L'andante
sera tout aussi soutenu, le dialogue de la jeune fille avec la mort traduit en
une succession de variations éloquentes. La deuxième, menée par le cello, sur un entrelacs des deux
violons, voit sa courbe s'enfler ou se dilater. La troisième, scandée, porte l'opposition entre les deux
personnages à son maximum. La dernière s'achève en s'éteignant doucement. Du fier scherzo, le trio vient adoucir
l'élan. Le presto final, prestissime
sous les présents archets, voit, dans sa forme de tarentelle, le rythme
s'animer, jusqu'au vertige. Les Artemis
vont au bout de la logique d'extrême dramatisme, rapprochant les diverses
séquences en un geste de danse macabre. Cette vision, qui peut surprendre,
force l'intérêt par son absolue cohérence.
Avec le dernier quatuor, en sol majeur, qui ne sera joué et publié
que posthume, l'univers s'élargit, comme il en est de la Symphonie en ut. Les proportions sont, ici comme là,
immenses. Le geste musical change de
nature, comme plongé dans un autre univers. Les vingt minutes que dure
l'allegro molto moderato offrent une alternance de passages majeur/mineur,
d'oppositions abruptes, de séquences ppp et forte, de visions
presque ésotériques débouchant sur des climats étranges. Les quatre voix se fraient des chemins
distincts, pour se rejoindre après bien des péripéties. Les Artemis ne cherchent pas à s'éloigner de
ce schéma. Au contraire, ils le
confortent avec un rare volontarisme, révélant ce qui, dans ce texte musical,
est « incroyablement nouveau », selon le celliste Eckart Runge. La longue mélopée du violoncelle, qui ouvre
l'andante, introduit un climat où va vite s'installer une grande agitation, aux
traits péremptoires. Les couleurs nocturnes dominent le scherzo, empressé et
grotesque, comme chez Mendelssohn. Le
trio contraste une danse simple et émouvante, que les interprètes retiennent
d'abord, pour l'animer peu à peu, dans un effet de douce mélancolie. L'effervescence de la reprise n'en est que
plus éclatante. Du rondo final, on dira
qu'il est ici haletant, car les Artemis accentuent le rythme, comme à grandes
enjambées, et enchaînent rapidement les phrases. Là encore, c'est toute la modernité d'une pièce étonnamment
libérée qui est soulignée. Les
variations de la dynamique, très étudiées, apportent une note inquiète plus
qu'enthousiaste. On demeure pantois devant la perfection instrumentale des
quatre musiciens berlinois. Leur souci de doser les volumes, d'utiliser
l'entier spectre sonore, du ppp infinitésimal au fff glorieux,
est admirable. Ils sont servis par une
prise de son finement équilibrée dans son intimisme et son expansion naturelle
dans les passages de force.
« Love and Longing ». Maurice
RAVEL : Shéhérazade. Trois poèmes pour chant et orchestre sur des
vers de Tristan Klingsor. Anton DVOŘÁK : Chants Bibliques, op. 99. Gustav MAHLER : 5
Lieder sur des poèmes de Friedrich Rückert. Magdalena Kožená,
mezzo-soprano. Berliner Philharmoniker,
dir. Simon Rattle. Universal/DG : 479 0065. TT : 64'12.
Magdalena Kožená et Simon Rattle programment trois cycles de mélodies que
peu de choses rapprochent, si ce n'est l'époque, 1902 et 1903, dans le cas de
Mahler et de Ravel, ou un commun attachement pour la Bohème de leurs origines,
chez l'Autrichien et le Tchèque. Dans
ses dix Chants Bibliques, de 1894, Dvořák s'inspire des Psaumes, et
conçoit une déploration de l'homme vénérant son Créateur. Le chant, marqué par une grande sobriété et
l'intériorité de l'expression, traduit à la fois le bonheur simple et rustique,
et l'invocation fervente. Reflet du
concert donné à la Philharmonie de Berlin, en janvier dernier (cf. NL de mars 2012), cette
exécution est frappée au coin de la sincérité. Et l'on admire, sous la baguette de Rattle, la belle écriture de
Dvořák, à la petite harmonie
en particulier. Dans le triptyque Shéhérazade, Ravel déploie les
sortilèges d'une orchestration enchanteresse, l'appel des contes des Mille et
une nuits. « L'influence au moins
spirituelle de Debussy » que celui-ci estime
« assez visible » est quasi-réalité : un vrai hommage à
Claude de France. Le mystère qui
prévaut dans la première mélodie, « Asie », voyage imaginaire dans un
Orient de rêve, en dit long sur une profonde admiration. Le langage de Pelléas et Mélisande n'est
pas loin. Le timbre ambré de
Magdalena Kožená pare ces pages d'une aura de
secrète magie. Sa diction immaculée se
fait un régal de ces textes superbes, mêlant lascivité et érotisme à peine
dissimulé, ce qu'accentue la direction très retenue de Rattle. Sa Mélisande à la scène y est sans doute pour
beaucoup. L'intonation n'est jamais
prise en défaut, mise à part une note aiguë dans « Asie », que même
la grande Crespin n'atteignait qu'avec effort. Rattle, dont on sait l'affinité pour l'idiome français, compose un
écrin de choix, que les Berlinois parent de nuances d'une finesse inouïe :
la flûte d’Emmanuel Pahud nimbe d'une impalpable douceur, sensuelle,
« La Flûte enchantée » et « L'Indifférent ». L'atmosphère est tout aussi caractéristique
des Rückert Lieder de Mahler. Ces chants, sur des textes évocateurs du poète allemand,
participent de l'intime, et l'orchestration s'avère essentiellement chambriste. Aussi à l'aise que dans la déclamation
tchèque ou française, Kožená possède la voix naturelle pour
Mahler. Et l'on savoure les relents de
la thématique sonore du « Cor merveilleux de l'enfant », qui parcourt
plus d'une pièce. On est encore une
fois bouleversé par « Um Mitternacht », à minuit, évocation
de quelque paysage désolé, de par ses courbes fantastiques, son hautbois
insinuant pour dire toute la désespérance d'une âme douloureuse. Avec « Ich atmet' einen linden
Duft », je respirais un doux parfum, proche harmoniquement du Chant de
la terre, le chant se fait berceuse. Et l'ultime mélodie, qui se vit tel un adieu serein au monde, et
ne trouve l'apaisement que dans le chant, couronne une interprétation à placer
après des plus grandes.
« La Lyre de
l'âme ». Déodat
de SÉVERAC : Intégrale de l'œuvre
pour orgue, Suite en mi mineur. Cinq versets pour les Vêpres d'un
confesseur non pontife. Prélude de Quatuor. Élégie héroïque. Petite suite
scholastique. Motets pour chœurs & orgue : Tantum ergo, 4 Cantiques, Salve Regina, Ave Verum,
O sacrum convivium. Olivier Vernet,
orgue. Maîtrise des garçons de Colmar, dir. Arlette Steyer. Ligia : Lidi 010244-12. TT : 64'10.
Déodat de Séverac (1872-1921),
pour ce qui est de la musique instrumentale, n'a pas écrit que pour le piano. Ayant découvert très jeune, dans son
Languedoc natal, les beautés de « la lyre de l'âme », il va cultiver
cette passion auprès de son maître Alexandre Guimant, puis à la
Schola Cantorum. Sa production,
peu abondante, n'en est pas moins d'une qualité exceptionnelle. C'est que ce fin musicien, amoureux de la
couleur, a renouvelé l'approche de l'instrument : habile improvisateur, il
lui confie de belles harmonies, que leur simplicité ne réduisent pas à la pure
illustration. À la différence de
plusieurs de ses contemporains, il se refuse à l'effet décoratif et inutilement
grandiose. Cet homme de conviction
religieuse cherche dans les sonorités de l'orgue le langage de la foi partagée. Sa manière est d'une extrême concision. À l'image La Suite en mi,
de 1898, nostalgique et tragique, du Prélude quatuor (1904 ou
1905), élégiaque et poignant, ou des Cinq versets pour les Vêpres d'un
confesseur non pontife (1912), d'une étonnante brièveté et d'un total
dépouillement, intimiste même, comme des tableaux aussi… Il en est de même de la Petite suite
scholastique, de la même période, sous-titrée « d'après un thème
languedocien ». De ses six brèves
parties, on détachera la « Méditation », conclue par une longue
pédale, une « Prière-Choral », telle une confidence fervente, une
« Cantilène mélancolique », qui précède une « Fanfare
fuguée », en forme de refrain. L'Élégie héroïque, dédiée aux
soldats morts pour la Patrie, est sombre dans sa progression, cortège funèbre
dont le thème est repris dans différents registres. Là encore, l'ému le dispute au bouleversant. Le disque offre aussi un florilège de motets
pour chœur & orgue. Séverac
s'inscrit là dans le mouvement pour une recherche de la vraie polyphonie
religieuse, aux sources de Palestrina. Ces pages sont souvent destinées au culte. Tels les Quatre cantiques, confiés à des voix de garçons, au langage sobre,
empruntant à la souplesse du plain-chant, loin de toute théâtralisation,
magnifiquement soutenus par l'orgue. Ou
les motets latins, dont un
Salve Regina, un Ave verum, ou encore O sacrum convivium, ce
dernier pour voix mixtes d'hommes et de garçons. L'autre intérêt de ce CD réside dans les instruments joués, dont
l'orgue Dominique Thomas de la cathédrale de Monaco. Inauguré en décembre 2011, l'instrument
est exceptionnel : de type classique, car issu de la restauration du
précédent, dû à Boisseau, datant de
1975-76, il offre avec ses 77 jeux, une multitude de possibilités,
enrichies par une construction architecturale nouvelle, autorisant une sonorité
moins étouffée. Le maître d'œuvre de
ces interprétations inspirées est Olivier Vernet, titulaire de l'orgue
monégasque, grand spécialiste de la musique française.
« Latino ». Pièces pour guitare d’Astor PIAZZOLLA, Jorge
MOREL, Heitor VILLA-LOBOS, Roland DYENS, Carlos GARDEL, Jorge CARDOSO,
Agustín
BARRIOS MANGORÉ,
Leo BROUWER, Osvaldo FARRÉS, Isaías SÁVIO, Manuel PONCE, Gerardo
MATOS RODRÍGUEZ. Miloš Karadagliċ,
guitare. Studioorchester des
Europäischen FilmPhilharmonie, dir. Christoph Israel. Universal/DG : 479 0063. TT :
61'00.
La guitare a-t-elle trouvé son
nouveau Segovia ? En tout cas, le jeune et sympathique monténégrin Miloš Karadaglic est sur la trace des
grands, et en passe de devenir - matraquage médiatique aidant - une vedette
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