www.leducation-musicale.com
Mai - Juin 2011 - n° 571
Mars-Avril 2011
n° 570
|
Janvier-Février 2011
n° 569
|
Supplément Bac 2011
|
Sommaire :
1. Editorial : Prima la musica, dopo le parole
2. Sommaire du n° 571
3. Informations générales
4. Varia
5. Manifestations et concerts
6. Recensions de spectacles et concerts
7. "Concert d'Été " : un merveilleux petit festival
8. Annonces de spectacles lyriques
9. L'édition musicale
10. Bibliographie
11. CDs et DVDs
12. La vie de L’éducation musicale
Abonnez-vous à L'éducation musicale
et recevez 3 dossiers gratuits
Prima la musica, dopo le parole
La musique réside sous le sens et avant lui.
(Michel Serres)
S’il faut en croire le philosophe Michel Serres - et comment ne pas le croire ! - la musique serait « principielle » (Musique, Le Pommier, 2011). Ur-Musik diraient nos amis allemands, souche de toutes les langues du monde, pansémique, omnivalente, totipotente…
Et ce, jusqu’à la triste musaque qui, à l’échelle planétaire, devança largement son sinistre alter ego, ce déluge informationnel insensé qui, chaque jour davantage, nous submerge - Woodstock précédant Facebook…
Notre oreille, d’autre part, ne nous informe-t-elle pas plus intimement que nos yeux ? Bien que la plupart des penseurs, pédagogues ou servants de l’hydre médiatique s’ingénient à nier cette évidence… À l’exception notable d’un Jacques Attali, qui reconnaît à la musique des vertus prophétiques (Bruits, Fayard, 2001).
Ainsi donc, matricielle serait la musique, seul langage commun à toute l’humanité. Comme en témoignent abondamment les « modes pentatoniques sur bourdon », échelles adoptées par toutes les civilisations premières…
Écoutons enfin l’illustre Frank Zappa : « L’information n’est pas la connaissance. La connaissance n’est pas la sagesse. La sagesse n’est pas la vérité. La vérité n’est pas la beauté. La beauté n’est pas l’amour. L’amour n’est pas la musique. La musique est la meilleure des choses » (Music is the best, 1979).
Francis B. Cousté.
Haut
Sommaire du n°571
Don Giovanni et Zerlina ou le jeu du chat
et de la souris
Frédéric
Platzer
Dossier « Francis Poulenc »
Parentés, écoles et réseaux dans la
France musicale de l’entre-deux-guerres
Karol
Beffa
Poulenc et le groupe des Six
Simon
Basinger
Tel
jour telle nuit de Poulenc : le premier cycle accompli
Louise
Dehondt
L’écriture religieuse de Francis
Poulenc : exemple de trois œuvres chorales
Joëlle
Brun-Cosme
Le piano de Francis Poulenc
confronté aux catégories conceptuelles de Vladimir Jankélévitch
Franck
Ferraty
Florent Héau nous fait partager son
regard sur la Sonate pour clarinette et
piano de Francis Poulenc
Entretien
avec Sylviane Falcinelli
Le mythe du Graal et le Parsifal de Richard Wagner
Jean-Pierre Robert
Éloge de la trace écrite
Olivier Geoffroy
Affaires de goût : Se rendre sensible aux choses
Antoine Hennion
©
Ricardo Mosner
Le Kronos Quartet vient d’être doublement honoré
de l’Avery Fisher Prize & du Polar Music Prize. C’est la
première formation à remporter l’un et l’autre prix. Renseignements : www.kronosquartet.org
©DR
Orchestre national de Lyon. Pour
découvrir sa riche saison 2011-2012, tourner les pages dans : https://asp-indus.secure-zone.net/v2/index.jsp?id=1045/1218/1667&lng=fr
©DR
Orchestre national d’Île-de-France.
Chaque année davantage se développe l’action culturelle de cette
phalange : Sensibilisation au répertoire de l’orchestre / Découverte
de l’univers symphonique (spectacles jeune public) / Participations à
des projets collectifs (chantons avec l’orchestre)… Renseignements : 19,
rue des Écoles, 94140 Alfortville. Tél. : 01 41 79 03 43. www.orchestre-ile.com
Opéra de Dijon. Saison 2011-2012.
Au programme, notamment : Agrippina (Haendel), La Traviata (Verdi), Cosí fan tutte (Mozart), L’Opéra de la lune (Brice Pauset)…
Sans préjudice de 10 spectacles de danse, de quelque 70 concerts :
Bartókiades 1, Bartókiades 2, Bachfest, Artistes & ensembles
associés, etc. Renseignements : 03 80 48 82
60. www.operadijon.fr
Auditorium de Dijon ©DR
Cité de la musique & Salle Pleyel sont les premières salles de concert au monde à proposer -
en live et en différé - une offre
gratuite et structurée de leurs concerts. Sans préjudice de leurs autres
propositions sur la Toile : sites institutionnels, portail éducatif de la
médiathèque, Newsletter… Renseignements : www.citedelamusiquelive.tv
Cité
de la musique ©DR Salle Pleyel
Le Musée d’ethnographie de Genève (MEG) propose
l’exposition « La saveur des arts,
de l’Inde moghole à Bollywood », du 27 mai 2011 au 18 mars 2012. Où
sont abordées les relations étroites qui unissent musique, peinture &
cinéma dans la culture de l’Inde du Nord. Nombreux dispositifs
audiovisuels, ateliers familles Renseignements : chemin
Calandrini 7, 1231 Conches / Genève. Tél. : +41
(0)22 346 01 25. www.ville-ge.ch/meg
Srî râga. Miniature sur ivoire de Tilak Gitai, 1984
©DR
L’Orchestre de chambre de Lausanne (OCL),
directeur artistique : Christian Zacharias, communique le programme de sa
saison 2011-2012. Renseignements : rue
Saint-Laurent 19, CH-1003 Lausanne. Tél. : +41 21 345
00 20. www.ocl.ch
« Sillages », tel est
l’intitulé de la saison 2011-2012 de l’Ensemble genevois Contrechamps. Les
12 et septembre 2011, Studio Ernest-Ansermet : projection du film Metropolis de Fritz Lang (1927) sur
une musique, pour 16 instruments & électronique, de
Martín Matalon (2011). Le 2 octobre 2011, foyer du
Grand Théâtre de Genève : Autour
d’Igor Stravinski (œuvres de Feldman, Britten, Sciarrino, Grisey &
Stravinski). Renseignements : 8, rue de la Coulouvrenière,
CH-1204 Genève. Tél. : +41 (0)22 329 24 00. www.contrechamps.ch
Musée virtuel de la musique maçonnique. Renseignements : www.mvmm.org et : www.mvmm.org/c/docs/univ/univers.html (revue L’univers maçonnique,
1835).
La 4e édition du « Dutch Classical Music
Meeting » se déroulera, sur trois jours, du 15 au 17 octobre 2011,
à Amsterdam (Netherlands). Renseignements : +31 20 344
6000. www.dcmm.mcn.nl/2468/?L=4
Le compositeur Marc-Olivier Dupin [notre
photo] vient de se voir confier par Éric Garandeau, président du Centre
national du cinéma et de l’image animée (CNC), une mission « pour
améliorer la place de la musique dans les films de cinéma, les œuvres
audiovisuelles & les jeux vidéo ». Renseignements : CNC
– 12, rue de Lübeck, Paris XVIe. Tél. : 01 44 34 34
40. www.cnc.fr
©Christophe
Abramowitz
***
Haut
Tanguísimo ! D’une
incomparable richesse sur le monde du tango : www.todotango.com
Quelque 800 partitions de chansons (en
toutes langues, à une ou plusieurs voix - pour enfants, traditionnelles,
populaires, de variété, de rock…) sont gratuitement accessibles sur le
site : www.partitionsdechansons.com
Documentation musicale. Créé par notre collaboratrice
Sylviane Falcinelli, un site remarquable : www.falcinelli.org
…avec Jean Guillou, église Saint-Eustache, Paris, 2006 ©Philippe Ponçon
L’Association
française pour l’Éducation musicale [AFEM], représentant
en France de l’International Society for Music Education [ISME], proposait, le
19 mars 2011, à la Schola Cantorum de Paris, une Journée d’information. Intervenants :
Mme Rita Ghosn (compositeur) : « Une didactique de l’éveil musical à travers la voix et l’opéra » /
M. Yves Beaupérin (directeur de l’Institut européen de
mimopédagogie) : « La dynamique
naturelle de la parole dans les milieux traditionnels de style global ». Renseignements : AFEM - 175, rue Saint-Honoré, Paris Ier. Tél. : 01
42 96 89 11.
***
Haut
L’île de Ré en festival. Du 2 au
5 juin 2011 (week-end de l’Ascension), Marc Minkowski nous propose, en
collaboration avec La Maline (dir. Catherine Wojcik) &
La Coursive (dir. Jackie Marchand), diverses manifestations musicales
– dont Così fan tutte en version
de concert. Avec la participation de, notamment : Thibaud Noally
& Francesco Corti, Alexandre Tharaud, le Quatuor Diotima,
Julia Lezhneva, Jean-François Heisser, Rachel Yakar, Laurent Naouri… Renseignements : 05 46 29 93 53. remajeure@gmail.com
Au Grand Foyer du Châtelet : « Les Rencontres
d’Intégral ». Concerts mensuels gratuits. Le 7 juin, à
19h30 : L'univers sonore de Michel Lysight (Johan Schmidt, piano ; Michel Lysight, piano ; Joseph Grau, flûte à bec). Henry Barraud (Christophe Crapez,
ténor ; Didier Henry,
baryton ; Nicolas Krüger,
piano). Rita, opéra de
Donizetti, extraits (Ensemble
Musica Nigella, dir. Takénori Nemoto ;
Christophe Crapez, ténor ; Paul-Alexandre Dubois, baryton). Le 8 juin, à 19h30 : Soirée lyrique & pianistique,
œuvres de Liszt, De Zeegant, Enescu, Dvořák (Johan Schmidt,
piano ; Ana-Camelia Stefanescu, soprano colorature). Le 9
juin, à 19h30 : Soirée Piano,
œuvres de Schubert, Grieg (Edda Erdendsdóttir), Dussek, Weber, Liszt
(Lisa Yui). Renseignements : www.integralmusic.fr
Festival « Outre-Mer
Veille » : Au « Tarmac » de la Villette, jusqu’au 11
juin 2011. Renseignements : www.2011-annee-des-outre-mer.gouv.fr ou : www.letarmac.fr
Hudson Valley Chamber Music Circle (°1950) propose,
les samedis 4, 18 et 25 juin 2011, ses « Sixty-First Summer Concert Series ». Œuvres de Mozart,
Fred Lerdahl, Schumann / Beethoven, Richard Wilson,
Brahms / Mozart, Respighi, Dvořák. Renseignements : Bard College, Annandale-on-Hudson, 12491 New York. Tél. :
845 339 7907. http://hvcmc.org
Hudson River ©DR
Journées Carmen. Du 7 au 20 juin 2011 : Festival de Bougival
& des Coteaux de Seine [Villa Viardot / Péniche-Adélaïde /
Château du domaine Saint-François d’Assise à La Celle Saint-Cloud]. Avec
Tereza Berganza (master-classes & concert), Alexander Drozdov, Léa
Sarfati, Christophe Giovaninetti, Quatuor Élysée, Etsuko Hirosé, Éric-Maria
Couturier, Jorge Chaminé, Compagnie « La Lupi », Quintette
Moraguès, Quatuor Parisii & Hervé Moreau. Renseignements : 01
39 69 55 12. www.lesamisdebizet.com
Villa Viardot ©DR
Le Quatuor Béla se produira le 9 juin, à Paris,
au Collège des Bernardins. Où il sèmera les « mécaniques hypnotiques
de la musique alterminimaliste » : pièces de Scelsi, Marcœur, Walter Hus... plus
un quatuor de Meredith Monk créé en France par le Kronos Quartet et jamais rejoué, sur nos terres,
depuis lors : Stringsongs. Renseignements : 18, rue de Poissy, Paris Ve. Tél. : 06 89 52 81
48. www.quatuorbela.com
©DR
« Autour du luth », XIIe Festival de musique de l’Institut du monde arabe, se déroulera du 8 au 18 juin
2011. Autour du luth, « sultan des instruments de musique
arabes », graviteront la guitare, le bouzouk ou les percussions
traditionnelles. Avec notamment Rabih Abou et Naseer Shamma
[notre photo] qui animera une master class. Renseignements : 1,
rue des Fossés-Saint-Bernard, Paris Ve. Tél. : 01 40
51 38 14. www.imarabe.org
©DR
Goethe-Institut, Paris. Jeudi 9 juin
(20h00) : le pianiste argentin Alberto Neuman joue Bach, Mozart,
Beethoven, Schumann. Mardi 14 juin (20h00) : la pianiste
luxembourgeoise Cathy Krier joue Haydn, Beethoven, Chopin, Debussy. Jeudi
23 juin (20h00) : Trio de jazz Benjamin Schaeffer. Renseignements : 17, avenue d’Iéna, Paris XVIe. Tél. : 01 44 43 92
30. www.goethe.de/paris
Hommage à Pierre Boulez (°1925) sera
rendu, le samedi 18 juin 2011, 20h30, à Montbrison, ville natale du
compositeur. Avec l’Ensemble orchestral contemporain, dir.
Daniel Kawka. Programme : Mémoriale,
pour flûte & ensemble de 8 musiciens / Dérive I, pour ensemble de 6 musiciens / Dérive II, pour ensemble de
11 musiciens. Une répétition publique sera commentée par
Pierre Boulez, le vendredi 17 juin, de 18h00 à 21h00 (réservation
obligatoire au : 04 72 10 90 40). Renseignements : Espace Guy Poirieux, avenue Charles-de-Gaulle,
42600 Montbrison. Tél. : 04 77 96 08 69. www.eoc.fr
©DR
Un pèlerinage avec Liszt et Chopin, du 18
juin au 14 juillet 2011, à l’Orangerie du parc de Bagatelle. Renseignements : 23, avenue Foch, Paris XVIe. Tél. : 01 45 00 22
19. www.frederic-chopin.com
XXXe édition de la Fête de la musique : le mardi
21 juin 2011. Renseignements : ADCEP. Tél. : 01 40 03 94
70. www.fetedelamusique.culture.fr
Marc Albrecht dirige les Gurrelieder. À
la tête de l’Orchestre philharmonique de Strasbourg & du Czech Philharmonic
Choir Brno, le jeune chef dirigera l’œuvre de Schoenberg : le 23 juin à
Strasbourg, Palais de la musique et des concerts ; le 25 juin à Paris,
Salle Pleyel. Renseignements : 03 69 06 37 06 www.philharmonique.strasbourg.eu ou : 01 42 56 13 13 www.sallepleyel.fr
Marc Albrecht ©DR
Le Festival de la Grange de Meslay aura lieu
près de Tours, du 17 au 26 juin 2011. Renseignements : 02
47 21 67 33. www.fetesmusicales.com
Musique en Sorbonne, Chœur et
Orchestre de l’Université Paris-Sorbonne (dir. Johan Farjot), donnera son
dernier concert (de la saison !), le mardi 28 juin 2011, à 20h30, en le
Grand Amphithéâtre de la Sorbonne. Au programme : Andante de Félicien David
(restitution : Muriel Boulan) ; Totentanz de Franz Liszt (Guillaume Vincent, piano), Cantate sur la mort de l’empereur
Joseph II de Beethoven, Tango pour
chœur & orchestre de Karol Beffa (création française). Renseignements : 01 42 62 71 71. www.musique-en-sorbonne.org
VIe Festival « Musiques interdites ». Le jeudi 7 juillet 2011, à
20h00 : Kindertotenlieder et Adagio de la Symphonie n°10 de
Gustav Mahler, avec le baryton autrichien Mathias Hausmann. Le vendredi 8 juillet 2011, à 20h00 : Paroles
d’Exil-Glanzberg-Weill, in memoriam
Norbert Glanzberg, avec la soprano autrichienne Ute Gfrerer. Château Pastré : 157, avenue de Montredon,
13008 Marseille. Renseignements : 04 92 55 20 44. www.musiques-interdites.eu
Le IIe Festival de musique d’Ascona se
déroulera, sur les rives du Lac Majeur (Suisse), du 9 juillet au 27 août
2011. Renseignements : +41(0)76 265 77 08. www.academyofeuphony.com/festival
Le 31e Festival de La Roque d’Anthéron se
déroulera du 22 juillet au 21 août 2011. Renseignements : Parc du Château de Florans, 13640 La Roque d’Anthéron. Tél. :
04 42 50 51 15. www.festival-piano.com
La 27e édition du Festival de Saint-Riquier /
Baie de Somme se déroulera, à l’Abbaye de Saint-Riquier, du 8 au 19
juillet 2011. Journées Marcel Proust. Soirées baroques.
Actions culturelles… Renseignements : 03 22 71 82
10. www.festival-de-saint-riquier.fr
La 13e édition du Festival « Musique &
nature en Bauges » se déroulera, en Savoie & Haute-Savoie, du 10
juillet au 21 août 2011. Renseignements : 04 79 54 84
28. www.musiqueetnature.fr
Festival de Radio France & Montpellier
Languedoc-Roussillon. Il se déroulera du 11 au 28 juillet
2011. Renseignements : 04 67 02 02 01. www.festivalradiofrancemontpellier.com
©DR
Le 38e Festival des Arcs est
notamment dédié, du dimanche 17 juillet au vendredi 5 août 2011, à la musique
russe. Compositeur en résidence : Éric Tanguy. Renseignements : www.festivaldesarcs.com
Les Nuits du Château de La Moutte [musique,
théâtre & danse] se dérouleront à Saint Tropez, du 26 juillet au 11
août 2011. Renseignements : 08 92 68 48 28. www.lesnuitsduchateaudelamoutte.com
©J.-L.
Chaix
Festival Pablo Casals de Prades.
Consacrée aux « Sommets de la musique de chambre », sa 59e édition
se déroulera du 26 juillet au 13 août 2011. Renseignements : 04
68 96 33 07. www.prades-festival-casals.com
Musique à l’Empéri, Festival international de
musique de chambre, se déroulera au château de l’Empéri, Salon-de-Provence, du
28 juillet au 7 août 2011. Renseignements : 04 90 56 00
82. www.festival-salon.fr
Redécouverte de Théodore Dubois (1837-1924) : Le
« Chœur international » de Québec, dir. Michel Brousseau,
donnera en France, du 18 au 27 août 2011, quatre concerts dédiés à ce
compositeur bien trop méconnu dans son propre pays. Le 18 août, en la
cathédrale Saint-Pierre de Montpellier. Le 21 août, en l’église de
La Madeleine à Paris. Le 25 août, en la cathédrale Saint-Étienne de
Metz. Le 27 août, en la cathédrale de Reims. Solistes :
Maria Knapik (soprano), Marc Boucher (baryton), Jean-Willy Kunz
(organiste). Renseignements : 01 47 63 54 82.
www.viva-concertino.fr/chap/index.php?idch=2&idrb=160&idpg=486
Théodore Dubois au piano ©DR
« Piano-Folies » au Touquet Paris-Plage. Où les
plus grands pianistes du monde se donneront rendez-vous, du 20 au 28 août
2011. Plus de 60 concerts (dont la moitié gratuits). Avec
notamment : Nicolaï Luganski, Rhoda Scott, Vadim Rudenko, Anne Queffélec, Boris
Berezovski, Andreï Korobeinikov… Renseignements : 03 21 06 72
00. www.letouquet.com
©DR
« D’un monde à l’autre », tel
est l’intitulé du Festival d’Île-de-France qui se déroulera du 4 septembre au 9
octobre 2011. Musique classique & musiques du monde.
33 concerts / 29 lieux. Renseignements : 51,
rue Sainte-Anne, Paris IIe. Tél. : 01 58 71 01
01. www.festival-idf.fr
Théâtre du Rond-Point. En ouverture de la
saison 2011-2012, sera donné, du 7 septembre au 29 octobre 2011, à 21h00 : René l’énervé, « opéra bouffe
et tumultueux ». Auteur, metteur en scène : Jean-Michel
Ribes. Compositeur : Reinhardt Wagner. « Caramela,
ne te mets pas dans cet état, nous allons devenir chef de l’État ». Renseignements : 2bis, avenue Franklin
D. Roosevelt, Paris VIIIe. Tél. : 01 44 95 98
21. www.theatredurondpoint.fr
Francis Cousté.
***
Haut
Un virtuose du rasoir bien sympathique...
Stephen SONDHEIM : Sweeney Todd. Musical
thriller en deux actes. Livret de Hugh Wheeler, d'après
la pièce de Christopher Bond. Orchestrations de Jonathan Tunick.
Rod Gilfry, Caroline O'Connor, Rebecca Bottone,
Nicholas Garrett, Jonathan Best, John Graham-Hall, Rebecca De Pont
Davies, David Curry, Pascal Charbonneau. Ensemble orchestral de
Paris, dir. David Charles Abell. Mise en scène :
Lee Blakeley.
©Marie-Noëlle
Robert/Châtelet
Décidément le Châtelet devient
le lieu incontournable du musical américain. La production de Sweeney Todd est, en tous points, une franche réussite. De quoi
s'agit-il ? D'un fait divers grand-guignolesque tourné en fable
morale : la légende du barbier de Fleet Street qui égorge ses clients
dont les cadavres sont ensuite récupérés par la tenancière de la gargote
voisine pour en faire de la chair à pâté. Mais ce barbier a une histoire
qui sinon explique son geste, du moins le rend plausible : n'a-t-il pas
juré de se venger du juge qui l'envoya sans raison naguère au bagne, alors que
celui-ci a cherché à séduire sa propre fille Johanna. Le récit
mélodramatique puise aux sources de ces pièces sanglantes adulées par
l'Angleterre du début de la révolution industrielle. Les bas-fonds
décrits par Dickens ne sont pas loin. La dimension épique, quasi brechtienne,
opposant la foule anonyme à des personnages très typés narrant une fable avec
son contexte socio-politique est présente aussi. Mais il s'agit d'une
comédie destinée à divertir : les deux monstrueux protagonistes, le
serial killer et sa voisine affairiste ne sont pas dépourvus d'humanité et
attirent finalement la sympathie plus que la répulsion car ils sont sans doute
les produits d'une société déshumanisée où l'arbitraire de certains (et
peut-être même d'un juge) a creusé le fossé des inégalités. Stephen Sondheim
déroule une action d'un étonnant impact dramatique qui ne connaît pas de temps
mort et dans lequel l'orchestre est constamment à l'œuvre même pour souligner
les passages parlés. Il y a là pléthore de personnages hauts en
couleurs : le barbier Sweeney Todd, figure hors norme, Pirelli, autre
as du rasoir et rival malheureux, l'aide de celui-ci, le jeune Toby, la
mendiante qui, la première, va suspecter quelque chose d'anormal, ou des
figures dont l'honorabilité est mise à mal, tels le juge Turpin qui s'est
amouraché de la fille du barbier et est à l'origine de sa vindicte et son
factotum, le bailli Bamford. Il y a aussi des amoureux romantiques,
Anthony, le jeune marin, sincèrement épris de Johanna. Plus remarquable
est le mélange de l'abominable et du comique qui finit par donner à la pièce
une tonalité moins effrayante qu'il n'y paraît : le personnage de
Mrs Lovett est caractéristique. La commerçante peu scrupuleuse,
voire amorale, appartient à la galaxie de ces rôles de mégères exubérantes
qu'on n'arrive pas à prendre au sérieux car leurs raisonnements ne sont pas
dénués du bon sens.
©Marie-Noëlle
Robert/Châtelet
La production rend justice aux
divers aspects de ce thriller musical. La mise en scène de Lee Blakeley
est d'une rare efficacité. On entre très vite dans le vif du sujet et le
spectacle ne souffre pas de baisse de régime. Une sorte de continuum
cinématographique s'installe qui capte l'attention : une décoration
inspirée de quelque entrepôt londonien, développée sur deux niveaux, et des
éclairages d'une grande sophistication permettent de varier scènes et
atmosphères. L'horreur est tournée en dérision car le hasard semble
rendre les situations plus cocasses qu'effrayantes. Les traits véristes
(jaillissements d'hémoglobine, corps envoyés sans ménagement aux oubliettes)
suscitent moins l'effroi qu'une réaction amusée. C'est qu'un vent de
folie s'empare peu à peu de l'action qui voit pourtant une seconde partie
reprendre la précédente simplement en amplifiant la narration dans une sorte de
mécanique de plus en plus implacable. La seule licence que s'autorise
Blakeley concerne la fin de l'ouvrage qui voit ici Sweeney Todd envoyer
Mrs Lovett dans le four à pain et celui-ci périr sous les coups du jeune
Toby devenu fou, lui aussi. Avoir fait appel à un orchestre symphonique,
ce qu'aucune production ne permit à Broadway, est un atout considérable.
L'image musicale s'en trouve renforcée dans sa force rythmique, sa rutilance
comme ses stridences, et ses couleurs sombres dans les interventions du chœur.
Ainsi la ballade introductive, par ses diverses reprises, jouera-t-elle un rôle
unificateur. Le show est vocalement somptueux. L'alliance de voix
d'opéra ou rompues au style du musical produit un effet détonant : la gouaille
inimitable de Caroline O'Connor, son énorme faconde scénique (déjà
appréciée sur cette même scène dans On the Town de Bernstein) n'a d'égale
que la prestance de Rod Gilfry (naguère Billy Budd à l'Opéra Bastille)
et son art accompli de distiller un geste musical brillant. Une armada de
rôles de sopranos, ténors et basses, tous fort bien tenus, finissent de
rapprocher l'œuvre de l'opérette, pour ne pas dire de l'opéra. Une sorte
de Porgy and Bess moderne ?
La Fiancée du Tsar entre au
répertoire du Royal Opera
Nicolas RIMSKI-KORSAKOV : La
Fiancée du Tsar. Opéra en quatre actes. Livret de Il'ya Fyodorovich
Tyumenev, d'après le drame de Lev Alexandrovich Mey.
Johan Reuter, Marina Poplavskaya, Ekaterina Gubanova,
Alexander Vinogradov, Vasily Gorshkov, Dmytro Popov,
Paata Burchuladze, Jurgita Adamonytè. Royal Opera Chorus. Royal Opera
Orchestra, dir. Mark Elder. Mise en scène : Paul
Curran.
©Bill
Cooper
L'opéra de Rimski-Korsakov La
Fiancée du Tsar est toujours considéré dans le pays où il fut créé en 1899
comme par nature intrinsèquement russe. Il est ailleurs peu connu et
encore moins joué. En France : une exécution de concert en 2003 au
Châtelet et des représentations à l'Opéra de Dijon l'année suivante. Le
disque l'ignore, ou à peu près (curieusement Valery Gergiev ne s'y est pas
intéressé dans ses efforts pour ressusciter les grandes pages du répertoire
russe). Ses mérites sont pourtant loin d'être négligeables.
L'intrigue située en 1571 à Moscou, relate le troisième mariage malheureux
d'Ivan le Terrible avec Marfa Sobakina, fille d'un riche marchand de
Novgorod. Elle décèdera quelques jours plus tard, empoisonnée par méprise
par un amant, Gryaznoy, le chef de la police secrète du tsar, manipulé par
celle qui l'aime, Lyubasha et ne conçoit pas de voir en Marfa une rivale.
Aussi substituera-t-elle un poison au philtre d'amour censé apporter à celle
qui le boit la suprême félicité. À la différence de bien d'autres de ses
œuvres lyriques qui font une large place au fantastique, Rimski-Korsakov,
s'inspirant ici d'un fait historique, confère une vraie consistance à ses
personnages. La partition met en valeur la voix avec airs et ensembles,
du duo au sextuor, sans oublier une contribution notable du chœur. La
musique déploie un ample lyrisme et compte de riches mélodies émaillées de
discrets thèmes conducteurs généralement associés aux personnages.
Notable est aussi la clarté de l'orchestration, héritée de Glinka, avec une
savante écriture pour les bois et des effets originaux telle l'évocation de
cloches associées au personnage du tsar, qu'on ne voit d'ailleurs pas. L'influence
du chant populaire y est prépondérante, notamment dans la peinture de la figure
de Lyubasha. Enfin, plus d'un morceau se souvient de la souplesse
bel cantiste, ne serait-ce que la scène de la folie qui clôt l'opéra.
Est-ce à dire qu'une intrigue à ce point paroxystique doit appeler une mise en
scène historiciste ?
©Bill Cooper
Ce n'est pas la solution adoptée
par la production du Royal Opera. Son auteur, Paul Curran, estime
que cette histoire est « extraordinairement contemporaine » et
« prend son sens à la fois politique, dramatique et émotionnel dans le
contexte de ce qui se passe en Russie aujourd'hui », traversée des mêmes
fantasmes, habitée de la même dépravation des mœurs. Aussi la
transpose-t-il dans le Moscou actuel, celui du système nouveau riche et de
la corruption. Remis ainsi en perspective quant à son ressort politique,
l'opéra a quelque chose à voir avec la société russe contemporaine :
déférence servile à l'autorité, croyance plus vivace que jamais en des pouvoirs
occultes, vécu tenace de superstitions. La dramaturgie décrit un système
mafieux où les gardes de la police secrète du tsar, les Oprichniki, font
régner la peur sous couleur de préserver la sécurité du monarque :
lunettes noires, arme à la ceinture, ils évoluent parmi leurs pairs dans un
univers de facilité que sont les réceptions dans des lieux à la mode où l'on
boit beaucoup et se divertit de manière artificielle en accueillant des
danseuses lascives ou en invitant la gent féminine à faire assaut de goût
tapageur. Cela fonctionne plutôt bien, même si le trait finit par devenir
répétitif. Les caractères sont bien sentis. Quoique l'héroïne
pâtisse un peu de ce traitement au bénéfice de sa rivale Luybasha qui se tire
d'affaire avec brio : Ekaterina Gubanova déploie un sûr talent
d'actrice et la voix de mezzo grave surclasse celle de Marina Poplavkaya
qui déçoit dans la quinte aiguë du rôle de Marfa et paraît bien pâle dans la
scène de folie. La distribution masculine fait la part belle aux voix
russes, jeunes ou aguerries - on est ravi de revoir la basse Paata Burchuladze.
Enfin Johan Reuter propose une composition vocalement brillante du rôle de
Gryaznoy confié au registre de baryton héroïque. La direction de
Mark Elder se montre des plus efficaces.
Atys à l'Opéra
Comique : une rare expérience de spectacle total.
Jean-Baptiste LULLY : Atys. Tragédie
en musique en un prologue & cinq actes. Poème de Philippe Quinault.
Bernard Richter, Stéphanie d'Oustrac, Emmanuelle de Negri,
Nicolas Rivenq, Marc Mouillon, Sophie Daneman, Jaël Azzaretti,
Cyril Auvity, Paul Agnew, Bernard Deletré. Compagnie Fêtes galantes.
Chœur et orchestre Les Arts Florissants, dir. William Christie.
Mise en scène : Jean-Marie Villégier.
©Pierre
Grosbois
Ainsi Atys qui marqua l’un
des premiers grands succès internationaux des Arts Florissants, revient à
l'Opéra Comique sur le lieu de sa production mythique de 1987. Un
providentiel mécène américain a permis cette renaissance. Il ne s'agit
pas d'une reprise mais d'une « recréation » et William Christie
s'empresse de souligner qu'« il serait malhonnête d'annoncer une copie conforme ».
Tout comme il est vain de prétendre mesurer ce qui sépare 24 ans
d'interprétation. Puisé dans Ovide et ses Métamorphoses, le sujet
du châtiment d'Atys est simple : ce berger qu'on dit insensible à l'amour,
mais choisi par la déesse Cybèle comme grand prêtre et amant, tombe sous
le charme de la belle Sangaride. Il en sera châtié car, dans un acte de
folie, il la tuera avant de se supprimer lui-même. Éplorée, la déesse le
métamorphosera en pin, l'arbre éternellement vert. Si, pour sa quatrième
tragédie en musique (1676), Lully s'inscrit dans la continuité du ballet de
cour, la maîtrise du verbe devient essentielle : c'est une langue choisie
que dévoile le poème de Quinault, en vers mêlés, utilisant une polyrythmie
subtile dans les récitatifs émaillés de fines inflexions, d'articulations
souples. Et l'on est proche de la déclamation théâtrale racinienne.
C'est peut-être là ce qui caractérise l'opéra français par rapport au modèle
italien. Le fait aussi de combiner poésie et danse : les divertissements
sont enchâssés dans la trame dramatique de manière si intime qu'ils sont partie
intégrante de l'action. La continuité narrative n'en est pas affectée,
bien au contraire. Ce qui peut sembler paradoxal aujourd'hui où l'on
cherche à tout classifier en catégories étanches, procède pourtant d'une
évidence : la tragédie en musique fédère indissolublement divers genres
pour créer une unité de ton qui lui confère son homogénéité.
©Pierre
Grosbois
Alors que tant de spectacles
d'opéra baroque misent sur l'excentricité et le mélange de styles plus ou moins
heureux, la production de Jean-Marie Villégier affiche une théâtralité d'une
rare cohérence : recréer, à partir du contexte de grand deuil qui frappa
l'automne du règne de Louis XIV, « un rituel du souvenir, rituel
expiatoire indéfiniment répété ». L'unification des diverses
composantes du spectacle en sera le moyen. Tel « un vestibule de
tragédie », une salle de palais austère percée de six portes, peuplée d'un
mobilier restreint et symbolique, forme l'unique décor. L'imagerie en a
été empruntée à des gravures d'époque représentant le mobilier d'argent des
Grands Appartements de Versailles. Seul le Prologue fait appel à la
couleur, en ce qu'il annonce le spectacle qui va suivre par l'amusante improvisation
d'un méticuleux maître de cérémonie. Les costumes et leurs accessoires,
perruques et parures, imaginés par Patrice Cauchetier, d'une richesse
inouïe, apportent une note de faste non ostentatoire malgré leur
magnificence : un camaïeux de noir et de gris dont se détacheront des tons
pastels au IVe acte et l'or durant la scène des Songes, symbole
de la « jeunesse dorée du Roi-Soleil », dit encore Villégier.
Mais l'essentiel pour celui-ci est de servir le texte au plus proche possible
du flux musical. Aussi le souci de la déclamation est-il l'épine dorsale
du vocabulaire de la mise en scène qui se décline sur les mots d'élégance (de
la gestuelle) et d'esthétisme (de l'environnement). Loin de quelque
reconstitution apprêtée, Villégier s'attache à suggérer combien la tragédie
doit toucher le spectateur. De même, les séquences chorégraphiques ont la
simplicité, la légèreté et la grâce destinées autant à émerveiller qu'à
illustrer le récit dramatique qu'elles prolongent.
©Pierre
Grosbois
William Christie joue habilement
de l'écrin acoustique avantageux de la salle Favart : fosse surélevée
pour mettre en valeur la basse continue et la richesse d'un orchestre de
cordes fourni, bois disposés de part et d'autre, dans les loges d'avant-scène,
pour mieux distinguer leurs traits graciles, musiciens présents sur scène lors
du tableau du sommeil. Le chef livre une exécution intense, on ne peut
plus séduisante, s'attendrissant à l'occasion : ainsi de l'infinie douceur
hypnotique préludant au tableau des Songes comme de la fraîcheur de ses
diverses séquences. Le fini sonore que forgent ses musiciens des
Arts Florissants est somptueux. Si tous les protagonistes
n'assimilent pas avec la même empathie la direction d'acteurs suggestive de
Villégier, les principaux d'entre eux la portent à un haut degré
d'achèvement : noblesse du geste, hiératisme des attitudes, présence
habitée et juste ce qu'il faut d'exagération dans les scènes plus paroxystiques
de dépit amoureux entre Atys et Sangaride ou de rage désespérée d'Atys prêt à
commettre l'irréparable. Ce personnage complexe de par les déchirements qui
l'habitent, le ténor Bernard Richter le fait sien avec une grande
justesse, diction racée et ligne vocale immaculée. Emmanuelle de Negri,
Sangaride, domine assurément comme lui les accents et fioritures du langage
lullyste. Le portrait le plus achevé est celui de Cybèle dans lequel
Stéphanie d'Oustrac fait passer le frisson de la tragédie par une
déclamation vocale hautement maîtrisée. Le monologue « Ah !
Pourquoi me trompez-vous ? » possède une authentique grandeur et les
ultimes lamentations laissent percer une indicible émotion. Le Prologue
est joué par les lauréats de la promotion 2011 du Jardin des Voix
entourant Bernard Deletré, un des rares participants de l'entreprise de
1987. Telle est la vitalité de l'institution forgée par Christie, dont
les chœurs ne sont pas le moindre fleuron. Enfin les danseurs apportent,
par leur engagement, une contribution non négligeable au succès d'un spectacle
prestigieux. Bonheur de l'opéra !
Jean-Pierre Robert.
Magnifique Trouvère au
Théâtre des Champs-Élysées (version de concert).
Opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi. Livret de
Salvatore Cammarano. Orchestre national Bordeaux Aquitaine,
Chœur de l’Opéra national de Bordeaux, dir. Emmanuel Joel-Hornak. Alexey Markov
(Il Conte di Luna), Elza van den Heever (Leonora), Elena Manistina
(Azucena), Giuseppe Gipali (Manrico), Wenwei Zhang (Ferrando).
Cet opéra de Verdi, composé en
1851, créé à Rome au Teatro Apollo le 19 janvier 1853, appartient à la
trilogie populaire de Verdi avec La
Traviata et Rigoletto. Établi
à partir d’un livret tarabiscoté et abracadabrant, il constitue
indiscutablement une étape dans la production lyrique verdienne au même titre
que Don Carlo et les productions
plus tardives comme Otello ou Falstaff. Un livret accumulant
invraisemblances et embrouillaminis où tous les éléments du drame échappent à
notre regard, rapportés par la narration, mais une musique somptueuse par la
profusion mélodique et la prééminence du chant, servie, ici, par une
distribution vocale remarquable et un orchestre totalement investi dans
l’évolution de la dramaturgie et le service des chanteurs.
Elza van den Heever ©DR Alexey Marlov
©DR
De jeunes chanteurs talentueux
parmi lesquels Alexey Markov campant un Conte di Luna superbe par la
voix et le geste, Elza van den Heever, assumant totalement le rôle de
Leonora, l’un des plus exigeant du répertoire, exceptionnelle de présence avec
sa voix puissante, capable de magnifiques piano dans le registre suraigu,
Elena Manistina faisant preuve d’un beau legato, d’une tessiture
particulièrement étendue, de graves profonds sachant donner au personnage
d’Azucena toute la présence psychologique et dramatique souhaitée par Verdi,
avec un Stride la vampa d’anthologie,
alliant vision d’horreur, effroi et émotion, enfin, Giuseppe Gipali,
vaillant Manrico, également remarquable par son timbre plein de douceur,
sans nulle agressivité malgré les difficultés de la partition et ses célèbres contre-ut. Une mise en situation
assez réussie, des acteurs et des musiciens engagés, une direction d’orchestre
intelligente, bref, une très belle soirée saluée par une longue ovation du
public.
Salle Pleyel : Samson
et Dalila. Pour les seuls orchestre
& chœurs…
Opéra en trois actes de Camille Saint-Saëns sur un livret de Ferdinand
Lemaire. Version de concert. Orchestre national & Chœur du Capitole
de Toulouse, dir. Tugan Sokhiev. Ben Heppner (Samson), Elena Bocharova
(Dalila), Tomas Tomasson (Le Grand Prêtre), Nicolas Testé (Abimelech),
Gudjon Oskarsson (Le vieil Hébreu).
Seul opéra, dans la copieuse
production lyrique de Camille Saint-Saëns (1835-1921), reconnu par la
postérité, Samson et Dalila fut créé
en 1877, à Weimar. Entre opéra et oratorio, inspiré d’un thème biblique,
tiré du Livre des Juges (chapitre XVI), il s’agit d’une partition complexe
où peuvent se lire différentes influences musicales, françaises (Berlioz,
Gounod, Bizet), allemandes (Wagner), tout autant que la sensualité mélodique
italienne ou la tradition baroque de Bach ou Haendel, le génie de Samson et Dalila et de Saint-Saëns étant, précisément, de réaliser, avec le
plus grand bonheur, la synthèse de ces éléments disparates. Œuvre particulièrement
exigeante musicalement et vocalement, Tugan Sokhiev, par sa direction
attentive, intelligente et son sens du phrasé, sut en donner une splendide
vision parfaitement adaptée à la dramaturgie (et à la faiblesse des
chanteurs !), sachant mettre en avant la très belle sonorité de son
orchestre, toute la richesse des timbres, des couleurs orientalisantes, la
beauté des chœurs (qui occupent, ici, une place primordiale) et la ciselure de
l’orchestration.
Ben Heppner ©Marty Umans
Il n’en fut pas de même de la
distribution vocale, homogène dans sa médiocrité. Ben Heppner
(Samson), très limité vocalement, ne pouvait assumer les nombreuses difficultés
de la partition, Elena Bocharova (Dalila), remplaçant au pied levé
Olga Borodina, n’avait pas, à l’évidence, un ramage en rapport avec son
plumage étincelant, bien incapable, par sa technique restreinte, de faire
preuve de la souplesse vocale nécessaire à son rôle, Tomas Tomasson (Le
Grand Prêtre) manquait singulièrement de charisme, Gudjon Oskarsson (Le
vieil Hébreu) était à la limite de la justesse et Nicolas Testé constamment
décalé ! Ajoutons à cela la diction incompréhensible de la plupart des
chanteurs et une mise en espace totalement absente…
©Patrice
Nin
Enfin, il nous restait la
musique, étincelante de bout en bout, que le public sut apprécier à sa juste valeur,
par de nombreux rappels adressés à l’orchestre, au chœur et à leur chef qui
semblent décidés à poursuivre leur collaboration pour les années à venir - ce
dont on ne peut que se réjouir.
Tugan Sokhiev ©Denis Rouvre/Naïve
Patrice Imbaud.
***
« Concert d’Été » : un merveilleux petit festival
XIIe Festival de musique & de poésie de Palau del Vidre
Du 24 juin au 3 juillet, le
XIIe Festival de musique et de poésie de Palau del Vidre promet,
cette année encore, des moments enchanteurs. Son ambition est de faire découvrir la diversité des
visages de la Méditerranée du Moyen Âge à nos jours, à travers musique,
poésie et autres arts. Pari régulièrement gagné, d’autant que la petite
cité catalane, toute de charme et de sérénité, offre au festival un cocon
accueillant au sein duquel le visiteur est d’emblée mis en condition pour des
instants magiques. Il faut connaître cette douceur de vivre, cette
lumière particulière qui enveloppe la petite église de Palau et son parvis,
cadre privilégié du festival. Y goûter une fois suffit à y revenir,
surtout que le programme des spectacles est particulièrement convaincant !
Palau del Vidre : le Palais du verre. Cette
petite ville située non loin d’Argelès-sur-Mer, à 19 kilomètres au sud de
Perpignan, a construit sa réputation autour de ses maîtres verriers.
Durant l’été, un festival, des expositions et des démonstrations autour du
travail du verre sont proposés aux touristes, autre visage des arts
méditerranéens qui fait écho à la poésie et la musique.
Sous les auspices de sa présidente Marie Susplugas
Andréa, le Festival 2011 rend hommage au grand poète roussillonnais que
fut Josep Sébastiá Pons, évoqué dans le nom même « Concert d’été »,
titre de l’un de ses ouvrages. Le président d’honneur du festival est
Pedro Soler, guitariste flamenco virtuose à la sonorité étonnante et au
style d’une grande pureté. Il fera l’ouverture du festival le 24 juin.
Nous aurons également le plaisir de revoir le conteur Clément Riot, que
nous avions pu applaudir l’année dernière dans ses deux prestations Les Mots-sons d’amour et Pour que l’image devienne symbole, soutenu
par les flûtes de Dorothée Pinto et Annie Ploquin. Quelle magie
nous envoûtera avec son oratorio profane L’Épopée
de la Constellation du Taureau ? Le Festival 2011 nous promet un
programme diversifié et d’une grande qualité. Le quintette Mare Nostrum,
mélange de talents et de culture qui interprète avec la même aisance un
répertoire étendu du baroque au contemporain, le duo Bensa-Cardinot, mêlant
chanson, tango ou musique contemporaine dans une remarquable symbiose, les duos
Clariana (flûte & guitare) et Moliner-Soler (flûte & violoncelle), le
septuor Baroque au Bas Mot, sans oublier l’exposition éphémère d’art verrier
« De l’auroch au toro ».
©DR
De quoi commencer l’été dans
une ambiance chaleureuse, sympathique et culturelle !
Précipitez-vous à Palau del Vidre, vous ne le regretterez pas !
Renseignements : « Concert
d’été », 66690 Palau del Vidre. Tél. : 04 68 37 98
38.
www.palau-del-vidre.com/festival_musique.htm ou : concert.d.ete@wanadoo.fr
Gérard
Moindrot.
***
Création de Il Postino au Châtelet
Pour son dernier spectacle de la
saison, le Châtelet monte Il Postino. Écrit par le
compositeur mexicain Daniel Catán d'après le film éponyme de Michael Radford
(1994), l'opéra met en scène le poète Pablo Neruda. L'histoire narre
l'amitié qui se noue sur une petite île au sud de l'Italie où, exilé politique,
il s'est installé, entre le poète chilien et un jeune pêcheur devenu facteur
qui, fasciné par lui, aspire à écrire de la poésie. Le rôle-titre sera
chanté en espagnol par le ténor Placido Domingo pour lequel il a été
taillé sur mesure.
Placido Domingo en Pablo Neruda ©DR
Théâtre du Châtelet, les 20, 24, 27 et 30 juin 2011, à
20h00.
Renseignements : 1, place
du Châtelet, Paris Ier. Tél. : 01 40 28 28 40. www.chatelet-theatre.com
Les Brigands investissent l'Opéra Comique
Joyeuse fin de saison à
Favart : l'opéra bouffe Les Brigands de Jacques Offenbach
(1869) y fait halte. La parodie est ici à l'honneur : une fable
amorale où le vol est érigé comme principe de vie en société. La critique
à peine voilée du système politique de l'époque s'accompagne de celle des
ressorts même de l'opérette. Les librettistes Meilhac et Halevy singent quelques
pièces en vogue de leurs confrères Scribe et Auber. La production, signée
Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps, est la reprise de celle créée en
1993 à l'Opéra de Paris. François-Xavier Roth dirige l'orchestre
Les Siècles.
Jacques Offenbach ©DR
Opéra Comique, les 22, 24, 27, 29,
30 juin et 2 juillet 2011 à 20h00 ; le 26 juin à 15h00.
Renseignements : 1, place
Boieldieu, Paris IIe. Tél. : 0825 01 01 23. www.opera-comique.com
Jean-Pierre Robert.
***
FORMATION MUSICALE
Anthony GIRARD : Le langage musical de Stravinsky dans l’Histoire du soldat. « Les cahiers d’analyse musicale »,
Billaudot : G 8789 B.
Professeur au CRR de Paris et à la Schola Cantorum,
Anthony Girard a déjà publié chez le même éditeur de nombreux ouvrages
d’analyse musicale. Celui-ci comporte les mêmes qualités que les
précédents : clarté, pertinence, intérêt musical et pédagogique. Il
s’adresse aussi bien aux grands élèves des conservatoires et écoles de musique qu’aux
amateurs désirant augmenter leur culture musicale en approfondissant des œuvres
essentielles de l’histoire de la musique. Tous les aspects de l’œuvre
sont examinés à partir d’exemples pris dans la partition. L’ensemble est
à la fois clair et précis. Il y a là un très beau travail au service de
la musique.
ORGUE
Carsten CLOMP : Organ plus one. Passion Ostern Easter.
Œuvres originales et arrangements pour le service d’église et le concert.
Bärenreiter : BA 8503.
Concerts ou services, il s’agit
bien d’œuvres liturgiques, même si elles peuvent être utilisées bien au-delà du
cadre du culte réformé. Les thèmes sont ceux des chorals
traditionnels. Les pièces, qui peuvent leur servir de prélude, ont été
transposées dans le ton de l’Evangelisches
Gesangbuch. Comme le titre l’indique, les arrangements ou
compositions sont écrits pour orgue & un instrument mélodique, plutôt à
vent. Le volume contient la
partie de l’instrument qui s’ajoute à l’orgue dans les tonalités d’ut, sib, mib et fa, pour pouvoir s’adapter à tous les instruments.
Jacques VEYRIER : Prélude, aria et fugue pour orgue.
Delatour : DLT0644.
Il est un peu étonnant, de prime
abord, de ne trouver aucune indication de registration pour ce triptyque de
forme classique, mais d’un contenu qui l’est moins. Mais après tout,
puisqu’il n’existe pas deux instruments semblables, n’est-ce pas au contraire
faire confiance au goût et au savoir-faire de l’instrumentiste ?
D’ailleurs, une simple lecture de l’œuvre suggère immédiatement un monde sonore,
des timbres, une esthétique… que nous ne préciserons pas davantage : à
chacun son interprétation ! Mais ce serait vraiment dommage de ne
pas en découvrir la richesse et la poésie.
Claude MONNIER : Variations pour orgue sur O Filii et Filiae… Armiane : EAL 470.
Organiste de l’église
Saint-Joseph de Clamart, Claude Monnier, avec ses variations de niveau facile,
permettra aux organistes débutants d’avoir à leur répertoire une œuvre fort
intéressante. Faciles techniquement, ces variations n’en possèdent pas
moins un grand intérêt musical. Deux claviers, un pédalier et quelques
mutations, c’est tout ce qu’il faut pour interpréter ces pièces variées dans
leur style et dans le traitement du thème qui passe des mains aux pieds, sans
oublier une variation en canon fort bienvenue.
PIANO
René MAILLARD : Poèmes pour piano. Delatour : DLT1861.
Le titre de la pièce, écrite
« d’après Fébrilité, cycle de
mélodies sur des poèmes de Dominique Pagnier », ne doit pas
tromper : ces Poèmes ne
constituent qu’une seule œuvre courte mais dense. À un « lento
agiatamente » à 10/8 succède un court Andante et un Allegro assai à 4/4,
le tout générant des rythmes aussi variés qu’expressifs. Une écriture à
la fois post-tonale et très lyrique donne à l’ensemble un intérêt certain.
Francis COITEUX : Images de Provence. Trois pièces pour
piano. Niveau 2e cycle. Delatour : DLT1857.
Heureux les élèves qui
interprèteront ces trois pièces : ils devraient y trouver beaucoup de
plaisir… À une « Danse des rubans » en forme de tarentelle
succède une charmante « Douce lavande » qui invite à la sieste ou aux
idylles au milieu des senteurs provençales. Le tout se termine bien
évidemment par une « Joyeuse farandole », trépidante et pleine de
soleil. Voilà un bien agréable voyage à faire de toute urgence.
GUITARE
Jean-Marie LEMARCHAND : Litanie pour guitare. Armiane : EAD471.
Écrite pour la fin du cycle 2,
cette très courte Litanie possède une
grande densité, à la fois mélodique et rythmique. Pas d’effets dans cette
pièce au caractère méditatif mais tout un jeu sur les résonances, sur la
qualité du son et de l’expression ; et, en même temps, beaucoup d’énergie
contenue ainsi qu’un dialogue entre une basse à l’aspect tonal et un chant aux
mélismes délicats.
HAUTBOIS
Jacques VEYRIER : Sonatine pour hautbois & piano.
Delatour : DLT0659.
Attention, cette Sonatine est plus proche de Ravel que de
Clémenti ! Trois mouvements : Modéré, Lent et Agité, tous trois
d’un lyrisme et d’une poésie remarquables. Un véritable dialogue entre les
deux instruments. C’est une œuvre petite par la taille mais grande par la
musique qui l’habite.
CLARINETTE
Davide PERRONE : Softy Air pour clarinette sib & piano. Delatour : DLT1162.
Cette pièce instaure entre les
deux instrumentistes un dialogue rythmé par des claquements de doigts.
Puis la clarinette, lyrique, plane au dessus d’un piano qui lui impose une
basse « obstinée » aux harmonies jazzy. Si le pianiste doit
avoir un niveau deuxième cycle, le clarinettiste peut aborder cette pièce dès
la fin du premier cycle. Le style original de cette œuvre devrait
véritablement séduire les élèves.
TROMBONE
Fabrice LUCATO : Diabolo pour trombone & piano.
Préparatoire. Lafitan : P.L.2082.
Faut-il voir dans le titre une
allusion au jeu d’enfant et à la petite fille de l’auteur à qui cette pièce est
dédiée ? Toujours est-il qu’on goûtera l’aspect sautillant et bon
enfant de cette jolie pièce, charmante et espiègle.
Rémi MAUPETIT : Ne va pas trop loin pour trombone & piano.
Préparatoire. Lafitan : P.L.2080.
Jusqu’où faut-il ne pas aller
trop loin ? Mystère… On appréciera le caractère à la fois
primesautier et un peu suranné de cette jolie pièce qui sera facilement
interprétée par deux élèves.
Max MÉREAUX : Clair de lune pour trombone & piano. Débutant.
Lafitan : P.L.2093.
Un joli do mineur un peu mélancolique caractérise ce Clair de lune bien séduisant. On sait la difficulté d’écrire
des pièces musicalement intéressantes pour un niveau débutant : Max Méreaux
y réussit pleinement.
SAXHORN/ EUPHONIUM/ TUBA
Max MÉREAUX : Églogue pour saxhorn alto & piano.
Armiane : EAL511.
Cette charmante petite pièce
écrite pour le premier cycle porte bien son nom, avec son caractère bucolique
et champêtre. Une petite modulation au ton homonyme mineur ajoute un peu
de piment à l’ensemble.
Max MÉREAUX : Hommage pour saxhorn basse, euphonium, tuba &
piano. Delatour : DLT1121.
Il s’agit de la version pour
saxhorn d’une œuvre recensée dans notre Lettre précédente (mai 2011).
Max MÉREAUX : Comptine pour saxhorn basse/ euphonium/ tuba &
piano. Lafitan : P.L.2096.
De niveau préparatoire, cette
petite pièce développe des styles de jeux divers : le legato, le staccato.
Également contrastée dans ses nuances, elle permet au jeune instrumentiste de
montrer ses qualités d’interprète.
Rémi MAUPETIT : La valse du temps pour saxhorn basse/ euphonium/
tuba & piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.1990.
Cette valse aux harmonies
délicates et parfois mélancoliques est pleine de charme et d’espièglerie.
Elle constituera pour le jeune interprète un moment bien agréable.
Thierry DELERUYELLE : Tranquille pour saxhorn basse/ euphonium/ tuba
& piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2046.
Pas si tranquille que cela,
cette pièce en rythme ternaire aux allures de farandole mettra à l’épreuve le
sens rythmique des jeunes interprètes : des syncopes bien placées
surgissent, qu’il faudra maîtriser ! Au bout du compte, beaucoup de
plaisir et de joie de vivre s’expriment avec entrain.
COR
Max MÉREAUX : Églogue pour cor en fa & piano. Armiane : EAL510.
Il s’agit simplement de la
transcription pour cor de la pièce pour saxhorn recensée ci-dessus.
Rémi MAUPETIT : Leçon… Le son pour cor en fa ou mib & piano.
Préparatoire. Lafitan : P.L.1998.
Le titre indique le but de cette
œuvre : faire travailler à l’instrumentiste le son, l’expression… Et
il faudra effectivement que l’élève soit attentif à toutes les indications de
dynamique, d’accentuation, d’articulation qui surabondent dans la partition et
permettront de rendre toutes les nuances de cette œuvre qui n’est pas seulement
un exercice d’expression mais aussi une très agréable musique à mettre en
valeur.
CHANT
SCHUMANN : Dichterliebe op. 48. Édité par Hansjörg Ewert. « Bärenreiter Urtext »,
Bärenreiter : BA 7851.
Ici encore, ce n’est pas
seulement d’une simple amélioration de la présentation de ce cycle
universellement connu dont il s’agit mais d’une présentation critique contenant
en appendice quatre Lieder (op. 127, 2, op. 142, 2, op. 127, 3
et op. 142, 4). On comprendra leur présence en lisant la
passionnante préface qui ouvre cette partition et que tout interprète de ce
cycle se doit de connaître.
MUSIQUE CHORALE
Jean-Jacques WERNER : La voile errante. Poème de Pierrette Germain.
Pour chœur mixte (SATB) & piano. Delatour : DLT1118.
Un beau poème, une musique en
plein accord avec l’esprit du poème : tout cela donne une œuvre très
attachante, mais qui demande un chœur très exercé, même si le piano double
constamment les voix, ce qui aidera considérablement à la justesse. Il y
faut aussi un récitant et une soliste éprouvée. Mais qu’importe la
difficulté puisque la musique est belle !
Roger CALMEL : Ave maris stella pour 4 voix mixtes & orgue.
Armiane : EAL98.
Messe Terre nouvelle pour chœur mixte, assemblée & orgue.
Armiane : EAL4.
Magnificat de
Fourvière pour voix égales & orgue. EAL70.
Bien qu’il ne s’agisse pas de
nouveautés, il est important de rappeler que sont toujours disponibles aux
éditions Armiane ces fort belles pièces de Roger Calmel. Certes, elles
demandent un chœur exercé, mais la difficulté n’est pas insurmontable et on
sera récompensé par la découverte d’une musique fort belle et trop rarement
interprétée. Souhaitons que ces quelques lignes donnent envie à des
chœurs de redécouvrir l’œuvre de ce compositeur trop méconnu.
OPÉRA
MOZART : Le nozze di Figaro KV 492. Édité par
Ludwig Finscher. « Urtext de la Neuen Mozart-Ausgabe »,
Bärenreiter : TP 320.
Cette remarquable édition qu’on
n’ose qualifier « de poche » étant donné son épaisseur est, malgré la
petitesse des portées, d’une remarquable lisibilité. Mais il s’agit aussi
d’une édition critique comportant les plus récentes recherches (2010)
effectuées sur cette œuvre. Il s’agit vraiment d’un travail monumental
comportant toutes les pages ajoutées ou supprimées lors des différentes
représentations. On lira avec beaucoup d’intérêt la préface et les
abondantes notes critiques contenues dans ce copieux volume.
Daniel Blackstone.
Les Éditions du Centre de musique baroque de Versailles (Hôtel des Menus-Plaisirs. 22, avenue
de Paris, 78000 Versailles. Tél. : 01 39 20 78 10. www.cmbv.fr) n’ont de cesse d’enrichir leur
catalogue. Ainsi de :
André CAMPRA (1660-1744) : Symphonies de l’Europe galante (Cahier 216).
Édition proposée par Julien Dubruque, collection « Orchestre ».
69 p. 20 €.
Créé en 1697 sur un livret d’Houdar
de La Motte, l’Europe galante est
l’une des œuvres majeures de l’opéra français classique. Son ouverture,
ses danses et préludes (lorsqu’ils sont suffisamment développés) ont été ici
regroupés dans l’ordre originel. Pièces à 5 parties (avec flûtes,
hautbois & bassons) jouables en concert de chambre ou d’orchestre (parties
séparées disponibles).
André CAMPRA (1660-1744) : Regina coeli (Cahier 217). Édition
proposée par Louis Castelain, collection « Chœur et orchestre ».
23 p. 14,5 €.
Très bref, ce grand motet
versaillais – débutant « Gayement », suivi de
« Rondement », de « Lent » puis de « Très Gay »
- fait intervenir 3 chanteurs solistes (haute-contre, taille et
basse-taille), un chœur à 5 parties (à la française) et un orchestre à
4 parties de cordes, avec bois & basse continue.
Jean-Marie LECLAIR (1697-1764) : Concerto pour violon & orchestre, op VII n°5 (Cahier 218). Édition proposée
par Louis Castelain, collection « Orchestre ». 43 p.
17,2 €.
En la mineur et 3 mouvements (Allegro, Largo, Allegro assai), ce Concerto, signé du plus éminent
représentant de l’école française de violon du XVIIIe siècle,
dure quelque 15 minutes. Où, à la manière d’un concerto grosso,
un « Violino concertino » alterne direction d’orchestre et soli.
L’orchestre comporte deux parties de violon, une partie d’alto, une partie de
basse & un continuo.
Nicolas-Jean LEFROID de MÉREAUX (1745-1797) : Samson, oratoire (Cahier 219). Édition proposée par
Julien Dubruque, collection « Chœur et orchestre ». 98 p.
25 €.
Sur les deux premiers actes d’un
livret de Voltaire, Lefroid de Méreaux composa un oratorio qui fut créé, au
Concert spirituel, le 25 mars 1774. Livret dont on retrouve deux
vers sur le tableau du frère Goujet, dévoilé lors de l’apothéose maçonnique du
28 novembre 1778, en hommage au frère Voltaire récemment disparu. L’œuvre
requiert 4 chanteurs solistes, un chœur à 5 parties et un orchestre
fourni, comprenant les cordes, tous les bois, plus cor, trompette &
timbales.
Nicolas CLÉRAMBAULT (1676-1749) : Regina coeli (Cahier 221).
Édition proposée par Louis Castelain, collection « Chœur et
orchestre ». 16 p. 10 €.
Hormis un très court duo pour
haute-contre & basse, ce motet fait la part belle au chœur (à 4 voix)
enchaînant trois parties contrastées : un mouvement léger en dialogue, une
partie lente - harmoniquement très expressive - et un alléluia rapide, fortement
contrapuntique.
Les éditions François Dhalmann (10, rue de Bienne, 67000 Strasbourg.
Tél. : 03 88 48 49 89. www.dhalmann.fr)
publient :
Sylvain KASSAP : More !Pour violon alto.
Niveau : difficile. Tout en restant fidèle à l’écriture, cette pièce
doit être jouée à la manière d’une improvisation.
Régis FAMELART & Bertrand CÔTE : De Smyrne à Constantinople. Ensemble
pour 4 claviers (ou instruments en ut)
& 4 percussions. Niveau : facile/moyen. Nombreuses
configurations possibles. Conducteur + parties séparées.
Christian HAMOUY : Ombe on line. Ensemble pour le 1er cycle, pour 2 guitares & piano. Niveau : facile/moyen.
Peu d’exigences techniques doivent faciliter l’écoute de l’ensemble. Il
existe une version pour quatuor de guitares (transcription par Luc
Vander Borght).
Bruno GINER : Lad 3. Pour trompette solo. Niveau : facile/moyen. À
l’exception de deux endroits où le tempo est métronomiquement indiqué, la
notation est proportionnelle (« Senza tempo »).
Éric FISCHER : Kamélia. Pour saxophone soprano en sib.
Niveau : difficile. Pièce brévissime, inspirée – semble-t-il – du
free jazz.
CHANT
Victor Alexandre STOICHIŢĂ : Chants tsiganes de Roumanie. Pour chanter ensemble de 8 à 14 ans.
« Traditions chantées », Les Éditions de la Cité de la musique (www.citedelamusique.fr).
20 x 27 cm, 80 p., ill. n&b et couleurs,
ex. mus. 27 €.
Anthropologue et musicien, Victor
Alexandre Stoichiţă nous présente ici 8 chants tsiganes,
traduits & transcrits à partir d’enregistrements réalisés dans différents
villages de Roumanie. Le peuple
tsigane : Repères sur son histoire (Routes de la migration/ Tsiganes
& identités nationales, en Europe, Roumanie, France/ Linguistique) /
Sa musique (Musique tsigane ou Tsiganes musiciens ? Les Tsiganes de
Gratia). Les chants tsiganes :
huit ont été enregistrés par un certain Napoléon, en 2008, dans sa villa de
Gratia (dont six peuvent être chantés par de jeunes enfants ; deux sont
destinés à la seule écoute). Chaque titre est abondamment analysé, et envisagées
ses possibles applications pédagogiques. Le CD comporte 37 pistes
(dont 4 proposent des interprétations par des classes de CM2, 6e ou 5e). Un travail exemplaire.
VIOLONCELLE
Roswitha BRUGGAIER : Cello (phil)Vielharmonie, vol. 2. Arrangements pour 4 ou 5 violoncelles. Breitkopf Pädagogik.
Kammermusik Bibliothek (www.breitkopf.com) :
2298. 40 p.
+ CDRom. 17 €.
Dans des arrangements de
Roswitha Bruggaier pour son propre ensemble, « Dr. Hochs
Philharmonische Cellisten », voici 12 pages célèbres qui feront le
bonheur de plus d’une classe de violoncelle : pièces de
Tielman Susato, Valentin Haussmann, Haendel, Mozart, Weber, Schubert,
Wagner, Verdi, Grieg & Heymann.
PIANO
Tempo ! Tempo ! 40 morceaux originaux pour le piano. Préface et
doigtés par Monika Twelsiek. Difficulté : intermédiaire. Schott
Piano Classics (www.schott-music.com) :
ED 9049. 80 p. 16,99 €.
Rapides & fougueux, furieux
& exaltés, turbulents & virtuoses, artistiques & divertissants,
vertigineux & hardis, brillants & enflammés, hors du commun sont ces
40 morceaux empruntés à Lemoine, Bertini, Duvernoy, Burgmüller et autres
Czerny, mais aussi à Diabelli, Kuhlau, Haendel, J. S. Bach, Slavicky,
Grieg, Gretchaninoff, etc. Très aisément jouable – à tempo moyen…
Carsten GERLITZ (Arrangements
par) : Love
Ballads, 16 Wonderful Songs of Passion. Niveau : facile à intermédiaire. Schott
Piano Lounge (www.schott-music.com) : ED 20964.
72 p., CD inclus. 16,95 €.
Fort joliment et
fonctionnellement arrangées par l’Allemand Carsten Gerlitz, les seize
célèbres ballades ici regroupées comportent paroles originelles, en anglais, et
chiffrages américains. Sur le CD, tous les morceaux sont interprétés par
Carsten Gerlitz.
Klaus BÖRNER : Romantische
Klaviermusik. 23
pièces pour piano à quatre mains. Volume 1. Difficulté :
intermédiaire. Schott Piano Classics (www.schott-music.com) :
ED 9051. 60 p.
12,99 €.
Le propos de ce fort plaisant
florilège est de faire (re)découvrir des pièces méconnues ou tombées en
désuétude de : Weber, Böhner, Schubert, Mendelssohn, Schumann, Gurlitt,
Reinecke, Brahms, Dvořák, Saint-Saëns, Fauré...
FLÛTE
Patrick STEINBACH : Irish Folk Tunes,
71 Traditional Pieces. Schott World Music (www.schott-music.com) :
ED 13360. 52 p., CD inclus. 14,99 €.
71 morceaux traditionnels
irlandais pour flûte traversière, à bec ou irlandaise (Tin Whistle) sont
ici présentés avec leurs accords : Reels, Jigs, Slip Jigs, Polkas,
Marches, Hornpipes, Carolan Tunes, Folksongs, Airs… Convient à tout instrument
mélodique. Des commentaires accompagnent chaque pièce.
VIOLON
Edward HUWS JONES (Arrangements par) : The French Fiddler, pour violon & piano. Niveau : facile
à intermédiaire. Boosey & Hawkes (www.boosey.com) : BH 12056. 108 p. 18,95 €.
Cette édition complète du
« Violoniste traditionnel français » comporte le conducteur (violon
mélodique, violon d’accompagnement, piano + guitare ad lib.) &
les parties séparées de violons. Fort réjouissant panorama :
Gascogne (Saut du balai/ Gigue), Tarn
(La Jeanne Saint-Martin/ Le tric-trac),
Provence (Adieu pauvre Carnaval/ J’ai vu
le loup), Auvergne (Les lourdauds de
la montagne/ Chantons l’heure du départ), Berry (La bourrée d’Aurore Sand/ Polka des vignerons), Morvan (Bourrée de plein-jeu/ Scottish de Marmagne),
Alsace (Au soir/ Chanson de route/ La
cruche), Paris (Gare au loup !/ Un
soir d’amour), Bretagne (Complainte/
Air de marche).
Ros STEPHEN : Argentinian Tango
and Folk Tunes for Violin. Niveau : intermédiaire à avancé. Schott
World Music (www.schott-music.com) : ED 13379. 108 p. + CD (TT : 70’18).
Incluant 41 tangos, milongas,
chamamés, zambas, gatos ou chacareras, ce superbe recueil présente tous les
styles musicaux de l’Argentine. Souvent sous forme de duos : avec
guitare (ou bandonéon), 2e violon ou piste playback MP3…
Sont, en outre, fournies toutes explications nécessaires sur chacune des
pièces.
GUITARE
Jens FRANKE & Stuart WILLIS : Baroque Guitar Anthology, vol. 1. 25 pièces pour guitare &
luth. Niveau : facile. Schott Music (www.schott-music.com) :
ED 13357. 32 p. + CD (TT : 26’45). 14,99 €.
Il s’agit là d’un ensemble de
transcriptions de pièces des XVIIe et XVIIIe siècles,
mais aussi de pièces originales de Gaspar Sanz, David Kellner et
Robert de Visée. Accessible à des instrumentistes ayant 2 à
3 ans d’expérience. Outre des notices biographiques sur les
compositeurs, sont fournies d’utiles notes pédagogiques, suggérant des axes de
travail pour l’approche de certains passages.
Hugh BURNS : Scottish Folk Tunes
for Guitar. 31
pièces traditionnelles. Niveau : intermédiaire à avancé. Schott
Music (www.schott-music.com) : ED 13359. 64 p. + CD (TT : 42’38).
14,99 €.
Dans ce joyeux florilège,
figurent strathspeys, jigs, waltzes, slow airs, reels & chansons
traditionnelles. Mélodies notées sur portées et en tablatures.
Chaque titre est assorti d’une notice.
Éric PÉNICAUD : Thème, variation et carillon, pour ensemble de guitares. Productions d’Oz (www.productionsdoz.com) :
DZ 1447.
Par le très prolifique Éric
Pénicaud, voici un nouvel opus, pour 4 voix de guitares, où in fine est faite belle la part
d’un joyeux désordre improvisé. Sous la houlette, cependant, d’un maître
assurant une manière de basse continue.
Marc PAPILLON : La main du guitariste.
Anatomie, technique & performance. Alexitère (www.medecine-des-arts.com).
23 x 30 cm, 80 p., ill. n&b, ex. mus. 27 €.
Outre « Présentation &
méthodologie », cet ouvrage comporte 10 fiches pratiques : L’axe vertical / La ventilation /
L’axe horizontal, ceinture scapulaire / Les bras & avant-bras /
Les poignets / La main / Échauffement de la main / Exercices des
poignets / Exercices de la main / Synchronisation. Pour
concilier impératifs techniques ou stylistiques & respect de la physiologie,
une somme !
SAXOPHONE
Dirko JUCHEM : Movie Classics. 14 Famous Film Melodies. Pour saxophone alto & piano. Niveau :
facile à intermédiaire. Schott Saxophone Lounge (www.schott-music.com) :
ED 20981. 96 p.
+ CD (TT : 42’38). 14,99 €.
Deux fascicules : sax alto avec
mélodies & chiffrages / sax alto & piano. Proposant notamment : Tara’s Theme / Night Fever / Lily was here /
Making Whoopee / Hit the road, Jack / Manha de Carnaval / Also
sprach Zarathustra / Clair de lune / Pink Panther/ New York,
New York… Tous arrangements joués, sur le CD, par
5 joyeux musiciens (sax, piano, guitare, contrebasse & batterie).
Francis Cousté.
***
Philippe AGID & Jean-Claude TARONDEAU : Le Management des
opéras. Comparaisons internationales.
Descartes & Cie (www.editions-descartes.fr),
2011. 13,5 x 21 cm, 319 p. 25 €.
On a beaucoup disserté sur le genre opéra, mais rarement
sur son mode d'organisation et de management. C'est ce à quoi s'emploient
les auteurs de la présente monographie à partir d'une étude statistique menée
en 2007 dans quelque 80 maisons d'opéra en Europe et aux USA mais aussi de
rencontres avec les principaux acteurs du secteur. L'opéra est un monde
qui n'évite pas la crise. Toutes les grandes institutions y ont été
confrontées à un moment de leur histoire (Opéra de Paris, Royal Opera de
Londres, Berlin et ses trois salles). L'évaluation des performances
combinée à l'approche qualitative permettent d'en mieux comprendre le
fonctionnement. Un constat se dégage : l'extrême diversité des
formes de gouvernance. S'il existe deux modes dominants, le modèle nord-américain
et le modèle allemand, bien des maisons échappent à cette classification.
Plusieurs paramètres l'expliquent tels que le poids des traditions, voire même
l'impact de l'architecture des salles. « L'omniprésente difficulté
du financement » est au cœur du débat, autrement dit la plus ou moins
grande autonomie financière pour tenter de résoudre la question sans fin de la
rentabilité. Et il se trouve bien des constatations paradoxales.
Ainsi « plus la jauge des salles est grande, plus le prix moyen des places
et le taux d'occupation sont élevés ». La recherche de l'audience et
des divers moyens de la développer ne sont pas les seuls facteurs en jeu :
d'autres sources de profit sont prospectées dont les bénéfices générés par la
diffusion des spectacles par les médias. Les auteurs dégagent trois
modèles de financement selon que les subventions dominent (modèle européen) ou
qu'il existe un équilibre frôlant la parité entre dons privés et billetterie
(modèle américain) ou encore les systèmes combinant financements public et
privé et billetterie (dit modèle mixte européen). Encore que « les
subventions publiques contribuent davantage au financement des maisons d'opéra
en Europe que les donations aux États-Unis ». D'autant qu'étant
globalisées, elles offrent de ce fait un caractère de stabilité. Reste
que les différentes sources de financement sont problématiques : la
croissance de la billetterie a ses limites, le niveau des subventions peut ne
pas être maintenu, surtout en période de crise, les donations ou ressources du
mécénat n'être pas extensives à l'infini. Aussi la définition de
stratégies économiques est-elle indispensable. Quelles sont, dès lors,
les perspectives d'évolution ? Au-delà des constatations des bonnes
pratiques, cette étude démontre que le poids des enjeux économiques pèse
également sur la maison Opéra. Son intérêt n'est-il pas de conduire ceux
qui œuvrent dans le secteur à s'inspirer des expériences des uns et des autres
pour tenter de résoudre la question cruciale de la maîtrise des coûts et
d'établir le meilleur système de management ? Et partant, d'apporter
une réponse satisfaisante à cet autre paradoxe qui veut que l'art lyrique soit
« le plus coûteux des arts vivants et celui qui s'adresse au public le
plus étroit » et, dans le même temps, connaisse une vitalité qui ne se
dément pas.
Gérard GUBISCH : Wozzeck ou l'opéra révélé. Lecture musicale & dramaturgique de l'opéra
d'Alban Berg. Les Éditions de L'Île bleue, 2011. 16 x
23,5 cm, 295 p. 28 €.
Wozzeck est presque un modèle d'école.
Avec son souci de la forme poussé à l'extrême, une logique implacable présidant
au découpage de son opéra, Alban Berg offre à l'analyste un idéal champ
d'investigation. Comme naguère Pierre-Jean Jouve et Michel Fano (Wozzeck ou le nouvel opéra, Plon, 1953),
mais avec une volonté résolue d'ausculter chaque détail, Gérard Gubisch
« explique » une œuvre à nulle autre pareille, « peut-être le
plus beau rituel musical que le théâtre lyrique aura connu et connaîtra ».
N'a-t-on pas affaire assurément à un schéma dramatique quasi idéal que
constituent les quinze étapes de l'inexorable parcours vers l'abîme du soldat
Wozzeck, cet « archétype de tous les damnés de la terre ».
Après un synopsis musical et dramatique de ces quinze scènes, qui forme déjà à
lui seul un résumé compréhensif, l'auteur se livre à une analyse musicale et
dramaturgique minutieuse, mesure par mesure, phrase par phrase, vrai décodage
de la « structure d'acier » imaginée par Berg à partir de la
pièce de Büchner. Il est peu d'exemples, hormis Pelléas et Mélisande,
d'une telle adéquation entre un texte et une musique. Et l'on se prend à
saisir comment naît « la sensation étrange d'une musique en retour
permanent sur elle-même » qui « traduit à un niveau suprême
d'expressivité et de cohérence un état singulier d'enfermement qui
fascine ». Voilà peut-être le secret de cet opéra : son
agencement formel complexe ne fait pas obstacle au choc émotionnel qu'il
procure même pour le non initié. Il a beau être éminemment organisé
(autonomie dramaturgique de chaque acte, variété des formes musicales utilisées
de l'un à l'autre), son pouvoir de fascination puise à d'autres ressorts.
Sans doute parce qu'il est traversé de thèmes récurrents qui lui donnent une
couleur étrange et émaillé de raccourcis musico-dramatiques d'une formidable
puissance évocatrice, tels que l'allusion, le sous-entendu, la phrase
prémonitoire. Ce travail scientifique « au scalpel » comme
le décrit son auteur, reste d'une extrême clarté. Outre le pur plaisir
intellectuel du décryptage, il est de nature à renforcer l'indicible
ébranlement que suscite chaque écoute de ce chef-d'œuvre. L'ouvrage
s'accompagne d'une explicitation de la symbolique des intervalles et d'une
table des principaux motifs, d'une bibliographie et d'une discographie.
Bruno GINER : Survivre et mourir en musique dans les camps
nazis. Berg International éditeurs (www.berg-international.com),
2011. 15,5 x 24 cm, 190 p. 19 €.
« La musique fut placée délibérément au cœur
de la barbarie et intégrée au système concentrationnaire comme un élément
indispensable à son fonctionnement ». Le compositeur Bruno Giner
livre dans un ouvrage minutieusement documenté un tableau sans fard de ce qui a
servi d'alibi à un régime réduit à l'infamie des camps d'extermination. À
travers la création de chorales, d'orchestres ou d'ensembles de jazz, la musique
y avait plusieurs fonctions : celle d'embrigadement (l'obligation de
chanter ou de jouer chaque matin afin de rythmer la marche des détenus partant
travailler), d'expression de propagande (chaque camp a son hymne) mais aussi de
distraction des membres de la Nomenklatura SS. Comment ne pas la
haïr alors ? Au contraire, le fait non plus imposé mais spontanément
exprimé de jouer de la musique apportait un réconfort moral aux déportés et
prisonniers. Nombre de chansons expriment la nostalgie, la résignation
mais aussi l'espoir. L'opérette de Ravensbrück, Le Verfügbar aux Enfers, écrite par Germaine Tillion en forme de revue pastiche d'Orphée
aux enfers, se veut une satire grinçante de la vie quotidienne du camp où
« l'humour caustique apparaît comme moyen de défense ». Des
musiciens ont composé dans les camps de prisonniers. On pense à Messiaen
et son Quatuor pour la fin du temps écrit au stalag de Görlitz. Mais
il y en eut bien d'autres : Jehan Alain, Maurice Thiriet,
Émile Groué, Jean Martinon... Jouissaient-ils d'une situation
privilégiée ? Certainement du point de vue matériel, encore que leur
statut relativement protégé répondait, là encore, à un souci de propagande.
Le ghetto de Theresienstadt (Terezín) et son « administration des
loisirs » seront la forme la plus sophistiquée d'une vitrine officielle
cachant « une tragique ou cynique mascarade ». De nombreuses
œuvres seront aussi écrites pour dénoncer les camps d'internement, les
exécutions et la 'Solution finale' : la Deutsche Symphonie de Hans Eisler, A survivor from Warsaw de Schoenberg,
comme celles composées en hommage aux victimes de l'holocauste par
Luigi Nono, Krzysztof Penderecki ou Steve Reich. Tout au
long de ces pages, l'horreur vous saute au visage car, quelles qu'aient été les
vertus qu'on lui prêtât, « La musique n'a jamais rien empêché ».
Quelques portraits de musiciens et d'interprètes complètent ce troublant
parcours.
Jean-Pierre Robert.
Éric de PUTTER : Bergers, guerriers et
musiciens. La musique dans la trifonctionnalité & la
trifonctionnalité dans la Bible. Collection « Pensée musicale » dirigée par
J.-M. Bardez. Delatour (infos@editions-delatour.com) : DLT1120. 254 p. 20 €.
É. de Putter dépasse largement les
investigations sur le rôle des instruments de musique dans la Bible (cordes,
trompettes…) et se réfère aux recherches de Georges Dumézil entreprises
dès 1938. Il aboutit à la conclusion que leur première fonction est
tributaire du pouvoir religio-politique ; la seconde, de la défense ;
la troisième, du grand nombre... Le dénominateur commun de ce livre (au
titre qui pourrait surprendre) est essentiellement l’instrument à cordes qui, selon
l’auteur, représente un symbole récurrent. Les utilisateurs en sont les
bergers, guerriers et musiciens. Ces investigations s’adressent non
seulement aux musicologues et organologues, mais encore aux philosophes et
anthropologues. En effet, les sources exploitées par l’auteur dans sa
démarche pluridisciplinaire se rattachent, d’une part, aux textes
antiques : Philon d’Alexandrie, Théophile d’Antioche, Didime l’Aveugle, y
compris les sources bibliques vétérotestamentaires (Genèse, Pentateuque, Livre de Samuel), l’espace indo-européen et la culture finno-ougrienne,
d’autre part, à la pensée de réformateurs (Martin Luther, Jean Calvin) et
théologiens - plus proche de nous : par exemple, Dietrich Bonhoeffer…
Cette forme de pensée est conditionnée par la double formation théologique et
musicologique de l’auteur, qui lui permet de traiter ce thème complexe sur la
trifonctionnalité dans la musique et dans la Bible. Chacun, selon sa
formation et ses affinités, saisira le sens parfois caché de la démarche de
l’auteur.
Lettres de Franz Liszt à la princesse
Marie de Hohenlohe-Schillingsfürst née de Sayn-Wittgenstein (présentées et annotées par Pauline
Pocknell, Malou Haine & Nicolas Dufetel). « MusicologieS »,
Vrin (www.vrin.fr), 2011.
434 p. 34 €.
Les faits sont bien connus : Franz
Liszt (1811-1886), alors surtout compositeur, chef d’orchestre et professeur
lié à la princesse Carolyne de Sayn-Wittgenstein, est installé à Weimar.
Il entretiendra une vaste correspondance avec sa fille, la princesse Marie (née
en 1837). Publiées pour la première fois en langue française, ces
lettres, très explicites et révélatrices, plongent les lecteurs dans le grand
monde d’alors. Car la jeune princesse est mariée avec le prince
Constantin de Hohenlohe-Schillingsfürts qui évolue dans le sillage de l’empereur
François-Joseph. D’une lettre à l’autre, c’est tout le gotha européen qui
défile, avec ses artistes, ses personnalités influentes, ses intellectuels
éminents… Les lecteurs trouveront un tableau parfois inattendu de la vie
musicale, avec des aspects neufs, permettant de suivre la carrière de Liszt,
ses déplacements et les réactions de la princesse. Une mine de
renseignements présentés avec soin et annotés en connaissance de cause par les
soins attentifs de Pauline Pocknell, Malou Haine et Nicolas Dufetel, et
paraissant dans le cadre du Bicentenaire de la naissance de Liszt.
Figures du Protestantisme en BD. Éditions du Signe (info@editionsdusigne.fr),
334 p. 22 €.
Évidemment, Jean-Sébastien Bach figure
en toute première place parmi les grands noms du protestantisme, à côté des
réformateurs : M. Luther qui a remis la pratique musicale
individuelle et collective à l’honneur et les chants dans la langue du peuple
(comme le préconisent J. Calvin et M. Bucer, ou encore Pierre et
Marie Durand qui, enfermés par le roi à la Tour de Constance, chantaient des psaumes.
Plus proches de nous : Albert Schweitzer. À noter également la
présence de John Wesley (1703-1797) qui a tant prôné le chant d’assemblée.
Ce livre est le résultat de l’inventivité, de connaissances historiques de nombreux
auteurs, avec des récits véridiques et des illustrations pertinentes.
Tout le mérite en revient aux narrateurs, dessinateurs et coloristes qui n’ont
pas ménagé leur effort pour évoquer les motivations de 10 personnalités
allant de Martin Luther à Martin Luther-King. Très instructif, à
lire avec curiosité et intérêt, pour mieux saisir l’histoire des sensibilités
religieuses du XVIe siècle à nos jours.
Édith Weber.
Antoine de CAUNES : Dictionnaire amoureux du rock. Plon.
736 p. 23,90 €.
Dans la belle collection des « Dictionnaires
amoureux », un volume fervent, sincère, totalement subjectif, bourré
d’anecdotes personnelles (voir par exemple les négociations mafieuses avec
James Brown pour un show télé !) et surtout, à pisser de rire,
dans lequel le virevoltant A. de Caunes, acteur, cinéaste, homme de
média, partage avec nous sa passion du rock, du vrai : Ramones, pas
Pink Floyd. Quel pied !
Jim de ROGATIS et alii : Le Velvet Underground. L’histoire illustrée de A Walk On The Wild Side. Trad.
C. Séruzier. Hugo&Cie (www.hugoetcie.fr). 194 p., ill. n&b et couleurs, discographie,
index. 28 €.
Bel album à l’abondante iconographie sur le fameux
groupe new-yorkais, né de la rencontre du prolifique songwriter Lou Reed et de l’altiste cagien John Cale. Propulsé par
Andy Warhol en 66 (fameuse pochette à la banane), le Velvet a créé
sur 4 ans et autant d’albums des chansons noires, vénéneuses,
minimalistes, mêlant « chaos, sexe et poésie urbaine » qui ont marqué
définitivement l’histoire du rock, indiquant aux acteurs du punk, de la
New Wave et de tout ce qui s’ensuit, la voie des libertés alternatives.
Vincent
COTRO et alii : John Coltrane. L’œuvre
et son empreinte. « Contrepoints », Outre Mesure.
216 p., ex. mus., index, bibliographie. 23 €.
Comme le postface Laurent Cugny, la stature posthume
du saxophoniste de jazz John Coltrane (1926-1967) ne cesse de grandir.
Il est partout : « Au-dessus, comme nous le ressentons tous.
Ailleurs, toujours. Et tout près bien sûr ». Les éditions Outre Mesure
nous ont déjà gratifiés de la biographie de référence signée Lewis Porter.
Une dizaine de contributions pour un colloque (Tours, 2007) multiplient
ici les points de vue sur une œuvre d’une richesse inépuisable. De
l’analyse de structures intervalliques (L. Florin) à la mise en évidence
des influences indienne (C. Clementz) ou espagnole (E. Parent et
G. Tosser), du témoignage de Dave Liebman aux approches poétique
(C. Raynaud) et psychanalytique (B. Lauer), tout est passionnant et
vibre d’un bel amour pour une musique à l’intensité unique.
Paul Gontcharoff.
Frans C.
LEMAIRE : La
Passion dans l’histoire de la musique.
Du drame chrétien au drame juif. Fayard. 15 x
23,5 cm, 564 p., tableaux. 29 €.
Que de chefs-d’œuvre musicaux n’auront-ils pas, au
fil des siècles, illustré ou commenté la Semaine sainte – Sept Paroles du Christ de
Schütz, Passions de Bach ou de
Telemann, Messie de Haendel, Christ au mont des Oliviers de Beethoven, Parsifal de Wagner, sans préjudice
d’innombrables autres partitions - de Gounod, Penderecki, Murail… Drame
chrétien certes, mais non moins drame du peuple juif, si longtemps accusé de
déicide. Divers éclairages sont apportés : la Passion selon les
textes, dans la liturgie, à la Renaissance & à l’âge baroque (catholique ou
luthérienne), revue par Beethoven ou Wagner, après Auschwitz, au théâtre, au
cinéma, etc.
Marc
BELISSA : Haendel
en son temps. Ellipses (www.editions-ellipses.fr). 16 x
24 cm, 432 p., cahier d’ill. n&b et couleurs. 24 €.
Pareille biographie de ce « tonneau de porc et
de bière » (comme l’écrivit Berlioz dans ses Mémoires) était-elle bien nécessaire ? Certes oui, pour un
compositeur trop longtemps méconnu en France, mais à qui est désormais rendu
pleine justice. Il ne s’agit pas là d’un ouvrage d’érudition, armé d’un
pesant apparat universitaire, mais d’une synthèse historique de la très riche
bibliographie anglo-saxonne dédiée à « Georg Friederich Händel »
(comme il fut inscrit sur son acte de baptême, à Halle, le 24 février 1685).
Biographie structurée comme suit : Ouverture (Portrait avec & sans perruque), Acte I (De Halle à Rome en passant par Hambourg, 1685-1709), Premier entracte (Politique, culture, musique & société :
l’Angleterre de 1603 à 1737), Acte II (Haendel l’Anglais ou l’acclimatation de l’opéra seria à Londres,
1710-1736), Deuxième entracte (Politique, culture, musique & société : l’Angleterre de 1637 à 1759), Acte III (De l’opéra à
l’oratorio, 1737-1759), Épilogue (La
postérité de Haendel : icône britannique ou figure du cosmopolitisme
musical ?).
Gérard
STRELETSKI (Textes recueillis, présentés & publiés par) : Duo violon-piano. Mémoire et présence d’un genre. Actes de
la Journée d’études (Lyon, 4 avril 2007). « Études », Université Lumière
Lyon 2 (tél. : 04 78 69 71 37. aurelia.puaux@univ-lyon2.fr).
16,5 x 24,5 cm, 258 p., photos, ex. mus. 25 €.
Associée au « 4e Concours
international de musique de chambre de Lyon », cette Journée permit d’entendre - suite à l’avant-propos
de Gérard Streletski – six communications : La Sonate pour violon
& piano, la question des origines (Frédéric Gonin) / L’Opus 7, n°1 et 3 pour violon &
piano d’Anton Webern, l’adieu au pays tonal (Denis Le Touzé) /
Lucien Durosoir, l’histoire au présent (Gérard Streletski) / Sonate pour violon & piano,
« Le lis » de Lucien Durosoir, les fondements pluriels d’un
langage singulier (Isabelle Bretaudeau) / L’œuvre pour violon &
piano de Georges Enesco (Anne Penesco) / Olivier Greif
[1950-2000], les œuvres pour violon & piano, La Rencontre des eaux (Brigitte François-Sappey). Textes
assortis de sources, index, bibliographie, discographie, etc. Première
monographie sur le sujet. De référence !
Edmond
MICHOTTE (1831-1914) : La visite de Wagner à Rossini. Préface de
Xavier Lacavalerie. Actes Sud (www.actes-sud.fr). 10 x
19 cm, 112 p., 15 €.
Paru en 1906, cet opuscule relate la visite rendue
à Paris - quelque 50 ans auparavant, en présence de l’auteur – par le tout
jeune Wagner à l’illustre Rossini. Où les deux hommes se lancèrent dans
une passionnante disputatio autour de
la réforme de l’opéra et de la conception wagnérienne de la « musique de l’avenir ».
L’ouvrage comporte aussi une lettre d’Edmond Michotte au compositeur
François-Auguste Gevaert (1828-1908).
Henri
GONNARD : Introduction
à la musique tonale. Perspectives théoriques, méthodologiques
& analytiques. « Unichamp-Essentiel », Honoré Champion
(www.honorechampion.com). 13 x
21 cm, 170 p., tableaux, ex. mus. 15,50 €.
Déjà auteur, chez Champion, de La musique modale en France de Berlioz à Debussy, Henri Gonnard
met, cette fois, en perspective « la musique tonale », depuis l’harmonia perfetta de Zarlino
jusqu’à Messiaen et au-delà. Envisageant successivement : La tonalité
et ses modèles, de la linguistique structurale à la systémique / La
situation consonantique des intervalles harmoniques / La théorie ramiste
et ses antécédents / Le mode mineur / Chiffrage et fonctions
tonales / Implications de la tonalité à l’époque classique /
Consonance & dissonance, détente & tension, stabilité &
instabilité / Aperçu des rapports de Schenker et Schoenberg / Au-delà.
Ouvrage synthétique et… d’une lecture relativement aisée.
Esther
HEBOYAN, Françoise HEITZ, Patrick LOUGUET & Patrick VIENNE
(Études réunies par) : Le son au cinéma. « Lettres & civilisations
étrangères, série Cinémas », Artois Presses Université (www.univ-artois.fr). 16 x
24 cm, 316 p., 24 €.
Dans ce foisonnant recueil de 21 articles,
fruit du colloque « Le son au cinéma » organisé à Arras en novembre
2008, est fait le point sur les diverses utilisations du son au cinéma - par de
célèbres cinéastes : Ch. Chaplin, Fr. Lang, J. von Sternberg,
R. Bresson, St. Kubrick… mais aussi des auteurs plus
confidentiels : A. Serra, J.-M. Straub, D. Huillet,
M. de Oliveira, R. Ruiz… Les aires géographiques ne sont
pas moins variées : monde anglo-saxon, France, Espagne, Allemagne, aussi
bien que Canada, Cuba ou Danemark… Même si le propos est d’abord esthétique,
la technique est présente grâce à un passionnant entretien avec Riccardo Giagni, sound designer de
Marco Bellocchio. Cinq parties : Du son direct à la
post-production / Parcours conceptuels / Territoires sonores / Mémoires
sonores / Entre silence et vacarme.
Benjamin
MARTINEZ : Créer
ses partitions avec « Finale ».
Composer, arranger, éditer. Eyrolles (www.editions-eyrolles.com). 19 x 26 cm,
336 p., tableaux couleurs, ex. mus. 36 €.
Conçu pour Finale 2010 et 2011, ce gros manuel vise à accompagner tous musiciens, quel que
soit leur niveau, dans leur utilisation du fameux logiciel - pour notamment la
conception, l’édition & l’impression de partitions destinées à n’importe
quel instrument ou n’importe quelle formation (orchestre, big band,
quatuor à cordes, duos chant & piano, etc.). Le tout assorti de mille
astuces pour simplifier les procédures. Utile glossaire. Site
d’accompagnement du livre : www.benjaminmartinez.com/finale
Didier
ANTOINE : Georges
Brassens. De la pudeur…
Sacrebleu ! Préface de Jean-Paul Sermonte.
Éditions du Cygne (www.editionsducygne.com).
14 x 21 cm, 130 p. 13 €.
Le flot des publications sur Brassens ne semble
décidément pas près de se tarir. Nous conviant à une promenade « auprès de son arbre », Didier Antoine
nous émeut par la sincérité de son admiration – nullement conjoncturelle… –
pour celui qui écrivit : « On
se dissimule par pudeur derrière ce qu’on dit. Je suis tout entier dans
mes chansons. Montré et caché… ». Où le biographe met en
lumière la modestie du grand Georges, mais aussi son humour et sa seule arme,
l’ironie, aussi bien que son exigence morale laïque. Index des chansons
citées, discographie, bibliographie. Remarquable !
Christine
GUILLEBAUD, Victor A. STOICHITA & Julien MALLET (Dossier coordonné
par) : La
musique n’a pas d’auteur. Revue Gradhiva, n°12 (http://gradhiva.revues.org/1784).
Éditions du musée du quai Branly. Diff. Flammarion.
240 p., 93 ill. n&b & couleurs. 20 €.
Publié par Gradhiva,
superbe revue d’anthropologie & d’histoire des arts, voici un ensemble
d’études constituant des « ethnographies du copyright musical »,
propriété intellectuelle dont le caractère international trouve encore,
hélas ! ses limites. Où, à partir d’analyses, sont interrogées les
notions clés liées au droit d’auteur et à la création. Où sont mis
en lumière les différents statuts économiques - depuis la totale gratuité
jusqu’à la plus systématique marchandisation. Avec la participation de,
notamment : Antoine Hennion (« Soli Deo Gloria, Bach était-il un compositeur ? »),
Guillaume Kosmicki (« Musique techno, mix, sample »),
Laurent Aubert (« Woodstock en Amazonie & la superstar du ghetto
de Kingston »)… Plus contributions hors dossier.
Michel
SERRES : Musique.
Le Pommier (www.editions-lepommier.fr).
Diff. Belin. 13,5 x 20 cm, 168 p. 17 €.
Où le célèbre essayiste, membre de l’Académie
française, professeur à Stanford University, se fait musicien pour nous
offrir une philosophie de la musique incarnant, selon lui, le vrai langage du Monde
et des vivants. En trois contes : Bruits, aspects légendaires autour du mythe d’Orphée :
« Décrire d’abord le fleuve musical qui traverse la vie d’un
compositeur » / Voix,
aspects autobiographiques & scientifiques : « Avouer ensuite
quelle Musique ma vie rêva et me jeta sur les rives discursives de ce
livre » / Verbe, naissance
& louange : « Jailli de la Genèse, un fleuve musical, modelant et
produisant le temps, descend les siècles, torrentiellement ». D’une
lecture agréable, souvent enthousiasmante.
Jean-François
LECLERCQ (Photographies de) : Myung-Whun Chung, sculpteur de sons.
Préface : Pierre Bergé. Avant-propos : Jean-Luc
Hées. Présentation : Pascale Lismonde. La Martinière
(www.editionsdelamartiniere.fr).
Fort album relié sous jaquette, 28 x 28 cm, 160 p.
Dédié à l’un des plus grands chefs de notre temps,
ce somptueux album de 100 photographies noir & blanc,
signées Jean-François Leclercq (lequel aura suivi Myung-Whun Chung dans la
plupart de ses déplacements en France & en Asie), est essentiellement
centré sur le regard, les mains et la gestuelle du maestro. Homme dont
l’humilité n’exclut pas la plus rare intransigeance – comme peuvent en témoigner
les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France, phalange
qu’il dirige depuis bientôt dix ans. Quel bonheur de feuilleter
pareil ouvrage !
Maxime
LE FORESTIER : Né quelque part. Préface de
Sophie Delassein. Don Quichotte (www.donquichotte-editions.com).
14 x 22,5 cm, 342 p., album de photos n&b et couleurs.
19 €.
Pour ceux qui gardent nostalgie de San Francisco et de sa mythique
« maison bleue », voire d’autres « tubes » tels que Comme un arbre ou Né quelque part (manière d’hymne anti-racisme), il sera émouvant de
parcourir cet ouvrage, dans lequel le chanteur-guitariste dessine son autoportrait
- avec sensibilité, mais sans complaisance. Bibliographie, discographie.
Alain
CASABONA : Le
dernier lion de Castelnau, roman. Calmann-Lévy.
14 x 21 cm, 146 p. 14,50 €.
Les lecteurs qui auront apprécié Histoires à dormir Dubout (Prix
Alphonse-Allais), Le Grenier aux
merveilles ou L’éventail de Saturne ne manqueront pas de se laisser derechef émerveiller par ce nouvel opus d’Alain
Casabona. Récit mettant en scène le pianiste et compositeur Sigi, retiré
dans sa thébaïde héraultaise pour mettre la dernière main à l’opéra Orphée. Récit onirique où il est
parfois malaisé de faire le départ entre rêve et réalité - le héros mêlant au
présent ses souvenirs d’enfance à N’Djamena (Fort-Lamy) où le garçonnet avait
été, en quelque sorte, adopté par une lionne de l’Atlas. Lionne vieillie qu’il
retrouve aujourd’hui à Castelnau, et qui le conduira dans une sorte d’immense
caverne, cathédrale des abîmes, antre couvert de fresques relatant d’Orphée la
descente aux Enfers… Découverte également d’un manuscrit où sera révélée
la suite du mythe… Un conte dont on ne peut guère se déprendre.
Fascinant !
Robert
SCHNEIDER : La
révélation, roman. Traduit de
l’allemand par Brigitte Déchin. Fayard. 15,5 x
23,5 cm, 310 p., 22,50 €.
Cette révélation est celle d’une partition
autographe de Jean-Sébastien Bach découverte sous les lattes du plancher de
l’orgue de l’église Saint-Wenceslas, à Naumburg, petite ville de l’ex-Allemagne
de l’Est. Manuscrit découvert par Jakob Kemper, organiste titulaire
de l’instrument, dont la vie sera, dès lors, totalement bouleversée.
Épisodes rocambolesques, suite à l’intervention d’un quarteron de musicologues venus
expertiser l’orgue… Outre ses rares qualités de plume, Robert Schneider
(déjà couronné en France par le prix Médicis étranger, 1994) est, à l’évidence,
un fin musicien, aux rares connaissances musicologiques. Excellemment
traduit, un roman qui passionnera tous les mélomanes.
Se parant des plumes de la musicologie, tel personnage
s’autoriserait, nous dit-on, à mettre en doute notre exécration du nazisme et
de ses suppôts - d’hier ou d’aujourd’hui. Au prétexte que nous aurions
recensé tel ou tel ouvrage concernant Céline ou Rebatet (voir notre Lettre n°49)… Refusant, à dessein,
de faire le départ entre errements politiques & qualités musicales ou
littéraires… Quelle tristesse !
Francis Cousté.
***
Réforme &
Contre-Réforme. 8 CDs Ricercar (stephanie@outhere.com) : RIC 101. TT : 10h30.
Ce coffret de 8
disques se rattache à deux mouvements d’idées et à deux sensibilités
religieuses ayant agité la Chrétienté aux XVIe et XVIIe siècles. Tout d’abord : la Réforme, représentée en Allemagne par
Martin Luther (1486-1543), en Alsace, en France et en Suisse par
Jean Calvin (1509-1564)… et, en Angleterre, par l’archevêque
Thomas Cranmer (1489-1556). Cette remise en cause est illustrée
musicalement par le Psautier huguenot (Genève, 1562), les nombreux recueils de chorals luthériens, les Psalters anglicans, sans oublier le
répertoire calviniste aux Pays-Bas. L’hymnologie en langue française sera
freinée par les circonstances historiques alors que, dans l’Allemagne
luthérienne, le Choral occupe depuis 1523 une place considérable et évoluera
bien plus favorablement que le Psaume français : depuis
H. Schütz, J. H. Schein, S. Scheidt, D. Buxtehude…
jusqu’aux ancêtres de J. S. Bach ; il aboutira aussi à des
formes plus élaborées telles que les Concerts spirituels, Cantates, Oratorios et Passions.
Dans l’Angleterre de Cromwell à la Restauration, de nombreux musiciens tels que
J. Taverner, Th. Tallis, W. Byrd composent des œuvres latines et
anglaises. La production de la Contre-Réforme en Italie est illustrée par
G. P. da Palestrina, A. Willaert, G. Gabrieli, Th. L.
da Vittoria, V. Rufo dans la mouvance du Concile de Trente
(1562-1565), suivis par des œuvres plus développées (Miserere, Messes, Oratorios bibliques…) de
G. Allegri, G. Frescobaldi, Cl. Monteverdi, D. Scarlatti… Cette passionnante anthologie illustrant l’évolution de la musique
religieuse d’inspiration protestante et catholique, de la Réforme à l’époque
baroque, a sa place incontournable dans toute discothèque de musique
religieuse.
Georg Philipp
TELEMANN : Der
Tod Jesu. Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 6038.
TT : 76’45.
Cet oratorio de G.
Ph. Telemann - comme celui contemporain de Carl Heinrich Graun - relate
l’histoire de la Passion, des souffrances et de La Mort de Jésus dans une perspective assez subjective. Il a
été composé à Hambourg, en 1755, pour 4 solistes vocaux et un ensemble
instrumental. Gotthold Schwarz, chef et basse, met particulièrement
en relief le texte du philosophe et poète Carl Wilhelm Ramler. Dès
les premières mesures, les sonorités si prenantes des cors et des hautbois du
Bach Consort Leipzig plongent les auditeurs dans une atmosphère
méditative. Le choral : Du,
dessen Augen flossen reprend la mélodie du choral bien connu : Wenn ich einmal soll scheiden ou encore O Haupt voll Blut und Wunden (cf. Passions), puis récits et airs
alternent, entrecoupés par des chorals qui commentent l’action : un total
de 26 numéros, pour plus d’une heure et quart de musique, pendant laquelle
l’attention des auditeurs est constamment tenue en éveil et leur permet de
revivre de l’intérieur la Passion du Christ.
Ullrich BÖHME : Die Achtzehn Leipziger Choräle. 2CDs Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 6050/51. TT :
52’46 ; 43’48.
Ullrich Böhme,
titulaire du poste si prestigieux de l’orgue de l’église Saint-Thomas à Leipzig
au si riche passé historique, propose - en deux CDs remarquablement bien
présentés et enregistrés - les 18 Chorals
de Leipzig (BWV 651-668), mis au point et recopiés vers la fin de sa
vie par J. S. Bach. Il s’agit d’un véritable testament musical
dont les débuts se situent à l’époque de Weimar où, lors des cultes, les
chorals devaient servir de préludes avant le chant des fidèles. Certaines
des pièces regroupées proviennent de motets et de cantates, et concernent les
temps de l’Avent, de la Passion, de Pentecôte ; d’autres expriment la
reconnaissance et la confiance. L’excellent enregistrement à l’orgue de
l’église Saint-Thomas se termine de façon émouvante par les chorals : Wenn wir in höchsten Nöten seien (Quand nous sommes dans la plus grande
détresse), BWV 432, dicté à son gendre Altnikol par Bach peu avant sa
mort, et Vor deinen Thron tret ich
hiermit (Devant ton trône je vais
comparaître), BWV 668,
peut-être ajouté au recueil par une main anonyme. À ne pas manquer.
Antonín DVOŘÁK : Biblische Lieder, op. 99. Josef KLIČKA : Sonate
für Orgel fis-Moll. Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 6044. TT : 64’06.
Ce disque associe,
d’une part, les noms de deux compositeurs tchèques : Antonín Dvořák
(1841-1904) et Josef Klička (1855-1937) et, d’autre part, un choix de
pièces vocales religieuses pour chant et orgue et une Sonate pour orgue en fa# mineur. Susanne Rohn
- lauréate de concours internationaux, organiste et cantor - accompagne avec
sensibilité et équilibre Klaus Mertens, baryton-basse, spécialiste de
l’oratorio baroque, qui a une imposante discographie à son actif. Sa
voix à la fois profonde et saisissante lui permet de traduire musicalement les
divers états d’âme et nuances de ces 10 Psaumes tchèques (une traduction allemande reposant sur celle de
Martin Luther est jointe au livret). Les versets extraits des Psaumes 55 et 61 (nos 3
et 6) se présentent comme une intense prière, contrastant avec des pages plus
lyriques (nos 1 et 7). L’ensemble se termine aux accents
plus entraînants du Psaume 98 : Chantez au Seigneur un cantique
nouveau ! (n°10). Excellente réalisation. L’orgue Sauer (à
traction pneumatique) de Bad Homburg (Erlöser Kirche), restauré en
1993, à 4 claviers et pédale, convient parfaitement pour restituer la Sonate (1917) de Josef Klička,
fidèle à la tradition tchèque dans le sillage de B. Smetana, dont
Susanne Rohn tire le meilleur parti. Excellente réalisation à
découvrir.
Franz LISZT : Via Crucis. Hortus (editionshortus@wanadoo.fr) :
902. TT : 71’05.
Dans le cadre du
Bicentenaire de la naissance de Franz Liszt (1811-1886), Didier Maes - à
la tête des Éditions Hortus fondées en 1994 - a eu raison de rééditer la Via Crucis qui, la même année,
avait obtenu le Grand Prix international du disque décerné par la Société Liszt
à Budapest. Il s’agissait de son tout premier disque, déjà si prometteur.
L’enregistrement a été réalisé en Lettonie par le Chœur Sacrum, sous la
direction avisée d’Andris Veismanis, avec la participation très appréciée
de Vincent Genvrin à l’orgue Walcker de la cathédrale de Riga.
Après de nombreux remaniements, l’œuvre a finalement été datée de 1879, mais
créée seulement en 1929, à Budapest, pour le Vendredi Saint. Il ne
s’agit ni d’une Passion, ni d’un oratorio, mais d’une évocation des 14 Stations du Chemin
de Croix, écrite pour soprano, alto, ténor et basse solos, chœur mixte et
l’orgue très sollicité pour introduire les stations. Liszt procède à de
nombreux emprunts : chant grégorien (O Crux,
Ave ; Stabat Mater ; Vexilla regis), chorals
luhériens (O Haupt voll Blut und
Wunden, largement exploité par J. S. Bach, ou encore O Traurigkeit, o Herzeleid).
Réédition vraiment à l’honneur des Éditions Hortus.
Charles-Marie WIDOR : Intégrale des
Symphonies pour orgue. 6CDs XXI : CD 2-1720.
Cinq organistes ont
été nécessaires pour rendre compte des 10 Symphonies de Charles-Marie Widor (1844-1937), dont la IXe et la Xe sont respectivement sous-titrées gothique (op. 70) et romane (op. 71) ; les autres appartiennent aux opus 13 et 42.
Successeur de L.-J.-A. Lefébure-Wély et de C. Frank, il a été le professeur
de L. Vierne, Ch. Tournemire et M. Dupré… Ses œuvres sont
pensées pour l’orgue symphonique prôné par Aristide Cavaillé-Coll ;
toutefois, elles ont été enregistrées au Québec, aux orgues Casavant, par
exemple à la cathédrale Saint-Germain de Rimouski, à l’église Saint-Roch
(Québec), à Saint-Jean-Baptiste (Montréal)… Ses premières Symphonies sont assez proches de
l’esthétique française ; en revanche, les deux dernières s’inspirent du
chant grégorien. Elles comprennent de 4 à 7 mouvements contrastés.
Les interprétations des organistes J.-G. Proulx, G. Rioux,
B. Waterhouse, J. Rochette et J. Boucher reflètent la diversité
stylistique et une image bien plus complète que celle de la célèbre Toccata (souvent galvaudée) concluant sa Ve Symphonie…
Ils font (re-)découvrir sa Suite latine,
op. 86 et Trois nouvelles pièces,
op. 87. Une réussite organistique québécoise, tant pour la facture
des Frères Casavant dans les années 1920, que pour cette Intégrale.
Henryk GÓRECKI : Totus Tuus. Chœur de chambre Versija. Jade (jade@milanmusic.fr) : 699 730-2.
TT : 66’.
Ce disque reparaît à
l’occasion de la béatification du pape Jean-Paul II, à Rome, le 1er mai
2011. Le titre « Totus Tuus » (Tout à Toi) désigne à la fois sa devise et l’œuvre éponyme de
Henryk Górecki, né en 1932. Il regroupe des pièces chorales du XXe siècle particulièrement attachantes et expressives, et fait découvrir des
œuvres de compositeurs polonais, lituanien, letton et russe du XXe siècle,
nés entre 1932 et 1946 : Henryk Gorecki
- déjà cité -, Wojciech Kilar (Agnus Dei),
Alfred Schnittke (Répons),
Peteris Vasks (Dona nobis pacem),
Arvo Pärt (7 Répons au Magnificat),
Imant Ramins (Ave verum corpus).
À côté de cette jeune génération, figure encore Mikalojus Konstantinas
Ciurlionis (1875-1911), représenté par un Kyrie et un Sanctus. L’intérêt de
cette réalisation est quadruple : événementiel et commémoratif, artistique
(interprétation vocale hors-pair) et historique (découverte de musiciens de
l’Est), cette réalisation est de nature à satisfaire les mélomanes curieux.
Domine Deus. Chormusik des 20. Und 21. Jahrhunderts. Rondeau (mail@rondeau.de) : ROP 6039. TT : 61’52.
Ce CD est placé sous
le signe de la méditation, de la louange et de l’expression de la foi. Le
chœur de chambre I Vocalisti se joue de tous les traquenards techniques et
ne ménage pas ses efforts pour rendre l’intensité expressive de la Missa Rigensis d’Ugis Praulins
(°1957), créée par le Chœur de garçons de Riga en 2002. L’intensité
dramatique et émotionnelle est à son comble avec le motet de Rudolf Mauersberger
(1889-1971) : Wie liegt die Stadt so
wüst (1945), illustration de la terrible destruction de Dresde à la fin de
la Seconde Guerre mondiale. Tout aussi intense et suppliant est : Eli, Eli (1928) de György
Deak-Bardos (1905-1991), à découvrir, de même que le poignant De Profundis (1981) de József Karai
(°1927). Après la longue prière O Herr,
mache mich zum Werkzeug deines Friedens, op. 37, n°1 (1946) de Kurt Hessenberg (1908-1994), le Notre Père (1999) du compositeur
serbe Aleksandar S. Vujić (°1945), pose un point d’orgue exceptionnel
sur cette musique bien de notre temps par ses techniques compositionnelles, et
éternelle par l’impact de son message.
Jauchzet dem Herren. Les Psaumes de David
au XVIIe siècle en Allemagne du Nord. Alpha (stephanie@outhere.com) : 179. TT : 68’22.
Au XVIIe siècle, en
France, l’esthétique de l’Air de cour tend
à s’imposer ; en Allemagne - après l’incroyable essor des Chorals luthériens -, le Concert spirituel est très prisé.
C’est le cas de ce CD qui - sous un titre un peu inattendu : Poussez vers Dieu des cris de joie - permet de découvrir des Psaumes luthériens pour voix soliste avec accompagnement instrumental, et des
musiciens peu connus tels que Julius Johann Weiland (ca 1605-1663), Johann Philipp Förtsch (1652-1732),
Johann Sommer, ainsi que retrouver quelques grands noms de la musique
protestante : N. Bruhns (1665-1697), Chr. Bernhard (1628-1692),
l’élève de H. Schütz (1585-1672), et D. Buxtehude (ca 1637-1707), le célèbre Cantor et
organiste à l’église Sainte-Marie de Lübeck. La première partie concerne
l’exultation et la joie ; la seconde repose sur le De profundis (Aus der
Tiefe rufe ich, Herr, zu dir), dans les versions de J. P. Förtsch
et Chr. Bernhard, à titre comparatif. Cette intéressante réalisation
du chanteur Hans Jörg Mammel, avec, en plus, le Cantique de Siméon/Mit Fried und Freud ich fahr dahin, comprend
également quelques pièces instrumentales bien enlevées par l’Ensemble La Fenice
sous la direction de Jean Tubéry.
Reto Reichenbach,
piano : Mendelssohn, Bach/Busoni, Liszt, Messiaen. VDE-Gallo (info@vdegallo.ch) : 1337. TT : 66’.
Ce récital d’œuvres
de piano va de F. Mendelssohn à O. Messiaen, en passant par
l’arrangement par F. Busoni des 3 Préludes
de choral pour orgue de J. S. Bach : Komm, Gott Schöpfer, Heiliger Geist (pour Pentecôte) ; Nun komm der Heiden Heiland (pour l’Avent) et le choral bien connu : In dir ist Freude, ainsi que de la Chaconne de la 2e Partita
en ré mineur pour violon
solo, BWV 1004. J. S. Bach est encore représenté par les Variations sur le thème « Weinen, Klagen, Sorgen, Zagen »,
BWV 12, dans la version très développée de Fr. Liszt. Enfin, la
musique française est représentée par 4 extraits des Vingt Regards sur l’Enfant Jésus d’Olivier Messiaen.
R. Reichenbach, jeune pianiste suisse très prometteur, lauréat de concours
internationaux, a intitulé cette réalisation : Entre ciel et terre. Elle associe musique luthérienne et
musique catholique. L’excellent interprète réussit à conférer à ces pages
d’atmosphères si diverses les coloris et sonorités appropriés, permettant dans
une certaine mesure de réconcilier les puristes avec la pratique des
transcriptions. Réalisation originale accompagnée d’un texte trilingue de
présentation.
La Règle de Saint Benoît. Jade (jade@milanmusic.fr) :
699 732-2. TT : 69’29.
Vers 529, Benoît de Nurcie a fondé une communauté au
Mont Cassin et élaboré cette règle pour guider ses moines dans la vie
spirituelle. Par la suite, de nombreux monastères en Occident ont accepté
la règle qui a joué un rôle considérable dans la société. Parmi les
points importants, figurent : une constitution écrite indispensable, une
loi pour contrôler l’autorité et l’élection du responsable par ses frères.
Quatre idées prédominent : la prière, le travail, le silence et l’accueil
de tous. Cet enregistrement, qui a remporté le Grand Prix international
de l’Académie Charles Cros, reproduit la traduction de Dom Marc-François
Lacan, très proche de l’original. La règle, énoncée par la voix si
convaincante de Michael Lonsdale, est présentée en 23 plages de
longueur inégale, jalonnées par les ponctuations grégoriennes des moines de
Ganagobie. Les conditions de vie exemplaires sont groupées autour de
7 centres de gravité : Prologue ; Famille monastique ; Vertu monastique ; Prière et pénitence ; Discipline ; Administration, pauvreté et travail ; recrutement et esprit de la vie cénobitique. Les musicologues
seront intéressés par les renseignements sur la psalmodie et la
récitation ; les lecteurs, par les impératifs : silence, prière,
ordre ; sagesse, humilité, obéissance, « bon zèle »… ou encore
les différents rôles (l’abbé, le prieur) et la formation des frères.
Fruit de la solide expérience de saint Benoît - encore valable quinze
siècles après sa mort -, son guide de vie illustre fidèlement la tradition
monastique.
Dietrich BUXTEHUDE : Membra
Jesu nostri. Raum Klang (info@raumklang.de) : RK 2043. TT : 64’01.
Sous le titre : Membra
Jesu nostri se cache non pas une Passion,
mais un cycle de 7 cantates composé par Dietrich Buxtehude (ca 1637-1707) au sommet de sa
carrière, en 1680. Il s’agit d’un genre de méditation - à la manière de
saint Bernard de Clairvaux - sur les souffrances du Christ, ou encore
d’une oraison en vers s’adressant à chacun des « membres » du
Christ : Ad Pedes (aux pieds), Ad Genua (aux genoux), Ad Manus (aux mains), Ad Latus (au côté), Ad Pectus (à la poitrine), Ad Cor (au cœur) et Ad Faciem (à la face). Le texte repose sur la Bible latine, dans la version de
Lukas Osiander, bien connue des fidèles. Chaque Aria est séparée par une ritournelle instrumentale, proche de la
forme de la Cantate concertante.
La Lautten Compagney (fondée en 1984 par Wolfgang Katschner, son chef
actuel), à laquelle sont associés deux luthistes, collabore avec la
Capella Angelica (fondée en 2002). Les instruments historiques et
les voix, toujours à l’affût du timbre idéal, se sont spécialisés dans les
œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles, allant de
H. Schütz à G. Fr. Haendel. La pochette et les textes
quadrilingues (latin, allemand, anglais, français) permettront aux discophiles
de revivre intensément le récit de la Passion. Cet enregistrement se termine
sur le choral si expressif : Herr,
wenn ich nur dich habe (d’après le psaume 73, versets 5-6). Au-delà de la peine et de
l’affliction provoquées par les souffrances du Christ, le sentiment émanant de
l’ensemble est une impression de vraie prière et de ferveur mystiques.
Dietrich BUXTEHUDE : Dein
edles Herz, der Liebe Thron. Carus (info@carus-verlag.com) : 83.193. TT : 75’01.
La Capella Angelica et la Lautten Compagney Berlin - dans laquelle
les luths jouent un rôle important -, dirigées par Wolfgang Katschner,
interprètent, sous le titre : Dein
edles Herz, der Liebe Thron, 7 œuvres (dont 3 en premier
enregistrement mondial) de Dietrich Buxtehude (ca 1637-1707), depuis 1668 organiste de l’église Ste-Marie
(Marienkirche) à Lubeck. Pour les célèbres Abendmusiken, il a composé de nombreuses Cantates. Dans la seconde cantate : Wo soll ich fliehen hin (BuxWV112), il exploite non seulement des
versets bibliques mais également deux chorals et une aria ; elle est
conçue dans l’optique piétiste, sous la forme d’un dialogue entre l’âme et le
Christ. La cantate (pour chœur et instruments) qui a donné son
titre : Dein edles Herz, der Liebe
Thron (BuxWV14), sur la traduction allemande de Johann Rist, concerne
la Passion du Christ, et s’impose par sa douceur. La cantate-choral Jesu, meine Freude (BuxWV60) repose sur
le texte bien connu de Johann Frank. Le cantus firmus y est
très nettement perceptible… Un modèle du genre, que D. Buxtehude
n’aurait pas désavoué.
Schweizer Kammerorchester. Gallo (info@vdegallo.ch) : 1319. TT : 77’28.
Cet enregistrement
des éditions Gallo permet d’apprécier à sa juste valeur l’Orchestre de chambre
Suisse (Schweizer Kammerorchester) qui, dès les premières mesures, propose une
version entraînante et irrésistible du Divertimento
pour cordes de Béla Bartók (1881-1945), en 3 mouvements (avec
un Adagio très expressif entouré de
deux Allegro bien enlevés).
L’excellent altiste Hugo Bollschweiler s’impose par son extrême justesse
et sa musicalité dans Love is in the air du compositeur suisse, Rolf Urs Ringger (°1935), créé en 2007, page haute
en couleurs, avec des tessitures très élevées pour l’instrument soliste.
Cette œuvre est suivie d’un Adagio Celeste pour cordes du musicien finlandais Einojuhani Rautavaara (°1928), créé
à Helsinki en 2002, page lourde de mysticisme, spéculant sur les oppositions de
couleurs et le contraste en hésitation et accélération. Œuvre à retenir.
Enfin, cette gravure se termine sur la Symphonie
n°5 en sib majeur,
D 485, de Franz Schubert. Excellent programme proposé par
Emmanuel Siffert, remarquable chef de réputation internationale.
Édith Weber.
Voix d’enfants, Chœurs
de France. Petits
Chanteurs. 2CDs Bayard-Musique : M2280. TT : 61’47 +
55’55.
Rendre
un compte détaillé des 36 prestations que les « Petits Chanteurs, Pueri
Cantores, Chœurs de France » nous présentent dans ce double CD
(faisant suite d’ailleurs à un premier volume paru en 2007) n’est pas ici notre
but ; il est bien plutôt de susciter l’intérêt pour cette remarquable
réalisation.
En tout, 33 manécanteries,
toutes excellentes, originaires de la France entière, nous proposent une fort
belle anthologie de chœurs, en général d’inspiration religieuse, où des chants
traditionnels du monde entier (Japon, Israël, Afrique du Sud, France) côtoient
des œuvres de maîtres, et où le latin voisine avec l’anglais, le français,
l’allemand, le japonais ou l’hébreu.
À des motets de Palestrina,
Campra, Vivaldi, Pergolèse, Couperin, Charpentier, succèdent des chœurs de
Haendel, Mozart, Mendelssohn, Britten et même Offenbach, sans oublier le
célèbre Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré, ni le Panis Angelicus de César Franck. Figurent aussi des œuvres d’auteurs contemporains
pour aboutir à quelques Gospels frénétiques.
Les chœurs sont tantôt
monodiques, tantôt polyphoniques (d’où se détachent parfois des soli angéliques
de voix d’enfants), tantôt à voix égales, tantôt mixtes, tantôt a cappella,
tantôt soutenus par l’orgue ou un orchestre au grand complet.
Bref, la richesse et la qualité
de ce répertoire éclectique, de même que les interprétations remarquables de
chacune des 33 chorales donnent à nouveau la preuve que les chœurs
d’enfants occupent encore, de nos jours, une place privilégiée dans l’ensemble
de la littérature musicale vocale.
Francine
Maillard.
Carl Philipp Emanuel BACH : Sei concerti per
il cembalo concertato. Andreas Staier, clavecin. Freiburger
Barockorchester, dir. Petra Müllejans. 2CDs Harmonia Mundi : HMC 902083.84. TT : 50'55 + 43'45.
La compositeur C.P.E. Bach
(1714-1788), l'un des fils de Jean-Sébastien, marque de sa production vaste et
variée la transition entre le baroque et la classicisme. Les six
concertos pour clavecin, deux flûtes, deux cors & cordes,
composés en 1771/1772 peu après l'installation du musicien à Hambourg où il
prendra comme maître de chapelle la succession de son parrain G.P. Telemann,
forment le premier volet d'un diptyque dont les six symphonies pour instruments
à cordes de 1773 seront le pendant. Leur publication faisait état de
pièces « faciles ». Sans doute pour les rendre plus accessibles
aux amateurs potentiels. Rien n'est moins sûr. Elles sont très
exigeantes ne serait-ce que par leur audace. Claveciniste expérimenté,
auteur d'un Essai sur l'art de jouer les
instruments à clavier (1753), C.P.E. Bach ne cherche pas à amoindrir
la difficulté attachée à un projet ambitieux qui réside autant dans la
conception de la partie soliste que dans la manière d'appréhender la forme.
Andreas Staier, dans le texte accompagnant le disque, se livre à une
passionnante analyse de son contenu. Chez le musicien, la liberté de la
structure paraît sans limite et le recours à la forme cyclique conçu avec
originalité, voire hardiesse. Au point que l'individualisation des divers
mouvements d'un concerto est plus que délicate. Et de poser la question
de savoir si telle pièce comprend un seul ou plusieurs mouvements tant ceux-ci
paraissent imbriqués les uns aux autres, en tout cas affectés d'un facteur
d'imprévisibilité certain dans leur agencement. Ainsi du 5e Concerto :
le bref adagio introductif débouche sur un presto lui-même suivi sans
interruption par l'adagio proprement dit, lequel semble poursuivre le début du
morceau. On peut dès lors concevoir ces pages comme une ouverture en
trois parties lent-vif-lent ou telle une succession de trois mouvements
distincts. Les effets de surprise lors du passage simplement attaca d'un morceau à un autre ou causés
par l'absence de transition sont légion au sein des divers concertos. Par
ailleurs, l'inventivité qui préside à l'enchaînement des séquences (ainsi de la
survenance inopinée d'un tempo di minuetto au beau milieu du 4e Concerto),
les incertitudes tonales affectant tel passage (presto final du 3e Concerto)
renforcent le sentiment d'étrangeté de cette musique. Autant de traits
qui la rendent extrêmement vivante malgré une tournure parfois surprenante,
souvent inattendue. Le niveau d'excellence de l'Orchestre baroque de
Freiburg, conduit ici par l'un de ses premiers violons, Petra Müllejans,
ne cesse d'enthousiasmer. Après une magistrale exécution de la Musique
de table de Telemann, l'ensemble prouve sa capacité à intégrer un style
bien différent. La vitalité inextinguible dans l'articulation est
roborative en même temps qu’emplie d'un humour discret. Andreas Staier
qui joue un instrument à la sonorité claire, copie d'un clavecin de Hass de
1734, déploie une immense vélocité dans les traits rapides et une réelle
élégance dans les trilles. Surtout, la nécessité d'accentuer les
contrastes n'enlève rien à un art consommé de manier la couleur pour varier les
climats : son feutré de la pédale d'una corda, luminosité des traits
virtuoses. Et l'on est vite gagné par la souple énergie du discours de ce
qui apparaît pour lui souvent comme « une fantaisie pour orchestre et
soliste ».
Antonio VIVALDI : Six concertos pour
violon & cordes « La Stravaganza ». Édition de
John Walsh, London 1728. Concerto
pour violon, violoncelle & cordes RV 544 « Il Proteo o sia Il mondo al rovescio ».
Europa Galante, dir. Fabio Biondi. Virgin Classics : 50999 5193002.
TT : 56'24.
Cette édition des concertos de
Vivaldi intitulés « La Stravaganza »
est différente de l'original constituant l'op. 4 du Prêtre roux.
Il s'agit de la compilation réalisée par le célèbre éditeur anglais John Walsh
en 1728. Composée de six pièces, elle ne sélectionne que cinq des douze
concertos dudit op. 4, auxquels est ajouté le Concerto RV 291 dont la
provenance est problématique et dont l'esprit est, en tout cas, différent des
autres morceaux. Parmi les pièces « extravagantes », fustigées
par un musicologue de l'époque comme « bagatelles tape-à-l'œil et
futiles », Walsh a semble-t-il écarté les plus paroxystiques pour ne
garder qu'un choix de concertos participant autant de la forme du
concerto grosso que de celle du concerto de soliste italien.
Plusieurs des concertos retenus sont dans le droit fil du recueil de L'estro armonico op. 3, déjà publié par cet éditeur en 1715 avec grand succès auprès du public
britannique. Tous, en tout cas, se signalent par des mouvements extrêmes
vifs et prestes, l'intervention du violon solo apportant une note
d'originalité, tandis que les mouvements lents, très courts, de type largo,
font office de transition dramatique. Fabio Biondi et ses musiciens
de Europa Galante apportent leur style rigoureux et enlevé habituel dans
les ensembles alors que lui-même adorne les parties solistes d'éclat et de
fantaisie dans les fioritures ornementales. Au sein de ce florilège on
remarque l'originalité du Concerto RV 204, introduit par un court échange
de deux violons sans accompagnement. Le largo distinguera le chant du
soliste évoluant sur un contrepoint de basse comme frottée et le finale,
allegro assai, des traits de violon comme arrachés. Pour faire bonne
mesure en termes de timing, on a ajouté le Concerto RV 544 pour violon
& violoncelle dit « Protée ou le monde à l'envers ». De
facture bien différente des pièces précédentes, il offre un spectre sonore plus
vaste et cette particularité que chaque soliste peut troquer sa partie avec
celle de l'autre : sorte d'échange face-revers à l'allegro initial sur un ostinato
sonnant comme une vielle, dialogue en répons du violon & du violoncelle au
finale. Là encore, l'expertise de Fabio Biondi et consorts est
exemplaire.
Joseph HAYDN : Sonates pour piano. Volume 2 : Sonates n°48, 32, 50, 19,
20. Jean-Efflam Bavouzet, piano. Chandos : CHAN 10668.
TT : 68'29.
Jean-Efflam Bavouzet est un
pianiste curieux de tout. Pour preuve sa magnifique intégrale de l'œuvre
pour piano de Debussy. Il s'est lancé depuis peu dans une autre aventure,
les sonates pour clavier de Haydn. Le deuxième volume d'une intégrale
projetée comprend cinq pièces choisies en fonction non de la chronologie mais
de l'inspiration et de la curiosité de l'interprète : pièces contrastées
par leur structure (elle sont en deux ou trois mouvements) ou par leurs
caractéristiques, car puisées à diverses phases créatrices. Ainsi des 19e et 20e Sonates datant de la période 1765/1766, tout comme la
Sonate n°32, qui toutes trois marquent un changement de manière par
rapport aux premiers essais des années 1760, puis des Sonates n°48 et 52,
datant de 1780. On dit des sonates de Haydn qu'elles sont
« faciles ». Voire. Bavouzet fait remarquer justement que
Haydn n'a laissé que peu d'informations dans ses partitions quant aux
indications de nuances et de phrasé ou pour ce qui est des tempos. Le
challenge n'en est que plus fascinant, relève-t-il. Ces pièces ont vu le
jour à une époque charnière où le clavecin cédait progressivement la place au
pianoforte. Une savante mécanique bien huilée semble habituellement
parcourir toute interprétation. Mais cela ne suffit pas à rendre compte de
la mine de nuances qu'elles recèlent. Un matériau combien original se
cache derrière une apparente simplicité. L'inventivité est reine, comme
toujours chez Haydn, tel cet enchaînement presque cocasse d'un adagio et d'un
allegro dans la Sonate n°19. L'art de varier la forme est sans
limite qui, par exemple, mêle un rondo et un menuet avec son trio (n°48) ou
introduit un menuet dont est gommée peu à peu la fonction dansante (n°20).
Et quelle variété de climats ! Ainsi des allegros con brio, soit
exubérant avec ses trilles ravageurs (n°48), soit virtuose, délicieusement
bavard (n°50), des adagios expressifs et profonds, presque déclamatoires (n°48)
ou d'un beau lyrisme intime (moderato de la n°32). Le jeu de Bavouzet est
un régal : d'une rigueur tempérée d'une belle lucidité, proche de l'humour
qu'y voit Alfred Brendel, ménageant de nets contrastes, maniant les effets
de surprise dans lesquels Haydn est passé maître (silences soudains,
ruptures de rythme) et imaginatif dans les reprises. Une suprême
ductilité, tout sauf sèche, se fait une fête de ces notes piquées, accents
mordants et autres traits arpégés. La finesse des ornementations fait le
reste.
Franz LISZT : « Harmonies
du soir » - Waldesrauschen. Sonetto 104 del Petrarca. Valse oubliée.
Ballade n°2. Au lac de Wallenstadt. Rhapsodie hongroise
n°3. Consolations. Harmonies du soir.
Nelson Freire, piano. Universal/Decca : 478 2728. TT :
58'09.
Pour célébrer l'année Liszt,
Nelson Freire a concocté un programme très personnel qui tourne le dos au
cliché du « tout virtuose ». On pense à cette remarque
d’Alfred Brendel : « Il faut prendre Liszt au sérieux pour bien
le jouer » (Réflexions faites,
Buchet/Chastel, 1979). La Deuxième
Ballade et les Consolations en sont les morceaux de choix.
L'opulence sonore de la Ballade, ses
contrastes dont un deuxième thème épique et une péroraison sereine, ne détournent
pas du sentiment de réelle improvisation qui parcourt ces pages. Les Consolations (1850) offrent un lyrisme délicat, loin des torrents
tourmentés, à la tonalité mélancolique. La troisième pièce, marquée
lento placido, est un hommage non dissimulé à Chopin. Il règne,
à travers ces six morceaux, un climat apaisé que traverse çà et là une
fantaisie raffinée. De part et d'autre de ces œuvres d'envergure, quelque
pièces plus brèves complètent un voyage révélateur qui est aussi une leçon de
style. L'étude de concert Waldesrauschen étale un ondoiement
lumineux dont se souviendra Ravel dans Gaspard de la nuit. Du Sonetto 104
del Petrarca, on admire les audaces harmoniques luxuriantes. La Valse oubliée,
exemple de la manière tardive du maître, est une manière de danse étrange où la
nostalgie procède de l'ambivalence tonale et qui s'interrompt impromptu. La
troisième Rhapsodie hongroise, évocation par Liszt de son pays natal,
est avec ses relents de czárdás un parangon d'ornementations tziganes d'une
extrême fantaisie. Au lac de Wallenstadt (tiré des Années de
pèlerinage - Suisse) disserte sur la calme extase de la nature.
Marie d'Agoult y voyait « une harmonie mélancolique qui imite le
soupir des vagues et la cadence des rames ». Enfin, Harmonies du
soir (l'une des Études d'exécution transcendantes) fait figure de
digression impressionniste avant l'heure. Non qu'elle ne soit appareillée
de ces grands crescendos en rafale d'accords massifs dont Liszt a le secret.
Nelson Freire, l’un des grands maîtres du clavier d'aujourd'hui à se
mesurer aussi bien à Chopin qu'à Liszt, orne ce récital de sa sobriété
habituelle : introspection et refus de la virtuosité grandiloquente sont
les maîtres-mots. Comme l'absence d'excès de rubato et l'expression d'un
lyrisme qui, s'il est parfois débordant, ne sombre jamais dans le maniérisme.
Pyotr Ilyich TCHAIKOVSKY : Symphonie n°6 « Pathétique ». Arnold SCHOENBERG : Variations pour
orchestre op. 31.
West-Eastern Divan Orchestra, dir. Daniel Barenboim.
Universal/Decca : 478 2719. TT : 69'02.
Ce CD capté live lors du festival de Salzbourg 2007, présente le West-Eastern
Divan Orchestra dont la particularité est de réunir de jeunes musiciens juifs
et arabes. Fondé par Daniel Barenboim et son ami, l'écrivain
Edward Said, il est une des fiertés du chef qui souligne que « le
langage métaphysique universel de la musique devient le lien qui unit ces
jeunes gens les uns aux autres ». Pour leur première tournée à
Salzbourg, ils abordaient un programme difficile car jouer tant Schoenberg que
Tchaikovsky tient du challenge pour des non-professionnels. La réussite
n'en est que plus exaltante. Créées en 1928 à la Philharmonie de Berlin
par Furtwängler, les Variations op. 31
de Schoenberg sont un manifeste dodécaphonique. Pour grand orchestre,
elles se composent d'une introduction conduisant au thème, de neuf variations
et d'un finale. Chaque morceau est d'une extrême concision. Il faut
trouver un juste équilibre entre ce qu'une savante déconstruction du système
tonal a d'austère, pour ne pas dire d'elliptique et la puissance évocatrice que
permet cette liberté nouvelle. L'œuvre, dont l'auteur souligne la
difficulté des parties individuelles, au-delà du jeu d'ensemble, paraît presque
familière aux jeunes musiciens : leur formidable technique se joue de ses
aspérités. Aux antipodes de cette sévérité, la Pathétique de
Tchaikovsky est une colossale célébration de la tonalité. L'intellect
laisse place à l'émotion. Le challenge tient ici de la comparaison avec
moult versions illustres. Un aspect frappe d'emblée : l'homogénéité
de l'ensemble. Elle se conjugue avec la qualité des instrumentistes - une
clarinette éloquente se détachant d'une magnifique ligne de bois, des cuivres
glorieux, une section de cordes intenses. Barenboim maintient la pression
dramatique et ses tempos paraissent moins excentriques que parfois. La
vision est puissante, les contrastes marqués quoique sans excès. Ainsi de
la transition entre l'adagio initial et la seconde séquence plus épique du
premier mouvement. La valse (à cinq temps) de l'allegro con grazia est
légèrement retenue. Le molto vivace, qui fait figure de scherzo, libère à
travers les diverses métamorphoses de sa marche triomphante une énergie
haletante que l'orchestre ménage généreusement. L'angoisse de la mort, la
désespérance dans un veine lugubre sont les maîtres-mots du finale marqué
Adagio lamentoso.
Claude DEBUSSY : Prélude à
l'après-midi d'un faune. La mer. Jeux. London Symphony Orchestra, dir. Valery Gergiev.
LSOLive : LSO0692. TT : 56'07.
L'insatiable Gergiev en vient à
Debussy. Ce qui n'est, nul doute, qu'une première incursion s'en tient à
un programme classique. Le Prélude à l'après midi d'un faune est
retenu, d'une lascivité certaine et traduit un climat de fantaisie érotique dans
le solo de flûte. On pense à ce commentaire de Mallarmé :
« Cette musique prolonge l'émotion de mon poème et en situe le décor plus
passionnément que la couleur ». La fluidité de discours est
indéniable. Les trois esquisses symphoniques La mer sont
abordées aussi très lent, en particulier le premier volet qui évoque quelque
éveil et déploie un climat engourdi qui peu à peu s'anime et se pare de
couleurs diaprées. Reste que le solo de violon est un peu affecté et que
des ralentissements arbitraires affectent le développement, même si les
changements de tempo traduisent l'instabilité, le renouvellement incessant.
Le spectre sonore est large et la péroraison du mouvement justement glorieuse.
Le deuxième volet, Jeux de vagues que Vladimir Jankélévitch
considère comme « le scherzo des eaux bouillonnantes », magnifie la
broderie des cordes lumineuses, capricieuses comme l'élément aquatique. Dialogue du vent et de la mer est réellement tumultueux, à la limite de la
violence : il vit la colère des éléments indomptables, le sauvage
vent d'ouest aux prises avec l'océan furieux dans un débordement d'énergie
que closent de formidables clusters. Le climax ultime est grandiose.
L'interprétation de Gergiev est à mi-chemin entre la conception dite
impressionniste et une vision plus objective. Mais c'est sans doute dans Jeux que le chef est le plus à l'aise. Ce poème dansé retrouve et prolonge
l'atmosphère envoûtante de la deuxième partie de La mer, quelque
chose de mystérieux et de fascinant dans cette objectivité du geste musical, de
détaché presque. La clarté des lignes, les rythmes brisés, les traits
comme furtifs, la somptuosité de l'orchestration, sa modernité dans les
combinaisons instrumentales sont digérés dans une pulsation spontanée et une
empathie qui ne sauraient être mises en défaut. Tout comme l'art de doser
les couleurs assimile ce que Debussy doit à Paul Dukas en termes de
coloris. Partout la maîtrise sonore du LSO, qui se souvient peut-être de
Monteux, est évidente : un festin de couleurs galliques.
« Beau soir ». Claude DEBUSSY : Sonate pour violon et piano. Beau soir.
Clair de lune (transcriptions pour violon
& piano). Maurice RAVEL : Sonate pour violon et piano.
Olivier MESSIAEN : Thème et variations pour violon et piano.
Gabriel FAURÉ : Après un rêve. Lili BOULANGER : Nocturne.
Richard DUBUGNON : La Minute exquise. Hypnos. Retour à
Montfort-L'Amaury. Janine Jansen (violon), Itamar Golan (piano). Universal/Decca : 478 2256.
TT : 69'39.
Ce programme de musique de
chambre est placé sous le thème de la nuit. L'idée est originale de
rapprocher les sonates pour violon et piano de Debussy et de Ravel de Thème
et Variations de Messiaen. La Sonate de Debussy est une merveille d'équilibre. Janine Jansen présente une
technique irréprochable mais son interprétation souffre de choix discutables,
portamentos excessifs au premier mouvement et au début du troisième. Une
vision qui suscite plus admiration qu'émotion. La violoniste hollandaise
est plus à l'aise dans la pièce de Ravel. Sans doute la virtuosité
amusante dont le compositeur agrémente ses trois parties trouve chez elle un
juste écho. L'allegretto offre son lot d'étrangeté. C'est ensuite
avec Blues et ses déhanchements caractéristiques, le sortilège du jeu
jazzy. Perpetuum mobile n'est pas à cours d'esprit. Thème
et Variations, une des rares incursions de Messiaen dans le domaine de la
musique de chambre (mis à part le Quatuor pour la fin du temps) a été
écrit en 1932 pour Claire Delbos et créé par elle, avec l'auteur au piano.
La pièce annonce déjà des choix personnels en matière d'harmonie. Elle
est construite sur une longue mélodie contemplative conçue comme une gradation
d'intensité qui va s'animant palier par palier jusqu'à une séquence quasi incantatoire,
un cheminement vers un éclat de plus en plus affirmé. La fin ramène
decrescendo au calme intime des premières pages. Il se dégage de ce
morceau un intense rayonnement. Quelques courtes pièces entourent ces
trois chefs-d'œuvre. Des transcriptions de Debussy d'abord : le
mélancolique Beau soir (due à Jascha Heifetz) et Clair de
lune et sa fameuse répétition hypnotique d'une même séquence musicale.
Suivent le délicat Nocturne de Lili Boulanger ou la poésie
introspective poussée à son extrême épanouissement et Après un rêve de
Fauré où le violon remplace la voix. Enfin, trois pièces du compositeur
suisse Richard Dubugnon (°1968), dont Janine Jansen a créé il y a
trois ans le Concerto pour violon, écrites spécialement pour ce récital,
parachèvent l'unité de ton qui le parcourt. Elles sont en effet dans la
lignée de la manière chambriste française au point de cultiver une sorte de
mimétisme : douceur de la modulation, belles envolées, transparence.
La troisième, Retour à Montfort-L'Amaury, évoque le beau geste déclamatoire
hérité de Ravel, inspiré en l'occurrence par l'ordonnance méticuleuse de sa
demeure francilienne. Tout au long de ce beau récital on admire une sûre
maîtrise de l'intensité du violon (ppp d'une douceur extatique, aigus
brillants) comme une sonorité charmeuse et chaleureuse que soutient
l'accompagnement pianistique svelte et inspiré d’Itamar Golan.
Anton WEBERN : Passacaglia pour
orchestre, op. 1. Variations pour orchestre, op. 30.
Igor STRAVINSKY : Le Chant du Rossignol. Gustav MAHLER : Symphonie n°6. Lucerne Festival Academy Orchestra, dir. Pierre Boulez.
2CDs Lucerne Festival / Accentus Music : 7629999 0910 (Distr.
Festival de Lucerne, Hirschmattstrasse 13, CH-6002 Luzern. www.lucernefestival.ch).
TT : 37'40 + 76'43.
Pierre Boulez n'en est pas à sa
première exécution au disque de ces quatre pièces. Mais les présentes
interprétations prennent un relief particulier dès lors qu'il s'agit du fruit
de son travail avec l'Orchestre de l'Académie du Festival de Lucerne.
Cette formation composée de plus d'une centaine de jeunes musiciens
spécialement formés dans le répertoire de la musique « moderne » est
réunie chaque année lors du festival d'été sous la conduite du chef français.
On a ici affaire à des concerts captés live durant le festival 2010. Intéressante idée de rapprocher le
premier et le dernier opus symphonique de Webern pour souligner ce qui sépare
un ultime hommage à la tradition romantique, par l'utilisation d'une forme
héritée du passé, de la désintégration quasi générale du système tonal
sous forme d'un thème se métamorphosant en d'improbables variations.
Stravinsky a tiré de son opéra Le Rossignol (1914) un poème
symphonique Le Chant du Rossignol qui sera créé par Ernest Ansermet
en 1919. De ce conte orientaliste mêlant fantastique et mélancolie,
Boulez fait sourdre le chatoiement de l'orchestration et ses délicieux passages
concertants (la flûte et le violon symbolisant le chant respectivement de
l'oiseau et de son pendant mécanique). Il souligne aussi combien la vaste
formation requise est traitée comme un orchestre de chambre. L'exécution
est miraculeuse de rythmique incisive alliée à une poésie opalescente :
traits d'une finesse aérienne de la flûte, interventions suggestives des cuivres.
La Sixième Symphonie de Mahler
connaît avec Pierre Boulez une exécution qui la situe aux antipodes de la
vision débordante d'énergie et surpuissante de Valery Gergiev. On
sait que le chef a une conception personnelle de cette œuvre, s'attachant plus
à suggérer qu'à démontrer. Ses préoccupations vont à la transparence de
l'orchestration, à la spontanéité du discours et au naturel des enchaînements.
Ainsi l'énergie de l'allegro energico est-elle contenue, celle d'une
marche régulière, et repose sur des contrastes mesurés. Les divers thèmes
et leur développement s'ordonnent en un continuum aisé évitant toute manière
anguleuse. Le scherzo est pris dans un tempo confortable, la fantaisie y
étant plus énigmatique que lugubre, et le trio poétique est souplement rythmé.
L'andante devient une calme méditation d'un lyrisme diaphane avec des cordes
palpitantes et une petite harmonie presque enjouée. Le finale se défie de
toute fulgurance et se traduit par une dynamique utilisant avec parcimonie le fff.
Ce dont la symphonie se dépouille en terme de tonicité, de pessimisme même,
elle le gagne en couleurs vraiment tragiques, en mirifiques nuances qui
n'éludent pas l'ambiguïté de son message. Là encore, les musiciens de
l'Académie de Lucerne font des merveilles. Ce qui est fascinant, c'est
l'élan contrôlé que Boulez insuffle à ses jeunes musiciens qui leur fait
dépasser le stade de la virtuosité. Tout aussi remarquable est la liberté
qu'il imprime à une interprétation dégagée du cliché de l'effort surhumain
qu'on associe souvent à cet univers symphonique.
Philippe MANOURY : « Inharmonies »
- Fragments d'Héraclite (2002/2003). Inharmonies (2008). Slova (2001/2002). Trakl Gedichte (2008). Accentus, dir. Laurence Equilbey.
Naïve : V 5217. TT : 47'16.
Au sein d'une production fort
diversifiée le compositeur Philippe Manoury (°1952) a écrit diverses
pièces chorales, toutes créées par l'ensemble Accentus. Elles sont
réunies sur ce CD. Fragments d'Héraclite, sur de très courts
textes ou « fragments » du philosophe grec, regroupés en trois cycles
thématiques, précédés d'un prologue et clos par un épilogue, convoque un triple
chœur dont se détachent cinq voix solistes. Certains jouent d'un
instrument à percussion, le but étant selon l'auteur « de créer une
matière sonore hétéroclite qui n'agit pas en prolongement des voix mais plutôt
comme une sorte 'd'archaïsme' ». Il s'en dégage une impression
d'infini à la fois dans l'espace, de par la disposition des trois chœurs et
dans la manière différenciée du traitement vocal, de l'explosion au murmure. Inharmonies pour chœur mixte à 24 voix est une pièce expérimentale
reposant sur un principe « d'inharmonicité » (par opposition aux sons
harmoniques naturels obtenus par la multiplication d'une fréquence fondamentale
par la suite des nombres entiers, les sons inharmoniques sont dérivés
d'additions et de soustractions). Slova est un triptyque composé
sur des textes surréalistes tchèques. Le matériau de la première pièce
qui remonte à l'époque où Manoury composait son opéra « K...» (créé
à l'Opéra Bastille en 2001), est traité de manière complexe
« superposant parfois une même phrase en différentes couches, évoluant
dans des temporalités différentes ». De l'entièreté de l'œuvre, le
compositeur dit qu'elle lui « apparaît maintenant comme un lointain
souvenir des formes de certaines symphonies mahlériennes avec un premier
mouvement très développé, un centre scherzando et un final adagio ».
Enfin Trakl Gedichte évoque dans une atmosphère nocturne la poésie
tourmentée de l'Autrichien Georg Trakl (1887-1914) « qui annonce
l'apocalypse (celle de la Première Guerre mondiale) mais est en même temps
traversée par la nostalgie de moments qui auraient pu être heureux si seulement
ils s'étaient fixés ». L'étrangeté des textes se retrouve dans
l'expression vocale là encore très polyphonique. Le chœur Accentus, dont
on sait l'aisance à se mouvoir dans l'univers musical contemporain, est
l'interprète tout désigné de ces diverses pièces sous la conduite experte de
Laurence Equilbey.
Jean-Pierre Robert.
ROSENMÜLLER, LEGRENZI &
STRADELLA : Venezia. The Rare Fruits Council, dir. Manfredo Kraemer.
Ambronay : AMY 028. TT : 81’53.
Venise, ville cosmopolite, cité
des arts et lieu de rencontres musicales où trois compositeurs nous donnent à
entendre toute la richesse et la diversité de la musique vénitienne, dans le
dernier tiers du XVIIe siècle. Johann Rosenmüller
(1619-1684) saxon d’origine, exilé à Venise pour pédérastie, fit paraître ses Sonates à 2, 3, 4 ,5 Stromenti da Arco
e Altri , en 1682, opus tardif dédié au duc Anton Ulrich.
Giovanni Legrenzi (1626-1690) fut maître de chapelle à San Marco en
1685, le sommet de son œuvre instrumentale est sans doute le recueil de sonates La Cetra, dédié à l’empereur
Léopold Ier, publié en 1673. Alessandro Stradella
(1639-1682) voulant fuir Rome, trouva refuge à Venise en 1677 ; musicien
et virtuose, il y fit jouer ses Sinfonie,
œuvres raffinées qui suivent la forme de la sonate d’église et sont apparentées
à la musique de chambre par leur instrumentation. Un beau disque, au
minutage copieux, présentant des œuvres peu connues, bien différentes les une
des autres, parfaitement interprétées, une rencontre musicale qui ne laissera
pas indifférents les amateurs de musique baroque.
Jean d’ESTRÉE & Nicolas du CHEMIN (1559) : Bal au temps des
Valois. Compagnie Outre Mesure, dir. Robin Joly.
Musiques à La Chabotterie : 605009. TT : 66’21.
Un disque consacré aux Musiques
à danser de la Renaissance, danseries imprimées par Nicolas du Chemin,
mises en musique à quatre parties par Jean d’Estrée,
Pierre Phalèse & Pascal Boquet. Musique de divertissement,
danses récréatives fortement influencées par les maîtres à danser des cours
italiennes, mais également outil politique qui servait à surveiller la noblesse
tout au long du XVIe siècle, sous le règne des Valois-Angoulême.
Prémices de la Suite de danse, forme musicale développée plus tardivement, ces
airs de danse se caractérisent par leur richesse mélodique et rythmique,
support d’un discours corporel, véritable « rhétorique muette »
par laquelle l’Orateur par ses mouvements montre au public qu’il est gaillard,
digne d’être aimé et chéri… (Thoinot Arbeau). Une réussite musicale,
une belle prise de son qui nous transporte, l’espace de quelques danses, à la
cour des derniers Valois.
J. Chr. BACH & W. A.
MOZART : Concert
Arias. Solamente Naturali, dir. Didier Talpain.
Hjördis Thébault (soprano), Hiroko Kouda (soprano), Gustav Belacek
(baryton). Brillant Classics (www.brillantclassics.com) :
94116. TT : 64’56.
Des airs de concert avec
instruments obligés qui raviront tous les amoureux de Mozart et de son maître J. Chr. Bach.
Alliant virtuosité et expressivité, souvent écrits pour, ou à la demande des
chanteurs afin de mettre en valeur leur voix, habituellement composés pour une
voix particulière, destinés plus souvent au concert qu’à l’opéra ; ils
s’inscrivent dans une tradition remontant à l’époque baroque des
castrats. Mozart (1756-1791) en composa une cinquantaine, le plus souvent
pour soprano solo. Johann Christian Bach (1735-1782), quant à lui,
utilisa volontiers plusieurs instruments obligés, réalisant de véritables
symphonies concertantes avec partie chantée. Un très beau disque,
remarquablement interprété, où les chanteuses ne manquent pas à leur historique
responsabilité d’excellence. Incontournable !
A las Seis de la Tarde. Rencontres autour du percussionniste Emmanuel Curt.
Indésens : INDE 024. TT : 74’11.
Las Seis de la Tarde, temps de la promenade et des
rencontres… Rencontres entre artistes, Bertrand Chamayou (piano),
Nicolas Baldeyrou (clarinette), Stéphane Labeyrie (tuba), Sarah Nemtanu
(violon), mais aussi avec les musiciens de l’Orchestre national de France, de
l’Orchestre de Paris et ceux de l’ensemble Latitudes, spécialement constitué
pour l’occasion, dirigé par Emmanuel Curt. Rencontres avec des
compositeurs, Bruno Mantovani, Thierry Escaich, Didier Benetti,
Franck Tortiller. Rencontres organisées autour d’Emmanuel Curt,
talentueux percussionniste, qui, pour son premier album solo, nous donne à
entendre diverses compositions, de genres très différents, depuis le paso-doble
des bandas de férias jusqu’aux œuvres contemporaines, certaines d’inspiration
« jazzy », dans des arrangements inattendus… Des percussions
dans tous leurs états (marimba, vibraphone, timbales, tam-tams, cymbales et
autres derbouka, udu, bidon métallique…) pour un superbe disque. À
écouter absolument.
Patrice Imbaud.
Christian LAUBA (°1952) : Bogor (a) ; Awabi (b) ; Morphing (c) ; Kwintus (d) ; Brasil sem fim (e) ; Blue Stream (e) ; Stan (f) ; Blue Party, version pour piano seul (g) et version mélodrame
(h) ; Porgy Stride (i) ; Mist (j). Orchestre national
Bordeaux-Aquitaine, dir. Jonathan Darlington (a) ;
Juliette Hurel, flûte (b) ; Quatuor Casals (c) ;
Matthew Trusler, violon (d); Ivo Janssen, piano (e) ;
Richard Ducros, saxophone (f) ; Wenjiao Wang, piano (g) et (h) ;
Daniel Mesguich, récitant (h) ; Brigitte Engerer &
Boris Berezovsky (i) ; Christian Lauba, synthétiseur (j).
2CDs Adria : 10-33-04/1 (distr. Codaex).
Collectant des enregistrements
de concerts, Christian Lauba a composé une anthologie présentant un beau
panorama de sa création. Certaines œuvres avaient déjà connu une édition
discographique ; Stan pour
saxophone baryton & synthétiseur (inséré notamment au sein du programme
monographique consacré à l’œuvre pour saxophone de Christian Lauba par son
fidèle interprète Richard Ducros), le quatuor à cordes Morphing, Kwintus pour violon solo, ou encore les deux étourdissantes pièces
pour piano Brasil sem fim et Blue Stream sous les doigts de l’extraordinaire
pianiste hollandais Ivo Janssen. Les autres paraissent pour la première
fois.
L’ensemble reflète l’originalité
d’un compositeur prônant en musique le multiculturalisme, puisque les sources
d’inspiration et les allusions sonores mêlent l’Extrême-Orient, la Tunisie
natale du compositeur, l’exubérance brésilienne et l’influence du jazz. D’une
oreille sagace, il transfigure les références musicales en un brassage bien
personnel, d’où la malice n’est pas absente lorsqu’il s’agit de fustiger
habilement le minimalisme (Brasil sem fim,
joyau d’ironie virtuose !), non plus que l’hommage saluant l’apport de
Ligeti au quatuor à cordes. La relation au jazz, déclinée sous divers
visages (du plus dramatique – Blue Party – au plus enlevé – Porgy Stride),
se révèle sensuellement amoureuse. Ainsi le caractère indépendant de
Christian Lauba brouille-t-il les repères culturels convenus afin de les
déconnecter de toute classification abusive. Pour conclure le disque, il
se livre à une improvisation où les nappes de brume (Mist) résultent des flottements de vibrations qu’un usage poétique
du synthétiseur peut produire.
Sylviane Falcinelli.
DVD
Robert CIBIS & Lilian FRANCK (Un film de) : Pianomania.
Avec Pierre-Laurent Aimard, Lang Lang, Alfred Brendel, Julius Drake,
Till Fellner… et leur accordeur Stefan Knüpfer. Jour2fête (www.jour2fete.fr). Durée du
film : 1h30. Durée du DVD : 2h17.
Sorti en janvier 2011, ce
film-événement est déjà couvert de lauriers : Prix de la Semaine de la
critique à Locarno / Prix du Festival international du film à
San Francisco / Lola (César allemand) du meilleur son…
L’auriez-vous déjà vu en salle, ne manquez surtout pas sa parution en
DVD ! Où l’on (re)découvre le maître-accordeur Stefan Knüpfer à
la recherche du son idéal tel que le souhaite tel ou tel interprète – quête
incessante de la perfection, dans l’amour, la joie… l’humour aussi !
Bonheur d’entendre pareils artistes - techniciens & pianistes - échanger
ici véritablement…
Un bijou cinématographique
aussi, grâce à un fabuleux montage (au cœur même de chaque séquence) aussi bien
qu’à un son d’une qualité incomparable (certaines scènes ont été enregistrées
sur quelque 90 pistes, en qualité Dolby Surround). En « Compléments »,
une vingtaine de petits films nous permettent de mieux comprendre le travail
d’orfèvre du génial maître-accordeur, et jusqu’au fonctionnement de son cerveau
(entretien avec le Professeur Lutz). Inoubliable !
Francis Cousté.
À l’heure où Renée
Fleming s’apprête à chanter Desdémone sur la scène de l’Opéra Bastille
(juin-juillet 2011), profitons de son actualité vidéographique pour conseiller
de très gratifiants moments à nos lecteurs :
Giuseppe VERDI : La Traviata. Renée Fleming (Violetta), Joseph Calleja
(Alfredo), Thomas Hampson (Giorgio Germont). Chœur & Orchestre du Royal Opera,
Covent Garden, dir. Antonio Pappano. Mise en scène :
Richard Eyre. Opus Arte : OA 1040 D
(distr. Codaex).
Grâce au label
Decca, on connaissait déjà une Traviata chantée en 2006 par Renée Fleming dans une luxueuse “period production” (comme disent les Anglo-Saxons pour
désigner un spectacle en costumes historiques) de Marta Domingo à l’Opéra
de Los Angeles (dont le directeur n’est autre que son époux Plácido), sous
la baguette de James Conlon, avec pour partenaires Rolando Villazón
qui cultive une expression des passions torride, exacerbée, et Renato Bruson
qui ne contrôlait plus guère ses aigus. La nouvelle captation, issue des
représentations de juin 2009 à Covent Garden, franchit un pas étayé
de subtils arguments dans la veine émotionnelle ; Renée Fleming s’y montre
dans une forme vocale plus parfaite encore et affine les multiples touches par lesquelles la maîtrise de son organe
révèle les mouvements du cœur de l’héroïne. On connaît son art consommé
du legato, le contrôle dynamique savamment dosé que sa technique gouverne, ce
qui lui permet de plier à sa volonté tout le spectre expressif du rôle.
Elle bénéficie, ce qui n’est pas un mince atout, du lyrisme de plus en plus souple
et nuancé du directeur musical de la maison londonienne, Antonio Pappano.
De surcroît, un vrai travail psychologique a été accompli par le metteur en
scène Richard Eyre avec ses acteurs-chanteurs, dans un cadre qui respecte
également l’époque et le contexte de l’œuvre (ah, que cela fait du bien, de nos
jours !). Ainsi, l’interprétation de Renée Fleming vise à ne
jamais faire oublier la condition de l’héroïne : elle ne s’abandonne pas à
l’abstraction d’un quelconque pathos résultant du destin et de la maladie
conjugués, mais s’attache à faire vivre une figure de femme en son temps
impitoyable pour le sexe dit faible ; lecture fort judicieuse qui nous
remémore le terrible miroir qu’Alexandre Dumas fils tendait à la société
de son époque ! De surcroît, elle sait animer son personnage d’une
constante présence scénique, soignant une mobilité de son corps qui n’est pas
si commune parmi les artistes lyriques.
Le rôle de Germont
père peut être traité sous divers angles, comme un gris tend vers le clair ou
plutôt vers le charbonneux, selon les versants de la psychologie du personnage
que l’on choisit de privilégier. Grand habitué du rôle, Thomas Hampson
déduit ici son cheminement interprétatif de la phrase de Germont au dernier
acte : « Oh, malcauto
vegliardo ! Ah, tutto il mal ch’io feci ora sol vedo ! ».
Au 1er tableau de l’Acte II, il agit en cruel manipulateur
qu’indiffère toute autre considération que l’honneur de sa famille. Au 2e tableau,
l’offense commise par son fils contre Violetta lui ouvre les yeux et son visage
change lorsque lui-même relève la jeune femme humiliée. Enfin, la
compassion efface définitivement la morgue de ses certitudes à l’Acte III.
Puisque la vidéographie nous donne accès à plusieurs interprétations de Germont
par le baryton américain, il est intéressant d’en mesurer les profondes
différences (il n’est point le lieu de discuter ici les absurdités de mises en
scène transposées au XXe siècle, donc ne cessant de se poser en
contradictions – parfois effarantes de comique involontaire – avec le texte
chanté) : à Zurich (sous la baguette de Franz Welser-Möst, mise en scène
de Jürgen Flimm, avec une Eva Mei à l’aigu un peu étriqué, DVD Arthaus),
Thomas Hampson, plus vieilli par le grimage, montrait un Germont d’emblée
humain, empêtré dans ses maladresses face à un monde qu’il ne connaît
pas ; à Salzbourg (mise en scène de Willy Decker, avec la belle
Anna Netrebko et Rolando Villazón encore, DVD Deutsche Grammophon),
il apparaissait hautain et accusateur dès le début d’un deuxième acte dont le
premier tableau se terminait dans la violence.
Pour en revenir à
Covent Garden, le ténor maltais Joseph Calleja, qui conquiert ces
dernières années une audience de plus en plus captivée par le pouvoir de sa
présence vocale à la technique très sûre, s’impose par sa touchante spontanéité
et par une diction remarquable. Face à deux acteurs aussi à l’aise pour
se mouvoir sur scène que ses deux partenaires américains, il lui reste
néanmoins à perfectionner l’art du geste et à vaincre le travers monolithique
de sa large stature.
Le bonus du DVD
s’avère particulièrement intéressant puisqu’il consiste en une interview d’une
vingtaine de minutes où Renée Fleming parle de l’interprétation du rôle,
de ses difficultés, de la technique vocale requise, guidée par les très
pertinentes questions d’un interviewer hors norme qui n’est autre que…
Antonio Pappano lui-même.
“Renée Fleming &
Dmitri Hvorostovsky : a musical odyssey in St. Petersburg”, avec l’Orchestre de l’Ermitage, dir. Constantine Orbelian, Ivari Ilja et Olga Kern
(piano). Réalisation : Brian Large. Decca : 074 3383 D H.
Un documentaire
d’une heure et demie (plus 23 minutes d’airs en bonus) sur les trésors
architecturaux de Saint-Petersbourg, guidé et commenté par une ravissante
présentatrice nommée Renée Fleming, que demande le peuple ? Et
en plus, elle chante… et divinement comme chacun sait ! De surcroît
en compagnie de l’un des plus charismatiques barytons de notre époque,
Dmitri Hvorostovsky ! Alors, au lieu de passer des soirées idiotes à
regarder des programmes abêtissants à la télé, offrez-vous ce DVD qui vous
garantira un moment délicieux, un enchantement pour les yeux et les oreilles.
Naturellement, le cœur palpitant face au duo le plus “glamourous” qui soit, les
spectateurs succomberont au charme de la belle Américaine, et les spectatrices
à celui du séduisant Sibérien. Notons que, confrontés à la situation
restrictive du récital, les deux artistes font l’effort de jouer leurs personnages dans les duos très intenses qu’ils ont
choisi d’interpréter, tel celui de Leonora et du Comte di Luna à la fin du Trouvère, et les retrouvailles du
Doge et de sa fille à l’Acte I de Simon Boccanegra. On rêve d’entendre Dmitri Hvorostovsky dans le rôle
intégral du Doge de Gênes, car sa voix possède exactement l’autorité, le
registre et la couleur requis par le personnage.
Des extraits des
trois principaux opéras de Tchaïkovsky complètent le versant lyrique du film,
tandis que des mélodies de Rachmaninov, Medtner et Tchaïkovsky encore,
appportent une autre dimension musicale à cette évocation historique russe dont
l’initiative revient au chef d’orchestre Constantine Orbelian. En
bonus (on dirait plutôt : en bis), Renée Fleming nous régale d’un
“Casta diva” à faire damner tous les druides de l’antique Empire, tant son
galbe belcantiste est parfait ; mais Dmitri Hvorostovsky révèle dans
l’air à boire d’Hamlet d’Ambroise Thomas une notable incompréhension de la prononciation française,
et spécialement des “e” muets !
Gioacchino ROSSINI : Armida. Renée Fleming (Armida), Lawrence Brownlee
(Rinaldo), John Osborn (Goffredo), Barry Banks (Gernando, et Carlo),
Kobie van Rensburg (Ubaldo), Yeghishe Mnucharyan (Eustazio),
Peter Volpe (Idraote), Keith Miller (Astarotte), The Metropolitan
Opera Orchestra, Chorus and Ballet, dir. Riccardo Frizza. Mise en
scène : Mary Zimmerman. Chorégraphie : Graciela Daniele.
2DVDs Decca : 074 3416.
Le rôle d’Armide,
seule figure féminine au sein d’une distribution d’hommes (comportant six rôles
de ténor !), fut composé pour Isabella Colbran, et il demeure un des
grands rôles d’endurance dans le répertoire de soprano coloratura. Renée Fleming s’y était fait
remarquer lors du Festival Rossini de Pesaro en août 1993, production qui
avait été fixée au disque par Sony ; Gregory Kunde lui donnait la
réplique, sous la direction peu légère, peu accorte, de Daniele Gatti.
L’entrée de l’œuvre au répertoire du Metropolitan Opera se fit au printemps
2010, à la requête de Renée Fleming, et l’on reste admiratif en constatant
que, 17 années après, sa voix reste aussi maîtresse de sa souplesse
technique et de ses cascadantes colorature,
avec même une douceur expressive dans les nuances patinée par la maturation
d’une authentique musicalité. Au terme de ce parcours de près de trois
heures, Renée Fleming conserve intactes ses ressources pour réussir un Quatuor
et un Finale de l’Acte III en grande actrice et vocaliste. De
surcroît, la capacité à se mouvoir sur scène avec grâce, à jouer son rôle sans
avoir l’air de penser aux difficultés de sa partie, reste un atout précieux de
la cantatrice, et rend le spectacle fort agréable à voir. Face à elle,
Rinaldo revêt la jeunesse et l’agilité vocale du ténor noir Lawrence Brownlee,
qui produit ses extrêmes avec moins d’effort que Gregory Kunde. Sa
vigueur mène brillamment à terme la cabaletta du fameux terzetto des trois ténors à
l’Acte III. L’ensemble des comparses forme une troupe assez
homogène, et le chef Riccardo Frizza, sans être particulièrement inspiré, s’avère
plus vivant que Daniele Gatti. On conseillera donc d’abandonner le
disque pour le DVD, d’autant qu’il restitue aussi fidèlement la longue
partition sans coupures, ballet compris.
La mise en scène de
Mary Zimmerman alterne des trouvailles séduisantes et des naïvetés qui laissent
perplexe. Au premier acte, les soldats de Godefroy de Bouillon
semblent aussi rigidement plantés dans le sol que les palmiers en à-plats tout
bleus. Et ne parlons pas des ridicules fleu-fleurs bleues (eh oui,
il faut qu’elles soient assorties aux palmiers !) du catafalque de Dudone,
et des tout aussi ridicules fleu-fleurs rouges plantées comme des poireaux à
l’Acte III ! Quant aux mirages censément éblouissants du Palais des plaisirs de la magicienne
(Acte II), qu’ils se réduisent à des chaises Louis XVI alignées tout
le tour du décor… et à une énorme araignée au plafond (!) me semble un peu
juste pour ensorceler le vaillant Rinaldo dans la volupté. En revanche,
félicitations au peintre du très beau rideau de scène figurant les éléments
déchaînés.
Les costumes virils
mêlent armures médiévales et redingotes inspirées des tenues de l’armée
américaine au XIXe siècle (bretelles made in U.S.A. comprises) : prenez un zeste de
Croisades, une lichette de guerre de Sécession, versez dans le shaker et servez
frais ! À l’acte III, le bouclier carolingien à umbo sur l’uniforme de type
“tunique bleue” fait très seyant ! On notera avec amusement,
dans le rôle de l’intervieweuse des bonus, Deborah Voigt, soprano
dramatique wagnérienne de son état.
Au total, la
captation de ces trois spectacles récents couvre un champ particulièrement
vaste de l’art éblouissant de Renée Fleming, un des plus grands sopranos
de notre temps, aujourd’hui quinquagénaire mais toujours radieuse et d’une
grande lucidité quant à la manière de conduire l’évolution de sa voix ainsi que
le persévérant entretien de sa splendide technique.
Sylviane Falcinelli.
Jean-Baptiste LULLY : Armide. Tragédie
en musique en un prologue & cinq actes. Livret de Philippe Quinault.
Stéphanie d'Oustrac, Paul Agnew, Laurent Naouri,
Claire Debono, Isabelle Druet, Nathan Berg, Marc Mouillon,
Marc Callahan. Chœur et Orchestre Les Arts Florissants, dir.
William Christie. Mise en scène : Robert Carsen. 2 DVDs Fra Musica : FRA 005. TT : 2h48'.
Armide, que
compose Lully en 1686, est l'une des nombreuses adaptations suscitées par
l'histoire de la magicienne éponyme du poème épique du Tasse. La
production de Robert Carsen en livre une vision habilement stylisée d'une
grande unité. Mais là où un Villégier suggère (Atys), Carsen
cherche à démontrer en imposant un raisonnement : à partir du prologue
basé sur des projections donnant à voir, outre des portraits de Louis XIV,
un touriste visitant la Chambre du roi et s'endormant sous le baldaquin, la
pièce se joue tel le rêve d'un improbable roman d'amour. L'univers
confiné de ladite chambre en sera le lieu, et la couche royale l'élément
catalyseur de la lutte sans merci qui oppose Armide à Renaud. L'idée sera
déclinée en forme de variations au fil des cinq actes, seules les
modifications d'éclairages venant en modifier l'ordonnancement. Celui-ci
est fondé sur un nuancier de gris argent duquel se détache la pourpre des
costumes de l'héroïne et de ses créatures ou d'un parterre de roses. La
chorégraphie moderniste de Jean-Claude Gallotta alterne mouvements saccadés et
gestes au ralenti : si pas toujours signifiante, elle est du moins
agréable à l'œil. Un effet de miroir (fond de scène, sol) enrichit
l'esthétisme de la démarche. De la vengeance proclamée à l'amour passion,
de la colère à la langueur, du rejet d'une passion incontrôlée à la crainte du
délaissement, le schéma dramaturgique aboutit à cette manière d'inversion
(procédé cher au metteur en scène) : Renaud, appelé par la gloire, ceint
de la pourpre royale, renonce à l'amour de la magicienne tandis que celle-ci,
dépouillée de ses attributs de puissance, succombe au piège de sa propre
vengeance. Contrairement à la lettre du livret, elle se donnera la mort.
Du cast intéressant se détache cette
figure tragique telle que la dessine Stéphanie d'Oustrac, d'une
incoercible présence et d'une vocalité souveraine. Le Renaud de
Paul Agnew offre une belle diction qu'embellit le frémissement dans la
voix qui le caractérise. Laurent Naouri, n'était un curieux
accoutrement, prête à La Haine des accents presque sardoniques dans leur
outrance. La prise de vues est réalisée avec goût et imagination.
La force du spectacle réside, bien sûr, dans la direction de William Christie
qui livre de cette tragédie en musique la quintessence de ses harmonies
envoûtantes.
Jean-Pierre Robert.
***
Haut
Dorothée de MONFREID & Tony TRUAND : Super sauvage. Gallimard
Jeunesse Musique. 32 p. + CD. 22 €.
Super Sauvage est une histoire chantée qui se raconte, en
musique & bande dessinée, autour de 13 chansons et de quelques
dialogues. L’histoire est celle de Pipo, un petit chien qui fuit le monde
urbain et la vie domestique pour être libre. En cavale, il rencontre le
chat Attila. En une journée, leurs aventures nous emmènent de la ville
jusqu’à la forêt. La liberté est-elle vraiment au bout de cette aventure ?
Le ukulélé et autres banjos deviennent, au fur et à mesure, de véritables
personnages ; petits et grands les suivent dans leurs fabuleuses épopées !
À lire, à écouter, à découvrir sans attendre !
Laëtitia Girard.
***
L'Education Musicale vous recommande :
LA REUNION AU CAFE DE LA DANSE propose une série de rencontres avec des artistes réunionnais de la nouvelle génération, dans différentes disciplines et formes : cinq comédiens, vingt-deux musiciens, un photographe, une cuisinière et un libraire ; autant d’invitations à la (re)découverte de la culture réunionnaise, entre patrimoine et création.
Du 17 au 19 juin, à partir de 18h30, expo photo et librairie, musique et dégustations ;
chaque soir, théâtre, slam et concert.
Cet événement a reçu le label 2011, année des Outre-mer français.
Café de la Danse : 5, passage Louis Philippe - Paris 11ème - www.cafedeladanse.com
Locations (22 €) : FNAC - Carrefour - 0892 68 36 22 (0,34 €/min) - www.fnac.com
***
S’ouvrant sur un éditorial de l’Inspecteur général de
l’Éducation nationale, M. Vincent Maestracci, orientant de façon concise
l’élève dans son travail, le supplément Baccalauréat 2011 de L’éducation musicale est d’une rare densité :
pas moins de 148 pages d’analyses et références.
Indispensable
aux professeurs d’Éducation musicale et aux élèves de Terminale qui préparent
l’épreuve de spécialité « série L » ou l’épreuve facultative
« Toutes séries générales et technologiques du baccalauréat », cette
publication réunit les connaissances culturelles et techniques nécessaires à
une préparation réussie.
À commander aux Éditions Beauchesne : 7, cité du
Cardinal-Lemoine, 75005 Paris.
Tél : 01 53 10 08 18.
Fax : 01 53 10 85 19. s.desmoulins@leducation-musicale.com
***
Les dossiers de l'Education Musicale déjà parus
Dossiers à paraître :
* Le cerveau musicien
Vous souhaitez débuter la prochaine
rentrée musicale avec un outil de gestion adapté à vos besoins ?
Découvrez
une solution innovante et accessible
à toutes
les écoles de musique.
Logiciels
de gestion avec site internet intégré
Accessible
par internet / Sécurisé
Simple d'utilisation / 100% économique
2 mois
d'abonnement offerts !*
*Pour tout abonnement effectué avant le 30 juin grâce au code
promotionnel suivant: OA0411PR2MLM
Et pour plus de visibilité, vos
manifestations pourront être retransmises et affichées automatiquement sur
votre site internet, sur le site de votre groupement ou fédération, ainsi que
sur le portail musical www.openassos.fr
Renseignements : 2iOPENservice, Tél :
09.72.12.60.23, contact@openassos.com, www.openassos.com
***
Le savoir-faire de MAGIX et la qualité de son « Academic
Suite 3 » reconnus par le ministère de l’Éducation nationale par sa
certification R.I.P. (Reconnu d’intérêt pédagogique)
MAGIX Music Maker 17 : la création musicale facile
- Pour les cours d’Éducation musicale,
Atelier/Projet de composition musicale à l’aide des instruments virtuels
et de la base de données sonores.
- Pour la radio de l'école/ de l'université
(production de jingles, de podcasts, etc.)
- Enregistrement de répétitions, de spectacles
de groupes de musique
- Gravure de CDs audio de ces enregistrements.
Pour renseignements
complémentaires, merci de joindre M. Merbouh Jarid, responsable Éducation, au :
01.40.15.91.37 ou par courriel : jmerbouh@magix.net
Pour toute commande adressez
nous un simple bon de commande à l’attention de M. Merbouh, MAGIX
Entertainment SARL - 38, rue du Mont-Thabor, Paris 75001.
Une assistance technique
gratuite est à votre disposition, exclusivement réservée aux intervenants du
domaine de l’éducation au : 01.82.88.95.32.
Plus d’informations sur : www.magix.com
Laëtitia Girard.
***
Passer
une publicité.
Si vous souhaitez promouvoir votre activité, votre programme éditorial
ou votre saison musicale dans L’éducation
musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site
Internet, n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs publicitaires.
|