Sommaire :
1. Editorial
2. Informations
générales
3. Varia
4. Manifestations
et Concerts
5. Tribune
Libre
6. Recensions
de spectacles et concerts
7. Festival de
Pâques de Lucerne
8. Les Festtages
de Berlin
9. John Adams,
un compositeur dans l’actualité
10. A retenir
dans l’agenda
11. Nouveautés dans l'édition musicale
12. Bibliographie
13. CDs et
DVDs
14. La
librairie de L’éducation musicale
15. La vie de
L’éducation musicale
16. Où
trouver le numéro du Bac ?
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Lividités…
Longtemps abusé par de vaines
promesses, le monde des arts et des humanités est aujourd’hui exsangue.
Ainsi du Portugal, qui vient
de, tout bonnement, supprimer son ministère de la Culture, cependant que
les Pays-Bas ont dû amputer de 25% le budget du leur… La Scala de Milan aurait, nous dit-on,
à combler un déficit de 6,7 millions d’euros, et Nigel Ridden,
directeur du Lincoln Center Festival de New York, de conseiller
aux compositeurs : « Plutôt que pour orchestre, écrivez pour
formations de chambre ! »...
Tandis que « la musique
d’art » (selon l’expression américaine) perd partout de son
influence. N’est-elle pas devenue
quasi inaudible, sous ces déferlantes de musiques pour ilotes -
assourdissantes verroteries -
qu’exalte universellement une presse mercantile ?...
La chanson populaire, dite
« chanson de pays », franchissait naguère allègrement les
générations – à défaut des frontières… Elle n’est plus guère,
hélas, que discipline ethnographique sous naphtaline.
Gémissons,
gémissons… mais espérons !
« La crise ne rend pas la culture moins nécessaire, elle
la rend plus indispensable » (François Hollande,
janvier 2012).
Aux actes,
citoyen !
Francis B.
Cousté.
|

Haut
BOEN n°13
du 29 mars 2012. Diplôme national du Brevet : épreuve
d'Éducation musicale.
1. Durée : 30 minutes
2. Objectifs de l'épreuve :
L'évaluation a pour objectif d'apprécier
l'aptitude du candidat à :
- maîtriser, à un niveau simple, le
vocabulaire courant propre à la musique ;
- analyser une œuvre et en rendre compte.
3. Nature de l'épreuve : écrite
4. Structure de l'épreuve :
L'écoute de l'œuvre proposée aux candidats
est collective. Cette œuvre, d'une durée n'excédant pas trois minutes, est
entendue deux fois. L'épreuve consiste en un questionnaire relatif à
l'écoute d'une œuvre musicale (ou d'un extrait d'œuvre). Le candidat met en
valeur les principaux éléments d'ordre technique et stylistique de l'œuvre
entendue : caractère général, aspects mélodiques, rythmiques, harmoniques,
instrumentaux, formels. Dans un bref commentaire, il situe cette pièce dans
son contexte historique et culturel.
5.
Notation :
sur 20.

©DR
BOEN n°14
du 5 avril 2012. Baccalauréat : Épreuves de spécialité en série
littéraire & épreuves facultatives de musique
(session 2013) :
www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=59483

©DR
Musique Prim, nouveau site
de chansons & d’œuvres musicales pour les enseignants de l’école
primaire. Le site Internet, le CD et
le portail offrent de nouvelles possibilités d’enseigner la musique. Renseignements : www.cndp.fr/musique-prim/accueil.html
ou :
www.touspourlamusique.org/actu/837-musique-prim-quand-la-musique-secoute-a-lecole.html

TPLM : « Plateforme
commune d’expression des attentes de la filière musicale ».
Consulter :
www.touspourlamusique.org/images/stories/PDF/plateforme_tplm.pdf

Opéra de Paris. Le programme de la saison 2012-2013 est désormais
accessible en ligne :
www.operadeparis.fr/saison_2012_2013/index.php

©DR
Opéra de Dijon, saison 2012-2012 : Pelléas
et Mélisande
(Cl. Debussy), Ariane et
Barbe-Bleue (P. Dukas), Actéon
(M.-A. Charpentier), L’enfant et les
sortilèges (M. Ravel), Don Giovanni
(W.A. Mozart), L’Olimpiade
(J. Mysliveček). Sans
préjudice d’innombrables concerts & spectacles de danse… Renseignements : 03 80 48
82 82. www.opera-dijon.fr

©DR
Berklee College of Music
(Boston, USA) ouvre son 1er Campus
international, à Valencia (Espagne), en septembre 2012. Y seront
proposés trois programmes de Master : Scoring for Film, TV &
Videogames / Contemporary Studio Performance /
Global Entertainment & Music Business. Renseignements : www.berklee.edu ou www.berkleevalencia.org

©DR
***

Haut
An Englishman in Paris… « Je n’ai
pas de temps à perdre, je n'écoute que du classique. J'ai un faible pour les œuvres pour piano
de musique française de la fin du XIXe siècle et du début
du XXe : Maurice Ravel, Claude Debussy,
Théodore Dubois, Erik Satie... » (Sting, Le Figaro, 2 mars 2012)

Sting ©Todd Plitt
« Concours international d’interprétation musicale de
Ville-d’Avray ». Consacré,
cette année, à la Direction d’orchestre d’harmonie (64 inscrits de
20 nationalités), voici les trois premiers prix :
Manuel Godoy (Espagne), Karel Deseure (Belgique),
Chris Derikx (Pays-Bas). Renseignements :
01 78 33 14 57. http://club.quomodo.com/concours

Les étangs de Ville-d’Avray ©DR
« Il faudrait réorganiser les rythmes scolaires » (Rapport Lockwood remis au ministre de la
Culture, le 16 janvier 2012). Commentaire de l’Union nationale des
directeurs de conservatoire (UNDC) : « Sachant le souci de
communication qui anime l’Éducation nationale dans son élaboration des
programmes & des calendriers envers ses partenaires, ce vœu dépasse la
piété pour atteindre à l’espérance du miracle. » Renseignements :
www.undc.fr

©UNDC
Sur YouTube, site
d’hébergement vidéos (créé en janvier 2005) : 60 heures
de vidéo sont chargées à la minute, soit 5 mois de vidéo à l’heure, 10 ans
de vidéo par jour. Et cela ne cesse
de croître… Cf. : www.youtube.com

« The Sound of Philadelphia »
(TSOP) fête
ses 40 ans. Entre autres manifestations, se tiendra
à Philly, jusqu’au 3 septembre 2012, une exposition dédiée à
Bruce Springsteen, « the Boss », auteur de la célèbre
chanson Streets of Philadelphia :
www.dailymotion.com/video/x1igei_bruce-springsteen-street-of-philade_music Renseignements : http://constitutioncenter.org/ncc_press_Bruce.aspx


Le 31e Concours international de violon « Premio Rodolfo Lipizer » se déroulera à
Gorizia (Italie), du 7 au 16 septembre 2012. Renseignements : I-34170 Gorizia (GO). Tél. : 0039-0481-547863. www.lipizer.it


Grand Zebrock 2012,
association dont la vocation est d’encourager la création dans le
champ des musiques populaires, a - parmi les 200 candidatures reçues –
retenu 10 groupes : Zoufris Maracas (chanson), L’1consolable
(hip hop), We Eat Tortoises (rock), Madame Dame
(snob groove diva), Ayenalem (rap), Lise Martin (chanson),
Yas & the lightmotiv (slam/rock), Anissa Bensalah
(planet pop jazz), 3 minutes sur mer
(chanson rock), Old Fashion Ladies (rock). Finale le vendredi 1er juin,
19h30, à La Maroquinerie (23, rue Boyer, Paris XXe). Renseignements :
01 55 89 00 60. www.zebrock.net

Un nouveau président pour l’association « À Cœur Joie ». Éminent spécialiste des musiques de la
Renaissance & professeur à l’université François-Rabelais de Tours, Jacques Barbier a été élevé à cette
fonction, le 31 mars 2012. Renseignements :
04 72 19 83 40. www.choralies.org

©À Cœur Joie
European Award for Choral Composers 2012. Sur les 38 compositions reçues,
émanant de 11 pays d’Europe, le jury a retenu 3 œuvres. Catégorie
« a cappella » : Bestiaire fantasque (2011), pour chœur de femmes, du
français Pierre Chépélov (°1979). Catégorie
« avec instruments » : Gloria Kajoniensis (2008), pour chœur de femmes, du hongrois Levente Gyöngyösi
(°1975) et « 1914 »
(2009), pour chœur d’hommes, du belge Maarten Van Ingelgem
(°1976). Renseignements :
European Choral Association / Europa Cantat. www.eca-ec.org

Sur Canal Académie : Olivier Messiaen vu par le musicologue
& organiste Michel Fischer.
www.canalacademie.com/ida4137-Olivier-Messiaen-l-amoureux-d-orgue.html

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Nietzsche/Wagner :
Le Ring. D’après le cycle de Richard Wagner,
textes de Friedrich Nietzsche. Du
2 au 11 mai 2012, Athénée-Théâtre Louis-Jouvet (24,
rue Caumartin, Paris IXe). Aurélien Pernay (baryton/basse) : Wotan. Paul Gaugler
(ténor) : Siegfried. Muriel Ferraro
(soprano) : Brünnhilde. François Clavier
(comédien) : Nietzsche.
Orchestre Lamoureux, dir. Dominique Debart. Mise en scène :
Alain Bézu. Renseignements :
01 47 42 77 93. www.athenee-theatre.com

Théâtre de l’Athénée © Henri Imbert
Rencontres chorales 2012.
Organisation : Université Paris VIII. Thème : « La musique vocale japonaise, traditionnelle et contemporaine ». Ensemble Soli Tutti, Chœur Regato
de Tokyo, Chœur Les Polysons. Jeudi
3 mai, à 20h00 : Théâtre du Jardin d’acclimatation (Bois de
Boulogne, Paris, XVIe).
Samedi 5 mai, à 17h00 : Musée d’Art & d’Histoire (22,
rue Gabriel-Péri, Saint-Denis).
Dimanche 7 mai, à 17h00 : Église Saint-Pierre/Saint-Paul
(2, rue de Romainville, Montreuil). Renseignements : 01 49 40
65 28. www.univ-paris8.fr/Rencontres-Chorales-Japon

« Extension », 12e Festival de création
musicale, se déroulera à Paris & en Île-de-France, du 3 au 31 mai
2012. Renseignements :
La Muse en circuit www.alamuse.com

Robert Schumann/Hanspeter Kyburz : Cité de la musique, du 5 au 13 mai
2012. Renseignements :
221, avenue Jean-Jaurès, Paris XIXe. Tél. : 01 44 84 45 00.
www.citedelamusique.fr/francais/cycle.aspx?id=414

« Musique en Sorbonne » - de retour d’une tournée danubienne qui
l’aura conduit de Prague à Příbram, Vienne & Bratislava - se
produira le jeudi 10 mai 2012, à 20h30, en l’église Saint-Sulpice (place
Saint-Sulpice, Paris VIe). Aurore Bucher, soprano. Soliste, chœur & orchestre, dir.
Johan Farjot. Au
programme : Ravel, Poulenc, Gershwin, Martinů, Dvořák. Renseignements : 01 42 62
71 71. www.musiqueensorbonne.fr

Le festival « Les Musiques », musiques d’aujourd’hui, se
déroulera, à Marseille, du 9 au 19 mai 2012. Renseignements : 15, rue de
Cassis, 13008 Marseille. Tél. : 04 96 20 60 10. www.gmem.org

Colloque international :
« Le compositeur
Mieczysław Weinberg & le réalisme socialiste durant l’ère Brejnev ». Communications, concerts, entretiens.
Hamburg Institute of Musicology, 11-13 mai 2012. Renseignements :
Universität Hamburg (Edmund-Siemers Allee 1, 20146 Hamburg,
Germany). Tél. : +49.40.42838.0. www.peermusic-classical.de/en/home

« Debussy et poètes : Correspondances avec ses
amis », tel est le propos de la lecture que fera,
le vendredi 11 mai 2012, à 19h00, au Musée de l’Orangerie (Jardin des
Tuileries, Paris Ier), le comédien Didier Sandre. Renseignements : 01 44 77 80
07. www.musee-orangerie.fr

Stéphane Mallarmé, par Nadar
(1896)
Auditorium du musée Guimet.
Le vendredi 11 mai, à 20h30 : Nen Nen Sui Sui - Mieko Miyazaki (koto &
voix, Japon), Guo Gan (erhu,
Chine). Le vendredi 1er juin,
à 20h30 : Zinedagui (chants
populaires du Rajasthan, qawwalis soufis & bhajans hindous). Renseignements :
6, place d’Iéna, Paris XVIe. Tél. : 01 56 52 53 45. www.guimet.fr/fr/auditorium

©DR
Guimbarde au Centre culturel suisse de Paris. Anton Bruhin est musicien, peintre et
poète. À l'occasion du vernissage de l'exposition « Météorologies mentales », qui
présente de ses œuvres, ce virtuose de la guimbarde donnera, le 12 mai
2012, à 20h00, un concert dédié au plasticien Andreas Züst (1947-2000),
dont il était l'un des proches. Entrée libre. Renseignements :
32-38, rue des Francs-Bourgeois, Paris IIIe. Tél. : 01 42 71 44 50. www.ccsparis.com

©DR
Musiques au pays de Pierre Loti propose sa 8e édition, du 14
au 19 mai 2012, à Rochefort & sur l’île d’Oléron. Renseignements : 05 46 47
60 51.
www.infoconcert.com/festival/musiques-au-pays-de-pierre-loti-5277/concerts.html

Istanbul par Dominique
Barreau
« Quatuor à l’Ouest », festival de la presqu’île de Crozon,
présente sa 2e édition du 17 au 20 mai 2012. Renseignements : 06 23 33
57 30. www.quatuoralouest.org
« Les Musicales de Bagatelle » se dérouleront du 17 au 20 mai 2012, en
l’Orangerie du Parc. Sous les
parrainages de, notamment : Alain Dault (critique musical),
Romain Hervé (piano), David Grimal (violon), François Salque
(violoncelle), Dominique Martinie (président de la Fondation Banque
populaire). Renseignements : Parc de Bagatelle, allée de
Longchamp, Paris XVIe.
Tél. : 01 30 58 81 46. www.lesmusicalesdebagatelle.com

Re Orso, légende musicale de Marco Stroppa,
livret d’après Arrigo Boito, sera donné en création mondiale, à
l’Opéra-Comique, les 19, 21 et 22 mai 2012, à 20h00. Pour 4 chanteurs, 4 acteurs,
ensemble, voix & sons imaginaires, spatialisation et
totem acoustique. Ensemble
intercontemporain, dir. Susanna Mälkki. Mise en scène :
Richard Brunel. Renseignements : 1, place Boieldieu, Paris IIe.
Tél. : 01 42 44 45 40. www.opera-comique.com

Vanessa, opéra en 3 actes de Samuel Barber
(1910-1981), sur un livret de Gian Carlo Menotti, sera donné les 20,
22 et 26 mai 2012 au Théâtre Roger Barat (place de la Halle,
95220 Herblay). Avec,
notamment, Yun Jung Choi dans le rôle-titre, et la participation
d’Hélène Delavault. Mise en
scène : Bérénice Collet.
Direction artistique : Jean-Luc Tingaud & Iñaki
Encina Oyón. Renseignements :
01 39 97 79 73.

Samuel Barber, 1944 ©DR
L’Ensemble orchestral contemporain, dir. Daniel Kawka, fêtera son 20e anniversaire
le 22 mai 2012, à 20h30, en l’église Saint-Pierre de Firminy-Vert
(Loire) : « La création dans tous ses états ». Avec le concours du baryton Vincent
Le Texier. En création
mondiale : Eppur si muove
pour baryton & ensemble (José Manuel Lopez Lopez), Eudousi pour baryton & ensemble
(Giorgio Battistelli), L’ange
des catastrophes pour baryton & ensemble (Youri Kasparov), La fabrique de sable, atelier d’argile
pour ensemble (Colin Roche). Rencontre avec les compositeurs à
19h30. Renseignements :
04 72 10 90 40. www.eoc.fr

Saint-Pierre de Firminy (Le Corbusier)
Neuf « Orchestres à l’école » s’invitent, le mercredi 23 mai 2012, à
l’Opéra de Vichy. Création, par plus
de 250 enfants, d’une œuvre de Grégoire Solotareff (assemblage de
contes), Jean-Pierre Seyvos & Tomas Bordalejo
(musiques originales). Renseignements : OAE -
2, rue Henri-Chevreau, Paris XXe. Tél. : 01 75 57 85 40. www.orchestre-ecole.com

Opéra de Vichy ©J. Damase
La petite renarde rusée, opéra en 3 actes de Leoš Janáček,
sera donné à l’Opéra Berlioz/Le Corum de Montpellier, les vendredi 25 mai,
à 14h30 (Jeune public) & le samedi 26 mai, à 20h30
(tous publics). Direction musicale :
Jérôme Pillement.
Mise en scène : Marie-Ève Signeyrole. Renseignements :
04 67 60 19 99. www.opera-montpellier.com/francais/rep_jeune_petite_renarde.html

La 41e édition du « Florilège vocal de
Tours » se déroulera du
vendredi 25 mai au dimanche 27 mai 2012 : Concours (inter)nationaux de
chant choral, chœurs de jeunes, programme Renaissance, incitations
à la création d’œuvres… Avec la participation de 14 chœurs de
13 pays (Cuba, Chine, République tchèque, Argentine, États-Unis,
etc.). Renseignements :
02 47 05 82 76. www.florilegevocal.com

« Opéra Junior »
programme, le jeudi 31 mai, à 19h00, en l’Espace culturel
« Le Davezou » de Montferrier-sur-Lez (Hérault) : Les chants de la mer ou le petit
réparateur d’étoiles (Roger Calmel) et L’Album à colorier (Jean Absil). Direction musicale :
Vincent Recolin. Mise en
scène : Fanny Rudelle. Renseignements :
04 67 58 04 89. www.opera-junior.com

Le Forum culturel autrichien propose : Récital
d’orgue de Michael Radulescu (20 mai, 17h00, cathédrale Sainte-Benigne,
21000 Dijon, www.dijonorguecathedrale.org),
Wolfram &
Sweet Sweet Moon (27 mai, 19h30, Palais des Glaces,
63100 Clermont-Ferrand, www.europavox.com),
Vienne, mon amour (14 juin,
19h30, La Flèche d’or, 102bis,
rue Bagnolet, Paris XXe, www.flechedor.fr),
7e Festival « Musiques interdites »
(16 juin, 21h00, église Saint-Cannat-les-Prêcheurs, 13001 Marseille,
www.musiques-interdites.eu),
Daniela Koch &
Oliver Triendl, flûte & piano (19 juin, 20h30 - 32,
avenue Hoche, Paris VIIIe, tél. : 01 47 05 27
10), Shmuel Barzilai (28
juin, 18h30, Théâtre du Châtelet, Paris IVe, www.cantor-barzilai.com), Elektro Guzzi (29 juin, 22h00,
Théâtre Sorano, 31000 Toulouse, www.les-siestes-electroniques.com),
Franui (1er et
2 juillet, 21h00, L’Odéon – 6, rue de l’Antiquaille, 69005 Lyon, www.franui.at). Renseignements : 01 47 05
27 10. www.fca-fr.com

Michael Radulescu ©DR
« Debussy, la musique et les arts ». Cette exposition se poursuit jusqu’au
11 juin 2012, Musée de l’Orangerie (Jardin des Tuileries, Paris Ier). Renseignements : 01 44 77
80 07. www.musee-orangerie.fr

« Manifeste 2012 »,
Festival Académie (musique, danse, théâtre), rassemblera quelque
80 artistes & chercheurs, du 1er juin au 1er juillet
2012, à l’Ircam (1, place Igor-Stravinsky, Paris IVe). Au cœur de cette édition inaugurale, se
situera le colloque international « Produire le temps »,
co-organisé par l’École normale supérieure, l’École polytechnique et
l’Ircam. Renseignements :
01 44 78 48 43. www.ircam.fr
![Description : Macintosh HD:Users:fbcouste:Desktop:Invit_Ircam_conf_11_avril[1] (glissé(e)s).pdf](breves0512_fichiers/image160.gif)
Les deux Concertos de
piano de Marie Jaëll (1846-1925)
seront donnés - dans le cadre du Lille Piano(s) Festival -
à l’Opéra de Lille, le samedi 9 juin 2012, à 16h00 (Rotonde) &
18h00 (Foyer). Renseignements :
06 80 01 78 81.
www.lillepianosfestival.fr/juin_2012/samedi/opera
©DR
À deux pianos, Gisèle & Chantal Andranian se produiront le samedi 9 juin 2012, à
12h00, au Conservatoire Jean-Philippe Rameau (3ter, rue Mabillon, Paris VIe). Œuvres de Françaix, Poulenc, Stravinsky,
Chostakovitch, Khatchatourian, Moussorski.
Concert au profit de l’association « All for one for all ». Renseignements : 02 32 46
21 69. www.duo-andranian.com

©DR
« Domaine privé » du saxophoniste Joshua Redman
(°1969),
à la Cité de la musique de Paris.
Quatre concerts du vendredi 15 au lundi 18 juin 2012. En duo avec le pianiste Brad Mehldau,
en double trio, en quatuor de saxophones. Renseignements :
01 44 84 44 84. www.citedelamusique.fr

©Michael Wilson
Le 7e Festival des Pianissimes se déroulera, du 15 au 17 juin 2012, à
Saint-Germain-au-Mont-d’Or (20 km de Lyon). Renseignements : 01 48 87
10 90. www.lespianissimes.com

Le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet de Molière, sur une
musique de Lully, sera donné à Paris (après Lyon et Montpellier), au Théâtre
des Bouffes du Nord, du mardi 19 juin au samedi 21 juillet
2012. Mise en scène :
Denis Podalydès. Ensemble
baroque de Limoges, dir. Christophe Coin. Costumes : Christian Lacroix. Renseignements : 37bis, bd de La Chapelle, Paris Xe. Tél. : 01 46 07 34 50. www.bouffesdunord.com

©DR
Haendel : musiques royales. Le mercredi 13 juin, à 21h00 :
Cathédrale américaine (Paris VIIIe). Le jeudi 14 juin, à 21h00 :
Notre-Dame du Liban (Paris Ve). Chandos anthem, Coronation anthem, Funeral anthem for
Queen Caroline, duo de L’Allegro,
il Pensieroso ed il Moderato.
Ensemble
vocal & instrumental Le Palais royal, dir. Jean-Philippe
Sarcos. Concerts présentés par Gilles Cantagrel. Renseignements :
01 45 20 82 56. www.ensemble-palaisroyal.com

Itinéraire baroque en Périgord vert, 11e édition. Sous la direction de Ton Koopman,
sera rendu hommage - les 22 et 23 juin, puis du 26 au 29 juillet 2012
- à Gustav Leonhardt. Renseignements : 05 53 90
05 13. www.itinerairebaroque.com

La 3e édition du Festival Days off se
déroulera, Salle Pleyel & Cité de la musique, du 30 juin au
8 juillet 2012.
Temps forts : Steve Reich (avec
Bang on a Can) / Antony & the Johnsons (avec
l’Orchestre national d’Île-de-France) / Soirée Brian Eno
(avec Icebreaker Ensemble & Mondkopf). Renseignements : www.daysoff.fr

Le 32e Festival d’Auvers-sur-Oise, « Haendel,
Brahms, Zavaro », se
déroulera du 1er juin au 6 juillet 2012. Compositeur invité : Pascal Zavaro. Renseignements : Manoir des
Colombières, 95430 Auvers-sur-Oise.
Tél. : 01 30 36 77 77. www.festival-auvers.com

« 100 % Jazz : Tel-Aviv à Paris ». Trois jours durant - les 5, 6 et 7 juin 2012
-, ce festival rassemblera la fine fleur de la scène jazz israélienne. Dans trois clubs de la rue des Lombards
(Paris Ier) : Le Baiser salé, Le Duc des Lombards, Le
Sunside. Pas moins de sept concerts,
trente musiciens. Renseignements :
01 83 06 61 01. www.parisjazzclub.net

« Les Amateurs »,
festival de piano, déroulera sa 8e édition au
Théâtre du Châtelet, du mercredi 6 au dimanche 10 juin 2012. Vingt-cinq concerts, quatre matinées de
master-classes. La 9e
édition du Festival se déroulera à Saint-Pétersbourg, du 8 au
17 juillet 2012. Renseignements : 1, place
du Châtelet, Paris Ier. Tél. : 06 08 83 11 86 . www.les-amateurs.org

Lille Piano(s) Festival, 9e édition, se déroulera les 8, 9 et 10 juin 2012. Sous le signe de Claude Debussy,
John Cage & Marie Jaëll : en 7 lieux, plus de 50 concerts.
Renseignements : 03 20 12
82 40. www.lillepianosfestival.fr

« Le Triomphe de Haendel » au Château de Versailles. Du 8 juin au 13 juillet 2012, seront ainsi
royalement accueillis : 5 opéras en version de concert (Giulio Cesare, Tamerlano, Orlando, Alsina, Serse), 5 oratorios (Saul, Israel in Egypt, Messiah,
Solomon, Esther), galas virtuoses (Bartoli, Cencic,
contre-ténors…), ainsi qu’en spectacle pyrotechnique, les Coronation Anthems, Royal Fireworks Music et Water Music. Sans préjudice de partitions d’autres
compositeurs : Orphée et
Eurydice de Gluck, IXe Symphonie
de Beethoven… Renseignements : 01 30 83 78 89. www.chateauversailles-spectacles.fr

©DR
Festival « All Stars » au New
Morning. Du 30 juin au 7 août 2012, se
produiront notamment : le saxophoniste & compositeur Jacques
Schwarz-Bart (3 juillet), John Scofield’s Hollowbody Band
(5 juillet), le groupe hip-hop Gente d’Zona (9 juillet), le
guitariste Marc Ribot y los Cubanos Postizos (10 juillet), le
groupe vocal Take 6 (11 juillet), etc.
Renseignements : 7, rue des
Petites-Écuries, Paris Xe.
Tél. : 01 45 23 51 41. www.newmorning.com

John Scofield
©DR
Les Suds à Arles,
« La musique du monde », 17e édition, se
déroulera du 9 au 15 juillet 2012.
Renseignements : Maison des Suds - 66, rue du
4-septembre, 13200 Arles. Tél. : 04 90 96 06 27. www.suds-arles.com

Le 28e Festival de Radio France & Montpellier se déroulera du 9 au 27 juillet 2012. Axes de programmation : Musique
& pouvoir / Récitals de piano / Séquence violon /
Caravagisme européen / Chants méditerranéens / Caves de
l’Aude / Musiques électroniques, tohu-bohu / Jeunes
solistes / Jazz. Renseignements :
04 67 02 02 01. www.festivalradiofrancemontpellier.com

Le 2e Festival de Chambord se déroulera du 10 au 27 juillet 2012. Quinze concerts dont deux créations (par
Les Paladins & Diabolus in Musica), deux concerts-promenades (avec
la violoncelliste Ophélie Gaillard), deux concerts-lecture (en
compagnie de comédiens). Informations : 02 54 50 40
41. www.chambord.org

Les Francofolies de La Rochelle se dérouleront du 11 au 15 juillet
2012. Renseignements :
05 46 50 55 77. www.francofolies.fr

Le Festival interceltique de Lorient, 42e édition, se déroulera du 3 au 12 août 2012. Seraient attendus plus de 700 000
festivaliers ! Renseignements :
02 97 21 24 29. www.festival-interceltique.com

Les 10es Estivales en Puisaye-Forterre, festival
bourguignon de musique classique, se dérouleront du 16 au 26 août
2012. Au programme, notamment : La
Flûte enchantée (Mozart), Concerto l’Empereur
et Ve Symphonie
(Beethoven), Stabat Mater
(Rossini), Requiem, 1re audition
(Rémi Gousseau). Stage de
chant choral, dir. Ilia Mihaylov. Renseignements : 06 20 27 65
94. www.estivales-puisaye.com

Sinfonia en Périgord, festival de
musique baroque d’Aquitaine, 22e édition, se déroulera du 27 août au 1er septembre
2012. Renseignements :
12, cours Fénelon, 24000 Périgueux.
Tél. : 05 53 08 69 81. www.sinfonia-en-perigord.com

« Debussy et Saint-Germain-en-Laye ». Cette exposition se poursuit, jusqu’au 16
septembre 2012, en la maison natale du compositeur. Entrée libre. Renseignements : 38, rue
au Pain, 78100 Saint-Germain-en-Laye. Tél. : 01 30 87 20 63. www.saintgermainenlaye.fr

Diasporas, musiques en partance… Ce festival se déroulera, en Île-de-France,
du 8 septembre au 14 octobre 2012 : 29 concerts, 26
lieux. Renseignements :
51, rue Sainte-Anne Paris IIe. Tél. : 01 58 71 01 01. www.festival-idf.fr

Discours sur rien de John Cage (1912-1992) sera interprété par le compositeur
Bernard Fort, le lundi 25 septembre 2012, en
l’Espace Musique, niveau 3, de la Bibliothèque publique
d’information du Centre Pompidou (Paris IVe). La performance sera suivie d’un débat sur l’impact & la
postérité du célèbre musicien, poète, performeur et… mycologue (notre
photo). John Cage aurait eu
100 ans, cette année. Renseignements :
01 44 78 12 33. www.bpi.fr

©DR
Auditorium du Louvre, saison musicale 2012-2013. Six cycles de concerts : Quatuors à cordes
(3 octobre-3 juin), Concerts
du jeudi (20 septembre-18 avril), Musiques de chambre (19 septembre-17 avril), « Œuvres2 » (5-26
octobre), Grands classiques
(11 janvier-12 avril), Musiques
du monde de l’Islam (13-14 avril). Renseignements : 01 40 20
55 55. http://mini-site.louvre.fr/trimestriel/2012/musique

©Musée du Louvre
Francis Cousté.
***

Haut
Collectif de
formateurs IUFM en Éducation musicale, Enseignants-chercheurs en
musicologie, Responsables de la formation des étudiants du Master
Enseignement et/ou Recherche premier et second degré.
Académies d’Aix-Marseille, Bordeaux,
Clermont-Ferrand, Lyon, Montpellier, Orléans, Paris, Rouen, Toulouse,
Tours.
Qui sommes-nous ?
Formateurs
d'enseignants (Maîtres de conférences, professeurs agrégés,
professeurs certifiés, Conseillers pédagogiques et Maîtres formateurs),
nous
travaillons avec des étudiants appelés à devenir professeurs des écoles
comme de lycées et collèges. Voici notre mission : transmettre savoirs
et techniques attachés à un domaine décisif pour « l'épanouissement de
la personnalité et de l'individu », la musique. À court, moyen et long terme, cet
enseignement se trouve face à des perspectives très inquiétantes et nous
éprouvons le plus vif besoin de vous alerter.
Nos efforts de
transmission portent sur un domaine déterminant pour « faire société »,
une préoccupation éminemment politique.
Cette vérité, nous ne sommes pas seuls à la partager : à un
moment où la construction de l'Europe prenait appui sur l'édification d'une
culture partagée, les travaux émanant de la Conférence permanente des ministres de l'Éducation du Conseil de
l'Europe se tenant à Bruxelles, du 7 au 9 mai 1985, affirmaient
« le rôle social positif de l'étude de la musique, soulignant le lien
qui peut être établi », à travers elle, « entre l'école et la
communauté ».
Il s'agit bien
de la musique, de la capacité qu'un État se donne de permettre une
éducation à la musique gratuite et obligatoire pour chacun des élèves de la
nation. Renforçant les liens entre
l'école et la communauté, l'éducation à la musique doit faire partie d'un
projet politique réellement soucieux de l'équilibre et de l'épanouissement
de ses participants.
Facteur de
compréhension entre les cultures, son rôle est déterminant au sein de
classes où sont rassemblés des élèves appartenant à différents milieux
culturels. Un développement
harmonieux de l'individu implique la confrontation à différentes sources du
savoir. En ce sens, la musique forge
un puissant correctif, favorisant l'équilibre affectif, physique et
intellectuel ; elle offre une porte d’entrée privilégiée dans
l’approche des langues ; elle est un outil d’élaboration de la pensée
abstraite. Dès l'abord, sa pratique
favorise une très grande concentration, une attention fine, une relation
forte au groupe jouant sur la totalité de l'échelle allant du particulier à
l'ensemble des participants. Les
efforts indéniables qui lui sont attachés profitent à l'ensemble des
apprentissages.
Pourquoi vous alerter ?
Parce qu'il y a
urgence extrême. En raison d’une
forte hiérarchisation des disciplines scolaires, en France, davantage que
chez bon nombre de nos voisins européens, l'éducation musicale pour tous
manque d'une vision ambitieuse et volontaire. Elle se révèle extrêmement
sensible aux coups de boutoir régulièrement portés à notre système
éducatif. Les derniers en date liés
à la réforme de la mastérisation peuvent lui devenir fatals : les
étudiants, massivement découragés, désertent l'ambition d'apporter la
culture musicale dans le second degré et, dans le premier, la
formation des futurs professeurs des écoles est devenue notoirement
insuffisante. De la fin du collège
jusqu’à l’entrée en master « métier de l’enseignement »,
l’absence totale des disciplines artistiques vient trouer le tissu de
formation intellectuelle des étudiants ; cet état de fait s’avère très
préjudiciable à ceux qui se destinent à l’enseignement polyvalent, ainsi
qu’à la qualité d’un futur enseignement musical à l’école primaire.
Pourtant, les
spécialistes que nous sommes ne comptent plus les excellentes initiatives,
les réussites locales brillantes, enthousiasmantes, déterminantes pour les
élèves comme pour l'ensemble des personnes engagées, spécialistes ou
non. Il est encore temps de prendre
appui sur des réussites avérées, porteuses d'espoir.
Mais le temps
presse. Enjeu important ou
dérisoire ? C'est la question.
Un pays qui se soucie de tels problèmes est-il plus ou moins apte à
relever les défis sans nombre posés par la modernité ? Poser la
question, c’est
déjà y répondre, mais encore faut-il que la question soit
entendue.
En 1985, les ministres européens de l'Éducation reconnaissaient que, pour
être efficace, l'enseignement musical devrait être assuré de façon continue
dans toutes les écoles depuis la Maternelle jusqu'à l'âge de
quatorze ans, au moins. Presque
trente ans plus tard, cette bataille est sur le point de nous
échapper.
C’est
pourquoi, nous, experts et par là-même principaux acteurs de la formation
des enseignants à l’université, rassemblés ici en un collectif adossé aux associations nationales
APEMu
et APMESu,
réaffirmons
la place entière que prend l’Éducation musicale, non seulement dans la
formation à la polyvalence des professeurs d’école et à la spécialisation
des professeurs de collège et lycée, mais aussi dans l’ensemble du cursus
éducatif de l’individu,
demandons
que cette discipline spécifique, propre à la formation de l’esprit et au
développement de la sensibilité, soit
1-
revalorisée dans la mastérisation
et la formation continuée des enseignants, formation que nous, spécialistes
de l’Éducation et de la Formation, sommes à même de porter et rendre
lisible aux observateurs de l’école et du système éducatif dans son
ensemble, dès lors qu’entreront en cohérence des choix politiques
déterminés,
2-
revalorisée, en amont, quels que
soient les cursus universitaires L1, L2, L3, en sciences humaines et en sciences, de telle sorte
qu’un continuum soit assuré durant tout le cursus de formation.
Cette
lisibilité à laquelle nous sommes prêts, fort de nos partenariats quand ils
s’inscrivent dans une responsabilité partagée, est le gage d’une
reconnaissance propre à faire face aux multiples attaques portées depuis
quelques années à l’Éducation Musicale, et à redynamiser l’ensemble de
la formation à l’enseignement, tant cette discipline s’inscrit à la croisée
des multiples qualités de l’esprit humain qui sont le fer de lance de la
pédagogie.
Pour le collectif :
Nathalie
ESTIENNE, professeur agrégé, François
GIROUX, maître de conférences, Sylvie JOUD,
professeur d’éducation, Fernando SEGUI,
professeur agrégé, Odile TRIPIER-MONDANCIN, maître de conférences.

Haut
Le Monde de la Lune : une version
séduisante et allégée de l’opéra de Joseph Haydn, au Théâtre Mouffetard.
Sur
un livret de Carlo Goldoni. Mise en scène d’Alexandra Lacroix. Camille Delaforge, pianoforte &
direction musicale. Charlotte Dellion, Cecil Gallois,
François Rougier, Guilhem Souyri, Anna Reinhold.
Il
Mondo della Luna
est un dramma giocoso en 3 actes, composé par Haydn en 1777, donné à
l’occasion des noces d’un des fils du prince Esterhazy. Il serait vain de vouloir comparer la
version initiale de cette œuvre, riche d’une superbe orchestration, avec la
version séduisante mais allégée, représentée, ici, au Théâtre Mouffetard
par la Compagnie « Manque Pas d’Airs ». Allégée car
transcrite pour pianoforte, allégée dans le temps puisque réduite d’une heure
par rapport à la version initiale, allégée théâtralement avec la
disparition du couple Ernesto-Flaminia ; allégée donc, mais
tout à fait séduisante et pertinente, dans une mise en scène situant
l’action dans les années 70, efficace, bien centrée sur l’intrigue,
dans une scénographie astucieuse, servie avec entrain par des chanteurs
totalement investis. Au plan musical,
on regrettera le pianoforte un peu terne et trop discret de Camille Delaforge,
tout en remarquant les deux superbes voix de Charlotte Dellion (Clarice),
voix puissante, bien projetée, sans vibrato et d’Anna Reinhold (Lisetta),
au très beau timbre, élégant et d’une rare douceur, le reste de la
distribution vocale masculine ne parvenant pas, hélas, à se hisser à ce
niveau de qualité. Un beau spectacle
musical, rare et plaisant.

©DR
La Didone au Théâtre des Champs-Élysées :
pour la musique et les chanteurs ! Opéra en un prologue & trois actes
(1641), sur un livret de Francesco Busenello, d’après Virgile. Les Arts Florissants, dir.
William Christie. Mise en
scène : Clément Hervieu-Léger. Anna Bonitatibus,
Kresimir Spicer, Xavier Sabata, Maria Streijfert,
Katherine Watson, Tehila Nini Goldstein, Mariana Rewerski,
Claire Debono, Damien Guillon, Terry Wey,
Nicolas Rivenq, Valerio Contaldo, Mathias Vidal,
Joseph Cornwell, Francisco Javier Borda.
Oublions rapidement la mise en scène
insignifiante, réduite à une simple mise en espace, la scénographie et les
décors tristes, sombres et sans intérêt, les costumes hideux et les
éclairages blafards pour nous concentrer sur la superbe musique de Cavalli,
magnifiquement servie par Les Arts Florissants dirigés du
clavecin par William Christie et par une distribution vocale d’une
remarquable et homogène qualité, dont une partie est issue du jardin des
voix, cher à William Christie.

©Vincent
Pontet/Wikispectacle
Un opéra comme une longue complainte
fait d’une succession de lamenti, utilisant le recitar cantando pour
nous conter les malheurs de Didon et des héros troyens, le malheur dans sa
splendeur déchirante qui constitue la clé de cet opéra. L’efficacité de cette forme repose sur
une basse obstinée, cellule musicale simple et répétitive sur laquelle
se développent à l’infini voix et
instruments. Pier Francesco
Cavalli (1602-1676) compose La Didone pour le carnaval de Venise en 1641,
maître de chapelle à la basilique Saint-Marc, élève de Monteverdi, sa
carrière dans le domaine lyrique est indissociable de l’essor de l’opéra
public italien payant, il participe à la fondation du Teatro San Cassiano
(où fut créée d’ailleurs La Didone)
dont l’ouverture, en 1637, constitue une date majeure dans l’histoire de la
musique, une naissance contemporaine du Globe londonien et du théâtre
de Lope de Vega en Espagne. La Didone
mélange, comme cela deviendra la règle dans l’opéra vénitien,
personnages divins, nobles, roturiers, mais également les genres sérieux et
comique. Busenello substitue ici, de
façon très surprenante, une fin heureuse qui s’éloigne de la source
virgilienne, Didon ne meurt pas, mais retrouve un nouvel amour auprès de
Iarbe, fou d’amour, achevant ainsi de transformer le drame en
tragi-comédie. Une œuvre importante que William Christie et ses
musiciens abordent pour la première fois, tout comme Anna Bonitatibus
dans le rôle de Didon, une première rencontre avec l’opéra de Cavalli,
qu’ils explorent tous deux avec le même succès. Ajoutons aux louanges, le puissant et
viril Énée de Kresimir Spicer, le fringant et délirant Iarbe de
Xavier Sabata, la très belle présence scénique et vocale de toute la
distribution et les remerciements particuliers pour Damien Guillon
qui, de la fosse d’orchestre, prêta sa voix à Terry Wey souffrant, ne
pouvant, de ce fait, donner corps qu’à un Ascanio muet. Une bien belle soirée lyrique qui aurait
pu, à moindre frais, être une version de concert !

©Vincent
Pontet/Wikispectacle
Une Walkyrie
flamboyante au Théâtre des Champs-Élysées. Opéra en trois actes (1870) de Richard
Wagner. Première journée du festival
scénique l’Anneau du Nibelung. Livret du compositeur à partir du
Nibelungenlied, poème épique du Moyen Âge. Version de concert. Bayerisches Staatsorchester, dir.
Kent Nagano. Lance Ryan, Anja
Kampe, Ain Anger, Thomas J. Mayer, Michaela Schuster, Nina Stemme.
Après un Parsifal d’anthologie, l’an dernier, en ces mêmes lieux,
Kent Nagano était de retour avenue Montaigne pour une Walkyrie qui concluait le cycle
Wagner mené cette année par le TCE.
Après le Parsifal inspiré
de Gatti, le Tristan tumultueux
de Nelsons, Kent Nagano nous livrait, ici, une magnifique et
flamboyante Walkyrie, à la tête
de son orchestre de l’Opéra national de Bavière. Une sorte d’avant-première avant de
présenter cette saison une nouvelle production du Ring dans son intégralité à la Bayerische Staatsoper de Munich
dont il devrait quitter la direction en 2013, non sans avoir dirigé le
concert du 200e anniversaire de l’orchestre. Une somptueuse prestation tant par la
qualité de la direction que par le haut niveau de la distribution vocale
dominée par le trio féminin, Anja Kampe (Sieglinde)
Michaela Schuster (Fricka) et Nina Stemme (Brünnhilde). Une direction d’orchestre intelligente,
précise, chargée de nuances, suivant et explicitant le cours de la
dramaturgie tout en restant au service des chanteurs, maintenait l’auditeur
sous tension. Une sonorité orchestrale de qualité, en rapport avec la
renommée prestigieuse de cette phalange, malgré quelques imperfections
instrumentales au niveau des cuivres notamment, une ouverture chargée
d’urgence mais une chevauchée de Walkyries un peu brouillonne. Une distribution vocale de tout premier
ordre, dominée, nous l’avons vu, par la magnifique voix d’Anja Kampe,
l’incomparable Nina Stemme et l’irrésistible présence de
Michaela Schuster. Un peu en retrait le Siegmund de Lance Ryan,
manquant d’ampleur et d’endurance vocale, le Wotan de Thomas J. Mayer
manquant de charisme et de puissance dont le timbre trop clair ne donnera
pas aux adieux de Wotan toute leur déchirante beauté, en revanche le
Hunding de Ain Anger, s’avèrera terrifiant et sans reproche. Une très belle soirée, un public
enthousiaste et une ovation prolongée. Prochain rendez-vous à Munich, cet
été, pour la suite de l’aventure...
Patrice Imbaud.
La
Muette de Portici ressuscitée à
l'Opéra-Comique
Daniel-François-Esprit AUBER : La Muette de Portici. Opéra en cinq actes. Livret d’Eugène Scribe & Germain
Delavigne. Elena Borgogni, Maxim
Mironov, Eglise Gutiérrez, Michael Spyres, Laurent Alvaro, Jean
Teitgen, Martial Defontaine, Beata Morawska, Jacques Does. Orchestre &
Chœur du Théâtre royal de La Monnaie, dir. Patrick Davin. Mise en scène : Emma Dante.

©E. Carecchio
Créée en 1828, La Muette de Portici
fut parmi les opéras les plus joués de son temps. Car cette pièce, admirée par Wagner, met
en scène un sujet historique, la révolution napolitaine de 1647 et
l'ascension d'un héros du peuple, le pêcheur Thomas Aniello, dit
Masaniello, avec force accents patriotiques. Ils seront à l'origine, lors de la
création bruxelloise de 1830, de l'indépendance de la Belgique ! Surtout, ses librettistes, dont
l'immanquable Eugène Scribe, ont eut l'idée, curieuse, mais payante,
de faire du rôle-titre, Fenella, une figure muette, et de le confier à une
actrice possédant l'art de la pantomime.
Cette référence au théâtre de boulevard sera l'un des attraits de la
pièce, comme la volonté de faire du spectacle une fête visuelle. Celui-ci
ne se conclut-il pas rien moins que par l'éruption du Vésuve ! Le grand opéra français romantique tenait
son premier chef-d'œuvre. Si la
montagne de Naples ne déverse pas ses braises au finale, sur le plateau de
l'Opéra-Comique, la mise en scène d’Emma Dante, refusant de succomber
au spectaculaire, révèle, du moins, ce que cet opéra a d'original :
sur fond de révolte populaire, un mélange de contexte familial et de destin
politique, une intrigue bâtie autour d'un personnage non chanté, qui
en est le point de focalisation.
Fenella, la sœur du héros Masaniello, frappe par sa farouche
détermination à révéler qu'elle est aimée du vice-roi de Naples :
« elle mêle la fragilité féminine à une brutalité animale »,
souligne Emma Dante. Dès son entrée, telle une bête sauvage, possédée
d'une force intérieure irrépressible, elle capte les regards. Elle va rythmer la pièce, qu'elle soit
opposée à une escouade soldatesque qu'elle malmène, ou se confronte aux
autres personnages dont elle monopolise l'attention. La régie est, dans son ensemble,
quasi chorégraphiée, imposant une constante animation, autant de
postures extrêmement expressives. Le
contraste, qui voit la masse du peuple traitée de manière plus
conventionnelle, confère une
vivacité démonstrative à la dramaturgie.
La reconstitution historique est abandonnée au profit d'une lecture
stylisée, fort sobre dans sa composante décorative, comme il en était de sa
Carmen de La Scala, seulement rehaussée par les éclairages
suggestifs de Dominique Bruguière.
Recourant au langage des sourds-muets comme à l'exacerbation de l'expression corporelle,
Emma Dante trace l'énergique présence de l'héroïne, sauvage et tendre
à la fois, en mouvements désordonnés, qui appartiennent autant à la danse
mimée qu'à une gestuelle improvisée.
Le destin du héros est peut-être moins appuyé : ce cousin de
Pulcinella, reste ambivalent, ne sachant comment traduire son ascension en
victoire. Il finira dans une sorte de transe hallucinée, rejeté par ses
pairs, accusé d'avoir pactisé avec l'aristocratie. Le côté mythique est gommé chez lui,
alors que la muette est portée au martyre, transfigurée en sainte, en lieu
et place de sa défenestration sur fond de catastrophe naturelle. La vision peut sembler réductrice, mais
reste fidèle au parti adopté, non de favoriser le grandiloquent, mais de
démontrer le poids de la hiérarchie sociale et la prégnance du contexte familial.

©E. Carecchio
La partition d'Auber recèle des pages
singulières. Un savant alliage d'élans patriotiques et d'envolées de
lyrisme, barcarolles, cavatines et autres arias démonstratives. Celles mettant en présence Fenella et
d'autres protagonistes ne sont pas les moindres. Car son langage gestuel
appelle, de la part de celui qui est face à elle, un décryptage et une
manière de chanter qui laissent deviner la question dont on ne perçoit que
la réponse. Aussi la musique qui lui
est attachée est-elle très fragmentée, pour traduire au plus près chaque
nuance expressive, de la souffrance à la passion amoureuse, de la rage à
l'épanchement. Auber emprunte pour
ce faire à la technique du ballet-pantomime. Les contrastes sont importants pour
souligner le désordre qu'apportent Fenella et Masaniello, dans l'ordre apparemment
léché de la cour de Naples, mélange de joie et d'effroi devant la tournure
tragique des événements. Patrick Davin livre une lecture
engagée, qui mise sur la clarté, une rythmique bien sentie, la netteté des
timbres, et dissèque les particularités instrumentales, l'utilisation du
piccolo, par exemple, qui pimente les bois. N'était le phénomène
amplificateur de l'acoustique de Favart, qui transforme ici un mezzo forte
en fff, le chef ne lésine pas sur la dynamique. Les chœurs de La Monnaie, malgré
quelques décalages, font montre de pareil engagement. L'influence rossinienne, évidente à chaque
mesure, est encore plus nette dans le chant. Écrite à l'époque bénie des
monstres sacrés du gosier, La Muette de Portici porte son lot
de difficultés vocales, qui hélas taxent beaucoup les interprètes
d'aujourd'hui. Ni Eglise Guttiérrez,
gênée par une tessiture ambiguë, oscillant entre quinte colorature et
médium expressif, et des ornementations requérant une agilité d'une virtuosité
inouïe, ni Maxim Mironov, gentil ténor « di gracia »,
mais bien pâle acteur, ne parviennent à donner vie aux caractères d'Elvira
et d'Alphonse, ces aristocrates mis à mal par la révolte, mais non dénués
de sentiments altruistes. Dans le rôle
de Masaniello, écrit pour le fabuleux ténor Adolphe Nourrit,
Michael Spyres s'essaie au bel canto à la française, avec
prudence. Car ce mixage de fière
vaillance, jusqu'aux limites aiguës, et de finesse d'élocution, qui
caractérise le ténor français du XIXe, à l'égal de Raoul des Huguenots,
demande beaucoup. Le jeune ténor
s'en tire avec fortune, et s'ils restent sur le fil du rasoir, les
pianissimos de la cavatine du IVe acte livrent leur juste
effet. Le portrait est sympathique,
plus proche du bon paysan que du militant révolutionnaire. Laurent Alvaro, Pietro, le seul à
bien maîtriser la langue, offre une leçon de chant et de maintien, même si,
par instants, la voix de stentor détonne presque. La palme revient à la performance
étourdissante d’Elena Borgogni qui, pour n'être pas danseuse, est bien
près de l'idiome : son allure sauvageonne, soudain traversée d'un
éclair de douceur, ses mimiques tour à tour effrontées et blessées, sa
perception innée de la manière exubérante, frôlant l'hystérie, imposée par
la régie, sont impressionnantes.
Marc Minkowski transfigure la Passion selon saint Matthieu

Marc
Minkowski ©Julien Benhamou
Les mémorables exécutions de la Passion selon saint Matthieu ne sont
pas légion. L'œuvre sacrée emblématique de Jean-Sébastien Bach, l'une des
plus vastes qu'il ait écrites, requiert des forces importantes. Et, pourtant, ne gagne-t-elle pas à voir
son aspect monumental mesuré à l'aune d'une approche plus intimiste ? Dans le strict respect des indications du
Cantor, Marc Minkowski opte pour une exécution dont le chœur est
confié aux seules voix solistes, ainsi réduit à deux ensembles de quatre
chanteurs, pour les deux chœurs principaux, auxquels s'ajoutent quatre
autres voix pour le ripieno. Il
n'est pas le premier à suivre cette solution. Paul McCreesh l'y a précédé, notamment au
disque (DG). Le grandiose s'efface
devant un Bach svelte. La
transparence, loin d'amoindrir les accents, renforce l'intériorité du
texte. Ce qui rejoint, sans doute, la simplicité voulue à l'origine, et la
volonté de proximité vis-à-vis de l'auditeur dans une somme musicale
offrant souvent moins de contrastes que la Passion selon saint Jean. Surtout, la vision de Minkowski rayonne de
tendresse, et l'austérité inhérente au récit biblique cèle plus de félicité
que de tristesse. La fragilité de
l'âme humaine face à la grandeur de la puissance divine, on la devine dans
un orchestre tour à tour gémissant et ferme dans ses convictions. Le souci
de spatialisation, imaginé par Bach dans l'architecture à deux tribunes de
Saint-Thomas de Leipzig, se manifeste dans la disposition des deux
orchestres, composés de manière identique, et des trois groupes de
chanteurs. L'effet « stéréo » ne date pas d'hier ! Ces derniers, à l'occasion, se meuvent
pour se réunir en formations distinctes, afin d'amplifier la sonorité
d'ensemble. Ainsi du chœur
« Homme, déplore tes péchés », où les voix sont disposées en deux
groupes, les voix graves, les voix hautes. La volonté d'allégement concerne
également les solistes, plus flexibles, plus clairs que dans bien des
interprétations fastueuses, telles que l'ont pensé Klemperer ou Karajan. Ainsi de l'Évangéliste, dont le beau récit
anime l'action : point d'emphase, mais une diction éminemment
différenciée. La narration en devient plus profondément dramatique.
L'interprète, Markus Brutscher, de son timbre très aigu, presque
pointu par moment, le démontre à l'envi. Il en va de même pour la figure du Christ,
confiée à la voix de basse, dépourvue de ton emphatique là encore, au
profit d'une bonté naturelle. Christian Immer
y est bouleversant. Pareille volonté
de dramatisation se loge aussi dans les interventions de Judas, de Pierre,
de Pilate ou du Grand prêtre. Les récitatifs et arias solos réservent
des pauses de bonheur pur. Ceux de
l'alto d'abord, où Nathalie Stutzmann, de son timbre grave et lisse,
apporte une intensité incroyable : l'air « Erbarme dich »
accompagné du violon solo de Thibault Noally, atteint les cimes du
chant inspiré. Il en est encore de
l'aria de la soprano « Pour l'amour de mon sauveur », dont le
chant est enluminé par les arabesques de la flûte et des hautbois da caccia.
La voix éthérée, sans pour autant perdre
de sa substance, de Marita Søberg est un ravissement de l'esprit. Il en va de même des autres solistes, dont
le contre-ténor Owen Willets ou la basse charnue de Charles Dekeyser.
Les chorals, où Bach harmonise si poétiquement ses forces, déploient douce
quiétude ou violence marquée, lorsque la foule réclame vengeance. Des Musiciens du Louvre/Grenoble, on dira
l'immense qualité de la plastique sonore : la délicatesse des pupitres
des cordes ou des bois, la saveur du continuo, dont l'expressif violoncelle
de Niels Wieboldt ou la viole de gambe magique de Julien Leonard.
Minkowski fait de ces musiciens
autant de solistes à part entière. On sort ému de cette exécution fascinante,
que le public a suivi sans ciller dans un silence rare.
Réjouissante soirée à La Péniche Opéra

« À corps et à cris » compose
un concert mis en espace. L'Ensemble
Clément Janequin, dont on ne présente plus la faconde, honore
|La Péniche Opéra d'un programme d'anthologie, version
retravaillée de leur spectacle musical « Cris du cri ». L'entreprise sera élargie, de Janequin,
bien sûr, à Vincent Scotto, des Frères Jacques à quatre auteurs
actuels, pour de savoureuses nouveautés. On a fait appel à un biologiste,
Damien Schoëvaërt, pour s'expliquer sur l'origine et la signification
du cri, « plainte inarticulée, cri d'effroi, cri vengeur, cri
guerrier, cri vivant du refus et de l'appel ». À un plasticien encore, Michel Costiou,
qui sous notre nez, croque en un tournemain une bien terrible histoire de
noyade. On n'en croit pas ses
oreilles : de l'inattendu à foison, où la modernité se niche là où on
ne l'imagine pas. La guerre de Janequin, est plus
décoiffante que bien des pièces
contemporaines. Deux parties, pour
un festival copieux, l'une didactique et coquine, où le sous-entendu est
plus qu'explicite (Les fesses
de Raymond Jousse), l'autre, militante, initiée par Les cris de Paris, et conclue par
l'appel à la révolte : « El pueblo unido jamás
será vencido ». Quelques vidéos pimentent l'exercice. On s'amuse du discours empêtré d'un conseiller
à la CGT développant, in situ sur le pavé, comme on crie un slogan. On se régale de la définition du cri que
s'autorise tel pédiatre-néonatologiste, derrière son bureau et ses flacons
d'éther. Cinq larrons se partagent
l'espace, menés par l'affable et piquant Dominique Visse, leur mentor
depuis 1978. Aussi fabuleux
chanteurs qu'habiles comédiens, ces messieurs, deux ténors, un baryton, une
basse et notre contre-ténor, sont confondants de naturel facétieux,
inénarrables de drôlerie, dans leurs mimiques, pour donner vie à ce
parcours onomatopéique souvent désarmant. Entre autres gemmes, on citera L'histoire du cri de Franck Gervais,
large composition traçant une anthologie, qui va du vagissement du
nouveau-né au crac de l'ado dégingandé, de l'affirmation de l'adulte en mal
de positionnement social au râle essoufflé du vieillard cacochyme, le tout
adorné de clichés projetés en fond. Tous
ces stades de la vie sont saisis avec réalisme et une touche de cruauté,
qui tire le rire jaune. Ou encore ce
Cri du cow-boy, où Visse se fait
son numéro vrombissant à la guitare électrique, avec du répondant dans la
salle de la péniche. Deux dames, au piano, à l'épinette ou à l'orgue, les
soutiennent fort à propos. La
discrète, mais sensible, mise en espace due à Mireille Larroche,
contribue au bonheur du moment. L'entrain le dispute au savoureux, la joie
à la franche rigolade. Le public
répond au quart de tour.
Reprise du troublant Don
Giovanni, vu par Michael Haneke
Wolfgang Amadeus MOZART :
Don Giovanni. Dramma giocoso
en deux actes. Livret de Lorenzo Da Ponte. Peter Mattei, David Bizic, Paata
Burchuladze, Saimir Pirgu, Véronique Gens, Patricia Petibon, Gaëlle Arquez,
Nahuel Di Pietro. Orchestre & chœur de l'Opéra national de Paris,
dir. Philippe Jordan. Mise en
scène : Michael Haneke.

©Charles Duprat
Il y a tant de manières de représenter Don
Giovanni ! Michael Haneke,
dont on connaît le regard distancié, questionne le mythe sans
vergogne : sa violence, dont on ne saisit pas directement la cause,
mais perçoit les conséquences sur les actes commis, son nihilisme, son
atemporalité, à l'aune de cet univers décoratif froid, d'un building de
bureaux dans quelque ville moderne. Lecture
revisitée donc, pour mieux, ou le tenter du moins, transmettre le message
du « dissoluto punito ». Haneke en inscrit le parcours dans celui
d'une société managériale dont Don Giovanni est le jeune et fringant
directeur général, Leporello l'actif DRH, obnubilé par son idole avec
laquelle des liens obscurs se sont tissés, et le Commandeur le patron de la
firme. Anna, sa fille, riche et
brillante héritière, recherche l'absolu chez l'homme qui soit à sa hauteur,
ce que ne lui assurera sans doute pas l'union envisagée avec le rejeton,
Ottavio, de l'entreprise associée, permettant une fusion des deux entités. Elvira, cadre supérieur dans la société,
en province, où travaillait auparavant Don Giovanni, tente de le
reconquérir, dans son nouveau poste. Zerlina et Masetto, deux émigrés de l'Est,
font fonction de chefs de l'équipe de nettoyage dans l'entreprise du papa
Commandeur. Tout va se passer à
l'étage directorial de ladite entreprise, une journée semble-t-il sans
activité. L'unité de lieu est
intéressante dans sa symbolique autarcique, mais jusqu'à un certain point. Jusqu'à ce qu'elle complique, et dérange,
le bel ordonnancement, à l'heure de la scène du cimetière : cette
dernière est prétexte à une sorte de phénomène hallucinatoire dont sont
témoins Don Giovanni et Leporello, car on ne voit pas, et pour cause,
la statue du Commandeur. Le
surtitrage gomme même le terme pour celui, plus commode, de
« tête » du Commandeur. En
fait, nous dit Haneke, Don Giovanni « a tout fait pour conquérir
la belle héritière », Leporello se verrait bien à la place de son
maître, et user du même pouvoir sur la gent féminine, sur Elvira
particulièrement. Et celle-ci,
« la seule dans le drame à aimer sans limite », ce qui est juste,
vit son calvaire à travers celui qu'inflige aux autres son époux, qu'elle
ira jusqu'à trucider. Car le
burlador ne périra pas dans les flammes de l'enfer, mais, prosaïquement,
sous le couteau de sa femme légitime, bafouée. Son corps, encore animé, sera jeté par la
fenêtre par l'équipe de nettoyage, qui en a trop enduré de la part de ce
patron hautain, et désinvolte côté sexe. On imagine le reste, muni de clés de
lecture ainsi offertes. La dramaturgie est cohérente, certes, n'était la
fin, un peu courte. Et la mise en
scène minutieusement conçue. La statisme qui en émane, renforcé par une
atmosphère opposant, de manière manichéenne, le sombre et la pleine clarté,
se traduit encore dans des inter-scènes, où tel ou tel protagoniste
prolonge sa réflexion, épaississant le débit dramatique. Toutes les scènes comportant une
animation, la noce campagnarde, le finale du Ier acte, le
souper, ne s'autorisent qu'un nombre réduit de personnages. On est saisi par l'acuité du regard du
cinéaste autrichien, empoigné souvent par des images d'une justesse
confondante, et malmené dans certaines convictions profondes, qui ont tout
de même quelque chose à voir avec le texte...

©Charles Duprat
Cette reprise se distingue avant tout
par sa haute tenue musicale. On mesure à la patine orchestrale, la
profondeur du travail accompli par Philippe Jordan et les musiciens de
l'Orchestre de l'Opéra, avec lesquels le courant passe indéniablement, au
point d'applaudir leur chef au rideau final, fait rarissime. Voilà une interprétation digne des plus
grandes, extrêmement aboutie, d'une finesse exemplaire dans la ligne des
bois en particulier. Le souci de la
dynamique, le soin dans l'articulation, si exigeants chez Mozart, sont
constamment en éveil. À l'écoute de
ses chanteurs, le chef favorise un débit très nuancé, dans le registre de
la discrétion, l'envolée demeurant retenue, voire parcimonieuse. La distribution est d'une solidité à toute
épreuve. Peter Mattei domine le plateau avec un confondant naturel, de
son allure de jeune premier, façon monstre déshumanisé. Son Don Giovanni oppose une froide
détermination, celle presque de la pulsion de mort, au-delà de la
satisfaction de l'instinct sensuel. Et
pourtant, on le sent presque fragile par instant. Réalité ou calcul ? Le chant est d'une souveraine plénitude,
tour à tour généreux et en confidence, paré de nuances extraordinaires,
comme lors de la Sérénade, dont la seconde partie sera délivrée ppp.
Étonnante prestance chez celui qui tenait déjà la vedette dans la production
due à l'équipe Peter Brook-Claudio Abbado, à Aix, en 1998. Son Leporello, David Bizic, issu de
l'Atelier lyrique de l'Opéra de Paris, est intéressant, même si la voix est
un peu terne. Non pas dans l'ombre
du maître. Au contraire, se mesurant à lui. C'est encore un des points saillants de la
régie que d'en faire un quasi-double de ce dernier. Lui aussi a quelque chose de pervers,
malgré une apparence toute en rondeur. Saimir Pirgu est un Ottavio conséquent,
zélé et fiable, si sérieux même que le personnage en voit son charme
relégué au second plan. Le chant est
une leçon de style. Le Masetto de
Nuhel Di Pierro est un Leporello en puissance, comme il se doit,
bourru mais intelligent. Quel
bonheur de retrouver Véronique Gens sur ce plateau ! Sa
Donna Elvira est un parangon de vrai chant mozartien, finesse du
trait, autorité certaine. Le
personnage est loin du cliché de la femme revancharde : une épouse
plus qu'aimante plutôt, hyper féminine, qui malgré tout, sombre à
l'occasion dans le doute. « Il
ne lui reste plus qu'à noyer dans l'alcool l'estime de soi qu'elle a
perdue », dit Haneke. De même,
Patricia Petibon incarne-t-elle une Donna Anna de haut vol, à la
fois résolue et d'une tendresse aiguisée par le désir de plaire à Don Giovanni.
La voix a la puissance pour
affronter cette partie à la vocalité altière. On se réjouit de cette incursion dans ce
répertoire. Autre retour remarqué, Paata Burchuladze, qui de sa voix
de basse profonde et immense, campe un Commandeur impressionnant. Enfin, la Zerlina de Gaëlle Arquez,
fort bien chantée, loin de l'égérie insignifiante et du faire-valoir, est
une jeune femme mature qui, placée sur le chemin du séducteur débauché, se
laisse un instant prendre au piège. Une grande soirée !
La Staatskapelle de Berlin à Pleyel : une leçon d'orchestre

©Staatsoper
Unter den Linden
Tout juste après les Festtage berlinoises
et, en particulier, leur impressionnante interprétation de Lulu, la
Staatskapelle Berlin et leur chef, Daniel Barenboim, s'en
viennent à Paris, l'espace de deux concerts unissant Mozart et
Bruckner. Un choix qui lui tient à
cœur, car pour Daniel Barenboim cette rencontre n'est nullement
fortuite. Mozart, c'est une sorte
d'évidence, chez celui qui est d'abord un pianiste, et est devenu chef pour
mieux interpréter ses concertos pour piano.
Sans doute aussi pour qui est par ailleurs un éminent chef
d'opéra. On se souvient d'exécutions
fulgurantes, à la tête de l'English Chamber Orchestra, dans les
années 1980, à Pleyel déjà.
Bruckner, il ne le découvrira que plus tard, sans doute impressionné
par sa mystique et son geste immense.
Il le met de plus en plus souvent sur le métier ces dernières
années. Le second concert parisien
proposait le Concerto K 482,
et la Symphonie n°9 du
maître de Saint-Florian. Le 22e Concerto combine
la majesté du discours et une énergie annonçant Les Noces de Figaro,
dont la composition était alors en chantier. Selon les Massin
(W. A. Mozart, Fayard), dans cette œuvre « se trouvent
exprimés au plus haut degré trois des traits les plus fondamentaux de la
personnalité d'un homme, son courage, son émotivité, son
espoir ». Avec un orchestre
relativement fourni aux cordes, Barenboim aborde l'allegro initial de
manière très contrastée, et tout de suite s'impose l'idée que l'homme de
théâtre est derrière le pianiste leader.
L'andante est sombre, d'un tragique marqué, que les diverses
interventions des bois, en forme de concertino, ne parviennent pas à
dérider. Le dialogue du piano et de
la flûte solo essaie, presque en vain, d'éclaircir l'atmosphère. Le
sentiment de douleur s'impose, ce que tant le piano que l'orchestre
accentuent dans leur souple rigueur.
Le finale, au rythme pimpant, sera lui-même traversé d'un épisode
mélancolique, encore apparent, plus tard, dans la cadence, due à Barenboim
lui-même, avant que la joie ne l'emporte aux ultimes pages. Barenboim insiste sur le raffinement
extrême, un son épuré de l'orchestre, un pianisme puisé au plus intime de
l'expression. Ce qu'un bel adagio, donné en bis, souligne encore.
La Symphonie n°9
de Bruckner restera inachevée. Elle se conclut sur l'adagio. Dédiée « À mon Dieu
bien-aimé », cette ultime parole symphonique est un manifeste parfait
du style de son auteur, grandiose, souvent déroutant pour nos oreilles
cartésiennes, mais combien mû par une foi inébranlable. Une lutte entre lumière et ténèbres
aussi, unissant deux maîtres vénérés, Beethoven et Wagner. Elle requiert un orchestre de proportions
faramineuses, que Barenboim va façonner en expert, devant un public
retenant son souffle, et sous l'œil de l'ami Boulez. Il prend le « feierlich,
misterioso » (solennel, mystérieux), qui ouvre ce monument, avec un
soin particulier pour contraster plages lentes et séquences plus animées,
les imbriquer dans un même souffle, à l'égal de ses grands
prédécesseurs. Le scherzo, séquence
agitée, typique chez Bruckner, pris ici à une allure motorique, soulignant
de terrifiantes dissonances, libère l'agressivité du martèlement des cordes,
à la limite du démoniaque. Le trio,
plus fantomatique, est encore traversé d'une ample phrase grave. L'adagio
est plus qu'une cathédrale sonore, terme dont on a abusé. Il transporte en un autre monde. Le solennel, accolé au très lent, est
respecté à la lettre, plus peut-être qu'on ne l'imagine, ce qui en renforce
la puissance : une élévation de l'âme qui, peu à peu, conduit à des
climax proches du chaos, dans une
vision d'effroi. La ferveur
se meut, dans les dernières mesures, en une poignante méditation, voire un
questionnement, irrésolu du fait de l'absence de finale. L'introspection confine à une sorte de
liturgie. La plasticité de la
Staatskapelle Berlin est exceptionnelle : une vraie pureté
sonore. Même si, question acoustique, dans les fff, il manque le
vaisseau de la Philharmonie, de Berlin bien sûr, de Paris bientôt, on
l'espère. Une formidable leçon
d'orchestre, en tout cas, dont nos phalanges parisiennes auraient avantage à
tirer parti.
Jean-Pierre
Robert.
***

Haut
Le Festival pascal de Lucerne aura
présenté un florilège de concerts de haut niveau, conduits par des chefs
prestigieux tels que Claudio Abbado, Nikolaus Harnoncourt, Maris Jansons ou Bernard Haitink.
Ce dernier, chez lui dans la cité au bord du lac des Quatre-cantons, devait
y donner des cours de direction d'orchestre, partageant son savoir et sa
longue expérience avec des jeunes talents, dans des œuvres de Beethoven,
Schumann, Bruckner et Ravel.
Initiative originale que ce concert, d'entrée libre, donné par le
Human Rights Orchestra, composé de musiciens issus de formations
européennes de premier plan, dont l'Orchestre du Festival de Lucerne et
l'Orchestra Mozart, et dirigé par Alessio Allegrini, corniste solo de
ce dernier. L'idée est de faire
progresser la cause des droits de l'homme par l'action musicale, et
d'offrir une solidarité à ceux qui sont dans le déni de leurs droits. Entre autres moyens, l'orchestre soutient
des projets concrets, par les concerts, les résidences de travail, les
possibilités d'apprentissages.
Jouant avec des élèves d'un lycée musical de la ville, ils
interprétaient des pièces allant de Mozart à Nielsen (la Serenata
in vano pour clarinette, basson, cor, violoncelle &
contrebasse), en passant par Nino Rota, ainsi que deux créations de
Paolo Marzocchi, travaillées dans le cadre d'un atelier animé par le
compositeur italien. À cet égard, la
pièce Pranvera, pour chœurs, cordes & quintette de cuivres, qui
s'inspire d'un fait divers tragique, la disparition en mer, il y a une
quinzaine d'années, d'un navire de réfugiés albanais, après qu'il eut été
refoulé par les autorités italiennes, est une pièce forte : puisant au
folklore albanais, sur des rythmes marqués, au bord de l'expression
tragique dans sa mélancolie murmurée. Elle sera magnifiquement interprétée
par ces jeunes pousses, galvanisées par pareille cohabitation.

©KKL
Les débuts à Lucerne de l'Orchestra Mozart
Claudio Abbado s'est, de longue date,
fait le chantre de la promotion d'orchestres de jeunes, le dernier né étant,
en 2004, l'Orchestra Mozart, un projet de l'Accademia filarmonica
de Bologne. Comme les autres ensembles, il est composé de solistes et de
musiciens issus de formations internationales renommées, venant de toute
l'Europe. Encore qu'une large
fraction soit de nationalité italienne.
L'Orchestra Mozart ne se limite pas à l'interprétation des
œuvres du Salzbourgeois, mais est aussi à l'aise dans le Baroque qu'en
terres romantiques, et dans le répertoire du XXe siècle.
Leur fabuleuse exécution, récemment parue en CD, du Concerto pour violon de Berg en témoigne. Il s'assigne, en outre, une double
mission artistique et sociale : le « Progetto Tamino »
est une expérience de thérapie musicale, et le
« Progetto Papageno » est un atelier à l'intention de prisonniers.
Bien sûr, le fait d'être dirigé par
le maestro Abbado ajoute à son prestige. On en aura la démonstration, le
5 juin prochain, lors de leurs débuts parisiens, à la Salle Pleyel.
Pour leur première prestation lucernoise, Abbado avait choisi deux symphonies,
de Schumann et de Mozart, entourant un concerto de violon de celui-ci. La 38e Symphonie,
K 425, dite « Linz », connut une gestation originale,
puisque composée en quatre jours seulement, à la demande de l'excentrique
comte de Thun, qui accueillait, dans sa ville, le musicien et sa
nouvelle épouse Constance, de retour de Salzbourg, en route pour Vienne. Son introduction lente a beaucoup intrigué.
Le procédé, imité de Josef Haydn, a une signification bien différente :
non pas un début solennel pour concentrer l'attention de l'auditeur, mais
un épisode expressif, qui va imprimer à l'œuvre toute entière un cachet
méditatif. Encore que le climat
optimiste reprenne vite le dessus dans l'allegro spiritoso qui forme
l'essentiel du premier mouvement, ou dans le menuetto. La prise de distance caractérise la vision
de Claudio Abbado : la quête de ce qui est au-delà des notes. L'accentuation est marquée, fruit des
recherches musicologiques récentes, qui joue sur une dynamique extrêmement
travaillée, rendant au discours une vraie transparence. Les tempos sont retenus. Ainsi le
changement qui affecte la partie adagio du premier mouvement et sa section
allegro est-il moins perceptible que de coutume, et le trio qui traverse le
menuetto, hyper ppp, dans le dialogue des bois, n'offre pas une
large différenciation de climat. Une autre manière, assurément, de jouer
Mozart. Cela se confirme dans le 5e Concerto pour violon,
K 219. Le chef joue
l'allegro aperto, autrement dit sans indication de tempo, avec cette
même retenue, et lors de son entrée, très doux, le soliste se fond dans le
tissu orchestral. Dans une apparente
improvisation, car le dialogue violon-orchestre est non pas tant
antagonique qu'unificateur. Il n'est
qu'à voir et entendre les coups d'archet des cordes rejoindre ceux du
soliste. Le positionnement de
celui-ci par rapport à la masse orchestrale en fait un primus inter pares. Isabelle Faust déploie une sonorité
incomparable de finesse, qui s'épanouit à la cadence, sans vedettariat.
L'adagio laisse percer une note tragique, poignante, et le soliste se
situe, s'il est concevable, au-delà de la délicatesse. Le rondeau final, en forme de menuet, est
canalisé par Abbado, et l'intermède turc, presque cocasse en pareille
occurrence - pied de nez à l'archevêque de Salzbourg ? - convoque plus
l'aspérité rythmique d'une czardas hongroise qu'une turquerie à la mode du
temps. La vision d'Isabelle Faust est un modèle d'équilibre, de
classicisme épuré. Là encore, le qualificatif de finesse est réducteur
devant pareille prescience du geste juste.

©Peter Fischli
La Deuxième
Symphonie de Schumann reprend la tonalité d'ut majeur, tout comme le 38e de Mozart, la Cinquième de Beethoven et la « Grande » de Schubert. On s'est longtemps plu à fustiger
l'orchestration maladroite du musicien, voire à décrier une certaine
monotonie. Mais nombreux sont aujourd'hui ceux qui militent pour une
réévaluation. « Les tempos
rapides de Schumann obligent à jouer avec légèreté, avec
transparence », dit Heinz Holliger. C'est le parti qu'adopte
Claudio Abbado dont la lecture ne s'appesantit pas sur quelque
romantisme exacerbé que produirait le vaste orchestre associé à cette
symphonie. Celle que Brigitte
François-Sappey qualifie de « grande symphonie-drame », la plus
classique des quatre aussi, offre une structure cyclique et des oppositions
entre gravité et optimisme, à l'aune des affres de sa composition, qui
conduisit l'auteur de la dépression à la renaissance. Le clair-obscur qui l'ouvre, alterne vite
avec un più vivace, doté d'« une grande vivacité rythmique »
précise l'auteur, et se stabilise en
un allegro ma non troppo, au rythme bien marqué. Le scherzo, sorte de ronde hoffmannienne,
est preste et fiévreux, le premier trio apportant quelque détente, le
second, fugué, préludant à une fin glorieuse. Abbado livre de l'adagio espressivo, une
des plus belles pages de Schumann, et du romantisme, une lecture d'un
lyrisme ému. Les crescendos des
cordes sont impressionnants, et les attaques des bois d'une clarté
exemplaire, ce à quoi s'emploient ses solistes émérites. Le grand finale
est rien moins que triomphal, les nuages se dissipant définitivement au
profit d'un élan vital irrépressible, après qu'une citation du cycle
beethovénien À la Bien-Aimée lointaine se soit glissée,
subrepticement. La progression
finale est implacable dans son développement, conduisant à l'apothéose. L'Orchestra Mozart montre ses
capacités à se mouvoir dans cette musique, aussi bien que chez son
compositeur patronyme, ne serait-ce que par l'homogénéité des pupitres des
cordes et la souplesse de ses instrumentistes des bois. Une mémorable exécution !
Nikolaus Harnoncourt interprète Haendel et Bach
Un concert de Nikolaus Harnoncourt fait
toujours figure d'événement. Et pas
seulement parce que celui-ci prend la parole, sans micro, pour livrer
quelques clés cachées d'interprétation, avec l'humour un brin auto satisfait
qu'on lui connaît. Il confiera ainsi
que le latin chanté bénéficiera d'une prononciation à l'italienne pour Haendel,
et à l'allemande chez Bach. Le public aime être ainsi surpris, et applaudit
de plaisir, rompant le recueillement nécessaire à ce qui va suivre. C'est
qu'avec le Père de la renaissance baroque, qui fonda son orchestre du
Concentus Musicus Wien en 1953, l'austérité est de rigueur. Le Laudate pueri Dominum,
pour soprano, chœur & orchestre, date du séjour que Haendel fit à Rome
dans les années 1706-1709. Sa
réputation était telle que la fine fleur des princes de l'Église catholique
s'arrachaient le protestant saxon.
Basée sur le Psaume 113,
la pièce s'exprime en huit mouvements, également partagés entre chœur &
solos vocaux. Le style du musicien est déjà accompli dans les
accompagnements instrumentaux des voix solistes, au hautbois d'amour ou
à la contrebasse, et dans une
utilisation hautement significative des silences, permettant une
respiration bienvenue. Le Dixit Dominus,
écrit à la demande du cardinal Colonna, démontre un dramatisme nouveau chez
Haendel, et un impressionnant sens de la couleur. Il est demandé une extrême agilité au
quintette vocal, comme aux cordes, qui doivent se mouvoir de l'extrême
virtuose au lyrisme le plus expressif. Le chœur est pareillement sollicité, dans
ses cinq sections. Là où le sens de l'architecture est indéniable,
Harnoncourt se montre parcimonieux dans le geste musical, mais non dans la
gestuelle, sans pour autant renoncer à mettre en exergue l'ardeur
quasi guerrière contenue dans cette évocation proche de celle du
Jugement dernier : aux ppp extrêmes des violons, comme si le
son mourait, fait écho la déclamation incisive des chœurs, libérant la
violence du texte. La fugue finale
apporte abondance de richesses. Avant,
les diverses interventions solistes, dont un duo extatique des deux
sopranos, auront enluminé cette lecture engagée. À l'écoute de la manière d'Harnoncourt, on
se souvient de la remarque de Romain Rolland « Quelque grand
peintre que soit Haendel, ce n'est pas tant par l'éclat, la variété et la
nouveauté du coloris, que par la beauté du dessin et les effets d'ombres et
de lumières ».

Le motet « Silete venti »
(Silence ! vents), démontre encore la virtuosité du Saxon dans
l'écriture pour la voix, de soprano en l'occurrence, et un art savant quant
à la différenciation des climats. L'introduction dépeint une houle déchaînée,
dont la soliste va tenter d'interrompre la fureur. Elle qui va ensuite célébrer l'amour
extatique pour Jésus, le sauveur, en une succession de récitatifs et
d'arias da capo, dont Haendel reprend le schéma éprouvé, pages d'une
douce cantilène, rêverie de climat pastoral, et Alléluia conclusif radieux.
Le Magnificat de Bach,
BWV 243, fervent cantique de la Vierge Marie, emprunté à
l'Évangile de Luc, est empli d'allégresse, d'optimisme communicatif. Malgré son cadre relativement réduit, mais
eu égard à sa densité d'écriture, cette pièce annonce le style majestueux
des Passions. Il émane de la vision
qu'en livre le chef autrichien un optimisme heureux, mêlé de tendresse. Là encore la volonté d'extirper la stricte
trame transcende l'embarras de richesses textuelles. L'austérité
luthérienne de Haendel laisse place à la jubilation, proclamant la béatitude
de Marie. La manière d'illustrer la forme mélodique comme de contraster la
couleur instrumentale révèle combien est totale chez Harnoncourt l'empathie
avec la pensée du Cantor, qu'il côtoie de longue date. La mosaïque que constituent ces douze
séquences s'ordonne en un tout essentiel où l'émotion le dispute à la joie
(duo alto-ténor), la simplicité à la grandeur du geste (trio des sopranos
& de l'alto, accompagnées par deux hautbois à l'unisson). Il en va
aussi de la manière de faire chanter les chœurs, sans excès de puissance,
dans un souci extrême de lisibilité. La contribution soliste est
pareillement quintessenciée : les deux sopranos, Anna Prohaska,
timbre tendre et éthéré, et Christiane Oelze, voix plus charnue,
l'alto affirmée d’Elisabeth von Magnus, le ténor ductile de
Jeremy Ovenden et la basse puissante de Florian Boesch. Comme
dans les pièces de Haendel, les musiciens du Concentus Musicus Wien révèlent
un sens des volumes, un art du coloris sonore, une souplesse instrumentale,
des bois notamment, tout simplement éblouissants. On sort bouleversé de ces
interprétations, qui tutoient la perfection, heureux d'avoir, l'espace de
ces trois heures de musique, été menés par la main, au cœur même du
sacré.
Jean-Pierre
Robert.
***

Haut
Depuis 1996, Daniel Barenboim anime, à
l'époque pascale, un festival prestigieux centré sur Wagner, compositeur
cher au public berlinois, et emblématique de l'Oper unter den Linden,
qui y célébra de mémorables interprétations du Ring, sous la
direction de chefs de légende, tels qu’Erich Kleiber (1928),
Wilhelm Furtwängler (1933) ou Franz Konwitschny (1956). Barenboim en donnait déjà, à Pâques
1996, l'intégralité, dans une mise
en scène de Harry Kupfer. Il
s'est, depuis lors, consacré aux autres opéras du maître de Bayreuth, et à
compter de 2010, lancé dans une nouvelle version de la Tétralogie. Après celle de Das Rheingold
(cf. NL de décembre 2010),
était donnée la nouvelle production de Die Walküre. Suivront Siegfried
(octobre 2012), et Götterdämmerung (mars 2013), avant
que le cycle complet ne soit joué, année Wagner oblige, lors des Festtage
de 2013 (23-31/3), et deux autres fois courant avril (4-10 et 13-21). Lors d'une conférence de presse, le chef
s'est dit fier de mener à bien cette gigantesque entreprise avec son
orchestre de la Staatskapelle Berlin. Il peut l'être, en effet, car il
en a fait l'une des meilleures formations européennes. Et le compliment
n'est pas mince dans la ville des Berliner Philharmoniker ! On joue aussi, lors du festival, d'autres
pièces que les opéras de Wagner, et notamment ceux de Berg, dont pour cette
édition, Lulu, de même que des concerts symphoniques, dirigés par le
maestro, décidément omniprésent, qui conduit aussi le Filarmonica
della Scala. Les manifestations
ont pour lieu principal le Schiller Theater, où s'est replié l'Oper
unter den Linden, en travaux jusqu'à l'automne 2014, mais aussi la
fabuleuse salle de la Philharmonie.
Une incandescente Walkyrie
Richard WAGNER : Die Walküre.
Drame musical en trois actes.
Première journée du Festival scénique « Der Ring des
Nibelungen ». Livret du
compositeur. Anja Kampe, Irène
Theorin, René Pape, Simon O'Neill, Mikhail Petrenko, Ekaterina Gubanova,
Danielle Halbwachs, Susan Foster, Ivonne Fuchs, Anaïk Morel, Carola Höhn,
Leann Sandel-Pantaleg, Nicole Piccolomini, Simone Schröder. Staatskapelle Berlin, dir.
Daniel Barenboim. Mise en scène : Guy Cassiers.

©Monika Rittershaus
Deuxième volet de la saga du Ring,
La Walkyrie donnée au Staatsoper de Berlin tient toutes ses
promesses. Il est difficile d'aligner aujourd'hui meilleure
distribution. Et la réalité a plus
que dépassé les espérances ! C'est qu'en ce domaine, la baguette de
Daniel Barenboim est experte. On est saisi par l'immédiateté du son,
due à l'acoustique très présente du Schiller Theater, qui rend
palpable la proximité à la fois de l'orchestre et des voix. Dès la tempête
déchaînée qui ouvre le premier acte, jusqu'à l'embrasement final, la coulée
sonore est rien moins que somptueuse, extrêmement travaillée dans sa
dynamique. Avec des musiciens aussi
accomplis que ceux de la Staatskapelle Berlin, le nuancier est sans
limite, l'expressivité envoûtante des violoncelles, les courbes élancées de
la petite harmonie, la patine des cuivres. Abordé d'abord chambriste, le premier acte
bascule dans un incoercible crescendo à partir des mots fatidiques
« Wälse, Wälse ! », lancés fortissimo par Siegmund, pour
atteindre l'incandescence des dernières pages, les deux voix portées à
blanc. Le IIe acte,
lui aussi managé façon musique de chambre, refuse le pathos. L'immense
récit de Wotan, débuté dans un murmure, telle une confidence à soi-même,
plus qu'à celle qui l'écoute, joue sur la différenciation d'intensité,
entre abandon et éclat. Plus d'un moment déborde d'émotion : le retour
du couple maudit, haletant, puis l'Annonce, grave mais non pathétique,
faite à Siegmund de sa mort, par une Brünnhilde pas tant fière que
prévenante, enfin les dernières pages de ce même acte, d'une brutalité
renversante. Barenboim ménage
l'équilibre entre épique et lyrisme, pressant le tempo lorsque la
dramaturgie l'exige. Le dernier acte, passée une Chevauchée haute en
couleurs, mais mitigée côté rectitude de ton de ces dames, atteint la vraie
grandeur lors de la confrontation entre père et fille. Non que l'attendrissement soit de
mise : il n'y a pas chez ces grands, matière à s'apitoyer. Ce n'est qu'à la dernière phrase d'un
orchestre gorgé de lyrisme, que Wotan embrasse sa fille adorée. Irene Theorin prête à cette dernière
des accents de vaillance bravache, comme de tendresse émue. Son interprétation rejoint celle,
grandiose, de ses mythiques devancières nordiques. Sous les traits du dieu Wotan, René Pape
livre une noble figure, non pas tant dans l'excès d'autorité, que dans la
pénétration intime des arcanes de ce caractère insondable. Il l'aborde
souvent comme un Lied, n'hésitant pas à prendre des risques quant à la
manière de détacher le legato pour décocher tel pianissimo sur le mot
essentiel. La sublimité du
personnage en ressort plus affirmée. Une interprétation frappée au coin de
l'intelligence, pour ne pas dire du génie. Ekaterina Gubanova fait de la déesse
Fricka autre chose qu'une sévère matrone : la scène de ménage du II
devient un moment de chant intense, de jeu dépourvu d'emphase. La Sieglinde d’Anja Kampe atteint une
force intérieure, digne de la Rysanek de la grande époque :
l'effusion, le trop-plein de tendresse, le poignant du drame. La ligne de
chant est inextinguible et illumine tout ce qu'elle touche. Son Siegmund, Simon O'Neill, a de
l'héroïsme à revendre. Si moins spontané que sa partenaire, il n'en est pas
moins convaincant. Enfin,
Mikhail Petrenko, Hunding, est justement menaçant, mais là encore sans
forcer la noirceur naturelle de la voix et le trait agressif.

©Monika Rittershaus
La régie de Guy Cassiers a la vertu
première de saisir le drame tel qu'il est écrit. Ne cherchant pas à réinterpréter, sa
vision est, somme toute, simple et toujours lisible. Si elle est moins
foisonnante que dans L'Or du Rhin, c'est que la trame se
resserre tellement ici que les
échanges occupent le premier plan. Cassiers les aborde sans détour, allant
à l'essentiel : un monde d'illusions, où règnent l'ambition, vite rentrée,
un curieux va-et-vient entre vérité et mensonge, la vanité des aspirations
humaines face aux calculs empêtrés des dieux. Fasciné par la composante visuelle,
inhérente au théâtre wagnérien du Ring, il joue discrètement, dans les
costumes, la référence historique, fin de XIXe. L'espace ouvert, qui avait marqué le
Prologue, réapparaît dans les deux derniers actes, juste agrémenté de
dispositifs oniriques, telle que cette sculpture de chevaux, réplique de
l'ensemble de marbre « Les passions humaines », de Jef Lambeaux,
au IIe, et un sobre étagement des plans, au dernier, permettant
de bien visualiser la Chevauchée des Walkyries. Comme dans Das Rheingold, le
recours aux projections est important, pour illustrer la mouvance des
sentiments, comme aux effets d'ombre portée, s'inscrivant en relief, pour
démultiplier le champ visuel. L'acte
introductif figure une cabane suspendue au milieu de quelque endroit perdu
dans une nature brute. Cette emprise
du milieu naturel, si essentielle, se retrouve dans l'imagerie projetée,
sans cesse mouvante : frémissements de la forêt, évolutions équestres,
corps virevoltant dans les airs. Ce
sera ici la seule réminiscence de ces figures mimées, proches de la danse,
qui adornaient le Prologue. L'intensité
du discours dramatique, constamment fluide, ne faillit pas. Seules quelques
touches futuristes, bien que moins présentes que précédemment, le
pimentent. Telle cette toupie qui tourne prestement, et agrippe quelques
images, symbolisant le passage du temps, et qui va s'immobiliser lors de
l'exclamation de Wotan au II, « das Ende, das Ende » ;
tout comme naguère Chéreau, à Bayreuth, faisait soudain, au même moment, se
figer son pendule. Cassiers sait
trouver le juste trait pour gagner l'émotion : le regard furtif entre
Sieglinde et Siegmund, au I, l'attitude affectueuse de Brünnhilde aux
pieds de Wotan au II, son regard attendri du corps endormi de
Sieglinde après l'Annonce de la mort, lorsqu'elle décide de changer de cap
et de braver l'interdit du dieu, son empressement aussi à sauver ce qui
peut l'être encore, Sieglinde et sa descendance, au III, avant de
subir la colère paternelle. Chaque
personnage est saisi avec un sens théâtral aigu, qui va chercher le
tréfonds des êtres. Wotan est sans doute la figure la plus auscultée de
près : détaché, presque dépouillé de sa superbe, peu à peu l'ombre de
lui-même, à plus d'un titre vaincu par le retournement des événements dont
il n'a pu infléchir le cours.
Lulu
réécrite
Alban BERG : Lulu. Opéra en trois actes d'après les tragédies
« L'Esprit de la terre » et « La boîte de Pandore » de
Frank Wedekind. Nouvelle
orchestration de « la scène de Londres » (acte III,
scène 2) de David Robert Coleman. Mojca Erdmann, Deborah Polaski, Anna
Lapvovskaya, Stephan Rügamer, Michael Volle, Thomas Piffka, Goerg Nigl,
Jürgen Linn, Wofgang Ablinger-Sperrhacke, Johann Werner Prein, Wofgang
Hübsch. Staatskapelle Berlin, Orchesterakademie bei der Staatskapelle
Berlin, dir. Daniel Barenboim. Mise en scène : Andrea Breth.

©Bernd Uhlig
Le coup est inattendu ! Ce n'est pas celle complétée par Friedrich
Cehra, créée en 1979 à l'Opéra Garnier, qui est donnée à entendre pour
cette nouvelle production berlinoise, mais une toute nouvelle version. La metteur en scène souhaitant
« omettre » la première scène de l'acte III, il a fallu
prendre la décision de revoir cet acte. Daniel Barenboim souligne qu'il était
impensable de censurer le texte de Cehra. Aussi fût-il décidé de confier à un
compositeur, familier de la musique de Berg, pour l'avoir lui-même souvent
dirigée, David Robert Coleman, de repenser une orchestration de la
scène 2, dite « scène de Londres », laquelle serait précédée
d'un interlude. Le caviardage ne
s'arrête pas là : outre quelques coupures, çà et là, Andrea Breth a
aussi purement et simplement supprimé le Prologue, sans doute trop onirique
pour cadrer avec le parti défendu de jouer rétrospectivement l'atroce
déchéance de Lulu. David Robert
Coleman a accompli un travail sérieux, en utilisant la Particell de Berg,
autrement dit les esquisses existantes, et en s'inspirant du texte de la Lulu-Symphonie : une orchestration de facture
chambriste, comme l'est l'univers de Wozzeck. Barenboim, avisé, reconnaît qu'il s'agit là, non de la solution idéale,
mais d'un point de départ intéressant pour la réflexion. Le metteur en scène impose donc ses vues,
et fait fi du texte musical. S'en
accommode-t-on à Berlin, où moult esthètes cautionnent les plus
avant-gardistes positions ? Rien n'est moins sûr, à en juger par la bronca
qui accueillit la dame au rideau final, malgré le geste courtois et courageux
de Barenboim qui, en saluant seul avec elle, tenta de braver la tempête.
Andrea Breth conçoit l'histoire comme un flash-back, en formalisant
d'entrée de jeu l'agonie de l'héroïne : après un formidable cluster
d'orchestre, celui-là même qui conclut l'opéra, ponctué d'un effroyable
cri, et quelque texte parlé, on enchaîne la première scène de l'acte I.
Point d'univers de cirque donc, pas
plus que de référence à une vie de femme fatale adulée, mais une vision
d'une objectivité crue, de catastrophe permanente, tracée dans le décor
unique d'un no man's land lugubre, proche du glauque, marqué par
un amoncellement de carcasses de voitures, que des éclairages blafards
rendent encore plus angoissant. Si
le grotesque, caractérisant les gens de la piste, est évacué, il réapparaît
sans doute dans la manière forcée, caricaturale presque, dont sont burinés
les divers personnages gravitant autour de Lulu, et dont les expressions
peuvent s'avérer clownesques. Le
parcours de Lulu est sans rémission : femme-enfant au sourire
désarmant, impénétrable, dont le personnage est dédoublé en femme mûre,
sûre de sa séduction, mais aussi en femme plus âgée, lasse d'avoir vécu. Ces deux-là, on les verra se traîner,
pitoyables, être malmenées par de peu scrupuleux amants, ou encore véhiculées,
inanimées, par ce fossoyeur qui, à la dernière scène, les charrie sans
relâche dans une brouette et finit sa besogne en essuyant son couteau de
boucher sur un linge maculé de sang. La violence est rentrée ou délibérément
extravertie. C'est une dramaturgie
de la déchéance qui froidement élimine, lentement déconstruit. Chaque personnage, fortement typé, semble
suivre sa propre trajectoire. Souvent une action se déroule parallèlement à
l'action principale : les conquêtes de la comtesse Geschwitz, les
allées et venues du patibulaire Schigolch. Mais, pour concentrée qu'elle soit, la
trame reste-t-elle lisible ? La progression dramaturgique en arche,
dont le film du procès et de l'emprisonnement constitue la clé de voûte,
lui-même gommé au profit d'un intermède mimé, n'est pas toujours
perceptible. Certes, les images empoignent la plupart du temps, à l'aune
d'un travail d'acteurs très fouillé. Reste que leur hyper-violence tient de
l'insoutenable. Qu'une femme metteur en scène fasse subir à son héroïne de
telles avanies laisse pantois : crucifiée par son premier client au
IIIe acte, Lulu périt aspergée d'essence par Jack l'Éventreur.

©Bernd Uhlig
Heureusement, Daniel Barenboim trouve
le ton exact du langage de Berg, différent de celui en clair-obscur de Wozzeck,
plus coloré, qui tend aussi vers une simplification. On est loin de l'extase wagnérienne, de la
glorification répétitive. Car, chez Berg, selon le mot de Theodor W. Adorno,
« toute insistance lui est étrangère ». Ce qu'on a qualifié de « musique
pure », n'épouse pas toujours la littéralité du texte. L'harmonie très
complexe, s'assure du recours à des instruments familiers, la harpe, le
piano, le vibraphone aussi, pour d'étranges sonorités. Le chef dévoile
toute la mobilité du style bergien, son dynamisme, la malléabilité de ses
motifs, la subtilité de ses enchaînements encore, sans parler du côté
lapidaire de certaines de ses formules musicales. L'orchestre de la Staatskapelle se montre
prodigieux dans tous ses départements. La ligne vocale occupe une place
déterminante dans cette œuvre, qui privilégie le mode récitatif. Le procédé
vocal condensé de Wozzeck fait place à la grande forme dans laquelle
s'interpénètrent de courtes séquences. Cette fragmentation du discours en fait la
richesse, la difficulté aussi. Barenboim a réuni une distribution experte,
là encore de tout premier ordre, épousant musique et régie avec une formidable
empathie. Mojca Erdmann aborde le rôle-titre avec une voix au médium
impressionnant, moins avantagée dans l'extrême aigu, encore que cette
dernière facette s'affirme au fil de la soirée. Son aspect infantile investit à la fois la
beauté de Lulu et sa morbidité, sans que cette dernière ne soit accentuée.
Un bonheur sans limite côtoie l'âme damnée, et cette culture du malentendu
qui pousse le personnage vers l'inhumain, quoique dans le registre
impénétrable. Deborah Polaski,
naguère Brünnhilde et Isolde de choix, campe une comtesse Geschwitz de
grande allure, dont l'importance est accentuée par la régie. Aux lieu et
place du vieillard cacochyme, et du chanteur en fin de carrière, dont bien
des metteurs en scène ont portraituré Schigolch, Jürgen Linn incarne
un homme dans le force de l'âge, parfaitement chanté, qui n'hésite pas à
malmener sa protégée. Les amants de
Lulu vont de l'incandescent Alwa, Thomas Piffka, admirable dans son
éloge exalté de la femme, héros schumannien, exubérant dans sa tentative de
la sauver, à l'incisif peintre, Stephan Rügamer, livrant une étonnante
composition sur le fil du rasoir, à l'athlète, Georg Nigl, acrobate de
la voix, et au prince, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke qui frôle le grotesque
avec art. Michael Volle, en
Dr Schön et Jack l'Éventreur, domine le plateau par une présence
vocale et dramatique peu commune : de son autorité inextinguible, il
porte à lui seul tout le poids de cette folie meurtrière. Loin d'être
passif, il brave l'adversité, comme il la subit, lorsque se retrouvant
flanqué de Lulu à califourchon, celle-ci le menace d'une barre de fer,
après lui avoir dicté une lettre d'adieu. Touche hautement signifiante d'une régie
qui ne fait pas dans la joliesse.
***
Concert baroque à la Petite Philharmonie

Harmut
Haenchen ©DR
L'Orchestre de chambre Carl Philipp
Emanuel Bach, dirigé par son chef titulaire, Harmut Haenchen, donnait,
le même week-end, un intéressant concert baroque, consacré pour l'essentiel
à des compositions de Gluck. La Symphonie
dite « Weimar », dont on fêtait la première exécution berlinoise
moderne, pour avoir été seulement redécouverte, en 2005, dans les rayons de
la bibliothèque du château de Weimar, est écrite pour deux flûtes,
hautbois, cors, cordes & basse continue. Elle se caractérise par un ton
vif, dont un allegro introductif énergique et un final tout aussi décidé. L'andante, dont le chant est emmené par
les deux flûtes obligées, rappelle combien le chevalier Gluck était
formaté par l'univers du théâtre et ses sentiments exacerbés. De
l'opéra Orfeo précisément, Harmut Haenchen choisit un
bouquet de pièces dansées, le « ballet des Ombres », puis le Menuet,
l'Air vif et la belle Chaconne, cette dernière bien articulée, nantie
de crescendos à l'effet saisissant, sans pour autant perdre son charme
sensuel. « L'air de
Furie » est entre les mains du chef un régal de sens dramatique, lui
qui connaît bien cet univers de l'opéra. La sonorité du l'orchestre, malgré ses
modestes dimensions, mais eu égard à la présence acoustique de cette
réplique, en plus restreint, de la Philharmonie, est ample et chaude. De l'opéra Alceste étaient jouées
l'Ouverture et deux Pantomimes, abordées grande manière, ce que les cuivres
relèvent péremptoirement. La Symphonie « hambourgeoise » de Carl Philipp Emanuel Bach,
Wq 183/2, montre une science de la modulation remarquable pour
l'époque et une invention thématique tout aussi intéressante dans ses trois
mouvements enchaînés, vif-lent-vif. Là
encore, les bois sont par deux, flûtes, hautbois & bassons, et les cors
enrichissent singulièrement la palette harmonique. Celui qu'on nomma le Bach de Berlin, puis
de Hambourg, ville où il se libère définitivement de carcans sévères, imposés
plus par la cour de Frédéric II que par la fidélité au Cantor, affirme
un style très personnel et une maîtrise technique atteignant son zénith
dans cette dernière période créatrice. La symphonie livre un concertino des bois,
menés par les flûtes, et un mélange de combinaisons instrumentales aussi
originales que variées, en tout cas fort osées. Le schéma de la symphonie concertante
baroque semble revivre, mais avec une aura nouvelle et une recherche
dramatique certaine. La défection de
dernière heure de la soprano Catherine Naglestad, qui devait
interpréter des airs de Gluck, entraîna une modification de programme. L'exécution du Concerto de violon K. 219, n°5 de Mozart fit office de
remplacement : la jeune violoniste américaine Tai Murray en donne
une interprétation impeccable, sans arrière-pensée, alors que les tempi
adoptés par Haenchen, plutôt allants, sont dépourvus de recherche
introspective. Tout le contraire de
la vision profondément puisée de l'intérieur, proposée par
Isabelle Faust et Claudio Abbado, quelques jours plus tôt, à
Lucerne.
Jean-Pierre
Robert.
***

Haut

©Margeritta
Mitchell
L'actualité lyrique appelle l'attention
sur le compositeur John Adams, à Londres comme à Paris où, coup sur coup,
viennent d'être joués ses deux opéras
emblématiques, Nixon in China et The Death
of Klinghoffer. Compositeur
et chef d'orchestre, John Adams occupe une place particulière parmi
ses contemporains, ne serait-ce que par le choix des thèmes de ses œuvres
destinées à la scène. Né en 1947, en
Nouvelle-Angleterre, il est installé à San Francisco depuis 1971, où
il a exercé les fonctions de compositeur en résidence de 1882 à 1985. Plusieurs de ses premières œuvres y ont
été créées. La collaboration avec la
poétesse Alice Goodman et le metteur en scène Peter Sellars,
initiée dès 1985, se concrétisera par les deux opéras cités. L'association avec Sellars en produira
quatre autres : I Was Looking at the Ceiling and then I Saw the
Sky, sur le modèle du singspiel (1995), El Niño, créé à
Paris, au Châtelet, en 2000, sur le thème du mystère de la vie et de
la création, puis Doctor Atomic (2005), traitant du lancement
de la première bombe nucléaire américaine, sous la conduite de
Robert Oppenheimer, et enfin, son dernier opéra en date, A flowering
Tree, créé à Vienne, en 2006, et inspiré de La Flûte enchantée. Musicien prolixe, Adams aborde à peu près
tous les genres, de l'opéra aux pièces vocales, tel Harmonium (1981),
de la musique de chambre, dont un quatuor à cordes (2008), aux pièces pour
piano, comme Grand Pianola Music (1983). Outre l'opéra, c'est sans doute à
l'orchestre qu'il a donné ses compositions essentielles. Au nombre de celles-ci, on citera Shaker Loops,
pour cordes (1983, d'après un septuor à cordes, créé en 1878), Harmonielehre
(1985), El Dorado (1991), une symphonie de chambre (1992),
un concerto pour violon (1993), un concerto pour piano, titré Century Rolls
(1996). « On the Transmigration
of Souls », écrit pour le New York Philharmonic Orchestra, à
l'occasion du premier anniversaire de l'attaque du World Trade Center,
a été créé en 2002.
D'abord très influencé par la mouvement
minimaliste, Steve Reich en particulier, mais aussi Philip Glass, Adams s'en
détache pour forger son propre style.
Celui-ci est éclectique,
ample et brillant, combinant phénomène répétitif, hérité des minimalistes,
et lyrisme solaire, puisé aux sources du passé européen. Il convoque des influences multiples,
néoclassicisme, musiques traditionnelles, jazz, rock, etc. On a pu dire que sa carrière était caractérisée
par la synthèse, intégrant des éléments provenant de cultures musicales
variées dans un langage personnel, bien reconnaissable. Adams se décrit
lui-même comme un compositeur « ethnique ». Au point que sa manière caméléon a
déconcerté, et été critiquée. Adams
touche aussi à la danse, à la musique de film, voire à la pop music.
Il est également un écrivain engagé, incisif, voire provocateur, à travers
son blog, Hell Mouth (bouche
de l'enfer). Il a publié, en 2008, un ouvrage autobiographique et sur la
vie musicale américaine, sous le titre de Hallelujah Junction : Composing an American Life.
Nixon in China enfin créé à Paris
John ADAMS : Nixon in China.
Opéra en trois
actes. Livret d’Alice Goodman.
Franco Pomponi, June Anderson,
Alfred Kim, Sumi Jo, Kyung Chun Kim, Peter Sidhom, Sophie Leleu, Alexandra
Sherman, Rebecca du Pont Davies. Chœur
du Châtelet. Orchestre de chambre de
Paris, dir. Alexander Briger. Mise en scène : Chen Shi-Zheng.

©Marie-Noëlle Robert
Avec Nixon in China, l'équipe John Adams, Alice Goodman et Peter
Sellars inventait le « docu opéra », c'est-à-dire
directement inspiré d'un fait d'actualité, d'un événement médiatique,
dirait-on. C'est à Peter Sellars
que revient l'idée de tirer de la visite « historique » de
Richard Nixon à Pékin, en février 1972, le sujet de la pièce. Elle sera créée en 1987 au Houston Grand
Opera, et connaîtra vite le succès. Le
thème était porteur, bien sûr, et les auteurs voulaient en faire un
« opéra héroïque », mais aussi une comédie : une étude
à la fois du caractère humain dans toute sa complexité, voire son
absurdité, et des multiples manières que des cultures différentes
s'ingénient à trouver… pour ne pas se comprendre. Le cas de Mao et de Nixon, comme de leurs
épouses, est on ne peut plus topique. L'incompréhension sera, à l'occasion,
tempérée par une belle dose d'humour, peut-être même une pointe de
compassion. Six personnages, les Nixon,
Mao et son épouse, Chou en-Lai et Henry Kissinger, pour une trame qui
suit fidèlement le déroulement du voyage : arrivée à l'aéroport,
première rencontre, dîner officiel, visite sociale de la First Lady
dans divers lieux choisis par ses hôtes, représentation du ballet Le Détachement féminin rouge,
occupent les deux premiers actes. Le
troisième est très différent : au soir d'un parcours harassant, les
personnages se livrent à un moment de réflexion. Dans l'intimité, ils se détachent de leur
enveloppe officielle, et chacun fait une sorte de retour sur soi-même. Les quatre figures essentielles,
auparavant si ancrées dans leurs convictions, du moins apparentes, font
place à des êtres vulnérables, dégagés de leur encombrante aura, mettant
leur stature politique de côté, pour se remémorer quelques souvenirs
prosaïques. C'est Chou en-Lai qui tirera
la moralité de l'affaire : « Dans tout ce que nous avons fait,
qu'y avait-il de bien ? » On
a pu critiquer pareil sujet, taxé de trop coller à un événement, somme
toute quelque peu idéalisé. Encore
qu'en faire un opéra n'en diminue pas la portée, au contraire peut-être. Adams confiera que « la rencontre
Nixon/Mao se prête parfaitement à une parodie dans la tradition 'vériste'
verdienne ». On a, à l'inverse,
affirmé que rien n'avait été fait de mieux depuis Porgy and Bess. C'est sans doute aller vite en besogne,
car il y a eu Bernstein entretemps. Très
longtemps portée par la mise en scène de Sellars lui-même, l'œuvre en vient
à la seconde génération de ses dramaturges. Au Châtelet, on a misé sur la
nouveauté, et fait appel à une plasticienne indienne et un régisseur
chinois en vue.

©Marie-Noëlle Robert
Le spectacle laisse une impression
mitigée. Alors qu'il est sans doute difficile de s'affranchir du réalisme
inhérent aux moments-clés de la visite, et de ce qui compose dans une large
mesure une succession de monologues, la mise en scène reste frileuse.
Ainsi, les premières impressions de Nixon, fraîchement débarqué sur le sol
chinois, quant au poids de l'Histoire, frôlent le convenu. La rencontre des
deux puissants reste prosaïque, n'était le trait parodique consistant pour
les trois secrétaires empressées, à consigner, sur des rouleaux rouges, les
paroles du Grand Timonier. Le
dîner, qui cherche à se dégager de l'emprise protocolaire, est prétexte à
une sage chorégraphie de gardes rouges, sous un lustre fait de moult écrans
de TV, donnant les images de l'époque. Le trait est plus prétentieux
qu'original. Comme l'idée de ce
défilé d'objets cultes, lors des visites, mi cérémonieuses
mi sans façons, de Pat Nixon dans des lieux idéalisés de la
culture populaire. La représentation
du ballet officiel est visualisée dans un univers froid, aux couleurs
crues. Seul, le dernier acte, n'était une encombrante statue de Mao,
s'intéresse au vrai théâtre. La
gestuelle confiée aux personnages est plutôt conventionnelle, chacun y
allant de ses gesticulations favorites. Un comble, sans doute, pour un opéra qui
voulait bousculer les conventions du genre. À ce jeu, Pat Nixon tient
la palme du cliché. En fait,
l'environnement est traité de manière non figurative, mais la
direction d'acteurs reste minimale, sans cesse renvoyée à la réalité
documentaire dont elle ne sait se défaire. La distribution respecte le
choix minutieux des tessitures voulu par les auteurs. Nixon est un baryton
de belle envergure. Franco Pomponi
y est très à l'aise, hyperbolique, mélancolique aussi, rongé par le doute
de ne pas être à la hauteur de ce rendez-vous historique. Chou en-Lai est
distribué à un ténor lyrique, un peu terne sous les traits de Kyung-Chung
Kim. Kissinger est un baryton grave,
que Peter Sidhom défend avec justesse, alors que sollicité de manière
cocasse par la régie, qui en fait un ivrogne presque méchant, durant
l'épisode du ballet à la gloire de la grande Chine Populaire. Si Mao
est écrit pour un ténor de fort gabarit, un heldentenor selon Adams, il est
ici incarné par un ténor de composition, ce qu’Alfred Kim assume
parfaitement de sa voix aigre-douce. Les deux dames sont typées elles aussi. Pat Nixon est une soprano lyrique, à
laquelle June Anderson prête une belle voix, et plus encore de la
prestance. Madame Mao, soprano colorature, est avec Sumi Jo
étonnante de froideur, à la limite du détachement. Dans Nixon in China, John Adams
assoit son langage sur le procédé de la répétition, et une modulation
bourdonnant à l'infini, qui peut devenir exubérante. « Je veux une
musique qui ait de l'énergie, du mouvement, et l'extase du minimalisme,
mais qui ait beaucoup plus de potentiel expressif », dira-t-il. Avec « des harmonies excessivement
douces, très sucrées ». Alexander Briger, à la tête de
l'Orchestre de chambre de Paris, joue à fond ces contrastes, et sa
direction, bien sonore, est haute en couleurs. L'orchestre, bardé de cuivres et
d'instruments empruntés au jazz, tel le saxophone, a une pulsation et une
richesse qui peuvent, à l'extrême, paraître enivrantes.
The
Death of Klinghoffer
à l'ENO de Londres.
John ADAMS : The Death of Klinghoffer. Opéra en deux
actes. Livret d’Alice Goodman. Alan Opie, Michaela Martens, Christopher Magiera, James
Cleverton, Edwin Vega, Richard Burkhard, Sidney Outlaw, Jesse Kovarky, Lucy
Schaufer, Koe Walkling, Kathryn Harries, Kate Miller-Heidke, James Powell,
Clare Presland. ENO Orchestra
& Chorus, dir. Baldur Brönnimann. Mise en scène : Tom Morris.

©Richard Hubert
Smith
The Death of Klinghoffer (La Monnaie,
1991) que l'ENO vient de créer sur la scène londonienne, est donc le
deuxième opéra de son auteur, et emprunte de nouveau au genre du
« docu-opéra ». Le sujet
est tiré d'un fait divers réel, l'attaque terroriste, en Méditerranée,
du navire de croisière italien Achille Lauro, en 1985, par des
terroristes palestiniens, au cours de laquelle l'un des passagers, juif,
Leon Klinghoffer sera tué. À la différence de Nixon in China,
ses auteurs se détachent de la comédie et du mode grand opéra, pour
privilégier une approche plus distanciée d'un événement tout aussi
politique, mais traité avec le sérieux et l'objectivité requis par son
background particulier : l'antagonisme entre juifs et palestiniens, au
cœur du drame. Ils ne prennent pas
parti ; ce qui provoqua le scandale à la création. Comme donner la voix à des terroristes,
dans un tel contexte, fera crier à la provocation. Le message est clair : le meurtre de
Klinghoffer est perpétré « non pour ce qu'il est en tant qu'individu,
mais plutôt pour ce qu'il représente pour ses meurtriers, un bourgeois américain,
et un juif », précise Adams. Si
Nixon in China marque l'apogée de la première phase créatrice
du compositeur, la musique de Klinghoffer affirme déjà sa
différence. Plus sombre, plus complexe aussi dans son univers harmonique,
plus ambiguë, elle se caractérise par une grande énergie rythmique, une
pulsation rapide. De vastes crescendos, de grande puissance, où prédominent
les cordes, sans trop de recours aux percussions, débouchent sur des climax
émotionnels forts. « Les
passages méditatifs dans une harmonie relativement stable souvent explosent
en éruptions violentes de dissonances » dit encore le musicien. Divers styles semblent se côtoyer, comme
l'accent mis sur le phénomène répétitif, héritage des minimalistes, se
traduisant par des vagues orchestrales irrégulières dans leur intensité. L'aspect descriptif est important. Ainsi
de la simulation de ce qui ressemble à des battements de cœur, de
l'expression palpable du stress de tout un chacun. Le lyrisme aussi est puissant, lors des
passages chorals. Le rôle assigné aux chœurs est en effet déterminant, qui
rappelle celui des Passions de Bach. Ils forment même l'ossature de
l'opéra : sept chœurs, dont six conçus par paire, un des Palestiniens,
l'autre de Juifs, interviennent entre les scènes, pour d'intenses plages de
réflexion, car la composante méditative est essentielle, et leur fonction
aussi décisive que l'action proprement dite.

©Richard Hubert
Smith
La régie de Tom Morris fait appel à
deux procédés. Le couple réflexion-action d'abord : le chœur
intensifie la trame lors de moments de psalmodie, ce qui permet de replacer
les faits dans une plus large perspective, celle de la lutte entre deux
peuples. Le flash-back
ensuite : les survivants de la tragédie se remémorent les événements,
et ces derniers reprennent leur place réelle, souvent sans solution de
continuité. Le temps est aussi
distendu. Ainsi, l'assassinat de Klinghoffer est-il visualisé en deux temps :
après la prière de la femme arabe, symbole de l'amour de la mère pour le
fils protecteur, le terroriste palestinien Omar, tel son propre fils, prend
conscience du devoir à accomplir. On
le voit, de dos, se diriger, pistolet brandi, vers l'homme juif, dans une
lumière aveuglante. Un changement de
scène représente immédiatement le même jeu, mais de manière inversée. L'accomplissement, face au public, du
meurtre, n'en est que plus saisissante. Reste que la régie, sans doute
conditionnée par le format d'une pièce foncièrement plus tournée vers
l'oratorio scénique que vers l'opéra, demeure souvent étonnamment retenue. On n'a pas toujours le sentiment, devant
le calme apparent qui règne sur scène, du drame effrayant qui se joue. Un exemple : le Capitaine et son
second, fort occupés au téléphone, en liaison avec les négociateurs, ne
laissent que peu transparaître ce que les échanges avec les quatre
terroristes ont de vivacité dans les paroles. Les états d'âme de l'un des terroristes,
sur le mode « un desperado aussi peut avoir un cœur », au
demeurant un peu longs, ralentissent le propos. Les interventions des peuples exilés
donnent, certes, une idée de la dureté du conflit israélo-palestinien, mais
dans une vision plus idéalisée que réellement agressive. C'est, sans doute, le tribut à payer au
côté artificiel du genre lyrique, qui isole la réalité et adoucit le
naturalisme. Et, remarque le chef, «
la musique rend profonds et 'humanise' les caractères, bien plus que le
texte lui-même ». Paradoxalement, les scènes de chœurs, narratives,
paraissent plus animées que le déroulé des événements eux-mêmes. Elles forment des tableaux vivants, et
tranchent dans leur aspect plastique, d'espaces immenses, avec l'imagerie
nautique, elle-même modulée, pont, passerelle, salons. L'interprétation musicale est de classe,
avec une mention particulière aux chœurs de l'ENO. Que ce soit dans la véhémence ou dans le
registre presque hypnotique (« Ocean chorus »), ils sont
d'une homogénéité remarquable. Le
cast est intéressant, qui assortit les voix avec tact. Adams adopte une vocalité, inspirée de
celle de Bach, prenante. Souvent,
tel personnage est accompagné par un instrument solo, tel le hautbois pour
les interventions du Capitaine. Baldur Brönnimann, habitué de
l'idiome de John Adams, livre de cette méditation musicale tirée de
l'Histoire, une vision intense, et l'orchestre de l'ENO mérite les plus
vifs éloges, tant est certaine l'immersion dans le langage attachant de
John Adams.
Jean-Pierre
Robert.
***

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Le Miroir de Jésus d’André Caplet

André Caplet ©DR
André Caplet (1878-1925),
brillant chef d'orchestre, ardent défenseur de Debussy, qui dira de lui, en
1908, « il sait trouver l'atmosphère sonore et, avec une jolie
sensibilité, a le sens des proportions », reste un compositeur par
trop méconnu. Parmi sa production, Le
Miroir de Jésus, créé en 1924, sur des poèmes d'Henri Ghéon,
d'après les « Mystères du Rosaire », est une pièce fascinante.
Non seulement par son écriture originale, pour voix solo, chœur de femmes
a cappella et accompagnement de quatuor à cordes & de harpe, mais
surtout parce que Caplet n'a jamais atteint une telle force
dramatique : « la rencontre du verbe, de l'image et de
l'esprit », selon la belle formule de Sylvain Caron (André Caplet, chef d'orchestre et
compositeur, Symétrie, 2007). Ce
court oratorio s'articule en un triptyque : le Miroir de joie, le
Miroir de peine, le Miroir de gloire.
Il s'inscrit dans le sillon de ces œuvres françaises qui, au-delà du
mysticisme, puisent leurs racines dans une foi authentique, et que
perpétuera Olivier Messiaen. Aussi ne faut-il pas manquer l'occasion
de l'entendre, interprété lors d'un concert de la série
« Convergences », à l'Opéra Bastille, en compagnie du Quatuor à cordes « Ainsi la nuit »
d’Henri Dutilleux.
Avec Janina Bachole (mezzo-soprano), Quatuor Psophos,
Emmanuel Ceysson (harpe), Sylvain Le Provost (contrebasse), Chœur de
l'Opéra national de Paris, dir. Patrick-Marie Aubert. Amphithéâtre de
l'Opéra Bastille, 19 mai 2012 à 20h00. Tarifs : 25 € et
10 € (tarif jeunes). Renseignements :
Opéra Bastille - 120, rue de Lyon, Paris XIIe, ou
Palais Garnier, rue Auber-rue Scribe, Paris Ier.
Tél. : 08 92 89 90 90. www.operadeparis.fr
Récital Rafał Blechacz,
Salle Pleyel

©altamusica.com
Il est des concerts à ne pas
manquer. Le récital que le pianiste polonais Rafał Blechacz donne
Salle Pleyel, le 12 juin, est de ceux-là ! Car le jeune
interprète a tout pour lui, une musicalité à fleur de peau, un sens
poétique des plus rares, que l'exécution des Estampes de Debussy,
déjà gravées sur CD, devrait révéler en forme d'évidence. Et puis il faudra compter avec son
Beethoven, la Sonate op.10 n°3,
et son Bach, la 3e Partita.
Enfin, et bien sûr, Chopin, pour lequel il nourrit un amour immodéré :
un bouquet de Polonaises et de Mazurkas, et le Scherzo n°3. Le compositeur franco-polonais lui assura le
premier prix du prestigieux concours de Varsovie, lui ouvrant toutes
grandes les portes de la carrière. Depuis, elle ne cesse de se développer,
trop discrètement par les temps qui courent, mais sûrement. De concert en
concert, disque après disque, le fait et là : un vrai pianiste est
devant nous. Une production de Piano****. Salle Pleyel, le 12 juin
2012, à 20h00. Renseignements : 252, fg Saint-Honoré, Paris VIIIe.
Tél. : 01 42 56 13 13. www.sallepleyel.fr
Le Festival de Saint-Denis
2012 : un cru qui donne de la voix

Basilique ©Festival de Saint-Denis
L'édition 2012 du Festival de
Saint-Denis est placée sous le signe de la voix. Qu'on en
juge : deux Requiem, de
Mozart et de Berlioz, ainsi que la Messe
du Couronnement et Davidde Penitente de Mozart, Les
Vêpres de Monteverdi, et la Messe
en mib de Schubert, outre Le Chant de la Terre de Mahler, sans
oublier des récitals vocaux, de Nora Gubisch (9 juin), de
Nathalie Stutzmann (16 juin) et du jeune baryton Edwin
Crossley-Mercer, accompagné par le fougueux David Fray (3 juin).
Il faudra aussi compter sur un florilège de concerts de musique de chambre,
donnés à la Légion d'Honneur, réunissant Thomas Adès
(17 juin), David Kadouch et
Yann Levionnois (24 juin) ou encore Renaud Capuçon
(26 juin). Si l'on devait
choisir un trio de tête, on opterait pour le Requiem de Berlioz, que sir John Eliot Gardiner devrait
défendre comme personne, car on sait que le grand Français n'est jamais
mieux servi que par les Anglais, qui l'adorent. Et puis, pour Les Vêpres
de Monteverdi, dans une interprétation qui se promet d'être osée et passionnante,
sous la houlette de Christina Pluhar et de son Arpeggiata, où les voix
solistes feront office de chœur. Enfin, la carte blanche à Thomas Adès,
ce prolixe compositeur britannique, qui a des dons cachés de pianiste. Son
concert affiche aussi bien Couperin que Prokofiev, Janáček que ses
propres compositions, dont une « Concert Paraphrase on Powder
Her Face », d'après son opéra sulfureux. Festival de Saint-Denis, du 3 au 30 juin
2012, Basilique ou Légion d'Honneur. Informations : 16, rue de
la Légion-d’Honneur, 93200 Saint-Denis.
Tél. : 01 48 13 06 07. www.festival-saint-denis.com
Jean-Pierre Robert.
***

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ORGUE
Pierre WIBLÉ : Célébrez
Dieu, rendez-lui grâce ! Quarante pièces d’orgue pour cultes et
célébrations. Éditions Olivétan (www.editions-olivetan.com). 103 p.
55 €.
Pierre
Wiblé, pasteur-compositeur, écrit surtout des œuvres d’inspiration
religieuse avec une finalité liturgique : tel est le cas de ces Quarante pièces d’orgue pour cultes et
célébrations, destinées à des organistes débutants et à la liturgie
protestante, mais pouvant aussi être exploitées dans d’autres services
religieux. Il fallait cette double
expérience pratique et théologique, les deux étant indispensables pour
élaborer ce recueil concernant non seulement les divers temps
liturgiques : Avent, Noël, Rameaux, Passion, Pâques, Ascension,
Pentecôte, mais encore l’Offrande, la Sainte Cène, l’entrée et la
sortie. P. Wiblé exploite les
mélodies traditionnelles, Choral luthérien : Pare-nous pour une fête / Schmücke dich, o liebe Seele (Johann
Crüger) ; Jésus sort de la tombe (Melchior
Teschner), Psaumes 77 (mélodie Loys Bourgeois), 118 (mélodie
strasbourgeoise de 1545) ; Cantiques du Réveil : J’ai soif de ta présence ; Qu’il fait bon à ton service et,
plus récent : Je louerai
l’Éternel ; Hymnes de l’Église ancienne : Viens, Saint Esprit, Dieu Créateur
(sur la mélodie bien connue du Veni
Creator Spiritus, de Raban Maur (IXe siècle),
reprise par M. Luther et figurant dès 1535 dans le Recueil de Klug)
qui, avec l’incontournable À toi la
gloire (G. Fr. Haendel)
ont une visée œcuménique. Au
caractère fonctionnel évident de ces pages d’orgue, s’ajoutent l’aspect
didactique, la technique compositionnelle (exploitation de
cantus firmus, traitement décoratif des commentaires, style
fugué…). Les nuances et tempi sont
indiqués (à défaut des registrations).
Par cette publication qui rendra de grands services pour les
célébrations, le pasteur-compositeur souhaite « que les organistes se
sentent encouragés dans leur ministère de louange ».

Édith Weber.
PIANO
Russian Masters. Arrangement
de 26 pièces classiques de moyenne difficulté. « The Boosey & Hawkes Solo Piano Collection »
(www.schott-music.com) :
BH 12387. 22,9 x 30,5 cm,
96 p. 13,99 €.
Pour pianistes de niveau moyen, voilà
une judicieuse sélection de pièces signées des plus grands compositeurs
russes des XIXe et XXe siècles : Borodine,
Moussorgski, Rimsky-Korsakoff, Tchaïkovski… Prokofief, Rachmaninov,
Chostakovitch, Stravinsky… Dans d’habiles arrangements de Hywel Davies,
Nicholas Hare ou Christopher Norton.

Fariborz
LACHINI : Autumn.
24 pièces (niveau intermédiaire à avancé). Schott (www.schott-music.com) : ED 21308. 23,1 x 30,3 cm, 100 p. CD inclus. 22,99 €.
Mélodies joliment inspirées des
musiques populaires de l’Iran, dont Fariborz Lachini (par ailleurs
compositeur apprécié de musiques de film) est natif. Réputé « Poète du piano de la
Méditerranée », il a lui-même enregistré le CD.

PARTITION D’ORCHESTRE
Ludwig
van BEETHOVEN (1770-1827) : Concerto pour violon & orchestre, op.61.
Breitkopf & Härtel Partitur-Bibliothek : PB 5353. Urtext (www.breitkopf.com). 94 p. 36,00 €.
Il s’agit là, bien sûr, de ce qui peut
se concevoir de mieux en matière d’édition Urtext
(éd. Clive Brown). Sous
grand-format (25 x 32 cm), la partition est assortie d’une
copieuse préface, d’un commentaire critique, de fac-similés du manuscrit
et d’une étude quasi exhaustive des sources. Sont
en outre indiqués doigtés & mouvements d’archet utilisés par
Franz Clement, premier interprète du concerto. Est disponible la partition pour violon
& piano (EB 9656, éd. Christian Rudolf Riedel,
14,50 €).

Pjotr
Iljitsch TSCHAIKOWSKY (1840-1893) : Capriccio italien op.45, sur des mélodies populaires. Breitkopf & Härtel Studienpartitur :
PB 5515-07. Urtext (www.breitkopf.com). 110 p. 10,50 €.
Il s’agit, cette fois, d’une partition
d’études (16,5 x 22,5 cm) - mais de la qualité du grand format
quant à la réalisation, la préface & le travail éditorial, ici confiés à
la musicologue russe Polina Vajdman.

Francis Cousté.
FORMATION MUSICALE
Marie-Hélène
SICILIANO : Petit cahier
vol. 2 et 3.
Lemoine : H.C. 45 et H.C. 47.
Ces petits cahiers constituent une très
utile révision des notions élémentaires de solfège à travers les exercices
de base : lecture, rythme, chant, théorie musicale, analyse… Petits par le format, ces cahiers n’en
sont pas moins très copieux et pourront rendre bien des services pour faire
réviser en douze leçons chacun, une deuxième ou une troisième année de
formation musicale.

Johann Joseph FUX : Gradus ad Parnassum. Traité
de contrepoint. 1 vol. 1 CD. Lemoine : 28933 H.L.
Voilà un ouvrage tout à fait passionnant
et d’actualité, bien que son auteur l’ait écrit en 1725 à Vienne… Ce traité en latin, dont il n’existait
pas de traduction française récente, nous est proposé dans une traduction
de Jo Anger-Weller et Irène Saya, traduction qui garde toute la saveur
du texte original tout en modifiant certaines appellations pour le rendre
immédiatement compréhensible aux étudiants d’aujourd’hui. Qu’on ne pense pas à quelque aride traité
aux propos abscons : cet ouvrage montre qu’on n’a pas attendu le XXe
siècle pour être pédagogue !
Exposant étape par étape l’ensemble du contrepoint dans un délicieux
dialogue entre le maître et l’élève, il aurait pu s’intituler, en
paraphrasant le titre d’un célèbre ouvrage d’initiation à la Radio :
« Le contrepoint ? Mais c’est très simple… ». Tout est présenté à l’aide d’exemples
écrits dans nos clés modernes, l’indication des clés anciennes étant
également donnée. Ces très nombreux exemples sont enregistrés de façon à la
fois musicale et pédagogique sur le CD par un quatuor vocal qui allie la
beauté des voix à la précision du style et de l’articulation. Ce Gradus est à consommer sans
modération !

GUITARE
Hugues
CHAFFARDON : Prélude à la guitare. Initiation à la musique par la guitare.
Lemoine : 28 946 H.L.
Ce petit livre rendra de précieux
services aux professeurs de guitare ayant à présenter leur instrument dans
le cadre d’ateliers découvertes, que ce soit en écoles de musique ou dans
l’enseignement primaire. L’utilisation en est à la fois simple et ludique
et met en œuvre tous les paramètres musicaux : son, rythme, écoute
intérieure, chant, expression… Bref, l’auteur invite à donner en quelques
séances (sept, si possible), une véritable approche de la musique à travers
la guitare. Excellent !

Francis
KLEYNJANS : Habanera cubana pour
guitare. Lemoine : 29 000
H.L.
L’auteur nous présente lui-même cette
œuvre dans laquelle il a voulu retrouver l’esprit originel de la habanera,
née vers 1841 à la Havane, « fait de souplesse, de douceur et de
volupté, véritable chant d’amour, parfois nostalgique, tourné vers les
autres ». Disons simplement qu’il y réussit pleinement.

ORGUE
Louis
HAMEL (1914-2005) : Paraphrases grégoriennes et
Pièces d’orgue. « Organistes alsaciens »,
vol. 14. Delatour : DLT1955.
« Louis Hamel a eu la chance
d’être organiste dans une paroisse où l’on continuait de cultiver le
répertoire grégorien après Vatican II, dans le respect du Concile, en
dehors de tout intégrisme. » On reconnaît là la sagesse de l’Église
alsacienne, qu’on aurait bien aimé voir partagée par l’Église
« de l’intérieur »… Cela nous donne une série de pièces d’un
esprit profondément liturgique correspondant exactement au rôle de l’orgue
à l’intérieur de l’office : une préparation ou un prolongement à la
prière chantée. De difficulté moyenne, ces œuvres sont à recommander
vivement à tous les organistes qui accompagnent régulièrement des offices
et à tous ceux qui souhaitent s’initier aux grandes mélodies grégoriennes.

Franz
LISZT : Funérailles.
Transcription pour orgue de
Jeanne Demessieux.
Delatour : DLT0787.
Jeanne Demessieux avait improvisé cette
transcription sur le grand Cavaillé-Coll de l’abbatiale Saint-Ouen de Rouen
le 17 mai 1961. Elle a écrit cette
transcription qui nous est présentée ici dans la reconstitution réalisée par
Pierre Labric, qui assistait à ce concert et a interprété cette
transcription sur ce même orgue.
Enregistrée, cette version peut être entendue sur certains sites
bien connus. Jeanne Demessieux écrivait à Pierre
Labric : « Oui, je suis l’auteur de la transcription des Funérailles. […] Liszt ayant coutume
de transcrire volontiers ses œuvres de piano pour l’orgue ou l’orchestre,
je n’ai pas eu de scrupule à envisager ce développement ». L’œuvre de
Liszt prend dans cette transcription une profondeur et une intensité
nouvelles qu’il faut absolument découvrir.

PIANO
Bernard
de Vienne : Cf6 pour piano. Dhalmann : FD 0329.
Le titre est une allusion à la notation
des « coups » dans le jeu d’échec. Cette pièce de difficulté moyenne joue
beaucoup sur les sonorités, les rythmes, les résonances. En deux minutes, elle fait parcourir de
nombreux paysages sonores bien agréables.

Anita RAMADE-ETCHEBARNE : Kids in Concert. 10
pièces pour enfants. Bärenreiter : BA 10602.
Ces dix courtes pièces très faciles constituent
une approche ludique de différents styles musicaux, du blues à Mozart en
passant par d’autres lieux. Ce sera
l’occasion pour le professeur de faire écouter ces diverses musiques et de
nourrir la culture musicale des élèves, tout en leur montrant les
caractéristiques des différents styles. Peu de notes, mais beaucoup de joie et de découvertes à
faire à travers ces charmantes petites pièces écrites avec autant de goût
que de science.

Jean
KLEEB : Baila
negra. 13 nouvelles
pièces latino-américaines pour piano. Bärenreiter : BA 10604.
Il est difficile de savoir si la
photographie du piano avec mécanique « à baïonnette » qui figure
sur la couverture est une invitation à jouer ces pièces sur piano
« d’époque »… Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’applaudir à ce
florilège de pièces latino-américaines présentées, arrangées ou écrites par
Jean Kleeb. Les styles sont variés, les mélodies entraînantes et
charmeuses. Sans être faciles, ces
pièces sont abordables par un élève de niveau moyen. Argentine, Brésil,
Cuba, Bolivie, tous les pays et tous les styles sont représentés et
permettront d’élargir le monde sonore des élèves avec des pièces
musicalement fort bien écrites.

Laurent
COLIN : Images
enfantines pour
piano. 1 vol. 1 CD. Delatour : DLT1980.
Que voilà une bien belle musique… On
aurait pu écrire « jolie », mais ce qualificatif risquerait de
laisser entendre qu’il s’agit de pièces un peu mièvres, ce que le titre de
« pièces enfantines » pourrait suggérer. Or, il n’en est rien : c’est vraiment
une œuvre à part entière, qui fait penser à Schumann pour le propos même si
le langage est profondément original sans être « contemporain »
au sens qu’on donne habituellement à ce terme. La pianiste Anne-Manuelle Burckel, qui
interprète avec beaucoup de talent ces pièces sur le CD, nous parle de
« quelques instants d’une musique juste et pleine de
grâce ». Que dire de
mieux ?

Jeanne
DEMESSIEUX : 7 pièces inédites
pour piano.
Delatour : DLT2078.
Datées de 1928 à 1932, alors que Jeanne
Demessieux a entre sept et onze ans, ces pièces sont d’un abord facile mais
ne sont pas sans intérêt : c’est précisément en 1932 que l’auteur
remporte un premier prix de piano en interprétant un concerto pour piano de
Widor et en 1933 qu’elle devient organiste titulaire de l’église du
Saint-Esprit à Paris… On découvre donc avec grand plaisir la précocité de
ce génie trop tôt disparu, alors que Marcel Dupré la considérait comme
« son véritable successeur ».

VIOLONCELLE
Ludwig van BEETHOVEN : Variations pour piano & violoncelle WoO 45, op. 66,
WoO 46. Urtext. Bärenreiter : BA 9028.
Il s’agit des « Douze variations
sur un thème de l’oratorio de Haendel Judas Macchabée »,
des « Douze variations sur le thème « Ein Mädchen oder
Weibchen » tiré de La Flûte enchantée
et des « Sept variations sur le duo « Bei Männern, welche Liebe
fülhen », tiré également de La Flûte
enchantée ». Ces variations ont été éditées en versions très
différentes. La nouvelle édition s’est efforcée de transcrire correctement
l’ensemble des rythmes de la partition de violoncelle de Beethoven. On
notera la présence dans cette édition - outre l’introduction, la copieuse
préface et un commentaire critique très détaillé - de fac-similés des
seules sources existantes, ce qui aide à comprendre les difficultés
rencontrées pour établir le texte de cette nouvelle édition.

Gérard
HILPIPRE : …poursuite du vent… Dialogue pour récitant &
violoncelle. Delatour : DLT1985.
Ces dialogues sur des textes de
l’Écclésiaste et du Livre de Job sont une méditation assez sombre sur la
condition humaine. Le récitant doit être obligatoirement un homme, non par
sexisme mais en raison du dialogue avec le violoncelle. La partie de violoncelle n’est pas une
« illustration » du texte mais, bien qu’elle ait un rapport très
direct avec lui, elle constitue une œuvre à part entière. Il s’agit donc
d’un véritable dialogue qui devra être le plus équilibré possible. Quant au
récitant, il doit privilégier la compréhension et l’interprétation du
texte, bien loin du sprechgesang
ou d’une déclamation prosodique classique. Cette œuvre passionnante et
ambitieuse est à découvrir absolument.

SAXHORN – EUPHONIUM – TUBA
Rémi
MAUPETIT : La légende de Barnabé pour saxhorn/euphonium/tuba. Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L. 2245.
Que vient donc faire Barnabé dans cette
affaire ? S’agit-il de sa
dispute avec Médard ? Peu
importe. Cette pièce tonique et
réjouissante ne risque pas d’attrister les auditeurs ni, espérons-le, les
interprètes !

Jérôme
NAULAIS : La Place Rouge pour saxhorn/euphonium/tuba.
Préparatoire. Lafitan : P.L. 2172.
Commençant de façon un peu
mélancolique, la pièce s’anime ensuite par une mazurka et se termine par
une joyeuse danse très rythmée. Le
mélange de joie débridée et de mélancolie convient parfaitement à cette
évocation de la Russie.

Claude-Henry
JOUBERT : Sérénade à vapeur pour tuba avec accompagnement de
piano. Fin du 1er cycle. Lafitan : P.L.2121.
Cl.- H. Joubert ou « la musique
contemporaine et l’improvisation par la joie » ! Les deux interprètes sont guidés pas à
pas dans ce délicieux conte d’un Far-West d’opérette qui leur permettra de
laisser libre cours à leur sensibilité et leur esprit d’invention. Voilà
une collection passionnante dont on ne trouve pas d’équivalent. Souhaitons
que beaucoup la découvrent et la mettent en œuvre.

PERCUSSIONS
Daniel SAUVAGE : Times Square ! Quatuor
de percussions. Dhalmann :
FD 0284.
Ce joyeux quatuor de percussions, à
visée également pédagogique, tente de recréer l’ambiance de ce lieu
mythique du paysage new-yorkais. Brillant tintamarre et passages plus
poétiques s’y côtoient avec bonheur.
L’ensemble est assez difficile, mais tellement agréable !

Sébastien
CALCOEN, Michel NIERENBERGER : Stick’n caisse
pour caisse claire & piano.
Premier cycle. Lafitan :
P.L.2165.
Pianiste & percussionniste se
livrent à un savoureux dialogue plein de rythme et de vie, au point même
que le pianiste devient, pour quelques instants, percussionniste sur le
rebord de son clavier… Les deux interprètes devraient prendre beaucoup de
plaisir à cette pièce entraînante, qui ne manque pas, pour autant, de
poésie.

Arletta
ELSAYARY, Bernard ZIELINSKI : Comme des perles de pluie… Pièce pour caisse claire, cymbale
& piano. 1er
cycle. Lafitan : P.L.2153.
« Cette pièce a pour principal
objet de vous habituer à jouer avec un pianiste dès vos premières années
d’apprentissage ». Mais les
auteurs précisent aussitôt que la pièce « vise à mettre en valeur le
sens de la musicalité des instrumentistes ». Cet objet second, mais non secondaire,
est tout à fait atteint dans ces pages pleines de charme qui demandent une
écoute mutuelle et beaucoup de délicatesse.

Jean-François
FOURMAUX : La ballade du chat de gouttière pour xylophone & piano. 1er cycle.
Lafitan : P.L.2301.
Notre chat de gouttière se promène
tranquillement mais cependant semble parfois poursuivre quelque oiseau et
sauter de toit en toit… Il faudra
donc à la fois beaucoup d’élégance, de flegme mais aussi de vivacité pour
interpréter cette charmante ballade.

Michel
NIERENBERGER : La fille aux lunettes bleues pour percussions/claviers (glockenspiel,
vibraphone, marimba ou xylophone) & piano. 1er cycle.
Lafitan : P.L.2218.
Cette courte pièce déroule une mélodie
rêveuse et poétique à souhait. Les harmonies délicates créent une
atmosphère quasi irréelle. Les interprètes pourront y développer toute
leur sensibilité.

Max
MÉREAUX : Sur l’autre rive pour caisse claire & piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2239.
Le piano déroule en quatre temps
ternaires une jolie mélodie allante mais un peu mélancolique que la caisse
claire ponctue avec efficacité et discrétion. Il y a tout un travail
d’écoute et de synchronisation à faire entre les deux interprètes notamment
pour la fin qui s’évanouit peu à peu au loin…

MUSIQUE D’ENSEMBLE
Nicolas
VÉRIN : Chassé-croisé
IV. Flûte &
percussion. Dhalmann :
FD 0233.
Professeur de composition et
d’électroacoustique au conservatoire d’Évry, Nicolas Vérin fait
entendre une voix tout à fait originale. Cette œuvre, commande de Radio France
pour l’émission Alla breve,
en est un témoignage. Elle fait
partie d’un cycle de duos pour divers instruments. Flûte & percussion
sont engagés dans un jeu de cache-cache d’esprit ludique qui va parfois
jusqu’à la jubilation. Les
instruments sont poussés aux limites de leurs techniques pour un résultat
assez passionnant.

Éric
FISCHER : Le dit du silex.
Violoncelle & marimba.
Dhalmann : FD 0349.
Divisé en six « contes », ce
« dit » crée à chaque fois en quelques mesures une ambiance, une
atmosphère particulière. De
difficulté technique moyenne, cette pièce demande surtout beaucoup d’écoute
et de sensibilité aux timbres, en un mot que les interprètes soient d’abord
des musiciens.

Berthold KLOSS : Flute Classics pour flûte & guitare. Bärenreiter : BA 10610.
Ou comment donner à des élèves de deux
classes l’envie de jouer ensemble…
Du Petit livre
d’Anna-Magdalena Bach à La Moldau,
en passant par Mozart, Haydn, Grieg… dans leurs thèmes les plus célèbres,
ce parcours contribue à enrichir la culture musicale des interprètes. Les
annotations permettent de vaincre les petites difficultés qui pourraient se
rencontrer, mais ces pièces sont de niveau assez facile. Ajoutons que les arrangements sont faits
avec beaucoup de goût et ne sacrifient en rien la musique, malgré leur
facilité. Voilà un recueil à
chaudement recommander.

Max
MÉREAUX : Clair-obscur
pour flûte, alto & harpe.
Niveau supérieur.
Lafitan : P.L.2324.
Créée à Antibes-Juan-les-Pins en mars
2010, cette pièce demande une grande complicité des interprètes pour créer
une atmosphère qui se veut allusion discrète aux peintres des écoles du
Nord, Vermeer ou Rembrandt.
Max Méreaux nous invite ainsi à traiter sa composition avec
grande délicatesse. Elle le mérite
bien !

Claude-Henry
JOUBERT : La Mi ? Ré Sol ! pour violon solo 1, violon
solo 2, ripieno 1, ripieno 2. Fantaisie dédiée à Hélène
Sanglier-Boullot.
Niveau élémentaire.
Lafitan : P.L.2322.
Il s’agit, nous dit l’auteur, d’une
« fête du violon, une fantaisie jouable par toute une classe ».
En effet, les deux parties de ripieno sont très faciles. On y rencontrera au passage Mendelssohn,
Beethoven, Bach, Vivaldi… ponctués par les quatre notes fatidiques qui
achèvent l’œuvre dans une danse endiablée.
Humour et musique font toujours bon ménage avec Claude-Henry
Joubert !

MUSIQUE DE CHAMBRE
Gérard
HILPIPRE : Quatuor à cordes n° 3. Delatour : DLT1868.
Ce 3e
Quatuor d’un admirateur d’Henri Dutilleux, qu’il a d’ailleurs
rencontré, comporte quatre mouvements aux caractères contrastés. Un
préambule présente les conditions d’interprétation de cette pièce
d’écriture résolument contemporaine pour une œuvre profondément expressive.

MUSIQUE VOCALE
Isabelle
ABOULKER : Chantons la comédie musicale avec Isabelle. 9 chansons pour 1, 2, 3 et
4 voix. Delatour :
DLT1919.
On connaît le succès mérité d’Isabelle
Aboulker auprès des chorales de jeunes. Ces neuf chansons rencontreront
certainement le même succès. Les paroles d’Anne Quesemand ne manquent
ni de charme ni de poésie et les textes de Christian Eymery sont
pleins de fantaisie. Ensemble donc fort agréable !

Daniel
Blackstone.
***

Haut
Antonia SOULEZ : Au fil du motif. Autour de Wittgenstein & la musique. Sampzon,
Delatour France (www.editions-delatour.com). DLT 2097. 391 p. 27 €.
Ludwig
Wittgenstein est né à Vienne en 1889 et mort à Cambridge en 1951. Influencé
par Schopenhauer et Kierkegaard, Moore et Russell, il se spécialise dans la
philosophie, la logique, l’éthique, l’esthétique et la philosophie du
langage. Il est connu par son Tractatus
logico-philosophicus et ses Investigations
philosophiques. Antonia Soulez, professeur à l’Université
Paris-VIII, rappelle que la musique est présente de différentes manières et
« à travers différentes phases de la pensée de Wittgenstein ».
Elle lance, d’une part, une confrontation entre ce dernier et
Th. Adorno au sujet du rapport entre musique, philosophie et
culture ; d’autre part, entre Wittgenstein et A. Schönberg
« autour de l’idée musicale ».
Le dénominateur commun est l’intelligibilité de l’œuvre. Le contenu
si dense concerne entre autres différentes idées directrices :
« Vivre intensément un thème », « Fonctions de la
musique » ; « Schönberg penseur de la forme » ;
« Wittgenstein et Schönberg » (entretiens)…, soit un total de
13 textes à partir de 1992 bénéficiant de l’actualisation selon l’auteur
et des réflexions autour du « thème de l’autonomie du musical
perceptible dans l’approche wittgensteinienne », sans oublier
Eduard Hanslick qui a été pionnier dans le domaine de
l’esthétique… L’ensemble est étayé
de nombreuses citations et documents authentiques. En raison de la
multiplicité des approches, cette publication de la collection
« Musique & Philosophie » aura le mérite de faire réfléchir.

Alain LITAIZE : Fantaisie &
fugue sur le nom de Gaston Litaize. Souvenirs & témoignages. Sampzon,
Delatour France (www.editions-delatour.com), DLT 1956. 227 p. (CD encarté) 28 €.
Les
organistes, amis et discophiles qui ont bien connu Gaston Litaize
(1909-1991) et son œuvre apprécieront à juste titre la biographie et les
témoignages de ce grand organiste, élève, entre autres, de Marcel Dupré,
Georges Caussade et Henri Büsser ; titulaire de différents orgues en
Province et à Paris, notamment à Saint-François-Xavier de 1946 à 1991 et
auteur de nombreuses pièces liturgiques pour orgue, d’écrits significatifs,
et d’une abondante discographie.
L’intérêt de ce volume est encore
renforcé par un CD encarté comprenant des œuvres inédites dont une
musique de scène de Charlemagne…,
des Improvisations, un Choral qu’Éric Lebrun a
judicieusement sélectionnés. Son
fils, Alain Litaize, linguiste, ethnographe et spécialiste de
dialectologie lorraine, a le mérite d’avoir regroupé tant de documents
épars éclairant la personnalité et le rayonnement de son père, à défaut de Table des matières…, à découvrir
progressivement. De lecture très
agréable, en un style bien enlevé, les critiques de concerts, les récits
les plus vivants et authentiques se succèdent et évoquent l’atmosphère à
l’Institut national des jeunes aveugles, les nombreuses tournées de
l’organiste si entreprenant malgré son handicap visuel, ses difficultés,
des souvenirs de cours, faits de la vie quotidienne, anecdotes (cf. p.141). C’est ainsi que défilent de grands noms
du monde musical : Jacques Castérède,
Henri Dutilleux… ; le facteur B. Dargassies ; les organistes
É. Hocdé, Fr.-H. Houbart, P. Jorre de Saint-Jorre, O. Latry
et O. Vernet qui écrit : «Le temps passe, mais
Gaston Litaize reste pour moi la plus belle rencontre musicale et
humaine de mes années d’étude » (p. 181). Tous les auteurs
soulignent sa bienveillance, ses conseils, ses qualités d’homme supérieur,
son humour…, mais aussi son enseignement, notamment à propos des
critères d’interprétation de la
musique ancienne allant des conceptions de M. Dupré à celles de M.-Cl.
Alain et Michel Chapuis, auteur de la Préface
qui « évoque la mémoire vivante d’un musicien dont la rencontre fut
pour moi un véritable éblouissement » (p. 3) : ce qui sera
incontestablement aussi le cas des lecteurs de cette Fantaisie & Fugue sur le nom de G. Litaize qui
découvriront les multiples facettes (parfois inattendues) de l’homme et de
son génie.

Édith
Weber.
Michael H. KATER : Huit portraits de compositeurs sous le
nazisme.
Contrechamps : (www.contrechamps.ch).
440 p. 28 €.
Un livre événement puisqu’il s’agit,
ici, de la première traduction en français de ce livre (traduction due à
Sook Ji & Martin Kaltenecker) écrit en 1991 par Michael
H. Kater, grand spécialiste de la culture durant la période nazie, troisième
opus d’une vaste étude concernant la musique sous le Troisième Reich. Huit compositeurs, certains juifs,
d’autres non (Richard Strauss, Arnold Schoenberg,
Paul Hindemith, Kurt Weill, Carl Off, Karl Amadeus
Hartmann, Hans Pfitzner, Werner Egk), des comportements bien
différents face au totalitarisme, allant de l’exil à la collaboration, avec
des motivations diverses, jusqu’au mutisme.
Un travail monumental de documentation, une vision objective sans
complaisance mettant au jour toutes les faiblesses, compromissions, vanités
et manœuvres allant jusqu’à la plus honteuse servilité. Une vision historique comme une image en
creux des biographies élogieuses habituelles. Des faits qui renvoient à certaines
questions esthétiques et morales laissées à la réflexion de chacun… Un
livre remarquable qui passionnera tous ceux qui s’intéressent à la musique
et à l’histoire.

Patrice Imbaud.
Jean
THIELLAY & Jean-Philippe THIELLAY : Rossini. Actes Sud/Classica (www.actes-sud.fr). 10 x 10 cm, 224 p. 18,50 €.
Que de biographies furent consacrées à Gioachino
Rossini (1792-1868) - de Stendhal
(Boulland, 1824) à Gérard Denizeau
(Bleu Nuit, 2009) ! N’en
sera pas moins utile le présent vademecum qui, outre le récit de la vie, propose
d’intéressantes « Variations rossiniennes » : De
l’homme pressé à l’homme du passé / Nel teatro del mondo / Les réformes rossiniennes /
Après Rossini. Non sans index,
repères bibliographiques & discographie.

Jean-Noël
von der WEID : Le flux et le fixe. Peinture et musique. Fayard (www.fayard.fr).
13,5 x 21,5 cm, 230 p. 18 €.
Dans le droit fil de L’œil écoute (1946), célèbre essai de
Paul Claudel, l’auteur de La musique « du »
XXe siècle (Fayard)
& de divers ouvrages sur la peinture tente, non sans panache, d’établir
ici - sinon d’inverser - les correspondances entre les deux arts : selon
lui, le temps musical serait visible & l’espace pictural
audible… Combat certes désespéré,
livré en onze reprises : Entrée en matières, Fusions & lisières,
Harmonies des mondes, De sombres mythes musicaux, Vénus dévoilée par ses
musiciens, Dominante religieuse, Pratiques musicales, Semblances &
ressemblances, Esthétiques singulières, Carré noir &
bruit blanc, Final. En utiles annexes : Cartels,
Indications bibliographiques, Index.

Roland
HUESCA : Danse, art et modernité. Au mépris des usages. « Lignes d’art », Presses
universitaires de France (www.puf.com). 15 x 21,7 cm, 266 p. 25 €.
Écrit dans une langue magnifique, cet
essai de Roland Huesca (qui participa naguère à notre dossier sur les
Ballets russes) s’inscrit au carrefour de l’histoire culturelle, de
l’histoire des arts & de l’esthétique - scrutant une époque allant des
avant-gardes à la « crise de l’art »… Au fil de 10 chapitres :
L’entrée en scène du « moderne » / Vers de nouvelles
spriritualités / L’impact des utopies / De l’art abstrait à
l’abstraction / Cultures urbaines et expressions populaires / La
figure du « surhomme » / Danser ailleurs / Images, la
réinvention du visible / « Non-danses », décontructions
postmodernes / Sur les chemins de la marge.

Michaël DIAN (et alii) : Chaillol. Portraits
d’un festival. « Musiques XXe-XXIe siècles »,
Aedam Musicae (www.musicae.fr). 16 x 20 cm, 142 p.
Photos n&b d’Adrien Perrin. 14,50 €.
Initié en 1997 dans les Hautes-Alpes,
ce festival de musique aura fêté, en août 2011, sa 15e édition.
Soit « quinze années d’action
culturelle en territoire rural de montagne »… Les nombreux témoignages ici recueillis
retracent l’évolution de ce qui fut une entreprise familiale (celle de Dina
& Roger Dian) devenue, au fil des saisons, une proposition
s’inscrivant avec force dans le paysage culturel français. Un hommage mérité !

Xavier
DAVERAT : Tombeau de John Coltrane. « Eupalinos / Jazz &
musiques improvisées », Parenthèses (www.editionsparentheses.com). Diff.
Harmonia Mundi. 15 x 23 cm, 448 p., 19 €.
Déjà auteur d’une monographie consacrée
à John Coltrane (1995, éditions du Limon), Xavier Daverat, professeur
de droit privé (propriété littéraire & artistique) à l’université
Montesquieu-Bordeaux IV, s’est ici penché sur l’essence spirituelle de
l’œuvre du musicien, réunissant un ensemble de textes à sa mémoire. En
deux parties : Portrait, territoire
(Portrait de l’artiste en jeune parkérien / Unlike Sonny /
Miles & Trane / Souveraineté de J. W. Coltrane /
De l’entropie / Anatomie d’un quartette /
Free Trane / Une esthétique orphique / Au Grévin du
jazz / Blue thrène), Parages, silhouettes
(Le coltranisme, étude stylistique autour d’une centaine de
saxophonistes « coltraniens). Le tout
utilement assorti de biographies, bibliographies, discographies, index.

Peter DOGGETT : Come together… Les Beatles
(1970-2012). Traduit de l’anglais par
Laura Derajinski. Sonatine (www.sonatine-editions.fr).
14 x 22 cm, 546 p. 22,30 €.
À l’occasion du mi-centenaire (!) de la
parution du premier album du groupe (Love me do,
1962), est certes bienvenue la parution d’un tel ouvrage qui - loin de toute
banale hagiographie - s’intéresse aux quatre dernières décennies (depuis la
séparation du groupe, en avril 1970), riches en conflits et déchirements de
toutes sortes. Et ce, à partir de
centaines d’heures d’entretiens avec les protagonistes d’une aventure… pas
toujours édifiante, certes ! Riche
apparat critique.

Bernard
SICHÈRE : L’histoire et la gloire. Tenir tête au
nihilisme. « Littérature »,
Hermann (www.editions-hermann.fr).
14 x 21 cm, 224 p., bibliographie. 25 €.
Même si notre mécréance ne sort guère entamée
de pareille lecture, que voilà un bel et noble ouvrage, faisant joyeusement
pièce à la bien-pensance nihiliste de la plupart des collègues de l’auteur !
Lequel n’a pas déjà commis moins d’une
vingtaine d’essais philosophiques (sur Aristote, Merleau-Ponty, Heidegger, Lacan…)
ou littéraires (sur Shakespeare, Sade, Bataille…), parmi lesquels,
récemment : L’être et le divin
(Gallimard, « L’Infini »).
Alertes exégèses du messianisme, de l’apocalypse
et de la fin des temps !… Trois
grands chapitres : L’âge du
soupçon et la question de l’histoire (Lévi-Strauss & Foucault
contre l’Histoire / Le point aveugle du savoir / L’animal &
la constante humaine : être, histoire, destin), Histoire
& eschatologie : le Grec et le Juif (La grande catastrophe, le crime
majeur & le quatuor secret / Le Grec : temps tragique &
temps cosmique / Le Juif : temps, eschatologie,
messianisme / L’eschatologie, le mal et la politique : Scholem
& la Kabbale), Messianisme chrétien : le secret de
l’histoire et la vie divine (Le secret de Jean / Métahistoire et
politique : Massignon & la fraternité abrahamique / Vérité
mystique & vérité poétique : la vie divine.

Michel
DANSEL : Les excentriques.
« Bouquins », Robert Laffont (www.bouquins.tm.fr).
13,4 x 19,9 cm, 832 p. 30,50 €.
Fresque à tout le moins insolite,
dépeignant une foule de personnages inquiétants, fascinants, d’une rare
complexité, inclassables… Où se croisent excentriques chroniques (fous,
marginaux, exhibitionnistes), intermittents, voire accidentels - faisant
ici l’objet de mille anecdotes baroques, invraisemblables, croustillantes… Huit parties : C’est la marge
qui fait la page / Classification arbitraire & subjective des
excentriques / Trente-sept cas d’excentriques anonymes /
Excentriques & excentricités / Textes choisis pour illustrer la
galerie / En guise de conclusion / Conseils pratiques pour
futurs excentriques / Repères bibliographiques. Succulent,
souvent émouvant !

POUR LES PLUS JEUNES
La danse des canards.
Petite enfance. « Tralalère », Casterman (www.casterman.com). 23 x 23 cm, format carré, coins
arrondis, couverture mousse. 14 p. couleurs. Illustrations :
Éléonore Thuillier. CD inclus, interprète : J.-J. Lionel.
TT : 2’43.
Destiné à la toute petite enfance, ce
charmant album séduira, probablement, bien au-delà !

Francis Cousté.
***

Haut
Deo Gratias Anglia. Polyphonies sacrées. Chansons
anglaises de la guerre de Cent Ans. Aeon (stephanie@outhere.com) :
AECD 1218. TT : 58’09.
Les enregistrements à vocation historique sont à la mode
actuellement. L’ensemble Céladon, fondé
en 1999 et dirigé par Paulin Bündgen, recrée l’atmosphère musicale régnant
en Angleterre à l’époque de l’interminable guerre de Cent Ans (1337-1453,
en fait : 116 ans). Outre-Manche, à l’abri des batailles, la vie
quotidienne est animée par des musiciens laïcs et les échanges réciproques
entre le Nord de la France et le Sud de l’Angleterre se maintiennent. Le style
dit « franco-flamand » exerce son influence sur la musique
religieuse, avec la technique du faux-bourdon exploitant les parallélismes de
tierces et de sixtes, correspondant à la Contenance angloise qui s’impose sur le continent. Cette production regroupe 17 polyphonies
sacrées en latin et anglais qu’il est impossible de détailler. Agincourt Carol rappelant la victoire d’Azincourt, le 25 octobre 1415, relate le récit très
intéressant commençant par : Owre (our) Kynge (King) went forth to Normandy et se terminant sur Deo gratias Anglia redde pro
victoria. P. Bündgen a le
mérite d’avoir restitué des textes, de faire respecter les couleurs des langues
anglaise et latine et la prononciation supposée du XIVe siècle. Les manuscrits ne signalent pas la présence ou
l’absence d’instruments, la nature des voix (masculine ou féminine), ce qui
complique la tâche de l’interprète. Quoi
qu’il en soit, cette réalisation originale, de caractère assez populaire, est
une réussite du genre. Ne manquez pas de
découvrir ces pièces si révélatrices et fort attachantes.
Claudio MONTEVERDI : Marienvesper. 2 CDs Rondeau Production
(www.rondeau.de) : ROP 4043.
TT : 58’28 + 35’06.
Jörg
Breiding, à la tête de plusieurs ensembles : Vox Werdensis, Himlische
Cantorey, Knabenchor Hannover (jadis fondé par le regretté Heinz Hennig),
Concerto Palatino et Musica Alta Ripa, spécialisés, entre autres, dans la
musique baroque et celle de H. Schütz en particulier, a signé une version
de référence des Vespro Della Beata Maria
Vergine composés par Claudio Monteverdi (1567-1643), en 1610. Ces
formations brillent par le timbre spécifique des voix de garçons et des
solistes (garçons), par leur travail technique si minutieux et approfondi,
d’une qualité rarement atteinte. Le
programme (2 CDs) associe aux Vêpres l’intonation Deus in adjutorium…, les Antiennes des Psaumes 109, 112, 121, 126, 147, quelques textes (Nigra sum…) extraits du Cantique des Cantiques de Salomon, d’Ésaïe (Isaïe) ou de l’Évangile de Jean. Le second disque commence par une
invocation : Sancta Maria ora pro
nobis (Sonata sopra Sancta Maria),
se poursuit avec l’hymne Ave maris stella et se termine sur le Magnificat latin
aboutissant à la doxologie. Cette
publication paraît dans l’année commémorative du centenaire de l’église St-Michel
à Hildesheim. Ce coffret, très
authentique, souligne la position historique de Claudio Monteverdi
(1567-1643), à mi-chemin entre la Renaissance et l’époque baroque. Incontournable.
Johann Sebastian BACH : Pfingsten Kantaten BWV 34, 74, 172. Rondeau Production (www.rondeau.de) : ROP 4026. TT : 62’38.
Ce
CD paraît dans le cadre du grand festival célébrant le huitième centenaire du
Thomanerchor de Leipzig qui a eu lieu, dans cette ville, du 18 au 21 mars 2012,
avec concerts, expositions, festivités… Il représente le 7e CD (sur 10) du
Cycle de cantates selon « L’Année liturgique avec Jean-Sébastien
Bach » et porte sur le temps de Pentecôte, avec la participation du
célèbre Thomanerchor et de l’Orchestre du Gewandhaus de cette ville, tous
placés sous la direction avisée du Cantor bien connu Georg Christoph
Biller. La première cantate Erschallet, ihr Lieder… (Vous, chants,
résonnez ; vous, instruments à cordes, sonnez !, BWV 172, a été
créée à Weimar, le 20 mai 1714. Elle
repose sur les textes bibliques de l’Évangile de Jean, sans doute sur le livret
de Salomon Frank, et s’ouvre par une brillante introduction, l’énoncé du
choral éponyme soutenu par les trompettes, traité ensuite en chœur, bien enlevé
par les voix de garçons également solistes. Après une succession de récitatifs et d’airs,
le choral Von Gott kommt mir ein
Freudenschein conclut. La deuxième cantate,
toujours pour le Premier Jour de Pentecôte, a été créée à Leipzig, le 20 mai
1725. Elle commence par le chœur : Wer
mich liebet, der wird mein Wort halten (Celui qui m’aime gardera ma
parole), BWV 74. Elle se termine
par le choral de Paul Gerhardt Kein
Menschenkind hier auf der Erd harmonisé avec une grande sobriété pour
mettre davantage l’accent sur les paroles qui représentent un véritable sermon
en musique. Enfin, la troisième cantate : O ewiges Feuer, o Ursprung der
Liebe (Ô feu éternel, ô source de l’amour), BWV 34, a été
créée pour le Premier Jour de Pentecôte à Leipzig, en 1746 ou 1747. Il s’agit
d’un remaniement, pour la circonstance, faisant allusion aux « flammes de
l’Esprit ». Le choral conclusif a pu être chanté par l’assemblée au culte.
Dans cet enregistrement, le Thomanerchor de Leipzig confirme ses qualités
légendaires et pérennes, tout à fait dignes de ces 800 ans d’existence.
Gioachino ROSSINI : Chamber music with Strings and Winds. Gallo (www.vdegallo.ch) : CD 1354. TT : 52’54.
Dès les premières mesures, le Septuor pour deux flûtes, clarinette & quatuor à cordes (en premier enregistrement
mondial) permet aux auditeurs d’entrer dans la sensibilité, une certaine
légèreté et l’entrain caractéristiques de la musique de Gioachino Rossini
(1792-1868) qui n’est pas seulement le compositeur d’opéras. L’Italian Classical Consort a conçu un
programme faisant appel à différentes périodes dans la production du musicien
italien nécessitant différentes combinaisons d’instruments : clarinette
& piano ; flûte, clarinette, basson & cor ; 2 flûtes ;
pour flûte, hautbois, clarinette & quatuor à cordes, entre autres. À retenir un Air à succès pour deux clarinettes : Zitti zitti (du Barbier de Séville)… ou encore l’œuvre
pour piano Ouf ! les Petits pois,
et des pièces plus consistantes telles que la Sérénade (plage 10, avec clarinette au lieu du cor anglais). Toutes ces œuvres sont interprétées sur
des instruments d’époque (originaux ou copies). Voilà révélée une autre facette de
l’inspiration de G. Rossini.
Yvonne
LEFÉBURE : Les
Inédits. 3 CDs Solstice (www.solstice-music.com) : SOCD 283/5. TT : 212’33.
Après avoir consacré un disque à Beethoven, dans l’interprétation
d’Yvonne Lefébure, le label Solstice poursuit sa série avec un coffret de
3 disques enregistrés (sans montage) entre 1945 et 1971, intitulés Les Inédits et classés dans l’ordre
chronologique. Pendant plus de 3 heures, les discophiles seront sensibles
aux sonorités si diversifiées de la célèbre pianiste : pour la musique
classique (Rameau, Bach, Haydn, Mozart), romantique (Chopin, Schubert,
Schumann, Brahms, Liszt) et, plus proches de nous : Bartók, Barraud,
Martelli, Dukas. À côté des formes
traditionnelles : Gavotte et Mazurka, Fantaisies et Variations, Concerto… figurent des titres plus
poétiques : La gondole funèbre, La plainte au loin du faune… Comme le souligne Jacques Bonnaure :
« Cette anthologie compose un portrait varié d’une grande artiste qui aura
dominé trois quarts de siècle du piano français. C’est, au sens le plus
authentique, une référence, un exemple auxquels se rapporter ; un
monument, au sens le plus étymologique, c’est-à-dire un témoignage et une
démonstration. » Sic.
Jehan
ALAIN : Jardin suspendu. Hortus (www.editionshortus.com) : 092. TT : 61’12.
Le regretté Jehan Alain est né en 1911, à Saint-Germain-en-Laye,
dans un milieu organistique privilégié, et mort au champ d’honneur le 20 juin
1940. Ce disque a été édité pour
commémorer le centenaire de la naissance de ce musicien peu conventionnel. Sa musique d’orgue comporte 93 numéros
d’opus, dont les célèbres Litanies à
la fois enracinées dans la tradition et marquées par un grand souci de
modernité technique. Didier Maes
(éditions Hortus) a retenu pour sous-titre : Jardin suspendu (avant-dernière plage) appuyé par cette
définition : « Le jardin suspendu, c’est l’idéal perpétuellement
poursuivi et fugitif de l’artiste. C’est le refuge inaccessible et
inviolable. » Le titre illustre la
diversité de son inspiration : formes traditionnelles (2e Fantaisie, 1re Fantaisie, Suite en
3 mouvements : Introduction
& Variations, Scherzo, Choral), auxquelles s’ajoutent également Trois mouvements pour flûte &
orgue, dans la transcription (1975) de Marie-Claire Alain, interprétés par
Marion Ralincourt (flûte) et Yoann Tardivel (orgue). Cet élève d’O. Latry au CNSM et de
Ph. Lefebvre et Th. Escaich pour l’improvisation, concertiste
international, a le don de mettre en valeur les possibilités dynamiques (comme
un crescendo orchestral) et
expressives (boîtes expressives) de l’orgue Victor Gonzalez (1929) de
la cathédrale de Dieppe, d’esthétique post-symphonique, ainsi que les sonorités
voulues par J. Alain, auquel il rend un vibrant, émouvant et fidèle
hommage.
Hommage à André Marchal. 2 CDs Solstice (www.solstice-music.com) : SOCD 281/2.
TT : 135’54.
Les mélomanes se souviendront du rayonnement d’André Marchal
(1894-1980) qui a tant contribué au renouveau de l’école d’orgue française du
XXe siècle, professeur d’orgue, d’improvisation et d’écriture à
l’Institut national des Jeunes Aveugles, de 1945 à 1963 titulaire du
grand orgue de Saint-Eustache à Paris. Yvette Carbou et le label Solstice lui rendent un vibrant
hommage, conformément à une double préoccupation : « celle, d’abord
de choisir au sein des archives de l’Ina et des nôtres [Solstice] les documents
sonores qui, en dépit des injures du temps, demeureraient d’une écoute
satisfaisante… celle aussi d’offrir, de ses interprétations légendaires, la
palette la plus étendue sur le plus grand nombre d’instruments » (Maison
de Radio France, Saint-Eustache, Saint-Merri, Notre-Dame, Institut
national des Jeunes Aveugles, orgue personnel…). Le mérite de ce disque consiste aussi à avoir
sauvé des « œuvres de l’instant dont il fut prodigue » (6 Improvisations entre 1954 et 1974). On ne pouvait mieux faire pour perpétuer la
mémoire d’André Marchal. Deux disques
permettent de l’entendre, avec un répertoire allant de J. S. Bach (Partita sur « Sei gegrüsset, Jesu gütig » BWV 768) à
Jehan Alain, en passant par l’école française (Nicolas de Grigny,
François Couperin, Louis Vierne, Charles Tournemire…). À noter, en outre, la Toccata op. 7/3 d’Augustin Barié (mort en 1915), rarement
interprétée. Le texte de présentation de
François Sabatier est un modèle du genre. Coffret incontournable, devant absolument
figurer dans toute discothèque d’amis de l’orgue, à la fois comme modèle
d’interprétation et par devoir de mémoire.
Flûte
& harpe. Gallo (www.vdegallo.ch) :
CD 1343. TT : 63’10.
Ce disque, très plaisant et agréable à entendre, est interprété
par Isabelle Bandi (flûte) et Laure Ermacora Play (harpe) qui
excellent à créer l’atmosphère juste et la sensibilité propre à chaque œuvre. Ce programme, sortant des sentiers battus, comprend
une Danse lente composée à la
fin de la Première Guerre mondiale par le Belge Joseph Jongen
(1873-1953) ; une Sonate pour
ces mêmes instruments par l’Italien Nino Rota (1911-1979) qui, mieux connu
par ses musiques de film, est aussi l’auteur d’œuvres « sérieuses »,
souhaitant « qu’on se souvienne de moi avec un peu de nostalgie et
beaucoup d’optimisme et de bonne humeur ». L’Indien Ravi Shankar (1920-2012)
exploite la tradition du raga (mot sanskrit)
« todi », l’un des 10 modes
employés dans l’Inde du Nord. Le
Japonais Micho Miyagi (1894-1956), remarquable joueur de koto, est professeur à l’École de musique
de Tokyo, dont Haru no Umi (Mer de printemps), datant de 1929,
reprend la structure tripartite évoquant les mouettes qui jouent sur les
vagues, puis le chant joyeux de la mer et la gaîté du printemps ; cette
œuvre est interprétée au koto et au shakuhachi (flûte droite en bambou,
pentatonique). L’Argentin Astor Piazzolla
(1921-1992), dans son Histoire du Tango,
retrace l’évolution de cette forme à différents stades, 1900 : Bordel ; 1930 : Café ; 1960 : Night-Club, et Concert d’aujourd’hui. Enfin, la Suisse est représentée par la Romance d’Arthur Honegger (1892-1955),
sans doute sa toute dernière œuvre, composée en 1953, et par Introduction et Scherzo-Valse (op. 52)
de Julien-François Zbinden (°1917), pianiste, régisseur musical, lauréat de
différents prix, compositeur de renommée internationale, dont le catalogue
regroupe tous les genres. Ce duo suisse si dynamique, faisant preuve d’une
technique éblouissante, a réalisé quelques rares moments de détente, de bonne
humeur et de joie par la musique.
Jean-Sébastien
BACH : Sonates
pour clavecin obligé & violon BWV 1014-1019. 2 CDs Zig-Zag Territoires (stephanie@outhere-music.com) :
ZZT 302. TT : 40’47 + 57’16.
Le
sous-titre de ce CD : « Voix, structures et univers
expressifs dans les Sonates de
Bach pour clavier & violon » est significatif. Deux remarquables interprètes :
Chiara Banchini (violon) et Jörg-Andreas Bötticher (clavecin) ont à cœur
de tenir ce pari en révélant ces 6 Sonates pour « clavier » (en l’occurrence clavecin allemand avec 16’, 8’, 8’
et 4’ reconstitué en 2006 à Hambourg) & violon. Le sort réservé par Bach aux différents
instruments est variable : tantôt la conduite de la voix principale n’est
détenue par aucun des interprètes, tantôt le clavecin obligé assume un rôle
d’accompagnement du violon. Quoi qu’il
en soit, « CB-JAB » forment une merveilleuse équipe qui se distingue
par son exceptionnelle musicalité et intériorité, ainsi que sa grande
intelligence des partitions (mise en valeur des lignes mélodiques et du phrasé,
respect des tempi, virtuosité et justesse). Le texte de présentation d’Anselm Hartinger
analyse les particularités et la diversité de chacune des sonates en
4 parties, sauf la dernière à 5 mouvements comportant un Allegro initial, central et conclusif. Cette réalisation est complétée par le Cantabile (BWV 1019a) ma un poco adagio provenant d’une cantate
pour l’élection du Conseil municipal de Leipzig. Décidément : le fief de Bach et ses
« univers expressifs » sont à l’honneur : Vive « JSB
CB-JAB » !
Max
REGER : Intégrale de l’œuvre pour orgue. Volume 1. 2 CDs Hortus
(www.editionshortus.com) : 086-087. TT : 80’10 + 68’53.
L’orgue joue un rôle très important dans la production de Max
Reger (1873-1916), chef de file de l’école d’orgue allemande de son temps. Si, au Conservatoire de Strasbourg, ses œuvres
étaient enseignées à la classe d’orgue de Charles Muller, elles n’ont été
appréciées en France que plus tardivement, sans doute à cause des difficultés
techniques et de son exploitation du contrepoint particulièrement redoutables. Les éditions Hortus ont eu raison de mettre à
l’honneur son Intégrale. Le premier
volume comprend, entre autres, 6 Trios op. 47 ; Trois Fantaisies
de chorals op. 52 (1900) : trilogie représentant un des sommets
dans sa production gravitant d’abord autour du thème de la mort (Alle Menschen müssen sterben). La deuxième : Wachet auf, ruft uns die Stimme reprend la mélodie du choral dit
« des Veilleurs », paraphrase de la parabole des
Vierges sages et des Vierges folles (texte : Hans Sachs,
1555) adaptation : Philipp Nicolaï (1699). La troisième : Halleluja !
Gott zu loben, solennelle et dynamique, sert de conclusion à
son cycle de Fantaisies sur des chorals. Ses 30 Petits préludes de chorals op. 135a (1914), à finalité fonctionnelle (bien plus
faciles à interpréter que les autres pièces) reposent sur les mélodies les plus
connues du fonds luthérien ; ils seront utiles aux organistes liturgiques. Aux orgues de la cathédrale de Magdebourg, de
l’église Saint-Georges d’Ulm et de la cathédrale de Kaliningrad, Jean-Baptiste
Dupont, organiste, compositeur et concertiste de réputation internationale, a
résolu les problématiques d’interprétation et trouvé les registrations
adéquates mettant en valeur les coloris de ces différents instruments :
voilà de quoi réconcilier les interprètes français avec la musique d’orgue de
Max Reger, malgré tous ses traquenards et subtilités contrapuntiques.
Daniel
Roth, compositeur. Organ Promotion (www.organpromotion.org), Motette (www.motette-verlag.de) :
LC 05 095. TT : 72’08.
Daniel Roth (né en 1942) n’est pas à présenter au grand public car
l’organiste de Saint-Sulpice fait preuve d’un rayonnement considérable comme
compositeur, artiste et pédagogue, aussi bien en France qu’à l’étranger. Cette coproduction, à l’initiative
d’Organ Promotion et de Michael Grüber, est une compilation de divers
enregistrements sous les labels Motette, Organ Promotion, Ifo-Classics
& Intrada. Entièrement consacrée à
12 œuvres (ou extraits), avec indications précises des éditeurs des
partitions respectives, cette anthologie aux titres variés donne un bel aperçu
de ses qualités de compositeur exploitant également au maximum les possibilités
(notamment de registration) de son instrument. Dans sa Fantaisie
sur une chanson alsacienne bien connue, son style se veut d’abord
énigmatique, avec citations du motif de tête de la chanson, Daniel Roth
fait preuve d’imagination. Dans d’autres
pages pour orgue, il privilégie le caractère solennel et massif. La Fantaisie
sur « Reginal Coeli »
pour orgue mettant en valeur ce cantus firmus est de caractère plus
dépouillé. Le chœur à 4 voix mixtes In manus tuas se distingue
par son intériorité. Le Kyrie de sa Missa Festiva Orbis factor fait appel au chant d’assemblée, à
4 voix mixtes et à 2 orgues. Enfin, son poème pour orchestre Licht im Dunkel, créé le 13 février
2008, se rattache délibérément à l’esthétique contemporaine, spéculant sur les
contrastes d’atmosphère. Au total :
72 minutes permettant d’apprécier et de mieux connaître les multiples
facettes du talent de Daniel Roth.
Édith Weber.
Leopold GODOWSKY : 22 Chopin
Studies. Ivan Ilic, piano. Paraty Productions : PARATY 311.205. TT : 71’15.
Un disque rare que
cet enregistrement des 22 Études
pour la main gauche seule, composées d’après Chopin par Leopold Godowsky
(1870-1938). Godowsky, d’origine juive,
né à Vilnius en Lituanie en 1870, enfant prodige qui donna son premier concert
à l’âge de 9 ans, partageant sa vie entre l’Amérique et l’Europe et,
notamment, Paris où il devint le protégé de Saint-Saëns, puis Vienne où il
s’installa comme directeur du piano au Conservatoire et où il côtoya les plus
grands comme Mahler, Gershwin, Rachmaninov, Horowitz, Paderewski… Parmi ses élèves se trouvèrent Neuhaus,
Richter, Gilels et Rubinstein. Artur Rubinstein qui affirmait que
500 ans ne suffiraient pas pour acquérir la technique de
Godowsky ! La Première Guerre
mondiale est pour lui, l’occasion d’un retour à New York où il ouvre
salon, partageant son temps entre composition et concerts dans le monde entier. Il décède en 1938 amoindri par la
maladie (paralysé de la main droite) et meurtri, à jamais, par le suicide de
son fils. Ces 22 Études d’après Chopin sont une œuvre de jeunesse, réputées
injouables ; Ivan Ilic en donne, ici, une superbe interprétation
toute en finesse et fluidité, l’utilisation de la pédale conférant à certaines
d’entre elles un charme mystérieux nimbé d’une brume légère. Ce qui aurait pu n’être qu’exercice digital,
simple apprentissage pianistique, devient sous les doigts experts et virtuoses
d’Ivan Ilic de la musique pure chargée d’images et d’émotions. Un disque absolument indispensable.
Isaac ALBÉNIZ : Iberia. Kotaro Fukuma, piano. 2 CDs Hortus : 093. TT :
85’49.
Un disque qui nous
donne à entendre en 2 CDs, l’intégralité de la suite Iberia du compositeur catalan Isaac Albéniz (1860-1909)n une
œuvre monumentale et majeure du répertoire pianistique, composée en
quatre ans et terminée un an avant la mort du compositeur. Comprenant douze pièces réparties en quatre
cahiers, chaque pièce porte un nom de lieu ou de danse, faisant le plus souvent
référence à l’Andalousie. Plus qu’une
œuvre à programme, il s’agit ici de l’évocation libre d’un pays imaginaire
profondément marqué, toutefois, par le caractère et l’humour espagnols. Une musique pleine de couleurs et d’images,
magnifiquement interprétée par le jeune et virtuose pianiste japonais
Kotaro Fukuma, qui semble, tout comme Debussy, particulièrement attaché à
cette suite. Un pianiste à suivre et un
disque à écouter sans modération, comme une invitation au voyage.
Patrice Imbaud.
Hommages. Musique
française pour viole de gambe & clavecin. Mieneke van der Velden (viole de gambe),
Glen Wilson (clavecin). Ramée/Outhere (www.ramee.org) :
RAM 1105. TT : 77’55.
L’éminente gambiste
hollandaise (www.mienekevandervelden.com)
& le claveciniste étasunien se penchent ici sur le grand répertoire français. Jean-Henri d’Anglebert
(1635-1691) : Préludes en do majeur & sol majeur. Marin Marais (1656-1728) : Suites en do majeur & mi majeur, Tombeau pour Monsieur de Lully. Antoine Forqueray (1671-1745) : Suites en sol majeur & en do mineur. Charles Dollé (1710-1755) : Tombeau de Marais le Père. Anonyme : Prélude en sol majeur.
Franz SCHUBERT (1797-1828) : Quatuors à cordes n°13 « Rosamunde » ;
n°14 « La Jeune fille et
la mort ». Quatuor Wihan. Nimbus Alliance (www.wyastone.co.uk) : NI 6189. TT : 79’33.
Sans volontarisme beethovénien
hors de propos, les membres de ce réputé quatuor (°1985), héritiers de la
grande tradition tchèque, jouent Schubert comme il se devrait toujours – en toute
sobre intériorité (www.wihanquartet.co.uk).
Gabriel FAURÉ : Pelléas et Mélisande op. 180, Élégie pour
violoncelle, Mélodies. Richard WAGNER : Siegfried-Idyll. Orchestre de
l’Opéra de Rouen/Haute-Normandie, dir. Oswald Sallaberger. Karine Deshayes (mezzo-soprano),
François Salque (violoncelle). Zig-Zag Territoires/Outhere (www.outhere-music.com) : ZZT 300. TT : 58’49.
Sous la souple houlette
de son chef autrichien (www.oswaldsallaberger.com),
l’Orchestre de l’Opéra de Rouen fait ici preuve de l’infinie douceur requise, fût-ce
dans Wagner… Bonheur, en outre, de retrouver la
grande mezzo Karine Deshayes dans la Chanson de Mélisande (Acte III, scène I), aussi bien que
dans les versions orchestrales de Roses d’Ispahan, Clair de lune, Le parfum impérissable, Mandoline, Lamento. Excellent François Salque, au
violoncelle…
Maurice RAVEL
(1875-1937) : L’œuvre complet pour piano. Alice Ader, piano. 2 CDs Fuga Libera (www.fugalibera.com) :
FUG 592. TT : 2h23’48.
Interprétations
d’une enfant sage… Premier CD : Gaspard
de la nuit, Sérénade grotesque, Pavane pour une infante défunte,
Jeux d’eau, Prélude, Miroirs. Second CD : Le tombeau
de Couperin, Menuet sur le nom de Haydn, Sonatine, À la manière de…, Valses
nobles et sentimentales, Menuet antique. Manque toutefois le Menuet en ut# mineur
(1904), partition récemment mise au jour.
Claude DEBUSSY (1862-1918) : L’œuvre pour 2 pianos & pour piano à quatre-mains. Christian Ivaldi & Noël Lee. 2 CDs Arion (www.arion-music.com) :
ARN 248128.
Deux éminents
interprètes de Debussy conjuguent ici leurs talents pour interpréter de
célèbres pages originellement écrites pour un ou deux pianos à
quatre mains (Petite Suite,
Marche écossaise, Six Épigraphes antiques, En Blanc et Noir) mais
aussi des pièces de jeunesse moins connues (Andante,
Diane, Triomphe de Bacchus, Intermezzo, Divertissement). Non sans de précieuses transcriptions d’œuvres
symphoniques (Prélude à l’après-midi d’un
faune, La Mer).
Claude DEBUSSY (1862-1918) : Le Martyre de saint Sébastien, musique de scène
pour le mystère en 5 actes de Gabriele d’Annunzio. Isabelle Huppert (récitante), Sophie
Marin-Degor (soprano), Kate Aldrich & Christine Knorren
(mezzo-sopranos). Orchestre national de France et Chœur de Radio France,
dir. Daniele Gatti. Radio France (www.kiosque.radiofrance.fr) : FRF 007. Distr. Harmonia Mundi. TT : 62’58.
Assailli de
contingences matérielles, Debussy composa, en peu de jours, « une
partition pour laquelle il eût fallu, régulièrement, un an » (Claude
Debussy à Comœdia). L’œuvre – en un prologue &
cinq « mansions » - n’en est pas pour autant baclée et le
compositeur fut ému aux larmes (dixit Émile Vuillermoz)
le soir de sa création, le 22 mai 1911. Capté live au Théâtre des Champs-Élysées, le 9 avril 2009, cet enregistrement fera
date pour, notamment, la louable sobriété de tous les protagonistes, solistes,
chœurs, orchestre et même récitante qui fait humble profil dans le rôle du
saint – ce qui n’était assurément pas dans l’esprit exalté du librettiste…
« Precipitando »… Alban BERG : Sonate op. 1. Leoš JANÁČEK : Dans les brumes. Franz LISZT : Sonate en si mineur. Dénes Várjon, piano. ECM/Universal (www.ecmrecords.com) :
476 4585. TT : 57’09.
D’une frémissante
sensibilité mais aussi d’une rare puissance visionnaire est le pianiste
hongrois Dénes Várjon – singulièrement dans ce répertoire qui lui sied à
merveille… Il enseigne à
l’Académie Liszt de Budapest (dont il fut naguère lauréat) - sans
préjudice de constantes tournées dans le monde.
Gabriel FAURÉ, Léo DELIBES, Guy ROPARTZ,
Fernand de LA TOMBELLE : Quatre messes brèves. Ensemble vocal féminin « Modulation »,
dir. Lucie Roy. Anne-Marie Suire
(soprano). Jacques Boucher
(Grand orgue Casavant de la cathédrale Saint-Hyacinthe de Montréal). Société métropolitaine du disque (www.modulation.ca) : SMD 208.1.
C’est une nouvelle fois
grâce à nos amis canadiens (avec toutefois le partenariat de la Fondation Palazzetto Bru Zane)
qu’auront été enregistrées des œuvres par trop ignorées de grands compositeurs
français. La Messe basse (1907) de Fauré constitue une restructuration de la Messe des Pêcheurs de Villerville (1881) qu’il avait écrite - en collaboration avec son ami André Messager -
pour les paroissiennes d’un village normand. La profonde intériorité de la Messe brève de Léo Delibes ne
laisse pas de surprendre de la part du compositeur de Lakmé et de tant de musiques de ballet. La Messe brève
en l’honneur de Sainte Anne (1921) de Joseph-Guy Ropartz, rend
hommage - dans la simplicité de do majeur
- à la grand’mère du Christ, tant vénérée en Bretagne. La Messe brève
à deux voix égales (1883) de Fernand de La Tombelle révèle un fin
musicien, qu’il ne serait pas malvenu de sortir d’un trop long purgatoire.
Théodore DUBOIS (1837-1924) : Ouverture de Frithiof, 2e Concerto pour piano, Dixtuor. Vanessa Wagner, piano. Les Siècles, dir. François-Xavier Roth.
Musicales/Actes Sud : ASM 09. Distr. : Harmonia Mundi.
TT : 1h04’08.
Fort habile
compositeur, longtemps desservi par la célébrité de son Traité d’harmonie, Théodore Dubois regagne aujourd’hui la
faveur des organisateurs de concerts. À juste
titre, comme peut nous en convaincre l’écoute de ces plaisants kaléidoscopes de
tournures volontiers empruntées de Liszt, Franck ou… Saint-Saëns, à qui il
succéda à la tribune de La Madeleine.
Benjamin BRITTEN : Suite III, op.87. Jean-Sébastien BACH : Suite VI,
BWV 1012. György LIGETI : Sonata. Miklós Perényi,
violoncelle. ECM/Universal (www.ecmrecords.com) :
476 4166.
Dédicataire de la 3e Suite pour violoncelle seul de Britten, Mstislav Rostropovitch la considérait comme l’un des plus
hauts chefs-d’œuvre dédiés à l’instrument. Miklós Perényi nous en convainc à son
tour. Somptueuses sonorités…. Quant à l’effarante technicité de la Sonate de Ligeti, comment ne pas s’exclamer :
« Pas possible, ils sont plusieurs !... »
Claude DEBUSSY (1862-1918) : Les trois Sonates (violoncelle & piano / flûte, alto
& harpe / violon & piano). Saphir Productions (www.saphirproductions.net) : LVC 001008. TT : 42’18.
Heureuse réunion de
trois œuvres relativement peu jouées, dans l’interprétation de six éminents solistes
français : Jean-Pierre Rampal (flûte), Marielle Nordmann (harpe),
Patrice Fontanarosa (violon), Émile Naoumoff (piano),
Bruno Pasquier (alto), Roland Pidoux (violoncelle). Livret en français, anglais, allemand. Sur la couverture du disque est reproduite La Valse de Camille Claudel,
statuette que le musicien conserva jusqu’à sa mort dans son cabinet de travail –
en souvenir de leur rencontre.
Claude DEBUSSY (1862-1918), César FRANCK
(1822-1890) : Sonates pour violon & piano. Gérard Poulet (violon),
Bruno Rigutto (piano). Saphir
Productions (www.saphirproductions.net) : LVC 1033. TT : 53’14.
Enregistré live à l’Archipel (célèbre petite salle
parisienne du boulevard de Strasbourg), ce brillant concert donna lieu,
en outre, à trois « encores » ici présents : Liebeslied de Fritz Kreisler, Habanera de Maurice Ravel et Vocalise de Serge Rachmaninov. Mémorable soirée !
Charles TOURNEMIRE (1870-1939) : Resurrectio /
Nativitas / Trinitas. Vincent Boucher (orgue). 3 CDs Atma Classique (www.atmaclassique.com) : ACD2 2470, ACD2 2471,
ACD2 2472.
Sur divers
instruments de « la Belle Province », le jeune et réputé Vincent Boucher
a ici réuni, en trois opus, une bonne part de l’œuvre organistique de celui
qui, durant quelque 40 ans, fut titulaire, à Paris, de la tribune de
Sainte-Clotilde. Resurrectio : Choral-improvisation sur le Victimae
paschali laudes (1930), Lento, Toccata, Suite évocatrice, Office Dominica Resurrectionis, Postludes pour
antiennes de Magnificat. Nativitas : Cinq
improvisations, Variae preces,
Fresque symphonique sacrée n°1, Postludes pour antiennes de Magnificat, Petites fleurs musicales,
L’orgue mystique. Trinitas : Triple choral, Postludes pour antiennes de Magnificat.
Georges ENESCO (1881-1955) : Trio en sol mineur, Sérénade lointaine, Trio
en la mineur. Trio Brancusi. Zig-Zag Territoires (www.outhere-music.com) : ZZT 303.
À l’instar de
Liszt, Rachmaninov ou Busoni, Georges Enesco fut longtemps desservi par sa
réputation de virtuose. Mais le compositeur
est désormais unanimement reconnu. Sont ici réunies trois œuvres, dont
notamment le Trio en sol mineur (1er enregistrement
mondial). Parfaite mise en place &
enthousiasme contagieux d’excellentes musiciennes : Saténik Khourdoïan
(violon), Laura Buruian (violoncelle) & Mara Dobresco (piano).
Charles IVES (1874-1954) : Quatre Sonates pour violon & piano. Hilary Hahn (violon), Valentina Lisitsa
(piano). DG/Universal (www.deutschegrammophon.com) : 477 9435. TT : 57’24.
Hilary Hahn
& Valentina Lisitsa sont, de longue date, familières de ces pages peu
rebattues – dont elles savent admirablement dégager la force visionnaire, non
moins que la nostalgique beauté.
Dmitri SHOSTAKOVICH
(1906-1975) : Concerto pour piano n°2, op. 102. Concerto pour piano, trompette
& cordes, op. 35. Sonate
pour violon & piano, op. 134. Alexander Melnikov (piano),
Isabelle Faust (violon), Jeroen Berwaerts (trompette). Mahler Chamber Orchestra, dir.
Teodor Currentzis. Harmonia Mundi (www.harmoniamundi.com) : HMC 902104. TT : 74’11.
Art propre à
Chostakovitch d’user de langages différents et de les détourner de leurs
ordinaires contexte & propos… Ainsi en va-t-il dans ces œuvres, extatiques,
poignantes ou ricanantes, interprétées par de grands artistes, intimement
concernés à l’évidence.
Stefano GERVASONI (°1962), Giacomo MANZONI (°1932), Anton WEBERN (1883-1945) : Pièces pour
orchestre. Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI, dir.
Lothar Koenigs. Stradivarius (www.stradivarius.it) : STR 33872. TT : 69’16.
Il s’agit là du 3e volume de « Milano Musica Festival Live ». Réunissant, de
Stefano Gervasoni : Metà della ripa (2003, commande de
Radio France, donnée ici en 1re audition) / de
Giacomo Manzoni : Ode (1982) et Semblanti (2003) /
d’Anton Webern : Passacaglia,
op. 1 (1908).
Luca FRANCESCONI (°1956), Ivan FEDELE (°1953), Giovanni VERRANDO (°1965) : Pièces pour formations
instrumentales. Orchestra
Sinfonica Nazionale della RAI, dir. Roberto Abbado. Ensemble Intercontemporain, dir. Pierre Boulez. Quartetto d’archi di Torino. Stradivarius (www.stradivarius.it) : STR 33891. TT : 55’43.
Il s’agit, cette
fois, du 4e volume de « Milano Musica Festival Live ».
Réunissant, de Luca Francesconi : Rest (2003, concerto pour violoncelle, soliste : Enrico Dindo) ;
d’Ivan Fedele : Duo en
résonance (1991, pour deux cors & ensemble, solistes :
Jens McManama, Jean-Christophe Vervoitte) ; de
Giovanni Verrando : Quatuor à
cordes n°2 (1999).
Harrison BIRTWISTLE (°1934) : Pièces pour quatuor à cordes. Arditti Quartet. Aeon /Outhere (www.aeon.fr) :
AECD 1217. TT : 59’36.
Le Britannique
Harrison Birtwistle aura attendu l’aube de ses 60 ans pour s’intéresser au
quatuor. Sont ici réunis : 9 mouvements pour quatuor à cordes (1991-1996)
et The Tree of Strings (2007) - pièce
d’un âpre laconisme, dédiée aux Arditti.
Valerio SANNICANDRO (1971) : Ius Lucis, pour 2 ensembles dans
2 salles. MusikFabrik /
Ensemble für Neue Musik, dir. Pierre-André Valade. Super Audio CD Wergo (www.wergo.de) : WER 2065 2. TT : 51’40.
Commandée pour le
30e anniversaire du Centre Pompidou (2006-07), cette œuvre
nécessite deux ensembles placés dans deux salles reliées entre elles
– chaque ensemble transformant la musique en temps réel, technique entraînant
des combinaisons de synthèse sonore variées. La pièce doit donc être jouée deux fois,
une fois pour chaque ensemble/espace. Divisé
en deux groupes, le public est censé changer de salle à l’entracte
(TT : 25’46 + 25’46). Tombeau de Stockhausen ? Gaminerie ? (Pour en juger : www.youtube.com/watch?v=1dycaaxvufu)
Kryštof MAŘATKA (°1972) : Musique de chambre. Ensemble Calliopée /Paris, direction
artistique : Karine Lethiec. Sandrine Chatron,
harpe solo. Dux (www.dux.pl) : 0784. TT : 52’34.
Dans la collection
« Young composers in homage to Frederic Chopin », sont ici
réunies deux œuvres de grande dimension du compositeur franco-tchèque
Kryštof Mařatka : Praharphona Sextet,
« musique de l’ancienne et de la nouvelle Prague », pour harpe,
quatuor à cordes & percussions (2009) et Hypnózy, pour quintette à vent (2006). Davantage inspirées de la Bohème natale du
compositeur que de la Pologne, ces pièces sont d’une exceptionnelle richesse
imaginative - dans l’alliance des timbres, notamment.
Trésors de Russie. Modeste
MOUSSORGSKI (1839-1881) : Tableaux
d’une exposition (Brigitte Engerer, piano). Piotr Ilitch TCHAÏKOVSKI
(1840-1893) : Symphonie n°6 « Pathétique » op. 74, Sérénade pour cordes op. 48
(Royal Philharmonic Orchestra, dir. Daniele Gatti). Sergei RACHMANINOV (1873-1943) : Vêpres, Matines (Estonian Philharmonic Chamber Choir, dir.
Paul Hillier). Coffret de 3 CDs Harmonia Mundi (www.harmoniamundi.com) : HMX 2908385.87. TT : 3h10’55.
Tableaux fantasmagoriques par la grande Brigitte
Engerer… Du même compositeur, elle
interprète également : Une nuit sur
le Mont Chauve, Gopak, Une larme, Niania & moi, Scherzo en ut# mineur et Souvenir d’enfance
n°2.
Tour à tour
méditative, poignante ou exaltée, cette relecture de la « Pathétique », par
Daniele Gatti, s’inscrit auprès des plus grandes. Élégiaque Sérénade
pour cordes…
Sous la direction
de Paul Hillier, maître du genre, l’Estonian Philharmonic Chamber Choir
(30 membres, dont l’extraordinaire basse profonde
Vladimir Miller) exalte à souhait ces Vêpres sublimes.
Melancolia, Spanish Arias & Songs. Patricia Petibon, soprano. Orquesta nacional de España, dir.
Josep Pons. DG/Universal (www.deutschegrammophon.com) : 477 9447. TT : 57’24.
Toujours aussi imprévisible
est la soprane Patricia Petibon ! Flamboyante, libre, profondément sensuelle, elle s’approprie ici tout
un répertoire dans lequel on ne l’attendait guère : Granados,
Montsalvatge, Villa-Lobos, Turina, Giménez, Saavedra, Falla, Torroba, Simeón,
Bacri. Elle y est… emperadora !
Year of the Snake. Fly Trio : Mark Turner
(saxophone ténor), Larry Grenadier (contrebasse), Jeff Ballard
(batterie). ECM /Universal (www.ecmrecords.com) : 2776644. TT : 60’00.
Révélation de trois
jazzmen au jeu d’une exceptionnelle densité rythmique et harmonique. Douze titres originaux : Festival Tune, Brohersister, Diorite, Kinsgston, Salt and Pepper,
Benj, Year of the Snake + 5 Interludes. Consulter : www.flytrio.com
Masabumi Kikuchi Trio : Sunrise. ECM/Universal : ECM 278 9555.
Pianiste &
compositeur de jazz, Masabumi Kikuchi (°1939, Tokyo) joue ordinairement en trio
avec le batteur Paul Motian et le bassiste Gary Peacock (ce dernier
est ici remplacé par l’excellent Thomas Morgan). Un jazz merveilleusement économe où chacun
sait écouter ses partenaires, aux pulsations souvent inexprimées mais non moins
ressenties. Douze titres aux frontières
de l’atonalisme, du silence et du rêve… Un bonheur rare !
Loreena McKENNITT
(°1957) : Troubadours
on the Rhine, a trio performance. Quinland Road (www.quinlandroad.com) : QRCD 115.
Sur des textes de
W. B. Yeats, d’Alfred Tennyson, d’elle-même ou empruntés de « traditionals »,
la merveilleuse chanteuse canadienne Loreena McKennitt (voix, harpe,
piano) nous livre ici neuf mélodies de son cru ou adaptées d’anciennes
mélodies. Avec le concours de
Brian Hughes (guitares & synthétiseur) et Caroline Lavelle
(violoncelle). Il s’agissait là d’un
concert privé donné, en mars 2011, dans les studios de la Südwestrundfunk (SWR)
à Mayence.
Francis Gérimont.
Jean-Sébastien
BACH : Cantates BWV 82 « Ich habe
genug », BWV 169 « Gott
soll allein mein Hertz haben », BWV 150 (Sinfonia), BWV 200 « Bekennen will ich seinen
Namen », BWV 161 « Komm, du süsse Todesstunde »,
BWV 53 « Schlage doch, gewünschte Stunde ». Andreas Scholl, contre-ténor. Kammerorchestrer Basel, dir. Julia Schröder. Universal/Decca : 478 2733.
TT : 63'30.
Les cantates
d'église sont au cœur de la production vocale du Cantor et jalonnent ses diverses étapes, Mülhausen,
Weimar, Coethen, Leipzig. Elles ont été
écrites le plus souvent pour une formation instrumentale restreinte. Andreas Scholl a choisi de réunir deux
œuvres majeures. « Ich habe genug », BWV 82, composée en 1727,
pour voix de basse, s'adapte bien à la tessiture de contre-ténor, eu égard à
son instrumentation de cordes avec hautbois solo. Le ton doux de la voix claire s'allie
parfaitement au son plaintif du hautbois d'amour. L'incursion, peu habituelle,
dans la partie grave du registre du contre-ténor, dans le deuxième air,
« Laissez le sommeil vous envahir, yeux accablés », établit un climat
hypnotique. Dans l'aria finale, le
contraste de la joie exprimée par la musique, et du texte qui voit le récitant
se réjouir à la pensée de la mort, est confondant. La cantate BWV 169 est plus développée,
munie d'une sinfonia en ouverture, menée dans un rythme engageant, avec un
agréable contrepoint. Le rôle dévolu à l'orgue sera essentiel, qui en pare les
diverses séquences, dont l'arioso et le premier air, comportant un obligato de
l'instrument. Le 2e air, « Meurs en moi, monde, avec
toutes tes affections » introduit cette atmosphère de paix, typique, que
le Cantor instille dans bien des pages de sa musique sacrée, dont, bien sûr,
les Passions. Cette douce insistance du
discours des cordes sertit le texte vocal. Le choral final, réduit à quatre
solistes, conclut en action de grâce. Scholl a juxtaposé quelques arias éparses,
dont celle de la cantate « Bekennen will ich seinen Namen », avec
deux violons & continuo, le récitatif de la cantate BWV 161, plus
dramatique, et surtout l'originale aria de la cantate BWV 53, où deux
cloches cristallines scandent comme un glas, l'attente souhaitée, presque
allègre, par l'homme, de sa dernière heure. Dans un essai, reproduit sur la
plaquette du disque, Andreas Scholl explique comment, pour lui, il faut
distinguer le « savoir », fruit de l'intuition, et le
« croire », issu de l'enseignement. Combien aussi est essentiel le pouvoir de
communication par la musique avec l'auditeur : faire passer le message,
être, comme il dit, « connecté » avec le public, permettant à celui-ci
de saisir même ce dont il n'a qu'une connaissance approximative. Son chant est sincère, et l'émotion est le
fruit plus d'une approche objective que d'une quête de sentiment. Si la voix a perdu de son opulence, les
inflexions sont merveilleusement ménagées tant dans les récitatifs, dont il
libère la dramaturgie sous-jacente, que dans les arias qui déploient leur
pouvoir de séduction. L'accompagnement orchestral est pénétrant et les
sonorités moirées.
Serge RACHMANINOV : Danses
symphoniques op. 45. Igor STRAVINSKY : Symphonie en trois
mouvements. LSO, dir. Valery Gergiev. LSO Live : LSO 0688.
TT : 58'33.
Les Danses
symphoniques sont la dernière œuvre de Serge Rachmaninov. Elle sera créée en 1942, à Philadelphie, par
Eugène Ormandy. Son message n'est
pas clairement défini. Le compositeur a, pour ces trois séquences, invoqué
« midi, crépuscule, minuit ». Au-delà
de la notion de programme, elle reste insaisissable. Mais ce qui étonna à l'époque a fait place à
une admiration quasi unanime devant son brio orchestral. Les trépignements
de l'orchestre, qui ouvrent le premier volet, s'effacent vite devant une
section d'une grande douceur lyrique, confiée aux seuls bois, établissant un
climat étrange, mélancolique, qui va se communiquer aux cordes. La valse symphonique lente, dont le rythme est
comme écrasé, libère, en deuxième partie, quelque chose de macabre,
fantomatique, bercé de réminiscences. La
dernière partie est hantée par le thème du Dies Irae. Là encore, plusieurs
phases se succèdent : après un allegro dynamique, qui introduit le spectre
de mort, une séquence plus lente installe une sorte de fatalité, largement due
au recours à un chromatisme insistant. L'ultime section déroule un combat où le
Dies Irae semble vaincu par quelque chant liturgique heureux. Gergiev est
indéniablement en empathie avec cette musique. Si Rachmaninov, dans cet adieu musical, refuse
de tourner le dos à un romantisme qu'il glorifia tant, Igor Stravinsky, à
la même époque, le réfute délibérément. La Symphonie en trois mouvements, écrite entre 1940 et 1945, créée en 1946,
est un des chefs-d'œuvre de la maturité, empli d'énergie. La pièce lui aurait été inspirée par les
horreurs de la guerre. Quoiqu'il
s'agisse de scènes de guerre, plus que d'une symphonie de guerre, au sens où le
concevra, par exemple, Chostakovitch. Une
obstination du rythme, qu'on n'avait plus rencontrée depuis Le Sacre,
quelque trente ans plus tôt, caractérise le premier mouvement. La mélodie des flûtes, aimablement saccadée,
dans l'esprit des pages néo-classiques de l'opéra The Rake's Progress,
apporte un étonnant changement de ton au deuxième. La puissance militaire retrouve ses droits au
troisième, avec ses syncopes marquées. Mais la manière garde une patte qui
n'est que gentiment agressive. L'exécution de Gergiev est, somme toute, très
policée, qui asservit la tension au profit de la rondeur, d'une prise de
distance, peu ordinaire chez lui, qui le différencient de beaucoup de ses
confrères. Gergiev joue plus de l'écart
de dynamiques que de l'anguleux rythmique. Les musiciens du LSO, en tout cas, font leur,
aussi bien l'une que l'autre de ces musiques. Un curieux couplage au
demeurant.
Alban BERG : Concerto pour violon « À la mémoire d'un ange ». Ludwig van BEETHOVEN : Concerto pour violon op. 61. Isabelle Faust, violon. Orchestra Mozart, dir. Claudio Abbado. Harmonia Mundi : HMC 902105.
TT : 68'58.
L'idée de
rapprocher les deux concertos revient à Claudio Abbado qui, après avoir joué le
Beethoven avec Isabelle Faust, souhaitait poursuivre la collaboration dans
le Berg. Ils ont, en effet, en
commun d'avoir marqué leur époque de leur imaginative modernité. Alban Berg, sollicité par le violoniste
américain Louis Krasner, d'écrire un concerto, hésita d'abord. Un
événement tragique, la mort de la jeune Marion Gropius, fille d'Alma Mahler,
et pour laquelle il éprouvait une vive affection, brusqua les choses, donnant
au concerto une dimension de requiem. Basé
sur l'utilisation du chromatisme, conciliant diatonisme et dodécaphonisme, et construit
en forme d'arche, comme l'opéra Lulu, dont Berg dût interrompre la
composition, il se compose de deux parties. La première débute par un envoûtant soliloque
du violon, pour développer un vaste matériau, quoique souvent atomisé, de par
l'art si particulier du compositeur de ménager « la transition
infime » (Th. W. Adorno). Le second mouvement s'ouvre par une succession
d'éclats, à la foi de l'orchestre et du soliste, empruntant au climat
horrifique de Lulu, qui préludent à un allegro libre, d'une tension
soutenue, voire tumultueuse, dans lequel les phrases arrachées du violon
inscrivent comme une hargne d'impuissance devant la mort. Puis s'installe une section adagio, énonçant
le beau choral luthérien « Es ist genug ». L'apaisement troublant ainsi introduit laisse
place à la lente progression du chant soliste, sur un contrepoint des bois,
relayé par les cordes, vers un sommet d'incandescence qui peu à peu, par
décantation, devient extatique. Le
soliste se fond plus dans l'orchestre qu'il ne dialogue avec lui. Isabelle Faust joue la pièce avec sincérité,
elle-même émue de se trouver épaulée par le maestro Abbado, dont on sait les
affinités avec l'univers de Berg. Une
flamme intérieure et une beauté du son absolument uniques marquent cette interprétation
d'une pierre blanche. « De la
douleur et la plainte d'Alban Berg au choral rédempteur de Bach jusqu'à un
Beethoven radieux, apparemment délivré de toutes les afflictions
terrestres » : ainsi la soliste explique-t-elle l'enchaînement des
deux pièces. L'exécution du célèbre
concerto beethovénien sera tout autant révélatrice. L'allegro ma non troppo
est, justement, pris mesuré par le chef, créant une douce quiétude. Non que la
battue ne s'anime pas ensuite. Mais le geste ne sera jamais heurté. Aussi le
dialogue du violon avec la petite harmonie est-il d'une réelle distinction lors
du fameux passage lent ponctué de la percussion. Au moment de la cadence, l'archet déploie sa
belle digression sur fond de timbales ppp. Le larghetto est d'une plasticité
saisissante : les premières pages, lorsque le violon est accompagné par la
clarinette, puis par le basson, tutoient le sublime. L'orchestre assagi, mais
combien expressif, lui compose un mirifique écrin. Après la transition ex abrupto, le rondo final est pris très allant, rehaussant sa manière
dansée, et la cadence sera allègre, comme l'ultime reprise glorieuse. Là encore, Isabelle Faust fait montre d'une
maîtrise toute en finesse. La complicité avec le chef est remarquable, dans une
pièce qui, comme le Berg, tient le soliste et l'orchestre à parts égales. Nulle mise en avant, mais une démarche de primus inter pares.
L'excellence des musiciens de l'Orchestra Mozart ajoute au prestige de ces
exécutions, comme un enregistrement clair et bien proportionné. Un disque rare.
« Ferveur
et extase ». Francesco CAVALLI : Canzon, Lamento di
Didone, extrait de La Didone. Luigi ROSSI : Les pleurs
d'Orphée. Alessandro SCARLATTI : Sinfonia, recitativo et arias,
extraits de La Didone delirante, Concertos pour flûte, deux violons
& basse, en fa majeur, en ré majeur, en la mineur. Michangelo FAGGIOLI : Cantata a voce
sola. Andrea FALCONIERI :
Passacaille. Barbara STROZZI : O Maria. Biagio MARONI : Sinfonia primo tono. Claudio MONTEVERDI : Il pianto
della Madonna. Henry PURCELL : Lamento de Didon, extrait de Didon &
Eneas. Stéphanie d'Oustrac,
mezzo-soprano. Amarillis, dir.
Héloïse Gaillard, Violaine Cochard. Ambronay : AMY027. TT : 64'18.
Le programme compréhensif de ce disque est forgé
à l'image du concert. Outre qu'il réunit pages vocales et instrumentales du seicento,
il est travaillé autour d'une thématique qui imprime au parcours une didactique
intéressante : à la recherche de l'émotion, au cœur de la sensibilité
baroque, à la fois dans le profane et dans le sacré. Une vision en écho, de l'extase à la ferveur,
qui au final, dépeint le même visage de l'amour, le même langage de la passion.
Elle le sera à travers l'exploration de deux mythes, celui, prolifique, de la
reine Didon, celui du culte à la Vierge Marie. Du premier, le lamento de Didon au final du
drame La Didone de Cavalli, offre un épanchement ému dans son
expression de gloire déchue. Les pages de La Didone delirante de
Scarlatti ne sont pas moins démonstratives : l'air vindicatif « Furie,
turbini dell'onde » (furies, tourbillons des ondes) débite un délire
vengeur devant un départ annoncé. Michelangelo Faggioli (1666-1733), à
l'orée du XVIIIe, reprendra encore cette même veine, dans sa
« cantata a voce sola », d'une vocalité très brillante. On ne saurait compter, bien sûr, sans
Henry Purcell : le désespoir envoûtant des derniers instants de Didon
a marqué l'histoire de la musique opératique. Le second thème du culte marial, est illustré par la plainte
« O Maria » de Barbara Strozzi, véritable déclaration
d'amour, « comme tu es belle », ou encore le pénétrant « Il
pianto della Madonna » de Monteverdi. Ce lamento, qui conclut la Salve morale e spirituale (1641), est l'équivalent spirituel du Lamento
d'Arianna, témoignant d'une étonnante largeur d'esprit chez le compositeur
italien, qui cherche à relier profane et religieux dans l'expression du
sentiment amoureux. Chanté en latin, il
exprime une infinie douleur, mais sur le mode décalé, presque parodique. Stéphanie d'Oustrac, désormais figure de la scène musicale
française, appréciée dans la récente reprise d'Atys à l'Opéra-Comique,
offre un timbre rare de mezzo-soprano. L'émotion
frémissante pour traduire les affetti est combinée à une ardeur
irrépressible. L'empathie pour le recitar cantando est certaine.
Une intéressante contribution purement orchestrale complète le CD, avec des
pages sensibles de Cavalli, Scarlatti, Marini et du peu connu Andrea Falconieri
(1585-1656). Là, comme dans les accompagnements du chant, se déploient les
immenses qualités de l'ensemble Amarillis : sonorités recherchées et
grande technicité instrumentale. La flûte d’Héloïse Gaillard est, à elle
seule, un autre sujet de ravissement.
« Musique
à la cour de Frédéric le Grand ». Johann Gottlieb GRAUN : Ouverture et Allegro,
en ré mineur. Concerto en ut mineur « per il Viola da
Gamba concertata ». Christoph NICHELMANN : Concerto en la mineur « per il Cembalo
concertante ». FRIEDRICH
« DER GROSSE » : Sonate en ut mineur « per il Flauto traverso solo e Basso ». Carl Philipp Emanuel BACH : Sinfonie
en ré majeur n°1,
Wq 183, 1. Akademie für Alte
Musik Berlin. Harmonia Mundi :
HMC 902132. TT : 73'58.
Berlin fut au XVIIIe siècle une capitale musicale incontestable, sous l'impulsion du roi
Frédéric II, qui réunit un orchestre de cour, faisant appel aux plus
éminents musiciens du moment. En cette année de commémorations de
l'anniversaire de sa naissance, ce disque propose une anthologie remarquable de
ces musiques. Frère du compositeur
d'opéra Carl Heinrich Graun, Johann Gottlieb Graun (1703-1771) exerça
les fonctions de maître de chapelle du futur roi, avant de devenir maître de
concert de sa cour. Il a beaucoup écrit,
de la musique instrumentale essentiellement, dont moult ouvertures. Celle présentée, en ré mineur, en deux parties, est bien sentie par ses rythmes
pointés. Un bel exemple du classicisme berlinois de cet âge d'or. Le Concerto pour viole de gambe l'illustre
pareillement. La place de cet instrument était grande alors, car on louait son
ample expressivité. Celle-ci s'exprime dans la pièce jouée ici, dans les
mouvements rapides, où l'orchestre de cordes de couleurs sombres entoure le
soliste pour un dialogue vif, particulièrement serré au finale. Christophe Nichelmann (1717-1762), élève
de Jean-Sébastien Bach, devient claveciniste de la chapelle du roi à compter de
1745, aux côtés de CPE. Bach. Le Concerto
pour clavecin, joué ici sur pianoforte, se situe dans le sillage de ce dernier. D'une facture complexe, son premier
mouvement est enlevé, le soliste gambadant à l'envi sur des lâchers de notes des
cordes. L'adagio, « sempre piano », favorise un chant élégiaque
et le presto final est fort virtuose. De
Frédéric II lui-même, fin musicien et compositeur à ses heures pour son
instrument favori, la Sonate pour flûte & basse (ici pour pianoforte)
adopte le schéma lent-modéré-rapide. Elle
s'ouvre par un « recitativo » introduisant un climat proche de la
musique vocale, qui va se développer tout au long du morceau. La manière est sérieuse, dans l'esprit de ces soirées
de cour où l'on se réunissait autour du monarque pour faire de la musique. Enfin de CPE. Bach est proposée la
Sinfonie n°1. Celle-ci dépasse le cadre thématique fixé, car appartenant à
la période hambourgeoise du musicien, après qu'il eut quitté le service de
Frédéric. Sa liberté retrouvée le
conduit à plus d'audace. L'introduction des bois, aux côtés de cordes, est de
celles-là, comme le rôle essentiel confié aux flûtes. L'entrée en matière est originale, avec un
effet inattendu crescendo, presque panique, pointant le discours des cordes,
émaillé de touches des bois. Un court
adagio, pénétrant, ouvre le finale preste, tout en contraste, livrant une
fertile imagination dans la conduite du discours. L'Akademie für alte Musik joue ces musiques
avec une rare excellence instrumentale.
Felix
MENDELSSOHN : Christus. Oratorio op.
97 pour soprano, ténor, deux basses, chœur mixte & orchestre. Texte de Christian von Bunsen. Cantates « Verleih
uns Frieden gnädiglich », « O haupt voll Blut und Wunden » &
« Vom Himmel hoch ». Sandrine Piau (soprano), Markus Butter
(baryton), Robert Getchell (ténor). Chœur Accentus. Ensemble
orchestral de Paris dir. Laurence Equilbey. Naïve : V5265. TT : 48'19.
Mendelssohn ne put
mener à bien l'achèvement de Christus, son troisième oratorio, qui
devait être le dernier volet de sa trilogie sacrée, aux côtés de Paulus et de Elias. Une somme quasi œcuménique, mesurée à l'aune de ses
origines juives et de ses croyances chrétiennes. Il n'a laissé qu'un tiers de la musique qu'il se proposait de coucher sur le papier, esquissée en 1844 pourtant,
trois ans avant sa disparition. La
troisième et dernière partie, « La Résurrection », manque. Les mouvements existants des deux autres
parties, « La naissance du Christ », « La souffrance du
Christ », paraissent eux-mêmes fragmentaires, eu égard à l'ambition du
sujet. Tirées de la Passion, la première
se distingue par le chœur « Combien brille l'étoile du matin », la deuxième
par un beau récitatif mêlé au chœur, et le choral final « Il prit sur ses
épaules la charge qui me pèse », que Jean-Sébastien Bach utilise dans sa Passion selon saint Matthieu. L'hommage au Cantor est évident, dont
Mendelssohn ressuscitait alors, à Berlin, la célèbre œuvre, tout juste un
siècle après sa création. La partition
exige un orchestre nourri et quatre solistes. Le disque comprend encore trois cantates
allemandes, autre hommage à un glorieux passé de ces pièces sacrées que
l'auteur aimait tant, et au « vieux Bach » dont il se défend de
copier les formes « sans rien mettre dedans » (lettre à Devrient,
juillet 1831). La courte pièce
« Verleih uns Frieden gnädiglich » (1831), appel à la paix, presque
brahmsien dans son climat, fera l'admiration de Schumann, qui n'hésita pas à
dire « cette petite pièce mérite d'être célèbre dans le monde entier et le
sera à l'avenir ». La
cantate-choral « O haupt voll Blut und Wunden », qui s'inspire du
choral qui adorne tant la Passion selon
saint Matthieu, est traitée avec un souci certain d'originalité, dont
un contrepoint serré aux voix inférieures. L'air du baryton, qui s'en inspire également,
offre une superbe ligne. Le compositeur demandait à son interprète :
« Veuillez le chanter dans l'angoisse ». Enfin, la cantate « Vom Himmel
hoch » (1831), pour soprano, baryton et chœur à 5 voix, aligne six
parties. La première, la plus
développée, débute par un chœur allègre « un enfant vous est né »,
lui-même précédé d'une introduction extrêmement vive. Le grand orchestre, enrichi de cuivres et des
timbales, imprime au morceau un caractère grandiose. Du reste, se détache le
solo de la soprano, d'une émouvante simplicité sous la voix de Sandrine Piau. Accentus déploie, au travers de ces
diverses pièces, ses qualités de précision et de ferveur, sous la houlette de
Laurence Equilbey.
Jules
MASSENET : Werther. Opéra en
quatre actes. Livret
d’Édouard Blau, Paul Millet & Georges Hartmann. Rolando Villazón,
Sophie Koch, Audun Iversen, Eri Nakamura, Alain Vernhes, Stuart Patterson,
Darren Jeffery. Orchestra of the Royal Opera House, dir. Antonio Pappano. 2CDs Universal/DG : 477 9340. TT : 74'47 + 57'29.
Dans Werther,
Massenet porte au sommet l'art mélodique, qui sertit l'air dans le continuum
musical, bien avant le drame musical. Et
quelle concision, quel sûr instinct pour pousser le drame, grâce à la
soudaineté des contrastes. Les versions
au disque ne manquent pas. Celle-ci a
été saisie au Royal Opera de Londres, lors d'une reprise, en mai 2011,
de la mise en scène de Benoît Jacquot, également vue à l'Opéra Bastille. Pour sa seconde interprétation
enregistrée, Antonio Pappano livre une vision flamboyante, qui sait
trouver la juste proportion entre énergie farouche et lyrisme diaphane. L'attaque peut être vive, exacerbant le
dramatisme, comme au prélude du IIIe acte, portant les forces à
blanc, à la fin de ce même acte, superbement haletant. Les pages poétiques, tel l'interlude du
« clair de lune », ont un parfum de poésie vraie. L'orchestre du Royal Opera, n'était une
pointe d'acidité des violons, partiellement due à l'enregistrement, s'empare
avec justesse de ton du style français, traçant d'impressionnantes couleurs
sombres. L'attrait du disque est, nul
doute, la présence, dans le rôle-titre, de Rolando Villazón,
un de ses rôles emblématiques. Le
solitaire tourmenté, héros romantique par excellence, est indéniablement paré
d'éclat. L'empathie non moins certaine,
livrant une tension palpable lors des moments-clés, tels que les airs fougueux :
« J'aurai sur ma poitrine pressée... », ou « Pourquoi me
réveiller ». Mais la ligne vocale a
désormais quelque chose de forcé : nuances pianissimos peu naturelles, forte lâchés en paquets compacts. L'intonation n'est pas toujours idiomatique,
encombrée du tic de la note attaquée par dessous. Où est la fabuleuse et simple faconde qui
était la sienne dans ce répertoire français auquel il était
prédestiné ? Sophie Koch
s'impose comme l'interprète de choix de Charlotte, timbre idéal et large
ambitus pour ménager les longues phrases d'un rôle si porteur de messages. Même si, pas dans sa meilleure forme, elle
livre un portrait, lui aussi intense, qui culmine dans un IIIe acte
d'un rare achèvement. L'acuité du
récitatif, la souffrance de la femme aimante, qui transparaît dans l'air
« Je vous écris de ma petite chambre », sont d'une gravité
insondable. La confrontation avec
Werther sera tout autant emportée. La
tradition est, au Royal Opera, de réunir des distributions internationales
étudiées : outre le Bailli du français Alain Vernhes, qui illumine la
première scène de sa diction aristocrate, le Norvégien Audun Iversen,
Albert, offre un timbre de baryton lisse, un brin monotone, soulignant la
tristesse de cet antihéros. La japonaise
Eri Nakamura campe une Sophie mature, au timbre moins pointu que de
coutume. Ses deux airs traduisent
l'insouciante jeunesse de cette « petite sœur », qui pourtant sent la
réalité des choses. Pour le reste, on a
porté le souci sur la bonne articulation du texte français. Une belle version, certes. Mais moins séduisante que celle, en CD,
dirigée par le même Pappano, conduisant les stars Alagna et Georghiu, ou mieux
encore, celle en DVD, signée de Michel Plasson, avec la même Charlotte et
un fougueux Jonas Kaufman, et qui donne en plus à voir l'intelligente
régie de Benoît Jacquot.
« Two
Souls ». Aram KHACHATURIAN : Concerto pour violon et orchestre. Samuel BARBER : Concerto pour violon et orchestre op.
14. Adagio pour cordes op. 11.
Mikhail Simonyan, violon. London
Symphony Orchestra, dr. Kristjan Järvi. Universal/DG : 477 9827. TT : 70'.
Le Concerto de violon de Khachaturian,
dédié à David Oistrakh, qui le crée en 1940, valut à son auteur la
reconnaissance internationale. Il est
transcendé par une musicalité qui dépasse de loin toute couleur locale, sans
pour autant en amoindrir la portée. Le thème décidé, dansant, qui l'ouvre,
marqué allegro con fermezza, imprime sa couleur au premier mouvement,
contrebalancé par un deuxième, plus grave. La cadence, jouée ici, due au compositeur
arménien Artur Avanessov, se veut plus proche de l'idiome du pays
d'Arménie que celle, virtuose, conçue pour le dédicataire. Un grand silence la traverse pour installer un
climat d'une profondeur liturgique chrétienne. Un autre balancement dansant, de valse triste,
souligne, à l'andante sostenuto, chez le soliste la largeur du trait. On songe à l'empreinte du « Roi David »
dans le dialogue avec les bois. L'âme
arménienne revit là, en particulier dans la longue phrase des altos. Le
soliloque du soliste se développe d'abord dans la tonalité chambriste, avant
que l'orchestre ne laisse éclater sa pleine opulence, pour une conclusion qui
revient cependant à une expression tout en douceur. C'est à une fête brillante
que convie le finale vivace : le soliste se voit offrir une parure
brillante sur une trame orchestrale animée, d'un « drive »
irrésistible. Le violon est sollicité dans d'interminables guirlandes,
métamorphosant à l'envi le thème. La
conclusion sera glorieuse. Mikhail Simonyan
est un jeune talent natif de cette contrée, formé au Curtis Institute de
Philadelphie : sa profonde musicalité rejoint une vraie plénitude sonore. Le chef Kristjan Järvi, frère de Paavo,
a par leur père, Neeme un lien direct avec la musique de Khachaturian, que ce
dernier connaissait intimement. Le contraste est original avec le Concerto de
Barber, hommage de l'interprète à cette Amérique qui l'accueillit tôt dans sa
carrière. Cette autre « âme »
développe une écriture délicate, favorisant un ample lyrisme, comme toujours
chez le compositeur. La facture classique est présente dès le premier
mouvement, laissant le soliste chanter, dans une atmosphère intime. Le
mélodique prime, du fait d'un traitement séduisant de l'accompagnement des
cordes, les bois n'intervenant que parcimonieusement. Les choses semblent se précipiter ensuite,
mais le dernier mot restera lyrique. Une douce mélancolie se poursuit à
l'andante, par un envoûtant solo de hautbois, préludant à une introduction dont
se détache le violon solo. Mais le ton
vire rapidement au dramatique, sollicitant le grave de l'instrument, dans un
thème que n'aurait pas renié quelque compositeur russe, Rachmaninov par
exemple. Le long finale, presto, en
forme de mouvement perpétuel, découvre un nouvel univers, lumineux pour le
violon. Mikhail Simonyan dit
l'avoir abordé moins vite pour favoriser un jeu de style populaire. Son interprétation illumine cette pièce
attachante. L'adagio pour cordes, tiré de second mouvement du Quatuor op. 11,
joué ici dans sa version pour grand orchestre, livre une thématique pénétrante,
se développant en un immense crescendo porté jusqu'à l'incandescence, avant une
fin réfléchie. Les cordes du LSO y font
merveille.
Jean-Pierre Robert.
POUR LES PLUS JEUNES
Veronika KUZMINA (Musique originale) : 3 Contes
d’Andersen. Narratrice : Roxane Lebrun. Éponymes/Jeunesse (www.editions-eponymes.fr) : EPO 60162. Distr. Harmonia Mundi. TT : 51’00.
Riches de symboles
sont ces trois contes, ici délicieusement illustrés au piano
(49 plages) : La
Petite Poucette (qui épousera le prince des Elfes), Le Rossignol et l’Empereur de Chine (quand le chant permet de distinguer le Bien du Mal), Les Cygnes sauvages (où l’on voit récompenser l’amour
altruiste). À partir de 4 ans.
The
Heavy Fingers (Quatuor de saxophones) : Pierre and
the Loup. Narratrice :
Françoise Gambay. Éponymes/Jeunesse
(www.editions-eponymes.fr) : EPO 6017. Distr. Harmonia Mundi. TT : 38’00.
Sans, bien sûr, tenter
de faire pièce au chef-d’œuvre de Prokofiev (auquel il est
« thématiquement » rendu hommage), cette version du célèbre conte
russe ne manque ni d’allant, ni d’humour jazzy. Une étonnante réussite !…
Geneviève LALOY (chant, paroles & musiques) : Bleue. Victorie Music (www.club-tralalere.com) :
279 241-5. Distr. Universal.
Fort joyeux est ce
3e album de la bruxelloise Geneviève Laloy réunissant 14 titres inspirés - après
la Terre & l’Air - par l’Eau : première rencontre avec la mer, pirates,
larmes, océans d’étoiles, manque d’eau, orages, danses sous la pluie… Direction musicale & arrangements
(pour une vingtaine d’instruments acoustiques) assurés par l’excellent Philippe Laloy.
Francis Gérimont.
Christine FÉRET-FLEURY : La chanteuse de Vivaldi. Gallimard Jeunesse. De 9 à
13 ans. 144 p. 9,50 €.
XVIIIe siècle, Venise. Lucrezia, jeune
orpheline recueillie au couvent de la Pietà, a pour maître de chœur
Vivaldi. Si ce prêtre est un musicien de
génie, il se montre impitoyable envers ses jeunes élèves… sauf lorsque l’une
d’elles lui plaît, comme la belle Anna. Mais devenue cantatrice enviée, cette dernière reçoit des menaces de
mort. Lucrezia, qui veut protéger son amie,
va se retrouver, elle aussi, en butte aux rancœurs et aux jalousies… Ce livre permet de dévoiler une peinture
enlevée de la musique au XVIIIe siècle, racontée par une héroïne
émouvante.
Laëtitia Girard.
DVD
Gabriel FAURÉ
(1845-1924) : Requiem. Pavane. Élégie. Super flumina Babylonis. Cantique de Jean Racine. Chen Reiss (soprano),
Matthias Goerne (baryton), Éric Picard (violoncelle). Chœur &
Orchestre de Paris, dir. Paavo Järvi. EuroArts (www.euroarts.com) :
2058878. TT : 72’ + 27’
(Bonus : Entretien avec Paavo Jarvi).
Enregistré Salle Pleyel, le 10 février 2011, ce concert réunissait, sous
la direction du chef estonien Paavo Järvi (°1962, Tallinn), une
distribution exceptionnelle. Privé de
« Dies irae » et de « Tuba mirum », le Requiem de Fauré propose une vision
sereine de la mort que nul ne saurait dédaigner... Il est
heureux d’avoir inscrit à ce même programme le magnifique psaume Super flumina Babylonis (1863),
œuvre certes moins rebattue que le Cantique
de Jean Racine (1865) – pièces de jeunesse destinées à la classe de
composition de l’École Niedermeyer. Sous-titres en latin, allemand, anglais, français.
Shadows
in Paradise, Hitler’s Exiles in Hollywood. Un film de Peter Rosen. EuroArts (www.euroarts.com) :
2058268. TT : 55’00.
Déracinés au paradis, tels furent les plus grands artistes allemands –
juifs pour la plupart – qui, fuyant le régime nazi, émigrèrent à
Los Angeles, baptisé alors « la Weimar de la Côte Pacifique ».
Citons les écrivains Thomas & Heinrich Mann, Alfred Döblin, Bertolt Brecht…
mais aussi les musiciens Arnold Schönberg, Erich Wolfgang Korngold,
Ernst Krenek, Bruno Walter, Otto Klemperer, Hanns Eisler,
Paul Dessau… Aussi bien que, dans
les mondes du cinéma, de la philosophie ou de l’architecture : Fritz Lang,
Marlene Dietrich, Max Reinhardt, Theodor Adorno,
Erich Mendelsohn…
Un film inoubliable rendant admirablement l’atmosphère exaltée de tous
ces exilés durant les années 1930-1940, révélant leurs combats, leurs frustrations
mais aussi, bien souvent, leurs éclatantes réussites qui tant marquèrent la
culture américaine. Sous-titres
disponibles en anglais, allemand, français.
In-dis-pen-sable !
Francis
Gérimont.
Jules
MASSENET : Don Quichotte. Comédie-héroïque
en cinq actes. Livret d’Henri Cain,
d'après Le Chevalier de la Longue Figure de Jacques Le Lorrain. José
van Dam, Silvia Tro Santafé, Werner van Mechelen, Julie Mossay,
Camille Merckk, Gijs van der Linden, Vincent Delhoume, Bernard Villiers. Orchestre symphonique & chœurs de La
Monnaie, dir. Marc Minkowski. Mise
en scène : Laurent Pelly.
Captée à La Monnaie
en 2010 (cf. NL de juin 2010), cette
interprétation de Don Quichotte rend pleine justice à la partition
haute en couleurs de Massenet. Car la
mise en scène de Laurent Pelly, légèrement décalée, porte un regard à la
fois distancié et attendri sur le destin de ce « fou sublime »
qui, loin de choir en sa quête d'idéal, atteint une sorte de transfiguration.
Le doux rêveur, abîmé dans ses pensées et ses bouquins, au tout début, entre
lui-même dans la trame au moment où l'on acclame le grand Don Quichotte. Il est si « perdu » dans la
littérature, nous dit Pelly, que papiers, livres, lettres d'amour s'amoncellent
autour de lui pour former l'essence d'un décor étonnant. Où l'on passe de la campagne de la Mancha au
repaire des brigands de la Sierra, dans un univers onirique. Il en devient peut-être menaçant, lors du
combat avec le moulin, dont les pales dévorent l'espace, ou pendant la
rencontre avec des gens peu fréquentables. Un clin d'œil au XIXe, mêlé à une
délicieuse espagnolade, parcourt l'espace, à travers des costumes de toréadors
réinventés et d'amples robes blanches flamenca à volutes. S'il y a beaucoup de mouvement autour du
héros, le trait se fait plus amusé qu'ironique. Ainsi de la cohorte de prétendants, en frac,
bien falots pour oser disputer à ce « vieillard décharné » de
Don Quichotte, l'amour exclusif que celui-ci voue à la belle Dulcinée. Tout cela est saisi par une prise de vues
imaginative, associant plans d'ensemble bariolés et gros plans habités. L'image va jusqu'à scruter de très près le
visage du héros. Et l'on est bouleversé
par la force intérieure qui émane du
regard, comme illuminé du dedans, ce sérieux mâtiné d'une pointe de malice,
cette superbe qui ne se veut pas menaçante, comme par une palette d'expressions
vraies, de l'homme déçu mais stoïque, pittoresque sans doute, mais en aucun cas
ridicule. José van Dam atteint là
le génie. Et la déclamation du texte, au
demeurant de si belle facture, est une vraie gourmandise. On n'est pas prêt
d'oublier cette figure immense, comme crucifiée, délivrant l'ultime message de
rêves non moins immenses. Son brave Sancho, vissé sur la tête, est d'un naturel
confondant, fasciné par cette illusion qui n'en finit pas d'essayer de devenir
réalité, par l'hyperbole qui gagne son « grand ». Le personnage,
gagné par pareil côtoiement, atteindra, lui aussi, les cimes de l'émotion. La Dulcinée de Silvia Tro Santafè, si
moins personnelle, se tire d'affaire dignement. La direction de Marc Minkowski ne se
laisse pas aller à quelque sentimentalisme. La vision est empreinte d'une véracité
poétique épousant la vraie sensibilité française, libérant l'exotisme quand il
le faut, la délicatesse gallique toujours. L'image, là encore, le restitue avec force.
Jean-Pierre Robert.
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En librairie :
- Z. Kreidy : Les avatars du piano
-
J. Guillou : Le geste et la musique
A paraître :
-
Analyses musicales XVIIIème siècle –Bach, Couperin, Haendel
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A découvrir
Découvrez le
site de notre auteur Ziad Kreidy
Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianoforte ? Et Chopin, entre un piano romantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui.
Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique. |
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L'éducation musicale est heureux
de vous annoncer sa présence au Salon
Musicora au Stand B27 les 11/12/13 mai 2012 place de la Bourse, n'hésitez pas à nous
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Musicora est
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Avec 15 000
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2iOPENservice met en réseau
plus de 5 000 adhérents de la CMF
avec son concept OPENassos

Le concept OPENassos est un nouveau type de
réseau social, développé par la société 2iOPENservice créée par 2 musiciens impliqués dans des
associations musicales depuis de nombreuses années.
Il fait appel
aux dernières technologies du Web pour que la gestion d'une association
musicale soit aussi simple que de surfer sur Internet !
Ce concept a
été adopté par la Confédération
musicale de France, qui est la plus importante association musicale
en France avec plus de 5 000 écoles de musique et autres sociétés
musicales... soit des milliers de musiciens !
L'objectif de
l'outil est de simplifier la gestion administrative de tous les membres de
la fédération, en mettant à leur disposition un outil de gestion et de
communication extrêmement performant : de la gestion des adhérents (ou
des élèves), au publipostage, en passant par l'édition d'un rapport d'activités
et toute l'administration de la structure...
·
Les fédérations (régionales, départementales, etc.) bénéficient du module
spécifique ADMINfédé qui met
en réseau leurs adhérents directs
·
Les structures musicales adhérentes (chorales, groupes musicaux, écoles de
musique, etc.) bénéficient, elles, d'un autre module spécifique INTRAfédé. Les adhérents peuvent
ensuite faire évoluer leur module de base INTRAfédé vers des versions plus
évoluées en fonction des caractéristiques de leur structure musicale :
·
ADMINassos (+) pour les
groupes musicaux
·
MUSassos (+) pour les écoles
de musique
Sans oublier
que chaque structure abonnée bénéficie, quel que soit le module utilisé,
d'un site Internet mis à jour automatiquement par certaines données de
l'outil de gestion.
L'utilisateur peut, suivant les versions, ajouter très facilement autant de
contenus qu'il souhaite grâce à l'interface de Typo3*.
Grâce au site
Internet chaque association peut en plus bénéficier de revenus supplémentaires
en mettant en valeur ses partenaires.

Et pour
augmenter la communication des événements des membres de la fédération,
tous les évènements sont repris automatiquement sur le site www.openassos.fr
et sur la Lettre d'informations musicales qui est envoyée une fois par
mois, par email, aux membres des
structures du réseau par département.
Pour plus
d'informations : http://www.openassos.com
Tél. : 09.72.12.60.23 (prix
d'un appel local)
__________
*Typo3 est un CMS (système de gestion de
contenu) libre.
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Passer
une publicité. Si
vous souhaitez promouvoir votre activité, votre programme éditorial ou
votre saison musicale dans L’éducation
musicale, dans notre Lettre d’information ou sur notre site Internet,
n’hésitez pas à me contacter au 01 53 10 08 18 pour connaître les tarifs
publicitaires.
Laëtitia
Girard.
l.girard@editions-beauchesne.com
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