Lettre d'information - no 124 janvier fevrier 2019

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LA RÉDACTION - NOUS ÉCRIRE - SOUMETTRE UN ARTICLE

Sommaire

ÉDITORIAL

ANNONCES

ARTICLES DU MOIS

LA PASSION SELON MARC APRÈS AUSCHWITZ DE MICHAËL LEVINAS par Carlos de Castellarnau (2ème partie)

Georg Hajdu Composition as Construction of Cultural Identity

Johannes Kreidler Music With Music

Johannes Kreidler Sentences on Musical Concept-Art (2013)

Franco Oppo et l’oralité en Sardaigne : les danses Gallurese et Baroniese

World Timbre Mixture : un nouveau son pour la musique, par Ivanka Stoïanova (II)

PORTRAITS

Portrait de Frédérick Martin, en scrutateur d'étoiles par Pascal Leray

SPECTACLES

FESTIVAL LE BALCON - OUVERTURE

DRACULA | LE FILM

REVELO : L’AGNEAU MYSTIQUE

CONCERTS

Semaine du Son : Jordi Savall et le concert des nations à l’UNESCO par Caroline Tarrit

Monday Evening Concerts - résidence du pianiste Marino Formenti à Los Angel Traduction par Alexandre Craman

Monday Evening Concerts - Chaya Czernowin et Robert Schumann Traduction par Alexandre Craman

L'ÉDITION MUSICALE

FORMATION MUSICALE  -
Humberto d’ALBERTO : Croisi-Music, casse-tête musical
Elsa GRABOVSKI – Hélène LOUIS : Ma boite à musique.
Catherine MECHAIN : La théorie, Partitions-Notions-Index dynamique.
Dominique MILLET : La lecture de notes, Découvrir, comprendre, apprendre, explorer.
Mikaël LE PADAN : Le rythme, Découvrir, comprendre, apprendre, explorer.
CHANT  -
Christina HARMON : Ave Maria
ORGUE  -
Yves CUENOT : Prélude, aria et final litanique sur le nom de « RIEPP »
Stéphane DELPLACE : Pièces d’orgue
Gérard HILPIPRE : Mondes.
PIANO  -
Pierre-Richard DESHAYS : Pièce détachée n° 2
Antoine REICHA : 34 études dans le genre fugué
Bruno GINER : Commedia
Stéphane DELPLACE : Préludes & Fugues dans les Trente Tonalités
Jürgen MOSER : Piano Crystals
Patrick NEDELLEC : Come back
Patrick NEDELLEC : Triton
Mike CORNICK : Dinner for Two five romantic arrangements
Olivier BOUET : Danse napolitaine, opus 70
HARPE  -
Max MÉREAUX : Fabulette
GUITARE  -
Didier RENOUVIN : Jeu avec l’auriculaire.
VIOLON  -
André DELCAMBRE : Pièce élégiaque
Maica BRANDAO : Le violon en trois temps, Moyen-âge.
Maica BRANDAO : Le violon en trois temps, Renaissance.
Maica BRANDAO : Le violon en trois temps, Baroque.
VIOLONCELLE  -
Aldo SCELLI : Élégie
DVOŘÁK : Danses slaves
FLÛTE  -
Feresshteh RABBARI : Bühne frei !
Arletta ELSAYARY : En attendant le printemps
HAUTBOIS  -
Gilles SILVESTRINI : Six études romantiques

CLARINETTE  -
Martin TOURISH : Play Along – World Music Celtic
Alain FLAMME : L’Auguste
René POTRAT : Clarissimo
BASSON  -
Alexandre FLENGHI : Dans les brumes du vieux cimetière
SAXOPHONE  -
Matthias SCHRÖDER : Saxophon quartette junior
Yves PIGNOT & Emile GÜNTER : Tu viens jouer ? … et plus !
TROMPETTE  -
Alain FLAMME : Au bout des doigts
André TELMAN : Prémices à l’écriture de notre temps.
SAXHORN BASSE/EUPHONIUM/TUBA  -
André TELMAN : Siméon, le petit hérisson
PERCUSSIONS  -
André GUIGOU : Percussions-Triptyque.
Wieslaw JANECZEK : Tout à trac
Kiril GEORGIEV : Just two
Isabelle DONATI : Reditum Regis
MUSIQUE DE CHAMBRE  -
Camille SAINT-SAËNS : Quatuor pour deux violons, alto et violoncelle no. 1 et 2

LIVRES & REVUES

Luc CHARLES-DOMINIQUE : Les « Bandes » de violons en Europe. Cinq siècles de transferts culturels.

Gérard GEAY : Pratique de la musica ficta au XVIe siècle dans les tablatures de luth.

Roland GUILLON :Archie Shepp et Pharoah Sanders.

Roland GUILLON :Archie Shepp et Pharoah Sanders.

François-Bernard Mâche Le compositeur et le savant face à l’Univers sonore.

Anthony GIRARD, Philippe MALHAIRE (dir.) : Pour les sonorités opposées. Revue d’Esthétique et d’analyses musicales des XXe et XXIe siècles.

Maïté LOUIS : Le violon, du plaisir à l’excellence

Pascal GRESSET (éd.) : Tempo Flûte.

Stéphan PATIN : A Compianon… Hayes le Verni

PARTITIONS

Yves PIGNOT : Asymétries.

Yves PIGNOT : Tu viens jouer ?... et plus.

Claude Ledoux : Courbes d’étoiles VI pour piano solo

Alain Louvier : “S”, pour piano et piano numérique accordé ¼ ton plus haut

Manfred Stahnke : partota 10, pour piano

Bernard Cavanna : Geek bagatelles, pour orchestre et ensemble de smartphones

CDs & DVDs

Wojciech GAWRONSKI : Works for Viola and Piano

Michael KIMBER : The best of music for Viola

Ji Won SONG/José GALLARDO : MOZART-BEETHOVEN.

Max REGER : Intégrale de l’Œuvre pour orgue 5.

Cédric BURGELIN : Consolation

Philippe CHAMOUARD : Le Vagabond des Nuages (Symphonie n°4)

Jerzy GABLENZ : Songs 2.

MOZART/BRAHMS/DEBUSSY. Introspections.

ABENDMUSIKEN.

Louis VIERNE (1870-1937) : Ballade. Intégrale violon et piano.

Dynam Victor et Raphaël FUMET ou la musique de l’âme. QUINTESSENCE.

EX TENEBRIS.

Christoph PRÉGARDIEN/Cyprien KATSARIS : Auf den Flügeln des Gesanges. Romantic songs and piano transcriptions.

René de BOISDEFFRE : Works for Cello and Piano.

Sur l’air de…

LA VIE DE L'ÉDUCATION MUSICALE


ÉDITORIAL

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Deux compositeurs interrogent ce mois-ci l’identité juive, Michaël Levinas dans un contexte français, et Georg Hajdu en Allemagne. Levinas fut une figure centrale du spectralisme français, mais, comme on le voit dans l'analyse de sa passion, par Carlos de Castellarnau, il incarne pourtant encore aujourd’hui un rôle très singulier au sein de ce mouvement par ailleurs très unitaire. Hajdu, comme Ligeti, est un compositeur d'origine Hongroise installé à Hambourg. Il nous dresse ici un portrait de l’école de Hambourg, qui marque encore une fois sa singularité dans le paysage allemand.
Johannes Kreidler, qui également enseigne à Hambourg, est l’une des figures majeures de la jeune création internationale de Darmstadt, quoique souvent sujet à controverse. Il nous propose ici deux textes, l’un décrivant son esthétique, et le second comme manifeste du ‘musical concept art.

Le mois de mars enfin marquera la première édition du festival “Le Balcon”, qui s’ouvre avec l’opéra de Wolfgang Rihm Jacob Lenz.

ANNONCES

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Concert symphonique - Romantismes - Orchestre Pasdeloup - Christoph Altstaedt - François Dumont - Sikora, Schumann, Brahms


Madame Elzbieta Sikora nous informe :
https://philharmoniedeparis.fr/fr/activite/concert-symphonique/19399-romantismes

ARTICLES DU MOIS

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LA PASSION SELON MARC APRÈS AUSCHWITZ DE MICHAËL LEVINAS
par Carlos de Castellarnau (2ème partie)

La première partie de l'analyse de la Passion selon St Marc de Michaël Levinas a été publiée en juin dernier (cf.Passions selon st Marc 1). Ce premier volet examinait la partie hébraïque ainsi qu'un fragment de la partie chrétienne. Comme il a été expliqué dans l'article précédent, l'œuvre est structurée en forme de triptyque suivant une volonté œcuménique qui voudrait réunir dans une même pièce les liturgies hébraïque et chrétienne.

Après la « Deuxième imploration de la Mère » (vue précédemment), vient « L'arrestation de Jésus » que nous exminons ici :

9.- L'engagement de Pierre

La section débute avec la voix de Jésus accompagnée du thème de la croix par les cordes autour d'un accord de si bémol mineur. On retrouve le même matériau que dans la section de la Cène. Le messie explique aux disciples la rencontre qui aura lieu en Galilée après sa résurrection. Ensuite, le thème de l'ascension par quintes fait apparition à nouveau, cette fois-ci avec une présence notable de l'orgue, à la différence de la fois précédente, au moment de l'Eucharistie (page 76), où la voix de Jésus était accompagnée principalement des cordes. Le thème de l'ascension par quintes parallèles accompagne toujours le personnage de Jésus et il acquiert un caractère solennel ainsi qu'un sens prophétique lié au texte. Ce type d'écriture est représentatif du travail de Michael Levinas et de sa préoccupation par la polyphonie et par certains phénomènes psycho-acoustiques illusoires, c'est ce que le compositeur lui-même appelle une « polyphonie paradoxale » et, même si l'usage qu'il fait de cette technique d'écriture dans la Passion n'est pas si développée comme dans d'autres pièces, l'appartenance à son travail précédent est évidente. Utilisée dans d'autres de ses œuvres, notamment dans la section de « La montagne » de son opéra « Le petit prince » (dont la source matérielle est l'ouverture Léonore de Beethoven), dans son deuxième quatuor à cordes ou plus anciennement dans son œuvre « Se briser » pour ensemble, ce type de texture évoque de la grandiloquence et de la solennité et trouve dans la Passion, et accompagnant la voix de Jésus, un contexte transcendant autre.

Après l'annonce de la Résurrection apparaît une nouvelle texture basée sur un accord de ré majeur/mineur jouée par des harmoniques suraigus aux violons, des flatterzunge aux clarinettes et aux flûtes ainsi qu'aux harmonicas jouées par les violoncellistes et les altos, et des suraigus de l'orgue (fig.14). Cette mixture crée une ambiance étrange proche du merveilleux, poétique récurrente dans la démarche du compositeur et introduit parfaitement la voix de Pierre, chantée par un contre-ténor, qui nie toute trahison à Jésus. Ce type de texture sera associé par la suite au personnage de Pierre et à la trahison.


Fig. 14 – Texture de Pierre, mesures 19 et 20. « L'engagement de Pierre »
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »

Audio 17 : Extrait de « 'engagement de Pierre »

La présence de l'orgue renforce l'ambiance surnaturelle de cette section à travers un usage atypique de l'instrument basé sur la technique du trémolo. Comme nous l'avons mentionné précédemment, pour le compositeur et le processus de création le contact avec l'instrument est déterminant. Ainsi, pour les essais de la partie d'orgue, plusieurs séances de recherche ont été réalisées sur les orgues de l'église de la Trinité à Paris (dont le titulaire fut pendant longtemps Olivier Messiaen) et de l'église de Saint-Étienne-du-Mont.

10.- Troisième imploration de la Mère

À la différence des implorations précédentes, la troisième des lamentations de la Mère est accompagnée par le piano et par la harpe. L'écriture du piano est constituée par une progression descendante, fortement chromatique, d'accords de trois ou quatre notes (fig.15). Il s'agit d'accords ordonnés pour la plupart d'entre eux par tierces qui progressent irrégulièrement, c'est-à-dire que leur enchaînement ne se fait pas de manière complètement parallèle mais à la manière d'un choral. Ainsi nous pouvons distinguer au tout début la progression suivante : diminué, mi majeure septième, sol diminué, etc. Malgré le fait qu'il s'agit d'accords diatoniques, ce type de progression irrégulière liée à l'usage de la pédale et au mélange avec des harmonies différentes à la harpe, provoque une perte des repères harmoniques. Néanmoins, le compositeur utilise des cadences écrites sous un point d'orgue en tant qu'arrivée harmonique bien définie. Ce type de geste descendant du piano est caractéristique du langage du compositeur, on peut trouver un type d'écriture similaire dans son œuvre Les désinences pour piano et claviers MIDI. Dans la note de programme de cette pièce, composée l'année 2014, le compositeur qualifie les désinences du piano comme des « larmes des sons », figuralisme clairement pertinent pour la lamentation de la Mère dans la Passion.


Fig. 15 – Motif descendant au piano, mesure 34.
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »

Deux types de profil mélodique sont utilisés par la voix de la chanteuse. Les profil mélodique premier du chant entre les mesures 34 et 42 est constitué par des groupes de trois ou quatre hauteurs, généralement descendantes et en relation de seconde mineure et de tierce mineure. Le deuxième profil, de la mesure 43 à la fin, est de nature sinusoïdale et toujours descendante, le rapport avec l'écriture du piano est évident. D'une certaine manière, l'organisation de ce dernier motif pourrait être considérée comme en forme de croix, et conséquemment un lien pourrait s'établir avec le thème de la croix déjà apparu aux cordes, et surtout au motif qui sera chanté par la voix de Jésus au moment de sa mort lors de la crucifixion (voir analyse de la crucifixion plus bas).


Fig. 16 – Thème de la crucifixion dans la Troisième imploration de la Mére. Mesure 50
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »


Audio 18 : Extrait de la troisième imploration de la Mère. Thème de la croix

10.- L'arrestation de Jésus : baiser de Judas

Dans sa globalité, la partie chrétienne de l'œuvre pourrait être envisagée comme une forme « ternaire». La première partie comprendrait les sections entre la « Première imploration de la Mère » et le « Récit de la trahison de Judas », jusqu'à la fin de la mesure 138. « La Cène » ouvrirait une deuxième grande section basée essentiellement sur le thème de la Croix, et se terminerait à la mesure 58 de la « Troisième imploration de la Mère ». Nous considérons « l'Arrestation de Jésus » comme l'ouverture de la troisième section de la partie chrétienne, beaucoup plus dynamique que les deux sections précédentes en termes de déroulement dramatique.
L'arrestation se distingue par un caractère plus agité et un rythme structurel plus rapide, dans lequel des situations dramatiques différentes se succèdent à intervalles de temps très rapprochés. Un accord de ré majeur, déjà apparu dans la fin de « l'Engagement de Pierre » à la page 92 de la partition, ouvre la section. Dans le cas présent, le thème de Pierre est accompagné par les cuivres jouant en trémolo une tierce mineure sur un fa dièse. Il s'agit d'un élément musical récurrent dans le catalogue du compositeur qui pourrait avoir des réminiscences du chofar, associé par le compositeur lui-même à l'appel et le sanglot de la désinence mélodique.


Fig.17 – Début de l'arrestation


« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »

La structure de la section de l'arrestation est la suivante :

m.1-32 Récit de la trahison de Judas
par l'évangéliste.
m.33-60 Premier refrain, dialogue entre
Jésus et Judas.
m.61-66 Premier thème de l'ascension.
Récit prophétique.

m.67-76 Récit du jugement de Jésus
par l'évangéliste.
m.77-101 Deuxième refrain.
m.102-109 Deuxième thème de l'ascension.
Point culminant.
m.110-122 Verdict. Rires, cris.

La section commence par le récit de la trahison de Judas accompagné du majeur aux trémolos. Le chant de l’évangéliste utilise une échelle octotonique (ou deuxième mode à transposition limitée) contenant des variations sur la note si, altérée à certains moments par un bémol. À la mesure 14 les cris du chœur masculin représentent les invectives de la tourbe (français ancien pour la foule) contre Judas, l'accord de ré majeur se dissout et il ne reste que les trémolos en touillage des cuivres qui remplissent la fonction de pédale. À la mesure 22 le chœur masculin, représentant la tourbe, chante des rires narquois déjà utilisés par les disciples dans la section de la Béthanie.

À la mesure 33 les rires fusionnent avec le refrain, élément unificateur de la Passion, qui apparaît de nouveau depuis le récit de la trahison de Judas, juste avant la Cène. À la mesure 38, avant la fin du refrain, les cordes jouent de nouveau le thème ascendant (déjà utilisé lors de la Béthanie), qui avait servi à introduire la voix de Jésus pour la première fois. Dans le cas présent, la voix à introduire sera celle de Judas. Cette partie constitue une vrai action dramatique grâce à l’alternance des interventions des personnages. La forme musicale se concentre logiquement sur une étape de récupération de matériaux qui culminera à la « Crucifixion » où, comme on le verra par la suite, des matériaux divers créeront une complexe polyphonie.
À la mesure 61 le thème de l'ascension par quintes est repris. Il est apparu par la première fois à la mesure 275 de la section de la Eucharistie (page 76) suite à l'annonce de la trahison et ultérieurement, dans « L'engagement de Pierre ». Cette troisième apparition du thème est plus imposante grâce à l'orchestration et au fait qu'il est superposé au « thème de la croix » aux cordes, lui conférant ainsi plus de densité.
À la mesure 67 l'évangéliste poursuit le récit du jugement de Jésus devant l'évêque. Il s'agit d'une reprise plus courte des matériaux de la première partie de l'arrestation. Dans cette partie le choeur représente les faux témoins.
À la mesure 77 apparaît la deuxième reprise du refrain sur un sol dièse à la base, suivi du thème introduisant la voix de l'évêque qui entamera un dialogue avec Jésus. La structure du deuxième refrain est la reprise exacte du premier.
Le point culminant de toute la section de l'arrestation arrive à la mesure 102 avec le deuxième thème de l'ascension par quintes superposé au thème de la crucifixion joué par le piano et la harpe. L'orchestration est encore plus densifiée, le tutti de l'orchestre est renforcé par l'électronique qui, à son tour, utilise des échantillons de flûtes éoliennes, de cloches tubulaires et de harpe. À la mesure 110, le motif en trémolo des cuivres est repris, accompagné du « thème de la crucifixion » et des cris et rires du chœur. Le verdict est signalé (la crucifixion). La section de l'arrestation se ferme sur un grand grondement.


Fig.18 – Extrait du refrain dans l'arrestation. Superposition du thème de l'ascension, mesures 78-81
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »

Audio 19 : Deuxième thème de l'ascension dans l'arrestation de Jésus

11.- La trahison de Pierre

Cette section sert d'interlude entre les deux moments de la tension dramatique majeure de la Passion, à savoir l'arrestation et la crucifixion. Elle est liée aux sections de « l'engagement de Pierre » et au début de l'arrestation partageant la texture basée sur l'accord de majeur en trémolo joué par l'orgue, les harmonicas et les suraigus des cordes. Le nouveau personnage de la servante interroge Pierre, son chant utilise le deuxième mode de transposition limitée avec l'altération du si. Le steel drum souligne la voix féminine et apporte une dimension timbrique tout particulière à la scène.
À la mesure 12, une descente chromatique de quatre notes (de la à mi dièse) apparaît comme nouveau matériau motivique alors que l'évangéliste rappelle la triple négation annoncée par Jésus. Ce motif pourrait être considéré comme l'inverse du thème de l'ascension, symbolisant ainsi le reniement de Pierre et sa crucifixion à l'inverse.


Fig. 19 – Reniement de Pierre
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »

12.- Récit du Golgotha

L'ambiance funeste de cette courte section annonce la conduite de Jésus au mont Golgotha. Les registres extrêmes de l'orgue, une seconde mineure sur un do dièse à la pédale et une seconde majeure sur un la au registre piccolo du clavier, accompagnent la voix de l'évangéliste et son chant sobre. Le contraste qui se produit avec la section suivante est significatif et préfigure de manière très efficace la tragédie.

13.- La crucifixion

À travers la reprise et le développement de certains éléments de la première partie de l'œuvre, la section de la crucifixion représente la communion de la partie chrétienne et juive. Cette section récupère et fusionne plusieurs éléments des deux principales parties dans une claire intention œcuménique qui répond à l'esprit de l'œuvre et de la commande. Le compositeur lui-même parle du « trait d'union qui relit le monde judéo-chrétien qui ne saurait faire oublier deux millénaires de persécutions qui ont conduit à la Shoah ».

La structure est la suivante :


Fig. 20 – Crucifixion, extrait des mesures 13-16
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »



L'introduction est menée par l'intégralité des cordes qui, à l'exception des contrebasses, joue en arco battuto. Le compositeur établit un lien évident entre le Kaddish et le thème de la crucifixion en utilisant le même matériau. Ce dernier thème, représentant les coups du marteau, est présent dans une grande partie de la scène sous différentes variations. Il constitue un lien évident avec les motifs en ostinato du chœur masculin de la partie hébraïque.
Globalement, entre les mesures 13 et 47, la musique se caractérise par une polyphonie complexe constituée de figures appartenant à la partie juive ainsi qu'à la partie chrétienne. Alors que l'évangéliste narre la crucifixion de Jésus, plusieurs fragments issus de la partie hébraïque sont repris de manière fragmentaires. À la mesure 13 apparaissent les voix graves du Kaddish qui chantent des notes en crescendo et ostinato (oh-ah) et qui établissent une correspondance motivique manifeste avec le thème de la crucifixion. À la fin de la mesure 14 le motif de la tierce mineure descendante Izkor, provenant de El Maleh Rachamim, est repris. À la fin de la mesure 17 d'autres motifs du chant principal du Kaddish sont chantés, cette fois-ci sur un texte en Araméen (Eli lama sabachtani). D'autres éléments de la Passion sont repris par la suite, comme le thème de l'ascension qui sera superposé au thème de la croix à la mesure 37 joués tous les deux uniquement par les cordes.

À partir de la mesure 47 les cris et les rires de la tourbe préfigurent une diminution de la densité orchestrale. La voix de l'évangéliste explique la souffrance de Jésus avant mourir.


Fig. 21 – Chant de l'évangéliste à la crucifixion, extrait des mesures 45-47
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »

Audio : Thème de la crucifixion transposé sur la voix de l'évangéliste

Globalement, le profil mélodique de l'évangéliste est sobre, avec une tendance ascendante qui culmine au moment où il chante à trois reprises (m.24, 28, 44) : « et ils le crucifièrent ». Les intervalles y sont larges et renforcent le dramatisme de la scène. Ce motif, pouvant être considéré comme un figuralisme de la croix, utilise deux lignes chromatiques contraires. Une ligne qui progresse vers l'aigu et l'autre vers le grave (Fig.21).

L'intervalle le plus large du récit est une neuvième majeure qui arrive avec la mort de Jésus, moment où l'évangéliste chante : « à haute voix » à la mesure 70. Au même instant, la voix de Jésus chante en duo avec l'évangéliste et reprend le texte en araméen des dernières paroles du Christ sur la croix : « Eli, Eli lamazabaktani... ». Cette mélodie correspond exactement au chant du cantor à la mesure 85 du El Maleh Rachamim.
La clôture de la section se fait sur la descente micro-tonale en sixième de tons du clavier électronique, déjà utilisé pour fermer la section du El Maleh Rachamim. À la mesure 82 le percussionniste fait vibrer par mouvements circulaires le tam-tam avec un rasoir. En restant le seul son audible à la toute fin, cet effet souligne l'étrangeté de la scène.

14.- La descente de la croix. Le soir étant venu. La nuit du Sabbath tombe lentement.

La section clôturant la partie chrétienne est structurée en forme ternaire [m.1-11 /12-25 /26-39 /40-58(coda)]. Le changement de densité par rapport à la section précédente est notable.

Mesures 1-11 : Dans la première partie l'orgue utilise la technique des trémolos irréguliers utilisée dans toutes les parties associées à Pierre et à la trahison. Cependant, un accord de sol six-quatre incomplet prend la place du majeur joué précédemment. Le clavier électronique déclenche une séquence d'échantillons de flûtes jouant des sons éoliens. Par la suite, à la mesure 5, s'ajoutent les flûtes de l'orchestre. L'utilisation de cette technique instrumentale de la flûte dans l'œuvre est dominante. En effet, selon le compositeur, sa musique « a été toujours marquée par le souffle des flûtes » qu'il compare à un « froissement d'ailes » (expression utilisée pour le titre d'une de ces pièces pour flûte solo) et à l'essoufflement de la voix. Au même temps, le célesta joue librement sur une échelle octotonique déjà utilisée précédemment alors que l'évangéliste narre la descente de la croix en partant du motif caractéristique de seconde majeure ascendante, d'une quinte diminuée descendante et d'une tierce mineure descendante. Son entrée est accompagnée par les harmoniques suraigus des cordes qui soulignent le caractère surnaturel de la scène.

Mesures 12-25 : Cette section se caractérise par une variation de registre due à l'apparition du tam-tam grave ainsi que d'un motif descendant lent, joué librement au registre medium et grave de l'orgue.

Mesures 26-39 : Une reprise de la première partie de la section est suivie d'une coda. La séquence du célesta qui ouvrait la partie chrétienne, et qui faisait de lien entre celle-ci et la partie juive, est reprise pour clore la Passion laissant la place à la poésie de Paul Celan.

III.- Dieser deiner trauer (ce deuil) – 2 poèmes de Paul Celan

15.- Die Schleuse

Pour la troisième et dernière partie de la Passion le compositeur a recouru à deux poèmes de Paul Celan, Die Schleuse et Espembaum. Le question de la représentation est commune à la poésie de Celan et la Passion de Michaël Levinas. Une des principales préoccupations de ce dernier était d'éviter un jeu trop théâtrale ou explicite du récit évangélique afin de ne pas en profaner le message religieux. De la même manière, l'impossibilité de représenter une expérience tellement traumatique et douloureuse que celle de la Shoah, et le désir de ne pas faire prendre à l’expérience individuelle le dessus sur la tragédie collective est une constante dans la poésie de Paul Celan.
Die schleuse est un poème de deuil où Celan se sert des mots Kaddish et Yzkor pour faire appel à la mémoire de sa sœur. Encore une fois, le choix de ce poème établit un lien avec la Passion, du fait que se soient des mots qui ouvrent et ferment la Passion. L'instrumentation est plus réduite, sous forme de lied. La voix de la mezzo-soprano est accompagnée par des flûtes jouant en souffle (le « froissement d'ailes »), un piano et une harpe avec des succinctes interventions de la percussion au gong. Cette instrumentation favorise l'unité formelle de l'œuvre, créant une similarité évidente avec les implorations de la Mère dans la partie chrétienne ; comme il a été dit précédemment, les implorations ainsi que le refrain structurent l'ensemble de l'œuvre. D'un point de vue motivique, le lien se fait aussi par l'utilisation de la tierce mineure, présente durant toute l'œuvre mais spécialement sur le motif descendante Izkor.
L'écriture du piano répond à celle de la troisième imploration. Le principe harmonique est le même, un enchaînement descendant d'accords de quatre notes ordonnés majoritairement par tierces, l'harmonie étant moins chromatique au début. La présence des quintes justes parallèles descendantes comme base des accords est notable. Dû à une altération constante, il est difficile d'établir une harmonie fixe. Cependant, au début de la pièce on peut constater une polarisation sur une gamme modale pouvant être apparentée au deuxième mode de transposition limité. Les chromatismes ultérieurs engendrent une instabilité, compensé à chaque cadence ou point d'orgue.

16.- Espenbaum

La Passion se termine par le chant de la mezzo-soprano à capella. Le poème de Celan, dont la traduction du titre en français est « Tremble », raconte le deuil pour la perte d'une mère qui ne reviendra plus. Le compositeur explique qu'« écrire de la musique après Auschwitz, c'est composer une musique qui tremble » En effet, la musique de Levinas tremble : la diction particulière du chant dans toute l'œuvre et l'utilisation de la dynamique, ou plus précisément de la micro-dynamique, produisent cette sorte de tremblement omniprésent. En dépit de la difficulté de retranscription sur la partition d'un tel effet, une des principales préoccupations du compositeur était la bonne réalisation de ce principe de tremblement.
Ainsi, la notation essaie tout de même de le transmettre en utilisant de petites nuances de dynamique pendant toute la partition.


Fig.22 – Tremblements au chant de la mezzo-soprano. Espenbaum, mesure 40
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »

D'autres éléments musicaux contribuent à obtenir cet effet tout au long de l'œuvre : le tremblement des voix du chœur grâce aux mouvements de la main sur la bouche, l'utilisation de sourdines coin de lettres sur les cordes des violoncelles, les trémolos des cuivres et des tuben, les appeaux qui apportent une rugosité proche du tremblement, l'utilisation d'un rasoir pour jouer le tam-tam. La question de la vibration et par extension du tremblement chez Michaël Levinas est une constante dans sa recherche et dans son imaginaire sonore. L'utilisation de glissandi et des quarts de ton créent des inflexions expressives proches de celles utilisées par les violoncelles au thème de la croix.

Le poème Espenbaum est structuré par une anaphore dans laquelle les mots meine et mutter qui se répètent de forme variée un vers sur deux. Dans la musique, ces deux mots sont toujours liés à l'intervalle de tierce, soit mineure, soit majeure.
L'harmonie, de caractère modal modulant, est basée principalement sur la tierce déjà mentionnée et sur un motif diatonique descendant de trois notes.


Fig.23 – Motif descendant de trois notes. Espenbaum, mesure 38
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »


Fig.24 – Motif descendant de trois notes. Espenbaum, mesure 47
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »

Une figure constituée par une montée et son ultérieure descente contraste avec le reste de la mélodie.


Fig.25 – Figure contrastante. Espenbaum, mesure 43
« © Avec l’aimable autorisation des Editions Salabert »

La liberté agogique inhérente à la voix à capella permet au compositeur d'écrire plusieurs changements de tempo tout au long de la pièce. Elle atteint son rythme le plus rapide (noire à 98) à la mesure 57, instant auquel se produit une scission formelle. Après le passage par des différentes transpositions de la tierce, la musique cesse par le même intervalle de tierce mineure (do dièse-mi) du début.


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Georg Hajdu
Composition as Construction of Cultural Identity
La composition comme construction d’une identité culturelle

“Cultural construct - the idea that the characteristics people attribute to such social categories as gender, illness, death, status of women, and status of men is culturally defined”

(Definitions of Anthropological Terms)

«Construction culturelle - l'idée selon laquelle les caractéristiques que les gens attribuent aux catégories sociales telles que le sexe, la maladie, la mort, le statut de la femme et le statut de l'homme, sont définis par l’environnement culturel»

1. Introduction

Music is (besides maybe language and clothing) a major contributor to group identity, particularly among youths. Each social group has a strong feeling of in-music and out-music. This extends to ethnic groups and nations1.

1. Introduction

La musique est (comme peut-être la langue et les vêtements) un contributeur majeur à l'identité de groupe, en particulier chez les jeunes. Chaque groupe social a un fort sentiment de la musique in et de la musique out. Cela s'étend aux groupes ethniques et aux nations7.

While music historians can find traces of national musical distinctions in cultures as early as ancient Greece, among the most striking examples are the keyboard pieces Bach dubbed French Suites or Italian Concerto.

Si les historiens de la musique peuvent trouver des traces distinctives de musiques nationales dans des cultures remontant à la Grèce antique, un exemple parmi les plus frappants est celui des pièces pour clavier appelées les Suites françaises de Bach French Suites ou Concerto italien.

What's remarkable about these compositions is that Bach — well aware of national musical characteristics — synthesized a musical style, which could be considered a manifestation of European globalization in the Baroque era. In contrast, Romantic composers in Europe such as Smetana, Holst, Mussorgsky, Liszt, Wagner or Debussy (or VillaLobos or Gershwin in the new world) were preoccupied with creating a body of National music, a tendency lasting well into the 20th Century.

Ce qui est remarquable dans ces pièces, c'est que Bach - bien conscient des caractéristiques musicales nationales - a synthétisé un style musical qui pourrait être considéré comme une manifestation de la mondialisation européenne à l'époque baroque. En revanche, les compositeurs romantiques en Europe comme Smetana, Holst, Mussorgsky, Liszt, Wagner or Debussy étaient préoccupés par la création d’un corpus de musique nationale (ou VillaLobos et Gershwin dans le nouveau monde), une tendance qui perdure encore au XXème siècle.

Hungarian composer Bela Bartók built on this tradition but objectified it by establishing and employing the methods of ethnomusicological field studies. His music once again synthesized various musical identities into a coherent musical language, which served as a role model for younger composers such as Ligeti or Lutoslawski. With the pendulum swinging back, the 20th century became the era of objectivation.

Le compositeur hongrois Béla Bartók s’est inspiré de cette tradition mais l’a objectivée en établissant et en utilisant les méthodes d’études de terrain en ethnomusicologie. Sa musique a une nouvelle fois synthétisé diverses identités musicales dans un langage musical cohérent, qui a servi de modèle à la génération suivante de compositeurs, tels que Ligeti ou Lutoslawski. En remontant à nouveau dans le temps, le 20ème siècle est devenu l'ère de l'objectivation.

Concurrently to or directly motivated by the ideas of the Bauhaus, composers since the 1920s were striving to establish abstract rules such as 12-tone music or, after 1945, total serialism. This drive became more urgent in the Western world after the devastating outcome of WWII leading to an abstract musical style occasionally called the International style by some, as it was the "prescribed" style amongst classical composers in large parts of the Western world and also was adopted by composers in areas such as Russia and East Asia.

Parallèlement ou directement motivés par les idées du Bauhaus, les compositeurs, à partir des années 1920, s'efforcèrent d'établir des règles abstraites telles que la musique à douze sons ou, après 1945, le sérialisme intégral. Cette orientation est devenue plus urgente dans le monde occidental après le désastre de la Seconde Guerre mondiale qui a débouché sur un style musical abstrait parfois appelé le style International, car il s’agissait du style "prescrit" par les compositeurs classiques dans de grandes parties du monde occidental aussi adopté par des compositeurs dans des régions de Russie et l’Asie de l’Est.

Technological advances contributed to the spread of musical styles around the entire globe, and not just in (contemporary) classical music. Jazz, swing, rock and roll etc. have been playing everywhere on the radio since the 1930's and consumed by listeners on all continents2. This globalization of music throughout the 2nd half of the 20th Century was precipitated by the advent of satellites and the Internet.

Les progrès technologiques ont contribué à la diffusion des styles musicaux dans le monde entier, et pas seulement dans la musique classique (contemporaine). Le jazz, le swing, le rock and roll, etc. ont été jouées partout à la radio depuis les années 1930 et consommées par des auditeurs de tous les continents8. Cette globalisation de la musique à travers la deuxième moitié du 20eme siècle fut précipitée par l’avènement des satellites et d’Internet, précipitant la mondialisation de la musique tout au long de la deuxième moitié du XXème siècle.

In the meantime, in classical contemporary music, a new style, or better, attitude started to emerge: Post-modernism was defined by composers such as B.A. Zimmermann who coined the term "Kugelgestalt der Zeit", an idea that time is like a sphere where past, present and future are conceptually unified into one coherent structure. Marshall McLuhan's notion of the collapse of time and space ("time has ceased, space has vanished. We now live in a global village", McLuhan & Fiore, 1967) best describes the current state of the global musical mind which is also a digital one3.

Entre-temps, dans la musique classique contemporaine, un nouveau style, ou mieux, une attitude a commencé à émerger: le postmodernisme a été défini par des compositeurs tels que B.A. Zimmermann, qui a inventé le terme "Forme sphérique du temps", avec cette idée du temps comme une sphère dans laquelle le passé, le présent et le futur sont unifiés sur le plan conceptuel en une structure cohérente. La notion de Marshall McLuhan de l'effondrement du temps et de l'espace ("le temps a cessé, l'espace a disparu. Nous vivons maintenant dans un village planétaire", McLuhan & Fiore, 1967) décrit parfaitement l'état actuel de l'esprit musical mondial, qui est aussi une réalité numérique9.

In a global village, people are more defined by class, gender and age than national identity, and new identities are often being constructed artificially by the media as selling points, such as "metrosexual" or "hipster." People also choose group adherence not for geographical, but—borrowing a term from Johann Wolfgang Goethe—for reasons of Wahlverwandtschaften (elective affinities).

Dans un village planétaire, les gens sont davantage définis par leur classe sociale, leur sexe et leur âge que par leur identité nationale, et de nouvelles identités sont souvent construites artificiellement par les médias en tant que points de vente, tels que "métrosexuel" ou "hipster". Les gens choisissent également l'adhésion au groupe non pas pour des raisons géographiques, mais - empruntant un terme à Johann Wolfgang Goethe - pour des raisons de Wahlverwandtschaften (“affinités électives”).

Just like most global cities now feature the same chains of stores with very little local variation, we will encounter subcultures with their typical attire and hairstyle in major metropolises such as New York, London, Berlin, Buenos Aires, Shanghai, Tokyo or Melbourne.

Tout comme la plupart des villes mondiales présentent désormais les mêmes chaînes de magasins avec très peu de variation locale, nous rencontrerons des sous-cultures avec des tenue et des coiffure typiques dans les grandes métropoles telles que New York, Londres, Berlin, Buenos Aires, Shanghai, Tokyo et Melbourne.

And the same applies to the consumption of music. Confronted with the impact of what I would like to call the Big Blender, composers living in the global digital era have the daunting task to construct their own cultural and social identities as their connate ones no longer serve much of a purpose, occasionally a frustrating and stressful endeavor challenging one's psychological integrity.

La mêmechose s'applique à la consommation musicale. Confrontés à l’impact de ce que j’aimerais appeler le Big Blender, les compositeurs vivant dans l’ère numérique globale ont la lourde tâche de se construire leur propre identité culturelle et sociale, leurs identités respectives ne servant plus à grand chose, s’avérant même parfois frustrante et stressante pour leur intégrité psychologique.

2. György Ligeti

A lot of my work is a direct response to the questions of identity and I would like to elaborate on this a bit by closely looking at four, male, composers who have been connected both geographically (at least for a while) and by similar interests: György Ligeti, Manfred Stahnke, Clarence Barlow and myself.

2. György Ligeti

Une grande partie de mon travail est une réponse directe aux questions d'identité et je voudrais en dire un peu plus à ce sujet en examinant de près quatre compositeurs masculins qui ont été liés géographiquement (au moins pendant un certain temps) et partageant des intérêts similaires: György Ligeti, Manfred Stahnke, Clarence Barlow et moi-même.

Ligeti was born in Romania into a Hungarian-Jewish family and, after surviving the Holocaust and escaping to the West during the Hungarian uprising, lived in and benefitted from a cultural environment with which he was not entirely capable of identifying. His early compositions clearly show an affinity to Bartök whose style he was brilliantly capable of emulating.

Ligeti est né en Roumanie dans une famille juive hongroise et, après avoir survécu à l'Holocauste et s'être échappé vers l'Ouest pendant le soulèvement hongrois, a vécu dans un environnement culturel auquel il ne pouvait pas vraiment s'identifier. Ses premières compositions montrent clairement une affinité pour Bartök dont il était brillamment capable d'imiter le style.

In the 1950's he slowly shifted away from it and from 1956 on he embraced unlimited access to new music of the Western hemisphere. There, his first interactions were with Karlheinz Stockhausen with whom he stayed for a while after his flight. For more than 20 years he was one of the leading figures of the international avant-garde having introduced and/or revived techniques such as polymeter and micropolyphony ("clocks and clouds") in contemporary music—techniques that were studied and copied by generations of young composers.

Dans les années 1950, il s’en écarta grâce à un accès illimité à la nouvelle musique de l'hémisphère occidental. Là, les premières interactions se firent avec avec Karlheinz Stockhausen avec lequel il séjourna quelque temps à son arrivée. Pendant plus de 20 ans, il fût l’une des figures majeures de l’avant-garde internationale en introduisant et / ou en faisant revivre des techniques telles que le polymétrie et la micropolyphonie ("horloges et nuages") dans la musique contemporaine. Ces techniques ont été étudiées et copiées par des générations de jeunes compositeurs.

In the early to mid-1980's, he transitioned once again to a new style, which also touched on the idea of constructing new cultural identities. Allusions to other styles became the leading topic and the idea of synthesizing artificial ethnic genres informed by his encyclopedic knowledge of music from around the globe became a predominant one, such as in the second movement of the Horn trio which he called "a very quick polymetric dance inspired by the various folk music of non-existing people, as if Hungary, Romania and the entire Balkan region were situated somewhere between Africa and the Caribbean."

Entre le début et le milieu des années 1980, il passe une fois encore par un nouveau style, qui rejoint aussi l'idée de construire de nouvelles identités culturelles. Les allusions à d’autres styles deviennent le thème principal et l’idée de synthétiser des genres ethniques artificiels fondés sur sa connaissance encyclopédique de la musique du monde entier devient prédominante, comme dans le deuxième mouvement du trio pour cor, qu’il a appelé “une danse polymétrique très rapide qui s’inspire des musiques folkloriques d’un peuple qui n’existe pas vraiment, comme si la Hongrie, la Roumanie et toute la région des Balkans se situaient quelque part entre l’Afrique et les Caraïbes”.


Figure 1. Measure 27-32 of the 2nd movement of the Horn Trio by György Ligeti.

Many of his pieces from this period are characterized by this urge, which is also felt in the works of a number of his students. Much has been written about Ligeti and instead of adding to this body of literature, I would like to shift the focus to Manfred Stahnke who since 1974 was Ligeti's student and later his associate, still attending his seminars up to his retirement in 1989.

Plusieurs de ses œuvres de cette époque se caractérisent par cette envie, qui se retrouve également dans les œuvres de nombre de ses étudiants. Beaucoup a été écrit sur Ligeti et au lieu d’ajouter à cette littérature, je voudrais me concentrer sur Manfred Stahnke qui, depuis 1974, fut étudiant puis associé de Ligeti, assistant toujours à ses séminaires jusqu’à sa retraite en 1989.

3. Manfred Stahnke

Stahnke is one of the few German composers of his generation who drew incessant inspiration from music of other cultures. Born in 1951, six years after the end of WWII, he had a natural aversion—shared with many German artists of his generation— to anything that could remotely be dubbed National German music.

3. Manfred Stahnke

Stahnke est l’un des rares compositeurs allemands de sa génération à avoir tiré de manière incessante son inspiration de la musique d’autres cultures. Né en 1951, six ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il avait une aversion naturelle -partagée avec de nombreux artistes allemands de sa génération - à tout ce qui pouvait rappeler la musique nationale Allemande.

As opposed to some of his colleagues (such as Mathias Spahlinger or Claus-Steffen Mahnkopf) who—still inspired by Theodor W. Adorno's music philosophy—turned their efforts into creating music with a clear political agenda, Stahnke embraced music from a distant time or remote location in order to escape the shadows of the recent fascist era:

Contrairement à certains de ses collègues (comme Mathias Spahlinger ou Claus-Steffen Mahnkopf) qui - toujours inspirés par la philosophie musicale de Theodor W. Adorno - ont concentré leurs efforts sur la création d'une musique avec un agenda politique clair, Stahnke a embrassé la musique d'une époque lointaine pour échapper à l'ère fasciste récente:

"Also eigentlich reiste man raus, nicht nur aus dem Ort Europa, sondern aus der Zeit Europa 1900". His interest in microtonal and other types of unusual music was fueled by his natural curiosity manifest since his childhood and later reinforced by his like-minded teacher György Ligeti (whom he describes as part prima donna, part scholar/scientist).

"Ainsi on voyagerait non seulement hors d'Europe, mais aussi hors d'Europe des années 1900". Son intérêt pour la musique microtonale et autres types de musique inhabituelles fut alimenté par sa curiosité naturelle manifeste depuis son enfance, puis renforcé par son professeur aux vues similaires, György Ligeti (qu'il décrit comme érudit et scientifique).

Stahnke benefited greatly from a DAAD scholarship, which enabled him to spend a year in the USA. His studies with Ben Johnston turned him on to Harry Partch, the hobo and renegade composer who single-handedly created music hitherto unheard of, with its novel approach to instrument building and just intonation tuning. Partch himself, though, was inspired by Chinese music and poetry and ancient Greek music theory as well as the teachings of Helmholtz and Kathleen Schlesinger. Stahnke dedicated to this American maverick a piece called Partch Harp for harp in just intonation tuning and DX7 II synthesizer tuned to an equidistance scale of his invention with nearly just major thirds, just minor seventh and compressed octaves known as cet97 in the Scala Archive4.

Stahnke a grandement bénéficié d'une bourse du DAAD, qui lui a permis de passer un an aux États-Unis. Ses études avec Ben Johnston l’amènent à rencontrer Harry Partch, compositeur hobo et renégat qui a créé à lui seul une musique sans précédent, avec son approche novatrice de la construction d'instruments et son réglage de l'intonation. Partch lui-même, cependant, s'inspirait de la musique et de la poésie chinoises et de la théorie de la musique grecque antique, ainsi que des enseignements d'Helmholtz et de Kathleen Schlesinger. Stahnke dédia à ce non-conformiste américain un morceau appelé Partch Harp pour harpe accordée en intonation juste et un synthétiseur DX7 II accordé à une échelle d’équidistance de son invention avec des tierces majeurs presques justes, septième mineure juste et des octaves compressés appelé cet97 dans les archives Scala10.

Stahnke's curiosity feil on fertile ground in Ligeti's seminars who, due to his enormous reputation, succeeded in attracting young, like-minded composers willing to share their discoveries. Ligeti also exposed his dass of students, whom Stahnke referred to as the Hamburg school, to the publications of fractal researcher Heinz-Otto Peitgen and ethonolomusicogists Gerhard Kubik and Simha Arom, just to mention a few.

La curiosité de Stahnke rencontre le terrain fertile des séminaires de Ligeti qui, grâce à sa grande réputation, avait réussi à attirer de jeunes compositeurs partageant les mêmes idées et désirant partager leurs découvertes. Ligeti a également révélé à ses nombreux étudiants, que Stahnke a qualifiés d’école de Hambourg, les publications du chercheur en fractales Heinz-Otto Peitgen et des ethnomusicologues, Gerhard Kubik et Simha Arom, pour ne citer que quelques-unes.

With the composers of the 1985+ generation of Ligeti students, Stahnke founded the Ensemble Chaosma in 1992, in order to disseminate the works and thoughts (Stahnke likes to refer to himself as a music thinker rather than a composer) of this particular group of people. One of the performing members of the group, guitarist Seth Josel, is the dedicatee of a piece called Malaita. This composition epitomizes Stahnke's concept of composition as cultural construction: This microtonal piece in 7EDO (division of the octave in 7 equal steps) is based on the pan flute music of the Solomon Islands which has been recorded and studied by Swiss ethnomusicologist Hugo Zemp.

Avec les compositeurs étudiants de Ligeti de la génération 1985, Stahnke a fondé l'Ensemble Chaosma en 1992 afin de diffuser les œuvres et les réflexions (Stahnke aime se désigner lui-même comme un penseur de musique plutôt que comme un compositeur) de ce groupe de personnes. L'un des membres du groupe, le guitariste Seth Josel, est le dédicataire d'une pièce intitulée Malaita. Cette composition incarne le concept de composition de Stahnke en tant que construction culturelle: cette pièce microtonale de 7EDO (division de l'octave en 7 degrés égaux) est basée sur la musique de flûte de pan des îles Salomon enregistrée et étudiée par l'ethnomusicologue suisse Hugo Zemp.

Pitch analysis has led Zemp to assume that it was roughly based on an equidistant seven-tone scale, a finding to be taken with a grain of salt as the pitches produced by these flutes are scattered statistically around seven steps. Anyway, written in 1989 Malaita required the use of end-80's cutting edge technology: a MIDI guitar and a sequencer program to sequentially record and playback the four tracks of the composition as well as a sound module such as the DX 7, II capable of rendering microtonal tunings5. Hamburg was a good place for such endeavors: both, the maker of the software Emagic and the European division of the synthesizer company Yamaha were located in close proximity to the city and willing to share their developments with Ligeti's students.

L’analyse des hauteurs a conduit Zemp à supposer qu’elle s’appuyait grossièrement sur une échelle à sept tons équidistante, résultat à prendre avec précaution car les hauteurs produites par ces flûtes sont dispersées statistiquement autour de sept degrés. Quoiqu’il en soit, écrit en 1989, Malaita nécessitait l’utilisation de la technologie de pointe des années 80: une guitare MIDI et un programme séquenceur pour enregistrer et reproduire séquentiellement les quatre pistes de la composition ainsi qu’un module de son tel que le DX 7, II capable de restituer des accords microtonaux11. Hambourg était un bon endroit pour de tels efforts: le fabricant du logiciel Emagic et la division européenne de la société de synthétiseur Yamaha étaient situés à proximité de la ville et souhaitaient partager leurs développements avec les étudiants de Ligeti.

To compose this piece, Stahnke, an apt improviser, used a triadic strategy, which he also applied to a number of his more recent pieces: Improvisation, transcription and editing. This approach has been facilitated by the advances of digital technology in the 1980's during which MIDI and a number of innovative instruments were introduced, capable of generating digital output (such as the MIDI guitar). This hybrid instrument—consisting of an electric guitar outfitted with a sound-to-MIDI converter in addition to a regular pickup—was and still is regularly used by Pop guitarists to drive arsenals of synthesizers (Malaita requires flute sounds to mimic the pan flutes from the Solomon Island). A novelty consisted in masking the instrument's own tuning (nearly unperceivable because of its meek unamplified sound), thus applying a two-fold transformation (sound and tuning) to the instrument's sonic identity. This actually foreshadowed a typical attitude of the denizens of the Internet6: Concealing one's own identity in favor of an actively constructed presentation of oneself.

Stahnke, improvisateur doué, utilise alors une stratégie triadique, qu'il a également appliquée à un certain nombre de ses morceaux plus récents: Improvisation, transcription et édition. Cette approche a été facilitée par les progrès de la technologie numérique dans les années 1980, au cours desquels le MIDI et un certain nombre d'instruments innovants ont été introduits, capables de générer une sortie numérique (telle que la guitare MIDI). Cet instrument hybride, constitué d’une guitare électrique équipée d’un convertisseur son / MIDI et d’un micro classique, était et est toujours utilisé régulièrement par les guitaristes pop pour créer des arsenaux de synthétiseurs (Malaita exige des sons de flûte pour imiter les flûtes de pan des îles Salomon). Une nouveauté consistait à masquer l'accordage de l'instrument (presque imperceptible à cause de son son doux et non amplifié), appliquant ainsi une double transformation (son et accord) à l'identité sonore de l'instrument. Cela préfigurait en fait une attitude typique des habitants adeptes d'Internet12 : dissimuler sa propre identité au profit d'une présentation de soi activement construite.


Figure 2. Measure 21-30 of Malaita by Manfred Stahnke featuring the entrances of voices 2 and 4.

In our interview, Stahnke also makes mention of other pieces which drew their essence from other cultures: Halakiltunti (transforming music by the Tepehua people of Central America), Centonage (reflecting on a music practice of South American campesinos) and Changguflage (based on Korean music). The title of the latter composition is remarkable as it combines the words Changgu, a Korean drum, which he contrasts with a string trio, and camouflage, a clear reference to cultural mimesis and the attempted amalgamation of various musical approaches (such as the scintillating octaves achieved by detuning the string instruments).

Dans notre entretien, Stahnke mentionne également d'autres pièces qui tirent leur essence d'autres cultures: Halakiltunti (musique des Tepehua de Central Amérique transformée), Centonage (rappelant des pratiques de musique des paysans sud-américains) et le Changguflage (basé sur la musique coréenne). Le titre de cette dernière composition est remarquable car il associe les mots Changgu, un tambour coréen, qu’il oppose à un trio à cordes, et un camouflage, une référence claire à la mimèsis culturelle et à la tentative de fusion de diverses approches musicales (telles que les octaves scintillantes obtenues en désaccordant les instruments à cordes).

Stahnke's attitude to cultural hybridization is that of a mental traveler standing on firm European, or more precise, Northern German ground: “We collect, we travel either mentally, by reading books or listening to music or we travel physicae. lt makes no difference to me whether I travel in space or in time, mentally or physically.”

L’attitude de Stahnke vis-à-vis de l’hybridation culturelle est celle d’un voyageur mental , un européen de longue date ou plus précisément de l’Allemagne du nord : “Nous collectionnons, nous voyageons mentalement, en lisant des livres, en écoutant de la musique ou en voyageant physicalement. Cela ne fait aucune différence pour moi que je voyage dans l'espace ou dans le temps, mentalement ou physiquement”.


Figure 3. Measures 5-10: Scintillating unisons in Stahnke's Changguflage achieved by the scordatura and the fluctuating rate of the tremolos in the three string instruments.

Stahnke carefully evades the pitfalls of post-colonial appropriation by filtering the music through his mind of a composer/improviser.

Stahnke évite soigneusement les pièges de l'appropriation post-coloniale en filtrant la musique par son esprit de compositeur / improvisateur.

In the end, he does retain his personal style through something that could be called resonance, i.e. instead of applying certain stylistic elements used in order to deliberately create an ethnic-sounding surface, Stahnke's keen ear picks up on particular features such as the aforementioned scintillating octaves, transforming and amalgamating them in truly personal ways.

En fin de compte, il conserve son style personnel par l'intermédiaire de queque chose que l'on pourrait appeler la résonance: c’est-à-dire que, au lieu d’appliquer certains éléments stylistiques utilisés pour créer délibérément une surface à consonance ethnique, l’oreille attentive de Stahnke se concentre sur des caractéristiques particulières, telles que le scintillant des octaves mentionné plus haut, en les transformant et en les fusionnant de façon tout à fait personnelle.

1. Humans are not the only ones actually that use melody to distinguish between group identity: lt has been shown that birds and whales have dialects, specific to the group they live in.

2. Yet, paradoxically, national labeling was still manifest such as in the term British Invasion referring to an influx of British Pop music into the USA, the homeland of rock and roll.

3. Though we recently seem to suffer a backlash by a rise of populist national propaganda by those who obviously have been on the loosing end of the digital, i.e. global divide.

4. http://www.huygens-fokker.org/scala

5. It is said that Ligeti had used his influence to convince Yamaha to implement microtonal tuning tables in the second release of the DX7.

6. We need to remember that the WWW, the Internet's most useful application was invented in the same year by Tim Berners-LL.

7. Les humains ne sont pas les seuls à utiliser la mélodie pour distinguer les identité de groupes : il a été démontré que les oiseaux et les baleines ont des dialectes spécifiques au groupe dans lequels ils vivent.

8. Pourtant, paradoxalement, les labels nationaux étaient encore manifestes, comme dans le terme d'invasion britannique, qui fait référence à un afflux de musique pop britannique aux États-Unis, patrie du rock and roll.

9. Bien que nous semblions récemment subir un contrecoup du fait de la montée de la propagande nationale populiste de la part de ceux qui se sont visiblement retrouvés au bord de la fracture numérique, c'est-à-dire globale.

10. http://www.huygens-fokker.org/scala

11. Il est dit que Ligeti avait utilisé son influence pour convaincre Yamaha de mettre en place des tables de syntonisation microtonales dans la deuxième version du DX7.
12. On doit se rappeler que le www, l'application la plus utile d'internet, a été inventée la même année par Tim Berners-LL.

Traduction Jonathan Bell,
suite de l’article au prochain numéro
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Johannes Kreidler
Music With Music

"La musique contemporaine aime souvent provoquer, même si elle sait parfois se ranger dans une certaine forme d’académisme. Le jeune compositeur Johannes Kreidler enseigne à Hambourg le contrepoint et l’harmonie, et pourtant sa musique semble très éloignée de celle des maîtres anciens. Tributaire d’une ‘musique d'art conceptuel’, résolument post-moderne, Kreidler tourne en dérision presque systématiquement les matériaux qu'il utilise. Si certains n'y voient qu'une plaisanterie, Kreidler est une figure incontournable de la jeune scène de Darmstadt, et, comme la compositrice/performeuse irlandaise Jennifer Walshe, témoigne peut-être d'une forme d'amertume désenchantée chez la jeune génération. La France semble assez étrangère à ce genre d'expérimentations radicales. Les choses ont probablement peu changé depuis le siècle dernier. Ceci nous rappelle l'idée proposée par Christian Accaoui selon laquelle, chez Schoenberg (et en opposition à Debussy), ce qui est expressif n'est pas nécessairement beau..."

1.
Sensitivity has increased, so that everything is basically a remix. No one knows if or when a copyright infringement occurs anymore, because you always build upon what already exists; no writer invents his own letters and rarely his own words, and in music practically all sounds are found and recorded. Nobody writes on a blank sheet of paper anymore.

1.
Notre sensibilité a changé, de sorte que tout est aujourd’hui un remix. Personne ne sait si ou quand une violation de droit d'auteur se produit, car on s’appuie toujours sur ce qui existe déjà. Aucun écrivain n'invente ses propres lettres et rarement ses propres mots, et pratiquement tous les sons se trouvent déjà enregistrés en musique. Personne n'écrit plus sur une feuille de papier vierge.

So: authorship is a construct. What is by me? »Even I myself am not by me« (Sophie Rois). Whoever composes takes a selection of existing music, reduces it back to a pre-compositional state, and then reassembles it until it has the form of a work again. The author is not dead, as Roland Barthes said, but the dead are still authors with us. A work is full of other musics or their rudiments.

La paternité de l’oeuvre est une donc toujours une construction. Qu’est-ce qui est de moi? «Même moi je ne suis pas par moi» (Sophie Rois). Celui qui compose prend une sélection de musique existante, la réduit à un état pré-compositionnel, puis la ré-assemble jusqu'à ce qu'elle ait la forme d'une œuvre. L'auteur n'est pas mort, comme l'a dit Roland Barthes, mais les morts sont toujours auteurs avec nous. Une œuvre est pleine d'autres musiques ou de leurs rudiments.

Instrumentalists then play the piece; it is their muscles and nerves that create and control the sounds, their mental powers that (per-)form the body of the work live. Furthermore, the instrument makers have their share, the concert hall architects and the upholstery companies – how many instances does a work have at all? Everyone, even a Beethoven, still stands »on the shoulders of giants« (Bernard of Chartres).
At first I do nothing more than make this circumstance recognizable; I »coarsen« (Martin Schüttler) the individual tones again and again to whole musics. I call this »music with music«.

Les instrumentistes jouent ensuite la pièce; ce sont leurs muscles et leurs nerfs qui créent et contrôlent les sons, leurs pouvoirs mentaux qui constituent le corps du travail. En outre, les fabricants d'instruments ont leur part d'autorité, de même que les architectes des salles de concert et les fabricants de meubles rembourrés: combien de participants interviennent-t-ils dans une œuvre? Tout le monde, même un Beethoven, se tient toujours "sur les épaules de géants" (Bernard de Chartres).
Au début, je ne fais rien de plus que de rendre cette circonstance reconnaissable; Je vulgarise (Martin Schüttler) chaque note encore et encore sur la musique entière. J'appelle ça "musique avec musique".

2. It all started with short samples, snippets of pop music, barely longer than a single tone, and I applied them like single tones to all kinds of New Music compositional techniques of the last seventy years; small barbed hooks and hyperlinks. In my work series windowed I have fragmented given pieces of music to play with degrees of recognizability. Sound files of various origins running in the background are faded in only in excerpts between 40 and 1000 milliseconds. Depending on the size of such a ›window‹, the listener either perceives an indefinable sound fragment or a section that clearly refers to the underlying music. For example, I combined these fragments with actions of percussion instruments (as in windowed 1 for percussion and audio playback). After all, the percussion instruments are also sounds that have been torn out of various cultures.
Over time, there were more and more samples, up to 70,200, in thirty-three seconds (product placements) – which I then correctly registered with a truck full of 70,200 registration forms at the GEMA [Performing Rights Society], as a political music theater. Then I pressed the notes of whole pieces into the keys and generated different results on the computer (five programmings of a MIDI keyboard). Then melodies were formed from stock prices: every human being is an artist, even bank managers;

2. Tout a commencé avec de courts extraits, de musique pop, à peine plus longs qu'un seul échantillon, que j’ai appliqués, comme sonorités simples, à toutes sortes de techniques de composition de la musique nouvelle des soixante-dix dernières années; guillemets et hyperliens. Dans mon travail en série, j'ai fragmenté des morceaux de musique pour jouer avec différents degrés de reconnaissabilité. Les fichiers sonores d'origines diverses en arrière-plan ne sont atténués que par des extraits compris entre 40 et 1 000 millisecondes. En fonction de la taille d'une telle "fenêtre", l'auditeur perçoit soit un fragment sonore indéfinissable, soit une section faisant clairement référence à la musique sous-jacente. Par exemple, j'ai combiné ces fragments avec des actions d'instruments de percussion (comme dans windowed 1 pour les percussions bande). Après tout, les instruments de percussion sont aussi des sons arrachés à différentes cultures.
Au fil du temps, il y avait de plus en plus d'échantillons, jusqu'à 70 200, en trente-trois secondes (placements de produits) - que j'ai ensuite correctement catalogués avec un camion rempli de 70 200 formulaires d'inscription à la GEMA (société des droits d’auteur), en tant que musique politique théâtrale. Ensuite, j'ai utilisé des graphes de spéculations boursières pour générer des mélodies. Des morceaux sont alors formées à partir des fluctuations du prix des actions: tout être humain est un artiste, même les directeurs de banque;

a children’s pop composition app has arranged pieces with these tunes for me (Charts Music). Then I let my music to be imitated by composers from low-wage countries for (little) money (Fremdarbeit).

une application de composition pop pour enfants a arrangé pour moi des morceaux à partir de ces airs (Charts Music). Ensuite, j’ai laissé ma musique être imitée par des compositeurs de pays à bas salaires pour (peu) d’argent (Fremdarbeit).

I have made programming code sound as a sound wave (Compression Sound Art), organized a composition competition for me (Fremdarbeit), used a condom as a speaker membrane to play a recording of the Pope (Compression Sound Art) and played the soundtracks of complete movies in a few seconds (Cantata).

J'ai fait sonner des langages de programmation comme des ondes sonores (Compression Sound Art), organisé un concours de composition pour moi-même (Fremdarbeit), j’ai utilisé un préservatif comme membrane de haut-parleur pour reproduire un enregistrement du pape (Compression Sound Art) et joué les bandes sonores de films complets en quelques secondes (Cantata).

Then I collected more than fifty different metal styles and let them dance to them (Feeds. Hören TV), or made countless style arrangements of one and the same tune with an arrangement software (Style 1).

Ensuite, j'ai rassemblé plus de cinquante styles de métal différents et je les ai laissés danser entre eux (Feeds. Hören TV), ou j'ai créé d'innombrables styles d’arrangements à partir d'un seul et même morceau, au moyen d’un logiciel d'arrangement (Style 1).

Then I re-interpreted the avant-garde; for example, I realized John Cage's Silence Classic 4'33" as a YouTube split screen video, fed Brian Ferneyhough's Second String Quartet into the pop composition software Band in a Box and let Arnold Schoenberg's Pierrot Lunaire speak by a car navigation device, or applied Maurice Ravel's Boléro – as the principle of steady increase in volume – to a remixed scene from the film Downfall;

Puis j'ai réinterprété l'avant-garde; Par exemple, j’ai réalisé le classique Silence 4'33" de John Cage sous forme de vidéo en écran partagé sur YouTube, chargé le Second Quatuor à cordes de Brian Ferneyhough dans le logiciel de composition pop Band in a Box et laissé Pierrot Lunaire d’Arnold Schoenberg chanter dans un appareil de navigation automobile, ou encore appliqué le processus du Boléro de Maurice Ravel - en tant que principe d'augmentation constante du volume - à une scène remixée du film Downfall;

I performed Alvin Lucier's pioneering sound art work Music for a Solo Performer as a political performance under artificially aggravated conditions – the »postmodernization of the modern« (Jean-François Lyotard).

J'ai interprété l'oeuvre musicale sonore pionnière d'Alvin Lucier, Music for a Solo Performer, comme une performance politique dans des conditions aggravées artificiellement - la «postmodernisation du moderne» (Jean-François Lyotard).

3.
So I let compose. I let it be and let others work, sooner or now. Why? Because they do. That's the world.

3.
Je laisse donc composer. Je la laisse exister, et laisse les autres travailler (d’aujourd’hui ou d’hier). Pourquoi? Parce qu'ils le font. C'est le monde.

Before I start writing a single note or programming a sound wave, the entire history of music is practically already on my computer or on the Internet, both as sound files and as scores. So I don't need to compose many things anymore that already exist and can be used with a mouse click. Why nibble at the pen when others have come up with useful solutions? I often use pop music samples, mainly from bad pop music – the media noise, with which I make noise music.

Avant de commencer à écrire une seule note ou à programmer une onde sonore, toute l’histoire de la musique se trouve déjà pratiquement sur mon ordinateur ou sur Internet, à la fois en tant que fichiers son et en tant que partitions. Donc, je n'ai plus besoin de composer beaucoup de choses qui existent déjà et qui peuvent être utilisées avec un clic de souris. Pourquoi user le crayon quand d’autres ont proposé des solutions utiles? J'utilise souvent des échantillons de musique pop, mauvaise musique pop principalement - le bruit des médias, avec lequel je fais de la musique noise.

I also like to search the world for templates, ›pre-compositions‹ instead of sucking something out of my fingers. These are, for example, statistics, blueprints, politicians' speeches, et cetera. I also let the computer compose a lot itself; the more I work with it, the more beautiful I find the results (Maybe that's because you communicate so much with algorithms on Google, Facebook, & Co.).

J'aime aussi parcourir le monde à la recherche de modèles (templates) de pré-compositions, au lieu d’extirper quelque chose de mes propres doigts. Ce sont par exemple des statistiques, des plans, des discours de politiciens, etc. Je laisse aussi l'ordinateur composer beaucoup lui-même; plus je travaille avec lui, meilleurs sont les résultats (peut-être parce qu’on communique beaucoup avec des algorithmes sur Google, Facebook, etc.).

To put it bluntly: The medium must be composed; how this is then unfolded is the usual musical imagination that every church musician also has – or it can be filled in by algorithms and the already-existing.
You do not have to do any handy-craft for which there are machines. One does not live in isolation, but refers to things, one is already born into an existing world. Most composers still compose in the wrong place: »The largest buildings they know are those that a single man is capable of building.« (Bertolt Brecht, Stories of Mr. Keuner)

Pour parler franchement: c’est le support qui doit être composé; comment cela se déploie, c’est ce que sait faire l’imagination musicale habituelle de chaque chapelle de musicien - et elle peut être complétée par des algorithmes ou tout ce qui pré-existe.
Il n’est plus de bricolage pratique pour lequel il n’existe pas déjà des machines. On ne vit pas en vase clos, mais on se réfère à des choses, on naît dans un monde déjà existant. La plupart des compositeurs composent encore au mauvais endroit: "Les plus grands bâtiments qu'ils connaissent sont ceux qu'un seul homme est capable de construire." (Bertolt Brecht, Stories of Mr. Keuner)

The same applies to making music. Today we have a gigantic archive of audio recordings, from single tones, instrumental gestures, standardized composition techniques, expressive topoi to Mahler symphonies, in excellent quality.

La même chose s'applique à la musique. Nous disposons aujourd'hui d'archives gigantesques d'enregistrements audio, à partir de sons simples, de gestes instrumentaux, de techniques de composition standardisées, de topoi expressifs aux symphonies de Mahler, d'excellente qualité.

So why should musicians have to play that again? Just to give it more aura and sound more original? The live performance becomes an eye-candy, they do actually quote, but the redundancy is covered with sweat. Just as a composer should only compose as much as is really necessary, instrumentalists should also be stingy with their presence.

Alors, pourquoi les musiciens devraient-ils encore jouer tout cela? Juste pour lui donner plus d'aura et un son plus original? Le spectacle live devient de plus en plus apprécié, mais la redondance est laborieusement couverte de sueur. Tout comme un compositeur ne devrait composer que ce qui est vraiment nécessaire, les instrumentistes devraient également être avares de leur présence.

I was once asked to write tragic music for a play. I refused by saying that there are already thousands of tragic musics available. There is nothing to add! They should make use of music history. I only compose where there is something to compose. You don't have to reinvent the wheel, you also don't have to build it anew. After all, intellectual achievements are not taken away, but multiplied.

On m'a demandé une fois d'écrire une musique tragique pour une pièce de théâtre. J'ai refusé en disant qu'il y avait déjà des milliers de musiques tragiques disponibles. Il n'y a rien à ajouter ! Ils devraient utiliser l'histoire de la musique. Je ne compose que là où il y a quelque chose à composer. Vous n'avez pas à réinventer la roue, vous n'avez pas non plus à la reconstruire. Après tout, les réalisations intellectuelles ne s’effacent pas mais se multiplient.

The great emotions are all expressed in music, and these musics probably work forever (tension-relaxation!). «It corresponded in a certain way with my own and, as I had found out, not only individual, growing tendency to see all life as a cultural product and in the form of mythical clichés and to prefer the quotation to the 'independent' invention.» (Thomas Mann, The Genesis of Doctor Faustus)

Les grandes émotions sont toutes exprimées dans la musique, et ces musiques fonctionnent probablement pour toujours de la même façon (tension-détente). ”Cela correspondait d'une certaine manière à moi-même et comme je l’avais trouvé,- il n’était pas seulement individuel, d'un individu à l'autre, mais d'une tendance croissante à voir toute la vie comme un produit culturel et sous la forme de clichés mythiques et à préférer la citation à l'invention indépendante'’. (Thomas Mann, la genèse du Docteur Faust)

4.
But just because creating today is so highly related to the existing, originality is required. You can copy originals, but not originality! Of course, there are ideas, qualitative leaps, achievements of individuals. The attitude, however, is different from that of the genius-autonomous author: Open Source. You open the sources and have your transparent wishes with them.

4.
Mais ce n’est pas parce que la création d’aujourd’hui est étroitement liée à l’existence que l’originalité est requise. Vous pouvez copier des originaux, mais pas l'originalité! Bien sûr, il y a des idées, des sauts qualitatifs, des réalisations d'individus. L'attitude, cependant, est différente de celle de l'auteur de génie: Open Source. Vous ouvrez les sources et vos souhaits transparaissent en eux.

5.
He who writes for violin, is copying.

Every composition is a continued composition.

5.
Celui qui écrit pour le violon ne fait que copier.

Chaque composition n’est que la suite d’une autre composition.

Gérard Grisey said: I no longer compose with notes, but with tones. I would say: I no longer compose with tones, but with music. In this sense, I am a musician.

Gérard Grisey avait déclaré: Je ne compose plus avec des notes, mais avec des fréquences. Je dirais: je ne compose plus avec des fréquences, mais avec de la musique. En ce sens, je suis musicien.

Today it is no longer the question whether a noise can be music, but whether a pop song can be music.

Aujourd'hui, la question n'est plus de savoir si un bruit peut être de la musique, mais si une chanson pop peut être de la musique.

Musique concrète recorded everyday sounds and musicalized it. I take existing music and musicalize it.

La musique concrète a enregistré les sons de tous les jours et les a ainsi musicalisés. Je prends la musique existante et la musicalise.

I like to make noise music. Pop music is noise.

J'aime faire de la musique noise. La musique pop n’est que du bruit.

Pop music quotes in atonal music: to make listening difficult with that which is simple. I only like to quote music that I don’t like.

Citer de la musique pop dans la musique atonale: rendre l’écoute difficile avec ce qui est simple. J'aime seulement citer des musiques que je n'aime pas.

Picasso once said: I do steal – where there is anything to steal. I would say today: I do compose – where there is anything to compose.

Picasso a dit un jour: Je vole - là où il y a quelque chose à voler. Je dirais aujourd'hui: je compose - là où il y a quelque chose à composer.

6.
Even today, some composers succeed in mastering the art of producing a never-heard-before sound, but otherwise they inevitably make use of the existing. This applies not only to basic musical elements, such as the eighty-eight keys of the piano, but also to their combinations.

6.
Même aujourd'hui, certains compositeurs réussissent à maîtriser l'art de produire des son jusqu’ici inouïs, ils utilisent inévitablement l'existant. Cela s'applique non seulement aux éléments musicaux de base, tels que les quatre-vingt-huit touches du piano, mais également à leurs combinaisons.

Instrumental gestures, standardized compositional techniques and expressive topoi are omnipresent and can hardly be circumvented or reinterpreted after a hundred years of New Music and thirty years of its institutionalization (similarly applies to pop music).

Les gestes instrumentaux, les techniques de composition standardisées et les topoi expressifs sont omniprésents et peuvent difficilement être contournés ou réinterprétés après cent ans de musique nouvelle et trente ans d’institutionnalisation (ce qui s’applique de la même manière à la musique populaire);

Finally, the Internet, the total archive, makes it almost impossible to forget art history. That is why a change of category begins: The question is less and less concerned with whether or not a composer quotes, but what, how, and for what.

Enfin, Internet, l’archive totale, rend presque impossible l’oubli de l’histoire de l’art. C’est pourquoi un changement de catégorie commence: la question se pose de moins en moins de savoir si un compositeur cite, mais plutôt quoi, comment et pourquoi il le fait.

In other words, music is objectified and functionalized, music with music: this is how I formulate the »content-aesthetic turn« (Harry Lehmann). There is plenty of ›material‹ or ›media‹. But this is no simple lexicon of vocabulary with which one could now form sentences.

En d’autres termes, la musique est objectivée et fonctionnalisée, la musique avec la musique: c’est ainsi que j’ai formulé le «tournant esthétique du contenu» (Harry Lehmann). Il y a une infinité de matériaux et de médias. Mais ce n’est pas un lexique simple de vocabulaire avec lequel on pourrait ensuite former des phrases.

Material is coarse and large, the sounds are heavy and cumbersome. They immediately contract into whole entities. Even the single tone is a composition. Today, sounds are no longer just bundles of structureable parameters, but semantic objects (you can see it again on the computer where the sounds are files and therefore have filenames and are tagged in archives).

La matière est grossière et volumineuse, les sons sont lourds et encombrants. Ils se contractent immédiatement en entités entières. Même une sonorité unique est une composition. Aujourd'hui, les sons ne sont plus simplement des ensembles de paramètres structurables, mais des objets sémantiques (vous pouvez l’observer en informatique, où les sons sont des fichiers et ont des noms de fichiers et sont étiquetés par ‘tags’ dans des archives).

Even those who presumably compose in an abstract manner today compose ›content-aesthetically‹: this is how the clichés emerge. The oboe sounds beautiful, but also like an instrument of the bourgeois orchestral concert.

Même ceux qui composent probablement de manière abstraite aujourd'hui composeront à partir de contenus esthétiques : c'est là que les clichés émergent. Le hautbois sonne beau, mais il est aussi un instrument du concert orchestral bourgeois.

How to deal with it? If there is conscious faithfulness to the work, there must also be conscious unfaithfulness to the work, a director’s theater in music.

Comment faire avec ça ? S’il existe une fidélité consciente à l’œuvre, il faut aussi qu’il y ait une infidélité consciente à l’œuvre, comme chez un metteur en scène.

Combine a piano sound with a harpsichord sound. Play the second act of the Meistersinger an octave higher (if at all). Why does ›interpretation‹ always only concern tempo, phrasing and dynamics? With this concept of interpretation, classical music is not updated, but neutralized. We are alienated and any form of misappropriation is therefore more honest.

Combinez un son de piano avec un son de clavecin. Jouez le deuxième acte du Meistersinger une octave plus haut (voire pas du tout). Pourquoi l’interprétation ne concerne-t-elle toujours que le tempo, le phrasé et la dynamique? Avec ce concept d'interprétation, la musique classique ne s'est pas mise à jour, elle s’est neutralisée. Nous sommes aliénés et toute forme d’appropriation illicite est donc plus honnête.

Whoever sings the Jägerchor right, sings it wrong (or are we in the 19th-century?). I myself find it embarrassing that the music is far behind the Regie(sprech)theater that is already getting old, but now it also goes through that, and thoroughly.

Quiconque chante bien le Jägerchor le chante mal (ou alors sommes-nous au 19ème siècle?). Je trouve moi-même embarrassant que la musique soit loin derrière le théâtre (sprech) qui est déjà vieux, mais qui passe également par là de manière plus approfondie.

7.
The extreme case is the ready-made, the completely adopted, which only becomes a new work through minimal addition or re-contextualization. Besides, it is mainly all the transformation from other media and areas into the music and the new “let it be made” by others or by machines: the extended ready-made concept.

7.
Le cas extrême est le ready-made, complètement adopté, qui ne devient une nouvelle œuvre que par un ajout minimal ou une recontextualisation. En outre, il s’agit principalement de la transformation d’autres médias et domaines en musique et du nouveau «laisser faire» par d’autres ou par des machines: le concept ready-made étendu.

All this is a barely cultivated field in the music of the concert hall. Musique conrète was limited to Schaeffer, Henry and Ferrari, in Germany it was adornianly excluded, in France it has been replaced by spectralism, and these things are most likely to have further developed after Cage in the American underground, in the sampling of pop music and in sound art.

Tout cela est un domaine à peine cultivé dans la musique des salles de concert. La musique concrète s’est limitée à Schaeffer, Henry et Ferrari. En Allemagne, elle a été exclue par Adorno. En France, elle a été remplacée par le spectralisme, et ces choses-là vont probablement encore se développer après Cage dans l'underground américain, dans l'échantillonnage de la musique pop et dans l'art sonore.

John Oswald was a pioneer of sampling, but almost exclusively in the tape-only field and remained in the technical limits of the 80s. With today's means of digital sound processing on the laptop, with today's gigantic audio archives and the possibilities of combining them with live instruments, a huge field is opening up, especially as the Internet is now giving them greater social and political relevance.

John Oswald était un pionnier de l'échantillonnage, mais presque exclusivement dans le domaine de la bande et resta dans les limites techniques des années 80. Avec les moyens actuels de traitement du son numérique sur ordinateur portable, les gigantesques archives audio du big data et la possibilité de les combiner avec des instruments live, un champ immense s'ouvre, d'autant plus qu'Internet leur confère une plus grande pertinence sociale et politique.

Collage is no longer just an art form, but an ubiquitous principle, be it Wikipedia articles on which many authors write, cosmetic operations and gender attributes that can be chosen individually, modular furniture, the mixed calculation of precarious working conditions (my tax return is a complex collage), patchwork families, the multicultural society or life philosophies, everything: collages.

Le collage n’est plus une pratique artistique, c’est un principe omniprésent, qu’il s’agisse d’articles de Wikipédia sur lesquels de nombreux auteurs écrivent, d’opérations esthétiques et d’attributs de genre pouvant être choisis individuellement, de meubles modulaires, du calcul mixte de conditions de travail précaires (ma déclaration de revenus est un collage complexe), familles de patchwork, société multiculturelle ou philosophies de vie, tout est collages.

Variations on a theme, paraphrase, potpourri, objet trouvée, collage, assemblage, musique concrète, bricolage, pastiche, medley, cover version, intertextuality, eclecticism, remix, remake, rework, sampling, appropriation art, bastard pop, patchwork, mash-up – that has also diffused somewhat, and it's easy to say: that’s old.

Variations sur un thème, paraphrase, pot-pourri, objet trouvé, collage, assemblage, musique concrète, bricolage, pastiche, medley, version de couverture, intertextualité, éclectisme, remix, remake, ré-interprétation, échantillonnage, appropriation art, bâtard, patchwork, mash- up - cela a aussi quelque peu diffusé, et il est facile de dire: c'est vieux.

No. It's just starting. Web 2.0 creates a huge mash-up culture, in pop as well as elitist art. Think of internet memes like Hitler finds out ..., the inappropriate soundtracks or the shreds. Fifteen years ago, that had only been possible in extremely expensive studios, and an effective distribution was almost impossible. However, material and technology are now available to almost everyone, almost free of charge, now everything can be combined.

Non, ça ne fait que commencer. Le Web 2.0 crée une immense culture de mash-up, à la fois pop et art élitiste. Songeons à Hitler finds out ..., the inappropriate soundtracks ou encore the shreds. Il y a quinze ans, cela n'était possible que dans des studios extrêmement coûteux et une distribution efficace était presque impossible. Cependant, les technologies sont maintenant disponibles pour presque tout le monde, presque gratuitement, et maintenant tout peut être combiné.

You can dismiss the idea of collage as an old hat, but nonetheless, whether you like it or not, it is the sign of the Internet age, it is its most typical form. Only the global information technology network is the great catalyst for some postmodern insights, the copying and the archiving is now so entirely virulent. We now have a huge, even total memory at our disposal with which we can compare everything. When a song is playing in the pub, all I need to do is hold my mobile phone in the air for thirty seconds, and the title of the song is given to me.

Vous pouvez rejeter l'idée du collage comme un vieux chapeau, mais néanmoins, que cela nous plaise ou non, c'est le signe de l'ère d'Internet, c'est sa forme la plus typique. Seul le réseau mondial des technologies de l’information est le grand catalyseur de certaines idées postmodernes. La copie et l’archivage sont à présent si virulents. Nous avons maintenant une immense mémoire à notre disposition grâce à laquelle nous pouvons tout comparer. Quand j’entends une chanson dans un pub, je n’ai besoin que d’en en quelques secondes sur un téléphone pour en obtenir les références.

One will not program such a thing for New Music and set up a plagiarism detection platform of New Music, but one can imagine it, and / or the threat should suffice. Thus forgetting becomes impossible, we always live in comparison with the past; every action is, now verifiable, the differentiated repetition of what has already been.

Personne ne peut programmer une telle application pour la nouvelle musique, et monter ainsi une plateforme de détection de plagiat dans les musiques nouvelles, mais on peut l’imaginer et/ou la menace suffirait. L’oubli devient impossible, nous vivons toujours en comparaison avec le passé; chaque action est désormais vérifiable et sa répétition différentiable de ce qui a déjà été.

The postmodern diagnosis that we now produce re-enactments, re-mixes, updates instead of the new or as new, continues to apply, it applies more than ever, it applies forever. How should this be overcome?

Le diagnostic postmoderne selon lequel nous répétons, remixons, mettons à jour, au lieu du nouveau pour le nouveau, se vérifie plus que jamais.Comment ceci peut-il être maîtrisé?

Innocence is irreversibly lost. Whatever new epochs come, an essential moment of postmodernity, the lost innocence, presence of history, ironic or not, will remain, for the Internet is the most postmodern thing there is, and hopefully there will be no turning back from it, despite the terrible new barriers that corporations and governments want to impose.

L’innocence est irréversiblement perdue. Quels que soient les temps à venir, un moment essentiel de la postmodernité, l’innocence perdue, la présence de l’histoire, ironique ou non, restera, car Internet est la chose postmoderne par excellence, avec l’espoir qu’il n’y aura pas de retour en arrière en dépit de toutes les terribles nouvelles barrières que les corporations et les gouvernements tentent d’imposer.

Gottfried Benn's statement that »the art of the future will be collage« was more far-sighted than one had thought. It's only now that sampling and remixing are really getting started!

La déclaration de Gottfried Benns que “l’art du futur sera collage” est une des plus pertinentes qui soit. C’est aujourd’hui que ce sampling et remixing sont en train de démarrer.

8.
For samples, it is of course difficult to write on five staff lines with ink. That's why I've been programming my own composition and notation software COIT since 2007. The name is the acronym of Calculated Objects in Time. Calculated means algorithms, Objects is another word for notes, i.e. a graphical representation, in Time refers to the playback of notes in time. The goal was a software that unites as much as possible: a notation interface, comparable to music paper on which I can place notes, in this case graphical objects, by hand or via MIDI keyboard; then these objects must also be able to be generated or modified by algorithms, and all this should be able to be played back for listening (both the electronic parts and the instrumental parts, thanks to a huge, high-quality instrument sample library, »ePlayer«).

8.
Pour les échantillons c’est naturellement difficile d’écrire à l’encre son travail sur une portée à cinq lignes; c’est pourquoi j’ai programmé mon propre logiciel de composition et de notation COIT depuis 2007. Le nom est l’acronyme de “Calculated Objects in Time”. Calcul signifie algorithme, Objet est un autre mot pour notes (soit représentation graphique), Time fait référence au playback des notes. Le but était un logiciel qui unirait autant que possible une interface de notation, comparable à la partition papier sur laquelle je peux mettre mes notes, dans ce cas des objets graphiques, à la main ou via un clavier Midi ; ces objets peuvent ensuite être modifiés ou générés par des algorithmes, et tout ça peut être rejoué pour l’écoute (les parties électroniques et les parties instrumentales, grâce à une immense bibliothèque d'échantillons d'instruments de haute qualité, le “ePlayer”.

In the open source programming language, Pure Data, I had the necessary tools at hand: algorithms of all kinds are the very possibility of any programming language; I had already worked with synthetic or concrete sounds in Pure Data, as the software is specialized in digital sound synthesis and processing; the graphical representation was made possible by Data Structures, a special feature within Pure Data. In addition, there are the now extensively existing sample recordings of instrumental sounds, which can immediately give a sounding impression of the composed.

Dans le langage de programmation open source Pure Data, je disposais des outils nécessaires: des algorithmes de tous types sont la possibilité même de tout langage de programmation; J'avais déjà travaillé avec des sons synthétiques ou concrets dans Pure Data, le logiciel étant spécialisé dans la synthèse et le traitement du son numérique; la représentation graphique a été rendue possible par des Data Structures, une fonctionnalité spéciale de Pure Data. De plus, il existe de nombreux exemples existants d’enregistrements de sons instrumentaux, qui peuvent immédiatement donner une impression sonore du son composé.

On the one hand, COIT was born out of the need to have a suitable compositional medium for my aesthetic approach. On the other hand, it was supposed to develop the potential to compose music that had never occurred to me before, or could not even occur to me at all! So I have been developing the software for five years.

D'un côté, COIT est né de la nécessité de disposer d'un support de composition adapté à mon approche esthétique. D'autre part, il était supposé développer le potentiel de composition d'une musique qui ne m'était jamais venue auparavant, ou ne pouvait même pas se produire du tout! Je développe donc le logiciel depuis cinq ans.

I can experiment a lot with it (unlike twenty years ago, when you had to imagine everything at your desk like the deaf Beethoven used to do), and at the end, a playable score in five-lined notation is generated for the instrumental parts. Afterwards, I can put some work online and publish it via my blog and Facebook; my blog Kulturtechno, my own internet festival, so to speak, has a three-digit number of visitors every day.

Je peux beaucoup expérimenter avec ça (contrairement à vingt ans plus tôt, lorsque vous deviez tout imaginer à votre bureau, comme le faisait auparavant le sourd Beethoven), et à la fin, une partition jouable en notation à cinq lignes est générée pour les parties instrumentales. Ensuite, je peux mettre en ligne des travaux et les publier via mon blog et Facebook; mon blog Kulturtechno (http://www.kulturtechno.de/), mon propre festival Internet, pour ainsi dire, compte chaque jour un nombre de visiteurs à trois chiffres.


Figure 1 : Capture d'écran du logiciel COIT

9.
The medium is the symphony.

Welcoming leap: Whatever epoch comes after postmodernity – it will be even worse.

9.
Le médium est la symphonie.

Un saut accueillant: quelle que soit l'époque qui vienne après la postmodernité, ce sera encore pire.

Computers will always be stupid algorithm machines as long as people are even stupider.

Les ordinateurs seront toujours des machines à algorithmes stupides tant que les gens seront encore plus stupides.

Not preparing instruments, but preparing the listening; not with advanced playing technique, but advance to play with technology; not only differentiating, but also coarsening; not scores that are too difficult, but too easy; not only pitch intervals, but also human intervals.

Ne pas préparer les instruments, mais préparer l'écoute; pas avec une technique de jeu avancée, mais avancer pour jouer avec la technologie; non seulement différenciant, mais aussi en vulgarisant; pas des partitions trop difficiles, mais trop faciles; non seulement les intervalles de hauteur, mais aussi les intervalles humains.

Statistical music: not according to statistical criteria, but according to existing statistics; chance not as what is natural, but as a cultural phenomenon; a piano not only because it sounds beautiful, but also because it sounds like a piano.

Musique statistique: non pas en fonction de critères statistiques, mais en fonction de statistiques existantes; le hasard non pas comme ce qui est naturel, mais comme un phénomène culturel; un piano non seulement parce que ça sonne beau, mais aussi parce que ça sonne comme un piano.

Composing means to steal an instrument.

Composer, c'est voler un instrument.

The Well-Tempered Clavier is – technology-driven – postmodern Baroque.

Le Clavier bien tempéré est - basé sur la technologie - baroque postmoderne.

A Mahler symphony is still in a pre-compositional state, while the single tone is already an opus.

Une symphonie de Mahler est toujours dans un état pré-compositionnel, alors que la sonorité simple est déjà un opus.

To stand in Schoenberg's tradition means to break with it.

Rester dans la tradition de Schoenberg signifie rompre avec elle.

10.
Characteristic of the aesthetics of »music with music« is expropriation and misappropriation. I was once presumed by someone, as if I must hate music if I were to (mis)handle it in this way. Well, I actually don't feel connected to the so-called ›tradition‹, or if there is a tradition at all in which I feel rooted, then these are a few pieces from New Music of the last thirty years, but not art from the time of the stagecoach. This is not meant to mean ignorance; I have passionately enjoyed playing the piano since my childhood, and I teach counterpoint and harmony at the university and work in music theory research.
Otherwise, pop music is the music I listen to most, voluntarily and involuntarily. However, an artificially maintained and pornographically exploited »drive of sounds« is manifested to my musical sensibilities today; and almost only from the distant position of the cutting table, this sound becomes music again.

10.
L'expropriation et l'appropriation illicite sont caractéristiques de l'esthétique de la «musique avec la musique». J'ai une fois été critiqué par quelqu'un, qui pensait que je devais détester la musique si je la traitais de cette façon. Eh bien, en fait, je ne me sens pas connecté à la soi-disant "tradition", ou bien, s'il y a une tradition dans laquelle je me sens enraciné, ce sont quelques morceaux de la musique nouvelle des trente dernières années, mais pas de l'art, depuis l'époque de la diligence. Cela ne veut pas dire ignorance; J'adore jouer du piano avec passion depuis mon enfance, j'enseigne le contrepoint et l'harmonie à l'université et j’ai en cours des travaux de recherche en théorie de la musique.
Autrement, la musique pop est la musique que j'écoute le plus volontiers, ou involontairement. Cependant, un «appétit de sons» maintenu artificiellement et exploité pornographiquement se manifeste aujourd'hui dans ma sensibilité musicale; et c’est presque seulement à partir de la posture de son étranger aux autres, que dans mon atelier, ce son redevient musique à nouveau.

With thanks to Haosi Howard Chen

Merci à Haosi Howard Chen

Traduction Jonathan Bell
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Johannes Kreidler
Sentences on Musical Concept-Art (2013)

1. A concept piece is entirely determined by one trenchant idea.

1. Une pièce conceptuelle est entièrement déterminée par une idée saillante.

2. The idea is a machine that produces the work of art. The process should have required no intervention, it should take its own course. (LeWitt 1967)

2. L'idée est une machine qui produit l'œuvre d'art. Le processus ne devrait nécessiter aucune intervention, il devrait suivre son propre cours. (LeWitt 1967)

3. The concept-machine today is above all the algorithm.

3. Le concept-machine aujourd'hui est avant tout l'algorithme.

4. The processing-material of the machine today is the total archive.

4. Le matériel de traitement de la machine aujourd'hui est l'archive totale.

5. Details, rhetorical means, and formal design are usually only suitable in the form of readymades or by means of chance generators.

5. Les détails, les moyens rhétoriques et la conception formelle ne conviennent généralement que sous forme de ready mades ou au moyen de générateurs de hasard.

6. For each work of art that is performed physically, there are many unperformed variants. (LeWitt 1967)

6. Pour chaque œuvre d'art réalisée physiquement, il existe de nombreuses variantes non exécutées. (LeWitt 1967)

7. The sensual appearance is only one aspect of the work, to which more or less value can be granted.

7. L’apparence sensuelle n’est qu’un aspect de l’œuvre auquel on peut accorder plus ou moins de valeur.

8. Each piece of New Music has conceptual aspects. (Spahlinger 2009)

8. Chaque morceau de musique nouvelle comporte des aspects conceptuels. (Spahlinger 2009)

9. Not all ideas have to be implemented. (LeWitt 1967)

9. Toutes les idées ne doivent pas être mises en œuvre. (LeWitt 1967)

10. On the other hand, one can also compose a detailed form out of many different concept-variants or pieces. Enrichment with jokes is also OK.

10. D'autre part, il est également possible de composer une forme détaillée à partir de nombreuses variantes de concept ou pièces. L'enrichissement avec des blagues est également possible.

11. A banal idea cannot be rescued by a beautiful and expressive design. However, it is difficult to bungle a good idea. (LeWitt 1967)

11. Une idée banale ne peut pas être sauvée par un design magnifique et expressif. Cependant, il est difficile de rater une bonne idée. (LeWitt 1967)

12. A good idea can be bungled through a beautiful and expressive design.

12. Une bonne idée peut être gâchée par une présentation belle et expressive.

13. Ideas are the most expressive and most beautiful of all.

13. Les idées sont les plus expressives et les plus belles.

14. Improvisation is rarely musical concept-art, least of all when the improvisation is good.

14. L'improvisation est rarement un art musical concept, encore moins lorsque l'improvisation est bonne.

15. Musical conceptualism can be considered as a minimalism.

15. Le conceptualisme musical peut être considéré comme un minimalisme.

16. An idea is the "smallest possible whole". (Musik 1916)

16. Une idée est "le tout plus concis possible". (Musique 1916)

17. Music does not have to be self-explanatory. The composer does not need to shy away from intermedial ingredients (text, video, performance), indeed it makes perfect sense to articulate them (no hiding important information in the program notes).

17. La musique ne doit pas nécessairement s'expliquer d'elle-même. Le compositeur n'a pas besoin de fuir les ingrédients intermédiaires (texte, vidéo, performance), il est en effet parfaitement logique de les articuler (ne pas cacher les informations importantes dans les notes de programme).

18. Dare to make public/publish the even slightest idea if you believe there’s something in it. But give it a proportionate effort (no more than a small text for a small idea).

18. Osez rendre publique / publier la moindre petite idée si vous croyez qu’elle contient quelque chose. Mais avec un effort proportionné (pas plus qu'un petit texte pour une petite idée).

19. A piece of conceptual music does not have to be completely heard.

19. Un morceau de musique conceptuelle n'a pas besoin d'être complètement entendu.

20. Music is only New Music when it raises the question: is this actually music? (Spahlinger 1992)

20. La musique n'est Nouvelle Musique seulement quand elle soulève la question suivante: s'agit-il réellement de musique? (Spahlinger 1992)

21. The more unmusical, the better.

21. Le moins musical, mieux c'est.

22. Out of conceptualization emerges contextualization. (Weibel 1993)

22. La contextualisation émerge de la conceptualisation. (Weibel 1993)

23. No concept without conceptualism.

23. Pas de concept sans conceptualisme.


Johannes Kreidler, Traduction Jonathan Bell
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Franco Oppo et l’oralité en Sardaigne les danses Gallurese et Baroniese  par Alessandro Milia

Les principes essentiels du langage musical de Franco Oppo (Nuoro 1935 – Cagliari 2016) reposent sur deux approches qui semblent complémentaires : la première développe un style expérimental et innovant, l'autre, toujours fortement iconoclaste, vise la récupération et l'élaboration de matériaux musicaux à partir de pratiques déjà existantes. Tout d'abord, dès 1960, Oppo s'appuie sur le hasard, la cybernétique, les théories de l'information et l'approche sémiotique. Ensuite, à partir de la fin des années 1970, il s'est consacré à l'étude ethnomusicologique de la musique sarde. Oppo est le premier compositeur à aborder l'étude de la musique orale sarde à travers une approche à caractère scientifique grâce à laquelle il découvre des principes différents de ceux de la musique écrite. Les aspects de l'oralité et de son langage compositionnel fusionnés ensemble constituent des innovations artistiques qui se manifestent d'abord dans des pièces isolées, puis l'usage systématique des structures empruntées à l’oralité confère unité à son catalogue. Le principe central chez Oppo est la technique particulière de variantes génératrices empruntée à l'oralité sarde, notamment au système de nodas. Ces procédés d'élaboration permettent l'ouverture temporelle de l'œuvre et la permutation des composants de la forme, ce qui représente l'un des principes de construction formelle parmi les plus utilisés par l’avant-garde de l'après-guerre, mais pour réaliser cela Oppo s'appuie sur des architectures en usage depuis plusieurs millénaires.

Un certain nombre de pièces de Oppo sont des œuvres à la limite entre transcription et élaboration ; les Tre Berceuses (1980-1981) pour piano et les danses Gallurese (1989) et Baroniese (1993) pour piano à quatre mains que nous allons analyser. Les transcriptions de Oppo présentent déjà un certain degré d'élaboration (chromatisation du chant diatonique, distribution des hauteurs de la monodie dans l'espace fréquentiel, superposition des hauteurs, élaboration du timbre des instruments sardes). Dans d'autres œuvres Oppo emprunte avec une certaine liberté la logique de développement musical qui caractérise les danses pour launeddas, celles pour accordéon ou organetto, celles chantées par les chanteurs de canto a tenore ou bien les anninnias. Voici des exemples d’œuvres conçues selon une élaboration libre des aspects de la musique sarde : Anninnia I (1978) et Anninnia II (1982) pour ensemble, Attitidu (1983) pour basson et quatuor à cordes, Fasi (1984-1989) pour flûte et piano, Sagra (1985) pour hautbois, violon, alto et violoncelle, Te Deum (1991) pour deux voix de femmes et ensemble, tirés de l’action scénique Eleonora d’Arborea (1986), Variazioni su temi popolari (1992) pour launeddas et live electronics, Retrògas (1998) pour alto seul, les Tre bagatelle (2001) pour piano, Nodas (2001) pour orchestre, Concerto n. 2 (2002) pour piano et orchestre, Alcune verità indimostrabili (2004) et Taxim (2003). Cette dernière évoque même l'intérêt pour les structures de la musique arabe et turque, notamment par la stratégie du taqsim utilisée dans la musique pour luth arabe et flûte ney. Oppo a déclaré faire référence notamment à la forme poétique du taqsim plutôt qu'à la musique.

Les schémas formels de la tradition orale produisent une organisation de l'œuvre tout à fait inédite grâce au processus d'ouverture de la forme. En conséquence, l'utilisation des formes musicales de l'oralité sarde chez Oppo a des répercussions sur de nombreux aspects de sa musique : (1) récupération des modèles formels en dehors de la « tonalité » ; (2) redécouverte de certains systèmes de variation et d'improvisation ; (3) utilisation des processus d'ouverture formelle de l'œuvre musicale propres à la musique sarde ; (4) redécouverte de quelques systèmes d'organisation formelle axés sur la rhétorique et l'aspect narratif, par exemple les nodas et aussi les aspects de la syntaxe poétique en Attittidu (forme poétique) et Rétrogàs (figure rhétorique dans la poésie sarde) ; (5) un nouveau rôle formateur de la métrique et du rythme ; (6) l'introduction d'aspects mythiques, spirituels et mystiques oubliés ou mis à l'écart par la tradition savante. Chez Oppo, plusieurs titres de ses travaux évoquent des rituels sardes. C'est le cas de Attittidu (1983) (une lamentation funèbre sarde), Sagra (1985) (fêté paysanne) ou Anninnia (1978 et 1982) (berceuse de Sardaigne). En plus, une nouvelle utilisation du rythme et notamment de la métrique, selon les archétypes de la musique de tradition orale, fait son apparition.

Nous voudrions approfondir des aspects du style pratiqué par les musiciens sardes joueurs de launeddas et utilisés dans les pièces de Oppo Gallurese et Baroniese. L'instrument launeddas, formé de trois tuyaux en bambou, est l'aérophone le plus important de la Sardaigne. Dans la plupart des formes musicales de l'oralité sarde, notamment des formes musicales instrumentales de danse, on utilise un système d'élaboration musicale dit système des nodas. « Noda » en langue sarde (singulier de « nodas ») signifie note. La stratégie des nodas permet de générer une série potentiellement infinie de courts fragments musicaux à partir d'un ou plusieurs fragments originaux. La noda originale est une sorte de modèle que le joueur modifie à travers des micro-variations (où variantes) génératrices. La vraie spécificité de cette technique porte sur la variation de chaque noda à partir de la précédente. D'une certaine manière les nodas dérivées ne sont pas directement en relation avec la noda modèle comme selon le principe de la forme classique-romantique du thème et variations où chaque variation est en rapport direct avec le thème. Le nombre des nodas dérivées, théoriquement infini, fait de cette stratégie d'improvisation un processus cyclique ouvert. Des principes similaires de variation génératrice sont utilisés également dans les chants monodiques ou poli-vocaux par exemple les anninnias (berceuses), le canto a tenore (forme poli-vocale à quatre voix d'hommes typique du centre de la Sardaigne) et même dans le chant à Cuncordu (réalisé par quatre voix d'hommes comme dans le village de Castelsardo au Nord de la Sardaigne).
Si l'on parle de l'oralité par rapport à la musique savante, de nombreuses questions se posent. (1) De quelle manière une stratégie développée dans la Méditerranée avec des caractéristiques aussi spécifiques comme la stratégie de nodas peut influencer le langage musical d'un compositeur ? (2) Quelles innovations artistiques apporte-t-elle dans le style du compositeur ? (3) Quels nouveaux sens musicaux sont générés par cette musique hybride ? (4) Dans une perspective sémiotique, le fusionnement de plusieurs systèmes compositionnels différents (ici oral/écrit) peut-il générer une nouvelle stratégie compositionnelle ?

Video, musiques pour launeddas interprétées par Stefano Pinna.


Oppo fait référence aux variantes même dans sa théorie d'analyse élaborée en 1975, intitulée Teoria generale del linguaggio musicale (Oppo 1983). La réitération (variée) des éléments essentiels de l’idée sonore est donc le principe à la base de sa pensée. Michel Imberty parle de forme de réverbération et d'écho comme les premières formes de répétition variée observable dans la nature (Imberty 2002a et 2002b). Daniel Stern a étudié en psychanalyse la répétition variée de sons vocaux échangés entre l'enfant et sa mère, répétitions appelées « figures d'écho » (Stern 1991). À notre sens, la récursivité des éléments du discours musical (répétés ou variés) donne de nombreux points de repère lors de l'analyse des aspects qui gèrent l'organisation de l'œuvre, notamment dans le style compositionnel de notre temps. Si un élément du discours musical (ou un paramètre du son) est redondant, nous pouvons lui associer une fonction spécifique et distinctive dans l'œuvre. Grâce à la redondance, il est possible de reconnaître les correspondances et les ressemblances parmi les modèles primordiaux de l'œuvre et leurs dérivations (c'est-à-dire leurs transformations) tout d'abord dans l'œuvre, ensuite dans le style du compositeur, dans le style de l'époque et dans le langage musical global (Lai 2002).

La danse traditionnelle gallurese est typique du territoire du Nord-Est de l’île de la Sardaigne, région appelée Gallura. Normalement, elle est interprétée aux launeddas. Oppo s'est basé sur les transcriptions de l’ethnomusicologue danois Weis Andreas Fridolin Bentzon (1936-1971). Dans l'exemple 1, nous pouvons examiner le thème original de la danse gallurese pour launeddas transcrit par Bentzon.


Exemple 1, Weis A. F. Bentzon, transcription du thème original de la danse gallurese.

L’aspect typique de cette danse est la répétition perpétuelle d’un petit fragment mélodique. Toutes les trois réitérations du fragment thématique, il y a une petite élaboration. Le fragment se transforme lentement et progressivement. Normalement, l'interprète de launeddas joue le fragment thématique trois fois : la première et la deuxième fois sans variantes, tandis que la troisième, le fragment porte une petite transformation. Dans l’exemple 2, nous pouvons observer que la section formelle a est répétée deux fois à travers le refrain. Alors qu’on trouve une petite variante dans la troisième répétition du fragment, la section a1, de l'exemple 3.


Exemple 2.


Exemple 3.

Nous pouvons mieux comprendre cette démarche syntaxique à travers le schéma formel symbolisé par le schéma de la figure 1. Le fragment appelé a1 est donc à considérer comme la micro-variation du modèle formel représenté par la section formelle a. Dans la musique orale sarde, ces variantes sont le résultat des procédés d'improvisation, tandis que, dans la musique de Oppo, on observe une élaboration axée sur les techniques de la musique occidentale de tradition écrite.

Figure 1 : a a a1

L’exemple 2, nous montre un fragment du thème original de la danse gallurese. À travers le refrain, le morceau est joué deux fois sans changement. Dans cet exemple, la section formelle a a été décomposée en trois sous-sections plus petites (x, x et y). Cette subdivision nous permet d'étudier les composantes du discours musical qui sont répétées sans changement dans la section formelle a1 et celles qui, au contraire, sont variées. Le fragment x1 (dans l’exemple 3), est un ornement mélodique et rythmique, une variante. Il a une fonction syntaxique très importante car il fournit la base structurelle de la section formelle suivante : à savoir, a1 a1 a2. Nous pouvons comparer un morceau de thème original de gallurese (exemple 2) et la transcription-élaboration de Oppo (exemple 4).


Exemple 4, Franco Oppo, Gallurese (1989), p. 1, mesures 1.

Dans la transcription-élaboration de Oppo, un des principes d'élaboration mis en place par le compositeur est la substitution du degré conjoint, caractérisant la mélodie jouée par les launeddas, par l'intervalle de neuvième ou par celui de dixième au lieu de la tierce. En revanche, d'autres paramètres comme la métrique, l'harmonie et la base rythmique, restent inchangés par rapport au thème original. Oppo cherche à exploiter la dimension polyphonique du « thème » sarde en distribuant les hauteurs de la mélodie originale sur différentes octaves du piano. Ainsi, il obtient de nombreuses lignes mélodiques (c'est-à-dire des « voix » différentes) et il peut élaborer une conduite contrapuntique. Oppo essaie d'exploiter l'harmonie de façon très respectueuse par rapport au thème original. Tout d'abord, il utilise exclusivement les sons de l’original. Grâce à la distribution des hauteurs de la mélodie sur toute l'étendue du piano, il obtient un tissu harmonique suffisamment riche. Ce n'est qu'après qu'il entreprend une élaboration des hauteurs du thème sarde en intégrant d'autres sons étrangers au thème. Il cherche notamment à élaborer chromatiquement le thème diatonique.
Dans Gallurese de Oppo, l’harmonie a une fonction structurante très forte sur le plan formel de l’œuvre. La composition est constituée d’une première partie fondée sur un axe tonal fondamental (le do). Ainsi, dans cette section, les relations entre tonique et dominante sont évidentes. La partie centrale est constituée d’un développement chromatique, tandis que la partie finale aboutit à un schéma mélodique et harmonique diatonique et à la « tonalité » initiale.
Figure 2 : A (a a a1 ) A1 (a1 a1 a2 ) A2 (a2 a2 a3 ) etc.


Exemple 5, Franco Oppo, Gallurese (1989), p.1.

L'œuvre de Oppo se développe à travers de petites sections formelles, chacune de trois mesures comme dans la technique des nodas. Dans la figure 2, on peut observer un schéma formel de ce processus de développement. L’exemple 5 montre la structure musicale élaborée par Oppo et symbolisée par la figure 2. Dans l'exemple 5, la première mesure représente le modèle (a), la deuxième mesure est la réitération inchangée du modèle (a), tandis que la troisième mesure est la micro-variation ou variante du modèle (a1). La dernière mesure de chaque section formelle (a1, dans le schéma formel a a a1), à travers une micro-variation donne le point de départ à une nouvelle partie formelle, elle aussi constituée de trois mesures ayant la même morphologie (a1 a1 a2).

Il faut souligner que la forme de danse sarde est une forme de tradition orale dont les aspects les plus importants sont l'ouverture temporelle et l'ouverture des phases d'élaboration (c'est-à-dire l'improvisation). L'interprète de launeddas peut reproduire le schéma formel a, a, a1 un nombre de fois indéterminé. Il peut choisir librement le type de variantes à exploiter entre plusieurs possibilités prévues par le répertoire pour launeddas. Oppo a emprunté pleinement ces stratégies d'élaboration propres à la musique sarde.
Initialement, nous avons supposé que le fragment appelé a1 est une dérivation du modèle primordial a. Actuellement, nous pouvons également faire une autre hypothèse en considérant comme modèle primordial de l'œuvre, le fragment original a, a, a1 en entier. Dans ce cas, nous considérons comme modèle primordial de l'œuvre un archétype de procédure d'élaboration. Autrement dit, le schéma a, a, a1 est une technique d'élaboration qu'on reproduit dans toute la composition. Les autres sections formelles, a1, a1, a2- a2, a2, a3, etc., sont les dérivations de la procédure d'élaboration initiale axée sur le principe des variantes des nodas.

La notation musicale adoptée par Oppo dans Gallurese et Baroniese (1993) pour piano à quatre mains, est axée sur un système graphique en utilisant deux systèmes, toutefois la même « figure » musicale est écrite et partagée (entre le premier et le second interprète) comme si elle était jouée par un seul instrument. Nous retrouvons donc des figures qui passent d'une double portée à l'autre sans interruption graphique, comme interprétées par un seul musicien. À travers cette notation, Oppo vise à expliciter la dimension réelle des structures syntaxiques de Gallurese et leur distribution sur toute l’étendue du clavier.

Nous ne pouvons pas étudier Gallurese sans mentionner des aspects de la forme de Baroniese car les procédures d'élaboration de Gallurese et de Baroniese sont le miroir l’une de l'autre. Les deux œuvres représentent deux processus « opposés » de composition : l'édification progressive et la simplification graduelle. Dans Gallurese, Oppo « déconstruit » la matière musicale en partant d'une structure bien définie : le thème original de danse (nous pouvons encore une fois nous rapporter à l’exemple 5). Ici, la « matière » sonore se simplifie progressivement jusqu’à être remplacée seulement par des accords, dans des rapports de dominante et tonique (exemple 6).


Exemple 6, Franco Oppo, Gallurese (1989), p. 4.

À l’inverse, dans Baroniese le début de la composition est construit à partir de simples éléments isolés, très difficiles à mettre en relation. D'abord, dans ce passage il est impossible de retrouver la linéarité thématique. Les éléments de la texture musicale sont comme des fragments, des échantillons d’un discours musical caché (nous pouvons l'observer dans l’exemple 7). C’est seulement à la fin, après un processus de développement lent et progressif, que l’on comprend la structure entière de l’œuvre et que l’on découvre le discours musical dévoilé (exemple 8).


Exemple 7, Franco Oppo, Baroniese (1993), p. 1.


Exemple 8, Franco Oppo, Baroniese (1993), p. 5.

Il semblerait plausible que Oppo ait emprunté cette idée à la danse sarde. Les danses traditionnelles de la Sardaigne débutent souvent par des gestes très simples des danseurs qui deviennent au fur et à mesure plus articulés. Ils accomplissent de petits mouvements progressivement amplifiés jusqu’à la virtuosité, ou vice versa. Dans Gallurese et Baroniese Oppo suit une logique similaire. À notre sens, cette approche de Oppo de la musique sarde a comme but de respecter dans les transcriptions-élaborations la fonction originale des thèmes sardes pour launeddas : la fonction de danse.


Audio 1 : Franco Oppo, Gallurese (1989), piano S. Melis, M. Carraro (Spanu 2004).


Audio 2 : Franco Oppo, Baroniese (1993), piano S. Melis, M. Carraro (Spanu 2004).

Gallurese et Baroniese sont des pièces très particulières où Oppo opère une expérimentation formelle et une hybridation entre la musique sarde de tradition orale et l’approche savante de notre temps. Il est très difficile d'établir si les deux pièces en question sont des véritables transcriptions ou s'il s'agit plutôt d'une récupération et d'une élaboration de matériaux provenant d’une spécifique pratique musicale de Sardaigne. À travers ces travaux Oppo propose la redécouverte et une nouvelle utilisation de quelques stratégies de la Méditerranée – particulièrement la stratégie des nodas – qui autrement seraient oubliées. Ces musiques de Oppo nous donnent également, par « émanation », une idée formelle de la danse traditionnelle millénaire des sardes et un sens d'ouverture formelle et combinatoire des parties du discours musical.

BENTZON W. A. F. (2002), Launeddas, a cura di Dante Olianas, Iscandula, Cagliari, éd. orig. The launeddas. A Sardinian Folk-Music Instrument, Copenhagen, Akademisk Forlag (1969).

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IMBERTY M. (2002a), La musica e l'inconscio, in Enciclopedia della musica, vol. IX (Il Suono e la mente), Einaudi (Ed. Einaudi per Il Sole 24 ORE), Milano, p. 335-360.

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MILIA A. (2016), Variations et variantes dans l'oralité et dans la création musicale expérimentale. Le langage musical de Franco Oppo, Horatiu Radulescu et Alessandro Milia, tesi di dottorato, Université Paris 8 e Università Ca'Foscari.

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STERN D. (1991), Diario di un bambino. Da un mese a quattro anni, il mondo visto da un bambino, Mondadori, Milano.


Alessandro Milia
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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World Timbre Mixture : un nouveau son pour la musique, par Ivanka Stoïanova (II)

Ivanka Stoianova nous proposait dans le numéro de septembre une explication globale de la technique de composition mise au point par José Luis Campana et Isabel Urrita (World Timbre Mixture I). Dans le suite de cet article, Stoïanova montre dans le détail comment cette technique s’incarne dans des partitions de Campana et Urrita.

L’idée directrice étant le mixage des timbres, les compositeurs utilisent relativement rarement les timbres purs. Ce sont les timbres des instruments jouant live - c’est-à-dire ceux qui peuvent utiliser en direct toute la palette de leurs possibilités – qui sont impliqués dans les lignes mélodiques relativement étendues: Comme dans le solo de la trompette (p. 6), du hautbois (p. 9), du basson et de la clarinette (p. 13-14) dans le mouvement VI de Mixing up de Campana ou du txistu dans les mouvements I (p.1) et III (p. 5-7) d’Etorkiz eta izatez d’Urrutia, ou encore du txistu et de l’accordéon dans le mouvement III (p. 1) de la même pièce. On peut jouer aussi avec des interventions très courtes de timbres purs – en notes-points – dans les différents timbres et registres et avec différentes dynamiques (pungi, duduk, bombarda, lambi, etc.), comme dans le mouvement IV (p. 8 – 10) de Mixing up avec une intention formelle tout à fait différente: pour créer un espace sonore vaste et transparent, formé de constellations multicolores de timbres instrumentaux différents.

Le mixage des timbres chez Campana et Urrutia revêt plusieurs types d’écriture :

- une écriture verticale, homophone, c’est à dire en accords de timbres. C’est le cas des timbres regroupés en fonction de leurs registres, comme au début du mouvement I de Mixing up (p.1) où se succèdent: un premier accord dans le registre médian confié aux timbres mixés de tradition orale duduk, pungi, aulos, diple, shô, launeddas, kena, bombarda, cornemuse, lambi, erke, régal, orlo et shehnai, un deuxième accord qui élargit l’ambitus vers l’aigu et vers le grave en utilisant les timbres mixés des instruments classiques (hautbois, clarinette, trompette, cor basson et trombone) avec launeddas, azteca, di, pungi, conque, gaita, cornemuse, didgeridoo et un troisième accord qui élargit encore plus l’ambitus vers l’aigu et vers le grave avec les timbres de shakuashi, duduk, lambi, shehnai, hautbois, clarinette, trompette dans le registre aigu et shô, launeddas, orlo, erke, cor, basson et trombone dans le grave.

Rappelons aussi l’intervention en accord ff des trois solistes txistu, accordéon et percussion dans mouvement I (p. 7) d’Etorkiz eta izatez qui a la fonction de ponctuer le discours fondé jusqu’à ce moment exclusivement sur de longues tenues de timbres superposés et de propulser l’énonciation musicale en avant vers une nouvelle phase formelle effectuant l’individualisation des parties solistes (p. 8-10). Des accords homogènes peuvent intervenir aussi sur des nappes de son tenu non mesuré pour faire évoluer le discours et densifier la texture orchestrale, comme dans le mouvement I d’Etorkiz eta izatez (p. 3) : c’est le cas des accords dans le grave de 5 didgeridoos (mes. 10-12), puis de 6 erkes (mes. 13). Ou encore la superposition, avec des entrées successives dans le temps des accords, mais aussi des voix différentes constituant l’accord, de 6 aztecas, 5 didgeridoos, 4 cornemuses (p. 2-3, mes. 8 – 13) du même mouvement I d’Etorkiz eta izatez.

- Une écriture verticale, mais avec des entrées successives[1], en longues tenues constituant une nappe son multicolore lisse en trilles et tremoli comme dans les parties des zampognes et harpe celte dans le mouvement II de Mixing up (p. 14-15), complétée par la texture des lambis, launeddas, kena, hautbois, clarinette, trompette, duduk, bombarde, shehnai, erke, cor, basson, et trombone[2] avec leurs glissements microintervalliques décalés et dynamiques individualisées. Les entrées à distance dans le temps ne donnent pas l’impression de polyphonie, mais de transformation du timbre global mixte. Rappelons aussi le mouvement I (p. 8-10) d’Etorkiz eta izatez où des sons longuement tenus se superposent en entrant successivement - kena, gaita, lambi, orlo, didgeridoo+régal, etc. - avec dynamiques différentes, crescendi et decrescendi, trilles – pour transformer de l’intérieur et dans la continuité le timbre composite des sons tenus superposés.

- L’écriture verticale peut être présente sous la forme de crescendi de texture monochrome ou polychrome: Ainsi, les groupes de différents instruments populaires peuvent former des fragments homogènes caractérisés par le même timbre (zampognes ou bombardas ou pungis ou kenas ou launeddas ou didgeridoos), mais les différentes voix entrent l’une après l’autre, à distance dans le temps, comme dans l’écriture linéaire, polyphonique, en effectuant de la sorte une densification et une extension progressives du timbre à la verticale, et par conséquent, un crescendo de la texture qui est, simultanément, crescendo de l’intensité, comme dans le mouvement III (p.2) de Mixing up. Simultanément, ces objets sonores monochromes se superposent à d’autres, à distance dans le temps, à la manière des voix de l’écriture polyphonique, en créant le processus d’une texture de plusieurs couches en mouvement (Cf. Mixing up, mouvement III, p. 1-2).

- Le mélange des timbres concerne aussi le doublage des instruments jouant live et l’élaboration multicolore des résonances ou des halos. Ainsi, dans le mouvement I d’Etorkiz eta izatez, le solo du txistu grave live est doublé et par conséquent coloré par les lambis (p. 9, mes. 36-40). Les sons ponctuels du vibraphone live sont prolongés par la résonance du txistu grave live et les lambis (p. 9, mes. 36-40).

- L’interaction de sons tenus et de procédés imitationnels plus ou moins complexes dans les différents registres de la partition peut créer une texture orchestrale transparente et, simultanément, riche en partiels, comme dans le mouvement III (p. 6-7) d’Etorkiz eta izatez où les limites des registres extrêmes sont fixes: sol de la contre-octave tenu dans le grave par le didgeridoo et l’accordéon (qui rajoute aussi des glissandi) et sol dièse de la deuxième octave tenu dans le pungi et l’accordéon dans l’aigu ; A l’intérieur de cet intervalle fixe, des figures rapides en imitations (shakuashi+ didgeridoo / flûte nasale dans le grave) remplissent l’espace, tandis qu’au-dessus, dans le suraigu, évolue la partie virtuose du txistu en courbes mélodiques rythmiquement flexibles, quasi improvisées qui deviennent de plus en plus organisées métriquement. Les différentes couches avec leurs registres, timbres et organisations temporelles différentes – les sons tenus dans les registres extrêmes, le tremolo continu de la grosse caisse et du tam-tam, les figures imitationnelles dans le registre grave et la mélodie soliste du txistu – constituent pratiquement une texture polyphonique, c’est-à-dire à plusieurs niveaux individualisés, mais tous aux services du timbre global travaillé par la diversité des couches temporelles.

- Le mixage des timbres vise aussi l’élaboration de processus directionnels de la matière du son mixte par densification ou raréfaction progressive de la texture: y participent, nécessairement, les procédés rythmiques, la multiplication ou, au contraire, la diminution des nombres d’instruments, les types d’écriture, les intensités, les modes de jeu. Ainsi, dans le mouvement IV (p. 8-13) de Mixing up, on observe la densification progressive de la texture caractérisée par son écriture en notes-points: du solo pungi au début (p. 8) au tutti de l’orchestre, toujours avec des interventions ponctuelles, mais beaucoup plus denses - c’est-à-dire plus rapprochées dans le temps - des instruments et avec des modes de jeu et des dynamiques très détaillées. Donc le rythme, la vitesse et l’intensité se mettent aux services du processus d’évolution timbrale. C’est ce geste formel de densification de la texture en deux phases (mes. 34-54 et 54-60) qui définit la forme globale de ce mouvement. Un geste formel directionnel fondé sur la densification ou le crescendo de texture avec des moyens tout à fait différents caractérise le mouvement V de Mixing up que le compositeur définit comme « Très léger, éthéré et transparent, très souple ». Effectivement, au début (p. 1) les instruments jouent des courbes mélodiques souples et vaporeuses, en valeurs rythmiques rapides, mais relatives, approximatives, avec des intensités fluctuant entre pppp et pp. La notation proportionnelle permet de jouer plus ou moins selon l’emplacement des figures mélodiques-rythmiques dans la mesure indiquée et les entrées successives des instruments dans le temps ne créent pas l’impression de polyphonie de voix séparées, mais de timbre multicolore, modelé par les courbes mélodiques-rythmiques ondoyantes.


Fig. 2: J-L Campana : “Mixing up”, Mvt 5 p.4

Progressivement, la texture s’épaissit jusqu’à l’entrée de tous les instruments (p. 4-5): les lignes mélodiques des instruments du début deviennent ici des couches épaisses, mais toujours transparentes des groupes d’instruments – les bombardes et les zampognes jouent des fusées ascendantes en tremoli et crescendi vers le f ; le hautbois, la clarinette et la trompette live superposent des figures melodiques-rythmiques densifiées, issues du début de la pièce ; les instruments de traditions populaires du registre médian (bombardes+zampones, gaita, kena, oud, vina, erke, jubus, duduk, cymbalum, harpe celte) déploient, en densifiant la texture, le même type de figures ondoyantes ; le cor, le basson et le trombone live développent les fusées ascendantes en tremoli aboutissant au f et ff ; les instruments populaires dans le registre grave (erke, oud, aulos cymbalum, lambi, bombarde+zampogne, kena, orlo, didgeridoo reprennent aussi les fusées ascendantes en crescendi jusqu’au f et fff. Le crescendo de la texture de plus en plus dense et multicolore aboutit au tutti final avec les derniers glissandi et crescendi jusqu’à l’accord final fff, suivi du halo qui introduira le mouvement VI. Ce sont donc la densification de la texture grâce à la superposition de différentes lignes melodiques-rythmiques, de différents techniques d’écriture, de modes de jeu et de dynamiques qui génèrent le geste formel fédérateur fondé sur le timbre dans le mouvement V de Mixing up. La forme globale du movement II d’Etorkiz eta izatez repose aussi sur un geste formel explicite: le passage d’une écriture imitationnelle dans l’aigu au début - accordéon, zampognes, cornemuse, bombarde, erke (p. 1) – vers l’extinction imitationnelle finale pp dans le grave – vina, orlo, erke, didgeridoo, azteca, aulos, gaita – sur le fond bruiteux de 3 tam-tams live (p.6). C’est donc l’évolution du registre global de la texture qui définit le geste formel « oblique » facilement audible.


Fig. 3: I. Urrutia : “Etorkiz Eta Izatez”

- Le mixage de timbres se fait donc aussi à l’aide de procédés typiques de l’écriture polyphonique aboutissant à un résultat timbral global. Ainsi, le mouvement II d’Etorkiz eta izatez utilise, de façon explicite, les procédés de la polyphonie contrastée[3]: après le halo initial - une résonance colorant le silence - intervient la première « voix » : la ligne mélodique ondulante de l’accordéon live (mes.2) à laquelle s’ajoutent par la suite les zampognes, toujours en rythme de triolets fondues (mes. 3), soutenus par le tapis en tremolo legato permanent du vibraphone live (à partir de mesure 2). Ces trois timbres avec leurs trois courbes mélodiques fondues forment une première texture à vitesse constante, une première couche de la polyphonie timbrale plus complexe qui suit. L’entrée de la cornemuse (mes. 5) introduit une organisation rythmique différente de celle de la mélodie « triple » de la texture précédente – c’est la deuxième « voix » de la polyphonie contrastée dans ce début du mouvement II: une ligne mélodique descendante pppp et une pulsation flexible en quintolets caractérise cette deuxième voix individualisée de la polyphonie contrastée. Enfin, l’entrée des deux bombardes (mes. 7-8) qui se partagent la même ligne mélodique « épaissie » (à la manière des deux zampognes précédemment, mes. 3) ajoutent la troisième couche dans cette texture timbrale complexe qui se densifie suite à la superposition des trois couches contrastées, évoluant toujours (depuis la mes. 3) sur la trame continue des tremolos du vibraphone live. Les différences d’ordre timbral, mélodique et rythmique, et par conséquent les différentes vitesses ou tempi dans les trois couches superposées renvoient clairement aux principes de l’écriture polyphonique contrastée. Et pourtant, le résultat sonore global – suite à la présence du vibraphone, à la fusion des timbres et aussi à la polyphonie élaborée des dynamiques (pppp, pp, crescendi, decrescendi) – est une texture timbrale multicolore à plusieurs dimensions et un temps uniformisé, unifié. L’entrée de l’erke (mes. 8) ouvre vers le registre grave qui va, par la suite, enrichir encore la matière sonore de sa palette de partiels.

Cette énumération de différents types de travail dans le mixage des timbres chez Campana et Urrutia ne vise pas l’exhaustivité, d’ailleurs impossible, mais cherche juste à mettre en évidence le fait que toutes les dimensions de l’écriture – l’élaboration mélodique, polyphonique, harmonique, la superposition homophone ou polyphonique de couches différentes, avec leurs différentes organisations rythmiques et tempi, le travail au niveau des intensités et des modes de jeu, toutes les techniques de l’écriture sont aux services du timbre et contribuent à moduler la complexité du son, à ciseler de l’intérieur l’enveloppe du timbre mixte. Autrement dit, l’élaboration du timbre, du matériau du son avec ses multiples facettes et dans toute sa richesse timbrale, s’impose en tant que facteur formateur prépondérant dans l’art de composer. A. Schœnberg avait montré le chemin dans sa célèbre pièce III, Farben / Couleurs de ses Six pièces pour orchestre Op. 16 (1908) devenue l’exemple de sa Klangfarbenmelodie / Mélodie des timbres: L’harmonie à cinq voix dans la texture de Farben, les procédés imitationnels, ainsi que la densification rythmique, l’accélération interne des tempi, les différences dynamiques et les modes de jeu ont ici un résultat global de timbre en transformation – de mélodie de timbres / Klangfarbenmelodie[4] - et non pas de texture polyphonique. Dans la lignée de Schœnberg, mais après l’expérience des spectralistes et des musiques électroacoustiques, après les techniques analogiques et digitales en studio, la World Timbres Mixture fraye un nouveau chemin d’extension des possibilités du son.

Mettre tous les paramètres de la musique aux services du timbre dans le contexte de la World Timbres Mixture ne signifie aucunement uniformisation - les différences et la richesse de tous les mouvements dans les pièces de Campana et Urrutia en témoignent - mais, au contraire, ouverture infinie à toutes les possibilités de l’écriture à l’intérieur du son. La World Timbres Mixture favorise l’utilisation de toutes les techniques d’écriture permettant des agencements libres à l’intérieur du son, des déplacements d’un élément à un autre, d’un type d’écriture à un autre au profit toujours de textures timbrales infiniment diversifiées.

Après Stravinski, de Falla, Bartok, Berio, Ravi Shankar et Menuhin…, on pensait qu’il n’y avait plus tellement lieu à continuer à chercher dans le domaine des musiques de tradition orale. L’expérience de la World Timbres Mixture prouve magistralement le contraire. Forts des acquisitions des musiques spectrales et des technologies récentes, les compositeurs découvrent dans les timbres des instruments populaires un nouveau domaine inexploré pour inventer une matière sonore illimitée, toujours à réinventer.


[1] Comme traditionnellement dans l’écriture polyphonique.
[2] Rappelons que les instruments classiques sont joués live, tandis que les instruments de tradition orale sont des instruments « virtuels ».
[3] Contrairement à la polyphonie imitationnelle, la polyphonie contrastée est caractérisée, précisément, par le contraste de ses mélodies superposées. Mais dans le contexte de la World Timbres Mixture, les compositeurs visent non pas la mise en évidence audible du contraste des couches, mais, au contraire, leur interaction, leur mixage, leur fusion au profit d’une matière mixte riche et malléable.
[4] Contrairement à une idée fort répandue, il ne s’agit pas en l’occurrence d’une ligne mélodique avec des timbres différents pour chacun de ses sons, mais d’une texture à 5 voix – donc d’un accord – en transformation timbrale continue avec les moyens de la hauteur, de la durée, du timbre, de l’intensité et des modes de jeu.


Alessandro Milia
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

PORTRAITS

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Portrait de Frédérick Martin,
en scrutateur d'étoiles par Pascal Leray

Curieuse et attachante figure que celle de Frédérick Martin. Un parcours hors norme, une œuvre monumentale, une passion pour la musique qui faisait fi des frontières entre musique savante et musique populaire mais privilégiait l'expérience, jusqu'à l'extrême. Qu'il nous soit donné de lire aujourd'hui ce travail considérable est un soulagement.
Celui qui s'attacherait à écrire l'histoire des trente dernières années de musique contemporaine trouverait dans la figure de Frédérick Martin un étrange portrait de cet entre-deux-siècles, dont il était l’observateur attentif et passionné autant que, ce qui apparaît plus nettement à mesure que le temps passe, un acteur essentiel.
On peut avoir le sentiment d'un musicien à deux faces en le découvrant. Compositeur très soucieux de l'artisanat (ou des artisanats) de la musique, c'est aussi un défenseur infatigable du rock (ce qui ne transparaît que subtilement dans son œuvre propre). C'est pourtant bien le même homme qui écrit Eunolie (Légendes du Black Metal) et la très délicate « Lune des chats ». La même exigence d'intégrité, plus que de radicalité. La même volonté de voir la musique dire, traduire, absorber l'intensité du vivre.
Puisque Frédérick Martin était un passionné de métal, peut-être faut-il indiquer aux lecteurs de BabelScores cette recommandation qu'on trouve au dos de nombreux disques de hard rock : PLAY IT LOUD !

Frédérick Martin et BabelScores,

par Flore Dupuy, , pianiste et épouse de Frédérick

C'est au téléphone, au début des années 2010, que mon mari Frédérick Martin m'a annoncé qu'il avait découvert sur la Toile un site où on pouvait consulter librement des partitions parmi les plus récemment parues. Pour un homme qui était un lecteur insatiable de musique, c'était comme mettre un gourmand dans une chocolaterie ! Frédérick, comme bien des compositeurs d'ailleurs, avait le regard panoramique. Il pouvait apprécier et jauger une partition complexe en un coup d'œil. Ayant été copiste dans sa jeunesse, il avait pu lire énormément de littérature musicale récente. C'était un besoin quasi vital. Aussi je vous laisse à penser le temps qu'il a pu passer à lire sur BabelScores et sa joie quand certaines de ses œuvres y ont été publiées. Je suis heureuse que BabelScores continue la mise en ligne de son œuvre. J'espère qu'elle stimulera de jeunes compositeurs, que les plus expérimentés y trouveront un frère d'armes. En tant qu'interprète, je peux témoigner qu'elle restitue largement l'énergie qu'elle requiert pour entrer dans son univers !

Consulter son catalogue:

https://www.babelscores.com/FrederickMartin

Jonathan Bell
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SPECTACLES

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FESTIVAL LE BALCON - OUVERTURE
Wolfgang Rihm (1952)
Jakob Lenz, opéra de chambre (1978).



Livret de Michael Fröhling d’après Lenz de Georg Büchner.

Contemplez le problème Lenz, car vous ne verrez jamais la solution : délicieux abominable exercice de l’esprit. Faites vous arracher de votre époque obscurantiste de l’après-psychanalyse, de l’après-stéréotype de l’artiste maudit, et contemplez plutôt le mystère Lenz, tel qu’il fut arraché à son corps par la défaillance de toute son âme, projeté ensuite comme un vomi d’arc-en-ciel qui s’incarne dans vos yeux et vos oreilles. De son geste souverain Lenz nous montre que le monde des tourments tout entier est nécessaire et pourtant inutile. Conséquent !!!! ce n’est déjà qu’une vision libératrice d’essayer de comprendre l’histoire comme une pathologie, mais à quoi bon ? Puisque la pathologie comme l’Histoire est éternelle, omniprésente et Toute-Puissante. Comme dirait un Lenz qui parlerait à travers un Büchner qu’incarnerait un Prométhée qui parlerait à travers un Goethe qu’incarnerait un Eschyle :

Me voici, je pétris des hommes à mon image, une race qui me ressemble qui souffre, qui pleure, qui goûte le plaisir et la joie, et qui te méprise… comme moi !

Soyez généreux, prenez-en de la graine marque Lenz, matin et soir, pour ne plus vous contenter de voir votre reflet dans une goutte de rosée mais plutôt vous laisser engloutir par un océan déchainé de mille reflets dans la prunelle d’une mouche.

NIETO


Jakob Lenz : Vincent Vantyghem (Baryton)

Kaufmann : Michael Smallwood (Ténor)

Oberlin : Damien Pass (Baryton/basse)

Choeur

Parveen Savart (soprano)
Léa Trommenschlager (soprano)
Elise Dabrowski (mezzo-soprano)
Emmanuelle Monier (mezzo-soprano)
Florent Baffi (basse)
Andriy Gnatiuk (basse)
Trois enfants : Bérénice Arru, Gaspard Cornu, Georges Geyer.

Orchestre

Ghislain Roffat : Clarinette / clarinette basse
Guillaume Gerbaud : Hautbois
Paul Atlan : Hautbois 2/Cor anglais
Julien Abbes : Basson / contrebasson
Henri Deléger : Trompette / trompette piccolo
Jean-Charles Dupuis : Trombone
Alain Muller : Clavecin
Benoît Maurin : Percussions
Askar Ishangaliyev : Violoncelle 1
Elisa Huteau : Violoncelle 2
Myrtille Hetzel : Violoncelle 3
Direction musicale : Maxime Pascal
Mise en scène/vidéo : Nieto
Projection du son : Florent Derex
Scénographe : Myrtille Debièvre
Production : Le Balcon
Co-réalisation : Athénée Théâtre Louis-Jouvet
Jakob Lenz est soutenu par l’Adami.

Pour la première édition de son festival, Le Balcon est soutenu par le programme Cerni du Ministère de la Culture, la Caisse des Dépots, la Fondation Fiminco, la Fondation Singer-Polignac, la Sacem, Areitec, Sonic Emotion.


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DRACULA | LE FILM
PIERRE HENRY
17 MARS 2019
ATHÉNÉE THÉÂTRE LOUIS-JOUVET



Un film du David Daurier réalisé à la suite du concert Dracula donné à l’Athénée en juin 2017.

Voir la page « Production » de l’œuvre, avec dossiers et revue de presse.
DRACULA //ou la musique troue le ciel// Bande annonce from David Daurier on Vimeo.

Pierre Henry (1927-2007)

Dracula, ou la musique troue le ciel (2002)

Libre adaptation pour orchestre sonorisé et orchestre de hauts parleurs de Augustin Muller et Othman Louati d’après Richard Wagner

Le Balcon

Maxime Pascal, direction musicale

Augustin Muller, réalisation en informatique musicale

Florent Derex, projection sonore

Note de programme du concert (juin 2017) : Dracula, fresque monumentale en 8 épisodes, fusionnant extraits d’enregistrements d’opéra de Wagner et musique électronique, est conçu comme un « film sans image ». Dans sa version originale, la fusion est donnée à la fois à travers le matériau musical et à travers le médium : ce sont des bandes diffusées par des haut-parleurs dans les deux cas. Leur mode d’ apparition est conditionné par le même geste de l’interprète à la console de diffusion. Le Balcon propose ici une version avec un ensemble instrumental et électronique. Radical dans sa soif de sons et musiques, Pierre Henry aura été un pionnier des musiques électroniques mais aussi de la délicieuse morsure des œuvres, ouvrant la voie à la popularisation du sampling, du remix, de l’extended mix. Dans Dracula ou la musique troue le ciel, c’est – carrément – à la Tétralogie de Wagner qu’il assure une métamorphose, transformant la montagne wagnérienne en un “film sans images”, plein de soupirs et d’incendies, de fureurs et de voluptés. Avec ce projet, un nouvel aspect de la spatialisation est exploré à travers l’œuvre de Pierre Henry.


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REVELO : L’AGNEAU MYSTIQUE
MARCO SUÁREZ-CIFUENTES, NIETO
27, 28, 29 MARS 2019
EGLISE SAINT-EUSTACHE

Marco Suárez-Cifuentes, Nieto

Revelo – L’Agneau mystique INNUBA (2019)

Iris Zerdoud, cor de basset.

REVELO est l’oeuvre commune du compositeur Marco Suarez Cifuentes et de l’artiste plasticien et vidéaste Nieto. La découverte du texte de l’Apocalypse de Saint-Jean, le dernier livre du Nouveau Testament, fut un moment fondateur. Fondateur pour de multiples réflexions, philosophique, théo­logiques et « archéologiques » sur la nature de l’Apocalypse, et ce qui la rapproche de notre époque désenchantée, où tout semble « révélation », car tout a été oublié.

REVELO est aujourd’hui composé de dix stations qui pourront être exécutées de manière indépendante. L’Agneau Mystique – INNUBA est l’une de ces stations.

Une musicienne jouant cor de basset (INNUBA) – entre dans l’église et joue à des heures définies, deux ou trois interventions de quinze à vingt minutes sur quelques heures.

Lorsque la musicienne entrera dans l’espace, tous les flux audio composés se développeront et s’aligneront avec la partition musicale. Chaque spectateur entendra alors, avec un casque, selon sa propre déambulation dans l’espace des sculptures, l’augmentation électroacoustique du jeu de la musicienne. Au fil des déplacements de la musicienne, l’auditeur est ainsi intégré dans un espace artistique qu’il lui faudra découvrir en mouvement.

27, 28 et 29 mars

Église Saint-Eustache, Paris.

Entrée libre.

L’Agneau Mystique est développé en collaboration avec Benjamin Matuszewski et Jean-Philippe Lambert, recherche et développement, équipe ISMM (Interaction son musique mouvement) Ircam-STMS, dans le cadre de la résidence en recherche artistique de Marco Suarez-Cifuentes à l’Ircam « Composer les espaces et la perception / REVELO ».


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CONCERTS

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Semaine du Son : Jordi Savall et le concert des nations à l’UNESCO par Caroline Tarrit


Pour cette 16e édition de la Semaine du Son à Paris, Christian Hugonnet, son président, nous donnait à entendre le 23 janvier dernier, dans l’auditorium de l’UNESCO, le Concert des Nations, dirigé par son chef éminent Jordi Savall, lui-même parrain de cette manifestation d’envergure nationale.

Le son, nous dit Jordi Savall, en introduisant son programme « Hommage à la Terre », permet ce voyage dans le temps: en effet, le son de l’instrumentarium, ou de la vocalité, au temps des Troubadours, diffère de celui de la Renaissance, qui se distingue lui-même de l’époque baroque, et ainsi de suite jusqu’à nos jours, ou les compositeurs n’ont de cesse d’ailleurs, de rechercher de nouvelles textures sonores pour nourrir leur création.

Ce soir là, notre voyage s’effectue, au gré des « Tempêtes, Orages et Fêtes Marines » (sous titre du concert, situant le caractère de ces oeuvres, toutes composées entre 1674 et 1764), en Angleterre, tout d’abord, avec des musiques de scène de Matthew Locke (1621-1677) composées pour l’oeuvre théâtrale « The Tempest »: traversées de l’âme humaine et ses méandres, de ses éclaircies, de ses orages…

Le Concerto en Fa pour flûte à bec et cordes d’Antonio Vivaldi (1678-1741) - remarquablement interprété par Pierre Hamon à la flûte solo, dans des mouvements de vagues ininterrompus, hautement virtuoses - nous ramène dans la lumière éblouissante et dorée de l’Italie.

La troisième oeuvre de ce concert, de Jean-Féry Rebel (1666-1747), « Les Eléments » , époustouflante de modernité dans ses premiers accords, anormalement dissonants pour cette évocation du chaos très figurative, nous transporte presque jusqu’à aujourd’hui. Et pourtant, nous sommes en plein coeur du 18e siècle (1737), ou le compositeur se plaît à « peindre les éléments » et n’hésite pas, pour ce faire, à introduire quelques bêtes sauvages, indomptables au sein de l’orchestre telles le cor naturel (Thomas Müller) ainsi que la trompette naturelle (Guy Ferber).

Après une courte pause, nous voilà plongés dans l’élégance et la grandeur versaillaise du Roi Soleil, dans des extraits tout à fait superbes de la Tragédie en Musique, Alcione, de Marin Marais , (1656-1728), moment inoubliable et phare de ce concert.

Le périple européen se poursuit en Allemagne avec la célèbre suite Wassermusik Hamburger de Georg Philipp Telemann pour flûtes et hautbois, oeuvre plus convenue mais cependant de superbe facture.

Le concert s’achevait en France, avec orages, tonnerres, tremblements de terre et contredanses composés par Jean-Philippe Rameau pour les opéras « Les Indes Galantes », « Hippolyte et Aricie » et « Zoroastre ».

Tout au long de cette soirée, nous aurons goûté avec délice toutes les humeurs du Cosmos et de la Terre, à travers la diversité des sons et des mouvements que ceux-ci induisent.

Car, notons, comme nous le dit Jordi Savall très justement, que du son émane le sens, et donc la communication au sein de toute société humaine.

Par extension, on ne peut s’empêcher de souligner le rapport intense à la danse, donc au mouvement, présent dans ces oeuvres, toutes parsemées de sarabandes, bourrées, gavottes, menuets, gaillardes et autres réjouissances qui animent depuis la naissance du son, l’humanité toute entière.

Pour cette 16e édition de la Semaine du Son à Paris, son président, Christian Hugonnet nous donnait à entendre le 23 janvier dernier, dans l’auditorium de l’UNESCO, le Concert des Nations, dirigé par son éminent chef Jordi Savall, lui-même parrain de cette manifestation d’envergure nationale.

Le son, nous dit Jordi Savall, en introduisant son programme « Hommage à la Terre », permet ce voyage dans le temps: en effet, le son de l’instrumentarium, ou de la vocalité, au temps des Troubadours, diffère de celui de la Renaissance, qui se distingue lui-même de l’époque baroque, et ainsi de suite jusqu’à nos jours, ou les compositeurs n’ont de cesse d’ailleurs, de rechercher de nouvelles textures sonores pour nourrir leur création.

Ce soir là, notre voyage s’effectue, au gré des « Tempêtes, Orages et Fêtes Marines » (sous titre du concert, situant le caractère de ces oeuvres, toutes composées entre 1674 et 1764), en Angleterre, tout d’abord, avec des musiques de scène de Matthew Locke (1621-1677) composées pour l’oeuvre théâtrale « The Tempest »: traversées de l’âme humaine et ses méandres, de ses éclaircies, de ses orages…

Le Concerto en Fa pour flûte à bec et cordes d’Antonio Vivaldi (1678-1741), remarquablement interprété par Pierre Hamon à la flûte solo, dans des mouvements de vagues ininterrompus, hautement virtuoses, nous ramène dans la lumière éblouissante et dorée de l’Italie.

La troisième oeuvre de ce concert, de Jean-Féry Rebel (1666-1747), « Les Eléments » , époustouflante de modernité dans ses premiers accords, anormalement dissonants pour cette évocation du chaos très figurative, nous transporte presque jusqu’à aujourd’hui.
Et pourtant, nous sommes en plein coeur du 18e siècle (1737), ou le compositeur se plaît à « peindre les éléments » et n’hésite pas, pour ce faire, à introduire quelques bêtes sauvages, indomptables au sein de l’orchestre telles le cor naturel (Thomas Müller) ainsi que la trompette naturelle (Guy Ferber).

Après une courte pause, nous voilà plongés dans l’élégance et la grandeur versaillaise du Roi Soleil, dans des extraits tout à fait superbes de la Tragédie en Musique, Alcione, de Marin Marais , (1656-1728), moment inoubliable et phare de ce concert.

Le périple européen se poursuit en Allemagne avec la célèbre suite Wassermusik Hamburger de Georg Philipp Telemann pour flûtes et hautbois, oeuvre plus convenue mais de superbe facture, cependant.

Le concert s’achevait en France, avec orages, tonnerres, tremblements de terre et contredanses composés par Jean-Philippe Rameau pour les opéras « Les Indes Galantes », « Hippolyte et Aricie » et « Zoroastre ».

Tout au long de cette soirée, nous aurons goûté avec délice toutes les humeurs du Cosmos et de la Terre, à travers la diversité des sons et des mouvements que ceux-ci induisent.

Car, notons, comme nous le dit Jordi Savall très justement, que du son, émane le sens, donc la communication au sein de toute société humaine.

Par extension, on ne peut s’empêcher de souligner le rapport intense à la danse, donc au mouvement, présent dans ces oeuvres, toutes parsemées de sarabandes, bourrées, gavottes, menuets, gaillardes et autres réjouissances qui animent depuis la naissance du son, l’humanité toute entière.

Caroline Tarrit
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Monday Evening Concerts - résidence du pianiste Marino Formenti à Los Angeles Traduction Alexandre Craman


Marino Formenti - photo by Anneliese Varaldiev

"That Formenti makes everything he touches, whether new music or old, seem astonishing is well known in Los Angeles." ​- Mark Swed (Los Angeles Times)

"Que Formenti rende tout ce qu'il touche éblouissant, qu'il s'agisse de musique nouvelle ou de musique ancienne, est bien connu à Los Angeles." - Mark Swed (Los Angeles Times)

The pianist Marino Formenti has spent his entire life rethinking the concept of the piano recital. Especially in the past two decades, Formenti has devoted himself to projects that create new contexts for listeners to experience and contemplate the music he cares about.

Le pianiste Marino Formenti a passé toute sa vie à repenser le concept du récital de piano. Particulièrement au cours des deux dernières décennies, Formenti s’est consacré à des projets qui créent de nouveaux contextes pour que les auditeurs puissent expérimenter et contempler la musique qui lui tient à cœur.

Marino will be joining us in Los Angeles for a two-part residency: first, he will be debuting a new recital entitled 'MA MORT' on Monday, February 11 in Zipper Concert Hall. Second, he will be giving a series of sessions for a project he calls 'ONE TO ONE.'

Marino nous rejoindra à Los Angeles pour une résidence en deux temps: il lancera un nouveau récital intitulé «MA MORT» le lundi 11 février au Zipper Concert Hall. Dans un second temps, il donnera une série de concert pour un projet qu’il appelle «ONE TO ONE».

MA MORT: Marino is a unique combination. He is the consummate thinking-person's pianist, a graceful butterfly landing briefly on the keys of the piano only to fly away, and a ferocious grizzly dead set on devouring the instrument in front of him. On February 11, 2019, Marino will debut a recital entitled 'MA MORT.' This concert, whose title is derived from Froberger's "Meditation sur ma mort future" ("Meditation upon my future death"), will feature works by baroque composers such as Couperin, Frescobaldi, Froberger and d'Anglebert seamlessly interwoven with works by avant-garde giants such as Salvatore Sciarrino, Harrison Birtwistle, Wolfgang Rihm and Galina Ustwolskaja (with cameos by John Cage and John Lennon.) This concert contemplates the ideas of endings and beginnings - our hopes and despairs - the many feelings that the temporal framework of life provokes in us all.

MA MORT: Marino est une combinaison unique. Il est le pianiste du penseur accomplit, un papillon gracieux qui atterrit brièvement sur les touches du piano pour s'envoler de nouveau et un féroce grizzly dévorant l'instrument en face de lui. Le 11 février 2019, Marino débutera un récital intitulé "MA MORT". Ce concert, dont le titre est tiré de "Méditation sur ma mort future" de Froberger, mettra en vedettes des œuvres de compositeurs baroques tels que Couperin, Frescobaldi, Froberger et d'Anglebert, entremêlées de manière transparente avec des œuvres de compositeurs d'avant-garde tels que Salvatore Sciarrino, Harrison Birtwistle, Wolfgang Rihm et Galina Ustwolskaja (avec les caméos de John Cage et John Lennon.) Ce concert contemple les idées de fins et de débuts - nos espoirs et nos désespoirs - les nombreux sentiments que le cadre temporel de la vie provoque en nous tous.

ONE TO ONE: Conceived of in this instance as a fundraiser for MEC in preparation for its 80th anniversary, "ONE TO ONE," is a project in which Marino meets privately with a single guest at a time for a period of roughly two hours in an attempt to "put music back to a space between people." These sessions are part conversation and part music, and seek to bring abstract sound (ranging from Henry Purcell to Beethoven to Wolfgang Rihm) to life in new ways to a listener. Each session is tailored individually to Marino's guest, therefore each session is completely unique.

ONE TO ONE: Conçu ici comme une collecte de fonds pour les MEC en préparation de leur 80e anniversaire, "ONE TO ONE" est un projet dans lequel Marino rencontre en privé un seul invité à la fois pendant environ deux heures pour tenter de " remettre la musique dans un espace entre les gens ". Ces sessions sont à la fois des conversations et des représentations. Elles cherchent à donner un son abstrait (allant de Henry Purcell, Beethoven, à Wolfgang Rihm) de façon novatrice pour un auditeur. Chaque session est personnalisée pour l’invité de Marino. Chaque session est donc totalement unique.

This is an important project for MEC. As a fundraiser, it is a project that allows us to continue to realize our vision and enables organizational growth. One of these sessions can be purchased for yourself, for a loved one, or perhaps for a deserving young musician. This is the type of interaction that lasts a lifetime.

C'est un projet important pour les MEC. En tant que collecte de fonds, c'est un projet qui nous permet de continuer à réaliser notre vision et permet la croissance organisationnelle. Ces sessions peuvent être achetées pour vous-même, pour un être cher ou peut-être pour un jeune musicien méritant. C'est le type d'interaction qui dure toute la vie.

Traduction Alexandre Craman
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Monday Evening Concerts - Chaya Czernowin et Robert Schumann Traduction Alexandre Craman


Chaya Czernowin

Robert Schumann - PIANO QUINTET in E-flat major, Op. 44
for piano and string quartet
Movses Pogossian, violin
YuEun Kim, violin
Liam Brolly, viola
Coleman Itzkoff, cello
Marisa Gupta, piano
Chaya Czernowin - HIDDEN (West Coast premiere)
for string quartet and electronics
JACK Quartet
IRCAM, electronics

Robert Schumann - PIANO QUINTET in E-flat major, Op. 44
for piano and string quartet
Movses Pogossian, violin
YuEun Kim, violin
Liam Brolly, viola
Coleman Itzkoff, cello
Marisa Gupta, piano
Chaya Czernowin - HIDDEN (West Coast premiere)
for string quartet and electronics
JACK Quartet
IRCAM, electronics

"Now the sonorities should fade away, grow fainter and dimmer, and you are left simply in the presence of a dream which haunts you still."

"Maintenant, les sonorités devraient disparaître, devenir plus faibles et plus atténuées, et vous resterez simplement en présence d'un rêve qui vous hantera encore."

- Alfred Cortot (on Schumann's Kinderszenen)

- Alfred Cortot (à propos des Kinderszenen de Schumann)

Of her new work for string quartet and electronics, composer Chaya Czernowin writes:

La compositrice Chaya Czernowin écrit de sa nouvelle pièce pour quatuor à cordes et électronique:

"HIDDEN is an attempt to get at what is hidden underneath expression or underneath music. It attempts to reach even further where there is a barely audible presence, which is on the edge of our perception. We do not know this presence, and it might be foreign, undecipherable. HIDDEN is a very slow-moving 45-minute experience transforming the ear into an eye. The ear is given space and time to observe and orient itself in the unpredictable aural landscape. It is an underwater, submerged landscape of rocks, inhabited by low vibrations which are felt rather than heard and with layers and layers of peeling away fog. Monolithic groups of sonic ‘rocks’ are seen/heard from various angles. The piece is about observation; it tries to trace/perceive/sense the emergence of expression."

"HIDDEN est une tentative d’obtenir ce qui est caché sous l'expression ou (sous) la musique. Elle vise à aller encore plus loin là où il y a une présence à peine audible (qui est) au bord de notre perception. Nous ne connaissons pas cette présence, et cela pourrait être étranger, indéchiffrable. HIDDEN est une expérience très lente de 45 minutes qui transforme l’oreille en un œil. On donne à l’oreille l’espace et le temps nécessaires pour observer et s’orienter dans l’écoute du paysage (audible) imprévisible. Il est sous-marin, un paysage de rochers submergés habités par de faibles vibrations qui sont ressenties plutôt qu’ entendues et avec des couches et des couches de brouillard qui se décollent. Des groupes monolithiques de "roches" sonores sont vus / entendus sous des angles différents. Cette pièce concerne l’observation. Elle essaye retracer/percevoir/sentir l'émergence de l'expression."

This piece, performed by the riveting JACK Quartet and IRCAM (electronics by the composer and Carlo Laurenzi), finds a perhaps unexpected historical companion in Robert Schumann's transcendental Piano Quintet. Though the Schumann and Czernowin serve as archetypal works of the Romantic and High Modernist eras respectively, they both seem to employ sound as a means of yearning for something beyond.

Cette pièce, interprétée par les éminents captivants musiciens du JACK Quartet et par l’IRCAM (électronique du compositeur et Carlo Laurenzi), trouve un compagnon historique plutôt inattendu dans le transcendantal Quintette pour piano et cordes de Robert Schumann. Bien que Schumann et Czernowin proposent des œuvres archétypales des époques romantique et de la haute modernité, ils semblent tous deux utiliser le son comme moyen de parvenir dans un au-delà.


Publication originale: http://www.mondayeveningconcerts.org/mar-25-2019--a-dream-which-haunts-you-still.html

Traduction Alexandre Craman
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L’ÉDITION MUSICALE

FORMATION MUSICALE

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Humberto d’ALBERTO Croisi-Music, casse-tête musical DLemoine : 29 376 H.L.

Ce jeu qui jongle avec les valeurs de notes nous rappelle certains examens de théorie musicale conçus par l’ex-FNUCMU. Les élèves qui aiment le Sudoku seront certainement charmés de pouvoir jouer non plus avec des chiffres mais avec des valeurs de notes. Ce casse-tête musical est très bien présenté et contient également les solutions des 30 grilles proposées. Pour ceux qui aiment, ce sera un agréable divertissement et une façon de devenir incollable dans l’addition ou la soustraction des valeurs…
Daniel Blackstone
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Elsa GRABOVSKI – Hélène LOUIS Ma boite à musique. Volume 1 – 1er cycle (1ère année) Billaudot : G9786B – Volume 2 – 1er cycle (deuxième année) Billaudot : G9787B).

Encore une méthode de Formation Musicale, pourra-t-on dire. Mais celle-ci est spéciale à plus d’un titre, et particulièrement par la richesse des outils pédagogiques fournis. En effet, chaque volume permet d’accéder à un espace prévu sur le site de l’éditeur, sur lequel se trouve un riche et abondant matériel pédagogique. Il faudra pour cela, me direz-vous, disposer d’une connexion internet haut-débit et, une fois de plus, la fracture numérique risque de défavoriser certains. Mais l’ensemble pouvant être téléchargé une fois pour toute, on pourra ainsi en disposer hors connexion. La seule petite réserve que l’on peut faire est que la première connexion s’apparente un peu au célèbre « parcours du combattant », mais le résultat récompense vite de l’effort demandé. Ajoutons cependant que les auditions d’extraits d’œuvres passent par Deezer et nécessitent donc d’être « en ligne » et d’avoir un compte gratuit (avec pub) ou payant, sans pub…

Chaque volume comprend le livre de l’élève et le livret du professeur. L’avant-propos précise bien toutes les fonctionnalités de cette méthode très complète qui développe tous les paramètres de l’apprentissage : corporéité, chant, mémorisation, rythme… avec tous les outils nécessaires pour ces apprentissages et pour permettre également aux parents de s’impliquer et de découvrir la musique avec leur enfant. C’est donc une méthode à découvrir absolument et qui a dû demander à ses auteurs un travail colossal !
Daniel Blackstone
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Catherine MECHAIN La théorie, Partitions-Notions-Index dynamique. Billaudot : G 9924 B.

Ce petit recueil, de la série « Les essentiels de la musique », s’articule sur trois modes d’utilisation : partitions annotées, notions détaillées, index dynamique.

Si le format est certes pratique, la densité et la complexité des pages surchargées ne rendent pas la lecture aisée. L’ensemble apparaît hétérogène : les quinze premières pages sont consacrées à des partitions analysées de Purcell, Mozart, Chopin, Debussy, etc. (modulations, chiffrages, cadences…), puis viennent ensuite la présentation des « termes italiens », des cinq lignes de la portée, du nom des notes, des intervalles, etc., ce qui invite à se demander quels sont en fait les destinataires d’un tel ouvrage, « accessible à tous ».
Sophie Jouve-Ganvert
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Dominique MILLET La lecture de notes, Découvrir, comprendre, apprendre, explorer. Billaudot Editeur : G 9928 B.

« Cet ouvrage s’adresse à toute personne, enfant ou adulte, souhaitant apprendre à lire les notes de musique de manière approfondie et autonome, quel que soit son instrument » selon l’auteur qui propose des exercices en « lecture relative (sans clés) par intervalles, en lecture à « hauteur réelle », ainsi que des « principes généraux » au sujet des instruments transpositeurs. L’ensemble est un peu confus pour des débutants. Dans les extraits de partitions, les rythmes proposés sont d’une difficulté supérieure par rapport au degré de lecture. La progression est rapide. La lecture pour clavier n’intervient qu’en fin d’ouvrage, ainsi qu’un repère de clés (sans clé d’ut 1ère ligne, alors qu’il y a la clé d’ut 2ème ligne) à la toute dernière page.
Sophie Jouve-Ganvert
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Mikaël LE PADAN Le rythme, Découvrir, comprendre, apprendre, explorer. Billaudot : G 9929 B.

L’auteur indique que chaque leçon « propose le chemin naturel qui guide l’apprentissage en privilégiant l’imprégnation et le contexte musical ». Pour ce faire, il relie les rythmes « aux œuvres phares du répertoire, et propose « des exercices de lecture pour s’entraîner, des activités d’écoutes pour reconnaître un rythme, un petit memento pour retenir l’essentiel ».
Sophie Jouve-Ganvert
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CHANT

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Christina HARMON Ave Maria, pour soprano et orgue. Delatour : DLT 2802.

L’auteur, elle-même organiste dans le Michigan, a arrangé cet Ave Maria, mélodie anonyme, pour son instrument et soprano. Après l’énoncé du thème en dix mesures d’introduction à l’orgue, la voix entonne l’Ave Maria. Le chant est soutenu par l’orgue au moyen de doublures à la partie supérieure, pendant qu’une autre déroule des volutes de triolets puis de doubles croches. Le pédalier ponctue les temps. Le début du thème apparaît à plusieurs reprises, sans que le texte, lui, soit répété, ce qui donne un côté répétitif et lancinant à cette prière, à l’harmonie moderne, dont la nuance générale va crescendo jusqu’ à l’amen final.
Sophie Jouve-Ganvert
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ORGUE

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Yves CUENOT Prélude, aria et final litanique sur le nom de « RIEPP » pour orgue. Delatour : DLT2805.

Ce triptyque a été composé et joué en première audition à la cathédrale de Dijon en 2010 pour le tricentenaire de la naissance du célèbre facteur d’orgues devenu bourguignon, Karl-Joseph RIEPP, né en 1710 à Eldern, village souabe dépendant de l’abbaye d’Ottobeuren et mort à Dijon en 1775. Il a réalisé dans la cathédrale Saint Bénigne de Dijon son plus grand instrument. Celui-ci a récemment été reconstruit par le facteur Gerhard Schmid dans l’esprit du XVIII° siècle et le respect de la tuyauterie d’origine ainsi que des ajouts des facteurs précédents lorsqu’ils avaient été positifs. C’est pour cet instrument qu’Yves Cuénot a écrit cette œuvre qui fait appel à toutes les possibilités de l’instrument. Il ne faudra donc pas se risquer à l’interpréter sur un orgue trop limité. Rappelons que l’orgue de Dijon possède quatre claviers et 73 jeux… L’auteur présente lui-même son œuvre ainsi : « Ainsi ce triptyque, écrit sur les 5 notes du nom de « RIEPP », aura été largement inspiré par l’instrument actuel et toutes ses ressources colorantes.

Le prélude, qui expose le thème fortissimo, fait entendre un court passage fugué (Fonds calmes) laissant place à un développement rythmique (Mutations et Anches étroites) puis une réexposition finale en augmentation (Grand Plenum). L’Aria se présente comme un récitatif rythmique en écho (Cornets) puis mélodique (Anche soliste) contrasté par une sicilienne lente sur la Voix Céleste. Le final est un long développement répétitif et marcato sur un ostinato de Fonds et Anches/Récit qui s’achève par une puissante réexposition fortissimo à la Pédale, en decrescendo. La dernière séquence de ce mouvement reprend une fonction litanique agitée, rythmique et crescendo esquissant aux mesures 50, 52, 54 puis 56 un air bien connu du folklore vineux bourguignon. Le Tutti de l’instrument fait entendre puissamment la dernière évocation de « R-I-E-P-P ». Nous ne préciserons pas l’air bourguignon auquel fait allusion Yves Cuénot…
Daniel Blackstone
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Stéphane DELPLACE Pièces d’orgue pour orgue. Collection Organ prestige. Delatour : 1062.

Pour se faire une idée du style de ces pièces, on pourra aller écouter, du même auteur, sur YouTube, la Chaconne écrite dans le même esprit. Il ne s’agit en rien de pastiches de Bach, comme pourrait le faire penser les titres des pièces ici présentées (Fantaisie et fugue, Pastorale, Toccata et fugue, Sonate en trio…) mais en repartant des formes illustrées par Bach et ses prédécesseurs, de poursuivre le voyage dans un langage renouvelé. Comme l’écrit le compositeur, « la quête de la modernité ayant perdu tout attrait, c’est vers la jubilation de cette « langue pure » qu’il peut être tenté de se tourner. Il lui faut alors s’en remettre au seul pouvoir d’engendrement de ses propres idées – sous peine de tomber dans l’enfer de l’exercice de style – et, privilège d’agir en quelque sorte « après l’histoire » de la tonalité, ne surtout renoncer à aucune des singularités qu’elles portent en elles. Le propos n’est donc ici nullement de faire accroire à la réalité d’une œuvre XVIIIème, mais bien plutôt tel un jardinier, d’entourer la croissance de ses thèmes ou sujets dans ce même esprit. ». Ajoutons simplement que l’ensemble est parfaitement convaincant. Bien sûr, il vaudra mieux disposer d’un instrument aux couleurs variées…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Gérard HILPIPRE Mondes. Étude pour orgue. Delatour : DLT2782.

Voici comment l’auteur présente lui-même son œuvre : « Cette œuvre est sous-titrée « étude pour orgue » en raison de sa riche et complexe écriture harmonique, et de ce qu’elle exigera de la part de l’interprète en matière de registrations. Mais on pourrait aussi bien la qualifier de fantaisie ou de poème symphonique pour orgue, dans lequel l’imagination de l’auditeur est projetée dans des mondes sonores tour à tour mystérieux, visionnaires, éclatants ou fantastiques, comme dans un kaléidoscope aux dimensions cosmiques. » On ne peut mieux parler de cette œuvre foisonnante et évocatrice des différents mondes intérieurs de l’auteur mais aussi des auditeurs… D’autant plus que l’auteur laisse libre cours à l’imaginaire de l’interprète en ne lui donnant volontairement aucune autre indication de registration que les notations expressives qui parcourent l’œuvre. Si ces Mondes peuvent être ainsi exécutés sur des instruments très divers, il n’en reste pas moins qu’ils devront avoir pour support un instrument aux multiples facettes… et un organiste qui sache les mettre en valeur !
Daniel Blackstone
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PIANO

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Pierre-Richard DESHAYS Pièce détachée n° 2 pour piano. 2ème cycle. Lafitan : P.L.3139.

L’ensemble commence par une introduction de style choral faite de quatre séquences dont une sur deux est notée « Majestuoso ». Puis vient un moderato qu’on pourrait qualifier de cantabile. Une mélodie se développe, accompagnée par des arpèges de doubles croches. Mais qu’on ne s’y trompe pas : il va falloir que le pianiste dispose de dix doigts, et non de deux mains… et qu’il sache aussi chanter d’un doigt et accompagner d’un autre. Bref, ce n’est pas si facile que ça le parait à première vue. Qu’importe puisque la musique le mérite et c’est évidemment cela l’essentiel. Voici donc une pièce pleine d’intérêt à tous égards.
Daniel Blackstone
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Antoine REICHA 34 études dans le genre fugué op.97. Cahier 3 : Études 18 à 26. Édition de Michaël Bulley. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0840-7

Voici donc le troisième cahier de cette édition monumentale d’une œuvre non moins monumentale d’Antoine Reicha publiée en 1820. Nous ne reprendrons pas ici ce que nous avons dit dans notre recension des deux premiers cahiers, dans la lettre 119 d’avril dernier. On trouvera par ailleurs sur le site de l’éditeur une présentation détaillée de cette œuvre assez étonnante et qui est un véritable jalon de l’histoire de l’écriture pour piano.
https://symetrie.com/fr/titres/reicha-etudes-cahier3
Le travail remarquable de Michael Bulley pour mettre à la disposition des interprètes dans une édition scientifique l’ensemble de l’œuvre de Reicha est un véritable évènement musical.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Bruno GINER Commedia pour piano. Delatour : DLT2817.

Il s’agit en fait d’un recueil de théâtre musical : en dix tableaux nous sont présentés tous les personnages de la commedia dell’arte présentés par un Monsieur Loyal. Le jeu scénique a donc autant d’importance que les pièces musicales. Les acteurs peuvent être les différents pianistes qui se succèdent au piano à queue indispensable, ou d’autres. En plus d’un piano à queue, « il faut se munir de quelques accessoires : un boitier de CD plastique pour préparer le piano, une baguette dure, un stéthoscope en plastique, un piano jouet, un bol avec des pièces de monnaie, une caisse claire… Bref, chaque numéro apporte son lot de surprises. L’écriture va du totalement contemporain au pseudo-classique. Ce n’est pas facile, mais les participants devraient bien s’amuser à monter ce piano-spectacle. La partition donne toutes les indications nécessaires à une bonne exécution de l’œuvre. L’ensemble est original et de bon aloi…
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Stéphane DELPLACE Préludes & Fugues dans les Trente Tonalités pour clavier, deuxième livre, se succédant dans la plus grande alternance de bémols et de dièses, chaque tonalité majeure étant suivie de sa relative mineure. Ut, seule tonalité pouvant revêtir les trois formes, bémol, bécarre et dièse, est placée au centre. Delatour : DLT2208.

Nous avons rendu compte du premier livre dans la lettre n° 96 d’octobre 2015. Nous reprenons ici ce que nous écrivions alors : Delatour : DLT2207.

« Si cela ne vous rappelle rien… L'auteur, dans sa présentation ne cache pas la filiation, même s'il précise bien qu'il ne s'agit en rien d'un pastiche. Chacune des pièces est présentée par l'auteur de façon succincte mais précise. Techniquement, cela reste abordable, du même niveau que son modèle. Avouons que l'entreprise est originale et mérite d'être écoutée… et jouée ! » Nous n’ajouterons rien sinon que chaque pièce est dédiée à un compositeur, de Martin Luther à Jimmy Hendrix… et que cette dédicace n’est pas un simple hommage mais se reconnait à l’oreille. Les commentaires aident à voir à la fois les allusions et les clins d’œil.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Jürgen MOSER Piano Crystals 18 pièces relaxantes pour piano. Schott : ED 22928.

Ces pièces portent bien leur nom. Inspirées par les pierres précieuses, les pierres médicinales et les minéraux, elles sont censées explorer l’effet mystique de chaque pierre précieuse et mettre en évidence leurs caractéristiques particulières. Quel que soit la réalité de cet effet, disons simplement qu’il s’agit de pièces assez faciles au charme certain et qui se révèleront certainement apaisantes aussi bien pour les élèves que pour leur professeur. Il sera intéressant de faire découvrir à ceux qui interpréteront ces pièces les diverses pierres dont il est question dans chacune de ces pièces. C’est effectivement joli et apaisant.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Patrick NEDELLEC Come back pour piano. Lafitan : P.L.3155

Cette courte pièce est d’une durée d’une minute 20 pour un niveau fin de premier cycle. Nous avons tout d’abord des chromatismes à la main droite pendant que la main gauche tient des octaves. Puis c’est la main gauche qui « chromatise », amenant des tierces en question réponse à la main droite et à la main gauche. On continue ensuite sur des chromatismes à la main droite pendant que la main gauche joue des tierces, d’abord en rondes, puis en blanches, avec quelques passages où les deux mains échangent entre elles des croches. Toute la pièce évoque le titre dans une ambiance lancinante et nostalgique, rappelant l’être aimé.
Marie Fraschini
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Patrick NEDELLEC Triton pour piano. Lafitan : P.L.3154.

Voici une toute petite pièce de niveau de premier cycle pour découvrir le triton et la gamme par tons en blanches et en noires… en quarante secondes.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Mike CORNICK Dinner for Two five romantic arrangements pour piano. Universal  Edition : UE 21 455.

Ce petit recueil rassemble cinq sérénades romantiques et célèbres à jouer à quatre mains : Plaisir d’amour de J.P. Martini (1784), Nola de F. Arndt (1915), Santa Lucia (mélodie napolitaine), Fascination de F. M. Marchetti (1876-1940), The Didn’t Believe Me de J. Kern (composée en 1914). Les arrangements, de niveau assez facile, sont agréables à jouer et à écouter. Le CD joint permet d’entendre une version des deux parties ensemble ; une autre version permet de jouer la première partie avec la seconde partie qui est enregistrée et inversement.
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Olivier BOUET Danse napolitaine, opus 70, pour piano. LAFITAN : P.L. 3322.

Cette pièce d’une durée de presque trois minutes pourra figurer au programme de quatrième année d’études de piano. La première partie de la danse est à 3/4 en mi mineur. La seconde est une variation vivace ternaire, en tarentelle, dans le ton homonyme.
Presque entièrement doigtée, cette partition est très pédagogique, car elle regroupe un certain nombre de difficultés propres au clavier : régularités des croches à la main gauche, phrasés lié-détaché différents aux deux mains, accents, croisement de mains, passages identiques aux deux mains, gammes chromatiques en mouvements contraires, accords, particularités de doigtés…
Sophie Jouve-Ganvert
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


HARPE

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Max MÉREAUX Fabulette pour harpe. Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L.3512.

Cette fabulette est une sorte de promenade bien agréable, une petite histoire qu’on se raconte en marchant dans la campagne, bref l’ensemble a beaucoup de charme. La technique de l’interprète est sollicitée très progressivement tout au cours de la pièce. Après un simple échange entre clé de sol, puis clé de sol clé de fa à l’unisson, un dialogue se dessine, de plus en plus enchevêtré puis s’installe le style choral avant de revenir à un échange où la mélodie passe d’une main à une autre. Il y a donc beaucoup de variété dans cette fabulette qui devrait charmer son interprète.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


GUITARE

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Didier RENOUVIN Jeu avec l’auriculaire. Delatour : DLT2633.

Cet ouvrage de Didier Renouvin est consacré à l’étude de l’auriculaire de la main droite. Il permet à travers une approche graduelle de développer ce doigt. Cela renforce et tonifie la structure musculaire de la main droite et permet également d’ouvrir son champ de possibilités en termes de combinaisons de doigtés.
Il est vrai que ce doigt est peu, voire pas du tout utilisé chez les guitaristes classiques. Les pianistes et harpistes l’utilisent pourtant bien. Pourquoi n’en ferions-nous pas autant ?
Cet ouvrage commence avec des exercices techniques en première partie et propose ensuite une application concrète par le biais d’un panel de morceaux issus du répertoire de la guitare.
Voici un ouvrage remarquable, à recommander, et qui ajoutera bien plus d’une corde à votre arc !
Lionel Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


VIOLON

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André DELCAMBRE Pièce élégiaque pour violon et piano. Lafitan : P.L.3165.

Cette œuvre de 3 min.20 dans un style « lent et mélancolique » dévoile plusieurs modes de jeux au violon. En effet, le violon commence en pizz, puis passe en doubles cordes et utilise également quelques harmoniques. Nous avons une première partie lente, s’exprimant par un chant plaintif, passionné, se terminant par une montée ad libitum. Puis une deuxième partie plus pétillante, s’intitulant « modéré et dansant », utilisant des notes piquées, « bien soutenues », avant de se décliner par des harmoniques en pizz et une mélodie légato très détendue pour revenir sur le premier thème. Apparait pour conclure cette pièce une petite coda, d’abord pianissimo, puis triple piano sur une harmonique, appelant la rêverie solitaire.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Maica BRANDAO Le violon en trois temps, Moyen-âge. Lemoine : 29390 H.L.

Ce premier livre de Maica Brandao sur le violon en trois temps traite de la période du moyen âge. En ce temps-là le violon n'existait pas encore, mais son ancêtre la vièle à archet était l'instrument de prédilection des ménestrels, qui s’en servaient pour accompagner les chansons et faire danser. Ce livre est construit en deux temps : On y trouve d’abord des exercices qui font travailler les aspects du rythme, du sentiment modal et de la mélodie. Ensuite il y a les chansons : Sing cucu – canon, Polorum Regina – Llibre Vermell de Montserrat, Christus Patris gratie- rondeau, Vineam meam plantavi- rondeau, Offerat ecclesia- rondeau, Imperatriz de la Ciutat Joyosa – Llibre Vermell de Montserrat, Tant me sui de dire teüs – lai monodique, Danse du Morholt – P.Hamon, Ay mi ! Dame de valour – Guillaume de Machaut, Trotto – Italie XIVe siècle. Les oeuvres sont écrites pour des ensembles de 1 à 4 violons, avec un accompagnement au violoncelle.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Maica BRANDAO Le violon en trois temps, Renaissance. Lemoine : 29391 H.L.

Ce deuxième cahier en deux phases, traite en premier de la technique du violon à la Renaissance et en second de morceaux pour élèves débutants. Ils sont écrits à partir de chansons de la Renaissance en Italie, en France, en Angleterre et en Allemagne. On y trouve : Haimé, perché m’hai privo – improvisation, Hélas Madame, Pavana del fior, Branle du chandelier, Nasce la speme mia da un dolce riso, The frog Gaillard, Pavane anglaise à 4 voix, Branle des chevaux, Pavane, La bataille, Gavottes Terpsichore et Doen Daphne d’over schoone. Les morceaux vont de 1 à 5 violons et peuvent être accompagnés d’une partie de violoncelle. De quoi s’amuser en découvrant tout un répertoire très peu utilisé dans l’étude du violon dit « classique ».
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Maica BRANDAO Le violon en trois temps, Baroque. Lemoine : 29392 H.L.

Dans ce troisième volume sur la période baroque de Maica Brandao, le violon est, comme à l’accoutumée, sollicité en deux phases : la partie technique où l’on étudie entre autres les arpèges et les variations pour l’archet, puis la partie chansons. C’est la période où le violon devient le roi des instruments mélodiques dans toute l’Europe. Au programme : « La Mantovana, Woodycock, Stingo, Nobody’s Jig, Marche pour la cérémonie des turcs, Menuet, Les sauvages, If Love’s a Sweet Passion, Canon, Bist du bei mir, Sarabande, Fantasia. » On y trouve des doubles cordes et beaucoup de virtuosité, aussi bien d’archet que de main gauche. Une partie violoncelle est fournie pour la basse continue.
Marie Fraschini
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


VIOLONCELLE

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Aldo SCELLI Élégie Élégie pour violoncelle et piano. Fin de 2ème cycle. Lafitan : P.L.3442.

Une élégie pour violoncelle… Comment ne pas penser à une autre, si célèbre ? Celle-ci ne démérite pas. Le violoncelle peut y exprimer tour à tour son expressivité et sa virtuosité dans des traits arpégés et des doubles cordes lyriques. Le sol mineur de l’ensemble exprime bien le côté tragique de la pièce, traversée comme par un rayon de soleil de quelques mesures en sol majeur mais qui sont vite ramenées à la couleur sombre originelle. Le piano est un véritable compagnon de route qui concourt, par ses interventions en solo au caractère tourmenté de l’œuvre. C’est une véritable Élégie qui nous est offerte ici, bien séduisante pour l’auditeur et, espérons-le, pour les interprètes.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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DVOŘÁK Danses slaves op. 46 arrangées pour violoncelle et piano par Jiři Gemrot. Bärenreiter : BA9568.

Cette transcription a été faite soigneusement et avec beaucoup de goût et permettra aux violoncellistes d’élargir leur répertoire aux célèbres Danse slaves de Dvořák. Cette transcription se justifie d’autant mieux que Dvořák lui-même avait transcrit la danse n° 8 en 1891. Jiři Gemrot n’a donc fait que poursuivre le travail. Dans ce volume, c’est d’ailleurs la version originale de la danse 8 qui est présentée ici. Pour les autres danses, et en vue d’une fidélité plus grande aux sonorités voulues par l’auteur, Gemrot a basé ses arrangements sur la partition orchestrale du compositeur.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


FLÛTE

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Feresshteh RABBARI Bühne frei ! Duos pour deux flûtes traversières. 14 duos de moyenne difficulté. Universal Edition : UE 35307.

De Télémann à Maria Holzeis-Augustin en passant par Mozart, Weber et d’autres, ce sont quatorze pièces arrangées pour deux flûtes qui nous sont proposées. La dernière est une composition originale. Les arrangements, pas si faciles, sont faits avec beaucoup de goût et de respect de l’esprit et des harmonies des œuvres originales. A côté d’extraits d’œuvres connues, on trouve aussi des extraits moins connus qui permettront de faire découvrir aux élèves des auteurs un peu négligés aujourd’hui. Ajoutons que le fait que l’édition soit trilingue est bien agréable.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Arletta ELSAYARY En attendant le printemps pour flûte et piano. 1er cycle. Lafitan : P.L.3286.

Voici une délicate et charmante pièce qui a des allures de valse. La partie de piano est tout à fait abordable, quant à la partie de flûte, elle comporte des envolées qui conviennent parfaitement à l’instrument. Après l’exposé d’une jolie mélodie de petits détachés conduisent à l’octave aigu de l’instrument où on retrouve le même lyrisme. Phrases liées et détachées alternent jusqu’au bout tandis que le piano se livre, au milieu, à de jolies arabesques. Bref, l’ensemble est gracieux, fluide avec des modulations sages mais bienvenues. L’ensemble est bien séduisant et permettra d’attendre le printemps avec beaucoup de plaisir.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


HAUTBOIS

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Gilles SILVESTRINI Six études romantiques pour hautbois. Assez difficile. Delatour : DLT2816.

Voici ce que dit l’auteur de son œuvre : « En écrivant ces études, je n’ai pas eu le sentiment de faire des pastiches. Au contraire, je me suis spontanément identifié au langage romantique et j’ai découvert des émotions qui dormaient profondément en moi. Ces six études forment un cycle. Elles sont groupées autour du ton de mi mineur et sont reliées entre elles par des cellules mélodiques bien identifiables. » Ne nous y trompons pas : l’auteur ne renie pas pour autant son propre langage, mais s’inspire de thèmes romantiques : ces études ont des titres évocateurs. De Hurlevent à La plage de Granville en passant par Nocturne, ces titres évocateurs disent bien l’atmosphère du recueil. Cela reste des études pour hautbois seul, mais c’est d’abord de la belle musique.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


CLARINETTE

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Martin TOURISH Play Along – World Music Celtic avec CD et accompagnement de piano. Universal Edition : UE 37212.

Voici une publication d’une grande richesse. Le CD contient non seulement version complète et play-back (en deux versions) mais encore les partitions pour d’autres instruments en do ou en si bémol : flûte traversière, flûte à bec alto, violon, accordéon, trompette, clarinette, saxophone alto, saxophone ténor, une deuxième voix pour tous ces instruments, une partie de basse (guitare ou contrebasse), et deux parties de percussions… Bref, il y a de quoi faire tout un petit orchestre. Il suffit d’imprimer à partir des PDF tout ce dont on a besoin… C’est dire combien ce recueil pourra rendre de services. De plus, des conseils d’interprétation sont disponibles sur le site indiqué dans le recueil. Quant au contenu, il est constitué de pièces qui couvrent l’Irlande, l’Écosse, le Pays de Galles, la Cornouailles et la Bretagne. Martin Tourish précise combien ces 8 pièces, classées par ordre de difficulté, doivent être interprétées et réinterprétées dans l’esprit de ces musiques traditionnelles, faites pour être ornées et que les interprètes doivent s’approprier. On ne saurait trop insister sur l’intérêt d’une telle pratique. Précisons que l’édition est trilingue, ce qui est bien pratique !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Alain FLAMME L’Auguste pour clarinette et piano. Moyen. Lafitan : P.L. 3199

Le style de l’œuvre est tout à fait conforme à son titre. Nous sommes, d’entrée de jeu, plongés par le piano dans une atmosphère de fanfare de cirque. Et quand entre l’Auguste, c’est sur un thème martial et syncopé, dépeignant à merveille la figure du clown. Les pirouettes se succèdent, laissant libre cour à la frénésie des deux interprètes qui se renvoient la balle de cadence en cadence. Si la tonalité est fortement affirmée, ce n’est pas sans connaître quelques accidents fort réjouissants mais qui introduisent aussi une note plus inquiétante et tragique : le personnage de l’Auguste reste ambigu… A soixante-huit ans, Alain Flamme n’a manifestement rien perdu de son énergie et de son humour !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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René POTRAT Clarissimo pour clarinette et piano. Début du 2ème cycle. Lafitan : P.L.3370.

Le titre est bien évocateur du timbre à adopter pour cette pièce très agréable et très variée, titre qui indique aussi combien cette pièce est « clarinettissime » ! Une première partie à 6/8 nous invite à une promenade aux jolies modulations et qui fluctue avec grâce. Une deuxième partie plus rythmée survient alors, à 2/4 au rythme fluctuant avec de rapides incursions dans un 3/4 proche du 6/8. La dernière partie reprend le 6/8 initial ainsi que le caractère du début. Il y a donc beaucoup de fluidité et de variété qui devrait plaire aux interprètes, d’autant que la partie de piano n’est pas un simple accompagnement mais concerte avec la clarinette dans un véritable duo de musique de chambre.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


BASSON

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Alexandre FLENGHI Dans les brumes du vieux cimetière pour basson et piano. Delatour : DL T2824.

Voici un recueil pour les amateurs d’Harry Potter, d’halloween, de sueurs froides et d’humour noir ! Les titres des cinq pièces sont explicites : Le fossoyeur, Au conseil des cadavres, Les funérailles de la poupée de porcelaine, Feux follets, Vadrouille d’un jeune squelette noctambule. Qui de mieux qu’un basson goguenard pouvait illustrer ce climat morbide ! Les indications de caractère et les didascalies humoristiques contribuent à la bonne interprétation de cette pièce très imagée, théâtrale et d’un niveau certain.
Sophie Jouve-Ganvert
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SAXOPHONE

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Matthias SCHRÖDER Saxophon quartette junior. Dix arrangements faciles de pièces bien connues des cinq derniers siècles pour quatuor de saxophones. Universal Edition : UE 37994.

« Qu’y a-t-il de plus beau que de jouer ensemble en quatuor ? Saxophonistes de tous âges, ce recueil de quatuors faciles met ce plaisir à votre portée. » Comment mieux dire que Matthias Schröder dans ce début de sa préface ? Ces pièces ont été sélectionnées et arrangées par le quatuor de saxophones Pindakaas. Les pièces sont destinées le plus souvent à deux altos, un ténor et un baryton, la partie de baryton pouvant aussi être confiée à un ténor, suivant les effectifs et les disponibilités… Les pièces ont été choisies tant pour leurs qualités pédagogiques que musicales. Elles constituent un ensemble extrêmement plaisant allant du célèbre Trumpet Volontary de Jeremiah Clark à « Joyeux anniversaire » ou au « Cancan » d’Offenbach en passant par la célèbre Berceuse de Brahms et le Cavalier sauvage de Schumann bien connu des pianistes. Bref, l’ensemble est composé de « tubes » fort bien arrangés et qui devraient connaître un franc succès.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Yves PIGNOT & Emile GÜNTER Tu viens jouer ? … et plus ! Huit séries de pièces, en solo ou duo, pour saxophone alto & piano. Volume 1. Les Editions Buissonnières : EB-2-397.

Ce volume de pièces pour « duos de mêmes niveaux », est le fruit d’une collaboration entre deux compositeurs qui se sont rencontrés lors d’une soirée choros à Paris. Tous les deux sont français, mais l’un a pourtant fait ses études au Brésil et l’autre en Suisse. On y trouve des pièces expérimentales, d’autres plus dansantes, toujours avec dans l’esprit d’apprendre en s’amusant. Il y a des pièces pour saxophone seul, d’autres pour duos de saxophones d’autres encore pour saxophone et piano. On y trouve de l’improvisation avec des signes qui appellent certains jeux corporels se rajoutant à la pièce. De quoi ravir nos jeunes interprètes en herbe !
Marie Fraschini
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TROMPETTE

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Alain FLAMME Au bout des doigts pour trompette ou cornet ou bugle et piano. 3ème/4ème année. Lafitan : P.L.3220.

Pourquoi « au bout des doigts » ? Peut-être parce qu’elle les fera bien travailler, tant ceux du trompettiste que ceux du pianiste. Car cette pièce est pleine d’entrain et n’engendre pas la mélancolie. On est porté d’un bout à l’autre par un rythme joyeux et qui met dans une ambiance euphorique. La pièce comporte en son milieu une cadence qui permettra au trompettiste de montrer à la fois sa musicalité et sa virtuosité. Ajoutons que tout cela module avec beaucoup de grâce et sans avoir l’air d’y toucher. C’est d’un goût parfait… Souhaitons beaucoup de plaisir aux interprètes : celui des auditeurs est certain.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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André TELMAN Prémices à l’écriture de notre temps. . Recueil pour trompette seule. 1er cycle. Lafitan : P.L.3490.

e recueil ne comporte pas moins de 20 pièces originales au titre évocateur pour trompette ou cornet ou bugle sib seul. Il s’agit d’initier le jeune instrumentiste, dès ses débuts à l’instrument, au langage contemporain et à la technique spécifique qu’il suppose. Chaque pièce est un petit portrait d’une ambiance ou d’une scène rendue par une musique descriptive qui devrait plaire aux élèves et leur donner envie de découvrir ces nouvelles techniques. On ne peut que se réjouir de voir combien « l’écriture de notre temps » peut ainsi se mettre tout simplement au service de la musique et constituer un enrichissement du langage de l’instrument.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


SAXHORN BASSE/EUPHONIUM/TUBA

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André TELMAN Siméon, le petit hérisson pour saxhorn basse / euphonium / tuba et piano. Débutant. Lafitan : P.L.3219.

Il est bien sympathique, ce petit hérisson qui se promène tantôt sur trois pattes, tantôt sur quatre. Il y a quand même beaucoup de nostalgie dans cette évocation de Siméon. On pourrait croire parfois que le reste de sa famille a subi le sort de beaucoup de ses congénères, écrasés sur nos routes… Qu’on ne prenne pas cela pour une critique ! La pièce d’André Telman s’écoute (et certainement se joue) avec beaucoup de plaisir. Les changements de couleur et les modulations ne manquent pas dans cette pièce pourtant véritablement écrite pour débutant, ce qui montre une fois de plus qu’on peut écrire pour débutant de la belle et bonne musique. Ajoutons cependant que le pianiste ne sera certainement pas débutant…
Daniel Blackstone
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PERCUSSIONS

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André GUIGOU Percussions-Triptyque. Pièce en 3 mouvements pour percussions et piano. Début du 2ème cycle. Lafitan : P.L.3147.

Trois types de percussions sont à l’œuvre dans ce triptyque. Le premier mouvement est consacré au xylophone. Dans un allegro tranquille, le xylophone nous entraine dans une orte de promenade fort agréable. Le deuxième mouvement est consacré aux timbales. Il commence par un Andantino un peu solennel à trois temps et se poursuit par un Allegro à quatre temps à la fois chantant et dynamique. Le troisième mouvement est destiné à la caisse claire. C’est également un Allegro entrainant. Le tout est donc très varié même s’il constitue un ensemble qui possède une grande unité de tonalité et de style. Loin du simple exercice, ce triptyque permettra aux deux interprètes de faire de la vraie et bonne musique.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Wieslaw JANECZEK Tout à trac pour batterie et piano. 1er cycle. Lafitan : P.L.3172.

La batterie est utilisée à plein puisque la partition fait appel à la caisse claire, aux trois toms alto, medium et basse, à la grosse caisse, aux cymbales ride et crash, et Hi hat Charleston (baguette), Hit hat (ouvert et pied). Quant au piano, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne chôme pas, maintenant un rythme obstiné d’un bout à l’autre de la pièce tout en prenant part au dialogue avec les différents instruments de la batterie. Tout à trac signifie bien quelque chose ! L’ensemble est donc plein de dynamisme et d’un intérêt certain. Le pianiste devra certainement avoir dépassé le premier cycle !
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Kiril GEORGIEV Just two pour deux grosses caisses ou 2 toms. Collection Azurythm dirigée par Régis Famelart. Difficile. Dhalmann : FD – 0742.

Nous n’aurons malheureusement plus à recenser des pièces présentées par Régis Famelart, disparu prématurément à l’âge de 55 ans le 30 octobre 2018 après une brillante carrière de percussionniste, de professeur dans des postes où il était apprécié de tous. Il était également un compositeur reconnu. Just two est en fait un recueil de quatre pièces qui mettent en relief toutes les possibilités expressives des moyens mis en œuvre. Seulement deux, nous dit le titre. Deux instruments, deux instrumentistes… et beaucoup de musique dans ces quatre pièces courtes, mais denses.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Isabelle DONATI Reditum RegisPièce pour percussions et piano pour la fin de premier cycle en trois mouvements. Collection Azurythm dirigée par Régis Famelart. Dhalmann : FD0739.

Cette œuvre est donc la dernière présentée dans cette collection, puisque son directeur, Régis Famelart, comme nous l’avons dit ci-dessus, est disparu prématurément le 30 octobre dernier.
Reditum Regis, ou « Le retour du Roi », pour ceux qui auraient oublié leur latin (« nobody’s perfect… ») se compose donc de trois parties intitulées (en français) : « Tristesse au Royaume », réservée aux timbales, « Une bonne nouvelle » pour le xylophone et enfin « Le Roi revient » pour multi-percussion et bande son. Précisons que la bande son est à télécharger sur le site de l’éditeur et qu’elle a été écrite par un élève d’électro-acoustique du CRR (de Nice). L’ensemble est plein de charme et de rebondissements. Classée facile à moyen pour les percussionnistes, cette pièce demandera en revanche un pianiste chevronné. Précisons enfin que le titre et l’aspect moyenâgeux du conte tiennent peut-être à ce que l’auteur, avant de se consacrer entièrement à la musique, a fait une classe préparatoire à l’École des Chartes. Quoi qu’il en soit, l’ensemble est très plaisant et devrait rencontrer un franc succès.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


MUSIQUE DE CHAMBRE

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Camille SAINT-SAËNS Quatuor pour deux violons, alto et violoncelle no. 1 1 en mi mineur op. 112. Urtext. Bärenreiter : BA 10927.

Saluons ici la publication par les éditions Bärenreiter des œuvres complètes de Saint-Saëns, édition critique publiée en « Urtext » d’après les meilleures sources. La partition présentée ici est tout simplement le « matériel » de ce quatuor, mais les éditions complètes avec préface et commentaires existent bien entendu également. Rappelons que Saint-Saëns, né en 1835, attendra 1899 pour composer son premier quatuor. Sans doute l’ombre de Beethoven l’avait-elle empêché de le faire plus tôt.

Nous avons également dans la même édition le Quatuor pour deux violons, alto et violoncelle no. 2 en sol majeur op. 153 : BA 10928.
Les quatuors à cordes de Saint-Saëns apparaissent ici pour la première fois dans une édition critique et savante. C'est également la première édition à contenir la version originale du Final du Quatuor n° 2.
Il est important de signaler combien l’éditeur a été attentif aux « tournes » en n’hésitant pas à éditer le cas échéant sur trois pages certains passages qui auraient, autrement, nécessité des « tournes » acrobatiques.
Daniel Blackstone
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


LIVRES & REVUES

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Luc CHARLES-DOMINIQUE Les « Bandes » de violons en Europe. Cinq siècles de transferts culturels. Des anciens ménétriers aux Tsiganes d’Europe centrale. Turnhout, Brepols (www.brepols.net ). Tours, Centre d’Études Supérieures de la Renaissance (CESR). 2018. 676 p. - 80 €.

Luc Charles-Dominique, membre de l’Institut Universitaire de France, professeur à l’Université de Nice-Côte d’Azur, cofondateur et Président du Centre International de Recherches Interdisciplinaires en Ethnomusicologie de la France (CIRIEF), est spécialiste des transferts culturels. Il a réalisé une rare prouesse éditoriale (667 p. au format quasi A4, très denses) dans la longue durée (5 siècles), un vaste espace géographique (Europe de l’Ouest, Europe de l’Est), relevant de plusieurs contextes (social, sociologique, sociétal et économique), ayant pour acteurs les tsiganes présents en Europe depuis le XVe siècle et les « Bandes de violons » rayonnant en France depuis le XVIIe siècle.

L’hypothèse concerne « le transfert culturel des anciennes bandes de violons des Tsiganes d’Europe centrale » (p. 573, conclusion). L’auteur propose aussi « une nouvelle approche de la technique et du jeu violonistiques des anciens ménétriers, violonistes notamment à la Cour de France, à partir de l’étude des consorts populaires actuels de violons de certaines régions d’Europe occidentale (Italie), centrale et balkanique ».

Cette vaste matière multiséculaire est adroitement structurée en 3 parties et 12 chapitres (avec de nombreuses sous-divisions favorisant l’approche de ce gigantesque sujet). Première partie : Les Tsiganes en France (mise au point loin des fausses légendes) ; Deuxième partie : Tsiganes et ménétriers ; Troisième partie : Bandes de violons et transferts culturels (au cœur du sujet historique et ethnomusicologique) avec en outre de nombreux Index sur 2 colonnes : des instruments (p.671-673) comportant une impressionnante rubrique « violons », des orchestres, théâtres, cirques… (p.674), des traités… (p.674-676) et une abondante Bibliographie intradisciplinaire française et anglaise, judicieusement classée (p.597-634).

Luc Charles-Dominique fait appel à des sources de première main : chroniques d’époque, par exemple le Mercure de France : « Les spectacles captivent les avides regards du peuple » (p. 61, note 17), exploite des témoignages, monographies et correspondances. Il tient compte du dernier état de la recherche en histoire (Robert Muchembled), en sociologie (Florence Weber) et en ethnologie de la danse (Jean-Michel Guilcher). Des illustrations très significatives (gravures, scènes de la vie courante, instruments, bandes de violons, ménétriers, recueils) et des cartes de géographie éclairent les migrations, pérégrinations et refuges non seulement des tsiganes itinérants mais aussi des Huguenots et Sépharades. Elles permettent au lecteur de saisir les contextes visuels et l’atmosphère des époques en cause.

Les historiens des mentalités et des sensibilités apprécieront l’ampleur de ces vagues migratoires, le phénomène d’enracinement progressif, par exemple des familles manouches installées en Auvergne, leurs déplacements selon les Foires et finalement « leur contribution à la mémoire interculturelle de l’Europe ». Les sociologues seront frappés par la pluralité des métiers exercés par les tsiganes au cours des siècles : instrumentistes (violon, cornet, hautbois, clarinette) et danseurs, maîtres d’escrime et soldats, dresseurs d’animaux (singes) et palefreniers, tondeurs et châtreurs (chevaux), forgerons, ferrailleurs, chaudronniers, récupérateurs et vendeurs. Ils sont également forains, vagabonds sans domicile fixe ni revenus, marginaux, déclassés. Les juristes prendront connaissance des textes de loi contre le vagabondage et d’arrêtés du Parlement (Paris et régions), des condamnations aux galères voire libérations pour bonne conduite. Les lexicologues et dialectologues seront sensibles à la diversité linguistique et lexicologique pour désigner les tsiganes : ethnonymes souvent exonymes, noms génériques, aspect sémantique, par exemple la « passade » : aumône pour faire partir plus rapidement les bohémiens chantres d’église, ou « martinet » désignant vraisemblablement les forgerons travaillant dans une rivière près du moulin, par analogie avec les oiseaux martinets près de l’eau. Les ethnomusicologues, organologues et interprètes trouveront — outre l’important apparat critique, historique et bibliographique — de précieux renseignements sur la facture, la pratique et l’enseignement du violon pendant 5 siècles en Europe occidentale et orientale.

Après tant d’années d’expériences et d’inlassables recherches reposant sur des sources fiables, Luc Charles-Dominique contribue largement à la mémoire interculturelle de l’Europe ; il s’affirme incontestablement comme le spécialiste des transferts culturels, de l’histoire migratoire, du dynamisme des mouvements et échanges sociétaux dans le cadre d’une solide démarche multiculturelle, intradisciplinaire et anthropologique.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Gérard GEAY Pratique de la musica ficta au XVIe siècle dans les tablatures de luth. Sampzon, DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com). BDT0068. Coll. Musique Recherche, 2018. 2 volumes (à l’italienne) groupés, 382 p. - 32 €.

Depuis les manuscrits médiévaux et les efforts des copistes jusqu’à l’édition (musicale) informatique, de nombreux procédés (voire « astuces ») ont été exploités pour conserver les œuvres (neumes, lettres, syllabes, notes), mais ce rememorationis subsidium restait visuellement inexpressif.

La notation pour le luth possède la particularité « de noter non pas les notes de musique mais la place de la main gauche sur la touche », ce qui permet de préciser les altérations et d’obtenir une « sorte de photographie des pratiques des instrumentistes du XVIe siècle », source également très fiable pour l’interprétation d’œuvres vocales (chansons, motets…) et instrumentales (danses, fantaisies…), étant entendu que certaines altérations font défaut dans les tablatures de clavier. En technicien averti et fin connaisseur du répertoire, Gérard Geay — compositeur, luthiste, musicologue, spécialiste de l’œuvre d’Albert de RIPPE, enseignant, producteur à Radio France, créateur du Département de Musique ancienne au CNSM de Lyon, Doyen du Centre de Musique ancienne de Genève… — traite avec une rare pertinence les délicats problèmes des altérations dans la musica ficta ainsi que les modes anciens. La consultation de ces deux Volumes si denses est facilitée par de très nombreux renvois. Avant d’entrer dans le vif du sujet, l’Index des termes et des procédés techniques concernant les pages avec les définitions (p. 367-370) sera très éclairant. Cette « somme » de travail est structurée en 12 chapitres dont les liminaires servent de sensibilisation et d’initiation à la redoutable question de la solmisation, à l’emploi des tablatures de luth (italienne et française), puis au système modal en usage au Moyen Âge et à la Renaissance : 12 « tons », par exemple ionien, dorien, éolien, phrygien, lydien, mixolydien… G. Geay s’attaque au problème des altérations dans la figuration et aboutit aux « tons ambigus » avec quelques analyses percutantes d’œuvres d’Albert de RIPPE (v. 1500-1551), d’Adrian Le ROY (v. 1520-1598), de Jean MAILLARD — musicus excellentissimus — (fin XVIe s.)... Ces nombreux cas d’espèce sont illustrés et commentés à l’appui d’exemples musicaux judicieusement sélectionnés. La Bibliographie (p. 325-365) concerne les sources instrumentales, vocales, musicales modernes et la « littérature musicologique » très représentative, allant des Éditions (1864) d’Edmond de Coussemaker aux recherches récentes, entre autres, de Howard Mayer-Brown, Jean Jacquot, Daniel P. Walker, Philippe Canguilhem…

Cette étude monumentale et si ponctuelle rendra de grands services aux musicologues et analystes, transcripteurs et éditeurs, luthistes et chefs d’ensembles vocaux. Grâce à la persévérance et la perspicacité de Gérard Geay, l’« imbroglio des modes » (selon l’expression de Jacques Chailley) et de la musica ficta (selon certains : falsa sed vera) est enfin dénoué.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Roland GUILLON Archie Shepp et Pharoah Sanders. Deux héritiers de John Coltrane. Paris, L’HARMATTAN (www.editions-harmattan.fr ). Collection Univers musical. 82 p. 12 €.

L’auteur, sociologue, est spécialiste du jazz autour de 1950 et de la Nouvelle Vague (New Wave). Il connaît à fond l’univers de John Coltrane (1926-1967), célèbre saxophoniste auquel il a consacré un livre en 2017 (chez le même éditeur). Il plonge les lecteurs dans la culture noire-américaine, caribéenne et africaine et dans le monde du saxophone, sans perdre de vue les divers contextes historiques, sociologiques et culturels.

Roland Guillon présente « deux hérauts de la musique noire » : c’est-à-dire les deux héritiers de John Coltrane : Archie SHEPP et Pharoah SANDERS. Le premier (né en 1937) fait ses débuts en concerts vers 1960. D’abord professeur dans un collège, il s’intègre aussi dans le milieu littéraire et musical noir à New York, il lance de nouvelles formes d’expression de sa communauté aux Etats-Unis, puis en Afrique et aux Caraïbes, au bénéfice de la culture afro-américaine, en insistant sur la sensibilité harmonique d’avant-garde dans laquelle tonalité et atonalité voisinent au milieu de l’effervescence rythmique. Le second, Pharoah SANDERS, (né en 1940) a eu la chance d’accompagner Johan COLTRANE de septembre 1965 à juillet 1967 (mort de ce dernier). Élevé dans une famille de musiciens sensible au gospel et au jazz, après une initiation à la clarinette et au piano, il étudie le saxophone « passant progressivement du rythm and blues au jazz. Grâce à J. Coltrane, il s’intéresse à la modalité, au flamenco, puis aux musiques arabo-andalouses ou africaine (p. 14), faisant preuve d’afrocentrisme musical. Dans une approche sociologique, Roland Guillon met l’accent sur la rencontre entre la New Wave et le Black Art Movement, en tant que phénomène racial.

Ces trois jazzmen saxophonistes servent de prétexte à un solide apport historique : allant du cœur de la New Wave (New Thing) aux années 1970, puis à l’évocation des « Deux carrières plus dispersées » (p. 51) marquées par la créativité du jazz dans le sillage de Muhal Richard Abrams (1930-2017), d’Anthony Baxton (né en 1945), polyinstrumentiste encourageant le jazz expérimental en matière de timbres. Archie SHEPP sera influencé par Horace Parlan, pianiste hard bop rompu au « jazz soul ». Ph. SANDERS a beaucoup enregistré pour le label californien Theresa, alors que A. SHEPP effectue des tournées en Europe, entre autres à Cologne puis à Milan. Les deux seront attirés par l’Afrique, notamment le Maroc et la confrérie des Gnaouas (p. 59) — descendants d’esclaves, accordant une grande importance à la transe. A. SHEPP travaillera aussi avec des maîtres du luth (p. 59) et créera son label ArchieBall. Quant à Ph. SANDERS, il jouera même de la ghaita (genre de cornemuse de l’Atlas). A. SHEPP insiste sur les racines africaines et la question sociale (p. 61), sur la formule du duo saxophone/piano. Comme l’auteur le rappelle dans sa conclusion (p. 67) : « Les deux saxophonistes ont des points communs mais aussi des différences ». Ils partagent une inspiration harmonique coltranienne. En revanche, le versant profondément mystique de celle-ci n’appartient qu’à Ph. SANDERS. « SHEPP et SANDERS appartiennent tous deux à une sensibilité du jazz contemporain dont l’inspiration harmonique maintient une grande place à l’émotion » (p. 69).

Une initiation à l’univers du blues, du gospel, du spiritual, de la soul, du funk et autres modes orientaux, caribéen ou africain. Un maître, deux héritiers : trois figures emblématiques ayant marqué l’histoire du jazz.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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François-Bernard MâcheLe compositeur et le savant face à l’Univers sonore.

Ce très bel ouvrage, paru aux éditions Hermann sous la direction de Màrta Grabócz et de Geneviève Mathon, présente les actes du colloque international organisé en hommage à François-Bernard Mâche pour son 80e anniversaire. L’ouvrage est accompagné d’un DVD qui offre des extraits du colloque, ainsi qu’un concert donné à Strasbourg par l’ensemble Accroche Note. À travers plus d’un vingtaine d’interventions regroupées en cinq thématiques, on y découvre comment le compositeur-musicologue né en 1935 s’est frayé une voie tout à fait singulière à une époque ou la création contemporaine se résumait trop souvent à deux camps opposés : celui du sérialisme intégral d’une part, et celui des “néo-classiques” de l’autre. C’est avant tout par le concept de zoo-musicologie que Mâche a pu développer une esthétique du naturalisme sonore, conduite par les analogies de fonctionnement entre musiques humaines, non-humaines, et sons du biotope. Mâche défend l’idée d’une fonction esthétique chez l’animal, et dans plusieurs de ses oeuvres, des instruments dialoguent avec des enregistrements de sons animaux, transcrits très précisément à l’aide de sonagrammes. Ce qu’en science on nommera “schéma invariants”, Mâche le formule plutôt par la notion d’ archétype sonore, qui est au coeur de sa réflexion et de sa création musicale. Cette notion l’amène même à défier la vision historisante de la musique : “On devrait abandonner l’idée que la dimension historique est la seule clef d’interprétation des phénomènes humains [...] Les fortes analogies qui m’ont permis de rassembler dans une même séquence des enregistrements allant du Niger à Taïwan ne peuvent s’expliquer par d’improbables contacts historiques oubliés[...]. L’explication la plus simple, et donc la plus scientifique, est qu’une même structure mentale archétypale s’est introduite ici et là...”.

Cette voie singulière est discutée dans la première partie de l’ouvrage, (qui) ouvre brillamment sur un article de Jean-Claude Risset : “François-Bernard Mâche : en quête d’intemporel”. Dans la seconde partie, cinq auteurs examinent plus précisément de domaine animal : “Zoo-musicologie et chants d'oiseaux”. Les partie 3 et 4 de l’ouvrage, respectivement “Archétypes, modèles et dialogue des civilisations”, et “Eco-musicologie sonore et Eco-Mythologie”, traitent entre autres du concept de répétition comme forme archétypale dans Solstice (J.M Bardot), ou du réalisme sonore et de l’écologie acoustique (M. Solomos). Le cinquième et dernier chapitre traite des musiques mixtes et spectrales, et rappelle que Mâche, avec “Le son d’une voix”, se livre à la première exploitation musicale d’une analyse spectrale, dix ans avant les compositeurs de l’Itinéraire, ”(O. Class).

Réunissant un grand nombre d’articles de très grande qualité, cet ouvrage dresse un portrait fidèle de l’un des créateurs les plus originaux et les plus innovants de la musique française contemporaine.
Jonathan Bell
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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La Comédie musicale britannique, XIXe et XXe siècles. Revue Musicorum (www.revuemusicorum.com ) n°20. Directrice : Laurine QUETIN. 2018. 288 p. - 29 €.

Laurine Quetin, qui dirige avec tant d’autorité la Revue Musicorum, a confié la responsabilité éditoriale du numéro 20 à Pierre Degott et Albert Gier, spécialistes de la civilisation anglophone et du théâtre musical particulièrement vivant et populaire Outre-Manche. Aux XIXe et XXe siècle, la comédie musicale en français est cultivée par Adolphe Adam (1803-1856), Jacques Offenbach (1819-1880), Louis Aubert (1877-1968) ; le genre en allemand est représenté par Johann Strauss (1825-1899) puis Franz Lehar (1870-1948).

En Angleterre, la comédie musicale persiste et se renouvelle dans la plus grande diversité, son pouvoir de fascination est démontré dans les 19 études spécifiques, témoins de l’histoire sociale, culturelle, littéraire et musicale. La visée pluridisciplinaire sert de motif conducteur, dans les articles en français, anglais et allemand. Ce numéro est structuré en 3 parties. La première concerne « Les fondements du genre de James Robinson PLANCHÉ (1796-1880) à G[ILBERT] & S[ULLIVAN] », le théâtre musical, l’équipe des « Blondes » (actrices, cf. illustration, p. 31), les œuvres de Sir William GILBERT (1836-1911) et Sir Arthur SULLIVAN (1842-1900). La deuxième partie aborde l’évolution du genre « de l’ère post-victorienne au modernisme » avec, entre autres, l’attrait de l’Orient — avec La Geisha, 1896, de Sidney JONES (1861-1946) — et des sujets exotiques, ainsi que la problématique : SHAKESPEARE : « présence/absence à l’époque édouardienne ». La troisième partie traite, en guise de conclusion, les trois aspects : « popularité, modernité et nouvelles perspectives, de l’après-guerre à aujourd’hui ».

Ces études s’inscrivent dans une solide perspective anglophone et intradisciplinaire. En 277 pages avec illustrations, exemples musicaux et résumés en anglais : un niveau de recherches complémentaires rarement atteint dans les revues scientifiques spécialisées.
Édith Weber
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Anthony GIRARD, Philippe MALHAIRE (dir.) Pour les sonorités opposées. Revue d’Esthétique et d’analyses musicales des XXe et XXIe siècles. Paris, L’HARMATTAN (www.editions-harmattan.fr ). n°1, 2017. 170 p. 19 €. - n°2, 2018. 135 p. 16, 50 €.

Depuis le lancement de l’Esthétique musicale, en Sorbonne dans les années 1950, par le Professeur Étienne Souriau, puis Robert Francès, Michel Imberty, Ivo Supicic…, la discipline a beaucoup évolué et, au XXIe siècle, le langage musical est devenu de plus en plus complexe. C’est pour cette raison qu’Anthony GIRARD et Philippe MALHAIRE ont fondé cette nouvelle Revue d’esthétique et d’analyses musicales des XXe et XXIe siècles, suite à « la nécessité de mieux faire connaître la postmodernité musicale ».

Les deux directeurs ont le même profil de compositeur et d’enseignant, et ont fait leurs études notamment à l’UFR de Musicologie de l’Université Paris-Sorbonne. La revue propose des articles de fond sur des thèmes d’actualité, des analyses subtiles d’œuvres à la charnière entre les deux siècles, des entretiens éclairants avec des compositeurs en vue tels que Philippe HERSANT (né en 1948), Nicolas BACRI (né en 1961) et Thierry ESCAICH (né en 1965). La démarche concerne le renouveau actuel, les sources d’inspiration (choral…), les modèles du passé (Bach, Mozart, Beethoven), la recherche de l’émotion voire de la nostalgie. En l’état actuel, le style postmoderne « demeure insaisissable ». Certes, le recul du temps manque encore mais, quoi qu’il en soit, la pluralité compositionnelle et stylistique est manifeste, la réflexion des lecteurs est sollicitée, la nécessité du beau et les inspirations spirituelles s’imposent.

Cette nouvelle Revue apportera des réponses aux « sonorités opposées » (cf. Éditorial n°1, p. 9) et, bien sûr, des discordances et concordances. L’esthétique musicale, initiée en Sorbonne, se poursuit donc avec deux directeurs formés dans cette Université et, de surcroît, compositeurs au cœur des spéculations analytiques et esthétiques : un atout supplémentaire. À suivre impérativement.
Édith Weber
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Maïté LOUIS Le violon, du plaisir à l’excellence Sampzon, DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com ), Collection dirigée par Alexis Galpérine. BDT 0161. 2018, 141 p. – 15 €.

Paru dans la Collection « Le violon rouge », ce livre s’impose d’emblée par ses sources (André Caplet, Carl Flesch, Dominique Hoppenot, spécialistes et virtuoses du violon) et la solide expérience pédagogique de Maïté Louis, violoniste, concertiste et professeur au CNR de Grenoble, élève des plus grands maîtres, régulièrement invitée en France et à l’étranger. Elle livre un exposé très personnel et « réfléchi d’une démarche synthétique, fruit d’une expérience dans la longue durée qui en fait le prix » (Avant-Propos d’A. Galpérine).
Dans les trois parties, l’auteur traite Les premières années d’apprentissage : lecture, jeu, technique de l’archet, écoute active et qualité sonore, le détaché, le vibrato… ; Le répertoire : recueils techniques, suggestions, question des éditions concernant aussi la musique ancienne ; la dernière partie, abordant divers contextes (coussin, relation aux parents, concert et examen, source d’épanouissement…), aboutit à sa vision très personnelle de l’enseignement, placée sous le signe du « plaisir » qui débouche sur l’« excellence » et, évidemment, l’efficacité. (À noter trois coquilles dans la Bibliographie (p. 139) : il s’agit d’Arlette Zenatti, Jaques (sans c) Dalcroze et (p. 141) d’Arlette, au lieu d’Anne).
Voici le résultat de 15 ans d’expériences didactiques avec une autorité confirmée et avec une démarche intériorisée : cible atteinte.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Pascal GRESSET (éd.) Tempo Flûte. Paris, Revue de l’Association d’Histoire de la Flûte française (www.tempoflute.com ; tempo@live.fr ; 7, rue Louis Pasteur 95770 Saint-Clair-sur-Epte), numéro 19, premier semestre 2019, 10e année, 64 p. – 12, 12 €.

La Revue de l’Association d’histoire de la flûte française, à l’initiative de Pascal Gresset, intéresse non seulement les flûtistes et facteurs, mais aussi les mélomanes. Selon la formule de cette publication très bien imprimée, elle est accompagnée d’illustrations. Les lecteurs y trouveront des contributions plus techniques concernant Une méthode et quelques considérations de Philippe Lesgourges, présentée de façon vivante par le biais d’un entretien avec Émilie Liéven ; un deuxième article sur le flûtiste André Jaunet (1911-1988) relatif à sa carrière en France et en Suisse ; des renseignements sur la facture et les facteurs, sur les Flûtes Boie, les qualités du son, les techniques, L’inventeur de la clé de Si b du pouce (Böhm ou Briccialdi ?) par Ludwig Böhm, sans oublier la démarche comparative entre le Merle Noir (Olivier Messiaen) et les Cinq Incantations pour flûte seule (André Jolivet). Ce numéro continue à relever les œuvres dédicacées à Theobald Böhm). Ces articles de fond, dont l’intérêt n’est pas à démontrer, sont complétés par un regard sur l’actualité éditoriale (2018) : Disques, Partitions, Livres. Publication de bon augure pour l’année 2019…
Édith Weber
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Stéphan PATIN A Compianon… Hayes le Verni (2 vol.), Champigny-sur-Marne (stephan.patin@free.fr ), 2019. Vol. 1 : 90 p (+ X p.), spppo2, 40 euros – Vol. 2 : 196 p. (+ X p.), spppo3-4-5, 80 euros. En autoédition à la demande.

Avec ses 202 petits morceaux (« morcelets » plus ou moins longs -de 4 à 78 mesures...- et plus ou moins difficiles), ce Manuel de piano original, déjà très diversifié dans le seul vol. 1, offre une vaste mine de perles musicales qui raviront pianistes débutants et chevronnés. Conçu comme « un jardin où il fait bon se promener », le compositeur pédagogue du piano a préféré laisser professeurs et élèves découvrir son univers musical dans l’ordre de création des pièces, tout en proposant un « itinéraire conseillé » (par volume, mais également pour l’ensemble), visant une progression en difficulté croissante. Chaque volume est indépendant, mais le tout constitue une entité pédagogique cohérente et très profitable.

Le Volume 1 débute par une (re)mise en doigts grâce à 3 petits cahiers de transcriptions simples pour le clavier d’hymnes, de chansons, de génériques connus… appartenant au tronc commun national et international. Une spécificité méthodologique : après l’apprentissage par l’élève du morceau en question, il lui est proposé, le cas échéant, un travail complémentaire des plus efficaces, à l’aide d’une signalétique (cf. encadrés des pages de nomenclature des entrées). Ce travail d’appoint (rythmique, agogique, nuancé, d’attaque, de transposition, de redistribution des rôles manuels...) constitue une excellente consolidation des acquis fondamentaux du geste et du développement mental du pianiste (en herbe). Le jeu sur les divers paramètres favorise une distanciation libératrice du morceau écrit. Le vaste 4e cahier (continuant dans le volume 2) propose les premiers 68 morcelets, très diversifiés, afin de poursuivre l’apprentissage des rudiments de la pratique.

Le Volume 2, plus développé (en presque 200 p.), complète avec plus de 130 « morcelets » l’offre lancée dans le 4e cahier du Vol. 1. En pédagogue averti, Stéphan PATIN y développe encore le travail pianistique en profondeur : la trame discursive se complexifie, le jeu manuel alterné se déploie encore davantage, les exemples d'interversion se multiplient, les doubles (voire triples) notes y sont traitées à de nombreuses reprises. Il invite également à affiner les subtilités expressives, vers de nouveaux horizons musicaux. Fluidité (voire fulgurance), transparence (jeu cristallin), travail sur les plans sonores, assouplissement des inflexions... figurent dans ces pages musicalement attachantes. Au fil des années, elles entretiendront l’appétence du musicien.

Pour une approche pédagogique plus fine ou transversale, dans chaque volume, les pages Repères indexent les difficultés spécifiques travaillées (alternance des mains, mains en vedette, interversion, grands écarts ; gammes, accords, arpèges ; canon, chromatisme, Majeur/mineur ; notes piquées, tenues, trilles, appoggiatures ; intervalles à l’honneur, mesures, tonalités...) et orientent donc les pianistes dans la gestion de leur progression. D’une grande diversité, ces morcelets ressortissent aux esthétiques baroque, classique, romantique, impressionniste, minimaliste... Jazz, folklore et chansons populaires affleurent dans certaines pages. Aux titres souvent facétieux (Glisse en DO, Non pas chez Lebel, Au furet amuseur, Un Sisyphe...), ces pièces fourmillant de trouvailles de tous ordres véhiculent des états d’âme, des couleurs harmoniques plus subtiles et les dissonances globalement de plus en plus présentes pour en permettre l’assimilation progressive.

Au gré de cette élaboration, à la fois rigoureuse et pleine de fantaisie, le pianiste s’appropriera tout le clavier, développera non seulement son agilité digitale et mentale, mais aussi son indépendance des mains, son autonomisation par rapport à la partition. De format A4 relié en spirales, chaque volume, d’un maniement aisé, est remarquablement gravé. Un Compianon sans équivalent, à découvrir impérativement.


Édith Weber
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PARTITIONS

Saxophones

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Yves PIGNOT Asymétries. Deux pièces pour saxophone baryton et piano. Crozon, Les Éditions Buissonnières (www.musiques-buissonnieres.fr ), 2018. EB-2-406. 12 p. (7 p. saxophone). - 12 €.

Yves Pignot, compositeur français contemporain, enseignant au Conservatoire de Brest et accompagnateur, poursuit ses publications (cf. LI 123) avec P’tits paniers sur les balcons (arrangement pour saxophone baryton (en Mi b) et piano de l’original pour contrebasse), comportant une mélodie volubile, des oppositions de nuances et de mesures (12/8 et 6/8) et l’indication follement (noire pointée = 100). Le piano reprend aux deux mains parallèlement les éléments joués au saxophone. La seconde pièce Jeux de mains est d’une belle envolée aux saxo et piano, avec un passage « violent », des accords fortissimo puis une atmosphère retournant au calme. D’exécution plus difficile que la première pièce, elle nécessite une bonne maîtrise rythmique et un grand respect des brefs silences.

Édith Weber
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Yves PIGNOT & Émile GÜNTER Tu viens jouer ?... et plus. Huit séries de pièces en solo ou duo, pour saxophone alto & piano. Volume 1. Crozon, Les Éditions Buissonnières (www.musiques-buissonnieres.fr ), 2018. EB-2-397. 40 p. (+ 38 p. saxo) – 24 €.

La Collection Tu viens jouer (cf. LI 123) connaît un heureux prolongement. Pour ce Volume 1, Yves PIGNOT a fait appel à Émile GÜNTER (né en 1994), formé en Suisse (Hautes Écoles de Musique de Lausanne, Berne et Zurich et au Conservatoire de Genève). Malgré leur différence esthétique, ils ont réalisé un « recueil évolutif » et souhaitent faire connaître aux plus jeunes musiciens la musique de notre temps.
Dans ces séries destinées à des interprètes de même niveau, plusieurs formations sont prévues : saxophone solo, par exemple Firssssssssst ; Do à dos, Fleur blanche… ; saxophone duo (Valsadeux, Dom-tonique, Ça frotte, Tac tac tac) ; saxophone et piano (Je joue avec le piano ; Danse avec le piano ; Moment ludique correspondant bien à l’objectif de la Collection). La présentation graphique est très claire. Les interprètes trouveront des précisions telles que percussif, discrètement, plaintif, le plus vite possible ; tempo de blues (accents déplacés sur le 2e et le 4e temps) ; et d’autres indications : claquer des doigts, taper la main droite sur la cuisse ou frapper un pied au sol (Bam, p. 40) ; également : bruits de clefs (p. 13, Do à dos ; p. 29 et à fin de solo repeat, p. 33).
L’originalité, l’inventivité et la modernité de ces huit séries totalisant 24 pièces à succès n’est pas à démontrer. Grâce à Yves PIGNOT et Émile GÜNTER : remarquable initiation à la musique de chambre, à la joie de jouer ensemble et à l’esthétique du XXIe siècle. Objectif atteint.


Édith Weber
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Claude Ledoux Courbes d’étoiles VI pour piano solo (7 min.)

Sixième pièce du cycle Courbes d'Etoiles I - VI ( a work in progress)Oeuvre composée à l'intention de mon épouse, la pianiste japonaise Nao Momitani, à l'occasion de son récital "Piano d'Orient, aux confins du son, de l'eau, de la lumière et du sabre" donné dans le cadre du festival Ars Musica 2012. Le Japon y apparaît en filigrane ; car cet ailleurs asiatique, pour qui le connait, s’irise de ses paradoxes. Frénésies et désirs incommensurables de consommation y riment avec l’exégèse d’une sagesse millénaire. Passé le portique du temple, le torii et voilà que le temps s’arrête pour ne laisser que la pure vibration nous envahir. Spirale de l’esprit et de l’âme qui rejoint la transcendance reliant notre humanité au cosmique qui l’a vue naître. Moment musical donc, conçus comme un voyage initiatique, poétique qui nous offre ce mouvement précieux du partage et de la rencontre entre l’Occident et l’Orient. Dans cet espace d’une poétique raffinée, la transcendance soulève le voile. Elle appelle à cet autre instrument symbolique de la culture Japonaise : la cloche. Objet rituel par excellence. Demeure alors le désir de retourner aux étoiles dont les danses lentes s’imprègnent des messages de cloches (représentés par l'inharmonicité des accords de la partition) adressés délicatement aux esprits cosmiques et transforment à jamais notre être dans sa matérialité la plus subtile (représentée par des formes d'harmonicité), une dialectique qui fonde l'enjeu même de cette sixième Courbes d’étoiles conçue comme un voyage tendre et lent, coloré et lumineux.L'oeuvre fut créée le 18 mars 2012 par la pianiste dédicataire dans le cadre des Journées Japon du festival Ars Musica 2012.

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Jonathan Bell
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Alain Louvier “S”, pour piano et piano numérique accordé ¼ ton plus haut (un seul exécutant)

Création 19 mai 1999 au Centre Culturel André Malraux de Vandeuvre-lès-Nancy par Hugues Leclère

"S" comme Es, mi bémol dans l'alphabet musical allemand.

"S" comme spectral...

Cette pièce est conçue pour 2 claviers de piano décalés d'un 1/4 de ton: un piano à queue normal, accordé à 442Hz et un piano numérique accordé 1/4 de ton plus haut, posé sur le pupitre du piano à queue.

L'ensemble peut être équalizé et amplifié de manière à rendre le mélange homogène, le plus proche possible d'un duo de pianos.

"S" comporte 9 sections enchaînées, basées chacune sur une fondamentale différente, descendant progressivement jusqu'au dernier LA grave du piano, et ralentissant peu à peu, comme une percussion mathématique et implacable...

Le "S", mib/ré# (ou ré+1/4), appartient aux spectres harmoniques de chaque fondamentale. On le distingue de temps à autre, tel un horizon fixe ou changeant, obsessionnel.

En passant par le MI grave de la contrebasse, à la 5ème séquence, l'accord initial de Partiels de Gérard Grisey est cité fugitivement.

Son nom, par trois fois, transformé en 1/4 tons par mon alphabet personnel (voir Anneaux de Lumière), retenti alors en un "cri".

"S" est dédié à la mémoire de Gérard Grisey.

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Jonathan Bell
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


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Manfred Stahnke Partota 10, pour piano

Partota 10 was composed after a Disklavier improvisation of Manfred Stahnke 2005. When played from this score adaption, the rhythm should be very flexible, fluent, improvisational. The written dynamics should be read very relatively. No "forte" or "piano" is an absolute value, it depends on the played context. Often these values are "overdone", so a "fff" is to be understood as a modification of "f". This is also true for the accents, which are just relative plus-dynamics.

Partota 10 a été composé d’après une improvisation Disklavier de Manfred Stahnke 2005. Lorsqu'il est joué à partir de cette adaptation de partition, le rythme doit être très souple, fluide et improvisé. La dynamique écrite devrait être lue très relativement. Aucun "forte" ou "piano" n'est une valeur absolue, il dépend du contexte. Souvent, ces valeurs sont "exagérées", donc un "fff" doit être compris comme un modification de "f". Ceci est également vrai pour les accents, qui ne sont que des dynamiques relatives plus.

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Traduction Jonathan Bell
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Bernard Cavanna Geek bagatelles, pour orchestre et ensemble de smartphones


Cette pièce met en scène quelques fragments de la IXe symphonie de Beethoven en les imaginant comme des "restes", des vestiges ou des ruines d'un chef-d'oeuvre disparu.
Ainsi, les quelques huit fragments utilisés - parfois une seule harmonie - subissent les mêmes "outrages" que le temps, les catastrophes naturelles ou la volonté destructrice des hommes, infligent aux monuments des grandes civilisations passées: écroulement, érosion, effondrement, décombres, éparpillement, déplacement, sable, pierres, superposition, disparition, transformation, enfouissement, ensevelissement.
Il n'en demeure pas moins, que ces vestiges résistent dans leur dénuement et provoquent en nous des émotions fortes, vives, de nostalgie, de persistance, de rémanence, de poésie.
L'analogie de ce temps désormais disparu, avec celui de notre propre temps, conduit à d'autres perspectives, qui viennent ici révéler nos propres disparitions, nos propres érosions, notre mémoire lacunaire, de ce qui reste en nous de distinct ou d'indistinct, nos ruines personnelles, d'éléments jadis fastueux, renvoyant aux splendeurs d'antan ou se confondant avec le sable et la poussière.
Autre analogie avec les destructions récentes du Temple de Bêl à Palmyre par l'Etat islamique, destructions de nos valeurs les plus nobles, ou encore dans un tout autre domaine, mais bien plus insidieux et moins spectaculaire, la dislocation de nos sociétés, par une économie mondialisée, hégémonique, régnant en dérèglementant, par entreprises supra-étatiques, bafouant les droits fondamentaux, délocalisant, "uberisant", sous le regard impuissant des politiques, ces chantres du consumérisme, de l'hyper-connectivité indiquent qu'une tout autre civilisation est en mouvement - les civilisations ne sont pas immortelles - et en cela, Geek bagatelles, risque de ne plus être une fiction. Bernard Cavanna (septembre 2016)

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Jonathan Bell
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019


CDs & DVDs

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Wojciech GAWRONSKI Works for Viola and Piano. Acte préalable (www.acteprealable.pl ). AP 0420. 2018. TT : 65’ 11.

Comme le rappelle Jan A. Jarnicki, directeur du Label polonais Acte Préalable : Wojciech GRAWRONSKI, mort prématurément, a peu composé et est rapidement tombé dans l’oubli. Il est né en 1868, près de Vilnius et mort en 1910, près de Poznan. Après ses études à Vilnius, Varsovie, Berlin et Vienne, il s’installe à Varsovie où il enseigne le piano, tout en s’adonnant à la composition (seulement 20 opus) et en voyageant. De minutieuses recherches d’archives dans des Bibliothèques en Pologne et à l’étranger ont abouti à la constitution d’un programme varié, pour alto et piano : Marcin Murawski (alto), intervenant à 6 reprises, est accompagné au piano par Anna Starzec-Makandasis qui a étudié en Pologne et aux États-Unis. Elle interprète aussi 9 morceaux en soliste. Parmi les titres français figurent une œuvre de jeunesse, Berceuse (op. 2, n°3), à l’origine pour violon, s’imposant déjà par sa facture mélodique et ses accents romantiques ; sa Sérénade, morceau caractéristique (op. 18, n°3) et sa Sérénade antique (op. 24 n°2), genre de miniature pour piano, de structure classique, dans le sillage des Sonates de Domenico Scarlatti (1685-1757) ; Quatre Préludes (op. 14) : Janvier (solennel et grave), Février (s’animant), Mars (traits perlés), Avril (martial) dédiés à Zygmunt Noskowski, se situent dans la mouvance de Chopin. Parmi les titres polonais, figure son Nocturne w noc ksiezycowa (op. 26 n°1) signifiant « au clair de lune » et datant de 1906. Quant à sa Sonata pour alto et piano (op. 22), en trois mouvements — Allegro moderato de caractère espiègle ; Adagio sostenuto con moto, sentimental et très expressif ; Allegro risoluto, énergique —, elle s’inspire de motifs de danse polonais et est considérée comme la meilleure œuvre de W. GAWRONSKI, en tous cas la plus jouée. Les interprètes associent leurs talents au service de la musique polonaise et relancent avec enthousiasme ce répertoire. À apprécier à sa juste valeur.
Édith Weber
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Michael KIMBER The best of music for Viola. Acte préalable (www.acteprealable.pl ). AP 0413. 2017. TT : 72’ 53.

Un autre musicien polonais — né 35 ans après la mort de W. GAWRONSKI — à découvrir : Michael KIMBER (né en 1945), enseignant, compositeur et soliste international, défenseur acharné de l’alto, dont Acte Préalable a déjà publié 7 CD consacrés à l’instrument… Le 8e regroupe ses meilleures productions avec le concours de plusieurs altistes — dont Marcin Murawski (alto) — et de deux orchestres : l’Orchestre de chambre Concertino (sous la direction de Marek Siwka) et l’Orkiestra Dyplomantow (dirigé par Eugeniusz Dabrowski). Des éléments stylistiques polonais (Variations, pl. 1, très développées) côtoient Échos de Grèce (pl. 2), Deux Pièces en style espagnol (La Nuit et Danse) (pl. 3, 4) et Trois Impressions arméniennes (pl. 5-7), auxquels s’ajoutent des pages descriptives : Winter Awakening (Éveil de l’hiver), Travelling (Voyage) pour orchestre à cordes et harpe, et Night Music (Musique de nuit, 2013) pour alto solo et orchestre à cordes… De quoi s’immerger à nouveau dans l’univers chatoyant de Michael Kimber qui conclut son texte de présentation dans l’espoir que ses pièces serviront à développer « la brillance technique, la beauté tonale et l’expression musicale ».
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Ji Won SONG/José GALLARDO MOZART-BEETHOVEN. KLANGLOGO (www.klanglogo.de ; www.rondeau.de ). KL1623. 2018. TT : 69’ 13.

Les artistes sud-coréens se distinguent de plus en plus sur la scène internationale et lors de redoutables concours. Ji Won Song (née à Séoul) a été initiée au violon dès l’âge de 5 ans, à l’Université Nationale des Arts, puis auprès de maîtres réputés à l’Institut de Musique de Cleveland. Elle est titulaire de nombreuses distinctions : Premier Prix du Concours international Leopold Mozart, prix des Concours internationaux de violon Tibor Varga, Yehudi Menuhin entre autres. À 26 ans, elle donne des concerts avec de nombreux orchestres en Corée, Chine, Allemagne et au Canada. Elle forme un duo d’exception avec le pianiste argentin José Gallardo (né en 1970, à Buenos Aires), ayant étudié au Conservatoire de sa ville natale, puis à l’Université de Mayence. Titulaire de nombreuses récompenses internationales, il se produit notamment en Allemagne, Asie, Israël, Amérique du Sud, et a été professeur à l’Université de Mayence et, à Augsbourg, au Centre Leopold Mozart.

Pour leur programme ambitieux, ils ont sélectionné des œuvres phares de 4 compositeurs : 2 Sonates de Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791) en Mi b Majeur (KV 481) plus élaborée et en Fa Majeur (KV 376), tripartites avec un mouvement central lent et expressif. Dès les premières mesures, ils restituent pleinement la grâce mozartienne. Leur maîtrise respective et leur grande connivence leur permettent de placer chaque note à sa juste place et comme il convient. La Romance en Fa Majeur (op. 50) de Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827) avec épisodes et ritournelles se réclame d’une autre esthétique. Ji Won Song met la mélodie très ornée en valeur et fait preuve de virtuosité. Son Rondo pour violon et piano en Sol Majeur (1793 ou 1794, WoO41) baigne dans l’exubérance et la joie si bien rendues. Le Rondino sur un thème de Beethoven, composé par Fritz KREISLER (1875-1962) constitue la suite logique du programme et dénote une progression dans la virtuosité technique. Le compositeur ne se contente pas d’adapter le modèle beethovénien, il s’en écarte, commence par une ritournelle. À noter l’Allegro gracioso avec des éléments stylistiques très personnels. Ji Won Song réserve un sort royal à ce compositeur autrichien né à Vienne, mort à New York : l’un des plus grands violonistes en son temps.

En conclusion de ce vaste parcours : la Fantaisie sur la Flûte enchantée de Mozart, composée par Pablo de SARASATE (né à Pampelune en 1844, mort à Biarritz en 1908), auteur de pièces brillantes pour violon, instrument qu’il pratiquait avec une grande assurance et une technique éblouissante : ce qui est le cas de Ji Won Song incontestablement promue à un bel et brillant avenir. Leur haute musicalité et leur grande complicité s’exercent au service du phrasé partagé : une conversation élégante, subtile et menée avec une vive intelligence entre les deux instruments. Duo hors pair.
Édith Weber
© L'ÉDUCATION MUSICALE 2019

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Max REGER Intégrale de l’Œuvre pour orgue 5. (CD 7 et 8). Éditions HORTUS (www.editionshortus.com ). HORTUS 162-163. 2018. 2 CD : 66’ 34 ; 69’ 34.

L’œuvre d’orgue de Max REGER (1873-1916) n’était guère enseignée en France, sauf au Conservatoire municipal de Strasbourg par le professeur Charles Muller dans les années 1950. En fait, le contrepoint très poussé semblait avoir découragé les organistes mais, grâce à Jean-Baptiste Dupont, né en 1979, organiste de la Cathédrale de Bordeaux, une brillante Intégrale discographique est en cours de réalisation (cf. LI nos 59 et 85). Elle a atteint le Volume 5 avec les CD n°7 et 8.

Trois instruments contemporains de Max REGER — correspondant donc à la configuration sonore pour laquelle il a pensé ses œuvres —, de manufactures allemandes, ont été retenus : à la Marienkirche de Landau dans le Palatinat, l’Orgue Steinmeyer (1927) restauration Seiffert (2012) ; à la Stadtkirche de Pössneck en Thuringe, l’Orgue Kreutzbach (1896) restaurations Jehmlich (1926) et Eule (2014) ; et, à la Pauluskirche d’Ulm, l’Orgue Link (1910) restauration Gaida (2014), imposant et complexe (cf. livret, p. 28-29) avec de très nombreuses possibilités de registrations.

Dans sa programmation, J.-B. Dupont suit le parcours esthétique du compositeur. Avec la Première Sonate en fa # mineur (op. 33), composée à Weiden en 1899, il s’éloigne du néoclassicisme pour adopter le langage postromantique. La Deuxième Sonate en ré min (op. 60, Munich, 1901), rompant avec la forme traditionnelle, s’articule en 3 mouvements : Improvisation,très développée, exigeant une belle virtuosité, Invocation (au Christ), grave et très expressif ; Introduction et Fugue faisant appel à une grande maîtrise technique. Selon J.-B. Dupont (p. 3), « cette œuvre majeure, très souvent interprétée, marque « une évolution de son langage jusqu’ici plutôt postromantique… vers l’expressionnisme allemand avec un soupçon d’impressionnisme dans l’Introduction et Fugue ». Outre ces Sonates, les discophiles découvriront encore 16 Préludes de chorals faciles (op. 67, Cahier 3) sur des mélodies luthériennes bien connues, par exemple Vater unser im Himmelreich (paraphrase allemande du Notre Père par M. Luther ; le choral dit « du veilleur » : Wachet auf, ruft uns die Stimme ; des chants pour le temps liturgique de l’Avent et de Noël : Vom Himmel hoch da komm ich her, Wie schön leuchtet der Morgenstern… ; autant de miniatures d’exécution aisée (leicht ausführbar) mais de registrations adéquates et diversifiées difficiles à élaborer… Le second CD propose encore 5 Préludes et Fugues faciles à interpréter (op. 56, Cahiers 1 et 2) que Max REGER considérait comme « assez réussis ».

Sur les 15 CD prévus pour l’Intégrale — aboutissement de 10 ans de recherches et de réflexion menées avec une persévérance exemplaire par Jean-Baptiste Dupont —, l’incontestable réussite des disques 7 et 8 ne se dément pas. Alla bravura.
Édith Weber
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Cédric BURGELIN Consolation (œuvres de J. S. BACH). Cédric Burgelin (www.cedricburgelin.com ). CB/003. 2018. 67’ 27.

Cédric Burgelin, né à Nantes en 1970, est depuis 2000 le titulaire des Grandes Orgues historiques Jehan Ourry (1627) à la Cathédrale de Saintes (restaurées en 1985 par Yves Sévère), instrument à 3 claviers et pédalier avec système mécanique à doubles soupapes permettant un toucher expressif.

Après avoir été remarqué par Gaston Litaize, il devient son élève et, à 20 ans, est admis au CNSMDP. Il y obtient les Premiers Prix d’orgue et de basse continue ainsi que le Diplôme de Formation supérieure en orgue. Enseignant au Conservatoire de Saintes, il s’est beaucoup investi en faveur de l’Orgue en Saintonge. Cédric Burgelin continue son exploration de l’univers organistique de Jean Sébastien Bach après ses deux disques : Au-delà du silence (c’est-à-dire autour du « choc de la création » selon ses propres termes) et Épures méditatives et mondes en devenir (frayant « un chemin de méditation » dans l’œuvre du Cantor). Il a enregistré en 2017 son 3e volet intitulé Consolation, concernant « les plus doux Chorals » du Petit Livre d’Orgue et notamment, en conclusion le Choral pour le temps de l’Avent et de Noël : Nun Komm, der Heiden Heiland (Viens maintenant, Sauveur des païens) — qui sous-tend les 3 CD.

Le nouveau disque s’ouvre aux accents de l’« étincelant » Prélude en la mineur (BWV 543) exigeant une bonne maîtrise du clavier avec un long trait d’accords en doubles croches et de broderies en triolets et également un grand trait de pédalier avec des accords répétés staccato, puis un jeu d’imitation entre pédalier et clavier. Il contient 6 Chorals de l’Orgelbüchlein, aux registrations très étudiées, la Toccata, Adagio et Fugue en Ut majeur (BWV 564) et l’Andante — opposant un sujet mélodique et un contresujet rythmique — de la Sonate en trio n°4, en mi mineur (BWV 528), pour s’achever sur le dernier contrepoint (inachevé) de L’Art de la Fugue. Le « résultat d’un travail commencé depuis 10 ans » témoigne de sa parfaite maîtrise technique, de sa haute musicalité et de son sens aigu de la registration.
Édith Weber
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Philippe CHAMOUARD Le Vagabond des Nuages (Symphonie n°4). IndéSens (www.indesens.fr ). Inde112. 2018. TT : 63’ 08.

Philippe CHAMOUARD (né en 1952), a été, en piano, élève de Guy Lasson ; en harmonie, contrepoint et composition, de Roger Boutry. Il a enseigné l’écriture musicale à l’UFR de Musicologie. Sa Thèse de Doctorat concernant l’orchestration des symphonies de Gustav Mahler a été brillamment soutenue à l’Université Paris-Sorbonne. Il a surtout composé des partitions orchestrales : 10 Symphonies, des œuvres concertantes pour trompette, violoncelle, violon, orchestre à cordes, voix et chœurs, mais aussi pour harpe celtique et koto (instrument japonais à cordes). Ses Symphonie n°5 : Le Manuscrit des Étoiles et n°6 : Les Rêves de l’ombre ont déjà été recensées dans de précédentes Lettres d’information.

En créations mondiales, la Symphonie n°4 et le Madrigal d’été pour violoncelle et orchestre sont interprétés par l’Orchestre Philharmonique de Plovdiv, en Bulgarie, sous la direction de Nayden Todorov (novembre 2017). Ce disque contient aussi l’antienne grégorienne Salve Regina — œuvre environnée de douceur —, chantée par le Madrigal de Paris, sous la baguette de Pierre Calmelet (novembre 2017). Philippe CHAMOUARD résume ainsi sa démarche : « Ma Symphonie n°4 suit les étapes essentielles de la vie de l’homme inspiré. Après s’être immergé dans le monde matériel, il finit un jour par se tourner vers une réflexion métaphysique qui va l’amener à adopter une attitude introspective à l’écoute de son moi profond. Ce retour sur soi nécessaire lui permettra, aidé par la contribution bienfaitrice de la nature, d’accéder à la souveraine béatitude » (p. 4). Chaque mouvement concerne donc le parcours du Vagabond. I. Le monde de poussière s’inspire du taoïsme préconisant la contemplation de la nature car, sortant de leur monastère, les taoïstes avaient l’impression de se retrouver dans « un monde de poussière » (agitation, obscurantisme, absence de réflexion). II. La Porte étroite, selon la source biblique (Luc 12, 23-24), reste infranchissable pour le Vagabond qui, saisi d’effroi, oscille entre doute et espoir. III. Le regard intérieur introduit une démarche introspective dans la mouvance du Souf Rumi (1207-1273) incitant à « se purifier des attributs du moi pour accéder au regard intérieur ». IV. Le Vagabond des Nuages se réfère au séjour des taoïstes dans la montagne pour communier plus étroitement avec la nature ; ils étaient d’ailleurs appelés « les vagabonds des nuages ». La flûte soliste (Rozalina Kouzmanova) personnifie l’anachorète. L’« osmose entre nature et spiritualité » est pleinement réalisée.

Dans ces 3 œuvres publiées aux Éditions COMBRE et enregistrées respectivement au Hall Concert de Plovdiv (Bulgarie) et à l’Église St-Philippe-St-Jacques à Ballainvilliers, Philippe CHAMOUARD s’affirme une fois de plus comme un compositeur français de réputation internationale et un grand penseur humaniste. Dans l’attente d’autres enregistrements discographiques…
Édith Weber
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Jerzy GABLENZ Songs 2. ACTE PRÉALABLE (www.acteprealable.com ). AP 0427. 2018. TT : 70’ 07.

Jerzy Gablenz — né à Cracovie, le 23 janvier 1888, dans une famille de musiciens, disparu lors d’un tragique accident d’avion, le 11 novembre 1937 — a retenu l’attention de Jan A. Jarnicki qui, grâce à Tomaz Gablenz (son fils), a obtenu de nombreuses partitions.

Après Songs 1 (cf. LI 120, juin 2018), ce Volume 2 présente 17 mélodies profanes et 3 chants spirituels de ce compositeur particulièrement inventif. Il est introduit par deux œuvres d’orgue : Romanza (op. 2) et une transcription de sa Lamentation : Tu ne peux pas savoir combien je suis misérable, interprétées par l’organiste bien connu, Stanislaw Diwiszek. Les mélodies suivantes sont centrées sur le thème de l’amour, suscitant présence ou absence, énergie ou désespoir. Le lyrisme émane des textes concernant Le printemps (1925) après la froidure de l’hiver, ou encore Les Chrysanthèmes (1924). Le titre Triolet V (1925) traduit la confession d’un homme profondément touché et passionné par la présence d’une fille. En revanche, un autre Triolet, composé l’année suivante, relate l’histoire d’un amant, « histoire qui ne fut qu’un rêve ». Avec l’image d’une figurine chinoise, le compositeur représente un homme qui n’arrive pas à rejoindre sa bien-aimée. À noter 3 pièces spirituelles : une Invocation (d’après une prière remontant au IIIe siècle, comme le précise le livret) ; l’Annonciation (1922), selon le texte biblique bien connu, concernant la visite de l’ange à Marie ; et Bénie, vision mystique décrivant, au ciel, la salutation de l’Archange à Marie : Ave Maria.

Lyrisme, amour, mysticisme sont vivement ressentis par les interprètes Anna Barska (soprano), Jacek Szponarski (ténor), Robert Kaczorowski (baryton), accompagnés par les pianistes Anna Mikolon et Margaryta Nagaieva. Comme le Label polonais ACTE PRÉALABLE, ils sont soucieux de révéler — ici en premier enregistrement mondial — la musique de leur pays. À défaut de comprendre le sens des paroles polonaises, les discophiles apprécieront à leur juste valeur les voix ainsi que la diversité du langage et des paysages sonores cultivés par J. GABLENZ.
Édith Weber
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MOZART/BRAHMS/DEBUSSY. Introspections. Axia Marinescu, piano. POLYMNIE (www.polymnie.net ). POL 123 137. 2017. TT : 62’.

Après s’être fait remarquer à 11 ans en soliste dans le Concerto pour piano et orchestre n°23 (KV488) de W. A. MOZART, avec l’Orchestre de la Radio roumaine, puis avoir bénéficié d’une exceptionnelle formation internationale au Conservatoire George Enescu de Bucarest, à la Haute École de Lausanne, à l’École Normale de Musique de Paris et au Conservatoire Royal de Bruxelles, Axia Marinescu se produit dans de nombreux Festivals. Artiste, elle est aussi une philosophe avertie (études à Paris) et conférencière maîtrisant 5 langues.

Le choix de son programme n’est pas le fait du hasard car le projet, longuement mûri, est conforme à sa recherche de la beauté : « Je me souviens que le chef d’orchestre me dit lors de la dernière répétition : Tu partages avec Mozart son esprit de musicalité ravissante. Je ne comprenais pas tout à fait en quoi cet esprit se traduisait à l’époque, mais j’ai associé cela à la joie et au bonheur que la musique de Mozart me procurait en la jouant » (p. 2). C’est cette connivence joviale qui émane de son interprétation de la Sonate en la majeur (KV 331) — avec la célèbre Marche turque — de Wolfgang Amadeus MOZART. Les Klavierstücke (op. 118) de Johannes BRAHMS (1833-1897) — soit 6 morceaux composés en 1893 et dédiés à Clara Schumann — comprennent 4 Intermezzi, une vigoureuse et impétueuse Ballade et une Romance plus calme. L’Intermezzo (plage 16), le plus réussi, particulièrement douloureux, pathétique et résigné, se termine en sourdine Andante largo. Ce périple chronologique s’achève aux accents des Images du Premier livre de Claude DEBUSSY (1862-1918) : Reflets dans l’eau, page typiquement impressionniste ; Hommage à Rameau, lent et grave dans le style d’une sarabande, avec un thème plus ou moins grégorien, et Mouvements en Ut majeur, dans un tempo animé, dont la partie centrale à peine plus mouvementée baigne dans la délicatesse.

Axia Marinescu tire les meilleurs effets sonores du piano Yamaha. Elle fait preuve d’une grande maîtrise technique pianistique, avec des traits brillants bien enlevés, dans le respect des nuances et des tempi, et d’une subtile palette expressive. Interprétations très convaincantes.
Édith Weber
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ABENDMUSIKEN. BUXTEHUDE, ERLEBACH, REINCKEN, THEILE. MUSO (www.muso.mu ). 2018. MU 025. TT : 50’ 59.

Les Abendmusiken (Musiques du soir) ont été fondées en 1673 par Franz TUNDER (1614-1667), depuis 1641 organiste titulaire à la célèbre Marienkirche de Lubeck. Elles avaient lieu d’abord le jeudi, puis les 2e, 3e et 4e dimanches du temps liturgique de l’Avent. Destinées aux marchands et négociants qui transitaient par cette ville hanséatique pour se rendre à la Bourse de Hambourg, elles étaient soutenues par les riches bourgeois et d’abord dévolues à la musique d’orgue. Toutefois, Dietrich BUXTEHUDE (v. 1637-1707), successeur de Fr. Tunder, les transformera en cycles de Cantates qui sont, en fait, à l’origine des concerts avec oratorios, passions, cantates. Cette institution s’est maintenue jusqu’en 1810 et sa réputation dépassera largement la ville de Lubeck.

Pour son second disque sous le Label MUSO, l’Ensemble Stravaganza, spécialisé dans le répertoire baroque — comprenant Domitille Gilon (violon, direction), Louis Creac’h (viole), Robin Phato (basse de viole), Vincent Maurice (théorbe), Thomas Soltani (clavecin et direction) et Chloé Sévère (orgue) — a retenu la formule instrumentale des Abendmusiken. Il utilise des instruments anciens (ou copies) et interprète 4 Sonates et une Partita. Ces œuvres sont non seulement marquées par le contrepoint d’Allemagne du Nord, mais encore influencées par le Stile nuovo italien. D. BUXTEHUDE (né vers 1637 à Oldesloe dans le Holstein et mort en 1707 à Lubeck, — fils d’organiste —, titulaire à la Marienkirche de Lubeck) se taille la part du lion, avec ses Sonates en Do majeur (BuxWV 266) et en sol mineur (BuxWV 271).

Parmi les autres révélations du programme, figurent la brève Sonata duplex a 3 de Johann THEILE (né en 1646 à Naumburg et mort en 1724 dans cette ville, juriste, chanteur, violiste, élève de Heinrich Schütz, professeur et maître de chapelle à la Cour de Wolfenbüttel, puis de Mersebourg) ; la Sonata quinta en Si b Majeur de Philipp Heinrich ERLEBACH (baptisé en 1657 et mort en 1714 à Rudolstadt, en Thuringe, maître de chapelle à la Cour de Rudolstadt, ayant quelque peu subi l’influence française — œuvres perdues : Oratorios, Cantates, Motets… —) ; et l’Hortus musicus IV en ré mineur (publié en 1687), plus développé et imprégné du stylus phantasticus, de Johann Adam REINCKEN (baptisé en 1643 à Deventer et mort en 1722, organiste de Ste Catherine à Hambourg, ami de D. Buxtehude et ayant influencé J. S. Bach). Avec ce disque original, l’Ensemble Stravaganza confirme ses qualités : exceptionnelle sonorité, lignes mélodiques intenses et remarquable paysage sonore.
Édith Weber
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Louis VIERNE (1870-1937) Ballade. Intégrale violon et piano. HORTUS (www.editionshortus.com ). 2018. HORTUS 167. TT : 73’ 03.

Louis VIERNE (né à Poitiers en 1870, mort à Paris en 1837) est surtout connu comme célèbre organiste de la Cathédrale Notre-Dame, improvisateur et compositeur dans la mouvance de « l’Orgue symphonique ». Ses études à l’Institut National des Jeunes Aveugles en piano, orgue et violon lui ont permis de réaliser des œuvres de musique de chambre oubliées, mais qui, notamment grâce aux Éditions HORTUS, connaissent heureusement un regain d’intérêt.

Le violoniste Dominique Hofer (élève de Dominique Hoppenot) et la pianiste Frédérique Troivaux (disciple de Bruno Rigutto) ont le mérite de présenter, en premier enregistrement mondial, sa Ballade (op. 52, 1926), œuvre marquante dédiée à Jacques Thibaud qui, à elle seule, résumerait ses nombreuses qualités compositionnelles : clarté, précision, concision, pureté, intériorité, style très personnel déjà souligné par la critique d’époque. Comme le rappelle Francis Besingrand, elle « devait être le pendant du Poème [1896] d’Ernest Chausson ».

Ce triptyque à découvrir propose aussi la Sonate en sol mineur (op. 23, 1906) en 4 mouvements. Elle requiert une solide maîtrise technique. Les deux interprètes s’associent pour en traduire l’atmosphère romantique et mouvementée. Quant aux extraits de la Suite bourguignonne (op. 17) primitivement pour piano (1899), puis arrangés pour violon et piano : Idylle, Danse rustique, Clair de lune, Aubade, Légende bourguignonne, ils évoquent tour à tour la nature, l’amour, l’allégresse et — en résonance avec le titre — une complainte intemporelle.

Lyrisme, romantisme, haute virtuosité n’ont point de secret pour Dominique Hofer et Frédérique Troivaux qui, en parfaite symbiose et intelligence de la partition, posent un regard inédit sur la personnalité exceptionnelle du célèbre organiste de Notre-Dame. Ils comblent ainsi une impardonnable lacune relative à ces œuvres de Louis Vierne et, en particulier, à sa Ballade : une révélation majeure.
Édith Weber
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Dynam Victor et Raphaël FUMET ou la musique de l’âme. QUINTESSENCE. VDE GALLO (www.vdegallo.ch ). 2018. CD 1552. TT : 63’ 11.

Gabriel Fumet (né en 1937), flûtiste de réputation internationale, rend un hommage appuyé à deux de ses ancêtres : son grand-père Dynam Victor FUMET (1867-1949) et son père Raphaël FUMET (1898-1979). En tant que Président de l’Association Dynam-Victor Fumet, il a regroupé une intéressante sélection d’œuvres marquantes injustement tombées dans l’oubli, et — accompagné par Jean-Paul Imbert — il interprète le Lacrimosa pour flûte et orgue de son père. Judicieusement placé sous le signe de la Quintessence et de la Musique de l’âme, le programme de ce disque est éclectique et très révélateur. Les discophiles découvriront 9 œuvres respectivement pour orchestre, chœur, piano, orgue, quatuor pour bois, quatuor à cordes, piano et orgue.

Dynam Victor FUMET, né à Toulouse en 1867, est mort à Paris en 1949. Compositeur et organiste, il a été l’élève de César Franck et, de 1910 à sa disparition, organiste de l’Église Ste Anne de la Maison Blanche, à Paris. Ce remarquable improvisateur a composé entre autres des œuvres de musique de chambre, des pièces pour orgue, le Canticum novum (1914), une Messe, l’Oratorio Sainte Geneviève et des mélodies. Sa vocation spirituelle est indéniable et ses compositions sont très intériorisées. Raphaël FUMET, fils de Dynam Victor, frère de l’écrivain Stanislas Fumet et père du flûtiste Gabriel Fumet, est né à Juilly en 1898 et mort à Angers en 1979. Il a travaillé la composition avec Vincent d’Indy, puis été maître de chapelle à Juilly, professeur d’harmonie et de piano au Conservatoire d’Angers. Indépendantes et éloignées du conformisme alors à la mode, ses œuvres ont été peu diffusées. C’est donc le grand mérite de son fils de les avoir tirées de l’oubli. Il a retenu des pages diversifiées de ses ancêtres et sélectionné, en Russie et en France, des interprètes particulièrement motivés : l’Orchestre du Palais de Tauride, le Chœur des Nouvelles Voix et le Nouveau Quatuor à cordes (tous trois de St-Pétersbourg) et la pianiste française d’origine japonaise Akiko Ebi, le pianiste russe Ienissei Ramic et les organistes français bien connus : Jean-Paul Imbert (St-Eustache, Paris) et Jean Galard (Cathédrale de Chartres), ainsi que des solistes (flûte, hautbois, clarinette, basson) de l’Orchestre National de France.

Le premier volet recrée des pages descriptives de Dynam Victor FUMET : Le Sabbat Rustique baignant dans la contemplation et le mysticisme ; Automne — extrait des Quatre Saisons (1930) —, par allusion à l’œuvre éponyme d’Antonio Vivaldi. Il y décrit les arbres en automne, le pinson, les rosiers, avec une leçon moralisante : « pour mériter la vie, il faut savoir mourir ». Le Rouet de la Vierge évoque « son rouet dans le cosmos où se meuvent ses myriades d’étoiles ». Enfin, Les Chariots d’Israël (1917) — d’après le récit vétérotestamentaire de l’Exode, chapitre 13 — concernant le cortège des Hébreux et la lourde marche de la caravane bien rendus par J.-P. Imbert à l’Orgue de St-Eustache. Le second volet propose d’abord, en création mondiale, une œuvre jamais interprétée du vivant de Raphaël FUMET : le premier mouvement du Quatuor pour bois (1958) — flûte, hautbois, clarinette et basson —, agreste et apaisant. Le premier mouvement : Allegretto du Quatuor à cordes en La majeur (1960), plus développé, est de caractère tour à tour espiègle, lyrique, toujours vivace. Le Lacrimosa, à l’origine pour alto et piano, est ici enregistré en sa version pour flûte et orgue (1958), un peu éthérée, avec des « harmonies extraordinaires » soulignées par Gabriel Fumet. Dans l’Improvisation sur un thème donné (1955) retrouvée récemment et reconstituée, Ienissei Ramic fait preuve d’un jeu éblouissant et précis assorti d’une grande musicalité. Quant à la redoutable Toccata (1930), magistralement enlevée par Jean Galard à l’Orgue de la Cathédrale de Chartres, Gabriel Fumet la caractérise ainsi : « Étincelante et incisive, cette chevauchée qui scande le O Filii et Filiae du dimanche de la Résurrection semble répondre à l’œuvre de son père Dynam, Les Chariots d’Israël, par des moyens différents. Il s’agit en effet d’un perpetuum mobile qui, compte tenu de son allure véloce, répond aux lois d’un genre populaire cher aux organistes ». On ne saurait imaginer meilleur hommage à la talentueuse dynastie Fumet. Édith Weber
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EX TENEBRIS. JADE (www.jade-music.net ). 2018. JADE CD 699 912-2. TT : 64’ 47.

« EX TENEBRIS » est le nom d’un trio formé de Gaëll Lozac’h (compositeur, claveciniste, organiste), Xavier Truong-Fallai (sopraniste) et Louise Pierrard (viole de gambe) qui — avec une réelle connivence — proposent une sélection de Leçons de Ténèbres baroques composées par Michel-Richard DELALANDE (1657-1726), Jean-Baptiste GOUFFET (1669-1729) tombé dans l’oubli et à redécouvrir ainsi que François COUPERIN (1668-1733) et, en miroir, la seconde version (2016) de Leçons de Ténèbres pour sopraniste, viole de gambe et clavecin de Gaëll LOZAC’H (né en 1983), œuvre de commande marquée par l’influence de Fr. Couperin (modalité, ornementation, facture mélodique pour les lettres hébraïques introduisant les Lamentations, accords arpégés pour la basse continue, associés à l’esthétique moderne pour la viole de gambe). Autre mérite : le compositeur a largement tenu compte des capacités vocales du sopraniste. Beau programme pour le temps liturgique de la Passion, d’après les Lamentations du Prophète Jérémie, (chapitre 1…), impressionnantes, dramatiques, riches en émotions, dominées par l’injonction conclusive à l’impératif : Jerusalem convertere ad Dominum.

Une même thématique vétérotestamentaire, de bonnes conditions acoustiques (résonance dans la Salle Ballard, à St-Étienne-du-Mont), excellente prise de son ; une œuvre oubliée mais relancée (J.-B. Gouffet) ; une œuvre de commande permettant de découvrir la grande inventivité de Gaëll Lozac’h assurant le lien entre passé et présent : telles sont les qualités de cette réalisation. Le jeune Ensemble Ex Tenebris, promu à un bel avenir, s’affirme en tant que spécialiste des Leçons de Ténèbres. Édith Weber
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Christoph PRÉGARDIEN/Cyprien KATSARIS Auf den Flügeln des Gesanges. Romantic songs and piano transcriptions. CHALLENGE Classics (www.challengerecords.com ). 2018. CC72787. TT : 72’ 26.

Christoph Prégardien, l’inégalable ténor allemand, spécialiste entre autres de la Passion selon Saint Jean de J. S. Bach, et le pianiste franco-chypriote Cyprien Katsaris, invité par les plus grands orchestres internationaux, ont signé, sous le titre Auf den Flügen des Gesanges (Heinrich Heine) — Sur les Ailes du chant — un programme romantique original mettant en miroir le Lied (Mélodie) et sa transcription pour le piano. 28 plages au total révèlent des thèmes bien connus : Die Forelle (La Truite) : SCHUBERT/LISZT ; Frühlingsnacht (Nuit de Printemps) : Robert/ Clara SCHUMANN ; Träume (Rêves) : WAGNER/STRADA, entre autres et, en point d’orgue, l’emblématique Wiegenlied (Berceuse) : BRAHMS/Gerald MOORE (mort en 1987).

Leur conception et leur collaboration forcent l’admiration sans réserve, tant pour l’originalité de leur démarche que pour la qualité de l’interprétation : un régal de 72 minutes, une époque révolue mais toujours présente, une intelligence musicale à toute épreuve. Disque à entendre, réentendre sans modération… Édith Weber
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René de BOISDEFFRE Works for Cello and Piano. ACTE PRÉALABLE (www.acteprealable.com ). AP0418. 2018. CD : TT : 75’ 55.

Jan A. Jarnicki, l’intrépide directeur du Label polonais « ACTE PRÉALABLE », met son point d’honneur à relancer les œuvres de René de BOISDEFFRE, en premier enregistrement mondial. Après les œuvres pour violon, flûte (cf. Lettres d’information 108, 116), alto et chœur, c’est au tour de ses œuvres pour violoncelle et piano, grâce au concours du violoncelliste italien Luca Fiorentini, titulaire de nombreuses distinctions internationales et du pianiste polonais Jakub Tchorzewski, spécialisé notamment dans la musique de chambre.

René de BOISFDEFFRE, né à Vesoul en 1838 et mort à Vézelise (en Lorraine) en 1906, a étudié la musique auprès de Charles Wagner et la composition avec Auguste Barbereau. Le Prix Chartier, obtenu en 1883, atteste sa prédilection pour la musique de chambre. Son œuvre néoromantique se situe quelque peu dans le sillages de Charles Gounod, Jules Massenet ou encore Édouard Lalo et Camille Saint-Saëns. Cette figure marquante du XIXe siècle en France, célèbre en son temps, était injustement tombée dans l’oubli et ses œuvres dormaient dans les archives poussiéreuses. C’est donc le grand mérite de J. A. Jarnicki, passionné par ce compositeur français, de l’avoir exhumé et d’avoir encore projeté d’autres enregistrements. Cette réalisation (2018) révèle 9 pièces pour violoncelle avec accompagnement de piano (op. 93, op. 15), de caractère descriptif et d’inspiration lyrique, par exemple : Sur la plage (Ballade) et Sur le lac (Barcarolle), avec une belle envolée mélodique ; Élégie (op. 15), très expressive, Adagietto mis en valeur par la chaude sonorité du violoncelle soutenu avec délicatesse au piano.

La Sonate pour piano et violoncelle (op. 63), très développée, de facture classique, comprend 4 mouvements contrastés : Allegro maestoso solennel, Scherzo primesautier (avec pizzicati), Andante espressivo plus intériorisé et Finale. Allegro très diversifié. La brève Élévation pour violoncelle avec accompagnement de piano ou orgue (op. 48) pousse le violoncelle dans ses retranchements expressifs.

En conclusion, la Suite pour violoncelle et piano (op. 56) comprend 3 parties : Lied assez langoureux ; Berceuse appuyée ; Scherzo plus racé. Tout comme J. A. Jarnicki, L. Fiorentini et J. Tchorzewski communiquent leur grand enthousiasme pour les œuvres de René de BOISDEFFRE. Contagieux. Édith Weber
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Sur l’air de… Trente-six improvisations au piano sur des chansons enfantines. Éric Lebrun, piano. Collection « Les mots qui chantent ». Chanteloup-musique : https://www.chanteloup-musique.org/

On connait le merveilleux organiste qu’est Éric Lebrun. C’est le pianiste improvisateur qu’on est invité à découvrir ici, et c’est un vrai régal. Trente-six chansons enfantines ou comptines sont revisitées par l’invention à la fois respectueuse et évocatrice d’Éric Lebrun. De délicates harmonies, les formes les plus diverses d’improvisation habillent ces airs venus du plus loin des provinces françaises jusqu’à des comptines beaucoup plus récentes en passant par la fameuse Pavane de Thoinot Arbeau, n’en déplaise à Frère Blaise, à Kaamelott et Alexandre Astier ! Saluons aussi la présence d’A la claire fontaine et d’Alouette, à la fois si français et si québécoises… Comment ne pas évoquer ici cette œuvre délicieuse et malheureusement bien oubliée aujourd’hui de D.-E. Inghelbrecht La Nursery. On y retrouve le même esprit, la même délicatesse, la même compréhension en profondeur de ces chansons dont la plupart sont bien ignorées aujourd’hui par défaut de transmission… Humour, tendresse, tout est là. C’est un disque à écouter sans modération, tout d’une traite, ou à petites gorgées… Un disque rare qui plaira autant aux enfants qu’à leurs parents et qui amènera peut-être ces mêmes parents à faire redécouvrir à leurs enfants ces trésors, pour la plupart trop oubliés. Daniel Blackstone
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LA VIE DE L’ÉDUCATION MUSICALE

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Nous avons appris avec tristesse la disparition le 1er décembre dernier de la musicologue et professeure d’éducation musicale Francine Maillard. Née en 1925, elle avait obtenu son diplôme d’H.E.C. “jeunes filles” en 1945 pour lequel elle avait rédigé une thèse qui, remaniée et développée, fera l’objet d’un ouvrage de référence publié chez Gründ en 1948 : Le violon et la lutherie de Francine Cabos. Titulaire du Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Musical en 1947, elle a enseigné d’abord à Mulhouse puis, après son mariage avec le musicologue et professeur Jean Maillard (1926-1985) en 1948, au lycée de garçons de Fontainebleau. Elle fut par la suite professeur au Lycée François Couperin dans cette même ville, et prit sa retraite en 1984. On lui doit une excellente biographie de Vincent d’Indy, Le maître et sa musique : La Schola cantorum (Zurfluh, 1994), co-signée avec son mari, ouvrage qui avait fait l’admiration d’Henri Dutilleux, ainsi que de très nombreux articles publiés essentiellement dans la revue L’Education musicale. Elle était la mère de quatre enfants, dont le musicologue et spécialiste reconnu internationalement de la musette de cour Jean-Christophe Maillard (1954-2015).

Grandeur d’âme, haute culture, vivacité d’esprit (plus une mémoire exceptionnelle), convivialité, distinction et fidélité : Francine Maillard incarnait tout cela jusqu’aux derniers jours de son existence. C’est bien l’un des derniers témoins d’une certaine époque de l’enseignement musical qui s’efface avec discrétion aujourd’hui. J’ai eu l’honneur d’être son élève, avant d’être celui de Jean Maillard. Ce couple d’exception représente le soleil de ma jeunesse et, avec de très nombreux autres musiciens, j’ai vu mon destin basculer à leur contact.
Eric Lebrun


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Collection de livres de L'éducation musicale


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LE LIVRET DU CANDIDAT AU BACCALAURÉAT de juin 2019


Avant-propos

Quel sera le contenu exact de l’enseignement de la musique au lycée à partir de 2019 ? Nous l’ignorons encore. Il faudra pourtant qu’il soit réformé ; car il semble bien que l’esprit et le contenu des épreuves se sclérosent d’année en année ! Témoins le manque de renouvellement de certains sujets (quatre ans pour le jazz oriental, trois pour l’affaire Tailleferre), et l’indigence du programme limitatif pour la session 2019 qui perd encore en quantité et en intérêt : deux nouveaux morceaux seulement, et tous deux associés au même mouvement – par essence lui-même limité : le minimalisme !

Charge aux professeurs de verdir cette siccité en l’irriguant de leur savoir et de leur passion ! Nous chercherons ici à les aider, et également à fournir à ceux qui n’ont pas d’enseignement musical dans leur établissement, les outils indispensables au bon déroulement de leur apprentissage. Ils trouveront des réponses à leurs interrogations théoriques, des pistes pour leurs recherches personnelles, et des précisions quant au déroulement des épreuves. Puisse ce petit livret les initier à la musicologie, et leur donner envie de poursuivre dans cette voie !

Bonne étude !
Philippe Morant

Version Numérique :


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INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN. VOLUME 1 - Les Polonaises de jeunesse en sol mineur et sib majeur



INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN. VOLUME 2 - Les Polonaises de jeunesse en lab majeur et sol# mineur



Vient de paraître

INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN. VOLUME 3 - Les Polonaises en sib mineur, « Adieu à Guillaume Kolberg », et en ré mineur op. 71 n°1



Vient de paraître

INITIATION À L’HARMONIE ET À L’INTERPRÉTATION À PARTIR DES POLONAISES DE CHOPIN. VOLUME 4 - Les Polonaises en sib majeur et du final Alla polacca des Variations sur La ci darem la mano du Don Juan de Mozart, pour piano et orchestre




Liste des analyses musicales de L'Education Musicale





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