Lettre d’Information – n°89 – Février 2015



 

                               

À RESERVER SUR L'AGENDA

 

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Quatre pianistes français en Arles

 


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C'est un programme fort original qu'offrira ce concert en matinée à la Chapelle du Méjan. Quatre pianistes français vont s'y rencontrer : Vanessa Wagner, Marie Vermeulin, Cédric Tiberghien et Wilhem Latchoumia. Ils interpréteront des œuvres  hors des sentiers battus, pour le moins, dans ce répertoire. Qu'on en juge !  Amériques de Varèse, Le Sacre du printemps de Stravinsky, dans sa transcription originale pour piano à quatre mains, des Préludes et Interlude des Gurrelieder de Schoenberg et La Valse de Ravel.

 

Chapelle du Méjan, Place Nina Berberova, 13200 Arles, le 15 février 2015, à 11H.

Réservations : Association du Méjan, BP 90038, 16633 Arles cedex ; par tel.: 04 90 49 56 78 ; en ligne : mejan@actes-sud.fr

 

 

17, 19 / 2

 

Leif Ove Andsnes joue les concertos de Beethoven

 


Leif Ove Andsnes & le MCO / DR

 

On ne compte plus les exécutions des concertos de piano de Beethoven. Pourtant celle-ci devrait retenir l'attention. D'abord parce qu'il s'agit de l'interprétation de l'ensemble de ces pièces, en deux concerts, le premier réunissant les concertos Nos 2, 3 et 4, le second rapprochant les concertos Nos 1 et 5. Ensuite et surtout parce que l'interprète en est le norvégien Leif Ove Andsnes (*1970) qui les jouera et dirigera du piano le Mahler Chamber Orchestra. « La musique de Beethoven est la plus humaine et la plus profondément spirituelle qui soit » estime-t-il. Le pianiste s'est embarqué depuis 2011 dans un vaste projet, intitulé « The Beethoven Journey », d'abord au disque, l'intégrale venant d'être publiée pour le label Sony, recueillant des suffrages enthousiastes pour son élégance et son inspiration, puis au concert. Une vaste tournée, débutée à l'automne dernier, va se poursuivre tout au long du premier semestre de 2015, dans quelques 20 pays. Elle s'arrêtera par chance à Paris.  A noter que le projet comprend un volet éducatif «  Feel the Music », à destination des jeunes, avec workshops et possibilité offerte aux aspirants mélomanes d'assister aux concerts. Une entreprise à ne pas manquer, d'abord au concert puis au disque.

 

Théâtre des Champs-Elysées, les 17 et 19 février à 20H

Réservations : 15 avenue Montaigne, 75008 Paris ; par tel.: 01 49 52 50 50 ; en ligne : theatrechampselysees.fr

 

 

22, 24, 26, 27 / 2

 

Au Monde, création à l'Opéra Comique

 


DR

 

Philippe Boesmans (*1936) est l'un des compositeurs d'opéra les plus prolifiques du moment, révélé par Gérard Mortier à La Monnaie. La force de ses œuvres lyriques vient d'abord de leur inspiration littéraire, Arthur Schnitzler pour Reigen (La Ronde), Shakespeare dans le cas de Wintermärchen (Le conte d'hiver), August Strinberg, s'agissant de Julie, ou encore Witold Grombowicz pour Yvonne, princesse de Bourgogne. Son sixième opus, Au Monde, s'inspire directement de la pièce éponyme de l'auteur français Joël Pommerat. Créé en  mars 2004 à La Monnaie de Bruxelles, le voilà à l'Opéra Comique, co producteur. Ce huis clos familial autour de la succession du Paterfamilias, riche industriel, amenant ses enfants et proches à se découvrir,  révèle tensions et non dits, dans un style proche de Maeterlinck mais aussi de Duras. Boesmans qui revendique n'appartenir à aucun mouvement, créé une musique inventive, accessible, d'une large palette, essentiellement consonante, mêlant les repères classiques, ne renonçant pas à quelque héritage debussyste dans la prosodie chantée, mais aussi straussien, et des incursions dans le monde de la chanson. La production bruxelloise est mise en scène par Pommerat lui-même, et dirigée par Patrick Davin, un connaisseur de l'univers de Boesmans. La distribution réunit une fine équipe de chanteurs dont Frode Olsen, Yann Beuron, Patricia Petibon et Charlotte Hellekant. A découvrir !

 

Opéra Comique, les 22 février 2015 à 15H, 24, 26 et 27/2 à 20H. 

Réservations : Billetterie, 1 place Boieldieu, 75002 Paris ; par tel. : 0825 01 01 23 ; en ligne : www.opera-comique.com   

 

 

24, 27, 28 / 2 & 3 / 3

 

Création mondiale à l'Orchestre des Pays de Savoie

 


© William Pestrimaux

 

Dans le cadre de son trentième anniversaire, l'Orchestre des Pays de Savoie créé l'événement avec un concert intitulé « Enfants prodiges », où s'entrecroisent différentes cultures, différentes époques et bien sûr, différents talents. En mai dernier, le compositeur Tôn-Thât Tiêt découvrait l'Orchestre des Pays de Savoie lors d'un concert à la salle Gaveau à Paris, dirigé par Nicolas Chalvin. Ce fut le coup de foudre ! A l'issue de celui-ci, Tôn-Thât Tiêt souhaita rencontrer le directeur musical de l'orchestre, pour lui proposer une création. Celle-ci, Aurore de Savoie, sera interprétée, en Première, lors d'une tournée de concerts en Isère et en Pays de Savoie, en février et mars prochains. Pour ces soirées, l'Orchestre des Pays de Savoie, dirigé par Nicolas Chalvin, sera également accompagné par le jeune et talentueux violoniste Michael Barenboim. La création de Tôn-Thât-Tiêt sera en effet entourée du Concerto pour violon n°2, op 6 de Felix Mendelssohn et de la Symphonie n° 41 "Jupiter" K 551, de Mozart. Mozart, Mendelssohn, Michael Barenboim.... trois enfants prodiges sous le regard bienveillant du compositeur Tôn-Thât Tiêt, voilà qui promet une réunion des plus intéressantes !

 

 

MC2 de Grenoble, le 24 février 2015, à 20H30

Espace Malraux de Chambéry, le 27 février 2015, à 20H30

La Grande au Lac, Évian, le 28 février 2015, à 20H

Bonlieu Scène, Annecy, le 3 mars à 20H30

Réservations : A Grenoble, MC2, 4 rue Paul Claudel, 38000 Grenoble ; par tel : 04 76 00 79 00 ; en ligne : billetterie@mc2grenoble.fr

A Chambéry, par tel : 04 79 85 55 43 ; en ligne : www.espacemalraux-chambery.fr    

A Évian, par tel : 04 50 71 39 47; en ligne : mal-thonon.org

A Annecy, par tel : 04 50 33 44 11 ; en ligne : www.bonlieu-annecy.com.

 

26, 27, 28 / 2 & 1/ 3

 

Opéra Junior monte L'Enfant et les Sortilèges à Montpellier

 

 

Faire de l'opéra dès la prime jeunesse, c'est l'aventure unique proposée par Opéra Junior aux jeunes de Montpellier et de sa région depuis plus de 20 ans. Fondé en 1990 par Vladimir Kojoukharov, Opéra Junior, dirigé par Jérôme Pillement depuis 2009, travaille en étroite collaboration avec l'Opéra Orchestre national de Montpellier Languedoc Roussillon dont il est devenu un département le 1er octobre 2013. Opéra Junior présente chaque année une nouvelle production dans la saison de l'Opéra, accompagnée par l'orchestre maison. Le concept vise un triple objectif : social - la découverte par les jeunes d'un univers artistique diversifié, musical et théâtral -, pédagogique – les placer dans une situation concrète et active - et enfin artistique : favoriser la collaboration entre le travail de l'équipe pédagogique et celui de professionnels du spectacle. Cette fois sera monté L'Enfant et les Sortilèges de Ravel. La mise en scène de la nouvelle production est confiée à Sandra Pocceschi, metteur en scène au parcours particulièrement intéressant, remarquée et récompensée par la critique en Europe. Pour elle, cette « fantaisie lyrique » doit échapper à une lecture psychanalytique qui pour être inspirante, peut se révéler sclérosante. Il faut aller plus loin dans l'« imaginaire » de l'œuvre. Jérôme Pillement dirigera les solistes d'Opéra Junior. 

 

Opéra Comédie, les 26 et 27 février 2015 à 14H30 (scolaires) et 28/2 et 1er mars à 15H (tous publics)

Réservations : Billetterie, Le Corum, CS 89024, 34967 Montpellier cedex2 ; par tel. : 04 67 60 19 99 ; en ligne : www.opera-orchestre-montpellier.fr

 

 

13, 17, 20, 22, 26, 28 / 3 

Les Stigmatisés, opéra de Franz Schreker

 


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La dernière production marquante de l'opéra de Franz Schreker (1878-1934) Die Gezeichneten (Les stigmatisés) remonte à 2005, au Festival de Salzbourg dont il constitua un des événements majeurs. L'Opéra de Lyon relève maintenant le défi. Il faut dire que cette œuvre dont le compositeur est aussi l'auteur du livret, ne passe pas pour aisée à monter. C'est pourtant un de ses opéras les plus importants et en même temps un des jalons de l'histoire opératique du XX ème siècle. Créé en 1918, il traite du thème du drame de l'artiste en quête de beauté, en l'occurrence un noble gênois du XVI ème, Alviano, qui pour compenser son apparence physique disgracieuse, crée Elysium, une île paradisiaque. Celle-ci est pourtant pervertie par un autre jeune homme, sûr de sa propre beauté, Tamare, qui la dédie aux plaisirs des sens. La pièce qui requiert des effectifs orchestraux et vocaux hors normes, est selon la remarque de Theodor W. Adorno un « mélange de luxuriance et d'audace sans retenue, allié à une image touffue et débridée de la modernité ». On est happé par une orchestration luxuriante et par la sonorité typique de Schreker, ce « son lointain » (titre d'un autre de ses opéras), flux irrésistible d'où émergent de grands élans lyriques. On est enveloppé par la fantasmagorie de timbres à la fois diffus et étranges, à l'image de la torture physique et mentale éprouvée par le héros Alviano qui a renoncé du fait de sa difformité à tout commerce de l'amour, et par celle qu'il courtise secrètement, Carlotta, qui se refuse par volonté propre à ces plaisirs. Allégorie narcissique de personnages qui se condamnent à se détruire à partir du moment où la sublimation fait place à la concrétisation de leurs actes. La sensualité qui les fait se rejoindre les conduit à la tragédie. Gageons que la production lyonnaise saura se dépêtrer des excès naturalistes et décadents du livret et de son refus du romantisme, et que l'exécution musicale rendra justice à cet opéra aussi singulier que fascinant.

 

Opéra de Lyon, les 13, 17, 20, 26, 28 mars 2015, à 20H et le  22/3 à 16H

Réservations : Billetterie, Place de la Comédie, 69000 Lyon ; par tel.: 04 69 85 54 54 ; en ligne :  www.opera-lyon.com      

 

15 / 3

Un célèbre orchestre universitaire japonais à Paris

 


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Le Waseda University Symphony Orchestra conclura sa tournée européenne des grandes salles de concert d'Allemagne et d'Autriche, le 15 mars à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées. Fondé en 1913, cet orchestre de la prestigieuse université WASEDA de Tokyo compte environ 300 musiciens qui étudient la littérature, la philosophie, le droit ou les sciences naturelles. Ces grands amateurs érudits, qui ne se destinent pas à une carrière de musiciens professionnels, sont recrutés après une sélection très sévère. Les tournées en Asie, aux États-Unis et en Europe que l'orchestre entreprend en général sur des cycles de 3 ans, et auxquelles un étudiant ne peut être associé qu'une fois durant tout son cursus, représentent un aboutissement essentiel, venant en quelque sorte couronner l'excellence d'un parcours. L'Orchestre qui s'est vu décerner en 1978 la médaille d'or Herbert von Karajan du concours international des orchestres de jeunesse, a été dirigé par de nombreux chefs de renommée mondiale comme Seiji Ozawa, Leonard Slatkin ou Sir Simon Rattle. Le programme sera consacré à Richard Strauss (Also sprach Zarathustra, Don Juan, et la danse des sept voiles de Salomé) ainsi qu'à une œuvre du compositeur japonais Maki Ishii (1936-2003), Mono-Prism (1976) pour tambours japonais et orchestre. Il sera dirigé par Kazufumi Yamashita.

 

Théâtre des Champs-Elysées, le 15 mars 2015, à 20H.

Réservations : 15 avenue Montaigne, 75008 Paris ; par tel.: 01 49 52 50 50 ; en ligne : theatrechampselysees.fr

 

 

Le Festival de Pâques d'Aix-en-Provence

 


 

Pour la troisième édition du Festival de Pâques aixois, Renaud Capuçon, son directeur artistique, a concocté un programme de haut vol, dont Beethoven et la musique sacrée sont les deux axes majeurs. Des grands de la direction d'orchestre et des solistes renommés ont répondu présents. On jouera aussi bien au Grand Théâtre de Provence que dans l'écrin du Théâtre du Jeu de Paume, dans les églises aixoises et dans le bel auditorium du Conservatoire Darius Milhaud. Les festivités s'ouvriront par un « joint recital » de Martha Argerich et de Gidon Kremer qui interpréteront la Sonate N° 8 pour violon et piano de Beethoven, la Sonate de Richard Strauss et deux Sonates de Mieczyslav Weinberg (30/3, 20H30). La musique de chambre sera à l'honneur avec l'immense Menahem Pressler, dans Mozart Debussy et Schubert (1er/4, 18H), le Quatuor Modigliani et Michel Dalberto qui donneront, entre autres, le Quintette de Franck (2/4, 20H30), Hélène Mercier et Louis Lortie, pour une soirée Schubert, Ravel et Rachmaninov (4/4, 12H), Maxim Vengerov et Itamar Golan, pour des Sonates de Elgar et de Prokofiev et des lillipops de Brahms, Kreisler, Ysaÿe, etc.. (5/4, 20H30), Lise Berthaud, Andreas Otensamer et Adam Laloum qui proposeront le Trio « des Quilles » de Mozart et des pièces de Bruch et de Schumann pour alto, clarinette et piano (8/4, 18H), Augustin Dumay et Maria Joao Pires pour trois Sonates de Beethoven (8/4, 20H30), Philippe Jaroussky, Jérôme Ducros et le Quatuor Ebène pour un florilège de mélodies et de chansons de Fauré à Ferré (9/4, 18H), enfin le rare Krystian Zimerman (10/4, 20H30). Sir John Eliot Gardiner donnera la Messe en Si de Bach avec ses English Baroque Soloists et son Monteverdi Choir (1er/4, 20H30), Paul Maccreech la Passion selon Saint Matthieu avec son Gabrielli Consort (3/4, 20H30), Christophe Rousset et ses Talens Lyriques Les Leçons de Ténèbres de Charpentier et de Couperin (7/4, 18H), et Café Zimmermann et Sophie Karthäuser des cantates de Bach (9/4, 20H30). Côté grands morceaux orchestraux, on pourra entendre la Symphonie dite « La Grande »  de Schubert par le jeune Robin Tacciati et le Scottish Chamber Orchestra, qui donneront aussi le Concerto de violon de Beethoven avec Renaud Capuçon (31/3, 20H30), la 4ème de Tchaikovski par l'Orchestre du Capitole et Tugan Sokhiev (4/4, 20H30), la « Résurrection » de Mahler par Jonathan Nott et le Gustav Mahler Jugend Orchestra (6/4, 20H30), l'« Italienne » de Mendelssohn dirigée par Vladimir Ashkenazy et le Youth Union Orchestra, qui accompagneront encore le talentueux Francesco Piemontesi dans le Concert N°4 de Beethoven (7/4, 20H30), enfin Scheherazade de Rimski Korsakov par Gianandrea Noseda et l'Orchestre du Teatro Regio di Torino, seconde mitan d'un concert donnant à entendre également le Concerto N° 2 de Rachmaninov par l'effervescente Khatia Buniatishvili.


Renaud Capuçon / DR

D'autres manifestations originales, véritables signatures de ce festival pascal, verront se produire : les jeunes de « Génération @ Aix » , dont le celliste Bruno Philippe et l'altiste Léa Hennino, en compagnie de Capuçon et de Pressler (3/4, 18H), la bande de « Frères et Sœurs », savoir les Capuçon, les Chilemme, les La Marca et les Moreau, réunis pour le Quintette à deux violoncelles de Schubert et l'Octuor de Mendelssohn (6/4, 18H), et une pléiade de chambristes éminents pour un « Portrait Dusapin » (11/4, 12H). Le festival s'achèvera par la désormais traditionnelle « Carte blanche à Renaud  Capuçon » pour Le  Carnaval des animaux et La Truite. Car un esprit de fraternité plane sur ce festival qui aime à mêler les générations et à laisser s'épanouir les talents de demain. Tant de moments de cette trempe ne se laissent pas passer : il faut y courir, car tous ces merveilleux musiciens valent le voyage, comme la cité aixoise au seuil du printemps.

 

Du 30 mars au 12 avril 2015.

Réservations : Grand Théâtre de Provence, 380, avenue Max Juvenal, 13100 Aix-en- Provence ; par tel.: 08 20 13 20 13 ; en ligne : www.festivalpaques.com

 

Jean-Pierre Robert.

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L'ARTICLE DU MOIS

 

Haut

 

L'ÉNIGME SIBELIUS

 

 

« Musicien national (au même titre qu'un Béla Bartók ou qu'un Leos Janacek), Sibelius parvint à façonner son langage à distance des héritages germanique et debussyste, employant la modalité sans donner dans le folklorisme, sachant s'éloigner de la tonalité sans verser dans l'expérience gratuite, se rapprochant de l'universel et se gardant d'adopter le provincialisme tout autant que le cosmopolitisme, très en vogue entre les deux guerres mondiales. La musique de Sibelius, d'une beauté et d'une profondeur parfois troublantes, conserve tous ses pouvoirs envoûtants, et, au-delà des classifications simplistes et des oppositions sectaires, garde sa miraculeuse capacité de nous proposer cet énigmatique voyage musical vers le meilleur de nous-mêmes. » C'est par cette longue, sensible et pénétrante analyse que Jean-Luc Caron clôt la remarquable monographie qu'en grand spécialiste des musiques scandinaves(1) il a consacrée à Jean Sibelius.

 

Quelques lignes plus haut, l'émérite exégète du grand compositeur ramassait quelques jugements contradictoires recueillis au hasard des années et des lieux :

- « Le plus grand symphoniste depuis Beethoven » (Cecil Gray, 1931)

- « Le plus grand représentant, avec Schoenberg, de la musique européenne, depuis la mort de Debussy » (Constant Lambert, 1934)

- « L'éternel vieillard, le plus mauvais compositeur du monde » (René Leibowitz, 1955)

 

 

Équivoques et polémiques

 

L'ancienneté de jugements aussi abrupts ne doit pas abuser. Plus d'un demi-siècle après sa mort, Jean Sibelius (1865-1957) reste au cœur de presque toutes les grandes polémiques musicales de son temps, comme l'ont superlativement démontré les divers colloques organisés au hasard des dernières décennies, à Helsinki (1990, 1995, 2000) comme à Denton (Texas, 2005) ou Paris (novembre 2007). Au gré de ces conférences destinées à faire le point sur les positions les plus avancées de la musicologie, il est ainsi apparu que rien n'est plus malaisé à définir ce que, faute de mieux, nous appellerions un "style Sibelius". Style qui permettrait enfin aux historiens de classer cet inclassable créateur ! Car tout pose problème chez Sibelius, jusque dans ses choix formels ou syntaxiques, quand ce n'est l'homme lui-même qui est soumis au tribunal de l'histoire… et pas seulement celle de la musique ! Ainsi, par exemple, de sa sympathie non dissimulée pour l'Allemagne au temps du nazisme ; certains y voient les signes d'une adhésion tacite, d'autres soutiennent la thèse d'un opportunisme financier… au demeurant guère plus glorieux ! Plus sûrement, on y découvrira l'admiration légitime d'un compositeur pour la patrie de Bach et de Beethoven ! Ainsi également du traitement, dans ses symphonies particulièrement, de la modalité, en marge de toutes les modes de son siècle. Ou de son archaïsme supposé, de son nationalisme présumé, de son scandinavisme rêvé… voire de son attachement mal compris à une tonalité prétendument déguisée ! Pour ne rien dire de son traitement si peu orthodoxe de la modulation ! Puis, quelles sources pour ce musicien hors normes ? Berlioz, Liszt, Wagner, Tchaïkovski, Debussy ?

 

En réalité, tout ce fatras semble reposer sur un malentendu aussi durable que profond. À l'instar de Grieg pour la Norvège, de Smetana pour la Bohême, de Nielsen pour la Suède, voire de Purcell pour l'Angleterre, Jean Sibelius ferait certes figure – au prix d'un raccourci navrant – de "musicien nationaliste", mais si l'effet d'annonce reste indiscutable, le résultat le plus consternant en demeure la quasi impossibilité de penser sa somptueuse musique hors le cadre d'un nationalisme qui, dans son acception la plus sottement étroite, ne fut jamais son fait. Par ailleurs, l'exceptionnelle durée d'une existence lui ayant permis de naître avant Satie et de mourir après Honegger obscurcit encore la situation, le grand musicien ayant, de surcroît, renoncé à la composition au beau milieu des année vingt (l'époque de Turandot et de Wozzeck !), lors même qu'il lui restait plus de trente ans à vivre.

 


Le jeune Sibelius peint par Akseli Gallen-Kallela

 

 

Une vocation incertaine mais impérieuse

 

Né le 8 décembre 1865 à Tavastehus (nom suédois de l'actuel Hämeenlinna), dans ce qui n'est alors que le grand-duché de Finlande soumis à l'autorité des tsars, Johan Christian Julius Sibelius grandit dans un foyer suédophone. Dès l'âge de cinq ans, il reçoit ses premières leçons de piano dispensées par sa propre tante, Julia. Capitale, la découverte du violon, intervient un peu plus tard ; c'est à cet instrument, associé au violoncelle, qu'il destine sa toute première pièce Gouttes d'eau, peu après ses dix ans. À partir de 1876, c'est en langue finnoise qu'il poursuit sa scolarité. Bien que pratiquant régulièrement la musique de chambre avec sa sœur Linda, au piano, et son frère Christian, au violoncelle, il ne fait preuve d'aucune réelle précocité, pas même de ces dispositions qui, d'ordinaire, signalent les aspirants compositeurs à l'âge adolescent.

 

Parvenu à l'âge de vingt ans, étudiant en droit, il interrompt pourtant ses études pour se livrer à une étude intensive du violon et de la composition au conservatoire d'Helsingfors (1886-1889) sous la direction de Martin Wegelius (1846-1906), qui lui fait découvrir Wagner. Progressivement, les dons du jeune homme s'affirment, faisant l'admiration de ses maîtres, au rang desquels l'illustre Ferruccio Busoni, pourtant peu facile à étonner ! L'évidence croissante de sa vocation et la manifestation de capacités rares incitent le jeune homme à partir compléter sa formation à Berlin et à Vienne, de 1889 à 1891. Occasion pour lui de découvrir l'immense richesse de la musique symphonique, de Berlioz à Bruckner, de Beethoven à Tchaïkovski. C'est aussi le temps où il s'essaie à la composition pour formation de chambre, notamment avec le quatuor à cordes op. 4 et un quintette pour cordes et piano. La capitale autrichienne lui réserve pourtant une déception cruelle ; ayant échoué à obtenir un pupitre de violoniste au sein de l'Orchestre Philharmonique de Vienne, il est contraint au retour à Helsingfors en 1892.

 

 

Le chantre d'une nouvelle nation musicale

 

C'est donc revenu au pays (un pays que l'éloignement lui a rendu particulièrement cher) qu'il complète l'écriture de sa première œuvre majeure, la pièce symphonique Kullervo, pour orchestre, mezzo-soprano, baryton et chœur d'hommes ; créée le 28 avril 1892 à Helsinki, cette réalisation ne marque pas seulement le début d'une carrière glorieuse. Pour beaucoup d'observateurs, elle signifie également l'entrée de la Finlande dans le concert des grandes nations musicales. Quatre mouvements animent cette vaste fresque. Allegro moderato, l'introduction offre à l'auditoire un saisissant portrait musical du héros Kullervo ; certains commentateurs y décèlent encore une influence wagnérienne, pourtant bien difficile à justifier, hors l'ampleur, par instants solennelle, de la trame orchestrale. Le plus intéressant est évidemment ailleurs, dans l'originalité saisissante d'une atmosphère sonore dont rien n'avait jusque-là donné idée dans la sphère européenne. Le second volet chante « La jeunesse de Kullervo », dans un mouvement grave qui accentue la mélancolie tourmentée d'un épisode chargé de trouble mémoire. Vient ensuite la partie assurément la plus séduisante de l'ensemble, le tableau « Kullervo et sa sœur » qui, dans un vigoureux allegro vivace, sollicite la totalité de l'effectif. Peu à peu, la joie dionysiaque fait place à une sorte de délire sonore, dans le même temps que le héros découvre l'identité de la femme aimée – qui n'est autre que sa propre sœur – et, par voie de conséquence, l'horreur de l'inceste. Pour le tableau suivant, « Kullervo part en guerre », c'est la forme d'une rude marche militaire que choisit le musicien, une marche mêlée de fanfares, d'accents populaires, de rythmes de danse ; c'est enfin au chœur qu'il revient de chanter, au prix de dissonances d'une étonnante rudesse, le dramatique suicide du héros.

 


La malédiction de Kullervo par Akseli Gallen-Kallela / DR

 

Le 10 juin de la même année, Sibelius épouse Aino Järnefelt, écrit ses premiers Lieder et engage la composition de son premier poème symphonique En saga (« Une légende ») dont il assure lui-même, sans grand succès, la création en février 1893. En cette heureuse période, le jeune compositeur multiplie les grandes pages, poèmes symphoniques, suites orchestrales, symphonies, production dominée par le très célèbre Finlandia de 1899, hymne à une indépendance refusée par les tsars et qui sera l'une des conséquences de la Révolution de 1917. Ainsi se succèdent le poème symphonique Karelia en 1893, la Suite de Leminnkäinen en 1896, la musique de scène Le Roi Christian II en 1898. Tout souci matériel étant écarté dès 1897 grâce à l'obtention d'une pension d'état annuelle de 3000 marks (ce qui ne le dissuadera pas de solliciter prêt sur prêt tout au long de sa carrière !), il profite de cet état de grâce pour beaucoup voyager, notamment en Italie et en Allemagne. On observera avec un certain intérêt que, comme le jeune Claude Debussy (qui est son aîné de trois ans), il est dans un premier temps enthousiasmé par la découverte de Wagner, avant de se retourner, parfois violemment, contre le maître de Bayreuth. Faut-il ici faire allusion au douloureux échec de La Jeune Fille dans la tour, seul opéra de son catalogue, qui ne fut donné que trois fois à Helsinki, en 1986 ?

 

 

Le temps des symphonies

 

On en arrive ainsi, en 1899, à la création triomphale de la Première symphonie, en mi mineur, op. 39, de notre compositeur. S'y dévoile le caractère primordial de l'esthétique de Jean Sibelius : une évidente inclination pour le pathos postromantique liée à une volonté farouche de ne rien céder de sa pureté sauvage. Survient alors l'exposition universelle de 1900 (événement dont on peine, aujourd'hui, à mesurer l'importance). Contre la volonté de la Russie tsariste, le pavillon finlandais organise un grand concert aux magnifiques accents patriotiques. La Première symphonie et Finlandia (devenue depuis un véritable hymne national, cette partition est restée étonnamment populaire dans son pays) y sont notamment à l'honneur. Le succès est grand et la qualité des partitions soulignée par le maître de la critique musicale du temps, Alfred Bruneau. Alors âgé de 35 ans, le compositeur s'honore ainsi de la reconnaissance et de l'amitié de la plupart de ses pairs à travers l'Europe. Situation enviable, certes, mais qui ne fait pas oublier la part sombre de son existence : une addiction naissante à l'alcool et la perte de sa fille cadette, victime du typhus. De retour d'Italie et d'Europe centrale, le compositeur assure lui-même la création de sa Deuxième symphonie à Helsinki, le 8 mars 1902. Le triomphe est éclatant, mais l'échec de sa cantate, L'origine du feu, un mois plus tard, instille le doute dans l'esprit d'un artiste qui mesure mieux que quiconque le caractère relativement marginal de sa démarche. D'où sa décision de repartir pour Berlin, où il a la joie de se voir proposer, par Ferruccio Busoni, la direction d'En Saga à la tête de l'orchestre philharmonique.

 

Le 2 décembre 1902, est créée sa musique de scène, Kuolema ("La mort"), dont le public acclame aussitôt le volet intitulé Valse triste. Bien que satisfait de cet accueil, le compositeur mesure alors le caractère grandissant du malentendu qui le sépare de son public (on songe ici à la mélancolique satisfaction de Berlioz au soir de la création glorieuse de L'Enfance du Christ). Car, dans le même temps, il médite la composition, beaucoup plus ambitieuse, d'un concerto destiné à son instrument de prédilection, le violon. La genèse en est douloureuse et complexe ; d'une part, le compositeur sait qu'il engage une grande partie de sa destinée artistique dans cette page majeure, d'autre part il commence à prendre conscience et à s'effrayer des « racines très profondes et très dangereuses » (selon ses propres mots, dans une lettre à son frère) de sa dépendance à l'alcool. Sans doute, ce facteur joue-t-il de façon capitale dans sa décision de se faire construire une belle villa plantée en plein décor sylvestre, à Järvenpää, commune située à quelque trente kilomètres au nord d'Helsinki. Dans ce refuge, qu'il baptise Ainola, d'après le prénom de son épouse, il pourra s'adonner exclusivement à la composition ; c'est en septembre 1904 qu'il s'y installe, avec sa famille. Le concerto pour violon, op. 47, est donc le premier fruit de cette époque bénie. Composé dans un état d'exaltation que Sibelius ne retrouvera jamais, il s'impose immédiatement au grand répertoire, voisinant sans déparer au panthéon des grandes réussites passées de Beethoven, Mendelssohn ou Brahms, s'affirmant, aux côtés de celui de Berg, comme la plus haute réussite concertante du XXe siècle. Allegro moderato, le premier mouvement surprend par la richesse de son vivier thématique, mais aussi par ses traits formels, d'essence presque rhapsodique. Une fois encore, le commentateur ne peut que marquer sa perplexité face à une partition d'apparence aussi décousue et d'unité aussi organique ! Rien de plus déroutant, mais aussi de plus séduisant, que ces ruptures structurelles, que ces pauses cadentielles, que ces divertissements elliptiques ! Changement complet de climat avec le mouvement central, sorte d'adagio voluptueux et sensuel, faisant fréquemment appel aux bois pour mettre en valeur le timbre du soliste. De cette veine tout à la fois poétique et légère, il semble difficile de trouver l'équivalent au XXe siècle, sauf peut-être dans certaines pages spirituellement lyriques de Chostakovitch. Dans le finale, le compositeur sacrifie quelque peu aux nécessités de la virtuosité, mais avec une telle jubilation et une telle constance dans l'invention que l'exigence musicale y reste sommitale. Pourtant, Sibelius se montre insatisfait de sa première version (dont le succès est d'ailleurs mitigé, en Finlande comme à l'étranger) et il remanie sa partition en 1905, année également destinée à marquer le grand succès de sa Deuxième symphonie dans plusieurs pays européens.

 

 

La consécration internationale

 

Dès 1904, le compositeur vit donc dans un cadre de rêve, sans réel souci matériel. Mais rien ne serait plus erroné que l'idée d'un homme coupé de ses contemporains, du monde moderne. Innombrables seront les voyages destinés à le mener à travers presque tous les pays d'Europe, aux États-Unis où, comme presque partout, il sera reçu comme l'un des compositeurs les plus importants de son temps. C'est à cette époque de relatif apaisement qu'il découvre vraiment Debussy (la partition des Nocturnes semble l'émerveiller), mais aussi Arnold Schoenberg dont la réputation, discrète bien que grandissante, est encore très sulfureuse. La création de sa musique de scène, Pelléas et Mélisande, atteste, par ailleurs, une plus grande attention portée aux combinaisons des timbres. Pour cet esprit inquiet, les nouveautés musicales venues de France ou d'Allemagne ne peuvent que stimuler l'activité du créateur, mais également, dans le même temps, aviver les angoisses de l'homme. Pour mesurer l'ampleur de ces nouveautés, il n'est que se souvenir que La Mer de Debussy et Salomé de Richard Strauss sont exactement contemporaines (1905) du Pelléas de notre compositeur !

 


Frontispice de la partition du poème symphonique Finlandia,

dédicacé par Sibelius

 

Acclamé en Angleterre, applaudi en France, encensé en Allemagne, c'est cependant dans sa patrie que Sibelius reste l'objet d'une vénération dont rien ne semble pouvoir donner la mesure, même pas, au siècle précédent, l'engouement de l'Italie pour Verdi ou de l'Allemagne pour Wagner. Pour la seule saison printanière de 1906, Jean-Luc Caron n'a pas recensé moins de trente concerts consacrés à son œuvre, pour la seule ville d'Helsinki ! Distinction flatteuse, certes, mais de nature à encore approfondir le malentendu avec d'autres publics qui, en divers pays européens, commencent à placer la production du grand musicien sous le sceau d'un nationalisme inclinant dangereusement vers le folklorisme ! Peut-être faut-il trouver là l'une des clefs de l'esthétique de la Troisième symphonie de Sibelius, l'une des partitions les plus déroutantes du maître finlandais, par son refus équitable du terreau populaire, du pathos postromantique et des subtilités impressionnistes. Créée le 25 septembre 1907, l'œuvre ne rencontre, pour une fois, qu'un accueil poli, réserve qui évoluera vers la froideur dans les salles de Stockholm, de Moscou, de Londres, de New York ou de Berlin, à l'occasion des exécutions suivantes. L'humeur du musicien s'en ressent d'autant plus que ce relatif échec coïncide avec l'irruption d'une maladie, dont il peut alors juger l'issue inéluctablement fatale. Opéré d'une tumeur à la gorge en 1908, il se voit soudain interdire formellement tout usage de tabac et toute consommation d'alcool ! Bienheureuse occurrence qui nous vaudra quelques-unes des plus admirables pages de toute sa production, notamment le célèbre quatuor à cordes Voces intimae, op. 56, aux accents douloureusement agités, les Quatrième et Cinquième  symphonies ainsi que Luonnotar, Chevauchée nocturne et Lever de soleil, Le Barde et Les Océanides, poèmes symphoniques aux échos d'une insolite et singulière saveur.

 

 

L'œuvre, miroir des tourments intimes

 

Il vaut sans doute d'être noté que le quatuor Voces intimae (intitulé tiré d'une mention manuscrite du compositeur sous les portées du 3e mouvement) a été écrit au lendemain de la rencontre de Sibelius avec Claude Debussy. Assistant à un concert londonien consacré, le 27 février 1909, aux Nocturnes et au Prélude à l'après-midi d'un faune, Sibelius marque son enthousiasme pour le maître français, mais aussi sa détermination à poursuivre sur la voie qu'il a choisie et que l'esthétique debussyste semble légitimer. Le 15 avril suivant, le quatuor Voces intimae est terminé. L'unité des cinq mouvements en est magistralement agencée, ce qui apparaît avec bien plus de clarté à la lecture de la partition qu'à la simple audition. Particulièrement exigeante, l'œuvre reçoit un bon accueil critique mais reste impuissante à soulever l'enthousiasme du public. Aussi le compositeur en revient-il tout naturellement à la symphonie, jetant dès décembre 1909 les premières ébauches de sa quatrième symphonie. Rien de plus révélateur quant à la complexité de cette nouvelle entreprise que le journal tenu par l'auteur ; les périodes d'euphorie et de détresse s'y dévoilent, dans une succession dont le rythme peut inquiéter ! Partagée entre le désir de solitude et les obligations mondaines, consacrée à la méditation recluse comme à la direction publique de vastes manifestations musicales, toute l'année 1910 est ainsi placée sous le signe de la grande partition à venir.

 

La création de la Quatrième symphonie, op. 63, reste probablement le moment le plus significatif de cette vaste énigme que constituent la musique et la vie de Sibelius. Aujourd'hui encore, cette œuvre magnifique sonne comme nulle autre partition du XXe siècle, à l'exception peut-être, une fois encore, de certaines pages orchestrales de Chostakovitch. Lors de sa création, le public, dérouté, ne peut que marquer sa perplexité et la critique son animosité. D'autant plus que le compositeur ouvre son ouvrage par son volet le plus rugueux, ce bouleversant molto moderato, quasi adagio, qui évolue dans un climat de profonde douleur, parfois traversé de lumières pénétrantes lorsque la tension des intervalles se résout accidentellement sur des rencontres consonantes, bien qu'en rupture avec tous les principes harmoniques d'école. De cette tension intervallique, surtout décelable (comme chez Scriabine) par l'usage de la quarte augmentée, le second mouvement, allegro molto vivace, rend compte sur un mode bien plus vigoureux, mais pour mieux revenir, après quelques instants d'illusoire mystification, aux troubles malsains d'une funeste mélancolie. Mélancolie encore approfondie par le troisième mouvement, un largo d'une noirceur délibérée. Même l'allegro terminal ne réussit pas, en dépit de sa saisissante beauté, à instiller la moindre lueur d'espérance, l'œuvre s'achevant dans une atmosphère de recueillement farouche, de pessimisme aussi désinvolte que fervent !

 


La maison de Sibelius à Ainola / DR

 

Convaincu que la modernité de sa partition n'échappera pas à la postérité, le compositeur se remet aussitôt au travail, refusant même un poste de professeur à l'Académie de musique de Vienne pour mieux se consacrer à la seule création. Deux nouvelles symphonies sont mises en chantier ainsi que les poèmes symphoniques évoqués plus haut, et diverses pages instrumentales, notamment pour piano. Au printemps 1914, une tournée américaine tourne au plébiscite ; docteur honoris causa de l'université de Yale, Sibelius prend conscience de la dimension mondiale de sa réputation, à la veille, hélas, du plus grand cataclysme ayant jamais frappé l'Europe. Son cinquantième anniversaire, le 8 décembre 1915, est solennellement marqué, à Helsinki, par la création de sa Cinquième symphonie. Les quatre années de guerre sont marquées par divers troubles, intimes et publics. La révolution bolchevique du 7 novembre 1917 ouvre la voie à l'indépendance de la Finlande, officialisée le 6 décembre suivant. Une amorce de guerre civile ayant surgi entre partisans et adversaires de la révolution, le parti "allemand" l'emporte et Sibelius peut reprendre complètement sa Cinquième symphonie pour lui offrir, le 24 novembre 1919, la forme sous laquelle elle passera à la postérité. Mais, dans le même temps, la malédiction de l'alcool provoque de nouveaux et graves troubles dans son ménage, au point de le conduire aux frontières du divorce. Ce qui ne l'empêche nullement de rédiger une sixième symphonie, créée sous sa propre direction le 19 février 1923, à Helsinki. Encore un grand voyage italien, puis une nouvelle symphonie (la septième et dernière), créée le 24 mars 1924. Le soixantième anniversaire enfin, plus fastueusement fêté encore que le cinquantième ! Cependant, l'homme a changé ; angoisse, dépression et alcoolisme rongeront ses dernières décennies, marquées par un silence quasi définitif après 1926, date du poème symphonique Tapiola, expressément commandé par l'Orchestre Philharmonique de New York. Significativement, le grand musicien détruira la partition d'une huitième et dernière symphonie, écrite vers 1933, avant le très long hiver précédant sa disparition, à la veille de ses quatre-vingt-douze ans, le 20 septembre 1957.

 

 

De la solitude à l'universalité

 

Nous l'avons vu plus haut, rien ne serait plus malaisé à définir (beaucoup s'y sont pourtant essayé) qu'un « style Sibelius » ! L'œuvre est si riche de traits contradictoires, modernité contre tradition, panthéisme contre humanisme, profusion contre ascèse, immuabilité contre essor… que toutes les hypothèses restent fondées quant aux déterminations esthétiques de son langage. Peut-être la meilleure preuve en est-elle donnée par la singulière fortune de sa musique pure dans son emploi, à peine maquillé, pour le cinéma ou la publicité. En quantité, le corpus n'est ni des plus minces ni des plus pléthoriques avec ses 118 œuvres ayant reçu un numéro opus et sa vingtaine de pièces qui en est privée. L'index des œuvres magistralement commentées par Jean-Luc Caron dans son ouvrage (op. cit. p. 121-124) en fournit l'essentiel. La part la plus importante est réservée à l'orchestre : sept symphonies de 1902 à 1924, nombreux poèmes ou suites symphoniques de 1892 à 1926 (En saga, Finlandia, Karelia, Kullervo, Les Océanides, Suite Lemminkäinen avec le Cygne de Tuonela, Chevauchée nocturne et lever de soleil, Luonnotar, Kuolema avec la Valse Triste, La Tempête, Tapiola), le célèbre concerto pour violon en ré mineur, deux sérénades et six humoresques pour violon et orchestre. Quelques pages instrumentales sont encore à signaler (sonatines pour piano, musique de chambre, suites concertantes, impromptu pour cordes), la voix étant plus rarement sollicitée, en dépit des Lieder, des cantates et des essais d'opéra (La Jeune Fille dans la tour). C'est souvent la forme qui pose problème chez le grand compositeur, le principe d'accumulation des strates sonores y étant dynamisé par une sorte d'enlacement en tresse qui n'est pas sans évoquer la mystérieuse genèse de Jeux de Debussy (la découverte des Nocturnes, en 1909, a provoqué, nous l'avons vu, un choc durable chez Sibelius, extrêmement attentif à toutes les innovations de l'art de son temps). Le choix même des artistes de prédilection au début de sa carrière (Berlioz, Liszt, Wagner) dit assez l'absence de tout principe réactionnaire chez un musicien qui, pas plus que Richard Strauss, son contemporain exact, ne jugea utile de se détourner de la tonalité pour œuvrer. Caractère ultime ajoutant beaucoup au mystère de sa rayonnante solitude dans l'immensité mondiale du concert de son siècle.

 

Gérard Denizeau.

 

 

(1)                Du même auteur, Carl Nielsen (Paris, L'Âge d'homme, 1988), Edvard Grieg (Paris, L'Âge d'homme, 2003) ; à paraître un nouvel ouvrage consacré à Carl Nielsen (Paris, Bleu Nuit éditions).

 

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L'ENSEIGNEMENT MUSICAL

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Et bien, chantez maintenant !

 

« La voix reste le vecteur le plus immédiat et le plus utilisé dans le monde pour faire de la musique. Pour ces raisons, elle est particulièrement appropriée aux travaux d'interprétation et de création dans un cadre collectif en milieu scolaire, y compris durant la mue qu'il faut accompagner » : voilà ce que déclarait l'Éducation Nationale dans un bulletin officiel du 19 juillet  2008. Il aura pourtant fallu attendre la rentrée 2014 pour que la flûte à bec disparaisse officiellement de la liste des fournitures demandées aux collégiens de notre pays et pour que les cours d'Éducation musicale soient désormais axés sur le chant et sur la voix.

 

Il était temps car les jeunes Français ne chantent pas assez.  J'en veux pour preuve le festival « Europa Cantat » qui s'est tenu à Turin en juillet 2012 et dont le thème était, cette année-là, « Les chœurs de jeunes et d'enfants ». J'y ai entendu des enfants et des adolescents de tous les pays, italiens bien sûr, mais également américains, allemands, anglais, russes, chinois, brésiliens, vénézuéliens et même camerounais. Seuls manquaient à l'appel les petites Françaises et les petits Français : ni la pourtant remarquable « Cigale de Lyon » ni la superbe « Maîtrise de Radio-France », ni la si prometteuse « Jeune Académie Vocale d'Aquitaine », ni le formidable «  Chœur des jeunes A Cœur joie » n'avaient répondu présents.

 

A cela deux raisons : aucune subvention n'avait été accordée à aucun de ces groupes pour se rendre en Italie du Nord et s'y loger une semaine. Mais il y a plus rageant encore : les choristes français de moins de 18 ans sont depuis 2008 soumis au code du travail des adultes et doivent donc être rémunérés et déclarés en concert à hauteur de 80 % du SMIC - même si ni eux ni leurs parents n'en expriment le désir et même si les concerts en question sont à entrée libre.

 

Dans l'intention louable de ne pas voir des adultes sans scrupules faire fortune sur le dos des enfants  - je songe à ces petits choristes lyonnais dont les voix et le travail ont permis aux producteurs du film « Les choristes » d'engranger de formidables bénéfices sans aucune retombée pour eux – on empêche désormais tous les mineurs de se produire bénévolement en concert dès qu'un seul adulte est rémunéré  - et même si cet adulte travaille à la régie du spectacle. Un règlement absurde lorsqu'il est (comme à Bordeaux) appliqué à la lettre par des inspecteurs du travail zélés et qui a été à deux doigts de faire disparaitre (entre autres) les « Petits Chanteurs à la Croix de Bois », désormais considérés comme une entreprise commerciale ; alors qu'il s'agit d'une institution de renommée mondiale, à visées hautement éducatives - puisque les garçons, en internat, bénéficient d'horaires aménagés pour travailler la musique plusieurs heures par jour - et surtout à but non lucratif. Une loi qui, si j'en crois ce que j'ai vu à Turin, ne concerne que les jeunes Français : impossible cette fois-ci de rejeter la faute sur Bruxelles !

 


Chorale « La cigale de Lyon » / DR

 

Les bâtons que l'État français met dans les roues des chœurs d'enfants et d'adolescents de notre pays sont d'autant plus inexplicables et absurdes que si le chant choral amateur adulte se porte très  bien dans l'hexagone, l'âge moyen des choristes est de plus en plus élevé : il faut donc impérativement former une relève. Et une relève qui se produise en concert, en se mesurant à un public !

Car c'est bel et bien le chant choral amateur qui, aujourd'hui pléthorique (mais pour combien de temps ?), anime l'ensemble de notre  territoire en proposant des concerts souvent de qualité  - et à des prix abordables - à une population qui, sans lui, n'aurait jamais accès à la culture, particulièrement en milieu rural. C'est grâce au chant choral amateur, et à lui seul, que le public peut en outre entendre un vaste et riche répertoire classique et romantique chœur/orchestre que les (rares) chœurs professionnels en activité ne mettent jamais à leur programme, pour cause d'effectifs insuffisants. Il faut savoir, par exemple, que les magnifiques Chœurs de l'Orchestre de Paris sont eux-aussi formés de choristes amateurs - qui n'ont quant à eux aucun problème pour rémunérer leurs musiciens, puisque c'est l'orchestre qui fait appel à eux !

 

Et il n'y a pas que la musique classique : les chœurs voués au gospel, au jazz vocal, à la bonne variété harmonisée, à la musique latino-américaine, contemporaine, baroque, basque, corse ou orthodoxe russe ne se comptent plus - dans nos grandes métropoles comme dans nos régions les plus reculées. Le chant choral amateur concerne en réalité des centaines de milliers de personnes et chacun sait que les choristes et les musiciens amateurs forment l'écrasante majorité de ceux qui s'abonnent aux concerts et à l'opéra - achetant disques et DVDs classiques ou modernes et faisant par là-même vivre les professionnels. En charge du calendrier et du planning des chœurs amateurs de ma région – l'Aquitaine – je suis bien placée pour témoigner du nombre incroyable de concerts qui y sont donnés - à toutes les époques de l'année (beaucoup d'églises étant désormais chauffées) mais plus particulièrement entre début mars et fin décembre.

 

Qu'en est-il à l'étranger ? Au titre de chef du « Chœur International de Houston » où je vivais alors, j'ai été invitée par un collègue texan à participer au Symposium des Chefs de Chœurs du Continent Américain. Une Convention qui a rassemblé à New York, du 11 au 15 février 2003, plus de 6.000 participants en provenance des quatre coins des USA mais aussi d'Hawaï, des Caraïbes et du Chili.

Du matin au soir et pendant cinq jours, j'ai donc eu la chance d'écouter une sélection des meilleurs chœurs amateurs des États-Unis (plus quelques groupes invités de Suède, d'Estonie et de Chine, tous remarquables). Ni la température polaire qui régnait alors sur Big Apple, ni les menaces (bidon) d'attentats qui avaient pourtant réussi à vider le vol Houston/New York ne sont parvenues à refroidir mon enthousiasme - parfois mâtiné, je l'avoue, d'incrédulité et même d'un zeste de frustration devant le niveau de tous ces groupes.

Je pense en particulier à un chœur de cinquante blondinettes de quinze ans – des lycéennes venues du fin fond de la Louisiane – qui, sous la direction d'un chef noir, chantèrent nettement mieux et beaucoup plus juste que bien des professionnelles de l'opéra. Et à cette chorale (120 enfants) d'un obscur collège de Caroline du Nord qui nous offrit une prestation éblouissante. Et que dire du niveau inouï (pour ne pas dire vexant) de déchiffrage avec paroles des adultes présents, chefs et choristes mélangés, dont j'ai pu prendre la mesure au cours des reading sessions – séances de lecture à vue - qui nous furent proposées, et nous permirent d'engranger du répertoire.

 

Quand on a, comme moi, parfois contre vents et marées et pendant tant d'années, dirigé en France des chorales scolaires - bénévolement lorsque mon emploi du temps n'incluait pas cette activité à mes yeux essentielle -, on enrage de voir ce qu'il serait possible de faire chez nous également, si seulement les cours s'arrêtaient à 13h 30 et si la charge de travail à la maison était plus légère qu'aujourd'hui.

 

Les collégiens et les lycéens américains disposent en effet d'une bonne partie de leur après-midi pour se consacrer aux matières vraiment sérieuses, c'est-à-dire au chant choral (deux heures par jour pour ceux qui en font le choix), à la pratique instrumentale de groupe, au dessin, à la photographie, à l'art dramatique et bien sûr aux diverses disciplines sportives. Les universités les plus chères et les plus prestigieuses ne sont pas en reste et deviennent, via un système de bourses très efficace qui corrige finalement assez bien l'iniquité fondamentale du système éducatif nord-américain, quasiment gratuites pour ceux qui ont un vrai talent, même si les études choisies n'ont aucun rapport avec lui : une belle voix, par exemple, et une participation assidue à la chorale universitaire permet à certains étudiants de réduire considérablement leurs frais de scolarité, et même de gagner des credits  (unités de valeur) pour leurs études de Sciences, de Lettres ou d'Économie - ce qui permet à des jeunes gens de milieu très modeste d'entrer à Harvard ou à Yale.

 

Cette prise en compte globale des diverses facettes et talents des étudiants n'a pas été, je l'avoue, facile à admettre de prime abord, le système éducatif français dont je suis issue répugnant à mélanger les genres, cloisonnant les matières et étiquetant volontiers les gens. Mais la constatation au quotidien du niveau musical exceptionnel des instrumentistes et des choristes amateurs nord-américains a eu très vite raison de mes a priori.

 


Jeune Académie vocale d'Aquitaine / DR

 

Ce qui nous ramène à nos collèges français : si, pour une fois, au lieu d'importer allègrement la sous-culture et les tares US – Mc Do, Coca-Cola, drogue, alcoolisation galopante des mineurs, émissions de télévision dévoreuses de cerveau, jeux vidéo pousse-au-crime et films ultra-violents – notre pays s'inspirait de ce que les États-Unis ont de meilleur à nous offrir ? Et si notre Éducation Nationale commençait vraiment la révolution culturelle dont elle parle depuis si longtemps sans que, comme sœur Anne, nous n'ayons jamais rien vu venir ?

 

Nous savons tous que la fréquentation - et surtout la pratique régulière et sérieuse - des arts reste l'ultime rempart entre nous et la « bêtise au front de taureau » (pour citer Romain Gary) qui nous cerne de toute part. Et comme c'est à l'école que se forment les citoyens et les citoyennes de demain, il est urgent que notre système scolaire français accorde à la pratique régulière et sérieuse du chant choral l'espace qu'il mérite et le propose enfin pour de bon, c'est-à-dire plusieurs heures par jour, à tous les jeunes de notre pays qui en font la demande.

 

Car le chant choral serait pour eux la meilleure école qui soit, sans parler d'un vecteur essentiel d'intégration et de citoyenneté : il exige en effet un engagement réel sur le long terme, la faculté d'écouter les autres et de suivre des consignes extrêmement précises, le tout dans une atmosphère conviviale et chaleureuse.

 

Car quelle autre activité collective a évacué la notion même de compétition entre ceux qui la pratiquent, et pousse ses membres plus compétents à se mettre spontanément  au service des moins aguerris ? Pour l'objectif que tous se sont fixés : donner les plus beaux concerts possible.

Laissons le mot de la fin à César Geoffray, fondateur - dans l'immédiate après-guerre - d'un mouvement « A Cœur Joie », plus vivace que jamais : « Autour d'un diapason, on ne discute pas, on s'accorde ».

 

Michèle Lhopiteau.

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    SPECTACLES ET CONCERTS

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Saison musicale 2015 : Musique au Val-de-Grâce

Organisée avec tant d'enthousiasme par Hervé Désarbre, son organiste titulaire, la dix-septième Saison : « Musique au Val-de-Grâce » — sous le Haut Patronage du Ministre de la Défense — a été inaugurée le samedi 3 janvier 2015 par un brillant hommage à Albert Schweitzer (1875-1965), intitulé : Il est minuit, Docteur Schweitzer, tout en y associant, à l'occasion de ses 80 ans, le compositeur Jean-Jacques Werner, né à Strasbourg en 1935, et le Frère Roger Schutz, tragiquement disparu à Taizé en 2005. Hervé Désarbre a souhaité la bienvenue aux très nombreux auditeurs, situé la manifestation « entre modernité et tradition » et rappelé la présence de l'Alsace (Strasbourg) et de l'Afrique (Lambaréné).

Comme de juste, une œuvre de J. S. Bach, musicien favori du Docteur : le Motet Singet dem Herrn ein neues Lied (BWV 225) a introduit le Concert, avec le concours de la Chapelle-Musique du Val-de-Grâce et des Musiciens de la Chambre de la Reine, placés sous la direction d'Étienne Ferchaud. Quant à Hervé Désarbre, par une registration lumineuse, il a conféré au Prélude-Choral sur Erbarm dich mein, o Herre Gott de Jean-Jacques Werner — influencé, entre autres, par le fonds hymnologique luthérien — toute l'intériorité souhaitée par le compositeur qui spécule sur les dissonances et les contrastes de tessitures. Bach était encore évoqué avec l'œuvre de Knut Nystedt (1915-2014) : Immortal Bach pour chœur spatialisé, qui marqua l'un des points culminants de la soirée, avec de judicieux déplacements des chanteurs, un usage modéré de la dissonance, des effets de résonance, l'utilisation de tous les volumes, un paysage vocal très expressif assurant à cette démarche particulièrement intéressante à la fois plénitude vocale et sérénité de circonstance. Le Psaume CXXX Aus tiefer Not de Philippe Hersant (né en 1948) s'éleva des profondeurs, créant une tension extrême, tourmentée, lancinante mais aussi apaisante, délibérément dans le langage compositionnel de la fin du XXe siècle. Avec Hervé Désarbre : retour à Bach, en écho avec Jean-Jacques Werner : le Prélude de choral Erbarm dich mein, o Herre Gott (BWV 721) est une intense prière, avec cantus firmus énoncé à la partie supérieure et bien scandé à la pédale ; elle s'imposa par son caractère dépouillé et bienfaisant. La musique contemporaine était aussi représentée par l'Evening Hymn en Xhosa (langue officielle d'Afrique du Sud) de Grant McLachlan (né en 1956), s'inspirant de l'Hymne Te lucis ante terminum, pour chœur a cappella. En guise de point d'orgue, les chanteurs intrépides menés énergiquement par Étienne Ferchaud se sont aventurés dans la version (pour chœur a cappella) par Robert John de la célèbre chanson The Lion Sleeps Tonight (Solomon Linda (1909-1962)), avec une rare précision rythmique, une excellente articulation des onomatopées et une grande minutie dans le détail.

Pour ce premier Concert de la Saison 2015, Hervé Désarbre a lancé un programme éclectique, extrêmement varié, voire inattendu, tout en rendant hommage à Albert Schweitzer, Jean-Jacques Werner et au Frère Roger Schutz, sans oublier l'Orgue Cavaillé-Coll classé Monument historique. Le 31 janvier, sous le titre : Lou Grihoun (allusion au grillon provençal), les Solistes de la Chapelle-Musique du Val-de-Grâce commémoreront la mémoire de l'entomologiste et naturaliste Jean-Henri Fabre, également « avec le rappel des 11 millions d'équidés, 100 000 chiens, 200 000 pigeons ayant participé au conflit de 14/18 ». Cette Saison évoquera encore Dom Pérignon, « père du Champagne » (mort en 1715) ; les 500 ans de la naissance de Sainte Thérèse d'Avila ; 2015, Année de la Lumière en France ; le Mariage de Louis XIII et d'Anne d'Autriche, soulignant, une fois de plus, l'originalité et la diversité des commémorations musicales prévues au Val-de-Grâce.

 

Édith Weber.

Rusalka déconstruite

 

Anton Dvořák : Rusalka. Conte Lyrique en trois actes. Livret de Jaroslav Kvapil. Camilla Nylund, Dmytro Popov, Károly Szemerédy, Janina Baechle, Annalena Persson, Michaela Kusteková, Veronika Holbová, Yete Queiroz, Roman Hoza, Brian Bruce, Yannick Berne. Orchestre, Chœurs et Studio de l'Opéra de Lyon, dir. : Konstantin Chudosky. Mise en scène : Stefan Herheim.


Camilla Nylund © Jean-Pierre Maurin

 

Le Conte Lyrique Rusalka (1901) que Dvořák compose sur le livet de Jaroslav Kvapil, s'inspire du mythe de l'Ondine, sujet traité par bien des auteurs comme La Motte Fouqué (« Undine », 1811) ou Andersen (« La petite sirène », 1837). Le récit en est simple dans son tragique accomplissement : l'ondine Rusalka aspire à devenir femme, après avoir vu un beau jeune homme, le Prince. Le prix de sa nouvelle condition sera d'être privée de l'usage de la parole. Le baiser donné finalement sera mortel pour l'homme aimé. Quoique il ait écrit une musique empreinte de merveilleux, Anton Dvořák n'a sans doute pas voulu se satisfaire d'un premier degré d'illustration. L'histoire de cet opéra, resté populaire, est jalonnée de tentatives plus ou moins réussies d'interprétation, les metteurs en scène s'attachant soit à moderniser, soit à transposer. Stefan Herheim franchit un pas supplémentaire dans sa production conçue pour La Monnaie (2008), et maintenant donnée à l'Opéra de Lyon. Surfant sur les effets de symétrie de l'œuvre, de miroir entre deux mondes, de confrontations d'éléments opposés, et bien évidemment sur le substrat psychanalytique d'une telle trame, il la réécrit tout bonnement. Dans une ville du nord de l'Europe, une prostituée du nom de Rusalka cherche le vrai amour. Celui-ci lui viendra d'un étranger, un marin passant par là. Leur idylle tourne court car le matelot s'entiche d'une femme plus sensuelle et moins énigmatique. Malgré le baiser donné au garçon revenu à de vrais sentiments, Rusalka sera condamnée à retrouver sa condition initiale sur le pavé de la ville et partant, sa marginalité. Le sens est inversé : la perte d'innocence de la sirène pour la condition de femme devient ici la tentative d'une égérie du sexe de s'assurer une liaison convenable. L'échec de l'ouverture à quelque chose de différent la replonge dans son errance éternelle, la condamnant à une irrémédiable vie impure. Broche là-dessus une autre trame dont Vodnik, le maître des eaux, est le centre. Ce « père » des nixes, que Rusalka supplie de lui trouver apparence humaine, poursuit lui-même un destin amoureux. Au final il en sera pour ses frais, puisqu'arrêté par la police pour meurtre de celle dont on sort de son domicile le corps ensanglanté, sosie de Rusalka... La «  vraie » Rusalka réapparait alors, soulevant nonchalamment le drap blanc avant de retourner à des occupations plus prosaïques. Comme toujours avec Stefan Herheim, on est confronté à un trop plein de significations qui se superposent à l'envi, dans un foisonnement symbolique flashant à jet continu des images extrêmement peaufinées. Sa vision de Parsifal à Bayreuth en est le meilleur exemple, quoique nettement plus convaincante que dans le cas présent. On ne sait plus trop ou se situe le centre de gravité. La perte de repères survient très vite. Dès le lever du rideau, on assiste à une longue scène muette, sorte de mise en condition : les allers et venues de citadins déboulant d'une bouche de métro sous une pluie battante... A en juger par cette entrée en matière, et par l'image finale, on aura assisté à un fait divers trivial. Peu d'éléments échappent à une déconstruction en règle du livret, aidé au besoin de quelques coupes sombre textuelles. Tout est asservi à la quête effrénée de sexe, dont aucun détail n'est épargné au spectateur : du bar à filles, proche du bordel, à une procession de nonnes possédées, telles les diablesses de Loudun dépoitraillées, de la vitrine de sex toys et autres dames aguicheuses, qui laisse place à l'enseigne Pronuptia dévoilant de blanches robes de mariées, aux femmes de la ville affublées de difformités du côté de la chose.  Il fallait oser une telle apologie de la laideur dans une pièce si porteuse de merveilleux.

 


© Jean-Pierre Maurin

 

La réalisation technique, même si pas aussi huilée que l'exigerait ce type de spectacle, basé sur une pléthore de détails, de changements à vue, de perspectives constamment renouvelées, et sur une direction d'acteurs millimétrée, est fort honorable, même si on est loin de la perfection inouïe qui présidait à Bayreuth à la représentation de l'œuvre citée. On se lasse vite de quelques clichés revenant en boucle, comme cette façon de colonne Morris surgissant du sol à intervalles réguliers, qui pour donner à voir un contenu aquatique, qui pour mettre en exergue telle passage crucial. C'est juchée au sommet de cet édicule que Rusalka délivrera la belle invocation à la lune. C'est peu dire que le morceau en perd son aura poétique. Les interprètes se plient pourtant avec talent, sinon bonheur, à ces excentricités. Camilla Nylund, qui tenait déjà le rôle titre dans la production du Festival de Salzbourg de 2008, offre une prestation vocale de grande classe. La froideur imposée par la régie n'arrive pas à éteindre les prestiges d'une voix ductile et inextinguible, ni à entraver un investissement plausible dans ses présupposés. De même, le Prince de Dmytro Popov a de la vaillance à revendre et sa composition est crédible. Comme celle de Janina Baechle, Jezibaba la sorcière, dont l'aspect version SDF n'empêche pas une formidable présence. Le Vodnik de Károly Szemerédy est paradoxalement moins intéressant, car le timbre de basse est presque trop clair et le jeu trop éparpillé à force d'être sollicité, l'accoutrement en pyjama rayé bleu ne facilitant pas les choses. De la Princesse étrangère, Annalena Persson, campe bien la raideur, mais non la faconde vocale, car le chant est passé en force. Le chœurs de l'Opéra de Lyon se tirent avec panache d'une régie exigeante. Leurs nombreux équivalents figurants aussi, y compris lors de leur incursion dans la salle durant les festivités de l'acte II. La direction de Konstantin Chudovsky assure plus qu'elle présente sous le meilleur jour la belle musique de Dvořák. Elle manque de subtilité et de nuances, influencée peut-être par la prégnance naturaliste de ce qui se vit sur le plateau. Heureusement que les belles mélodies et les habiles Leitmotive sont là pour nous faire toucher du doigt la suprême poétique d'une partition enchanteresse. 

 

 

Une Chauve-Souris parisienne qui lorgne vers Vienne

 

Johann STRAUSS : La Chauve-Souris. Opérette en trois actes. Livret de Karl Haffner et Richard Genée, d'après la pièce Le Réveillon de Henri Meilhac et Ludovic Halévy. Nouvelle version française de Pascal Paul-Harang. Stéphane Degout, Chiara Skerath, Sabine Devieilhe, Philippe Talbot, Florian Sempey, Franck Leguérinel, Kangmin Justin Kim, Christophe Mortagne, Jodie Devos, Atmen Kelif, Jacques Gomez. Orchestre et Chœur des Musiciens du Louvre Grenoble, dir. Marc Minkowski. Mise en scène : Ivan Alexandre.

 

 


Jacques Gomez, Stéphane Degout, Chiara Skerath © Pierre Grosbois

 

Le chef d'œuvre de l'opérette viennoise, Die Fledermaus, est né sous des auspices français, puisque sa trame est tirée de la pièce, « Le Réveillon », de la paire fameuse Meilhac et Halévy. Johann Strauss qui connaissait le succès de notre Offenbach, ne vint que sur le tard à ce genre délicat. Si le succès de cette opérette s'imposa vite à l'échelle européenne, il fut plus lent à gagner l'hexagone. Une traduction en 1904, due à Paul Ferrier, permit enfin de l'installer durablement au répertoire, grâce à une transposition de l'action en banlieue parisienne... Le temps était nul doute venu d'un rajeunissement. C'est ce à quoi s'est attelé Pascal Paul-Harang. Avec le souci d'une immédiate compréhension du texte, d'où des phrases courtes, et d'authenticité par rapport à la musique, par une recherche prosodique en adéquation avec la respiration musicale. Si le texte est modernisé, il fuit la phraséologie franchouillarde par une volonté revendiquée, selon l'auteur, « d'élégance dans la simplicité ». La mise en scène d'Ivan Alexandre résout à peu près tous les problèmes inhérents à l'exiguïté du plateau de la Salle Favart. Grâce à des changements de décor à vue entre les trois actes, rappelant que La Chauve-Souris est bâtie sur une rigoureuse unité d'action puisque l'histoire se déroule en une seule nuit. Partant du principe que l'opérette est avant tout un jeu miroir où la société parle d'elle-même, il place l'intrigue à notre époque : avec ce que cela comporte de vaine excitation, de tics (l'usage du téléphone portable) et de ramage bling bling. Loin d'être des marionnettes, les personnages acquièrent une épaisseur qu'on leur croyait interdite. Le moteur de l'intrigue, une vengeance ourdie par le notaire Falke à l'endroit de son ami Eisenstein, vaut bien quelques vrai-faux semblants sérieux. Amusante idée aussi d'avoir fait d'Alfred, amant transi de la belle Rosalinde, un ténor de charme à la faconde impénitente, ce qui nous vaut un florilège de débuts d'airs du répertoire maison, tel « Salut! Demeure chaste et pure » à son entrée au Ier acte. Pour le 2eme, et son bal des dupes, exigeant le grand spectacle difficilement réalisable céans, la régie s'offre une idée inédite : le coup de la panne de courant survenant au moment de la berceuse « Soyons frères, soyons sœurs ». Si la ficelle est grosse, du moins permet-elle de rendre plausible l'intermède ouvert, en usage dans toute représentation viennoise, des surprises concoctées pour les invités. Dans une pénombre propice et à la lumière de quelques bougies, place à l'improvisation! Sur le fond sonore de la « Pizzicato Polka », Jérôme Deschamps se lance dans une imitation désopilante du Général de Gaulle, dont la désarmante banalité du contenu déchaîne l'hilarité : la bévue de la chef de plateau qui en branchant une misérable bouilloire, aurait fait sauter les plombs ; et d'en conclure à l'impérieuse nécessité d'un entracte... Au retour de celui-ci, le Prince Orlofsky mitonne une inénarrable parodie de Cecilia Bartoli chantant une aria de Vivaldi avec force borborygmes, incongrue mais diablement enlevée. Une danseuse étoile lui succède pour un pas étudié sur la Polka Schnell « Sous le tonnerre et l'éclair ». Dans une prison high tech, le numéro du gardien Frosch, qui ouvre le dernier acte, sera modernisé sans être banal ni vulgaire. Au fil de la soirée, le divertissement s'avère plus retenu que franchement débridé, les allusions discrètes à l'actualité le cédant à quelques opportunités finement évocatrices ; parti finalement plus pertinent que celui revendiquant de délivrer un prétendu message.

 


Sabine Devieilhe, Jodie Devos, Franck Leguérinel © Pierre Grosbois

 

L'exécution musicale est un succès sans nuage. Marc Minkowski, qui connaît son affaire pour avoir dirigé Die Fledermaus naguère à Salzbourg avec les Viennois, nous plonge avec délice et jusqu'à l'ivresse dans l'exubérance straussienne, de ses valses, polkas et autres marches. Il s'est attaché le concours de deux artistes invités, Peter Wächter, naguère violon au sein des Wiener Philharmoniker, et Martine Bailly, violoncelle solo de l'Orchestre de l'Opéra de Paris. Son orchestre a du mordant et en même temps cette élégance qui confère au discours son allure vitale, partageant souplesse viennoise et raffinement français. Les solistes se dépensent sans compter. Avec Stéphane Degout, qu'on a plaisir à découvrir dans un rôle léger, Eisenstein a de l'abattage, du naturel aussi, et même de l'esprit : quelque fugace citation du Golaud de Pelléas et Mélisande, ou allusion mimétique au « Contessa perdono!» lancé, dans le Figaro de Mozart, par un Comte aussi empêtré dans son inconséquence que notre rentier viennois. Il ne fera qu'une bouchée de ce rôle tendu à l'extrême. Sa Rosalinde, Chiara Skerath, s'affirme au fil de la soirée, et la Czardas du II ème acte a grande allure. La femme cherchant aventure se meut en redoutable séductrice, prenant un malin plaisir à berner son volage d'époux. L'Adèle de Sabine Devieilhe offre un portrait savoureux, hors du cadre convenu de la soubrette maniérée : une fille qui a du tempérament et du prestige vocal à revendre. L'Alfred de Philippe Talbot déploie bagout et ductilité vocale. La froideur calculée de Florian Sempey apporte à Falke, l'outragé notaire qui cherche sa revanche, une vraie dimension, là aussi loin des poncifs habituels du pantin d'opérette, et Franck Leguérinel nantit le directeur de prison Frank d'un comique non appuyé. Fière idée d'avoir distribué Orlofsky à un contre-ténor. Kangmin Justin Kim est proprement impayable, et pas seulement dans la caricature de Cecilia Bartoli : le timbre acidulé vient à l'appui d'une composition excentrique de sale gosse capricieux qui s'amuse à endosser plusieurs costumes. Enfin le comédien Atmen Kélif joue d'un désarmant naturel le maton Frosch et sa vraie-fausse tournure niaise.

 

 

Au cœur de la trilogie viennoise : Alexandre Tharaud aux Champs-Elysées

 


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Voilà un programme que n'aurait pas renié Alfred Brendel puisque réunissant les trois musiciens chers à son cœur, les viennois Mozart, Schubert et Beethoven! Voilà aussi un récital qui sort de l'ordinaire, devant une salle comble : de l'atypique au familier, de l'aride au plus facile, d'écoute s'entend. Au fil d'une première partie marathon, Alexandre Tharaud enchaîne des pièces de Mozart durant plus de 35 minutes d'affilée, imperturbablement, contraignant les tousseurs à vite faire silence. La rare Suite en Ut majeur K 399 d'abord. Datant de 1782, elle est un des fruits de la «  découverte » par Mozart de JS. Bach, qui selon Jean et Brigitte Massin, plonge alors le musicien dans le désarroi au point de « frapper d'inhibition le processus de l'émulation créatrice ». En trois volets, cette suite, Ouverture Allemande et Courante, reste quelque peu aride. Tharaud poursuit avec la Gigue K 574 (1789), d'une audacieuse facture dont ses notes lourées et piquées, puis avec une autre rareté, le « Modulierendes Präludium », K 624, une des toutes dernières compostions mozartiennes, d'une étonnante liberté de ton, proche de l'improvisation. La Sonate K 331, dite « Alla Turca », nous est plus aisée, très familière sans doute. Elle a été écrite à Paris, en juillet 1778. De sa manière patricienne, Tharaud l'aborde avec égard et humilité. Soulignant combien sont imaginatives les six variations de l'Andante initial, brodant sur le thème d'un Lied folklorique allemand, piquant çà et là des traits facétieux qui ôtent à ce mouvement qualifié de « grazioso » tout caractère galant. Le Menuetto coule de source avec une note plus sérieuse au Trio médian. Le pianiste distille le finale «  allegrino » avec esprit, se faisant un régal de ce rondeau bouffon, de cette « turquerie » qui anticipe la « musique des Janissaires » de l'Enlèvement au Sérail. Tharaud ouvre la seconde partie du concert avec les Danses allemandes D 783 de Schubert. Il n'est pas aisé de s'y retrouver dans la profusion de danses composées par le maître viennois. Pour ce qui est de celles-ci, elles ont été écrites à des périodes diverses durant les années 1823 et 1824. Le pianiste fait choix de les donner dans un ordre personnel, affirmant là encore une démarche inventive aux fins de  contraster les divers affects véhiculés, malgré leur apparente simplicité, où l'allègre côtoie le triste, l'éclat la douceur, la tendresse la gravité, la naïveté touchante la note dramatique qu'on n'attend pas. Les enchaînements sont aussi originaux qu'imprévus. Vient ensuite la Sonate opus 110 de Beethoven (1821). Tharaud la conçoit dans une pure filiation avec les deux autres musiciens et en livre une exécution tout sauf spectaculaire, usant d'un spectre sonore non excessivement large, aidé par la sonorité feutrée de son Bösendorfer. Il aborde le « Moderato cantabile molto espressivo » de façon paisible, où se profilent quelques ombres menaçantes. Et même le deuxième thème, si instable dans sa mélodie syncopée, reste du domaine de la demi teinte. L'« Allegro molto », en forme de scherzo, où s'affirment les « interrogations intérieures » (J.& B. Massin) offre une urgence contenue. L'Adagio final ne se pâmera pas dans un inutile épanchement, son chant énigmatique atteignant le plus pur dépouillement et la fugue ultime, dans ses deux séquences successives, progressant puissamment avec un superbe contrepoint fff de la main gauche. Une autre démonstration de la manière d'un pianiste qui entend assumer sa différence. Le public est conquis. Il le gratifiera de pas moins de cinq bis : une pièce de Bach, d'une douceur contemplative, jouée dans une quasi obscurité, alors que deux cercles de bougies disposées sur le sol près du piano depuis le début du concert, illuminent seules maintenant le podium ; hommage à n'en pas douter aux tragiques événements récents et intense moment de recueillement. Puis des morceaux de Scarlatti, d'une amusante facétie, de Chopin, une valse plutôt rare, de Rameau, un « tube » tiré des Indes Galantes, et de … Gershwin, swinguant à l'envi. On sort du théâtre à la fois ému et revigoré par le vrai pouvoir de la musique.   

 

 

La Médée de Charpentier fait ses débuts en Suisse

 

Marc-Antoine CHARPENTIER : Médée. Tragédie en musique en un Prologue et cinq actes. Livret de Thomas Corneille. Magdalena Kožená, Anders J. Dahlin, Luca Tittoto, Meike Hartmann, Robin Adams, Silke Gäng, Alice Borciani, Jenny Högström, Yukie Sato, Tiago Pinheiro de Oliveira, Dan Dunkelblum, Ismael Arróniz. La Cetra Vocalensemble Basel. La Cetra Barockorchester Basel, dir. Andrea Marcon. Mise en scène : Nicolas Brieger.

 


Magdalena Kožená ©  Hans Jörg Michel

 

Cette nouvelle production du Theater Basel constituait la « Première suisse » de la Médée de Charpentier. Dans son introduction, le chef d'orchestre Andrea Marcon voit dans la rareté de présentation de cette tragédie lyrique le fait que là où chez Haendel ou Vivaldi la partie musicale peut s'accommoder d'un orchestre moderne, la musique de Charpentier requiert impérativement un orchestre d'instruments anciens, pour en fait ressortir les couleurs spécifiques, en particulier dans les bois. La résidence à Bâle de son ensemble baroque La Cetra permettait cette audacieuse aventure, désormais enrichie par le Choeur La Cetra, récemment fondé par le musicien. L'unique tragédie lyrique de Charpentier a été créée en 1693 à Paris, sur une pièce de Thomas Corneille qui s'est emparé du mythe de Médée, immortalisé par Euripide. L'histoire de la vengeance de Médée qui après que Jason l'eût délaissée et trahie pour la belle Créuse, laisse périr cette dernière rongée par le feu fatal de la Toison d'or qu'elle a pris soin d'empoisonner, puis tue les deux enfants qu'elle a eu de Jason, a été souvent reprise depuis en musique, aussi bien par Cavalli (Il Giasone), Lully (Thésée) que par Cherubini ou Milhaud. L'originalité de Charpentier est de suivre intimement la versification du livret-pièce de Thomas Corneille d'une grande qualité littéraire. D'où la caractérisation des récitatifs qui sont l'épine dorsale de la construction musico-dramatique. Il n'existe pas au fil des dialogues de nette séparation entre récitatifs et arias ou même ensembles. Les courtes arias ou duos sont intégrés dans les dialogues ou procèdent de ceux-ci. De même, la différence, comme il en est dans l'opéra italien ou dans Haendel, entre recitativo secco, récitatif accompagné, arioso et même aria s'estompe ici, au profit d'une déclamation vocale très flexible. Ce qui rétroagit sur le continuum orchestral qui en acquiert une certaine élasticité. Cette exigence de flexibilité conduit à adopter une certaine liberté dans la conduite musicale, estime encore Andrea Marcon. De fait, sa direction est extrêmement vivante, la rythmique calée sur la déclamation de la tragédie française chantée, avec ici ou là quelques accélérations porteuses de tension. Car comme le remarque le metteur en scène Nicolas Brieger, le texte doit rester primordial, la musique le protégeant, le construisant et élucidant son geste et son cheminement. Jouant un des deux clavecins, Marcon laisse s'épancher les suprêmes effluves de la musique de Charpentier avec une conviction de tous les instants. Ses musiciens d'élite (en habit blanc XVII ème et jabot de dentelle) la nantissent d'un son d'une souveraine plénitude, avec une mention particulière au continuo et aux flûtes baroques.

 


Magdalena Kožená & Anders J. Dahlin © Hans Jörg Michel

 

Mêlant les époques, la régie de Nicolas Brieger actualise sans pour autant trop s'écarter de la trame. Omettant le Prologue, il enchaîne les actes, assurant une vraie continuité tragique, manageant savamment les coups de théâtre parsemant l'intrigue. A l'instar de la vision de Corneille, son approche de la femme infanticide dégage une certaine humanité : Médée humiliée par Jason, bannie de la cité par le roi Créon, trahie par Créuse, apparaît plus victime que criminelle. Les horreurs de son infernale machination, ses appels aux hydres démoniaques du Styx, sa soif d'une vengeance implacable sont légitimés par son statut de femme bafouée, acculée à ne plus avoir d'autres possibilités que la vengeance et la mort de ses propres enfants. Les personnages qui l'entourent évoluent dans un environnement qui souligne cette conception : Jason est plus lâche et inconséquent que calculateur, Créon un roi d'un autoritarisme de façade, un brin pervers, et Créuse une égérie ambitieuse, avide de la sensation que doit lui procurer la possession de la toison. La direction d'acteurs finement pensée évolue dans l'environnement froid, mais esthétiquement agréable, d'un intérieur moderne avec ascenseur de rigueur, qui dégage divers plans, dont un sorte de sous-sol en lieu et place de la fosse d'orchestre ; celui-ci étant placé à même le plateau, à droite de l'aire de jeu, ce qui nécessite de la part de l'auditeur quelque moment d'acclimatation pour s'adapter à la source sonore. La composante du « merveilleux » est bien ménagée, dans les divertissements de fin d'actes, qui convoquent forces militaires casquées, égéries déjantées téléguidées par des marionnettistes, démons exagérément effrayants, ou foule d'invités sablant le champagne avant de sombrer plus avant dans la décomposition sanguinaire. La scène finale offre une vision de dévastation, avec force hémoglobine et décharge de boules de feu. Le plateau vocal est de classe et fait sien un idiome vocal virtuose, pourtant éloigné de la brillance. Magdalena Kožená offre de Médée une composition accomplie, partagée entre amour maternel et haine, raison et fureur irraisonnée, atteignant la grandeur de la tragédie classique française. La diction est satisfaisante et la voix s'échauffant, déploie ses vertus dans la longue et délicate scène finale du III ème acte, bardée de trois parties : un poignant lamento, « Quel prix de mon amour, Quels fruits de mon forfait », puis un air guerrier, et enfin la soif de vengeance alors que la magicienne en appelle à l'exorcisme des démons des enfers. Les confrontations tant avec Jason qu'avec sa désormais rivale sont d'un impact inouï. De Jason, Anders J. Dahlin offre les prestiges d'une vraie voix de haute contre à la française, une tessiture aussi rare qu'exigeante, et la stature du héros fatigué mais portant beau se détache à travers un physique de jeune premier. Luca Tittoto campe un roi Créon presque histrion et atteint, lors de la scène de folie, une dimension grandiose dans sa démesure. La voix de basse est d'un métal certain comme il en fut à Aix dans Ariodante l'été dernier. Seule la Créuse de Meike Hartmann paraît moins à l'aise, même si la voix là aussi se détend peu à peu. Une indéniable réussite !

 

 

La Philharmonie s'ouvre enfin à Paris

 

 


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Avec bien du retard la Philharmonie de Paris ouvre ses portes, du moins celles de son auditorium. Car pour le reste, il faudra encore patienter pour voir et apprécier ce que son architecte Jean Nouvel a réellement entendu faire des extérieurs et de tous ces espaces encore clos et sans vie qu'on devine à l'intérieur. Et même à l'occasion de ces soirées inaugurales, rarement la boutade « essuyer les plâtres » aura-t-elle été aussi juste : escalators défaillants, batteries de toilettes pas toutes en eau, poignées de portes manquantes, ascenseurs désespérément discrets, etc...  Mais entrons dans le saint du saint, dans cette salle flambant neuve. On est frappé par la vastitude du lieu, qui pourtant ne verse pas dans le démesuré, et séduit par les lignes courbes agréables à l'œil, sans parler de ces balcons suspendus qui semblent n'être accrochés nulle part. Si le mélange des tons est flatteur, on est moins agréablement surpris par la dominante de couleur noire sévissant dans toute la partie inférieure de la salle, singulièrement celle qui jouxte le podium. Curieuse impression qui ne dégage pas de plaisir immédiat et ne procure pas la sensation de pénétrer dans un lieu magique. Jean Nouvel qui a conçu le magnifique KKL de Lucerne où dominent le blanc et le bois clair, se serait-il plutôt souvenu de l'auditorium tout de noir vêtu qu'il imagina pour l'Opéra de Lyon ; nous rappelant l'irrémédiable sentiment d'enfermement qu'on ressent dans la salle rhodanienne ? L'impression est encore renforcée par l'éclairage indirect diffusant une atmosphère plus blafarde qu'éclatante. Le confort est, par contre, au rendez-vous côté ergonomie des sièges et surtout quant à l'ampleur du plateau qui offre aux musiciens un indéniable espace.

 


Lang Lang © DR

 

Pour son troisième « concert d'ouverture », l'Orchestre de Paris, une des formations en  résidence céans, donnait un programme entièrement russe. Simple coïncidence ou signe des temps que l'attrait pour la culture russe qui, au théâtre, nous vaut en ce moment Platonov, Ivanov et autres Estivants, et côté symphonique la trame du prochain concert de l'Orchestre avec Tchaikovski et Chostakovitch. Ce soir, Paavo Järvi avait convoqué Borodine, Tchaikovski et Stravinsky. Trois maîtres qui savent faire sonner un orchestre. De fait, dès les premières notes des « Danses polovtsiennes » du Prince Igor, on est immergé dans un univers sonore chatoyant. Le son enveloppe l'oreille fastueusement. Ce morceau de concert tiré du deuxième acte de l'opéra, lors que le tartare Kontchak offre à son prisonnier Igor une fête dansée, plus pour lui montrer ses forces que pour le distraire, est rien moins qu'un beau faire-valoir d'orchestre. Dans son orchestration somptueuse comme dans l'agencement de ses quatre morceaux, autant de mouvements endiablés où fleurit l'exotisme. Järvi qui ne mégote pas sur le rythme et la couleur, avec force coups de boutoirs des timbales et fluorescence des cuivres, nous fait toucher du doigt les vertus acoustiques de la nouvelle salle : absence de tout écrasement dans les plus extrêmes forte, excellente définition spatiale des solistes et des masses, et surtout une diffusion du son claire et aérée. Le concerto N° I de Tchaikovski va confirmer pratiquement ces premières impressions. Lang Lang aime l'Orchestre de Paris avec lequel il se produit régulièrement depuis 2004. Il affectionne les grandes machines et les pièces populaires. On sait que l'op. 23 de l'auteur d'Eugène Onéguine est virtuose en diable. Lang Lang ne fait pas mystère de ses dons. L'introduction du premier mouvement sera spectaculaire avec ses déferlements d'arpèges, la section « con spirito » haletante quoique plus intériorisée à travers son thème populaire ukrainien, le développement on ne peut plus dramatisé, la cadence fort adroitement maitrisée, nimbée de son solo de flûte, tandis que la péroraison déborde de puissance. On a là un parfait échantillon de la manière du pianiste chinois : la véhémence des courses arpégées, le furieux des martèlements d'accords, au-delà même du mot de virtuosité ; mais aussi des contrastes extrêmes dans le registre ppp et un toucher qui sait se faire de velours. Cela se vérifie dans le deuxième mouvement, très inspiré dans son début, d'un lyrisme féérique, grâce à la baguette de Järvi qui veille au grain et tire de la petite harmonie de suprêmes effluves. La partie médiane sera joliment fantasque. Du finale, on dira que Lang Lang s'en empare comme d'un maelström aux traits farouchement assénés ou distillés à la limite de l'audible, exagérant là encore les contrastes. Un développement archi brillant mène à l'apothéose finale, d'une folle alacrité. On peut aimer cette manière plus que flatteuse, on peut aussi ne pas l'apprécier du fait de son outrance. C'est affaire de goût. Le bémol acoustique est ici un sentiment d'insuffisante présence du piano dans les tutti, qui ne surnage pas toujours distinctement de la gangue orchestrale. Question de réglage à venir, dira-t-on.

 

Le Sacre du printemps allait conclure avec prestige cette soirée inaugurale. Le grand Œuvre de Stravinsky est d'un pur point de vue sonore une pièce de démonstration autant qu'elle constitue un véritable « showpiece » pour orchestre en termes de standard de qualité. Cette exécution aura permis de vérifier les deux aspects. On tient là sans doute la vraie restitution sonore qu'on attendait depuis longtemps d'une salle parisienne digne de ce nom : une musique qui respire grâce à un réel temps d'écho et qui ne frôle pas la saturation dans les passages les plus chargés, à la différence d'une autre salle récemment ouverte à Paris, et comme on le déplorait tant à la Salle Pleyel. La Philharmonie de Paris est-elle en passe de rejoindre le peloton des grandes maisons comme la Philharmonie de Berlin, le KKL de Lucerne ou les salles mythiques de Vienne, Amsterdam ou Boston ! Paavo Järvi livre du Sacre une incandescente interprétation grâce à un orchestre qu'on a plaisir à trouver au mieux de sa forme : générosité et finesse des bois, sûreté des cuivres, impact des percussions, homogénéité et chaleur des cordes. L'approche mise sur l'aspect tellurique et le déchaînement de fff – qui ne saturent pas au demeurant, les différents plans gardant toujours une clarté exemplaire. Järvi joue fort, très fort, par exemple dans l'Introduction de l'« Adoration de la Terre », où la petite harmonie sonne avec une extrême présence, ou plus avant, tirant un maximum d'impact des batteries de percussions dans la «  Danse sacrale » : les coups violemment assénés à la grosse caisse tonnent telles les déflagrations blanches d'un feu d'artifice. Le débit est magistral, d'un orchestre enfiévré dans tous ses pupitres, comme est consommé l'art de ménager les fabuleuses ruptures émaillant les diverses séquences de cette géniale saga symphonique. Une interprétation qui soulèvera l'enthousiasme de l'auditoire. A juste titre. 

 

Jean-Pierre Robert.

 

Les premiers pas du Concert de la Loge Olympique

 


Karina Gauvin / DR

 

Alors que Monsieur Hollande inaugurait, en grande pompe la Philharmonie de Paris entouré de nombreuses personnalités médiatiques, le public, plus modeste, était venu cependant en nombre, salle Gaveau, pour assister à ce magnifique concert donné par la soprano canadienne Karina Gauvin, accompagnée par le tout nouveau Concert de la Loge Olympique, dirigé par son chef fondateur, le violoniste Julien Chauvin. Un double événement donc, puisqu'il s'agissait de retrouver Karina Gauvin dans son répertoire baroque de prédilection, après son incursion très remarquée et unanimement applaudie dans la Clémence de Titus de Mozart au Théâtre des Champs-Elysées, tout dernièrement, mais également l'occasion d'entendre pour la première fois à Paris ce nouvel ensemble instrumental, le Concert de la Loge Olympique. Un ensemble nouvellement constitué, émanation de Cercle de l'Harmonie de Jérémie Rohrer, jouant sur instruments anciens, dont le nom rappelle la Société Olympique issue de la loge L'Olympique de la Parfaite Estime qui participa avec le Concert Spirituel et le Concert des Amateurs à la diffusion de la musique instrumentale et vocale pendant les dernières années de l'Ancien Régime sous la houlette de nombreux musiciens francs maçons. Sa commande la plus fameuse fut celle des six Symphonies parisiennes composées par Joseph Haydn. Marie-Antoinette assistait, semble t-il, souvent à ces concerts dans la salle de garde des Tuileries où l'on jouait en habit brodé, les auditeurs portant une lyre d'argent à la boutonnière en signe d'appartenance à la Société. Autre lieu, autre façon ce soir, point de lyre d'argent mais un très beau programme entièrement consacré à Georg Friedrich Haendel. Un superbe concert alternant airs d'opéra célèbres et pièces instrumentales pour rappeler que le compositeur allemand avait beaucoup voyagé en Italie avant de se fixer à Londres où il fonda la Royal Academy of Music et le King's Theater, permettant au public anglais de découvrir et de partager sa passion pour l'opéra italien avant de développer le genre de l'oratorio de langue anglaise, le concerto pour orgue, instrument où il excellait, ou le concerto grosso à la manière de Corelli. Force est de reconnaitre que le cadre douillet, élégant et intimiste de la salle Gaveau fournissait un très bel écrin à la voix admirable de Karina Gauvin. Des extraits de Rinaldo, Giulio Cesare, Rodelinda, Salomon, Lotario, Alcina, entrecoupés de Water Music HWV 348 & 350, du Concerto pour orgue op. 4 n° 2, et du Concerto grosso op. 6 n° 1. Une prestation vocale et instrumentale ne souffrant aucun reproche, associant à la pyrotechnie vocale et à l'interprétation véritablement habitée de la soprano canadienne un accompagnement  instrumental toujours juste, en parfait équilibre avec la voix. Un concert conclu par un triomphe et une standing ovation de la salle. Bravo à tous, et tous nos vœux de réussite au Concert de la Loge Olympique de Julien Chauvin, ensemble instrumental à géométrie variable qui devrait se produire en formation de chambre ou en formation symphonique, sur scène ou dans la fosse, dans un répertoire s'étendant de l'époque baroque à la musique du XXI e siècle. A suivre…

 

Patrice Imbaud.

 

… Les mêmes sous d'autres cieux grenoblois

 


DR

 

Souhaitons au tout nouvel orchestre créé par Julien Chauvin une vie dont la durée dépasse celle de son modèle, Le Concert de la Loge Olympique ! La formation que le violoniste a choisie comme référence, et dont il a repris le nom, n'a en effet donné que trois années et demi de concert à Paris: de 1786 à 1789… et la république sait pourquoi ! Eu égard à la prestation que les musiciens nous ont offert le 13 janvier dernier, à la MC2 de Grenoble, la nouvelle formation mérite en tout cas d'avoir une longue et brillante carrière. Il faut dire que la qualité de l'interprétation de Karina Gauvin y était pour beaucoup.  On sait combien le timbre et l'intelligence musicale de cette soprano sont particulièrement adaptés à Georg Friedrich Haendel. Que ce soit dans Giulio Cesare, Rodelinda, Solomon, Lotario, Alcina, ou encore Rinaldo, Karina Gauvin sait mettre en valeur l'expression sans que la technique, pourtant indispensable dans de telles pièces, ne prenne le pas sur celle-là. Qu'elle me permette cependant une toute petite remarque : j'aurais aimé que l'intensité un peu insuffisante de ses notes basses ne crée pas ce petit déséquilibre dans la mélodie, lorsque, à l'instar de Jean-Sébastien Bach, Haendel confie au registre grave de cette mélodie un rôle également harmonique. Le concerto pour orgue que nous a donné Frédéric Rivoal était fort intéressant, même si on suppose que l'instrument dont disposait Haendel avait un « coffre » plus conséquent. A propos de disproportion dans l'intensité, il faut remercier Shizuko Noiri pour la beauté et la souplesse de ses gestes au théorbe ; car il faut bien l'avouer : la plus part du temps, on n'entendait guère l'instrument (seul le continuo du clavecin perçait l'orchestre). La sonorité et la précision des instruments à vent baroques était vraiment digne d'éloge : merci à Antine Torunczyk et Lidewei De Sterck pour leur hautbois si vivant, et surtout à Tami Krausz pour ce son de flûte particulièrement chaud. En conclusion, le seul reproche que j'oserai faire à l'ensemble, pour ce concert dont le programme était très équilibré (bravo pour la variété dans la succession des pièces), tient à sa jeunesse : comme je l'aurais signalé à un jeune soliste, j'ai trouvé que le tempo trahissait, surtout dans la première partie, une légère fuite en avant. Énergie sans précipitation, Julien comprendra, s'il entend l'enregistrement, ce que je veux dire. Merci enfin pour le « Lascia ch'io pianga » donné en bis en hommage à Charlie. Bravo à tous et à bientôt dans Haydn !

 

Philippe Morant.

 

 

Gaspard Dehaene joue Bach et Schumann au Musée d'Orsay

 


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Voilà un programme original : ne jouer que des Fantaisies, en partant de Bach (Fantaisie Chromatique et Fugue BWV 903) pour arriver à Schumann (Fantaisie pour piano en Do majeur, op. 17), en passant par Mozart (Fantaisie en Ré mineur K 397) et Haydn (Fantaisie pour Clavier en Do majeur Hob XVII 4). Mise à part la Fantaisie de Haydn et celle de Mozart, le jeune Gaspard Dehaene, pour son premier concert à l'auditorium du Musée d'Orsay, s'attaque à deux œuvres complexes que sont la Fantaisie BWV 903 de Bach et celle op.17 de Schumann. Né en 1987, Gaspard Dehaene obtient son master en 2012 au CNSM de Paris. Lauréat de plusieurs concours internationaux, il s'est produit à maintes reprises dans différents festivals en France et à l'étranger. Passionné de musique de chambre, il a enregistré un CD avec l'excellent altiste Adrien Boisseau consacré aux sonates piano-violon de Schumann et un autre de Roussel avec Anne-Lise Durantel. Gaspard Dehaene est un très jeune pianiste avec beaucoup de qualités techniques. Il l'a prouvé dans la Fugue de Bach et à maintes reprises dans la pièce de Schumann. Mais comment interpréter des œuvres si complexes ? De très grands musiciens ne se sont mis à les jouer en concert et à les enregistrer que très tardivement dans leur carrière. Dès l'attaque de la Fantaisie de Bach on a senti que Dehaene partait dans une interprétation un peu appliquée et avec des accents romantiques. La Fugue demande du doigté et à être jouée sans affect, ce qu'il a réussi à faire. Pour la Fantaisie de Schumann, œuvre d'une puissance romantique immense – c'est un cri d'amour déchirant du musicien à Clara, espérant qu'elle deviendra sa femme, le père étant totalement opposé à cette union – le compositeur demandait à ce qu'elle soit jouée de manière fantasque et passionnée. Pas évident à faire sentir ! Il faut peut-être avoir plus de vécu pour l'interpréter : le grand adolescent timide qu'il paraît, est peut-être trop jeune pour ressentir toutes les nuances qu'il y a dans cette œuvre, pas si « fantaisie » que veut bien dire le titre. Dans cette composition on entend beaucoup de compositeurs présents ou à venir : Beethoven avec un hommage à ses Sonates. Mais aussi Liszt, Wagner, Moussorgski l'ont sûrement entendue. Gaspard Dehaene est un pianiste plein d'avenir, assez courageux pour jouer un tel programme. C'est tout à son honneur. Il a tout le temps devant lui pour trouver le sens profond de ces œuvres. Il est toujours sympathique de découvrir un artiste en « work in progress »

 

Stéphane Loison.

 

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L'EDITION MUSICALE

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Nouvelles :

 

Les éditions Sempre più déménagent. Voici leurs nouvelles coordonnées :

Sempre più Editions, Résidence Rey, 87 avenue Secrétan 75019 Paris

Tél. +33 (0) 954 63 44 78 Fax +33 (0) 959 63 44 78 http://www.semprepiu-editions.com

 

FORMATION MUSICALE

 

Marie-Ange LEURENT : Les proverbes en musique. 21 chansons pour les enfants (collection les mots font des chants). Chanteloup-musique : CMP011.

Que voici une production rafraichissante. Ces chansons sont pleines de fraicheur, et surtout d'une grande qualité musicale. Simples, mais pas simplistes, elles se retiennent facilement sans être « faciles ». On appréciera la qualité de l'enregistrement dont on pourra écouter des extraits sur You Tube. Partition et CD sont disponibles séparément ou conjointement.

 

 

 

José  SCHMEITZ – Ombeline CHALLÉAT : Le joueur de flûte de Hamelin.  Conte musical pour chœur, narrateur et piano. Delatour : DLT1263.

Issue d'une commande de l'ADDIM de la Drôme, cette œuvre, grâce à la musique originale de José Schmeitz, permet de balayer divers styles et diverses époques de la musique. La version pour piano présentée ici est une réduction de la version avec orchestre. Mais il n'est pas interdit de rajouter quelques instruments si on en a la possibilité, notamment… une flûte !

L'argument est tiré de la célèbre légende transcrite par les frères Grimm, actualisée, certes, mais gardant toute sa saveur et sa cruauté. La musique, de style très varié, comme nous l'avons dit, est fort intéressante et sans grande difficulté d'exécution. Souhaitons de nombreuses représentations à cette remarquable réalisation.

 

 

 

CHANT

 

Gualtiero DAZZI : Sette corte melodie da Michelangelo  per voce sola (voix seule). Dhalmann : FD0455.

Les textes de ces courtes mélodies sont extraits de différents sonnets de Michel-Ange. On trouvera le texte et la traduction de ces sonnets au début de la partition. La musique est au service du texte, sans effets redondants. Le tout est vraiment très beau, lyrique dans la sobriété. C'est une remarquable réussite.

 

 

 

Davide PERRONE : For now  pour mezzo-soprano ou soprano et piano. Niveau moyen. Delatour : DLT2409.

Le poème, qui tourne autour de thèmes amoureux est également de David Perrone. Après une introduction au piano, la mélodie se déroule dans un climat parfois un peu inquiétant. Deux versions : une pour mezzo, l'autre pour soprano, dans le même recueil.

 

 

 

Nicolas CHEVEREAU : Deux mélodies saturniennes  sur des poèmes de Paul Verlaine pour chant et piano. Delatour ; DLT2490.

Ces mélodies ont été écrites pour l'Académie Francis Poulenc-Tours qui a célébré en 2014 les 170 ans de la naissance de Verlaine. De ces deux poèmes, le premier ne fait pas à proprement parler partie des Poèmes saturniens mais peu importe. Les mélodies de Nicolas Chevereau sont d'une grande fidélité à l'esprit de ces poèmes et en expriment notamment toute l'ambiguïté et toute l'angoisse, toute la violence aussi, spécialement pour Cauchemar.

 

 

 

MUSIQUE CHORALE

 

Jean CRAS : Messe à quatre voix  (1908). Chœur SATB. Edition Isabelle Bretaudeau. Version avec réduction. Symétrie : ISMN 979-0-2318-0773-8.

Ne craignons pas les mots : les éditions Symétrie nous offrent un chef-d'œuvre. Et il est heureux que Jean Cras sorte, grâce à ces publications, de l'oubli. On verra sur le site de l'éditeur le commentaire si pertinent d'Isabelle Bretaudeau. Cette messe « a cappella », qui renoue avec les messes « a cappella » de la Renaissance est tout à fait nouvelle au moment où il la compose. Nous serions tenté d'y voir l'influence de son maître Alexandre Guilmant et, à travers lui, de la Schola Cantorum. Toujours est-il que cette œuvre inédite fut exécutée et enregistrée pour la première fois en 2007 sous la direction de Pierre Calmelet pour le label Timpani. On peut écouter des extraits de cet enregistrement sur le site de l'éditeur. L'édition proposée comporte également une notice détaillée par I. Bertraudeau. Précisons que la partie de piano, simple réduction des voix, qui figure dans la partition ne doit en aucun cas, selon la volonté expresse de l'auteur, servir pour une audition publique de l'œuvre.

 

 

 

 

ORGUE

 

Gustav MALHEER – Paul STERNE : Lieder eines fahrenden Gesellen (Chants d'un compagnon errant)  pour orgue. Delatour : DLT2497.

Précisons tout de suite qu'il ne s'agit pas, au sens strict du terme, de transcriptions. Pensé à la manière d'un prélude de choral, chacun des quatre lieder est remodelé, réinterprété pour un instrument symphonique à trois claviers pédalier. La registration est donnée à titre indicatif mais l'auteur-adaptateur précise bien qu'il faut « éviter de se rapprocher à tout prix de la version originale mais plutôt […] rester dans le caractère propre à la littérature de l'orgue ».

 

 

 

Max MÉREAUX : Adagio  pour orgue. Moyen. Lafitan : P.L.2837.

Cette pièce méditative demande un instrument conséquent puisqu'il y faut trois claviers et pédalier. La régistration montre cependant qu'on pourra ruser pour une interprétation sur deux claviers… L'ensemble, atonal, se meut par chromatismes dans une ambiance de recueillement qui sera encore accentuée par l'emploi exclusif des 8 pieds, de la gambe et du salicional.

 

 

 

PIANO

 

Jean KLEEB : Jazzy piano.  Bärenreiter : BA 10627.

Œuvres originales écrites sur des schémas baroques, thèmes connus retravaillés ou variations jazzy sur un thème de Brahms : on trouvera beaucoup de variété dans ces différentes pièces. Il y faudra, bien sûr une connaissance de ces styles ou un professeur capable de guider efficacement l'élève dans ces pièces de caractère varié, certaines, comme Beathina, étant très poétiques… Bref, il s'agit d'un recueil aussi original qu'intéressant.

 

 

 

Michael TÖPEL : From Handel to Ravel.  39 pièces originales faciles pour piano. Bärenreiter : BA 8771.

Très connues pour certaines mais surtout peu connues, ces pièces faciles de compositeurs célèbres permettront de renouveler le répertoire des jeunes pianistes avec des œuvres de qualité. Le choix est fort judicieux, l'édition et les doigtés soignés. Il s'agit donc d'un recueil qui apportera une contribution intéressante à l'enseignement du piano.

 

 

 

Dominique PATTEYN : Auprès de mon arbre  pour piano. Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L.2844.

Il n'y a pas de rapport direct avec Brassens… mais la pièce est fort agréable, fort bien écrite avec une deuxième partie fuguée de la meilleure venue. Voici un arbre bien séduisant…

 

 

 

Thierry DELERUYELLE : La légende de Baba-Yaga  pour piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2882.

Il ne sera pas inutile de faire entendre la pièce tirée des Tableaux d'une exposition pour mettre l'élève dans, l'ambiance… Après une sorte de prélude « Mystérieux », cette oeuvre débouche sur un 6/8 haletant rappelant peut-être la course de la petite fille de la légende et sa fruite devant la sorcière, à moins que ce ne soit la course de la sorcière elle-même. Quoi qu'il en soit, l'ensemble est plein d'intérêt à la fois poétique et musical.

 

 

André TELMAN : Vers le bout du tunnel  pour piano. Fin de 1er cycle. Lafitan : P.L.2826.

Quatre notes obsédantes, déclinées dans tous les tons et qui ne sont pas sans rappeler celles du nom de Bach, à quelques variantes près, forment comme un leitmotiv obsédant, soutenu par des rythmes divers. Est-ce cela le bout du tunnel ? L'ensemble génère une atmosphère un peu inquiétante mais qui n'est pas sans charme et sans surprises. Cette pièce ne pourra pas laisser indifférent nos jeunes interprètes.

 

 

 

GUITARE

 

Jean-Max FRÉZIGNAC : Le Naufragé.  Pièce pour guitare. Préparatoire. Lafitan : P.L.2943.

Ce naufragé parait bien mélancolique. Manifestement, il se pose beaucoup de questions sur son sort, si on en croit les points d'orgue suspensifs. Mais cela ne nuit pas au charme de cette pièce à l'ambiance nostalgique.

 

 

 

VIOLON

 

Pietro LOCATELLI : Caprice en ut mineur  pour violon seul. Arrangement de César Thomson. Moyen-avancé. Delatour : DLT1683.

C'est un plaisir de découvrir ces partitions inédites et pleines d'intérêt. L'arrangement du quatrième Caprice réalisé par César Thomson nous est parvenu par une élève de ce dernier, Sacha Bluhm-Bonnet,  qui avait recopié et révisé la partition qui n'existait qu'à l'état de manuscrit.

 

 

 

Paul STERNE : Mélodie  pour violon et piano. Assez facile. Delatour : DLT2481.

Cette très belle Mélodie  se déroule comme un long fleuve coulant du début à la fin sans que rien ne puisse entraver son cours. Son appel récurent au mode de Fa lui donne une couleur bien particulière, mêlant au discours un brin d'étrangeté qui ne nuit pas, loin de là, à la chaleur de la phrase. C'est une belle œuvre, techniquement assez facile mais qui demande une grande maturité musicale de la part de ses interprètes. On peut l'écouter intégralement sur le site de l'éditeur.

 

 

 

Claude-Henry JOUBERT : Qui a volé la colophane ?  Une enquête du commissaire Léonard pour violon (niveau fin de 1er cycle) avec accompagnement du professeur de violon. Lafitan : P.L.2801.

« La musique du XXIème siècle ne sera pas celle des siècles précédents. Il semble important que tous les musiciens, amateurs, professionnels, étudiants, et déjà les élèves, puissent tenter d'écrire leur propre musique. » Claude-Henry Joubert, dans l'ensemble de ses œuvres pédagogiques et tout spécialement dans cette « série » des Enquêtes du professeur Léonard, s'emploie à susciter cette envie, ce besoin, chez les élèves et, espérons-le, chez les professeurs. C'est dire l'intérêt de ces pièces où règnent également humour et bonne humeur, sans oublier la musique, bien sûr !

 

 

 

ALTO

 

Paul STERNE : Poème d'hiver  pour alto et piano. Assez facile. Delatour : DLT2480.

Calme et expressif, c'est le caractère indiqué par l'auteur, et qui caractérise au mieux cette pièce où l'alto et le piano dialoguent tendrement. L'alto est exploité dans l'ensemble de ses ressources et spécialement dans ce registre grave qui lui est propre. Cette très jolie pièce pour un instrument trop négligé devrait séduire beaucoup d'interprètes.

 

 

 

Nicolas CHEVEREAU : Sonate  pour alto solo. Delatour : DLT2492.

Deux mouvements pour cette sonate : Prélude et Danse. Le Prélude comporte quatre parties : Recueilli, Très mystérieux et lointain, Tempo de valse modéré et Tempo I. On aura compris que l'auteur joue beaucoup sur les couleurs, les contrastes les atmosphères. Il en est de même dans la Danse, à la fois mouvementée haletante. Mais là encore, l'auteur indique : « Mystérieux ». Une œuvre assez difficile qui mérite d'être découverte.

 

 

 

VIOLONCELLE

 

Éric LEBRUN : …Souvenirs de la rue Olga, op. 30. Pour violoncelle et piano. Chanteloup-musique : CMP014.

Cette rue Olga se trouve à Fontainebleau, et la pièce est écrite à la mémoire de la violoncelliste et pianiste Jeannine Lhemery qui a formé des générations de musiciens à l'école de musique de Fontainebleau. Sorte de nocturne souple, elle comporte une partie en forme de valse un peu nostalgique avant de se terminer par un decrescendo aboutissant à un pianissimo qui permet à ces souvenirs de s'évanouir dans un silence méditatif.

 

 

FLÛTE

 

Pascal PROUST : Sheratan  pour flûte et piano. Fin 1er cycle. Sempre più : SP0110.

Cette pièce, qui porte le nom d'une étoile, est en forme de rondo, avec un deuxième refrain orné, une cadence, le tout se déroulant dans une jolie ambiance un peu mélancolique. Les interprètes devraient y trouver beaucoup de charme. La partie de piano peut être confiée sans problème à un élève.

 

 

 

Paul STERNE : Intermezzo  pour 3 flûtes. Assez facile. Delatour : DLT2495.

Il s'agit d'un très agréable et poétique entrelacement des trois flûtes qui font penser à un vol de papillons ou de libellules. C'est plein de fraicheur et de charme. Et si ce n'est pas techniquement très difficile, l'ensemble demandera une grande écoute de la part des jeunes interprètes.

 

 

Alexandre CARLIN : Azur  pour flûte en ut et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2924.

Sur un rythme obstiné du piano, la flûte déroule une jolie mélodie qui évolue peu à peu vers une modulation un peu inattendue qui termine le morceau. C'est une pièce très agréable et qui devrait plaire à ses jeunes interprètes.

 

 

 

HAUTBOIS

 

Frédéric BOESARELLO : Tamata (du tahitien « pourquoi pas »)  pour hautbois solo. 2ème cycle. Sempre più : SP0081.

Pourquoi pas, en effet ? Le jeune interprète aura certainement beaucoup de plaisir à jouer cette pièce écrite dans un langage très poétique en même temps qu'un peu taquin. Elle réserve en effet, dans son introduction et son développement de bien jolies surprises.

 

 

 

Leonello CAPODAGLIO : Deux intermèdes  pour hautbois et piano. Premier cycle. Sempre più : SP0132.

Ces deux intermèdes, l'un « avec sérénité », l'autre « élégiaque », déroulent de délicates et sensibles mélodies soutenues par un accompagnement aux harmonies changeantes et doucement colorées d'un peu de nostalgie. C'est une bien jolie musique qui devrait plaire à ses interprètes. On peut en écouter un extrait sur le site de l'éditeur.

 

 

 

COR ANGLAIS

 

Leonello CAPODAGLIO : Cantabile  pour cor anglais et piano. Deuxième cycle. Sempre più : SP0131.

Dans un langage qui pourrait faire penser à Fauré, ce « cantabile » porte bien son nom, lui qui fait chanter l'instrument tout au long de la pièce tandis que le piano égrène une nappe de triolets. Tout cela est plein de délicatesse, de charme et de grâce.

 

 

 

CLARINETTE

 

André TELMAN : La légende du spectre sous-marin  pour clarinette en sib et piano. Fin du 1er cycle (musique de chambre). Lafitan : P.L.2827.

L'atmosphère est inquiétante à souhait, la variété des différentes parties permet d'exprimer les divers sentiments suggérés par la partition. La mention « musique de chambre » signifie que partie de clarinette et partie de piano sont destinées à des élèves et qu'elles ont le même intérêt.

 

 

 

Nicolas CHEVEREAU : Divertissement  pour clarinette en sib  et piano. Delatour : DLT2489.

Se déclinant en trois parties : Ouverture, Cantilène et Rondo, ce Divertissement  est construit le plus souvent sur des variations autour des thèmes. Festif et joyeux, il peut être qualifié d'assez difficile. Mais il est, dans l'ensemble, et même dans la Cantilène, assez jubilatoire. L'ensemble est d'inspiration folklorique.

 

 

SAXOPHONE – HAUTBOIS

 

Gilles MARTIN : 3 bagatelles pour saxophone en si bémol ou hautbois et piano. Troisième cycle. Sempre più : SP0134.

Ces trois pièces pleines de charme sont de caractère bien différent. La première va droit au but dans un rythme obsédant. Le deuxième, commençant par un « Très calme » lyrique, gagne peu à peu en dynamisme pour se terminer par un « jazzy » plein de fougue. Enfin, la troisième, en forme de valse, mettra à l'épreuve la vélocité de l'instrumentiste. Le langage est tonal mais plein d'originalité.

 

 

 

André TELMAN : Le tourbillon infernal  pour hautbois et piano (musique de chambre). Troisième cycle. Lafitan : P.L.2945.

Il est vraiment infernal, ce tourbillon, tant pour le hautboïste que pour le pianiste. Mais une fois la difficulté vaincue, il devrait aussi procurer beaucoup de plaisir. Ajoutons que la fin cesse de tourbillonner pour se transformer en une jolie sicilienne qui donne une note lyrique à cette pièce, finalement pas si diabolique qu'elle en a l'air…

 

 

 

BASSON

 

Pascal CHARTON, Pascal SAINT-LÉGER : Pensée à Monandre  pour basson et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2960.

Pensée à une seule étamine ? Le titre peut paraître énigmatique. Peu importe : la pièce est belle, variée, poétique. Trois parties s'enchainent. Dans la première, le basson est nettement le soliste, même si le piano possède quand même sa part. Une deuxième partie, plus modulante est également plus mouvementée. Dans une troisième partie intervient le retour du thème primitif ainsi qu'un retour au calme qui culmine sur un f. Tout cela fait de l'excellente et bien agréable musique.

 

 

 

SAXHORN – EUPHONIUM – TUBA

 

Olivier KASPAR : Le prophète. Rhapsodie pour tuba (ou saxhorn) et piano. Chanteloup-musique : CMP008.

L'auteur nous offre une version avec accompagnement de piano d'une partie soliste extraite d'une commande du diocèse de Créteil. Il s'agit d'un oratorio composé sur le récit biblique de Jonas dans lequel se trouve une importante partie de tuba solo. C'est cette partie que l'auteur a extraite pour tuba et orchestre puis tuba et piano. L'ensemble, lyrique et contrasté, illustre parfaitement les combats intérieurs et extérieurs menés par le prophète.

 

 

 

PERCUSSIONS

 

Thomas Vandevenne : Les claviers de percussion de deux à quatre. Volume 2. Dhalmann : ISMN 9790560244457.

Ce volume constitue la deuxième partie de la méthode de l'auteur pour passer de deux à quatre baguettes sur les claviers de percussion. Nous avons recensé le premier volume dans notre lettre 68 de mars 2013. Nous avions écrit : « Il s'agit d'une méthode très complète mettant non seulement en jeu la technique des baguettes (de deux à quatre) mais toutes les notions solfègiques, mélodiques, dynamiques et harmoniques qui en découlent. » La méthode est maintenant complète. L'avant-propos et la « note aux élèves » n'ont rien perdu de leur pertinence et la note aux élèves mérite d'être méditée par tout apprenti musicien… ou musicien chevronné !

 

 

 

MUSIQUE DE CHAMBRE

 

Jean-Christophe ROSAZ : Walking in the forest  pour 2 hautbois et marimba. Delatour : DLT2209.

De difficulté moyenne, cette pièce est une commande du Conservatoire de Villejuif. Le caractère agreste tient bien entendu non seulement au style de l'œuvre mais aux timbres spécifiques des instruments utilisés. Joyeusement atonale, cette marche en forêt devrait faire de nombreux adeptes.

 

 

 

Paul STERNE : Rêves sélènes  pour violoncelle et contrebasse. Delatour : DLT2496.

Trois rêves au clair de lune nous sont proposés : « Brumes », « Feux follets », « Cortège au clair de lune ». On sait combien il est difficile d'écrire pour les « basses » seules. L'auteur y réussit parfaitement, créant des ambiances changeantes et poétiques. De moyenne difficulté, l'ensemble est plein d'un charme qui demandera, pour s'épanouir, une grande maîtrise par les instrumentistes des modes de jeux divers mis en œuvre pour créer cette atmosphère.

 

 

 

Daniel Blackstone.

 

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LE COIN BIBLIOGRAPHIQUE

Haut

 

Hugues DUFOURT : La musique spectrale. Une révolution épistémologique. Sampzon, DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com), 2014, DLT2348, 485 p. - 17 €.

Depuis la fin du XIXe siècle, la musicologie — au départ, science historique, musicale et littéraire — s'est rapidement orientée au siècle suivant vers l'esthétique, l'ethnologie, la sociologie, la politique, puis la théorie de la réception, les recherches sur la perception ; au gré des progrès technologiques et grâce à l'informatique : elle est devenue pluridisciplinaire. La pensée musicale a évolué vers l'interdisciplinarité enrichie des apports sémantiques, sémiologiques et épistémologiques. Progressivement, le clivage entre Sciences humaines et Sciences exactes s'est estompé. Vers 1970, la psychologie cognitive, la physiologie sensorielle et la psychophysique ont convergé — d'un avant-gardisme à un autre — vers de nouvelles conceptions philosophiques auxquelles s'ajoute la miniaturisation des approches techniques du domaine sonore.

Hugues Dufourt, pianiste et compositeur, également Agrégé de Philosophie, chercheur au CNRS, est l'un des responsables de l'Ensemble Itinéraire. Auteur de nombreux écrits théoriques sur la musique, il s'affirme comme le meilleur représentant français du courant spectral traduisant la révolution épistémologique. Pour la Musique spectrale : « Le temps musical n'est pas une progression cumulative ni le milieu vide d'une succession de péripéties, le temps est la forme d'un processus. Ainsi la musique spectrale est-elle l'art d'un devenir nécessaire, novateur, tendu vers l'accomplissement d'une fin » (dernière de couverture). Refusant l'esthétique néo-sérielle trop restrictive, le spectralisme s'intéresse à la microtonalité pratiquée dans les années 1980, entre autres, par Tristan Murail, Gérard Grisey, Michaël Lévinas et, bien entendu, Hugues Dufourt. Dans son projet esthétique, cette réflexion collective privilégie l'ambivalence et la coexistence des contrastes ; préconise une « musique de catégories mitoyennes et d'objets hybrides », la modélisation acoustique favorisant l'exploitation de sons réels et de sons inouïs ; elle associe « harmonicité » et « inharmonicité », hauteur et bruit. L'ordinateur, outil d'aide à la composition, permet de modéliser les structures musicales.

Comme le précise Hugues Dufourt dans sa Préface, la musique spectrale « représente essentiellement un changement dans nos modes de penser la musique… ». Elle est « l'exploration des transitions continues entre des domaines traditionnellement hétérogènes ; elle crée des mixtes et s'emploie à franchir des seuils de la perception… » (cf. p. 15-16). Résultat de vingt ans d'expérience et de recherche, cet ouvrage, engendrant un changement dans notre mode de penser la musique et son écriture, élargit la coopération interdisciplinaire allant jusqu'à la neurophysiologie, à la psychophysique, la psychologie expérimentale et la simulation informatique qui, selon l'auteur, « forment le socle épistémologique de la musique de la seconde moitié du XXe siècle » (p. 49).

 

Édith Weber.

 

Hugues DUFOURT : Musique, Pouvoir, Écriture. Sampzon, DELATOUR FRANCE (www.editions-delatour.com), 2014, DLT2336, 417 p. - 25 €.

Hugues Dufourt, philosophe et compositeur, pose, dans ce second livre, la question fondamentale : « Faut-il, pour expliquer la musique de notre siècle, suivre le pessimisme apocalyptique d'Adorno pour qui le formalisme n'est qu'une réaction autodestructive devant les diktats de la société de masse ? Faut-il, à l'inverse, s'en tenir aux seules nécessités internes de la modernité musicale ? ». Il « refuse de s'enfermer dans ce dilemme et tente de montrer que, se greffant sur les données sociales intellectuelles scientifiques et techniques du monde moderne, la création musicale au XXe siècle agit comme le révélateur permanent des équilibres et des contradictions qui définissent l'unité et les buts d'une civilisation » (cf. dernière de couverture).

Compte tenu des changements méthodologiques et des progrès de la technologie informatique, le dénominateur commun concerne les rapports de la recherche et de la création. L'auteur affirme qu'il « reste convaincu qu'une création authentique ne peut plus être aujourd'hui une aventure solitaire et qu'elle présuppose le soutien institutionnel de la recherche musicale » et il « revendique pour tous les créateurs le droit à l'innovation qui, à mes [ses] yeux, fait partie intégrante de la lutte sans fin — mais non sans issue — pour la démocratie politique ». Après avoir fait allusion à « l'esprit du nihilisme », Hugues Dufourt propose une histoire sociale de la musique à travers Schönberg, Varèse… Il offre une « autopsie de l'Avant-Garde Art et société : la fin d'un clivage » (chapitre 4) et présente Boulez en tant que « musicien de l'ère industrielle ». La deuxième partie aborde la recherche et la création dans la musique occidentale sous l'angle de l'artifice et de l'écriture. Enfin, la troisième partie traite la logique du matériau (hauteur, timbre, espace, musique spectrale, dialectique du « son usiné », rationalité et contrainte de la production sonore).

L'ouvrage contient de nombreuses références bibliographiques (françaises et anglaises) entre autres à Friedrich Nietzsche, Henri Bergson, Paul Valéry, Theodor W. Adorno, T. S. Eliot, Erwin Panovsky, Jean-Claude Risset, avec des précisions sur l'origine des textes réunis et un imposant Index (p. 405-417) qui, à lui seul, témoignerait déjà de l'importance de la démarche plaçant ces réflexions dans les contextes de l'histoire et de la société, à partir de « sa propre pratique et celle des autres ».  Hugues Dufourt a le mérite de susciter de nombreuses réflexions sur la musique de la fin du XXe siècle. Cette publication occupera une place de choix dans la Collection « Musique et Philosophie » confrontant à la fois les philosophes, les compositeurs et les musicologues.

 

Édith Weber.

 

Philippe Malhaire (éd. et dir. ) : Émile GOUE, chaînon manquant de la musique française. 1Vol L 'Harmattan, collection L'Univers musical, 2014, 267 p, 28 €

Destin singulier que celui d'Émile Goué (1904-1946), qui malgré leur caractère restreint, une cinquantaine, a laissé des compositions aussi intéressantes que le sont ses écrits théoriques. Formé auprès de Charles Koechlin, il développe vite une esthétique très personnelle, qui en fait un des compositeurs les plus prometteurs de sa génération. Mobilisé au seuil de la Seconde Guerre mondiale, il est fait prisonnier dans un camp du nord de l'Allemagne. Sa longue captivité, de juillet 1940 à mai 1945, n'entamera pas son élan créateur, le contraignant à une écriture plus dense. L'ouvrage comporte deux parties. D'une part, les « Carnets de captivité », renseignés par le musicien de 1943 à 1945, et inédits. D'autre part, les actes du colloque « Le chaînon manquant de la musique française », organisé en mai 2013, à la Sorbonne. Ces deux types de textes se complètent et permettent de comprendre l'esthétique musicale indissociable de l'homme : « avant tout un sensible, un lyrique... cartésien dont l'art ne s'abandonne pas à la fantaisie de l'improvisation », dira Koechlin. Fondée sur l'affirmation de la tonalité, mais dans une conception élargie jusqu'à la polymodalité, et sur une prédilection pour l'écriture contrapuntique, elle prône le monothématisme ou l'art du « thème générateur », qui appelle « le dépouillement, la nudité, l'austérité » et qu'il ne faut pas confondre avec le caractère cyclique immortalisé par Franck. Pour Goué, «  l'œuvre d'art doit avoir une signification humaine », répondant à l'idée fondamentale de musique seulement guidée par la « nécessité intérieure » car « l'art a pour mission d'aider l'homme à vivre, c'est à dire à accomplir son destin ». La seconde partie s'ouvre par l'appréciation d'un fin connaisseur de l'univers de Goué, le chanteur et théoricien Damien Top qui décrit l'horizon mirifique du compositeur et rappelle que « les interrogations d'Émile Goué rejoignent celles de Georges Bataille, Michel Leiris ou Roger Caillois sur la nature de la société humaine et la notion de sacré » et souligne combien le compositeur s'intègre dans l'évolution du langage musical du XX ème siècle. Des analyses perspicaces de son œuvre religieux (Catherine Massip), de sa musique de chambre vocale (Anthony Girard, qui remarque combien « l'ambivalence entre la tristesse et la joie » est un aspect essentiel de l'esthétique du musicien), et de l'œuvre pianistique (Diane Andersen) préludent à une étude détaillée de certaines de celles-ci, telles que Prélude, Choral et Fugue (1943) et Prélude, Aria et Final (1944). Fruits d'une immense admiration pour le Cantor, ces pièces puisent aussi à l'héritage franckiste, même si l'écriture « est complexe autant qu'inattendue » (Philippe Malhaire). Il en est aussi des pièces pour clavier intitulées « Purgatoires », et du Troisième Quatuor à cordes (analysé par Philippe Gonin), quintessence de sa pensée. Le livre présente encore dans ses annexes des entretiens, notamment avec Philippe Gordien, son compagnon de captivité, qui décrit un homme modeste et note la séduction qui émanait de son regard, ou avec son fils Bernard Goué (*1934), ainsi qu'une liste exhaustive des œuvres d'Émile Goué, elle aussi inédite.

 

Jean-Pierre Robert.

 

REVUES

 

Raymond LAPIE : Jules Demersseman (1833-1866). La vie et l'œuvre, Tempo Flûte. Revue de l'Association d'histoire de la flûte française. Deux figures du XIXe siècle, Volume I, (www.tempoflute.com ), 2014,  64 p. (Abonnement un an : membre actif France 16 €, étranger 20 €).

Le Volume I (n° spécial) de la Revue Tempo flûte, organe de l'Association d'Histoire de la Flûte Française (fondée en 2009), rend hommage à Jules Demersseman (1833-1866) ayant vécu à l'époque des bouleversements techniques, notamment de Theobald Böhm (cf. ci-dessous) et du lancement des saxophones par Adolf Sax (1814-1894), qui ont entraîné de nombreux changements dans le domaine de l'organologie, de la technique et de la virtuosité instrumentales. Raymond Lapie retrace la brève carrière de Jules Demersseman, évoque sa formation musicale au Conservatoire de Paris : flûte, solfège, harmonie, contrepoint et fugue. En 1858, il est flûte solo des Concerts du Casino (orchestre fondé et dirigé par Jean-Baptiste Arban). Il occupera le même poste aux Concerts des Champs-Élysées. En outre, il pratiquera le piccolo à la Garde Nationale, et entreprendra de nombreuses tournées. Il est également un compositeur prolifique, mais sa carrière s'est avérée éphémère. Toutefois, certaines de ses œuvres ont été programmées aux Concerts Pasdeloup et aux Concerts des Champs-Élysées. Il a composé pour harmonie ou fanfare et pour les Concours du Conservatoire. Il s'intéresse aussi à la musique de chambre avec cuivres ainsi qu'aux œuvres pour voix et vents. Il meurt, le 1er décembre 1866. Ce cahier traite encore « la transmission de l'héritage musical », évoque les interprètes après 1871 et propose un aperçu du répertoire. Il contient également l'imposant Catalogue de son œuvre (p. 39-45). Des Annexes accompagnées de brèves notices signalent ses partenaires instrumentistes, ses dédicataires ainsi que les œuvres données lors des examens du Conservatoire de Paris. Étayé d'illustrations (portraits, manuscrits), d'exemples musicaux, ce numéro spécial représente une introduction inédite à la vie et à l'œuvre de Jules Demersseman.

 

 

Édith Weber.

 

Pascal GRESSET : Theobald BÖHM (1794-1881). Les compositions et arrangements, Tempo Flûte. Revue de l'Association d'histoire de la flûte française. Deux figures du XIXe siècle, Volume II, (www.tempoflute.com ), 2014, 84 p. (Abonnement un an : membre actif France 16 €, étranger 20 €).

Le second numéro spécial de la même Revue présente Theobald Böhm (1794-1881) — généralement plus connu que Jules Demersseman — car, à la fois flûtiste, compositeur, facteur et acousticien, il a repensé le principe de la flûte et mis au point un nouveau système facilitant sa justesse. Pascal Gresset évoque l'interprète, le compositeur, l'adaptateur et surtout le soliste ; retrace sa vie : naissance à Munich en 1794 ; en 1810 : cours auprès de Johann Nepomuk Kapeller ; de 1830 à 1848 : première flûte à l'Orchestre de la Cour de Bavière. Il est alors considéré comme l'un des meilleurs virtuoses de son temps. En 1810, il avait déjà fabriqué son premier instrument qui sera inauguré en public, le 1er novembre 1832 à Munich et, après des perfectionnements complémentaires, fera l'objet d'un brevet. Sa carrière est ensuite située par rapport aux premières décennies du XIXe siècle. Le « beau son » de l'instrument est remarqué dans les salles de concert et au théâtre. Comme le souligne l'auteur : « Parmi les flûtistes compositeurs, Theobald Böhm possède une spécificité. Il ne s'adresse pas aux autres instruments, privilégiant le sien — la flûte demeure même, après 1832, le seul instrument équipé du système Böhm auquel il dédie des compositions ou arrangements… ». Après un relevé des « arrangements » (de 1827 jusqu'après 1858), la Comparaison très précise des Études opus 19a et 19b, la conclusion  Jouer Böhm aujourd'hui (au XXIe siècle) sera particulièrement appréciée des enseignants et des interprètes, de même que l'imposant Catalogue établi par Ludwig Böhm (p. 62-69), le précieux Index thématique des compositions de Böhm (36 opus), ainsi que l'abondante Discographie et la Bibliographie sélective en plusieurs langues. Voici donc une indispensable Défense et illustration de l'apport organologique et compositionnel de Theobald Böhm.

 

 

Édith Weber.

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CDs et DVDs

 

Haut

 

Jean Sébastien BACH : Sinfonie & Concerti. Ensemble Baroque Atlantique, dir. Guillaume Rebinguet Sudre. 1CD ENCELADE (www.encelade.net):  ECL1302. TT : 55' 46.

Le Concerto de J. S. Bach pour 2 violons en Sol Majeur, reconstitué d'après la Sonate pour orgue (BWV 530), en 3 mouvements : Vivace-Lente-Allegro, est interprété par Guillaume Rebinguet Sudre (violon Christian Rault (2009) d'après Montagnana, Venise, v. 1720) et Diana Lee (violon appartenant à l'école italienne de la même époque) ainsi que par Magalie Boyer (violoncelle Marco Salerno (2006) d'après un Stradivarius, Crémone, v. 1700) : il s'agit donc, d'une part d'instruments historiques en conformité avec la facture italienne ancienne, et d'autre part de l'arrangement d'une œuvre initialement prévue pour orgue. Les cordes font preuve de précision et de virtuosité, mais les auditeurs seront peut-être surpris par ces sonorités ; il en sera de même pour le Concerto pour 3 violons en Do Majeur d'après le Concerto pour 3 clavecins  (BWV 1064), en 3 mouvements : Allegro-Adagio-Allegro, interprété par Guillaume Rebinguet Sudre, Alix Boisvert (violon de Jean Nicolas Lambert, Paris, 1760) et Simon Pierre (violon Antoine Nicolas Mircourt, même époque). Les mouvements rapides sont bien enlevés, et le mouvement lent respecte le caractère méditatif voulu par le compositeur. Cet enregistrement comporte également la Sarabande extraite de la Suite pour clavier en mi mineur (BWV 996) interprétée par Jean-Luc Ho (clavecin de facture allemande, v. 1730), l'Adagio assai de la Sinfonie (introduisant les Cantates BWV 4 et 12) et l'Andante de la Sinfonia (BWV 196), proches des intentions de J. S. Bach. L'Ensemble Baroque Atlantique, dirigé par Guillaume Rebinguet Sudre, interprète, en outre, avec son chef en soliste le Concerto bien connu pour violon  (BWV 1041), de structure classique en 3 mouvements. Ici : les discophiles se retrouveront en pays de connaissance. Quoi qu'il en soit, la qualité de l'interprétation, vivante et spontanée, est indéniable et, comme le précise Guillaume Rebinguet Sudre : « Se glisser dans la peau du compositeur interprète permet d'entrer dans l'intimité de l'œuvre… et l'on renoue ainsi avec l'essence créative d'une musique du passé ». L'objectif valait la peine d'être lancé : réalisation originale au service d'une autre expérience d'écoute.

 

Édith Weber.

 

« Les plus belles œuvres pour orgue ». Marie-Ange Leurent, Éric Lebrun, orgue. 2CDs MONTHABOR MUSIC (www.monthabor.com). TT : 66'16+ 67'34.

Ces deux CD sont interprétés en alternance par Marie-Ange Leurent (élève de Gaston Litaize, Premier Prix d'Orgue dans la classe de Michel Chapuis, titulaire du Grand Orgue de Notre-Dame de Lorette à Paris et Professeur formation musicale au CNSM de Paris) et par Éric Lebrun (élève de Gaston Litaize, Michel Chapuis et Daniel Roth, entre autres, et, depuis 1990, titulaire du Grand Orgue Cavaillé-Coll de l'Église Saint-Antoine des Quinze-Vingts). Bien connu de nos lecteurs, le duo, qui a enregistré (sous le même label) l'œuvre d'orgue de W. A. Mozart, vient de sélectionner une remarquable Anthologie totalisant près de 2 h. 15' de musique, avec 33 œuvres allant du XVIe au XXIe siècle, en passant par des chansons anglaises, italiennes et françaises de la Renaissance ; des pages de Francisco Correa de Arauxo (Tiento de septimo), Girolamo Frescobaldi, Jan Pieterszoon Sweelinck, Dietrich Buxtehude (Fugue), Claude Balbastre (Noël) ; et, plus proches de nous, Eugène Gigout (Toccata), Gabriel Pierné (Prélude), Louis Vierne (Carillon de Westminster), Jehan Alain  (Litanies), Maurice Duruflé (Choral varié sur le Veni Creator), Jean Langlais (Chant de paix), Olivier Messiaen (Apparition de l'Église éternelle), entre autres, et également : L'Annonciation (extraite des Cinq Mystères joyeux) composée par Éric Lebrun en 2006. Des Préludes de choral luthérien pour orgue de J. S. Bach (mais aussi de Johann Pachelbel, Georg Böhm, Johannes Brahms) tiennent aussi une place importante, ainsi que sa Toccata et Fugue en ré mineur. L'exceptionnelle sélection de cette Anthologie est incontestablement de nature à combler de nombreux discophiles et les amateurs d'orgue.

 

Édith Weber.

 

Félix MENDELSSOHN : « Des Préludes et Fugues… romantiques ! ». Isabelle Sebah, orgue. 1CD CHANTELOUP-MUSIQUE (www.chanteloup-musique.org ): CMCD003. TT : 50' 42.

Isabelle Sebah, l'organiste bien connue du Temple Réformé de Pentemont (à Paris) — diplômée, entre autres, des Conservatoires de Marseille et du CNSM de Paris, soliste et conférencière internationale — a, autour du titre exclamatif, regroupé sept œuvres de Félix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847) qu'elle interprète en connaissance de cause, à « son » orgue Aristide Cavaillé-Coll (1836, reconstruit en 2014 par la Manufacture d'orgue Yves Fossaert et l'Atelier Pellerin & Fils) et comprenant 3 claviers : Grand Orgue, Grand Chœur, Récit expressif et pédale. En vraie pédagogue et musicologue, elle rappelle qu'« une fugue est une forme d'écriture musicale qui permet une grande inventivité au compositeur au sein d'un cadre très contraint. Plusieurs mélodies (des « voix ») seront entendues simultanément en permanence » et qu'« une seule mélodie initiale (le sujet), jouée seule au départ, va engendrer toutes les voix, par superposition, décalage ou… entrelacement de contre-sujets » ; elle compare la fugue à une « grande tautologie ». Elle justifie son choix de Mendelssohn et de l'adjectif « romantiques » parce que « le romantisme en musique, d'écriture davantage harmonique donc verticale, apparaît justement au tournant du XIXe siècle, notamment avec Mendelssohn, abandonnant le contrepoint pur et dur ». Cette remarquable réalisation intervient juste après la restauration du nouvel Orgue de Pentemont, particulièrement propice à la registration d'œuvres romantiques, permettant aussi de recréer l'émotion dans le sillage de Jean Sébastien Bach. Elle interprète deux Prélude et Fugue respectivement en mi mineur et Ré Majeur (op. 35, nos 1 et 2) composés pour piano, alors que les trois de l'opus 37, en do mineur, Sol Majeur et ré mineur ont été pensés pour orgue. Depuis 2014, l'instrument a gagné en couleurs, et sa titulaire exploite largement et à bon escient ses nouvelles possibilités de registration. Isabelle Sebah met toute sa virtuosité et sa belle musicalité au service de Mendelssohn. Enfin, — pour démontrer combien, par rapport à l'ancien, l'instrument restauré a gagné en caractère orchestral — l'excellente organiste rejoue sur le tutti la Fugue op. 37 n°3 et en propose une version de référence, massive, avec une puissante pédale, un solide sens de la construction et une grande sûreté d'attaque aux claviers. Cette sélection mendelssohnienne, certes romantique mais non sans rappeler l'influence du Cantor de Leipzig, est conforme au titre : Des préludes et Fugues romantiques.

 

Édith Weber.

 

«  Jeu d'orgues à Nice ». Olivier Salandini, orgue. 1CD CHANTELOUP-MUSIQUE (www.chanteloup-musique.org ):  CMCD004. TT : 59' 40.

La démarche de cette réalisation discographique du Label CHANTELOUP-MUSIQUE, toujours à l'affût de projets inédits, est particulièrement originale. En effet, en fonction de son programme si varié, Olivier Salandini exploite les cinq orgues de l'Église Saint-Paul de Pessicart à Nice : 1. l'orgue de tribune K. Schwenkedel (1964), X. Silbermann (1988) Fr. Delangue (2012) ; 2. l'orgue positif Förster & Nicolaus ; 3. l'orgue (facteur inconnu) de style napolitain (1840) ; 4. l'orgue de chœur K. Schwenkedel (1964) ; 5. l'Orgue Mutin-Cavaillé-Coll (1904). Élève de René Saorgin (Nice), Bob van Asperen (Amsterdam) et Reizte Smits (Utrecht), Olivier Salandini est soliste et « continuiste » lors de nombreux concerts en France et à l'étranger. Professeur de clavecin, de basse continue et d'orgue, il est également l'organiste titulaire des Grandes Orgues de la Cathédrale de Bourges. Son programme, particulièrement éclectique, comprend notamment un Fredon sur la Romanesque, l'Almande (sic) de La nonette et Almande (sic) de Brun Smeedelyn, extraits du Manuscrit de Suzanne van Soldt (avec, entre autres, des arrangements de chansons profanes et de danses se rattachant à la tradition musicale hollandaise), conservé à la British Library. Ces pages sont rarement interprétées, alors que la Toccata per l'Elevazione de Girolamo Frescobaldi, le Prélude en sol mineur de Dietrich Buxtehude ou encore la Toccata en si mineur d'Eugène Gigout figurent généralement au répertoire de nombreux organistes. Des œuvres de Louis Vierne, Théodore Dubois et Gabriel Pierné sont plus ou moins à découvrir. L'école d'orgue allemande est représentée par J. S. Bach, avec son Prélude et Fugue en Sol Majeur (BWV 541) et le célèbre Choral pour la communion : Schmücke dich, o liebe Seele, interprété à l'orgue de tribune du facteur strasbourgeois Kurt Schwenkedel, convenant parfaitement à l'atmosphère méditative requise. Ce récital se termine en force, au Grand Orgue de tribune, avec le Prélude op. 7 et la Fugue op. 35 en mineur de Felix Mendelssohn, œuvre particulièrement développée, nécessitant un solide sens de la structure et une registration de caractère assez romantique. Cette réalisation est tout à l'honneur du jeune Label familial CHANTELOUP-MUSIQUE, lancé en 2013.

 

Édith Weber.

 

« Flûte de Pan et Orgue. Trésors de la musique ancienne et baroque ». Philippe Emmanuel Haas, flûte de pan, Dominique Aubert, orgue. 1CD MONTHABOR. MUSIC (www.monthabor.com). TT : 62' 49.

Nos lecteurs connaissent bien le duo formé par Philippe Husser, flûte de pan,  et Pierre Cambourian, orgue (cf. NL d'octobre 2014 et de janvier 2015). Également en 2014, le Label MONTHABOR présente un autre duo français : Philippe Emmanuel Haas (flûte de Pan) et Dominique Aubert (Orgue), accompagnateur et soliste. Comme le précise le texte d'accompagnement : Le Duo « Flûte de Pan et Orgue »  fut constitué en 2009 à la suite de la rencontre entre Philippe Emmanuel Haas  et Dominique Aubert, lors d'un concert organisé par l'association des Amis des Orgues de Saint-Pierre de Chennevières. Enregistré en l'Église Saint-Sulpice de Pierrefonds (Oise), ce CD propose un programme éclectique, avec des arrangements de compositeurs provenant d'Allemagne, d'Italie, d'Angleterre et de France. D'Outre-Rhin : Suite de Danses de Michael Praetorius (1571-1621) et Marches, Danses, Airs de Georg Friedrich Haendel ; de l'autre côté des Alpes : une Sonate de Benedetto Marcello (1686-1739) ; d'Outre-Manche : Airs de John Dowland (1562-1626), Sonate en Ré Majeur de Henry Purcell (1659-1695), Trumpet Voluntary de Jeremiah Clarke (1686-1707). La France est largement représentée par le Premier Caprice de Villers-Cotterets de Michel Richard Delalande (1657-1726), la Première Suite de Fanfares de Jean Joseph Mouret (1682-1738) et des extraits des Six Duos galants d'Esprit Philippe Chédeville (1696-1762). La diversité des formes (fanfare, danse, marche, sonate, air d'Opéra), des styles et des provenances des compositeurs ayant vécu entre le XVIe et le XVIIIe siècle, retiendra l'attention des discophiles. À la plage 30 (extrait de Judas Maccabeus de Haendel), les mélomanes reconnaîtront facilement la mélodie véhiculant le cantique œcuménique bien connu : A toi la gloire, ô Ressuscité (Thine be the Glory). Ce remarquable duo s'impose par ses attaques franches et énergiques, les effets d'échos, les tempi justes, son souci de l'expressivité et son sens du coloris particulièrement mis en valeur. Ils ont signé un programme baroque particulièrement intéressant.

 

Édith Weber.

 

« Eclectic and Singing Oboe ». Guido Toschi Misiani, hautbois. Claudia Bracco, piano. 1CD VDE-GALLO (www.vdegallo-music.com): CD 1443. TT : 61' 19.

Ce disque met en valeur les nombreuses possibilités des timbres chantants du hautbois. Il s'ouvre aux accents de la Sonate en sol mineur attribuée à J. S. Bach (BWV 1020) mais, en fait, composée pour flûte par son fils, Carl Philipp Emanuel (1714-1788). Dans le premier mouvement très allant, pour hautbois, violoncelle et clavecin, le sujet initial est énoncé par le clavecin, puis repris par le hautbois ; le deuxième mouvement Adagio est plus méditatif, avec une mélodie légèrement ornée. Dans l'Allegro conclusif bien enlevé, la mélodie plane sur un accompagnement discret, et Guido Toschi Misiani (hautbois) se joue de toutes les difficultés techniques ; son phrasé s'impose par sa précision. Il fait preuve des mêmes qualités dans son interprétation de la Sonate KV13 en Fa Majeur de Wolfgang Amadé Mozart pour hautbois et clavecin. Enrichie de quelques ornements ajoutés, elle est structurée en trois mouvements : Allegro, Andante plus développé et Menuetto. Pour les Variations en Do Majeur de Gioachino Rossini (1792-1868), en parfaite adéquation avec le registre du hautbois, l'interprète a aussi ajouté quelques ornements et une cadence. Michael Balfe (1808-1870), compositeur irlandais, également violoniste, chanteur et chef, a dédicacé cet Air à la chanteuse Maria Felicia Garcia, alias « la Malibran » (1808-1836), qui avait fait ses débuts à Londres. Comme le rappelle Guido Toschi Misiani, la tessiture du hautbois correspond à celle de la voix de soprano ; cet arrangement est tout à fait conforme à l'esprit d'un air vocal très bien rendu au hautbois qui plane au-dessus de l'accompagnement rythmique du piano. Après cette œuvre de facture classique, figurent deux Fantaisies arrangées par Luigi Bassi (1833-1871) pour hautbois et clarinette en do, extraites de Robert le Diable et d'Un bal masqué, enfin,  pour conclure, hautbois et piano (Claudia Bracco) interprètent Mosaïque, page extraite de La Traviata de Giuseppe Verdi. Voici un programme peut-être inattendu pour hautbois, mais en tout cas révélateur de la riche palette expressive de cet instrument aux sonorités rondes et chaudes et au charme irrésistible.

 

Édith Weber.

 

Jean Sébastien BACH : « Comme un air de Passions ». Bogdan Nesterenko, accordéon. Juliette de Massy, soprano. 1CD AR RE-SE (www.arre-se.com ) :  AR2013-3. TT : 66' 35.

Voici une réalisation discographique qui, en raison du choix de l'accordéon (instrument du XIXe siècle), pourrait surprendre certains, et même Jean Sébastien Bach. L'ukrainien Bogdan Nesterenko a été formé notamment au Conservatoire Supérieur de Musique de Kharkov (Ukraine) dans les disciplines suivantes : accordéon, direction d'orchestre, analyse, écriture, musique de chambre ; depuis 2001, il est soliste à la Philharmonie Régionale de cette ville. En 2006, installé à Lille, il se produit lors de récitals en France et à l'étranger. Cet accordéoniste de concert « pas comme les autres » s'intéresse surtout à la musique baroque, mais aussi à la musique contemporaine. Il sait mettre en valeur la richesse des timbres et exploite les larges possibilités expressives de l'instrument. Avec la Soprano Juliette de Massy — diplômée du CRR de Lille et de la Guildhall School of Music de Londres, entre autres spécialisée dans le répertoire baroque —, ils partagent la même passion pour l'œuvre de J. S. Bach. Les sonorités de l'accordéon, quelque peu apparentées à celles de l'orgue, ne choquent pas vraiment au premier abord. En parfaite connivence et avec un grand enthousiasme, ils restituent dix Airs extraits de Cantates et de Passions, par exemple : Komm, komm, mein Herz steht dir offen (Cantate BWV 74), Ich folge dir gleichfalls (Passion selon Saint Jean, n°9) et Aus Liebe will mein Heiland sterben (Passion selon Saint Matthieu, n°49), si émouvant. En raison du paysage sonore apparenté, les puristes pourraient accepter la version pour accordéon de la Toccata et Fugue en ré mineur (BWV 565). Il en est de même du Prélude et Fugue en la mineur (BWV 543). Une tentative : Bach à l'accordéon, pourquoi pas ?

 

Édith Weber.

 

«   Proverbes en musique ». Petits  Chanteurs de Notre-Dame de Lorette. 1CD CHANTELOUP-MUSIQUE (www.chanteloup-musique.org ). TT : 38' 33.

Ce disque pédagogique pour enfants résulte de la collaboration entre orthophonistes et musiciens professionnels. Marie-Christine Sanlaville et Hélène Salinc en justifient ainsi la démarche : « Les enfants connaissent de moins en moins les proverbes, qui appartiennent pourtant à notre patrimoine  culturel. Rien de tel que le chant pour découvrir ces proverbes et mémoriser des expressions imagées. » Le livret est téléchargeable et les partitions sont disponibles sur le site du Label. Il regroupe 21 proverbes, dont : Tous les goûts sont dans la nature ; Tous les chemins mènent à Rome ; Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît ; L'union fait la force… Cette initiative, placée sous l'adage « Les mots font des chants », favorise la lecture, la connaissance littéraire et sollicite la mémoire auditive, grâce à ces chansons sur des mélodies et des rythmes simples, faciles à retenir. Les voix fraîches et spontanées des enfants (de 5 à 12 ans, en soliste ou à l'unisson) sont accompagnées, tour à tour, par des cordes — dont la justesse laisse parfois à désirer —, des percussions (triangle, tambour…), mais aussi, occasionnellement, par le piano, la clarinette, la flûte à bec, la flûte traversière… Tout le mérite en revient non seulement aux Petits Chanteurs de Notre-Dame de Lorette et aux instrumentistes, mais encore à la musique et aux arrangements de Marie-Ange Leurent, ainsi qu'à l'orchestration d'Éric Lebrun. Intéressante réalisation didactique à l'actif du Label Chanteloup-Musique.

 

Édith Weber.

 

Franz LISZT : Études d'exécution transcendante, S. 139. Mariangela Vacatello, piano. 1CD Brillant Classics : 94250. TT.:

L'impression foudroyante produite sur le public parisien par les trois récents concerts de la jeune pianiste Mariangela Vacatello, à l'Institut Culturel Italien de Paris - qui sous l'impulsion de Marina Valensise, pratique une politique culturelle d'une richesse, d'une étendue et d'une diversité actuellement sans équivalents dans la capitale - ne fait qu'entériner la réputation internationale de cette artiste accomplie, dont la virtuosité technique sert avec la même efficacité l'éloquence expressive et l'effusion lyrique. C'est à Castellammare di Stabia, dans la belle région de Campanie, qu'a vu le jour cette fille de musiciens accomplis, si bien initiée à l'instrument dès l'âge de quatre ans qu'elle sera en mesure de jouer, dix ans plus tard, le premier concerto de Liszt en concert ! De l'évidence de ses dons et du caractère brillant de sa formation, innombrables sont les prestigieuses récompenses qui portent témoignage. Qu'il suffise ici de citer ses deuxièmes prix aux concours internationaux Franz Liszt d'Utrecht (1999) et Ferruccio Busoni de Bolzano (2005), ses triomphes au Premio Venezia (2000) et au Concours Top of the World de Tromso (2009) ou encore sa glorieuse distinction au Concours Reine Elisabeth de Bruxelles (2007). Encore ne s'agit-il ici que d'une liste sélective dont l'unique intérêt est la mise en exergue de la diversité des jurys – et des publics – séduits par un si beau talent, à Milan comme à Paris, à Berlin comme à Bruxelles, à Londres comme à New York, à Vancouver comme à Shanghai… Aussi à l'aise dans la solitude de l'estrade de concert qu'affrontée aux plus grands orchestres de notre temps, Mariangela Vacatello excelle également dans le domaine si particulier de la musique de chambre, manifestant enfin une curiosité musicale qui, attestée par la variété et l'éclectisme de ses programmes, la conduit à préparer actuellement l'enregistrement de l'œuvre pianistique du grand compositeur argentin, Alberto Ginastera (1916-1983).

 


© Mariangela Vacatello/DR

 

Pour ceux qui n'ont pas eu l'heur de l'entendre en concert (encore qu'en la matière Youtube forme un substitut non négligeable), deux enregistrements récents sont impérativement à signaler, consacrés respectivement à Liszt et à Debussy. Dans le premier, qui réunit les 12 redoutables Études d'exécution transcendante  du génie hongrois, la première – et heureuse – surprise vient de la dramatisation délibérée du discours musical. Aux antipodes de ces simagrées de saltimbanque que Liszt abhorrait avec raison, c'est tout un univers, chaotique mais supérieurement ordonné, souvent obscur mais traversé de prodigieuses lumières, qui se fait jour. Rarement la rigoureuse modernité de Liszt aura si bien été mise en valeur ; peut-être d'ailleurs pour cette raison que Mariangela Vacatello habite de façon quasiment physique les partitions placées sur le pupitre de son piano. Liszt eût aimé une telle attitude ! En un temps où la virtuosité n'étonne plus personne (même si, ici, elle pourrait encore éblouir !), c'est avant tout la transcription des joies et des tourments de l'artiste que guette le mélomane. Et pour qui se rappelle la dévotion du grand compositeur pour "la brune Italie", il n'est finalement guère étonnant qu'il revienne à une artiste napolitaine de faire chanter comme personne ces Études d'exécution transcendantes, dont la latitude expressive est antinomique des acrobaties auxquelles trop d'interprètes ont, trop longtemps, sacrifié.

 

Gérard Denizeau.

 

Claude DEBUSSY : Études. Estampes. Deux Arabesques. L'Isle joyeuse. Mariangela Vacatello, piano. 1CD Brillant Classics : 94371. TT.:

Le second enregistrement de Mariangela Vacatello est consacré à Claude Debussy : les 12 Études, Estampes, Deux Arabesques et L'Isle joyeuse y sont interprétées avec une liberté et une inventivité confondantes. Les (trop) rares enregistrements de Claude Debussy qui nous sont parvenus attestent que, chez lui, le pianiste fut loin de se hisser au niveau du compositeur, ce qui, d'ailleurs, eût été singulier au regard de la profondeur de son génie purement musical. Une fois ce point admis, il faut bien convenir que ses enregistrements sonnent moins comme une leçon à méditer que comme un appel à la postérité, seule habilitée à recevoir et à transmettre son message prophétique. Or jamais, pas même chez Pludermacher ou Chaplin, ne m'avait tant frappé la certitude que le miracle de la transmission s'était enfin produit. Sous les doigts de Mariangela Vacatello, c'est de la première à la dernière note que le paradoxe debussyste de la délicatesse vigoureuse nuance tout l'émouvant récit de « l'histoire du monde racontée par le vent ». Au gré de cet envoûtant exercice, la magie joue si bien que l'auditeur en oublie, y compris lorsqu'il s'est lui-même appliqué à (si mal) la domestiquer, la pure virtuosité de ces pages d'une incroyable jeunesse. Le regretté Christian Goubault parlait souvent de son "Dieubussy" dont il souhaitait que le génie fût servi par des vestales ayant su se hisser au-dessus de toute contingence. Que n'a-t-il assez vécu pour assister à l'exaucement de son rêve ! Foi aveugle ? Écoutez, vous croirez…

 

Gérard Denizeau.

 

Jean Sébastien BACH : Le Clavier bien tempéré. Livre I, BWV 846-869. Pierre-Laurent Aimard, piano. 2CDs Universal DG : 479 2784. TT : 55'21+57'14.

C'est en 1722, à la fin de son séjour à Cöthen que J S. Bach achève le Premier cahier du « Clavecin bien tempéré, ou Préludes et Fugues dans tous les tons et demi-tons... écrit et composé à l'usage et l'emploi de la jeunesse désireuse d'apprendre la musique, aussi bien que comme passe-temps pour celle qui est déjà experte en cet art ». C'est dire que ce monument de la musique de clavier - de la Musique tout court - avait dans l'esprit de son auteur une vertu didactique. Avec la postérité, il acquerra, bien sûr, le statut de grand morceau de concert, offrant à ses interprètes un exceptionnel et redoutable challenge. On ne réalise peut-être plus aujourd'hui combien l'œuvre fut novatrice : parvenir avec un instrument de clavier «  bien tempéré », c'est à dire accordé à tempérament égal, à jouer dans les 24 tonalités. En fait rien n'est moins sûr que Bach ait adopté le tempérament égal. De même, le choix de l'instrument joué reste une question ouverte : clavecin, clavicorde, voire orgue, ou encore Hammerklavier ou pianoforte. Ce n'est que bien plus tard, au XX ème siècle, que s'est imposée la tradition de jouer ces pièces sur un piano moderne. Quoi qu'il en soit, leur diversité ne laisse pas d'étonner : à l'extrême diversité des combinaisons explorées répond une variété inépuisable dans la construction et les modes utilisés. D'abord dans les Préludes, en termes de rythmes, de figures mélodiques, de liberté de style, de cadences différentes. Les Fugues ne sont pas en reste qui à trois ou quatre voix, voire exceptionnellement à cinq voix, défient les lois du genre dans la modulation. Elles seront des modèles pour les successeurs de Bach, par leur inventivité et leur dessin toujours expressif. Le Prélude peut annoncer la Fugue ou s'y opposer, mais il règne dans cet ensemble unique un essentiel sentiment d'unité. Il y a là autre chose qu'un cahier d'exercices fastidieux. L'interprétation de Pierre-Laurent Aimard le démontre, qui évite toute aridité. Son approche a quelque chose de cartésien : une objectivité dénuée de sécheresse, toute de clarté dans l'expression du thème comme dans le contrepoint, empreinte d'un souci d'équilibre comme d'une volonté de contraster. Elle fait montre de sensibilité aussi dans le toucher, déployant une palette infinie de coloris. On admire la vélocité qui n'est pas volubilité, encore moins brillance, la réflexion profonde au fil des tranquilles digressions, contemplatives, interrogatives, le sentiment de joie ou de mélancolie, la douceur du geste ou l'impérieuse déclamation. La sonorité opulente du Steinway Grand, capté dans une acoustique aérée de salle de concert, ajoute à notre bonheur.

 

Jean-Pierre Robert.

 

« Piano duos ». Wolfgang Amadé MOZART : Sonate pour deux pianos en Ré majeur, K 448 (375a). Franz SCHUBERT : Variations sur un thème original en La bémol majeur, D 813. Igor STRAVINSKY : Le Sacre du printemps, réduction pour piano à quatre mains. Martha Argerich, Daniel Barenboim, piano. 1CD Universal DG : 479 3922. TT.:75'25. 

Capté live en concert à Salzbourg, ce récital de deux stars du piano n'est pas un long fleuve tranquille, mais communique un indéniable plaisir artistique. La Sonate pour deux pianos en Ré majeur de Mozart a été jouée pour la première fois en novembre 1781, par son auteur et Josepha Aurnhammer, la fille de ses logeurs d'alors. Avec la causticité qu'on lui connaît, Mozart glosera sur la laideur de la jeune femme, car « il est vrai que rien que le fait de la voir est suffisant pour souhaiter devenir aveugle » ! La sonate ne sera publiée qu'en 1784. Mozart la jouera alors avec Babette Ployer. D'où la numérotation tardive au catalogue Köchel. Ce type de pièce restera sans lendemain dans la production mozartienne. Elle est extrêmement brillante tout au long de ses trois mouvements. Le « con spirito » initial s'engage fièrement et ne ménage pas les traits fulgurants. Le thème ample de l'andante, agrémenté d'appogiature dans le meilleur style galant, est largement développé et l'épanchement reste serein, ne visant pas à une expressivité appuyée. Le molto allegro final s'ouvre par un thème joyeux qui n'est pas sans rappeler quelque aria de l'opéra contemporain L'Enlèvement au Sérail. Il s'assombrit par une brève note de mélancolie, avant de conclure dans un bel élan. De ce morceau de bravoure, Argerich et Barenboim se font une démonstration d'éclat, belle mise en doigts pour ce qui va suivre en fin de concert. Avant cela, les Variations D 813 de Schubert auront constitué un moment de grâce. Composée à l'été 1824, alors que Schubert avait rejoint en Hongrie la famille Esterhazy, cette série de neuf morceaux - le thème suivi de huit variations - marque le retour du musicien à la tonalité majeure. Le thème est celui d'une marche plus fragile que résolue, dans un climat clair et dansant qui rappelle Rosamunde. Il est brodé au fil de diverses métamorphoses habiles, que les deux interprètes habitent de fantaisie rythmique et de rêverie. Le programme s'achève par Le Sacre du printemps dans sa réduction pour piano à quatre mains écrite par Stravinsky en même temps qu'il œuvrait à la partition d'orchestre. C'est d'ailleurs sur cette partition de piano que le compositeur surveillera le travail chorégraphique de Nijinsky lors des répétitions pour la création parisienne. Passé l'effet de surprise, on est vite conquis par l'adéquation rare avec la pièce orchestrale que l'on connaît : on retrouve les sonorités d'orchestre et leurs aspérités, leurs scansions véhémentes, comme les ruptures de rythmes et les formidables écarts de dynamique. Le large spectre sonore du piano, joué par les quatre mains, épouse les plus audacieux recoins de la partition. Son modernisme en ressort tout aussi éclatant. Martha Argerich et Daniel Barenboim ne mégotent pas sur les déluges dynamiques et l'effet percussif d'accords assénés rageusement. Leur vision, techniquement incandescente, contraste au maximum. L'impact est inouï, en particulier dans la résonance grave (« Jeux des cités rivales », « Évocation des ancêtres »). La « Danse sacrale » finale est martelée quasi sauvagement, avec ses déhanchements de rythmes. La poétique et la recherche d'atmosphère (« Introduction » de la seconde partie) ne sont pas moins exemplaires.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Richard STRAUSS : Vier Letzte Lieder. Ein Heldenleben, op. 40. Anna Netrebko, soprano. Staatskapelle Berlin, dir. Daniel Barenboim. 1CD Universal DG : 479 3964. TT.: 68'19.

Ce CD clôt en beauté l'année Strauss. Il réunit deux œuvres emblématiques que sépare le temps d'une une vie créatrice. Une vie de héros (1898), poème symphonique, digne de par ses imposantes proportions d'une symphonie, est un morceau faire valoir d'orchestre comme il en est peu, décrivant les épisodes d'une vie, non pas d'un artiste, comme il en est de la Symphonie Fantastique de Berlioz, mais d'un homme face à ses contemporains : Strauss lui-même, en butte aux critiques de ses pairs et détracteurs, et confronté au caractère d'une épouse fantasque, Pauline de Ana, dont les traits sont illustrés dans la troisième séquence, « La compagne du héros », illuminé par le solo du premier violon. Comme dans celle donnée à Paris, l'été dernier, avant l'enregistrement (cf. NL de 9/2014), l'interprétation de Daniel Barenboim est d'une extrême majesté sonore, tout à tour ample et confidente, entre climax impressionnants (scène de la bataille, emportée dans un élan passionné qui lui ôte son aspect ampoulé) et abîmes de lyrisme (grandes vagues expressives avec ralentendos dans la description domestique citée plus haut, qui s'il le frôle, ne sombre pas dans le sentimentalisme ; épisode des « Œuvres de paix du héros » et son catalogue d'auto citations, en particulier de Don Quichotte). La dernière partie est sans doute la plus achevée, munie de son thème au basson, relayé par la petite harmonie et les cordes solistes, péroraison grandiose dans sa lenteur expressive et son climat peu à peu décanté. Le solo de cor mène à un profond apaisement, mémorial dressé à la grandeur du héros qui entre déjà dans l'Histoire... La Staatskapelle Berlin fait merveille et le compliment n'est pas mince compte tenu de la concurrence berlinoise

Les Quatre derniers Lieder, qui forment l'ultime opus du musicien, ont été écrits durant l'année 1948, sur des poèmes de Hermann Hesse et s'agissant de la dernière pièce, de Wolfram von Eschendorf. Elles reflètent l'état d'esprit d'un musicien adulé qui, au soir de sa vie, se remémore ses succès passés et se bâtit une sorte de « tombeau », au sens des pièces d'hommage du XVII ème siècle, paré d'une vêture orchestrale somptueuse et d'une ligne vocale majestueuse, digne de celle dont il dota ses grandes héroïnes à l'opéra. L'atmosphère est sombre et mélancolique, même dans le premier Lied censé célébrer le printemps. Anna Netrebko n'est peut-être pas la voix la plus désignée pour tracer les volutes élastiques imaginées par Strauss, et le timbre russe, un peu dur dans le medium et souligné dans le grave, n'offre ni le crémeux d'une Renée Fleming, ni la suprême grâce d'une Elisabeth Schwarzkopf. Qu'on autorise un souvenir personnel : c'est avec cette prodigieuse interprète, dans cette même œuvre, qu'il nous fut donné d'entendre notre  premier concert au Festival de Salzbourg, à l'été 1964, sous la direction de Herbert von Karajan avec ses Berliner, qui enchaina ensuite Ein Heldenleben. Bien sûr, la quinte aiguë d'Anna Netrebko est rayonnante et la ligne hautement pensée, comme l'accompagnement prodigué par Barenboim, intense, presque intimiste et des plus attentionnés. L'enregistrement, live à la Philharmonie de Berlin, restitue toute l'opulence orchestrale et développe un formidable impact.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Jacques LENOT « Le ciel retrouvé » . Intégrale des sept Quatuors à cordes. Quatuor Tana. 3CDs Intrada : INTRA057. TT.: 66'55+66'09+43'20.

Ces CDs constituent un événement en même temps qu'un tour de force : l'enregistrement de l'ensemble des quatuors écrits par Jacques Lenot par un même ensemble, effectué en quinze jours sous l'œil de l'auteur. Figure atypique de la musique actuelle, Jacques Lenot (*1945) n'appartient à aucun mouvement. Il refusa ainsi d'enter dans la classe d'Olivier Messiaen en 1967, comme de rejoindre  l'IRCAM en 1980, à l'invitation de Pierre Boulez. Sa production, immense et éclectique, fait une large part au piano et même à l'orgue (déjà illustrés par le label INTRADA). Elle s'est enrichie, entre 1998 et 2008, de six quatuors à cordes. La rencontre, en 2012, du Quatuor Tana s'est avérée si prometteuse que le compositeur s'est attelé à composer pour eux son septième opus. Le langage de Jacques Lenot est tendu à l'extrême, héritier du sérialisme, proche de Karlheinz Stockhausen mais aussi de Sylvano Bussotti (*1931). L'ascèse caractérise cet ensemble qui frôle l'impénétrabilité. « Je suis un solitaire qui aime bâtir des secrets en cryptant ses partitions », dit-il. Les traits sont souvent tortueux, acérés jusqu'à la stridence, et le lyrisme plus qu'épisodique, bribes, lambeaux de musique, entrecoupés de silences essentiels. Plusieurs de ses œuvres sont en un seul mouvement, les 3ème, 4ème, 5ème et 6ème. Ainsi le Quatuor N°3, commande de l'association de musique de chambre de Colmar, offre une succession de micro structures: « ces cellules minuscules, ni minimalistes, ni répétitives, sont telles des métastases », explique-t-il. Le 4ème, « A Françoise Thinat », créé au Festival Musica de Strasbourg, en 2008, se développe comme une longue vague, où l'alto se voit offrir un rôle prééminent, avec des sonorités peut-être plus pleines qu'ailleurs, plus consonantes. Il s'achève dans un souffle. Le 5 ème (2005, révisé 2009) cisèle le silence, et chemine vers l'épure, traits du 1er violon, pizzicatos du second, sur une pédale des cordes graves, et vice versa. Le matériau est traité magistralement dans ses différentes manifestations. Le 6ème (2008), également créé à Musica, en 2014 à Strasbourg, est de l'ordre de la métaphore : long frémissement alternant vif/rapide et lent, de ppp à pppp, rythmé par le soliloque du violoncelle et ponctué d'éclats rageurs, pizzicatos arrachés d'une seule corde. Les autres pièces en deux séquences, ne sont pas moins elliptiques :  chuchotements du Mouvement 1 du Premier Quatuor (1998, révisé 1999), allure plus agitée au second ; longues digressions du Septième Quatuor, le plus développé, avec près de 44', mise en musique des 42 dernières lettres de l'écrivain fabuliste suisse Robert Walser (1878-1956) et leur « solitude effroyable et lucide » (Isabelle Françaix). Seul, le Quatuor N°2 (2001) compte quatre mouvements. Écrit au moment même des attentats du World Trade Center de New York et sous le choc émotionnel de l'événement, il est, selon Lenot, « déchiqueté, jeté à vif », dans ses diverses parties, « Retenu », « Furtif », « Voilé » et « Ardent », succession de plaintes, de vagues coupantes, telles d'insupportables éraillures. Le Quatuor Tana, sélectionné par l'Académie d'Aix-en-Provence en 2011, s'est déjà taillé une solide réputation dans le répertoire contemporain. Signant là son premier disque, il démontre une extraordinaire capacité à s'identifier à cet univers exigeant, au-delà même d'une perfection instrumentale assez étourdissante.

 

Jean-Pierre Robert.

 

Philippe HERSANT: Vêpres de la Vierge Marie. Maîtrise Notre-Dame de Paris.  Alain Buet, baryton, Robert Getchell, ténor. Les Sacqueboutiers. David Joignaux, cloches. Olivier Latry, grand orgue, Yves Castagnet, orgue de chœur,  Dir.: Lionel Sow. 1CD Maîtrise N-D de Paris : 004 (distribution Socadisc).TT.: 76'45.

Captation de la création à Notre-Dame de Paris, le 12 novembre 2013, des Vêpres de la Vierge Marie, ce CD en offre un reflet fidèle, voire même avantageux, eu égard à la précision de la prise de son. Pour honorer la commande de « Musique sacrée à Notre-Dame », d'une œuvre pour clore les festivités des 850 ans de la cathédrale, Philippe Hersant (*1948) a conçu une pièce aussi grandiose qu'intense, utilisant au mieux les caractéristiques acoustiques particulières du lieu. Ainsi s'est-il attaché à accommoder entre eux ses divers matériaux : les deux orgues et les divers chœurs de la Maîtrise, auxquels sont joints deux solistes vocaux, des cloches et des cornets et sacqueboutes. La présence de ces derniers est un hommage à Monteverdi et à ses Vêpres. La vastitude des effectifs n'entraine pas pour autant de sentiment de monumentalité, habilement utilisés qu'ils sont au fil des diverses séquences. L'œuvre est constituée de trois parties, chacune introduite par une toccata instrumentale. La première s'ouvre ainsi par une Toccata I, distribuée aux deux orgues, grand orgue et orgue de chœur, et un invitatoire livrant d'emblée l'impression de jubilation. Elle est suivie de l'« Ave Maris Stella » où les divers forces interviennent de manière distincte dans l'espace acoustique : chœur d'enfants et sacqueboutes dans le lointain de l'abside, chœur mixte et cornets au premier plan du transept, introduisant l'effet de différenciation du champ sonore qui traverse toute l'œuvre, à l'aune de la géométrie de l'édifice. Puis vient le Psaume 121, intense moment de réflexion. La Toccata II, qui  prélude à la deuxième partie, est illustrée sur trois plans (grand orgue, orgue de chœur, cornets dans l'abside), enveloppant l'auditeur. Elle se compose du Psaume 126, dont se détache la vibrante invocation (baryton solo) sur les mots «  Lorsqu'il m'a accordé le repos », puis du Cantique aux Éphésiens, avec ses appels de cloches et les accords de sacqueboutes, partie sans doute la plus originale de toute la pièce. La troisième partie est initiée par une Toccata III, faisant appel au registre aigu de l'orgue de chœur, et proposant dans ses pages conclusives, des répétitions d'accords des cloches, digne de la manière de Messiaen. Le Magnificat est le centre de cette ultime partie, ses divers versets ponctués de traits des sacqueboutes au premier plan. La section finale « Gloria Patri et Filio», introduite sur une pédale grave du grand orgue, progresse lentement vers un « Amen » d'apothéose répété à l'envi, là encore dans un effet hypnotique faisant penser à Messiaen. L'interprétation est en tous points excellente. On saluera particulièrement la prestation de la Maîtrise Notre-Dame de Paris.

 

Jean-Pierre Robert.

 


Jean Sébastien BACH. Thierry ESCAICH : « Lux aeterna. Visions of Bach ». Beatrice Berrut, piano. 1 CD Aparté : AP 100. TT : 73'.

Est-ce la magie de la musique de Bach, le mystère et la véhémence de celle de Thierry Escaich, ou la merveilleuse interprétation de Beatrice Berrut qui font de ce disque un immédiat coup de cœur. Charme, poésie, rigueur, dynamisme, souplesse, virtuosité et mystère, voici quelques substantifs qui confèrent à cet enregistrement tout son intérêt. Beatrice Berrut a choisi d'associer quatre compositions célèbres de JS. Bach (Sicilienne extraite de la Sonate pour flûte et clavecin n° 2, Aria de la Suite pour orchestre n° 3, Chaconne de  la Partita n° 2 pour violon solo et 10 Préludes chorals) dans des transcriptions de Kempff, Siloti et Busoni, aux compositions contemporaines du compositeur français (Trois études baroques et Jeux doubles). Une mise en miroir comme un pont entre hier et aujourd'hui, tendu entre le recueillement, la sobriété et la modestie de la musique de Bach et la fougue colorée, endiablée et extatique de celle de Escaich. Un véritable enchantement de bout en bout !

 

Patrice Imbaud.

 

« Caprice ». Tatiana Samouil, violon, Irina lankova, piano. 1 CD Indésens. INDE065. TT : 66'09.

Un disque qui annonce d'emblée la couleur par son simple titre, « Caprice », en référence au Caprice Viennois de Fritz Kreisler qui ouvre cet album. Une musique comme un hommage au violoniste-compositeur Fritz Kreisler (1875-1962) immense musicien, enfant prodige qui lisait la musique à l'âge de trois ans, entra au conservatoire de Vienne à sept ans, obtint un premier prix de violon au conservatoire de Paris à dix ans, puis ne reçut plus aucun enseignement musical avant d'entamer la fabuleuse carrière musicale que l'on sait. Interprète extraordinaire réputé pour son vibrato, son rubato, son aisance, sa spontanéité, son charme, sa sonorité, sa virtuosité et son phrasé caractéristiques, rendant son jeu immédiatement reconnaissable. Compositeur également, dernier maillon d'une tradition remontant à Corelli et Vivaldi, en passant par Paganini, Joachim ou Sarasate, il a laissé plusieurs centaines d'œuvres dont les fameuses petites pièces de salon dans le style viennois faisant le bonheur de tous les violonistes depuis des dizaines d'années. Une musique donc immédiatement accessible, un plaisir d'écoute dont le seul but est de charmer, de mettre en avant violon et interprète. Un programme construit autour de ce seul but associant Kreisler, Saint-Saëns, Sarasate, Paganini et Tchaïkovski. Un pur ravissement où les deux interprètes, parfaitement complices, ne se ménagent pas, pour notre plus grand bonheur. Un disque comme une friandise, à consommer sans modération !

 

 

Patrice Imbaud.

 

« Célébrations ». Philippe Brandeis, orgue. Cuivres de la Garde Républicaine, dir. Sébastien Billard. 1CD Hortus. Collection « Les Musiciens et la Grande Guerre. Vol VIII ». HORTUS 708. TT : 85'38.

Un minutage particulièrement copieux pour ce disque un peu solennel qui nous propose d'écouter  différentes œuvres peu ou pas connues, parfois inédites, pour orgue, de différents compositeurs impliqués de près ou de loin dans la Grande Guerre. Certains morts au front (André Devaere, Georges Kriéger, Frederik Septimus Kelly) ou survivant au conflit (Paul Hindemith) ou encore portant témoignage de leur solidarité ou compassion (Harvey B. Paul, Charles Villiers Standford, Herbert Howells, Nadia Boulanger). Enfin d'autres encore comme Charles Marie Widor ou Marcel Dupré, qui ont composé pour les célébrations officielles, associant orgue et cuivres, apportant grandeur et solennité à leur compositions. Encore un très beau disque de cette superbe collection qui nous fait découvrir des œuvres et des compositeurs parfois méconnus, en associant plaisir d'écoute, découverte, et devoir de mémoire. Une interprétation remarquable à la fois grave, virtuose et recueillie de Philippe Brandeis sur le grand orgue de la Cathédrale Saint Louis des Invalides. Instrument inauguré en 1957 par Marcel Dupré qui y joua, fort à propos, son Poème Héroïque, en hommage aux combattants de la Grande Guerre.

 

Patrice Imbaud.

 

Alexandre SCRIABINE : Complete Mazurkas. François Chaplin, piano. 1CD Evidence Classics/ Little Tribeca : EVCD006. TT : 79'44.

Un merveilleux moment musical que nous offre, ici, le pianiste français François Chaplin, avec cette intégrale des Mazurkas d'Alexandre Scriabine, dont on célèbre, en 2015, le centenaire de la disparition. Un ensemble de 21 pièces qui permettent de suivre l'évolution compositionnelle du compositeur russe depuis ses œuvres de jeunesse (Op. 3) très chopiniennes et romantiques d'inspiration, jusqu'aux œuvres plus tardives, plus personnelles et oniriques (Op. 25 & Op. 40) qui conduiront au seuil du Poème de l'Extase. Des œuvres toutes empreintes d'une richesse mélodique, d'une fluidité qui n'exclut pas l'innovation, superbement interprétées par François Chaplin. Le ton est ici constamment juste, le phrasé pertinent et le toucher d'une merveilleuse souplesse. Un disque véritablement habité qui sort des sentiers battus. A ne pas manquer !

 

Patrice Imbaud.

 

Karol SZYMANOWSKI : Trois Poèmes. Trois Caprices. Igor STRAVINSKY : Divertimento. Suite Italienne. Solenne Païdassi, violon. Frédéric Vaysse-Knitter, piano. 1CD Aparté : AP095. TT : 72'26.

Après un premier CD consacré à la musique française, voici le deuxième enregistrement de la jeune violoniste Solenne Païdassi, associée cette fois au pianiste Frédéric Vaysse-Knitter. Un programme centré sur l'âme slave, avec Stravinsky (1882-1971) et Szymanowski (1882-1937). Des arrangements pour violon et piano, Divertimento et Suite Italienne, effectués par Stravinski en collaboration avec le violoniste Samuel Dushkin, tirés des ballets « Le Baiser de la fée » et «  Pulcinella » et appartenant à la période dite néoclassique du compositeur russe. Des pièces moins connues de Karol Szymanowski, Trois poèmes tirés des Mythes et Trois Caprices d'après Paganini. Un disque dont le thème central s'articule autour des métamorphoses et des illusions, excellente occasion pour ce talentueux duo de faire montre de toute son expressivité, de son talent et de sa cohésion. Des climats bien différents chez les deux compositeurs, mais une même qualité d'interprétation. Une lecture riche, envoûtante, haute en couleur, empreinte de dynamisme et de poésie. Un disque dont on ne se lasse pas ! Magnifique et original.

 

Patrice Imbaud.

 

« The art of the Horn ». David Alonso, cor. Hélène Tysman, piano. 1CD Indésens : INDE064. TT : 57'28.

Un disque rare et original que cet enregistrement de duos pour cor et piano. Quand on connait les grandes difficultés techniques de la pratique du cor, cor naturel ou à pistons, en matière de justesse notamment, on ne peut qu'être admiratif devant les prouesses virtuoses répétées de David Alonso dans ces pièces redoutables connues pour tous les cornistes. La Sonate op. 17 de Beethoven, l'Adante et Allegro de Schumann, l'Andante op. posthume de Richard Strauss, Villanelle de Paul Dukas, Sur les cimes de Bozza, Romance de Scriabine et la Sonate de Paul Hindemith (1939). Autant d'œuvres où l'on peut juger de la douceur et de la rondeur du timbre, de la justesse de l'émission, de la qualité de phrasé, de la franchise et de l'expressivité de l'interprétation du jeune corniste, parfaitement soutenu par le piano sans faille d'Hélène Tysman. Un très beau disque. Indispensable à tous les amateurs d'instruments à vent !

 

Patrice Imbaud.

 

« The Art of the Saxophone ». Nicolas Prost, saxophone. Jean-Yves Fourneau, Anne Lecaplain. Ensemble de saxophones de Paris, dir. Éric Aubier. Misaki Baba, Laurent Wagschal, piano. 1CD Indésens : INDE063. TT : 71'.

Un formidable florilège de courtes compositions, le saxophone dans tous ses états sous les doigts diaboliquement experts de Nicolas Prost, entouré de Jean Yves Fourneau, Anne Lecapelain, l'Ensemble de saxophones de Paris, Misaki Baba et Laurent Wagschal au piano, Éric Aubier à la direction. Des compositions inclassables de Connesson, Fitkin, Kagel, Nagao, Geiss, Horovitz, Bolling, Escaich, Tchesnokov, Yoshimatsu, Françaix, Debussy et Charlie Parker, puisant leur inspiration dans les racines des musiques du monde, du jazz et de la musique dite contemporaine. Un résultat vivifiant, d'une virtuosité et d'une précision rythmique inimaginables. Un très beau disque qui s'adresse à un large public, se situant bien au-delà des simples amateurs de musique classique. Du plaisir pur et du swing garanti  survenant bien à propos en cette année où l'on fête le bicentenaire d'Adolphe Sax, inventeur de l'instrument.

 

Patrice Imbaud.

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MUSIQUE ET CINEMA

 

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ENTRETIEN

 

Le pianiste et compositeur Karol Beffa

 


© Alix Laveau

 

Acteur dans son enfance, Karol Beffa entre à 14 ans au CNSMDP, il y reçoit huit premiers prix. Licencié en philosophie, en histoire, titulaire d'une maîtrise d'anglais, il est normalien, maître de conférence à l'ENS en musicologie, et a été titulaire de la chaire de création artistique au Collège de France (2012-2013). Pianiste, compositeur, il est, en 2013, récompensé aux Victoires de la musique classique. Il nous a reçu dans son bureau à l'École Normale Supérieure de la rue d'Ulm.

 

Au regard de votre parcours extrêmement large et riche, comment vous définissez-vous en définitive?

Je suis compositeur. Je pourrais dire aussi musicien, qui est un terme d'acception plus large. Je me produis comme pianiste et je compose.

 

Pour vous, toutes ces études avaient-elles comme aboutissement de devenir musicien ?

Il n'est pas nécessaire de faire toutes ces études extra-musicales pour être musicien. Si je ne les avais pas faites, je composerais sans doute de la même façon. On va dire que c'était pour me cultiver.

 

C'est se cultiver de manière impressionnante quand même !

Peut-être, mais je soutiens que le rapport avec la musique est faible.

 

A quel âge avez-vous commencé à composer ?

A peu près dès que j'ai su poser mes mains sur le clavier, vers six ans. J'ai le souvenir d'une petite pièce pour piano dans un style vaguement bartokien que j'ai appelée Danse des cartes, avec un petit « c » (il y avait un petit clin d'œil à l'intervalle de quarte qui était très présent dans la pièce). J'ai été formé en harmonie très tôt, vers neuf ans, avec mon premier professeur de piano, Marthe Nalet, élève de Nadia Boulanger, et ce jusqu'à 14 ans, à mon entrée au Conservatoire de Paris. J'écrivais souvent des petites pièces qui étaient en général des pastiches.

 

D'où vous est venu ce goût de faire à la manière de Bartók ?

Lorsque j'ai joué, à huit ans, dans le téléfilm Mozart, mis en scène par Marcel Bluwal, une partie du tournage avait lieu à Budapest. C'était une coproduction Autriche - Hongrie - Italie - France. La Hongrie était encore derrière le rideau de fer, un pays pas cher… Nous avons pu y acheter, ma famille et moi, une grande quantité de partitions, notamment de Bartók, que j'ai commencé à déchiffrer à mon retour en France. Cela a pu m'inspirer.

 

Mis à part Bartók, quels sont les compositeurs qui vous ont marqué ?

Stravinsky, celui de la période russe. Berg, sans doute. Ravel, certainement. Dutilleux, Ligeti…

 

Vu vos origines, avez-vous une affinité avec les compositeurs polonais modernes ou contemporains?

J'adore la musique de Karol Szymanowski mort en 1937. Je pense que c'est un compositeur parfait, le Ravel polonais. J'ai beaucoup écouté Penderecki et Górecki. Après des débuts avant-gardistes, tous les deux ont progressivement réintroduit du matériel tonal dans leur musique. J'aime aussi énormément la musique de Lutoslawski, peut-être le plus fidèle à l'esprit de Szymanowski.

 

Votre musique est une musique très tonale?

Cela dépend des pièces. Mais on peut dire que oui, globalement, c'est une musique tonale au sens large, et parfois même au sens restreint.

 

Que veut dire, aujourd'hui, être compositeur de 41 ans ? Les querelles esthétiques sont derrière vous, non ?

Détrompez-vous, elles sont toujours là. Ce n'est d'ailleurs pas très surprenant : contrairement à la politique, par exemple, l'esthétique, jalouse de son autonomie, ne suit que très partiellement l'actualité, les vogues. Les querelles esthétiques ne dépendent pas des modes, elles reposent sur des enjeux plus profonds. Par ailleurs, quand la politique se mêle d'esthétique, les décideurs n'étant pas le plus souvent des experts artistiques, ils donnent le monopole à une faction qui a pu être à la mode à une époque et qui s'approprie dès lors l'ensemble des moyens, devenant la seule à bénéficier de la faveur étatique. Ainsi, l'école boulézienne est toujours bien en place, le partage des subventions n'est pas à l'ordre du jour. L'IRCAM est là, c'est une institution qui coûte cher aux contribuables, pour une musique que personne n'écoute. Pour revenir à ma musique, elle est beaucoup jouée en France, mais je n'ai jamais bénéficié d'une seule commande d'État. Ma musique n'a pas l'air de plaire aux « experts » des commissions qui attribuent les aides…

 

Cette interview est faite dans le cadre des relations entre musique et cinéma. Si je vous pose ces questions sur votre parcours de compositeur de musique de répertoire, c'est qu'aujourd'hui, il n'y a pratiquement pas de collaboration entre ce type de compositeurs et les réalisateurs. Quel est votre avis sur ce sujet ?

D'abord, je voudrais faire remarquer que l'on a tendance à fétichiser la notion de musique originale. Or, je pense qu'on peut faire un excellent film avec des musiques préexistantes, comme Kubrick l'a montré. On peut, en piochant dans le répertoire et avec un bon montage et un bon mixage, avoir une excellente bande son. Ensuite, il faut se demander pourquoi il y a un tel hiatus entre compositeurs de musique de concert et compositeurs de musique de film. Je pense que c'est lié, pour paraphraser Marx, à une « baisse tendancielle » de l'intensité expressive des musiques de film. Les musiques de film me semblent globalement plus mauvaises aujourd'hui qu'il y a quarante ans. C'est le résultat d'un cercle vicieux. Les réalisateurs — et parfois, pire, les producteurs — pensent que les attentes du public sont pour des musiques très easy listening. Donc ils proposent effectivement des musiques très faciles d'accès. D'où ce cercle vicieux : offrir ce que l'on suppose être la musique que veut entendre le public, au point que celui-ci n'imagine plus autre chose que la musique qu'on lui offre. La généralisation des techniques informatiques et électroniques fait que, désormais, les réalisateurs demandent presque systématiquement une maquette aux compositeurs  et ne veulent plus prendre le risque de découvrir une musique le jour de l'enregistrement. La musique va avoir tendance à être une parfaite paraphrase des images, et l'on va chercher à obtenir une synchronisation au plus près entre musique et image, selon des critères qui sont parfois hasardeux. Or, la magie d'une adéquation entre musique et image tient bien souvent à des choses extrêmement ténues, voire quasi arbitraires. Il ne faut pas chercher nécessairement une synchronisation à la mickey mousing illusoire. Il est très rare aujourd'hui qu'un compositeur anticipe, par la musique, le passage d'une scène à une autre. Ou, au contraire, fasse déborder la fin de sa musique sur une scène à venir. On s'imagine que la musique doit commencer quand la scène commence et se terminer quand la scène se termine. Absence de risque, utilisation des machines - tout cela contribue à une forte baisse de la qualité des musiques de films. Si l'on ajoute que de nombreux compositeurs de cette musique ont un artisanat extrêmement faible, on comprend que le monde de la musique pour le concert et le monde de la musique pour le cinéma soient à ce point séparés l'un de l'autre.

 

J'ajouterais que cet artisanat faible, on le trouve chez les compositeurs de musiques de film mais aussi chez certains compositeurs de musiques contemporaines. Ces compositeurs n'ont souvent aucun métier et ne s'aventurent pas à écrire pour l'image. Ils font parfois illusion quand ils écrivent pour le concert, le public restreint qui les écoute étant un public acquis, habitué des cénacles de musique contemporaine spécialisée… A mon avis, le milieu de la musique de film n'est plus à présent un milieu où c'est le talent qui est récompensé : mieux vaut, semble-t-il, être à l'aise dans les cocktails que posséder un métier solide…

 

Des compositeurs contemporains de musique de concert comme Phil Glass, Michael Nyman, John Corigliano, Terry Riley, ont écrit pour le cinéma des œuvres intéressantes…

Michael Nyman, bien que personnage modérément sympathique, a écrit des œuvres fort estimables. J'ai eu l'occasion de l'interviewer en 1998 : il m'avait dit que, depuis qu'il n'utilisait plus ses musiques, Greenaway était devenu un mauvais réalisateur… Je crois que c'était en effet une belle trouvaille que de pasticher Purcell pour « Meurtre dans un jardin anglais ». Mais souvent, les recettes de Nyman sont un peu éculées. Son Concerto pour piano, dans le film de Jane Campion, est franchement laid. N'importe quel bon élève de conservatoire ferait mieux. « La Leçon de Piano » est un excellent film malgré la musique (et non pas grâce à la musique). Cependant, la musique de « Gattaca » n'est pas trop mal et celle des premiers Greenaway me semble intéressante.

 

Phil Glass fait partie de ces compositeurs de musique qui sont connus bien au-delà du cercle des amateurs de musique contemporaine. Beaucoup de gens n'écoutent jamais Mozart ou Beethoven mais connaissent Glass. Motorique, sa musique a un effet stimulant quand elle rythme l'image. C'est le cas pour la Trilogie des « Qatsi » de Godfrey Reggio. Dans un autre genre et de façon plus inattendue, je trouve que sa musique fonctionne très bien avec ce chef d'œuvre qu'est » The Hours » de Steven Daldry.

 

Pour revenir à la question de la fétichisation de la musique originale, je vais vous citer un exemple où l'utilisation d'une musique préexistante peut être particulièrement réussie. J'ai eu à l'ENS un élève qui, dans le cadre de mon cours sur les « tubes » en musique classique, a fait un exposé sur le mouvement lent d'un des trios de Schubert qu'utilise à foison Kubrick dans « Barry Lyndon ». J'ai pris le risque de prendre une autre œuvre, l'Elégie de Fauré, en version orchestrale, et de la passer au moment où le trio est mis à l'image : l'épisode du jeu de cartes, des premiers émois amoureux. Cette œuvre marche très bien avec l'image, alors que je l'avais choisie un peu au hasard…

 

Y a-t-il, à l'inverse, des compositeurs de musique de films qui se sont essayés à la musique de concert ?

Oui, assurément. Mais au préalable, je voudrais préciser quelque chose. S'il y a des compositeurs de musique de concert pour jalouser la notoriété, et parfois le succès matériel, des compositeurs de musique de film,  symétriquement - et c'est plus étonnant -, il y a des compositeurs de musique de film qui, eux, jalousent le prestige des compositeurs qui écrivent pour le concert. Ainsi, parmi les compositeurs de musique de films les plus reconnus, beaucoup se sont essayé à composer des œuvres pour le concert. Herrmann, génial compositeur de musique de film, a un peu écrit pour le concert. Il a composé un Quintette pour clarinette qui est en train d'entrer au répertoire. Les concertos pour piano de Nino Rota, dans un style post-Rachmaninov, sont de belles œuvres, mais pas aussi inspirées ou originales que ses compositions pour Fellini. Les œuvres pour le concert de Morricone sont très médiocres, alors que c'est un génie de la musique de film. Même John Williams, immense compositeur, a composé un Concerto pour violon post-Berg, bien fait, mais à mon sens beaucoup moins inspiré que La Liste de Schindler, musique peut-être plus easy listening. Et pourtant, je suis persuadé qu'écrire ce concerto pour violon lui a donné beaucoup de mal et qu'il rêverait qu'on l'apprécie davantage que son concerto pour La Liste de Schindler.

 

Revenons à vous. Vous avez écrit des musiques de film pour quelques fictions et surtout pour des documentaires. Quand on travaille sur ce genre de film, on a peut-être plus de liberté en terme de composition ?

Probablement. Dans un documentaire, la musique est souvent là pour donner davantage de rythme, de liant. Il est dommage que les réalisateurs fassent parfois fausse route en achetant de la musique au mètre, passe-partout.

Vous avez travaillé sur un documentaire sur John Waters réalisé par Éric Dahan ! Là on est dans le domaine du collector !

C'est un bon documentaire (je crois que je n'ai pas déposé la musique à la SACEM, c'est un tort…). Éric Dahan a voulu une musique au deuxième degré par rapport au personnage iconoclaste qu'est John Waters : totalement « Saint Sulpicienne », une musique à caractère sacré, un commentaire ironique… Je précise que j'ai écrit ces musiques parce que cela m'amusait et non pas dans un but alimentaire.

 

Vous faites énormément de musiques improvisées à l'image, vous avez improvisé, entre autres, une musique pour ce chef d'œuvre de Griffith « Le Lys Brisé ». Comment aborde-t-on ce genre de film ?

On a tout le loisir de faire ce que l'on veut, puisque plus personne de cette époque n'existe encore… Plus de réalisateur pour vous dire ce que vous avez le droit et ce que  vous n'avez pas le droit de faire. En outre, la parole est réduite aux intertitres, donc la présence musicale est d'autant plus importante qu'elle est tout à la fois ambiance, parole et musique proprement dite. Lorsque je fais ce genre d'exercice, j'essaie de faire une musique continue, pour donner du liant à un montage qui, sinon, risquerait de paraître un peu abrupt.

 

Êtes-vous obligé de voir plusieurs fois le film ?

Je connais en général très bien le film. Pour autant, je ne sais pas ce que je vais faire au moment où je pose les mains sur le clavier : je veux me laisser porter par le flux des images. Quand les conditions techniques le permettent, j'improvise dans le noir total.

 

Et ne risque-t-on pas, alors, de faire une musique pléonasmique ?

Ni plus ni moins que quand on écrit. A vrai dire, peut-être moins, car quand on improvise en direct, on n'est pas contraint par le time code : ce qui importe, c'est que la musique soit « efficace » et il y a quantité de moyens pour arriver à cet objectif.

 

Vous êtes toujours seul pour ce genre d'exercice ?

Il m'arrive d'accompagner des films muets avec le pianiste et chef d'orchestre Johan Farjot, lui au Fender Rhodes et moi au piano (nous l'avons fait pour « Au Bonheur des Dames » de Julien Duvivier). Ou avec le saxophoniste Raphaël Imbert  (pour « Monte là-dessus », avec Harold Lloyd, réalisé par de Fred C. Newmeyer et Sam Taylor). Mais en général je suis seul. Pour moi, improviser, c'est composer dans l'instant. Pour cela, je peux m'inspirer du jazz comme de toute la musique classique.

 

Vous avez dernièrement accompagné en musique « Les Misérables » d'Henri Fescourt, une œuvre restaurée grâce à la cinémathèque de Toulouse et la fondation Jérôme Seydoux-Pathé. Le film dure six heures et a été projeté au Grand Théâtre de Toulouse. Comment se prépare-t-on à une composition, dans l'instant, d'une telle ampleur tant au niveau physique qu'intellectuel ?

J'ai vu le film une fois intégralement et une fois en accéléré. L'histoire des Misérables, je la connaissais parfaitement pour avoir lu et relu le roman depuis l'enfance. Mais d'une certaine façon, la préparation, c'est les trente ans d'improvisation musicale que j'ai derrière moi !

 

Faites-vous des concerts d'improvisation ?

Oui, mais en général le public me fait improviser sur des thèmes qu'il choisit lui-même. Ces thèmes peuvent être littéraires, musicaux, picturaux. Par exemple, pour vous citer les plus stimulants : « Tristan », « Don Juan et Carmen », « 30% de touches blanches », « Une rencontre entre Bach et Ravel », etc..

 

Vous écrivez beaucoup pour le concert mais assez peu pour le cinéma…

J'ai écrit la musique de quelques long-métrages. Par exemple, j'ai composé pour Mehdi Ben Attia « Le Fil », en 2009, et dernièrement « Je ne suis pas mort ». On s'est très bien entendu, car on a la même conception du rôle de la musique. Mehdi Ben Attia n'est pas dogmatique, à l'inverse de certains réalisateurs. Why Not productions vient de me contacter de la part de Bruno Podalydes qui aimerait utiliser un peu de ma musique pour son prochain film, qui doit s'appeler « Comme un avion » et sortir au mois de juin.

 

Et pour le théâtre ?

J'ai fait deux musiques de scène : un intermède pour violon baroque, Supplique, souvent d'ailleurs repris en concert, et une musique pour une adaptation par Jean-Pierre Nortel de Léon Morin Prêtre de Béatrice Beck, pièce qui a été jouée à l'Espace Bernanos.

 

https://www.youtube.com/watch?v=Mm5z7ONPZ9c

 

Que pensez-vous de la musique que l'on extrait du contexte du film et que l'on écoute sur un support numérique ou vinyle ?

Je ne suis pas contre a priori. Lorsqu'elle est composée pour l'image, la musique est souvent d'une densité expressive légèrement moindre que la musique pour le concert, tout simplement parce que si elle avait la même densité expressive, elle courrait le risque d'être trop envahissante par rapport à l'image. Il y a bien sûr de nombreuses exceptions à cette règle. Souvent, sur CD, une musique ne s'écoute pas avec la même attention que si elle est jouée live pour le concert. J'avoue ne pas écouter les BO des films. Je l'ai pourtant fait une fois, récemment, parce que j'avais un élève qui devait faire un exposé sur « Shutter Island », de Scorcese, et je voulais m'en remettre la musique à l'oreille - il y a dans ce film une utilisation très réussie de musiques préexistantes, presque exclusivement contemporaines, du Adams, du Ligeti, du Penderecki…

 

Et votre avis sur les critiques de musique de film ?

Rares sont les bons critiques de musique de film. Souvent, ils ne rendent pas compte de la part d'arbitraire, de magie qui fait qu'une musique et des images marchent de concert. Ils ont tendance à intellectualiser un processus qui est le plus naturel et spontané du monde. Souvent, ce sont des gens qui viennent du cinéma et ne sont parfois pas très armés pour parler de musique. J'ai travaillé avec un réalisateur, dont je ne citerai pas le nom, qui voulait à tout prix une musique pour piano parce que, me disait-il, en écoutant une pièce pour cordes, il trouvait le violon trop romantique… J'avais beau lui dire que lorsque Bartók écrit pour cordes ce n'est pas toujours très « romantique » et que, réciproquement, quand Chopin ou Rachmaninov écrivent pour le piano, le résultat est assez romantique ! La question de savoir si une musique sera motorique ou romantique ne tient pas tant au support instrumental (piano, cordes…) mais au tempo, au langage harmonique, et à bien d'autres choses encore.

 

Que trouvez-vous plus normal : faire de la critique de musique de film dans un journal de musique ou bien dans des revues de cinéma (il est vrai que celles-ci n'en font pas souvent) ?

Dans Positif, il y a eu plusieurs bons dossiers consacrés à la musique de film. Je voudrais rendre hommage à quelqu'un qui écrit très bien sur la musique de film et qui est lui-même compositeur : Michel Chion. Il met le doigt sur des réalités parfois extrêmement complexes, et toujours d'une manière limpide. Sur la question des rapports entre musique et image, il a un point de vue très pragmatique. C'est salutaire.

 

Propos recueillis par Stéphane Loison.

 

 

LES OSCARS

 

Les musiques sélectionnées sont :

 

THE GRAND BUDAPEST HOTEL d'Alexandre Desplat

THE IMITATION GAME d'Alexandre Desplat

INTERSTELLAR d'Hans Zimmer

Mr TURNER de Gary Yershon

THE THEORY OF EVERYTHING de Jóhann Jóhannsson


Sur les cinq, trois sont sans grand intérêt. Celle de Gary Yershon pour « Mr Turner », un outsider valable, mériterait d'être récompensée, mais celle d'Alexandre Desplat pour « The Grand Budapest Hotel » risque d'avoir l'Oscar...


https://www.youtube.com/watch?v=_6rhIE_fYQc


Les chansons sélectionnées sont :

 

"EVERYTHING IS AWESOME" « The Lego Movie » - Music and Lyric by Shawn Patterson
"GLORY" - Selma - Music and Lyric by John Stephens [John Legend] and Lonnie Lynn [Common]
"GRATEFUL" - Beyond the Lights - Music and Lyric by Diane Warren
"I'M NOT GONNA MISS YOU" - Glen Campbell...I'll Be Me - Music and Lyric by Glen Campbell and Julian Raymond
"LOST STARS" - Begin Again - Music and Lyric by Gregg Alexander and Danielle Brisebois

 

Le niveau ici est plus élevé que pour les musiques. Elles ont toute leur chance. La chanson de Glen Campbell est, à mon avis, favorite du fait du chanteur et qu'il est atteint d'Alzheimer. Un hommage à cette légende vivante américaine. La chanson « Glory » est à la mode et par le thème grave du film - mais filmé de manière larmoyante comme sait le faire Hollywood -  et par son chanteur John Legend. « Lost Stars » de « Begin Again » est déjà un tube sympathique de Marron 5 mais ne risque pas de l'emporter bien que musicalement c'est celle qui est la mieux écrite de toutes.

 

https://www.youtube.com/watch?v=_wfITSWXjpU

 

 

Golden Globe 2015: Meilleure bande originale de film


« Une Merveilleuse Histoire du Temps »  de Jóhann Jóhannsson.

 

Cette biographie du cosmologiste Stephen Hawkins réalisée par James Marsh, réalisateur de documentaire, est auréolée de prix dont un pour la musique. Jóhann Jóhannsson est un musicien, producteur et compositeur islandais. Il a peu composé pour le cinéma dont deux films pour Denis Villeneuve (« Prisoners » et « Sicario »). Son style de musique est influencé par le minimalisme. C'est une musique agréable à écouter. Et de par la manière dont elle est composée, elle peut tout à fait être placée où l'on veut dans les séquences filmées. On ne peut pas dire qu'elle est d'une grande originalité, c'est de la musique easy-listening : un piano donne le thème et un orchestre de cordes joue les variations. C'est joliment et naïvement composé mais on aurait pu, face à ce génie qu'est Stephen Hawkins, obtenir, avec un compositeur de plus d'envergure, une musique plus consistante ! Le thème « the Origins of Time » est d'une platitude désarmante ! Bref pas d'un grand intérêt.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=aKuwyGJ7mas

 

 

BO en CDs

 

KINGSMAN : The Secret Service. Réalisateur Matthew Vaughn, avec Colin Firth, Samuel L. Jackson, Taron Egerton, Michael Caine. Compositeur : Henry Jackman. 1CD  La-La Land Records.

 

« Kingsman » est une sorte de film à la James Bond avec un humour ravageur. Il est adapté de la BD de Dave Gibbons et Mark Millar. Un agent des services secrets britanniques recrute et forme un jeune garçon pour en faire son protégé. Cet agent est Colin Firth ! Il apporte son élégance très british et son humour dans ce rôle de gentleman espion. Après "Kick-Ass" 1&2 et "X-Men: Le commencement" Henry Jackman retrouve Matthew Vaughn. Henry Jackman propose une musique efficace sans beaucoup de nuances, contrairement au jeu des acteurs. Il faut dire qu'il compose pour l'usine Remote Control Productions de l'écurie de Hans Zimmer ; donc inutile de chercher une quelconque originalité dans la composition ni un vrai regard face à cette comédie, un peu longue, mais fort divertissante. L'écoute de la musique en voyant le film où certains pastiches sont assez réussis, passe mieux que sur le CD.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=_yDBfACPfFg

 

 

UNE NUIT AU MUSEE N°3. Réalisateur : Shawn Levy, avec Ben Stiller, Robin Williams, Owen Wilson. Compositeur : Alan Silvestri.

1CD Varese Sarabande 302 067 320 8 / VSD-7320

 

Alan Silvestri retrouve pour une troisième fois cette saga. Il a toujours autant d'imagination, d'originalité dans ses compositions. C'est du pur jus Silvestri. En grand habitué des films d'animation, sa musique sonne comme dans un dessin animé. Le film n'est qu'une suite de loufoqueries qui grâce à la 3D devient une sorte de comics animé. On peut préférer une de ses dernières compositions telles que « The Croods ». On attend sa prochaine collaboration avec son alter ego, le réalisateur Zemeckis, depuis 1984 (« A La Poursuite du Diamant Vert »,  « Retour vers le Futur », « Forrest Gump », « Contact ») sur la traversée entre les deux tours en 1974 du funambule Philippe Petit. Ce CD est vraiment pour les fans de Silvestri.

 

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=HyHRy9w7Yts

 

STILL ALICE. Réalisateur : Richard Glatzer et Wash Westmoreland, avec Julian Moore, Alec Baldwin, Kirsten Stewart.

 

Compositeur : Ilan Henri Eshkeri. 1CD Netwerk.

 

Ilan Eshkeri est un compositeur anglais qui avait été nommé meilleur nouveau compositeur en 2007 par l'International Film Music Critics Association pour la BO de « Stardust » réalisé par Matthew Vaughn. Dans ce film il a surtout fait des arrangements d'œuvres classiques (Bach, Dvořák, Offenbach…). Il a participé avec ce même réalisateur à la composition de « Kick Ass ». En 2010 il a obtenu le prix Ivor Novello de la Meilleure bande originale de film pour la BO « Victoria : les jeunes années d'une Reine » réalisé par Jean-Marc Valée. Il a écrit une musique très élégante pour le feuilleton télévisé « Fleming, l'homme qui voulait être James Bond ». C'est sa première collaboration avec Richard Glatzer et Wash Westmoreland. C'est bien sûr une musique dramatique, de facture classique pour quatuor, piano, violon, violoncelle. Le piano annonce le thème central (belle mélodie) d'une grande tristesse, une sorte de paradis perdu, avec des variations pour les cordes qui perdent souvent leur sens (running, phil video) avec des suites de distorsions correspondant à l'image de l'héroïne atteinte d'Alzheimer. Une musique un peu trop pléonasmique mais qui mérite d'être écoutée.

 

 

https://soundcloud.com/ilan-eshkeri/sets/still-alice-select-music-cues/s-svmqR

 

 

TAKEN 3. Réalisateur : Oliver Megaton, avec Liam Neeson. Compositeur : Nathaniel Méchaly. Téléchargement numérique.

 

Mechaly à composé pour « Revolver », « La Boite Noir », « Taken 1-2-3 », « Colombiana », « Le Transporter » (la série), « Taxi » (la série) », des produits Luc Besson, mais aussi pour les films réalisés par Ariel Zeitoun dont le nanar « Angélique ». Bref on ne peut pas dire que le choix des ses films soit d'une grande portée intellectuelle, on frôle même l'indigence…il faut bien vivre ! Mais dans chacun de ses films on peut trouver pour ce qui est de la composition des moments passionnants. Dans « Taken 3 » Brian Mills est accusé du meurtre de son ex-femme, il échappe à la police et il n'a pas d'autre choix que de chercher le criminel ! Courses poursuites, bing bang, coups de flingue, explosions, cascades, Brian Mills a toujours un coup d'avance, comme dans les deux précédents films, et il fait jubiler le public qui se précipite à ses exploits. Alors la musique ? Elle n'essaie pas de coller trop à l'image, ce qui est une bonne idée. Il y a de très bons moments lyriques, dramatiques ( Bryan's Grief) et lorsqu'elle repart avec un train d'enfer, l'orchestration est simple mais efficace. Méchaly a le sens du lyrisme et apporte  une atmosphère différente dans ce genre de film. Il a composé une belle musique pour « The Grands Master » d'Wong Kar Wai, mais c'est l'indigent « Stabat Mater » de Stefano Lentini qui a raflé tous les suffrages ! Méchaly a composé une belle musique pour « Angélique » mais on n'a vu que l'affiche du film. Espérons qu'il trouvera un film à la mesure de son talent. Même si cette fois ce film casse le box Office ce n'est pas de la musique hélas dont on se souviendra.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=CO0LUIenNFc&index=16&list=PL-RQPLpFUf8fLFID0DHS3cchANUXyIQYR

 

 

LE TEMOIN. Réalisateur : Jean-Pierre Mocky, avec Philippe Noiret, Alberto Sordi. Compositeur : Piero Piccioni. 1CD Music Box Record n°MBR-052

 

Robert Maurisson (Philippe Noiret), industriel et banquier de Reims, fait venir son ami Antonio (Alberto Sordi), afin de restaurer les tableaux de la cathédrale. Le modèle d'Antonio est une fillette que l'on retrouvera étranglée. L'auteur du crime est Maurisson, mais les soupçons se portent petit à petit sur Antonio, qui finira par être condamné à mort. Dans ce film de 1978, Jean-Pierre Mocky traite de la question de l'abolition de la peine de mort, alors que la société française est en plein débat sur le sujet. Le thème est grave, mais le ton est équivoque, du fait de la présence de Sordi, figure marquante de la comédie italienne. Il y incarne un petit-bourgeois romain, geignard et libidineux, emporté malgré lui par l'engrenage tragique de l'erreur judiciaire. Pour la musique, Mocky fait appel à un autre italien, Piero Piccioni. Piccioni c'est le compositeur de Rosi, de Bolognini, de Corbucci. Pour le film il compose une partition particulièrement légère qui renforce l'ambiguïté du film. Music Box fait une réédition avec plus de musiques que ce qui était sorti à l'époque, car un seul 45 tours avait été édité. Le présent album propose les deux thèmes principaux et leurs variations, qui s'accordent parfaitement aux scènes de comédie, et engendrent un certain malaise dans les scènes plus sombres. Dans le film, le premier thème (Le témoin) apparait principalement sous la forme d'un Gloria qu'interprète une chorale d'enfants, accompagnée d'un orgue d'église. Dans certaines variations, Piccioni mélange parfois rythmique disco/pop et chorale religieuse, faisant une musique blasphématoire. Le second thème du film (Le faux pas), personnifie Antonio/Alberto Sordi, de par sa mélodie très italienne et sa bonhommie naïve. Piccioni montre ici son talent d'orchestrateur. Une belle réédition à posséder.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=IRTrzAeq2GE

 

 

RICKY. Réalisateur : François Ozon, avec Alexandra Lamy. Compositeur : Philippe ROMBI. 1. 1CD Music Box Records n°MBR-059

 

Quand Katie (Alexandra Lamy), une femme ordinaire, rencontre Paco (Sergi Lopez), un homme ordinaire, quelque chose de magique et de miraculeux se produit : une histoire d'amour. De cette union naîtra un bébé extraordinaire : Ricky. Entre « Angel » (2007) et « Potiche » (2010), François Ozon retrouvait son compositeur fétiche Philippe Rombi pour la sixième fois sur le film « Ricky » (2008). Librement adapté de Moth, une nouvelle de la romancière anglaise Rose Tremain, le film se situe entre réalisme social et fable fantastique en abordant le thème de la maternité. Philippe Rombi axe sa partition intimiste et mélancolique autour d'un thème principal, une délicate valse, en lui donnant d'élégantes variations. D'abord au piano seul, il le décline aux cordes, au xylophone, sur fond de bois et de cordes plus ou moins inquiets puis avec des accords dissonants faisant planer l'angoisse et la peur. Avec « Ricky », Philippe Rombi confirme une nouvelle fois son talent de mélodiste et d'orchestrateur pour les films de François Ozon.

 

 

THE LAST STARFIGHTER. Réalisateur : Nick Castle, avec Lance Guest, Dan O'Herlihy, Robert Preston, Catherine Mary Stewart. Compositeur : Craig Safan. 1CD Intrada INT-MAF7139

 

Voici enfin la complète réédition de la superbe musique de Craig Safan de cet excellent film de science fiction de 1984. Alex Rogan est un jeune homme qui vit avec sa mère et son petit frère dans un parc de mobiles home. Lorsqu'il a un peu de temps, il joue à Starfighter, un jeu vidéo sur borne d'arcade dont le slogan est : « Salut Starfighter, vous avez été recruté par la ligue stellaire pour défendre la frontière contre Xur et l'armada Ko-Dan ». Un soir, Alex bat le record du jeu sous les yeux admiratifs de tous les habitants du caravaning. Peu après, un étrange véhicule arrive. À son bord, Centauri, un homme qui lui annonce qu'il est le créateur du jeu Starfighter. Il va lui apprendre que le jeu est en réalité un simulateur pour découvrir ceux qui ont la capacité de piloter un vaisseau de combat stellaire et que la menace de Xur et de l'armada Ko-Dan est bien réelle. Craig Safan a écrit une musique brillante qui a du corps, de la dynamique. Dès le générique, trombones, trompettes, annoncent en fanfare que la bataille stellaire va arriver. Rarement depuis « Star Wars » de  John Williams, une musique a-t-elle eu autant de clinquant, de lyrisme flamboyant, de rythme héroïque, donnant encore plus de mordant à cette aventure galactique que va vivre Alex. L'écoute du CD est enthousiasmante.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=BSf5tx4e_PA

 

L'ASSASSINO HA RISERVATO NOVE POLTRONE. Réalisateur : Giuseppe Bennati. Compositeur : Carlo Savina. 1CD Quartet Records QR-171

 

C'est une première ! Jamais la musique de ce film n'avait été mise sur un support. La présentation de l'album avec un huit pages illustré et commenté par Gergely Hubai en fait un collector.  Ce film date de 1974. C'est l'adaptation des Dix petits indiens d'Agatha Christie. Le compositeur Carlo Savina est un brillant musicien, arrangeur et  chef d'orchestre. Il a conduit, arrangé des centaines de musique de films (« Amarcord », « Fellini Roma », « Le Jardin des Finzi Contini », « Pizza Connection »...). Le film se situe entre film policier et film d'horreur, et la musique a le style des arrangements des années soixante dix.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=ScKCZ2BLsFA



LE COMPLOT (To Kill a Priest). Réalisateur : Agnieszka Holland, avec Christophe Lambert, Ed Harris, Joss Ackland, Tim Roth, Pete Postlethwaite Timothy Spall et Joanne Whalley. Compositeur : Georges Delerue. 1CD Music Box Records MBR-057

Music Box Records réédite dans une version augmentée et remastérisée, la bande originale du film réalisé en 1988. Le film s'inspire de la vie du prêtre Jerzy Popieluszko, membre de Solidarność, arrêté, torturé et assassiné par la police secrète communiste, la Służba Bezpieczeństwa (Sécurité intérieure), le 19 octobre 1984. La musique de Georges Delerue, à la fois sombre et lumineuse, est axée autour du motif de la fameuse chanson titre "The Crimes of Caïn" interprétée par la chanteuse folk Joan Baez. La tension et le suspens ne sont pas oubliés dans le reste de la partition. Les morceaux dramatiques, soulignés par les cordes solennelles, mettent en valeur de magnifiques solos de violoncelle, hautbois, flûte et guitare. Cette nouvelle édition propose 6 morceaux inédits, dont un enregistrement du thème principal fredonné par le compositeur. Les notes du livret sont signées par Gergely Hubai.

 

https://www.youtube.com/watch?v=rOe43t18wAI

 

 

TENUE DE SOIREE. Réalisateur : Bertrand Blier, avec Gérard Depardieu, Miou Miou, Michel Blanc. Compositeur : Serge Gainsbourg. 1CD Music Box Records n°MBR-054

Sorti en 1986, « Tenue de soirée » réunit sur une même affiche Serge Gainsbourg et Bertrand Blier, deux icônes de la culture française des années 70/80, deux provocateurs brillants qui, en leur temps, ont apporté un sang neuf à la chanson pour l'un, et au cinéma pour l'autre. Sorte de décalque des « Valseuses », sorti douze ans plus tôt, le film raconte l'histoire d'un trio libre et déjanté, incarné par Gérard Depardieu, Miou-Miou et Michel Blanc. C'est un marivaudage à la fois mélo et burlesque, où il est beaucoup question de sodomie et de travestissement, mais aussi d'amour. Comme le reconnaît Blier lui-même - interviewé spécialement pour la réédition de cette BO - il y a eu ici une rencontre évidente entre un sujet et un compositeur. « Nous avions de toute évidence une culture commune, celle de l'homosexualité de voyous, à la Jean Genet », remarque le cinéaste de « Buffet Froid ». Gainsbourg venait de sortir « Love on the Beat », un album où « il y avait cette fameuse pochette réalisée par William Klein, avec Serge en travesti. Cette pochette - et de façon générale toute la thématique homosexuelle de l'album - m'a sans doute inconsciemment influencé sur mon choix de faire appel à lui », poursuit-il. Remplie de thèmes intimistes interprétés par le compositeur lui-même sur un clavier Yamaha, la musique de « Tenue de soirée » étonne souvent par sa douceur, en contraste avec la violence ou la crudité de certaines scènes du film. Elle exprime ce que Blier, au fond, a tendance à camoufler sous des dialogues drolatiques : la douleur profonde des personnages, leur mal-être, leurs hésitations. Cette BO contient également des morceaux plus incisifs ou dansants, notamment pour les scènes de bal. Il faut également noter que certaines mélodies figurant dans cette musique de film ont été par la suite réutilisées par Gainsbourg pour l'album qu'il a réalisé pour sa fille Charlotte. La présente édition contient par ailleurs six thèmes inédits qui ne figuraient pas dans le 33 tours original.

 

https://www.youtube.com/watch?v=qkpQlF3Xo8U

 

COLD IN JULY. Réalisateur : Jim Mickle, avec Michael C.Hall, Sam Sheppard, Don Johnson. Compositeur : Jeff Grace. 1CD Milan Music  Universal n° 399 577-2

 

1989. Texas. Par une douce nuit, Richard Dane abat un homme qui vient de pénétrer dans sa maison. Alors qu'il est considéré comme un héros par les habitants de sa petite ville, il est malgré lui entraîné dans un monde de corruption et de violence. Très noir, ce western moderne est un mélange d'humour trash, de gore, comme dans les super séries B des années 80, les débuts des frères Coen. La musique inspirée de Jeff Grace amène du liant à ce film déjanté à petit budget mais avec de grosses qualités. Ce compositeur avait déjà travaillé sur les deux précédents films de Mickle : « Stake land » et « We are What We are ». La musique rappelle celle de Pino Donaggio avec des sons de synthés caractéristiques des années 80. L'album propose deux chansons « Wait de White Lion et  back of My Smile » de Kasey Lansdae et « Cosmo Black » de Dynatron. On album qu'on aime écouter.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=GuD1csy3u8k&index=5&list=PLyEowSbCtndD3c3rCR1dkf0jtKNkVuAq_

 

Stéphane Loison.

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LA VIE DE L’EDUCATION MUSICALE

 

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·       La librairie de L’éducation musicale

   

Ce livre, que le compositeur souhaitait publier dans sa maison d’édition à Kürten, se propose de présenter les orientations principales de la recherche de Karlheinz Stockhausen (1928-2007) à travers ses œuvres, couvrant sa vie et ouvrant un accès direct à ses écrits. Divers domaines investis par le plus grand inventeur de musique de la seconde moitié du xxe siècle sont abordés : composition de soi à travers les matériaux nouveaux ; découvertes formelles et structures du temps ; musique spatiale ; métaphore lumineuse ; musique scénique ; l’hommage au féminin de l’opéra Montag aus Licht ; Wagner, Stockhausen et le Gesamtkunstwerk, œuvre d’art total. Les témoignages des femmes qui l’ont accompagné dressent un portrait vif et saisissant de l’homme, artiste génial qui aimait plus que tout la musique et la recherche compositionnelle au nom du progrès de l’être humain...(suite)

Analyses musicales

  XVIIIe siècle – Tome 1

 

L’imbroglio baroque de Gérard Denizeau

 

BACH

 

Cantate BWV 104 Actus tragicus : Gérard Denizeau

Toccata ré mineur : Jean Maillard

Cantate BWV 4: Isabelle Rouard

Passacaille et fugue : Jean-Jacques Prévost

Passion saint Matthieu : Janine Delahaye

Phœbus et Pan : Marianne Massin

Concerto 4 clavecins : Jean-Marie Thil

La Grand Messe    : Philippe A. Autexier

Les Magnificat : Jean Sichler

Variations Goldberg : Laetitia Trouvé

Plan Offrande Musicale : Jacques Chailley

 

 

COUPERIN

 

Les barricades mystérieuses : Gérard Denizeau

Apothéose Corelli : Francine Maillard

Apothéose de Lully : Francine Maillard

 

 

HAENDEL

 

Dixit Dominus : Sabine Bérard
Water Music : Pierrette Mari

Israël en Egypte : Alice Gabeaud

Ode à Sainte Cécile : Jacques Michon

L’alleluia du Messie : René Kopff

Musique feu d’artifice : Jean-Marie Thill

 

 

Publié l'année même de son ouverture, cet ouvrage raconte avec beaucoup de précisions la conception et la construction du célèbre bâtiment.
Le texte est remis en pages et les gravures mises en valeur grâce aux nouvelles technologies d'impression.

Pour la première fois, le Tchèque Leoš Janácek (1854-1928), le Finlandais Jean Sibelius (1865-1957) et l'Anglais Ralph Vaughan Williams (1872-1958) sont mis en perspective dans le même ouvrage. En effet, ces trois compositeurs - chacun avec sa personnalité bien affirmée - ont tissé des liens avec les sources orales du chant entonné par le peuple. L'étude commune et conjointe de leurs itinéraires s'est avérée stimulante tant les répertoires mélodiques de leurs mondes sonores est d'une richesse émouvante. Les trois hommes ont vécu pratiquement à la même époque.
Ils ont été confrontés aux tragédies de leur temps et y ont répondu en s'engageant personnellement dans la recherche de trésors dont ils pressentaient la proche disparition. (suite).



Ce guide s’adresse aux musicologues, hymnologues, organistes, chefs de chœur, discophiles, mélomanes ainsi qu’aux théologiens et aux prédicateurs, soucieux de retourner aux sources des textes poétiques et des mélodies de chorals, si largement exploités par Jean-Sébastien Bach, afin de les situer dans leurs divers contextes historique, psychologique, religieux, sociologique et surtout théologique.
Il prend la suite de La Recherche hymnologique (Guides Musicologiques N°5), approche méthodologique de l’hymnologie se rattachant à la musicologie historique et à la théologie pratique dans une perspective pluridisciplinaire. Nul n’était mieux qualifié que James Lyon : sa vaste expérience lui a permis de réaliser cet ambitieux projet. Selon l’auteur : « Ce livre est un USUEL. Il n’a pas été conçu pour être lu d’un bout à l’autre, de façon systématique, mais pour être utilisé au gré des écoutes, des exécutions, des travaux exégétiques ou des cours d’histoire de la musique et d’hymnologie. » (suite)

Cet ouvrage regroupe pour la première fois les 43 chorals de Martin Luther accompagnés de leurs paraphrases françaises strophiques, vérifiées. Ces textes, enfin en accord avec les intentions de Luther, sont chantables sur les mélodies traditionnelles bien connues.
Aux hymnologues, musicologues, musiciens d'Eglise, chefs, chanteurs et organistes, ainsi qu'aux historiens de la musique, des mentalités, des sensibilités et des idées religieuses, il offrira, pour chaque choral ou cantique de Martin Luther, de solides commentaires et des renseignements précis sur les sources des textes et des mélodies : origine, poète, mélodiste, datation, ainsi que les emprunts, réemplois et créations au XVIè siècle... (suite)

Mozart aurait-il été heureux de disposer d'un Steinway de 2010 ? L'aurait-il préféré à ses pianofortes ? Et Chopin, entre un piano ro- mantique et un piano moderne, qu'aurait-il choisi ? Entre la puissance du piano d'aujourd'hui et les nuances perdues des pianos d'hier, où irait le cœur des uns et des autres ? Personne ne le saura jamais. Mais une chose est sûre : ni Mozart, ni les autres compositeurs du passé n'auraient composé leurs œuvres de la même façon si leur instrument avait été différent, s'il avait été celui d'aujourd'hui. Mais en quoi était-il si différent ? En quoi influence-t-il l'écriture du compositeur ? Le piano moderne standardisé, comporte-t-il les qualités de tous les pianos anciens ? Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Qui a raison, des tenants des uns et des tenants des autres ? Et est-ce que ces questions ont un sens ? Un voyage à travers les âges du piano, à travers ses qualités gagnées et perdues, à travers ses métamorphoses, voilà à quoi convie ce livre polémique conçu par un des fervents amoureux de cet instrument magique.

A PARAÎTRE

 

Au travers du récit que James Lyon nous fait de l’existence de Dickens, il apparaît bien vite que l’écrivain se doublait d’un précieux défenseur des arts et de la musique. Rares sont pourtant ses écrits musicographiques ; c’est au travers des références musicales qui entrent dans ses livres que l’on constate la grande culture musicale de l’écrivain. Il se profilera d’ailleurs de plus en plus comme le défenseur d’une musique authentiquement anglaise, forte de cette tradition évoquée plus haut.

Et s’il ne fallait qu’un seul témoignage enthousiaste pour décrire la grandeur musicale de l’Angleterre, il suffit de lire le témoignage de Berlioz (suite).



 

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NUMÉRO SPÉCIAL BAC 2015

 

 

178 pages - 19 euros

 

Le numéro de référence

 

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Baccalauréat 2015.

Épreuve de musique

LIVRET DU CANDIDAT

 

144 pages

… ce volume dédié aux candidats, de tous bords et de toutes formations, leur proposant certes des informations complètes sur les œuvres choisies, mais avec un accès aussi convivial que possible, sous forme de tableaux, de couleurs – tout ce qui permet de retenir les choses plus rapidement et efficacement – et également des conseils et exercices pratiques concernant les modalités de l’épreuve. Bien joli de dire aux futurs bacheliers qu’on leur demande de comparer. Encore faudrait-il donner des exemples de comparaisons, proposer des principes et des corrigés types. Quid des annales ? Des corrigés accessibles ? C’est cette tâche que nous avons décidé de confier à Philippe Morant, professeur agrégé d’Éducation musicale et chant choral…

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