L’éducation musicale

 

Lettre d’Information – n°66 – Janvier 2013

http://www.leducation-musicale.com


À RESERVER SUR L'AGENDA. 1

FESTIVALS EN TOUTES SAISONS, ICI ET AILLEURS. 3

RECENSIONS DE SPECTACLES ET CONCERTS. 6

L’EDITION MUSICALE. 13

BIBLIOGRAPHIE. 21

CDs et DVDs. 23

La vie de L’éducation musicale. 29

 

 


 

 

 

À RESERVER SUR L'AGENDA

 

 

Mikhaïl Rudy ou le piano dans tous ses éclats

 


© pianoweb.free.fr

 

Pianiste d'une insatiable curiosité, Mikhaïl Rudy aime croiser la musique et les arts. En particulier, aller à la rencontre de la littérature, de la peinture ou du cinéma. Ainsi propose-t-il, à la Maison de la musique de Nanterre, un double concert en images : d'une part, autour des Tableaux d'une exposition de Moussorgsky, sur une animation vidéo d'après Vassily Kandinsky, d'autre part, à propos de La Métamorphose de  Kafka, sur un film d'animation des Quay Brothers et un bouquet de pièces pour piano de Janacek.

 

Maison de la musique de Nanterre, le 25 janvier, à 20H30. 8, rue des Anciennes-Mairies, 92000 Nanterre.

Réservation : par tel, au 01 41 37 94 20 ; au 39 92 ; ou par mail, sur www.nanterre.fr

 

 

Un opéra à Broadway : Street Scene

 


© Alastair Muir

 

Avec Street Scene Kurt Weill ambitionne d'imposer l'opéra américain, et très précisément une « comédie musicale dramatique », dans la manière de Broadway. Le melting-pot des rues du Lower East side new-yorkais des années 40 en forme la trame. Au réalisme des situations correspond le rêve que poursuit une population mouvante d'immigrants. Reflétant la diversité de la vie de la rue, celle d'une communauté bigarrée, sa musique est lyrique et puissante, et s'abreuve à divers styles : musique savante proche de l'opéra vériste ou de l'opérette, mais aussi jazz, blue, klezmer. Songs, parlé, récitatif d'opéra, opèrent une singulière fusion. La production, haute en couleurs, que donne le Châtelet, nous vient de Londres, et s'annonce comme un événement. 

 

Théâtre du Châtelet, les 25, 27, 29 et 31 janvier 2013, à 20H.

Location : 17, avenue Victoria, 75001 Paris ; par tel. : 01 40 28 28 40 ; par mail : www.chatelet-theatre.com

 

 

Le charme discret de Ciboulette

 


© DR

 

Peut-on résister au charme de Ciboulette. Pour sa première opérette, Reynaldo Hahn faisait un coup de maître. Le sujet est léger, voire mince, mais l'esprit transforme la bluette. L'exquis le cède à l'entrain. La valse le dispute à un finale empli de gaieté. C'est que la belle et tendre maraîchère, au destin enviable, côtoie les figures du Paris de la Belle époque. La nouvelle production de l'Opéra Comique a bien des atouts, puisque dirigée par Laurence Equilbey, à la tête du Chœur Accentus et de l'Orchestre de l'Opéra de Toulon, mise en scène par Michel Fau, et interprétée par Julie Fuchs, révélation des Victoires de la musique, entourée d'une pléiade de chanteurs, dont ceux de la fraîche émoulue Académie maison. Courez-y !

 

Opéra Comique, les 16, 18, 20, 22, 26 février 2013, à 20H, et le 24 février, à 15H.

Location : 1, Place Boieldieu, 75002 Paris ; par tel. : 0825 01 01 23 ; par mail : www.opera-comique.com

 

 

Les « soirées lyriques » des classes de chant du CNSM de Lyon

 


© DR

 

Pour l'édition 2013 de leur concert de prestige, les classes de chant du CNSM de Lyon donnent dans l'opéra français en un acte. Seront ainsi joués La Pauvre Eugénie, et Le Bel ambitieux, de Germaine Tailleferre, quasi inconnus, et L'Heure espagnole de Ravel. Comme pour une imaginative Chauve-Souris, en 2011, la mise en scène est confiée au jeune et talentueux chanteur Benoît Bénichou, qui pratique aussi bien la régie que les divers arts de la scène.

 

CNSM de Lyon, Salle Varèse, le 25 janvier 2013, à 20H30, le 26, à 18H, et le 27, à 15H.

Location, par tél. au 04 72 19 26 26.

 

 

L'ensemble Solistes XXI  - Voix en chambre

 


© DR

 

L'ensemble Solistes XXI, fondé en 1988 par Rachid Safir, pour promouvoir la musique de chambre vocale, aussi bien dans le répertoire polyphonique du haut Moyen Age, que dans le domaine de la création, donnera trois concerts en ce début d'année. Le 14 janvier 2013, à l'Ircam, et avec l'Ensemble Itinéraire, ils mettront en regard les 6 Répons du Samedi Saint, pour six voix, de Gesualdo, et le Cycle Iconica de Marco Momi. Le 5 février, à l'Amphithéâtre de l'Opéra Bastille, avec lequel ils entretiennent un partenariat actif, et dans le cadre de la série « Convergences » de l'Opéra de Paris, seront créées des pièces de Caroline Chauveau, Edith Canat de Chezy, et  Gianvincenzo Cresta. Enfin, le 6 février, au Mans, à l'Espal, un concert voix-espace, spectacle multimédia, sera organisé autour d'un bouquet d'œuvres de Kaja Saarihao. D'intéressantes mises en perspectives stylistiques ! 

 

Location : Ircam, par tel.: 01 44 78 48 43  ou 01 44 78 15 45.

Opéra Bastille, Billetterie, 120, rue de Lyon, 75012 Paris ; par tel : 08 92 89 90 90 ; http// www.operadeparis.fr

l'Espal, Le Mans, par tel.: 02 43 50 21 50 ; ou http//  www.theatre-espal.net.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

La Favorite de Gaetano Donizetti enfin de retour !

 

Un des chefs d’œuvre du bel canto, créé à Paris en 1840, La Favorite, n’est pas apparu sur la scène parisienne depuis 1991. La musique de Donizetti y est, tour à tour, simple ou grandiloquente, et mesure l’étendue des possibles, de la magie des silences jusqu’aux tutti les plus vertigineux. Elle accompagne la prière, la trahison, le désir, le renoncement et la mort d’amour. L’histoire raconte le chassé croisé amoureux entre le roi de Castille, sa maîtresse, la Favorite, et l'amant de la dame, sur fond de luttes de pouvoir entre l'Église et l'État. Pour servir ce retour attendu, la mise en scène est confiée à Valérie Nègre, qui a collaboré avec de nombreux metteurs en scène, au théâtre comme à l’opéra (Patrice Chéreau, Gildas Bourdet, Eric Génovèse), et la scénographie à l’artiste américaine Andrea Blum, qui s’est faite remarquer ces dernières années par ses « environnements ». Nul doute aussi que la direction de Paolo Arrivabeni, spécialiste de ce répertoire, et le distribution de qualité sauront tirer toute la quintessence, à la fois musicale et théâtrale, de cet opéra romantique. Un évènement !

 

Théâtre des Champs-Elysées, les 7, 9, 12, 14 & 19 février 2013, à 19H30, et le 17 février, à 17H.

Location : 15 avenue Montaigne, 75008 Paris ; par tel. : 01 49 52 50 50 ; par mail :  www.theatrechampselysees.fr

 

 

 

Les Berliner Philharmoniker et Sir Simon Rattle

 

Le prestigieux Orchestre Philharmonique de Berlin, sous la direction de son chef titulaire, l’emblématique Simon Rattle, se produit, salle Pleyel, pour deux concerts d’exception. Dans un grand écart musical, associant des pages symphoniques de Schumann et de Beethoven à des œuvres de Lutoslawski et de Dutilleux. Une occasion d’entendre des œuvres romantiques, telles Genoveva, et les Symphonie n° 2 & 3 de Schumann, le Concerto  pour piano n° 3 de Beethoven,  mais également des partitions plus contemporaines, comme les Métaboles et les Correspondances de Dutilleux. Ou encore le Concerto pour violoncelle de Lutoslawski, composé pour et créé par Rostropovitch en 1970, et dans lequel Galina Vichnevskaïa voyait l’histoire d’un Don Quichotte du XXème siècle. Une opportunité,  rare à Paris, d’apprécier le timbre si particulier de cette légendaire phalange.

 

Salle Pleyel, le 26 & 27 février 2013 à 20H.

Location : 252 rue du faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris. Tel : 01 42 56 13 13. www.sallepleyel.fr

 

 


© DR

 

Patrice Imbaud.

 

 

Des concerts d’exception, en janvier, à l’Auditorium du Louvre

Pour commencer l’année en musique, l’Auditorium du Louvre propose de remarquables concerts avec des artistes exceptionnels. Ainsi le mercredi 9, Mikhail Simonyan violoniste, et Gleb Ivanov, pianiste, bardés de prix internationaux, dans un répertoire qui va de Schubert à Szymanowski. Nous les retrouverons, le 11, avec le violoncelliste Jens Peter Maintz, violon solo à l’Orchestre de Lucerne, dans un programme romantique. Le 23, à 20H et le 24, à 12H30, le célèbre Quatuor Ebène, plusieurs fois primé, jouera Mozart et Beethoven. Et surtout, à ne pas manquer le nouveau prodige russe Daniil Trifonov, le 10 à 12H30. Nous avons eu le plaisir de l’entendre à Pleyel dans une époustouflante interprétation du concerto N° 1 de Tchaïkovski, en novembre dernier. Au cours de ce récital il jouera même une de ses compositions. 

Toute l’année 2013, l’Auditorium du Louve nous offrira des surprises de taille, avec des concerts et des musiques filmées, de haute tenue. Grâce à Medici.tv, certains des concerts sont retransmis, notamment ceux du 9 et du 10 janvier.

 

Location : Billetterie de l'Auditorium du Louvre, 75058 Paris cedex 01 ;  par tel.: 01 40 20 55 00 ;  http// www.louvre.fr

Stéphane Loison

 

 

 

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FESTIVALS EN TOUTES SAISONS, ICI ET AILLEURS

 

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La Folle Journée 2013 se vit à l'Heure exquise

 


© CMY&R

 

 

Pour sa 19ème édition, La Folle Journée de Nantes (30 janvier-3 février) voit grand, très grand. Sur le thème de l'Heure exquise, on aspire à développer un vaste panorama de la musique française et espagnole, de 1850 à nos jours, de Bizet à Boulez ! L'accent sera plus particulièrement porté sur les années 1870 à 1940, une sorte d'âge d'or. En fait, plusieurs temps forts se partageront ces cinq jours de musique en continu. Selon la formule, bien établie, de courts concerts, qui a fait la renommée de l'institution, et qu'importe la chronologie ! On y croisera en effet, dans la fièvre coutumière de la Cité des congrès, les musiciens qui ont apporté un sang nouveau à la musique française, en réaction à l'hégémonie wagnérienne : Saint-Saens, Franck, puis d'Indy, et la pléiade de plumes raffinées que sont Chabrier, Chausson, Pierné, Koechlin et Roussel. Aussi bien que les grands novateurs, Debussy et Ravel, mais aussi Dukas, et ces espagnols, venus découvrir le Paris du début du siècle, Albèniz, De Falla et Granados, qui laisseront d'ailleurs une empreinte profonde sur leurs collègues français. Mais encore la frénésie des Années folles, Satie, et le Groupe de Six, ou la fabuleuse éclosion de rythmes insoupçonnés. Et enfin le groupe « Jeune France », sous la bannière de Messiaen, dont l'enseignement débouchera sur la génération des Boulez, Ohana et Dutilleux. Au total quelques quarante compositeurs, dont la production sera déclinée suivant tous les genres, l'orchestre, la musique de chambre, les récitals de solistes. Et défendue par une foultitude d'interprètes prestigieux, comme on sait les retenir à Nantes, pour le plus grand bonheur d'un public exigeant. Parmi les programmes concoctés, quelques mises en perspective originales, et rapprochements inédits, Fauré-Caplet, Françaix-Chausson, ou Turina-d'Indy, promettent de riches heures. Une nouveauté, cette année : l'organisation de concerts-conférence, par exemple autour de « Debussy, Degas et Mallarmé », qui viendront compléter l'offre enviable de conférences par d'éminents musicologues.

 

Les actions de médiations culturelles, qui forment un des secteurs les plus avancés de la Folle Journée, proposeront des ateliers de retranscription, mobilisant des groupes de jeunes musiciens amateurs, issus des quartiers nantais, autour de répétitions et de masterclasses. Comme des ateliers d'éveil musical, par une approche ludique avec un marionnettiste, en direction d'enfants autistes et de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer. Le projet de découverte de la musique classique par le théâtre, idée chère au fondateur, René Martin, se poursuivra, sur le thème, cette fois, de « Paris, capitale musicale de la Belle époque ». La collaboration avec le Conservatoire de Nantes permettra d'offrir au public plusieurs concerts, notamment dans la Grande Halle. Le partenariat avec l'Inspection Académique et deux Écoles d'enseignement supérieur, l'ISAA et l'ISEG, se poursuivra, aux fins de préparer plus de 7000 élèves à leur venue aux concerts, comme pour les étudiants de ces écoles, de devenir acteurs de la communication de proximité de la Folle Journée. 

 

La Folle journée à la Cité des congrès de Nantes, du 30 janvier au 3 février 2013.

Renseignements, programme détaillé, et location : Billetterie, la Cité, centre des congrès, à partir du 5 janvier 2013 ; sur internet : www.follejournée.fr , à partir du 6 janvier ; par tél. : 0892 705 205, à compter du 7 janvier.

 

 

 

Un nouveau venu : le Festival de Pâques d'Aix-en-Provence

 

 
© Caroline Doutre

 

Encore un festival ! Les grands interprètes français aiment à donner dans cette voie,  prestigieuse, et réunir une poignée d'amis talentueux et de vedettes consacrées. Mais l'introniser à Aix-en Provence, cela tient incontestablement d'un beau coup. La cité méridionale se dote donc d'un autre festival de musique, dite classique, à Pâques. La première édition se déroulera du 26 mars au 7 avril 2013. L'âme en est l'infatigable Renaud Capuçon, la cheville ouvrière technique, le directeur du Grand Théâtre de Provence, et le mécène, un groupe bancaire amoureux des arts. On ambitionne de hisser le nouveau-venu à la hauteur des grands festivals européens. Et d'attirer, au-delà des mélomanes avertis, le plus large public. La période des congés pascals, l'attrait de la ville, y contribueront. Le « roster » des interprètes affichés sans doute aussi. Puisqu'aux côtés des frères Capuçon, on y trouve les pianistes Angelich, Lupu, et l'aixoise Grimaud, mais aussi les stars de demain, déjà auréolées de gloire, le russe Trifonov, la contestée, mais pas impressionnée pour autant, Buniatishvili. Les orchestres sont renommés, le Mariinsky de Saint-Pétersbourg et Gergiev, décidément de tous les coups, l'Orchestre de l'Opéra de Paris et Philippe Jordan, le Gustav Mahler Jugendorchester et Blomstedt, le COE et Bychkov, avec les sœurs Labèque. D'autres solistes ne le sont pas moins, dans le registre prestigieux, tels Kremer, Aimard ou Chamayou, et les chanteurs Kirschlager, Goerne et Yoncheva. Le compositeur associé, pour ne pas dire en résidence, sera, en 2013, Jorg Widmann (*1973),  immense musicien et chambriste passionné. Un hommage sera rendu à Henri Dutilleux. Comme il en fut d'un autre festival pascal célèbre, fondé par Herbert von Karajan, on donnera, chaque saison, une œuvre liturgique ; à commencer par la Passion selon Saint Jean de Bach, dirigée par Laurence Equilbey avec le Concerto Köln et Accentus. Cartes blanches, Génération @ Aix, associant jeunes pousses et talents confirmés, et conférence, par Alfred Brendel, complètent le panel. On jouera dans la vaste salle du Grand Théâtre, mais aussi dans l'écrin choisi du Théâtre du Jeu de Paume. Les tarifs sont modérés, ce qui n'est pas chose anodine. Alors, bon vent ! 

 

Renseignements, programme détaillé et location : par tel. : 08 2013 2013 ; par mail :  www.festivalpaques.com  ou  info@festivalpaques.com  

 

 

 

Le Festival de Salzbourg 2013 ou le superbe embarras de richesse !

 


© Luigi Caputo

 

L'édition estivale 2013 du grand festival autrichien (19 juillet-1er septembre) s'annonce fastueuse. Pour l'an II de son règne, l'intendant Alexander Pereira n'a pas lésiné en termes de propositions artistiques, enhardi par le succès enregistré en 2012 : une fréquentation en hausse de 20 %, pour un nombre de billets vendus, plus de 260.000, un public élargi, à l'international, dont une augmentation de la participation française, comme naguère au temps de l'ère Karajan, un développement, enfin, du sponsoring, permettant de couvrir certaines dépenses, tel le financement d'un opéra « moderne » chaque année. L'audace a donc payé, et Pereira peut s'enorgueillir de sa réussite, malgré les Cassandre prédisant un parcours difficile.

 

 
©
Salzburger Festspiele Archiv

 

Le festival 2013 sera inauguré, l'espace d'une bonne semaine, par une Ouverture spirituelle. Pour la Présidente, quelle meilleure opportunité d'exalter la formidable richesse architecturale et religieuse de Salzbourg. Quelques 12 concerts, dans la Kollegienkirche, Saint Peter, ou le Palais des festivals, célébreront aussi bien des œuvres d'inspiration chrétienne que la riche tradition des liturgies bouddhiques. Le secteur de l'opéra sera honoré de sept nouvelles productions. Deux œuvres de Mozart d'abord : Cosi fan tutte (direction de Franz Welser-Möst, régie de Sven-Eric Bechtolf), premier volet d'un nouveau cycle des opéras de Da Ponte, et confié selon le directeur, une équipe de jeunes chanteurs destinés à former un vrai ensemble ; et Lucio Silla, en coproduction avec la Semaine Mozart (direction de Marc Minkowski, régie de Marshall Pynloski). Cecilia Bartoli interprètera Norma de Bellini, dans la version originale, qui voit aussi le rôle de Pollione dévolu à un ténor bel cantiste, et celui d'Adalgisa à un soprano léger. La production, initiée au Festival de Pentecôte, sera dirigée par Giovanni Antonini, et mise en scène par Moshe Leiser et Patrice Caurier. Le secteur contemporain sera représenté, cette fois, par Gawain, de Harrison Birtwistle, créé en 1991 au Royal Opera de Londres, sur un texte emprunté à la Légende du Roi Arthur. La production sera défendue par le tandem qui, en 2012, mena au triomphe Les Soldats de Zimermann, Ingo Metzmacher et Alvis Hermanis. Le double anniversaire Verdi et Wagner sera fêté somptueusement, avec de nouvelles mises en scène de Falstaff, dans une exécution fidèle à l'original, assure Pereira, avec seulement huit violons (régie de Daminao Michieletto, direction de Zubin Metha), et de Don Carlo (direction de Antonio Pappano, régie de Peter Stein, et un cast plus qu'alléchant), enfin de Die Meistersinger von Nürnberg, confiés à l'équipe qui fit les beaux soirs de Bayreuth, dans un Parsifal d'anthologie, Stephan Herheim et Daniele Gatti. Des opéras seront encore donnés en version de concert, Joanna d'Arco (avec Anna Netebko et Placido Domingo, dans le rôle du baryton, direction de Paolo Carignani), et Nabucco, sous la baguette de Riccardo Muti, comme Rienzi, confié à Philippe Jordan. On jouera aussi, en concert, une rareté, la Jeanne d'Arc de Walter Braunfels. 

 


Harrison Birtwistle © Universal Editions Eric Marinitsch

 

Côté concerts, l'offre est gigantesque : Wiener Philharmoniker, dirigés par Harnoncourt, Metha, Thielemann, Muti (Requiem de Verdi) et Maazel, et grandes formations européennes, comme les Berliner Philharmoniker, sous la baguette de Rattle, le Gewandhaus Leipzig, avec Chailly, mais aussi le West-Eastern Divan Orchestra (Barenboim), l'Academia di Santa Cecilia de Rome, avec Pappano (War Requiem de Britten), le Gustav Mahler Chamber Orchestra (Jordan), le NKH de Tokyo et Charles Dutoit. A noter que Nikolaus Harnoncourt dirigera les trois grands oratorios de Josef Haydn, et que seront données les neuf symphonies de Mahler, par divers chefs et orchestres, et une série de concerts de musique contemporaine. Sans compter les traditionnelles Mozart Matinées, récitals de solistes (dont le rare Grigory Sokolov ), et autres soirées de musique de chambre, qui proposeront, entre autres, l'intégrale des quatuors de Beethoven avec les salzbourgeois Hagen, et une soirée réunissant les frères Capuçon, Caussé et Angelich.

 


© Luis Cobelo

 

Last but not least, les diverses formations musicales venues du Venezuela, rassemblées sous la bannière « El Sistema », seront à l'honneur. Fondé par le député José Antonio Abreu, il s'agit d'un réseau, d'un système d'orchestres de jeunes et d'écoles de musique. Ce sont plusieurs orchestres de jeunes, et pas seulement le déjà célèbre Simón Bolívar Symphony Orchestra of Venezuela, voire de très jeunes, qui envahiront Salzbourg. Plus de 1.400 musiciens en herbe ! Ils seront dirigés par le bouillonnant Gustavo Dudamel, mais aussi par Simon Rattle. L'occasion de poser la question de l'éducation musicale, qui selon Pereira, ne doit pas seulement couvrir l'aspect technique, mais se concentrer sur la créativité. Derrière El Sistema, se cache, en effet, un credo tant musical que social, une utopie sympathique. La musique fait peut-être plus pour les enfants que le sport. 

 

Renseignements et Location : Salzburger Festspiele, Kartenbüro, Postfach 140, 5010 Salzburg, Austria ; par tel : 0043 662 8045 500 : par mail : info@salzburgfestival.at  ou www.salzburgfestival.at

 

Jean-Pierre Robert

 

 

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RECENSIONS DE SPECTACLES ET CONCERTS

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Andris Nelsons, colossal, au Théâtre des Champs-Elysées.

 

Salle comble pour ce concert d’exception réunissant un des orchestres les plus prestigieux du monde, les Wiener Philharmoniker, un jeune chef des plus prometteurs de sa génération, Andris Nelsons, et la très médiatique pianiste, Hélène Grimaud. Un programme sur mesure, associant le Concerto pour piano & orchestre n° 2 de Brahms (1833-1897) et la Symphonie n° 6, dite « Pathétique » de Tchaïkovski (1840-1893), deux œuvres bien connues, éminemment romantiques, capables d’enflammer la salle, déjà conquise d’entrée de jeu par l’affiche glorieuse de cette soirée. Le Concerto pour piano n° 2, créé en 1881 à Budapest, par l’auteur au piano, est conçu comme un véritable dialogue entre soliste et orchestre, ce qui, en l’occurrence, ne favorisa pas la pianiste Hélène Grimaud qui, malgré des martèlements vigoureux du clavier, ne put s’imposer face aux déferlements orchestraux et aux vagues  répétées des cordes, menées de mains de maitre par le chef letton. Une direction d’orchestre associant joie, enthousiasme, fougue et empathie, un orchestre d’une magnifique sonorité, des cordes majestueuses qui en arriveraient à nous faire oublier le piano, pourtant sans reproche, d’Hélène Grimaud. Un face à face bien inégal, malgré un chef attentif et appliqué, qui n’aura de cesse que d’encourager la malheureuse pianiste, celle-ci ne pouvant refaire surface qu’au troisième mouvement, lors de la sublime cantilène du violoncelle et du hautbois. En deuxième partie, la « Pathétique », créée à Saint-Pétersbourg en 1893, sous la direction de Tchaïkovski, fut marquée par la démesure de l’interprétation d’Andris Nelsons, vision effrayante s’il en est, empreinte d’une désolation palpable, chargée de tension et d’expressivité, usant de fulgurantes variations de tempos, d’une rare lenteur, ou à l’inverse effrénés, pour maintenir l’angoisse et le sentiment d’urgence. Une présence du destin prégnante, figurée par les pulsations lugubres des timbales et les appels des cuivres, que ni la très lyrique valse du deuxième mouvement, ni la marche chargée d’ambigüité du troisième, ne parviendront à effacer. Une conception de l’œuvre particulièrement juste, lorsqu’on sait que Tchaïkovski se suicidera quelques semaines plus tard. Une interprétation « colossale » à l’image du chef letton, saluée par les applaudissements nourris de la salle et des musiciens. Un chef qui s’affirme, à l’évidence, comme un des plus talentueux de notre époque !       

     


© DR

 

 

 


Et la chef coréenne Shi-Yeon Sung parut... !

 

Il n’est pas rare que de fulgurantes et éblouissantes carrières débutent à l’occasion d’un remplacement impromptu. Souhaitons que cela soit le cas pour la jeune et talentueuse chef coréenne Shi-Yeon Sung, venue remplacer au pied levé, salle Pleyel, la chinoise Xian Zhang, à la tête du « Philhar », dans un programme éclectique, éminemment romantique, associant Weber, Schumann, Tchaïkovski et Berlioz. Toutes occasions de retrouver le scintillement de la phalange parisienne (les vents, toujours les vents !), mais surtout d’apprécier les débuts remarqués, à Paris, de cette étonnante coréenne, chef associée de l’Orchestre Philharmonique de Séoul, dont Myung-Whun Chung est le directeur, ceci expliquant peut-être cela ! Une direction claire dans sa gestuelle, facile et ample, et juste dans son interprétation, menant l’orchestre avec une  autorité manifestement acceptée. Que l'on mesure dans l'Ouverture du Freischütz, riche en nuances, et qui sait rendre tout l’effrayant mystère et le merveilleux de cette partition, tout comme dans l’Ouverture-fantaisie de Roméo & Juliette de Tchaïkovski, parfaitement en place, très appuyée dans les articulations, empreinte d’une profondeur et d’une urgence peu communes, scandées par les très présentes et inquiétantes timbales d’Adrien Perruchon, ou encore dans l’Ouverture, caractéristique, du Carnaval romain de Berlioz, avec son sublime solo de cor anglais. En bref, une direction d’orchestre éclatante, contrastant avec la manière bien terne de la prestation du violoncelliste Truls Mork. Son interprétation, plate et monotone, sans engagement, engendre rapidement l’ennui, malgré l’éclat des sonorités orchestrales. Ainsi le Concerto pour violoncelle de Schumann ne parvint-il jamais à retenir notre attention !  Mais l’essentiel était surtout d’entendre, pour la première fois à Paris, une nouvelle venue dans la direction d’orchestre, à qui nous souhaitons une brillante carrière…Au plaisir de la revoir bientôt.

      

 
© DR

                 

 

Une sulfureuse et superbe Médée au Théâtre des Champs-Elysées.

 

Luigi Cherubini : Médée. Opéra en trois actes. Livret de François-Benoit Hoffman. Nadja Michael, John Tessier, Elodie Kimmel, Vincent Le Texier, Varduhi Abrahamyan, Ekaterina Isachenko, Anne-Fleur Inizan. Chœur de Radio France. Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset. Mise en scène de Krzysztof Warlikowski.

 

                 « J’atteins au meurtre comme à une accalmie… » Marguerite Duras.

 

 


© Vincent Pontet- WikiSpectacle

 

 

Une sulfureuse et superbe Médée que celle de Luigi Cherubini (1760-1842), donnée au TCE, dans la mise en scène de Krysztof Warlikowski, pour conclure en beauté la trilogie lyrique consacrée, par le théâtre de l’avenue Montaigne, au célèbre mythe d’Euripide. Un opéra chargé des influences de Gluck, Mozart, et Rameau, qui endosse les habits romantiques, en une synthèse des styles passés, et anticipe aussi un art à venir, une admirable partition reconnue par Weber, Beethoven, Brahms, Wagner. Elle annonce Berlioz, voire Debussy, notamment dans le prélude du deuxième acte. Un opéra romantique où le pathos ne s’étale pas, mais où le climat psychologique se fait de plus en plus prégnant, nous entraînant dans un drame humain, de passion amoureuse, de vengeance et d'infanticide, renouvelant en cela la purgation des passions de la tragédie grecque. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. La psychanalyse a désormais reconnu le « complexe de Médée ». L’existence de l’enfant ne prend son sens que par rapport au couple des parents, car l’enfant représente l’incarnation du désir parental. La disparition de ce désir partagé entraîne, de fait, la négation de l’enfant, pouvant conduire à l’infanticide, équivalent de la castration du père. Cette thématique éternelle est rendue avec pertinence par la mise en scène, un rien provocatrice, mais parfaitement cohérente et efficace, de Warlikovski : une transposition contemporaine de l’action dramatique, une réécriture assez crue des dialogues parlés, remplaçant, avec bonheur, les alexandrins originaux ;  une façon intelligente d’introduire du réel, et de redonner vie à l’histoire de Médée, en nous impliquant directement dans notre quotidien. Une scénographie, certes minimaliste, mais réussie au plan esthétique, avec de beaux éclairages et jeux de miroir. Cette magnifique partition est admirablement servie par Christophe Rousset et ses Talens lyriques, toute en nuances, suivant la dramaturgie. La distribution vocale est dominée par l’extraordinaire soprano allemande, Nadja Michael, dans le rôle titre, puissance, tessiture étendue, présence scénique, toutes qualités dignes de ses illustres aînées, parmi lesquelles il convient de citer Maria Callas, qui reprit le rôle en 1953,  au Maggio Musicale de Florence, avec le succès que l’on sait. Ajoutons au chapitre des félicitations l’excellent Vincent Le Texier (Créon), et à celui des encouragements John Tessier (Jason), dont on regrettera le timbre un peu nasal, et Elodie Kimmel (Dircé), à la vocalité légèrement agressive. Une belle façon de conclure cette intéressante trilogie ! Un DVD est disponible, saisi à La Monnaie de Bruxelles, pour ceux qui n’ont pu assister à ce superbe spectacle (BelAir classiques).

 

 

 
© Vincent Pontet- WikiSpectacle.

 

 

Patrice Imbaud.

              

 

                  

Un concert minute : Murray Perahia chef et soliste

 


© Félix Brode

 

L'affluence était de rigueur pour le concert Mozart, donné Salle Pleyel, par Murray Perahia et l'Academy of Saint Martin in the Fields. Pourtant, quelques questions se posent. Cette formation, naguère justement fêtée, paraît se satisfaire d'un un jeu au ras du texte. Elle est aujourd'hui sérieusement concurrencée par des ensembles comme The Chamber Orchestra of Europe ou le Mahler Chamber Orchestra. C'est qu'à part une ligne de vents remarquable, la sonorité d'ensemble frôle la routine et manque cruellement de punch. Pis, le grand pianiste qui, depuis quelques années, aime endosser l'habit de chef, paraît sans joie. Comme si un effort lui pesait. En ouverture, les Six Danses allemandes K 536, dont le choix a sans doute été dicté par sa composition immédiatement contemporaine (1788) du concerto qui suivra, jouées sans chef, sonnent peu inspirées. Certes, tout est bien en place et on admire les traits originaux confiés, çà et là, par Mozart, aux bois, la petite flûte à la 5 ème, le basson à la dernière. Mais l'exécution est morne, manquant de charme. L'impression s'estompe heureusement dans le concerto pour piano K 537, dit « du Couronnement », singulier à plus d'un titre. Quoique achevé en 1788, il doit son appellation au fait qu'il sera joué par son auteur, deux ans après, à Francfort, pour les fêtes du sacre de l'empereur Leopold II. Mais Mozart l'avait joué dès 1789, à Leipzig puis à Dresde. La partition manuscrite ne porte que des indications sommaires de la partie soliste, voire n'en constitue qu'une esquisse. Elle sera reconstituée par l'éditeur. D'où la passion qu'elle a suscitée de la part des exégètes de l'œuvre mozartienne, certains y décelant un retour au style galant, voire une manière pour Mozart de se pasticher, d'autres y voyant la traduction de la période difficile traversée alors par l'auteur, en butte à la désaffection du public viennois. Quoi qu'il en soit, l'œuvre recèle plus d'un trésor, en particulier dans son magnifique larghetto. Le pianiste chef l'abordera sérieux et vite, économe de sensibilité, même si le finale allegretto déploie un indéniable sens du théâtre et une verve mesurée. La 39 ème symphonie, K 543, date elle aussi de 1788, et constitue le premier volet de la grande trilogie finale. On y sent, tout autant que dans le concerto précédent, les difficultés rencontrées par Mozart, dont les lettres alarmistes adressées à l'ami Puchberg, frère de Loge, se font l'écho. D'où un ton résolument grave. Perahia ne le dissimule pas, mais dirige sans beaucoup d'empathie. Là encore, tout est parfait, mais l'éclair ne jaillira pas au premier mouvement, non plus qu'au finale, boulé et manquant de souplesse. Seules, la belle effusion de l'andante, et la grâce du menuet et de son bref trio enluminé par le chant de la clarinette, viendront égayer une interprétation textuelle. Aucun bis ne viendra conclure une bien peu dense soirée, comme pas un morceau de piano n'aura poursuivi l'exécution du concerto. On reste quelque peu frustré d'un concert rapidement mené, auquel manquait le sens de l'évènement. 

 

 

Cocteau transposé à la scène lyrique

 

Philip GLASS : Les enfants terribles. Opéra en deux parties, d'après le roman éponyme de Jean Cocteau et le film de Jean-Pierre Melville. Adaptation de l'auteur et de Susan Marshall. Guillaume Andrieux, Chloé Briot, Amaya Dominguez, Olivier Dumait. Anne-Céline Barrère, Nicolaï Maslenko, Emmanuel Olivier, pianos. Mise en scène : Stéphane Vérité.

 


© Frédéric Desmesure

 

Philip Glass (*1937) est un musicien prolixe. Pour ne citer que le domaine de l'opéra, sa production compte, à ce jour, quelques 20 titres. Une trilogie d'opéras de chambre a vu le jour, dans les années 1993-1996, sur des textes de Jean Cocteau, dont Les enfants terribles sont le dernier volet. Le musicien s'inspire autant du roman de ce dernier (1929) que du film tourné en 1949, par Melville, à la réalisation duquel le poète avait activement participé. L'atmosphère intimiste de l'histoire du frère et de la sœur jouant à s'affronter, dans une chambre claquemurée, Glass la façonne avec une extrême économie de moyens : quatre chanteurs, dont l'un tient également le rôle du narrateur, et trois pianos. Son langage, forgé au courant des minimalistes américains, a alors quelque peu évolué, et sa manière, qu'il décrit comme « une musique avec des structures répétitives », s'ouvre à un lyrisme insoupçonné. Le caractère obstiné, et souvent lancinant, de la répétition de formules ténues, subissant un processus continu de transformation, laisse émerger une thématique presque rafraîchissante. Le « jeu », mystérieux et codé, auquel se livrent Paul et Elisabeth, ne laisse pas beaucoup d'espace à une vision optimiste de l'existence. On comprend vite que ces conversations, en apparence banales, ces dangereux chassés croisés amoureux, ne sauraient mener qu'à la catastrophe. Le traitement vocal est calqué sur le style arioso, épousant au plus près la prosodie naturelle française, et est dégagé de toute emphase opératique. La production de l'Athénée, reprise de celle créée, en 2011, à l'Opéra de Bordeaux, cultive le sentiment étouffant qui baigne la pièce. Stéphane Vérité l'inscrit dans le cadre d'un huis clos radical, dont un original et superbe dispositif vidéo crée les contours mouvants : oppressant lorsqu'il s'agit de la chambre mansardée des enfants, dangereux complices, ou de cette galerie-chambre d'un palais, qui se vit comme un habit trop large, onirique pour suggérer les velléités d'échappées, voire de fuite, avec ses immenses vagues submergeant le plateau. Il retrouve ce sens du trucage cinématographique, cher à Cocteau, saisissant aussi bien la réalité que l'illusion. La manière retenue de jouer, imposée aux quatre personnages, parfois d'une simplicité troublante, apporte au jeu cruel des enfants, entre eux et avec leurs deux partenaires, un supplément d'angoisse, que la succession fluide des scènes, ne laisse jamais retomber. Le spectacle est servi par des interprètes on ne peut plus « vrais », dont Guillaume Andrieux, Paul, qui de son beau timbre de baryton Martin, enlumine cette tragédie de l'innocence.       

 

 

En est-on au dernier mot de l'édition des Contes d'Hoffmann ?

 

Jacques OFFENBACH : Les Contes d'Hoffmann. Opéra fantastique en cinq actes. Livret de Jules Barbier. John Osborne, Sonya Yoncheva, Laurent Naouri, Michèle Losier, Jean-Paul Fouchécourt, Eric Huchet, Laurent Alvaro, Sylvie Brunet, Marc Mauillon, Julien Behr. Ensemble vocal Aedes. Les Musiciens du Louvre Grenoble, dir. Marc Minkowski.

 

 
© Julien Mignot

 

Ultime volet des festivités du trentenaire des Musiciens du Louvre Grenoble, et du Domaine privé Marc Minkowski, la version de concert des Contes d'Hoffmann, donnée Salle Pleyel, fera date. Marque-elle la fin du long feuilleton de la version définitive du grand œuvre d'Offenbach ? Rien n'est moins sûr. En tout cas, Marc Minkowski explique avoir tenté « de remonter aussi loin que possible jusqu'à la source, jusqu'à ce rêve en cinq actes qu'Offenbach avait en tête ». On ne compte pas, en effet, les versions de cet opéra, pas moins de quatre par l'éditeur d'origine, Choudens, puis les tentatives de Oeser, de Kaye, et plus récemment de Keck, sans compter les versions bâtardes, retenues par les scènes les plus prestigieuses. Le choix, cette fois, s'est porté sur les derniers travaux des musicologues Michael Kaye et Jean-Christophe Keck, publiés chez Schott, et la version en cinq actes, respectant l'ordre voulu par le compositeur, savoir l'acte dit « de Venise », après celui d'Antonia. Cet acte de Venise est à l'origine des plus folles tribulations, de la suppression pure et simple, lors de la création, en 1881, à la mutilation, plus ou moins consciente, au fil de reprises en France et à l'étranger. Dans la version présentée par Minkowski, c'est là que se font jour les principales nouveautés : l'entière séquence apparaît transformée, avec, entre autres, le remplacement de l'air fameux de Dapertutto, « Scintille, O diamant », par un air alternatif, pour des motifs de cohérence musicale, dit-on, puis, un renforcement des échanges entre les divers protagonistes, dont le duo Giulietta-Hoffmann, sur fond de cordes graves. Le dernier acte est, lui aussi, élargi : introduit par le chœur a capella, il se poursuit par un duo entre Stella, la cantatrice, et Lindorf, parallélisme des formes oblige, pour s'achever par un grand finale où le quatuor réunissant ces deux personnages, outre Hoffmann et La muse, est « doublé » par le chœur, auxquels se sont joints les autres solistes : une sorte d'apothéose, sur le thème « on est grand par l'amour ». Cette vision complète, ou peu s'en faut, par rapport aux versions ordinairement admises, suscite-t-elle une adhésion sans réserve ? Cela dépend de l'angle où l'on se place. De manière prosaïque, la réponse est plutôt négative, car la facture de l'opéra, qui atteint un gabarit quasi wagnérien, change de nature. Son développement substantiel souligne, quelques tunnels aidant, une dramaturgie improbable, même si le rêve excuse bien des rebondissements. Il en va autrement du point de vue musicologique. Cette vision enrichie offre plus de lisibilité à la transmutation du personnage de la cantatrice Stella en ces trois visages de femmes aimées, dans l'imagination du poète, « trois âmes dans une seule âme », comme à la métamorphose de celui de Lindorf en ses trois méchants compères. Partant, elle accentue la profonde originalité du livret de Jules Barbier, savoir le retour des mêmes interprètes à chaque acte. Et accrédite l'idée que cet opéra constitue une œuvre collective, dans la gestation de laquelle le compositeur, trop tôt disparu, a été rejoint par ceux qui ont tenté de la mettre au net, dont Ernest Guiraud, qui a en terminé l'orchestration.  

 

 
© Julien Mignot

 

Marc Minkowski ne ménage pas sa peine pour lui donner vie. Et la réussite est là, patente. Cet idiome, il le connaît bien, car, tout comme Mozart, il jalonne son parcours, avec sa visite répétée des pièces plus légères du jettatore Offenbach. On ne peut guère dissocier l'achèvement, de celui de son ensemble des Musiciens du Louvre Grenoble, qui décidément le suivent sans sourciller dans ses projets les plus fous. Et c'est loin d'être fini : Wagner est déjà en embuscade ! La formation est plus restreinte que dans les grandes machines des fosses d'opéra. Mais combien cela sonne fin et alerte, les bois d'une couleur inouïe, les cordes unies comme un seul homme, les cuivres mordorés. Il y a là non seulement de la fièvre, mais encore de l'esprit, et de l'émotion à revendre. Sa distribution, que l'on sent soupesée jusque dans le moindre détail, est sans faille. Même privés de la scène, encore que soutenus par une discrète mise en espace, qui avive l'imagination, les interprètes dessinent de vrais caractères. Dans le double rôle de La muse et de Nicklausse, Michèle Losier est tour à tour capricieuse et volontariste. Laurent Alvaro, Crespel et maître Luther, déploie une voix de basse bien sonore, Eric Huchet est un Spalanzani  heureusement pas histrion. Tout comme Jean-Paul Fouchécourt, qui dans la tradition d'un Michel Sénéchal, offre des morceaux d'anthologie des quatre portraits cocasses, et non comiques, d'Andrès, Cochenille, Franz et Pittichinaccio. Laurent Naouri, de son autorité naturelle et de cette articulation qui fait mouche à chaque phrase, libère l'effroi d'un sinistre Lindorf, briseur d'amour, d'un inquiétant Coppélius, d'un sardonique docteur Miracle, et d'un diabolique Dapertutto. John Osborne est un audacieux, mais juste, choix pour Hoffmann, dépouillé d'une vaillance trop exclusive, au profit une approche nuancée, qu'autorise son timbre bel cantiste. La distinction est aussi au rendez-vous, et l'on croit entendre presque le style racé d'un Gedda. Enfin, le formidable challenge des héroïnes est tenu haut la main par Sonya Yoncheva. Comme bien de ses illustres devancières, elle assume avec assurance la trilogie, voire ici la tétralogie, si l'on inclut le personnage de Stella, qui ne reste pas muet au dernier acte. C'est, toutefois, dans celui d'Antonia qu'elle est le plus à l'aise, flattant un médium d'une rare solidité. La chanson de la tourterelle est belle à pleurer. Mais n'est-ce pas la meilleure incarnation féminine de l'œuvre ? L'Ensemble vocal Aedes, lui aussi moins nombreux que ses confrères opératiques, offre une ductilité, une transparence qui confèrent aux interventions chorales une aura de jeunesse. 

 

Modernité de trois époques : le Quator Diotima aux Bouffes du Nord

 


© DR

 

Placés sous les auspices de ProQuartet, les quatre concerts du Quatuor Diotima, aux Bouffes du Nord, ont plus que tenu leurs promesses. Ce qu'un public extrêmement  averti ne s'est pas fait faute de saluer. La programmation était audacieuse, unissant Beethoven, Schönberg et Boulez. Ils ont vu juste. Il y a là plus qu'une évidente complémentarité entre ces trois maîtres. Pierre Morlet, le violoncelliste, le relève: « Beethoven Schönberg et Boulez sont trois piliers fondateurs dans l'évolution du langage musical, qui ont choisi le quatuor pour pousser la forme jusqu'au bout ». L'absorption de la forme par le fond caractérise les derniers quatuors du maître de Bonn. Une pensée fécondée par une période de souffrance, qui laisse percer la  tristesse, mais asservie à un geste fort, une facture âpre, combien moderne. La « comparaison » avec Schönberg est alors plus qu'édifiante, presque essentielle. La forme cyclique, la prédominance de la grande variation confèrent aux derniers quatuors de Beethoven une intensité incroyable. On le perçoit aussi bien dans l'op. 127, déjà visionnaire dans les méandres du discours, et ses traits inattendus, que dans l'op. 131, « œuvre monumentale » selon Boulez, dont on ne sort pas indemne des sept parties enchaînées, changeantes, contrastées, où l'excessif est érigé en système. L'op. 132 ouvre un monde de sonorités inouïes, traversées de sautes d'humeur. Le molto adagio atteint des cimes, que la ferveur et l'exaltation contrôlée de la présente exécution laissent contempler. L'ascétisme se décline chez Schönberg, et de plus en plus au fil de ses quatre opus. Si le premier (1904-05) se place dans l'orbite du lyrisme expressionniste de La Nuit transfigurée, offrant un jaillissement sonore ininterrompu, les suivants imposent une nouvelle pensée de l'écriture. La révolution dodécaphonique est passée par là. Et même si le compositeur revient à la forme classique des quatre mouvements dans les deux derniers. Le 4 ème (1936), fait une large place au mélodique, en particulier dans le largo, animé d'un large geste.

 


© Marion Gravrand

 

Les Diotima forcent l'admiration à plus d'un titre. D'abord, par la façon dont ils imposent le silence avant toute exécution. Par leur maîtrise technique impressionnante aussi, et la cohérence qui marque chaque interprétation. C'est, sans doute, les pages de Schönberg qui leur sont les plus familières. Non que celles de Beethoven soient moins topiques d'une concentration de tous les instants, qui ne donne aucunement le sentiment d'une lecture froidement objective. On le vérifie encore lors qu'ils se mesurent au Livre pour quatuor de Boulez (1948/1949). Dans ce qui est une œuvre évolutive, pour laquelle il se livra à un « travail acharné », Boulez fait complètement voler en éclats la forme. Ces feuillets, qui s'organisent en six parties et sous parties, tout juste révisées par le maître, à la demande des Diotima, offrent de très courtes séquences. Comme un effilochage de musique, de l'ordre de l'infinitésimal, avec parfois une frénésie de pizzicatos (Partie 2), et des traits subreptices arrachés, d'une folle aspérité. Appréhender cette écriture requiert une technicité que l'empathie avec le langage de Schönberg rend, sans doute, déjà plus maîtrisable. A l'intuition de faire le reste. Les conseils prodigués par le compositeur ont dû être une précieuse source d'inspiration. Car Boulez dit n'admettre « aucune déperdition d'énergie », comme il en est de l'écriture mallarméenne. Le Livre reste inachevé, dans le « labyrinthe », auquel il aime faire référence : la Partie IV reste à finaliser, mais « pas trop vite », dira-t-il, lors de la présentation, faite en prélude au 4 ème concert. On est ici dans le domaine de la spéculation, de la théorie pure, et seule l'écoute répétée peut en révéler les arcanes. Au terme de ce voyage aussi ambitieux qu'enrichissant, on aura sûrement approché l'âme de la musique.

  

 

Robert le diable ou le fantastique français

 

Giacomo MEYERBEER : Robert le diable. Grand opéra en cinq actes. Livret d'Eugène Scribe et Germain Delavigne. Bryan Hymel, John Relyea, Marina Poplavskaya, Patricia Ciofi, Nicolas Courjal, Jean-François Borras, David Butt Philip, Pablo Bemsch, Ashley Riches, Jihoon Kim. Royal Opera Chorus. Orchestra of the Royal Opera House, dir. Daniel Oren. Mise en scène : Laurent Pelly.

 


© ROH/Bill Cooper

 

Avec Robert le diable, Meyerbeer, en 1831, initiait le genre du « grand opéra », et introduisait sur la scène lyrique le fantastique à la française. Paris bruissait alors des accents du Freischütz de Weber, créé sous les traits de Robin des bois (1824). Pour faire bonne mesure, on fit appel à un décorateur célèbre, Pierre-Luc-Charles Ciceri, qui allait déchaîner l'enthousiasme du public, avide de sensations visuelles. Le succès sera durable au XIX ème siècle, mais tournera court ensuite. Tirés d'un roman médiéval, les amours de Robert, fils d'un démon et d'une mortelle, lequel emploie la sorcellerie pour conquérir son aimée, la princesse Isabelle, avaient de quoi fertiliser l'imagination. Le héros hésite à se défaire de l'emprise du mal, personnifié par Bertram, être maléfique hoffmannien, ou lointain cousin de Méphisto. Le clou du spectacle, au III ème acte, se situe dans un cimetière, offrant un ballet pantomime de nonnes possédées. La scène sera immortalisée par une célèbre toile de Degas. Si l'opéra tombera en désuétude, comme ses autres illustres compagnons, Les Huguenots, Le Prophète, c'est parce qu'un certain Wagner sera passé par là. L'écriture de Meyerbeer est en effet descriptive, facile dans sa veine mélodique, portée sur le rythme de marche, souvent originale dans l'utilisation des bois et des cuivres, pour des effets saisissants. Mais cela, Wagner le maîtrisera plus sûrement. Ceci étant, on ne boudera pas le plaisir de voir cet opéra remis en selle, grâce à la hardiesse du Royal Opera de Londres. Sa première présentation depuis 1890 ! Une telle machine à grand spectacle n'a-t-elle pas de quoi émoustiller le public anglais ! Pour viser le succès, on s'est assuré le concours de Laurent Pelly, qui avait conquis céans avec son inénarrable Fille du régiment. Le régisseur se montre beaucoup plus sage cette fois. Sa collaboratrice fidèle, Chantal Thomas, a troqué les habits de dramaturge pour ceux de décoratrice, puisqu'aussi bien il y a peu à ré imaginer d'un mélodrame somme toute clair, malgré ses longueurs. La mise en scène est souvent vue à un rafraîchissant premier degré, à moins que ce ne soit pour mieux enfoncer le clou là où il faut jute éclairer quelques points qui eussent pu passer pour trop conventionnels. Pelly se contentera de touches piquantes : un tournoi de pacotille, où les combattants, tombés des cintres, enfourchent leurs destriers de bois multicolores, avancés préalablement, ou ce castel normand, façon leggo géant, parmi les tours et remparts duquel déambulent les personnages, attifés façon Moyen-Age. Ou encore le basculement d'époque, au dernier acte, pour atteindre les années 1950, afin de réassurer le cadre chrétien, moyennant curés à soutane et bonnes sœurs à cornette. Il se lâchera à la scène des nonnes, façon péché-plaisir, orgie de filles fleurs vénéneuses, et se résolvant en vision de bacchanale, joyeux « tutti frenzy », dans le plus pur expressionnisme anglais. Mais pas de recherche excessive pour revitaliser des caractères peu subtils, dont ce ténor empêtré dans ses hésitations, qui fait de la non décision une vertu, et gagne sa rédemption presque par défaut. Le diabolique Bertram ne cherche nullement à sa départir de la convention qui lui colle à la peau, ce «  diable bon français, bon père de famille », comme le décrit un commentateur de la création !

 


© ROH/Bill Cooper

 

La constellation internationale des chanteurs, réunis par une direction artistique aimant se fier à des artistes ayant déjà honoré les planches de Covent Garden, ne  facilitait sans doute pas la tâche. Bryan Hymel, décidément mis à toutes les sauces, hier Enée, laisse éclater, certes, une belle jeunesse, mais est dangereusement taxé par une tessiture bel cantiste, plus proche de Rossini que de Weber. Le rôle fut écrit pour le fameux Nourrit, créateur des rôles d'Arnold (Guillaume Tell), et de Raoul (Les Hugenots), autrement dit une voix mixte, dont il n'existe pas de représentant actuellement. Le Bertram de John Relyea est sardonique à l'envi, et assuré dans la basse profonde. Il y a du Nick Shadow dans sa manière. Las, Marina Poplavskaya est « miscast » dans Alice, prima donna, requérant une « stamina » dont cette chanteuse est dépourvue. Vis à vis d'une partie combinant legato dans le médium, et dures quintes aiguës, voire chant a cappella, lors du trio essentiel du V ème acte. Patricia Ciofi, elle, triomphe dans le rôle, il est vrai plus gratifiant, d'Isabelle, la princesse convoitée. La distribution s'enrichit d'autres fines prestations, dont le Raimbaut du français Jean-François Borras. Daniel Oren drive d'une main efficace cette énorme partition, où le surnaturel côtoie le trivial. Il se délecte des traits d'instrumentation inédite, insolite même, telle l'union du basson et du tam-tam, lors du ballet des nonnes, générant un climat envoûtant, ou le recours à l'accompagnement de trompettes dans l'aria « O mon fils ». Et surtout, ménage au mieux ces vastes scènes enchaînant aria et ensemble, qui dégagent quelque vrai sentiment tragique. L'orchestre répond avec faconde, et les chœurs ne sont pas en reste côté engagement.

 

L'opérette à l'anglaise à son meilleur : The Mikado

 

Arthur Sullivan & WS. Gilbert: The Mikado or The town of Titipu. « Original Japanese opera in two acts ». Richard Angas, Robert Murray, Richard Stuart, Donald Maxwell, Mary Bevan, David Stout, Yvonne Howard, Rachael Lloyd, Fiona Canfield, David Newmann. Orchestra and Chorus of the English National Opera, dir. David Parry. Mise en scène : Jonathan Miller, reprise par Elaine Tyler-Hall. 

 


© Sarah Lee

 

Arthur Sullivan (1842-1900) est-il le Offenbach anglais ? Sans doute, à en juger par sa conséquente production, pas moins de treize opérettes, écrites avec son librettiste attitré, Gilbert. Une des plus fructueuses collaborations qu'a connue l'Angleterre musicale. Le duo n'a pas son pareil pour trousser une satire de la société victorienne, comme l'auteur de La Belle Hélène s'y employa, quelques 25 ans plus tôt, de celle du Second Empire. Le Mikado ou La ville de Titipu est leur titre emblématique, créé en 1885, au Savoy Theater de Londres, où il tiendra l'affiche des années durant. Depuis lors, le succès ne se dément pas. Les pièces de Sullivan ne cherchent qu'à divertir, et leur auteur professe ce principe simple, mais de bon sens : « ma musique devrait parler au cœur, et non à la tête ». Elle déploie un lyrisme agréable, des rythmes aisés, et professe même, soudain, une tournure baroquisante, ultime clin d'œil au glorieux passé musical britannique. L'histoire est celle d'un monarque imaginaire d'une période révolue, qui se réjouit des exécutions qu'on inflige au bon peuple, organisées par un Lord High Executioner plus bonace que terrible. On a pu en comparer la veine satirique à celle d'un Swift dans Les voyages de Gulliver. Il y a, bien sûr, beaucoup de « jokes », savamment distillées ici par une régie qui sait tenir en éveil, et des interprètes connaissant leur affaire. La production de Jonathan Miller, créée en 1986, a tant contribué à pérenniser le succès, qu'il est impossible de la déloger, puisqu'aussi bien, on ne change pas une équipe qui gagne ! Le coup de génie est d'avoir transposé cette amusante japonaiserie dans un hôtel de bord de mer des années 30. Résolument british. Jonathan Miller n'en était d'ailleurs pas à son coup d'essai. On se souvient, sur cette même scène, d'un Rigoletto d'anthologie, situé dans les bas fonds de l'East side new yorkais. Cette énième reprise assure, et haut la main. Mené à un rythme trépidant, le show se vit dans le meilleur goût de la revue londonienne, avec juste ce qu'il faut d'exagération pour tirer le rire. Les portraits sont savoureux : le Lord Executioner en question, appelé Ko-ko, dont le titulaire, Richard Stuart, est animé d'une faconde grandiose, un Mikado, sous les traits d'une énorme marionnette, finalement plus enclin au pardon qu'à ses sanguinaires lubies, un couple d'amoureux, beaux à ravir, pas trop importunés dans leurs projets par ce qui se trame alentour. Sans compter sur quelques  caricatures maniant l'absurde en maître, pour pimenter la sauce. Et moult numéros d'acteurs dévastateurs : Donald Maxwell, obséquieux Pooh-Bach, ou autre « Lord High Everything Else », et Yvonne Howard, Katisha, la femme virago. Tout jubile d'un mouvement entraînant, dans le climat resplendissant d'un décor clair, un brin déglingué, enrichi du blanc et noir de costumes somptueux qui, au final, misent sur le tout immaculé. 

 

Venus et Adonis ouvre la saison de l'Opéra Comique

 

John BLOW : Venus and Adonis. Musique pour le divertissement du roi, en trois actes et un prologue. Livret de Anne Kingsmill Finch. Précédé de Begin the Song, ode à Sainte Cécile. Céline Scheen, Marc Mauillon, Romain Delalande. La Maîtrise de Caen. Les Musiciens du Paradis, dir. Bertrand Cuiller. Mise en scène : Louise Moati.

 

 


© Philippe Belval

 

Issu du genre du masque, Venus et Adonis fait figure de premier opéra anglais. John Blow (1649-1708) reprend la grande tradition musicale d'un Locke, et sera l'ami et même le maître de Purcell. Composé pour le roi Charles II, ce « divertissement », fut créé à Londres, à la cour, en 1683. Quoique dans le droit fil de l'école élisabéthaine, sa modernité frappe d'emblée. Il emprunte ainsi à la manière française, dans son ouverture, et développe une harmonie originale, entremêlant plusieurs lignes musicales qui chacune garde sa propre vie, à la manière de Tallis et de Byrd. La trame est concise, offrant une mini tragédie, assortie d'un doux parfum érotique, et d'une fine dose de cynisme. Le spectacle de l'Opéra Comique, co produit avec le Théâtre de Caen, fait précéder l'opéra d'un sonnet de Shakespeare, et surtout, de l'Ode à Sainte Cécile de Blow, Begin the Song, hommage à la musique, propice à introduire l'opéra. Reste que le climat dans lequel nous plonge le metteur en scène, Louise Moati, est d'emblée résolument triste, fond de scène barré de noir, costumes du même ton, éclairages à la bougie, donc blafards. Après un intermède dansé, sans musique, l'opéra débute dans ce même environnement, et affiche, avant l'heure, ce qui apparaît telle « a ceremony of mourning ». Dès les prémisses, pourtant insouciants, de la pièce, perce une pesante mélancolie, celle qui conclura la scène finale de déploration de Vénus sur le corps de son beau chasseur, blessé à mort par le sanglier. Un mouvement volontairement lent, voire très lent, assortit la progression de la trame. Une page comme la courte scène de séduction de Cupidon, qui pourtant engage ses semblables à s'affranchir de toute réserve, et fustige celui « qui méprise la grande école de l'Amour », paraît étrangement sans ressort. L'interprète, le jeune sopraniste Romain Delalande, ajoute à ce sentiment, par un chant peu assuré. Certes, Blow a conçu ce que Louise Moati définit comme « un conte cruel, une vanité qui inscrit dans l'espace du mythe l'éphémère des plaisirs et de la vie ». Mais la mélancolie qui berce ces pages et sous tend une action somme toute entendue, a-t-elle besoin d'être soulignée au point de faire perdre à cette dernière toute spontanéité ? Les deux personnages éponymes distinguent l'interprétation vocale, faisant leur la simplicité de la narration, inhérente au masque-opéra, où même la lascivité des amants demeure suggérée : lui, Marc Mauillon, d'une justesse d'accent et de ton remarquable, elle, Céline Scheen, intense tragédienne. La contribution chorale de la Maîtrise de Caen est valeureuse, dont se détachent quelques belles individualités. La direction de Bertrand Cuiller est, elle aussi, d'une sûre délicatesse d'accents. Là où Blow requiert de la finesse pour révéler une orchestration originale, au contrepoint très élaboré, audacieuse dans les sonorités, notamment au chapitre des vents, des flûtes à bec tout particulièrement, et d'un continuo éloquent. Son magnifique orchestre des Musiciens du Paradis diffuse des couleurs solaires qui font quelque peu défaut sur scène.   

 

 

Suite du cycle Brahms Szymanovski à Pleyel

 


© Fred Toulet

 

 

Poursuivant leur cycle inédit rapprochant  Brahms et Szymanovski, Valery Gergiev et le LSO abordent les N° 3. La Troisième symphonie de Brahms, que le chef Hans Richter qualifiait d'« Eroica », est entre les mains du chef ossète, plus pastorale que flamboyante. La retenue marque une direction qui semble vouloir adopter une lecture un cran en-deçà de ce qui est indiqué : l'allegro con brio refuse ce dernier épithète et s'avère plus que modéré, l'andante frôle l'adagio, dans sa lenteur calculée, le poco allegretto se fait un fort discret intermezzo, et le finale surenchérit, mis a part son fier début, sur ce parti pris de modération. La résolution tranquille de ce quatrième mouvement semble agir, chez Gergiev, comme une force d'attraction, à l'aune de laquelle toute la symphonie est conçue. Comment aimez-vous votre Brahms ? La manière adoptée par le chef sort des sentiers rabâchés. Le fait d'associer, souvent, ppp et lenteur peut déconcerter. Reste qu'avec la phalange londonienne, le résultat s'avère plus qu'attractif, privilégiant la tendresse plus que la vaillance épique. Les choses sont plus « classiques » avec les Variations sur un thème de Haydn, qui marquaient, en 1873, les débuts de Brahms dans le monde symphonique. On est frappé ici par la liberté rythmique, la subtile fluctuation du tempo, que Gergiev impose, conférant à ce florilège de variations une étonnante souplesse. Comme dans la symphonie, on est plus que séduit par une ligne de bois tout simplement merveilleuse.  La symphonie N°3 de Szymanovski, dite « Chant de la nuit », composée entre 1914 et 1916, inaugure la manière impressionniste de l'auteur, et signale cet attrait pour l'Orient, qui marquera plusieurs de ses œuvres de la même période. Le texte, chanté par le chœur et le ténor soliste, évoque l'union de l'homme et du divin. Requérant un vaste effectif, avec une section fournie de cuivres, deux harpes, un brelan de percussions, telles que tam-tam, glockenspiel, petit tambour, outre le célesta et une contribution importante du piano, elle déploie un univers mirifique. Celui-ci « rappelle » aussi bien les français, avec une contribution du chœur, comme dans Daphnis et Chloé, que le Scriabine du Poème de l'extase ou de Prométhée. Quoique l'impressionnisme soit chez Szymanovski différent de celui d'un Ravel, et l'extase fort distincte de celle du délire sauvage scriabinien. Le langage utilise la gamme par tons, mais multiplie les repères tonaux. D'un seul tenant et extrêmement concise, la pièce révèle, en fait, trois parties. Une première section, modérée, dont le cours s'abreuve de formidables climax, proches de la transe, une partie plus vive, scherzando, introduisant des tonalités orientalisantes, ré imaginées, comme les français l'ont fait d'une Espagne idéalisée, enfin une section largo, où, là encore, un discours flattant le pianissimo peut s'ouvrir sur de terrifiants clusters, au fil de variations rythmiques incessantes. Gergiev immerge l'auditoire dans la luxuriance de ces pages, au geste jubilatoire, comme il dévoile leur extrême raffinement, leur magie envoûtante. La plasticité du LSO est un atout de taille pour en restituer les mille facettes.

 

 

Carmen à l'Opéra Bastille : une occasion manquée ?

 

Georges BIZET : Carmen. Opéra en quatre actes. Poème d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy, tiré de la nouvelle de Prosper Mérimée. Anna Caterina Antonacci, Nikolai Schukoff, Genia Kühmeier, Ludovic Tézier, Louise Callinan, Olivia Doray, Edwin Crossley-Mercer, François Piolino, François Lis, Alexandre Duhamel, Frédéric Cuif. Maîtrise des Hauts-de-Seine. Chœur d'enfants de l'Opéra national de Paris. Orchestre et Chœur de l'Opéra National de Paris, dir. Philippe Jordan. Mise en scène : Yves Beaunesne.

 


© Charles Duprat

 

Peut-être attendait-on trop de la nouvelle production de Carmen. Mais on est à l'Opéra de Paris, près du lieu où fut créé l'opéra, désormais le plus joué au monde. Il ne peut prétendre ici qu'à l'irréprochable. Or, on reste frustré par bien des aspects d'un spectacle pas si abouti que l'affiche ne le laissait prévoir. La mise en scène est d'abord responsable, mais pas seulement. Yves Beaunesne, qui entend se tenir à distance de la convention comme de la réinterprétation hasardeuse, transporte l'histoire dans l'Espagne de la movida, ce qui, en soi, n'est pas gênant, le bariolage des costumes apportant une touche plutôt amusante. Comme l'emphase portée sur les enfants, volée de moineaux aimant la farce, voire la rapine. Le mouvement sait être allègre, à l'aune de ces rafales de vélos parcourant le vaste plateau. C'est juchée sur cet engin qu'apparaît Micaéla, au Ier acte. La régie d'acteurs n'est pas ampoulée, la version choisie, avec les dialogues, enrichis d'ailleurs, rendant à la narration sa vraie lisibilité. Elle réserve quelques traits bien sentis. Ainsi de ce jeu en miroir, durant l'échange entre Carmen et José, au II ème acte : sur « Carmen,tu m'entendras », il lui serre la gorge, et lâchant prise, s'en étonne lui-même ; lors de la réplique « adieu, pour jamais », elle l'enlace amoureusement, et il ne se dégage de l'étreinte que malgré lui. L'unicité de décor, au demeurant curieux, d'un entrepôt ouvert à tous vents, aura au moins pour vertu d'autoriser un autre trait saisissant, entre la fin du 3ème  acte et le début du suivant : Carmen, restée seule, interdite, au premier plan, tandis que l'éclairage se modifie alentour, est rejointe par un bambin fagoté en toréador, qui la prend par la main. Mais aussitôt après, comme trop souvent durant les trois actes précédents, la dramaturgie tourne court. Le dernier acte est en-deçà d'une vraie vision tragique. A aucun moment, il n'en livrera la formidable puissance. L'entrée des picadors et autres As de l'arène, donne lieu à un défilé grandiloquent de poupées géantes, qui accompagne celui, plus finaud, des gamins mimant leurs illustres ainés. Le jeu de scène concomitant, consistant, au lointain, à vêtir Escamillo de ses atours de fête, reste anecdotique. Surtout, la dernière scène passe à côté de son sujet : José n'est pas même pitoyable lorsqu'il tire d'un sac de voyage une robe de mariée dont la crasse a terni la blancheur, et à l'aide de laquelle il étranglera son aimée. Le cœur n'y est pas. On est  comme lésé par une fin dépourvue d'émotion.  

 


© Charles Duprat

 

Le sentiment de frustration appert également de l'interprétation. Le couple principal est problématique, pour des raisons différentes d'ailleurs. Ils partagent, en tout cas, ce qui se perçoit comme une approche sous-évaluée, faite de retenue, pour ne pas dire de détachement. A force de vouloir évacuer, sinon la convention, du moins la force de l'habitude, la mise en scène en arrive à brider la force essentielle des deux caractères. Et puis le Don José de Nikolai Schukoff est pâle et sans prestige. Le timbre est ingrat, et la voix trouve vite sa limite dans l'héroïque, et même dans la douceur : le falsetto final de l'air de la fleur est plus calculé que réellement poétique. On s'interroge sur la Carmen de Anna Caterina Antonacci, pourtant une des grandes interprètes actuelles du rôle. La voix ne parvient que difficilement à se frayer un passage dans l'immense vaisseau de Bastille. Mais sa beauté éclaire, de son look à la Marilyn, et mille nuances dessinent le chant. Le personnage, à des années lumières de la femme fatale, de la séductrice en diable, offre un naturel, presqu'attachant, qu'on n'attend pas forcément de la gitane de Bizet ; visage là encore imposée par la régie. Pour citer Lucienne Bréval, « Quelle noblesse dans sa sauvagerie ! ». Si elle ne craint rien, pas même la mort, elle le vit de manière tout sauf mélodramatique. On comprend que cette vision puisse déconcerter. La Micaela de Genia Kühmeier livre une voix n'ayant, elle, pas de mal à s'emparer de l'auditorium, et de l'auditoire, qui lui fait une ovation, à juste titre. L'Escamillo de Ludovic Tézier a grande allure, n'était son accoutrement grotesque de mafieux à l'acte II, ou harnaché des habits ajustés du parfait toréador au dernier. La Mercédes  et la Frasquita sont inexistantes. C'est un plaisir d'entendre les parties chorales délivrées avec le vrai naturel du chant français. Philippe Jordan livre une interprétation toute en finesse et d'une ampleur certaine. Sans aller jusqu'à faire sienne la boutade de son collègue Simon Rattle, selon laquelle tout est ici écrit pianissismo, il ménage les divers climats avec adresse. Les entr'actes sont des moments symphoniques choisis, malgré la piètre réceptivité d'un public toussant à gorge déployée. Le sens du drame, si épisodique sur le plateau, est bien présent dans la fosse, avec un orchestre qui sait comme Bizet doit vibrer.

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

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L’EDITION MUSICALE

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L’édition musicale

 

 

FORMATION MUSICALE

 

 

Christian BELLEGARDE : Au fil de l’écriture. 70 textes en 3 recueils des accords de trois sons aux styles d’auteurs. 1 vol textes, 1 vol réalisations. 3ème recueil. Billaudot : G9305B et G9306B.

Nous avons dit dans les lettres 61 de juillet et 64 de novembre 2012 tout le bien que nous pensions de ces volumes. Le dernier contient des basses chiffrées et non chiffrées et chants, incises et thèmes dans le style d’auteurs de Mozart à Bartók. Il y a là de quoi exciter l’imagination et la pensée musicale des étudiants !

 

CHANT

 

Christian MESMIN : Sam. Conte musical pour voix d’enfants et piano. 1 vol. 1 CD. Delatour : DLT1981. Chant seul : DLT1581.

C’est l’histoire d’un arbre, racontée de façon sensible et poétique en dix numéros à une ou deux voix. Ce petit saule solitaire s’ennuie et les enfants vont créer autour de lui tout un jardin… La musique est très délicate, dans un style à la fois rythmé et debussyste. C’est extrêmement agréable et les enfants devraient y prendre beaucoup de plaisir et y trouver un grand profit musical. Le CD contient uniquement le play-back.

 

 

ONDES MARTENOT

 

Jean-Jacques WERNER : Èlégie pour ondes Martenot. Delatour : DLT0993.

Cette œuvre, écrite en hommage au compositeur André David, est profondément lyrique. Elle est écrite pour une onde solo, mais le compositeur, qui connait bien l’instrument, sait en exploiter toutes les possibilités y compris celle de donner l’illusion d’un jeu à deux voix. Saluons au passage les éditions Delatour qui projettent de créer dans leur production un département consacré aux Ondes Martenot.

 

 

ORGUE

 

Jean LEGOUPIL : Quatre pièces pour grand orgue. Op. 1, 14, 20 et 54. Delatour : DLT1580.

Ces pièces constituent un panorama de l’évolution de ce compositeur organiste normand. Elles supposent un instrument à deux ou trois claviers et pédalier. On retiendra particulièrement La Nativité de Notre Seigneur, prélude à l’introït de la messe du jour, sur le thème du « Puer natus est… », mais toutes méritent d’être découvertes et méditées. Ce sont des œuvres d’une grande intériorité et d’une grande beauté.

 

 

 

Yves LAFARGUE : Choral pour grand orgue. Delatour : DLT2084.

Qu’on ne s’y trompe surtout pas : le Con morbidezza par lequel l’auteur caractérise son œuvre n’a rien de morbide ! Il s’agit de délicatesse, de tendresse. Et c’est bien ainsi qu’on peut caractériser cette œuvre qui évoque, mais sans les pasticher, les grands Chorals de la musique française d’orgue Franck, Vierne… Tendresse, délicatesse qui persiste y compris dans les parties les plus animées.

 

 

 

Loïg DELANOY : Thème et variations pour orgue. Delatour : DLT1275.

Encore étudiant, exerçant par ailleurs la fonction de pianiste accompagnateur du chœur de Meudon, et passionné de toutes les musiques, Loïg Delanoy a été vainqueur en 2009 du 1er concours Joseph Merklin de composition pour orgue. Ce concours, était en particulier patronné par les éditions Delatour qui publient donc cette œuvre. L’auteur s’est appliqué à tirer de l’orgue Merklin des ressources insoupçonnées de timbres, ce qui ne veut pas dire qu’il a utilisé des procédés compliqués. Bref, une œuvre intéressante mais dont on souhaiterait un enregistrement sur l’instrument pour lequel elle a été conçue.

 

 

 

GUITARE

 

Valéry AUBERTIN : Livre pour guitare. Editions Europart-music 86240 Ligugé.

Composé de quatre pièces, ce Livre a été composé pour être exécuté dans son ensemble, car il forme un tout. Cependant, on peut interpréter ces quatre pièces séparément. L’auteur présente son œuvre de façon tout à fait intéressante. Très difficile, elle mérite la peine qu’elle demande car c’est de la belle et bonne musique.

 

 

 

 

PIANO

 

Célino BRATTI : La belle randonnée pour piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2417.

Cette Belle randonnée nous promène gaillardement de fa Majeur à ré bémol Majeur, au gré de l’humeur du promeneur, toujours joyeuse. Mine de rien, elle permet de tester la dextérité de l’interprète pour les « pompes » ou les doubles notes… le tout sans y toucher et toujours au profit de la musique !

 

 

 

Arletta ELSAYARY : Bal au vieux château pour piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2377.

Après une introduction mystérieuse, une valse nonchalante ouvre le bal qui se termine par un retour aux mystères du début avant de s’évanouir… Il y a beaucoup de charme dans cette œuvre propre à séduire les jeunes interprètes par ses harmonies qui contribuent à créer une ambiance quasi intemporelle.

 

 

 

Jean-Marc MOULLET : Couleur de lune pour piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2385.

Voici une bien séduisante couleur qui se décline dans des mouvements aussi divers que contrastés. Les indications très précises d’interprétation permettront à l’interprète de laisser parler sa sensibilité tout en la canalisant. Bref, voici une œuvre originale qu’on aimera faire découvrir.

 

 

 

Noël HAZEBROUCQ : Voyage d’une chanson irlandaise pour piano. Delatour : DLT1738.

La chanson irlandaise s’intitule « the Zoological Garden ». Nous supposons qu’il est inutile de traduire… Le thème, caractéristique, est exposé de la façon la plus simple avec une répétition ornée mais non moins simple. Puis le thème voyage aux extrêmes limites de l’instrument. On sent, dans les recherches d’effets et de timbres la « patte » de l’organiste. Ce chatoiement de couleurs et de timbres est, en tout cas, du plus bel effet.

 

 

 

VIOLON

 

Valéry AUBERTIN : Perturbation pour violon solo. Editions Europart-music 86240 Ligugé.

La citation de Thomas Bernhard mise en exergue présente fort bien le propos de cette Perturbation : « Chaque jour, je me construisais totalement puis me détruisais totalement. ». Très expressive, mais très difficile, elle mérite vraiment d’être découverte.

 

 

 

Eric FISCHER : Bonsaï da camera pour violon et piano. Collection Carnets du 21ème siècle. Dhalmann : FD0379.

Comme son titre l’indique, il s’agit d’une sonate en réduction. Les deux premiers mouvements sont assez simples, le troisième est un peu plus difficile à cause des doubles cordes mais il y a toujours une corde à vide sur les deux. Attention cependant : simple ne veut pas dire facile et cette œuvre ne s’adresse pas à des débutants mais à des interprètes déjà aguerris qui y trouveront l’occasion de s’exprimer dans un langage contemporain et de découvrir une ambiance à la fois lyrique et passionnée.

 

 

 

André DELCAMBRE : Improvisation rocambolesque pour violon et piano. Supérieur. P.L.2354.

 Effectivement, ce n’est pas une œuvre techniquement facile. Aux interprètes de mettre en valeur ce discours « rocambolesque » du violon, souligné par les réponses du piano. Il leur faudra faire preuve d’une grande écoute mutuelle pour donner à cette œuvre tout son charme et toute son apparente désinvolture. Il s’agit donc d’un vrai travail de musique de chambre.

 

 

 

ALTO

 

René-Louis BECKER (1882-1956) : 4 pièces pour alto et piano. Compositeurs Alsaciens Volume 18. Delatour : DLT1731.

Ce compositeur alsacien, qui a fait ses études au Conservatoire de Strasbourg, a émigré aux Etats-Unis dès 1905 et y a mené pendant près de 50 ans une brillante carrière de professeur, d'organiste liturgique, de concertiste et de compositeur. Son style est donc à la fois tributaire de ses études et de la fréquentation de ses collègues américains. Les quatre pièces publiées ici sont d’un langage limpide mais sans banalité ni mièvrerie. On gagnera à découvrir ce compositeur méconnu en France.

 

 

 

VIOLONCELLE

 

André TELMAN : Sous une pluie de diamants pour violoncelle et piano. Débutant. P.L.2383.

Bien que commençant et se terminant en ré Majeur, les nombreuses et délicates modulations de cette pièce font briller de mille feux le discours forcément simple du jeune violoncelliste. Simple, mais cela ne veut pas dire sans intérêt ! Voici effectivement une œuvre qui formera l’oreille aux délicatesses harmoniques d’une musique de qualité.

 

 

 

FLÛTE A BEC

 

John PLAYFORD : The English Dancing Master pour flûte à bec et piano. Seconde partie ad lib. Edité et arrangé par Nikolaus Newerka. Bärenreiter : BA 10609.

Que voilà de bien jolies pièces ! Ce répertoire mis ainsi à la disposition des flûtistes est vraiment d’une grande richesse et d’une grande beauté. Bien qu’optionnelle, la deuxième flûte est souvent quasi indispensable pour mettre en valeur toute la richesse du discours. Souhaitons beaucoup de plaisir aux interprètes !

 

 

 

Turlough O’Carolan : The Music of an Irish Harper éditée et arrangée par Nikolaus Newerkla pour flûte à bec et piano. Seconde partie ad lib. Bärenreiter : BA 10608.

Toujours dans la collection « Ready to play », Nikolaus Newerkla met à la disposition des flûtistes à bec une collection d’œuvre de ce compositeur qui vécut à la charnière du 17° et du 18° siècle et écrivit dans un style qui fait la synthèse entre le baroque irlandais et le baroque continental. L’interprétation demande donc de connaître le style et l’ornementation de cette période. Là aussi, cette musique est tout à fait passionnante. Comme pour le recueil précédent, la deuxième flûte, toute optionnelle qu’elle soit, joue un rôle tout à fait intéressant.

 

 

 

FLÛTE TRAVERSIERE

 

André DELCAMBRE : Mélopée élégiaque pour flûte et piano. Supérieur. Lafitan : P.L.2381.

Voici une œuvre techniquement difficile mais qui permettra aux flûtistes de montrer à la fois leurs qualités techniques, spécialement de justesse, et musicales. L’œuvre est d’un grand lyrisme et demande beaucoup de délicatesse et d’intériorité.

 

 

 

Claude-Henry JOUBERT : L’oiseleur. Variations pour flûte avec accompagnement de piano. Préparatoire. Lafitan : P.L.2363.

Les premières notes, évocatrices d’un oiseleur bien connu, présentent un très agréable thème que l’auteur décline, avec son humour habituel, en différentes variations dont une « innocente » valse à 6/8 suivie d’une sorte de cadence qui débouche sur un vif qui se termine par une suspension sur la dominante, et la citation in extenso du thème de l’oiseleur échappé d’une flûte enchantée…

 

 

 

Philippe RIO : Mélodie et Scherzando pour flûte et piano. Elémentaire. Lafitan : P.L.2391.

Cette pièce en deux parties reliées entre elles par une cadence allie le charme d’une jolie mélodie joyeuse et chantante aux sautillements très dynamiques et aux traits du scherzando, coupé lui-même par un « plus lent » gracieux en marche harmonique. Les interprètes pourront montrer leur capacité à s’écouter et à dialoguer pour faire ressortir tout le charme de cette musique.

 

 

 

André TELMAN : En plein songe pour flûte ut et piano. Débutant. Lafitan : P.L.2438.

Si la partie de flûte est pour débutant, il n’en est pas de même de la partie de piano qui tient, dans ce joli songe, un rôle essentiel. Et cette œuvre a l’avantage d’initier le jeune flûtiste à un langage harmonique délicat et plein de surprises. Voici donc un très joli songe dans lequel les jeunes interprètes pourront se plonger avec délices…  

 

 

 

HAUTBOIS

 

J.S. BACH : Französische Suiten. Version pour Hautbois et Orgue (manuel) par Heribert Breuer. 1er volume : n° 1 en ré mineur BWV812, n° 2 en do mineur BWV 813. Edition Berliner Bach Akademie. Simrock : EE 5371.

On ne peut que se réjouir de ce genre de transcriptions qui permettent aux différents instruments de se nourrir d’œuvres aussi fondamentales que les Suites Françaises de J.S. Bach. La transcription est très bien faite. Si elle a été pensée pour orgue sans pédale, elle pourrait être interprétée sur n’importe quel clavier sans grand inconvénient, donnant ainsi aux professeurs une grande liberté pour faire interpréter ces pièces.

 

 

 

CLARINETTE

 

Pascal PROUST : Narthex pour clarinette et piano. Sempre più : SP0034.

Le Narthex fait passer du monde profane au monde sacré. Peut-être est-ce ici l’ambition de l’auteur qui nous propose une pièce lyrique et grave, en même temps que variée par l’ambiance des différentes parties. De moyenne difficulté, elle permettra aux interprètes de donner la mesure de leur intériorité. Rendons grâce aux éditions Sempre più d’avoir, au-dessus de la partie de piano, écrit la clarinette en sons réels… Tous les pianistes ne parlent pas « clarinette » !

 

 

TROMPETTE

 

Martin SCHÄDLICH : Jazz Ballads. 16 Famous Jazz Ballads. 1 vol. 1 CD. Schott : ED 21320.

Que dire, sinon que les trompettistes vont certainement faire un succès à ce volume de ballades remarquablement choisies. N’y trouve-t-on pas, entre autres, My Funny Valentine, Les feuilles mortes, Summertime et bien d’autres aussi célèbres… Les arrangements sont très bien faits. Partie de piano et partie de trompette comportent les accords ce qui permet de suivre la partition de piano ou d’improviser et d’introduite par exemple une section rythmique. Chaque pièce est présentée et mise en situation dans une petite notice. Enfin, le CD comporte l’intégrale du recueil et l’intégrale du play-back, ce qui guidera pour le style. Que demander de plus ?

 

 

 

FAURÉ : Pavane opus 50 arrangée par Wolfgang Birtel pour trompette en si b et piano. Schott : ED 09921.

On ne peut qu’applaudir à une transcription aussi intelligemment fidèle. Bien sûr, il faudra que le trompettiste et son partenaire comprennent bien l’esprit de cette pièce, mais ils ont tous les atouts pour le faire. C’est vraiment une manière tout à fait judicieuse de faire découvrir au jeune trompettiste un aspect de la musique française qu’il ne connait pas forcément.

 

 

 

TROMBONE

 

Pascal PROUST : Scherzo trampoline pour trombone basse solo. Sempre più : SP0035.

Le titre décrit à merveille ce qui fait l’unité de la pièce, à travers des manières diverses d’envisager les figures du trampoline. De niveau supérieur, l’œuvre fait appel à toute la virtuosité de l’instrumentiste.

 

 

PERCUSSIONS

 

Thomas VANDEVENNE : Alcazar. Marimba solo. Dhalmann : FD0392.

De niveau intermédiaire, cette pièce pour marimba solo exploite toutes les possibilités rythmiques et mélodiques de l’instrument. Improvisation sur un rythme donné et sur le mode phrygien, un choral, bref beaucoup de variété dans cette œuvre tout à fait attachante.

 

 

 

MUSIQUE DE CHAMBRE

 

Antonin DVOŘÁK : Quatuor à cordes n°1 en la Majeur op. 2. Bärenreiter : Parties BA 9539, partition de poche TP 539.

Dvorak a vingt et un ans lorsqu’il écrit ce premier quatuor, qu’il révisa en 1887.C’est la version révisée que nous propose Bärenreiter, mais avec une copieuse préface et une note éditoriale très précieuse. Il s’agit donc d’une édition destinée à la fois aux interprètes et aux musicologues. Comme toujours, la graphie est irréprochable…

 

 

 

Antonin DVOŘÁK : Trio avec piano en sol mineur op. 26. Bärenreiter : BA 9538.

Daté de 1876, ce deuxième trio avec piano marque la transition vers le style caractéristique du compositeur. On lira comme d’habitude avec beaucoup d’intérêt la préface d’Eva Velická. L’édition est réalisée principalement à partir de la première édition imprimée de 1880.

 

 

Antonin DVOŘÁK : Quatuor avec piano en mi bémol Majeur op. 87. Bärenreiter : BA 9537.

C’est en 1889 qu’est écrit ce deuxième quatuor avec piano, œuvre de la maturité correspondant à une période particulièrement féconde de l’auteur. Tout cela est abondamment expliqué dans la remarquable préface d’Eva Velická. Le texte musical est repris principalement de la première édition de 1890.

 

 

 

Maurice JOURNEAU : Largo pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano. . Editions Europart-music 86240 Ligugé.

Il est heureux que les éditions Europart mettent à notre disposition cette œuvre du compositeur trop méconnu qu’est Maurice Journeau (1898-1999). Composée en 1936, elle fut donnée en première audition en Allemagne en 1995. Sans grande difficulté, elle devrait séduire beaucoup de musiciens. Ce Largo a failli s’appeler « Adoration ». Ce titre, que Journeau ne retint finalement pas donne cependant bien l’ambiance recueillie de cette œuvre. Espérons qu’elle connaîtra un succès largement mérité.

 

 

 

Bruno GINER : Impacts. Piano et percussion. Commande du concours International d’Orléans (Brin d’herbe). Dhalmann : FD391.

De niveau difficile, cette œuvre fait appel à des procédés spéciaux tant pour le percussionniste que pour le pianiste. Elle joue sur les contrastes, sur les timbres. Son titre illustre bien son propos.

 

 

 

Gilles SILVESTRINI : Trio pour flûte, alto et harpe. Delatour : DLT0504.

Cette pièce où la harpe tient le rôle principal est une évocation d’un épisode de L’Astrée d’Honoré d’Urfé, dans lequel le berger Céladon construit un temple de verdure en l’honneur d’Astrée, la princesse qui le repousse. On appréciera l’ambiance poétique créée autant par l’écriture que par l’alliance des trois instruments. Elans lyriques et passionnés se mêlent à des passages plus contemplatifs. Une musique pleine de charme mais assez difficile.

 

 

Gérard HILPIPRE : Vox clamentis in deserto pour alto solo et quatuor ou ensemble à cordes. Delatour : DLT1152.

« Voix de celui qui crie dans le désert : « Préparez les chemins du Seigneur » ». Une citation si explicite ne peut pas ne pas être présente tout au long de cette œuvre où le cri du soliste peut sembler laisser de marbre le quatuor. Reste l’orthographe curieuse de « clamentis ». Serait-ce une allusion au personnage de Clamence, dans La peste de Camus ? Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une musique exigeante et expressive à laquelle on souhaite un grand succès en concert.

 

 

Daniel Blackstone.

 

 

 

Gunther Martin GÖTTSCHE, Martin WEYER : Kleine Choralvorspiele und Begleitsätze zu den Liedern des Evangelischen Gesangbuches. Gottesdienst… Kassel, BÄRENREITER (www.baerenreiter.de  ), 2012, BA 9275, 95 p. -29, 95 €.

Cette édition est destinée aux organistes non professionnels accompagnant occasionnellement un culte (Gottesdienst), en l’absence d’un organiste titulaire. Elle correspond aux numéros 213 à 261 du Recueil (EG) actuellement en usage dans les Églises protestantes d’Allemagne (Evangelisches Gesangbuch), dont les sources sont présentées dans le livre de Karl Christian Thust (voir : Lettre d’information, décembre 2012) et correspondent au déroulement de l’Année liturgique. Il s’agit de versions didactiques, en contrepoint simple, avec quelques notes de passage, des accords plaqués, quelques traits en croches et de longues tenues. Chaque numéro est précédé d’un Prélude et suivi de la version harmonisée à 3 et 4 voix, destinée à l’accompagnement des fidèles. Registrations, nuances et tempi (indications métronomiques) sont judicieusement précisés ; les paroles figurent au-dessus du superius, et la notation sur deux portées permet aussi l’interprétation à un orgue ne comportant qu’un seul clavier : tout est prévu pour faciliter la tâche des accompagnateurs en cours de formation. Ces versions sont dues à G. M. Göttsche (né en 1953), directeur de la musique d’Église (KMD) et compositeur ayant une large expérience pédagogique, et au Prof. Dr Martin Weyer (né en 1938), élève, entre autres, du regretté Hans Klotz et de Marie-Claire Alain. Tous les deux sont des concertistes de réputation internationale et s’avèrent comme d’excellents pédagogues.

 

 

Édith Weber.

 

 

 

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BIBLIOGRAPHIE

 

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Alexis GALPÉRINE/Ana REVERDITO-HAAS : Un cursus de dix ans à la classe de violon. Sampzon, Delatour France (www.editions-delatour.com), 2012, DLT 1480, 135 p. 13 €.

Ce livre est à la fois un « témoignage » et une méthode pédagogique de violon. Il résulte de l’expérience concrète de deux auteurs ayant été associés et enseigné au Conservatoire de Strasbourg, puis au CNSM de Paris. Compte tenu de la « progressivité du répertoire » concernant tous les niveaux, ce manuel structuré s’adresse autant aux professeurs qu’aux élèves qui bénéficieront de leurs observations sur les techniques et le répertoire (cf. p.103sq : « Recommandation d’éditions. Essai de justification » ; cf. p.125sq : « Idées de répertoire » concernant les pièces d’école, duos, trios… classés progressivement par niveaux, d’une année à l’autre pendant 14 ans). Leur démarche est marquée par « la fusion des héritages russe (A. Reverdito-Haas fut l’élève d’Evguenia Tchougaeva), français et américain (A. Galpérine étudia notamment avec Ivan Galamian) ». Les deux auteurs posent ainsi « les bases d’une authentique culture instrumentale et musicale ».

 

 

 

 

Moreno ANDREATTA, François NICOLAS, Charles ALUMNI (dir. ) : À la lumière des mathématiques et à l’ombre de la philosophie. 10 ans de séminaire mamuphi « Mathématique, musique et philosophie ». Sampzon, Delatour France (www.editions-delatour.com ), 2012,  DLT2111,  273 p. 28 €.

Au cours de son histoire, depuis l’Antiquité grecque, la musique a, d’une part, été associée aux mathématiques, puis à la géométrie (notamment avec Rameau) et, d’autre part, aux spéculations philosophiques. Vers la fin du XXe siècle, dans le cadre de recherches récentes, un séminaire à l’IRCAM et à l’Université Paris-Sorbonne a associé et confronté les trois disciplines faisant l’objet d’une démarche élargie et complémentaire, sans toutefois viser à une synthèse, tout en s’inspirant, entre autres, des spéculations du compositeur américain Milton Babbitt. Fr. Nicolas y fait le point après une décennie de travaux (2001-2011) ayant lancé une nouvelle approche analytique, des réflexions techniques et théoriques concernant les tempéraments, l’exploitation des mathématiques, l’apport de la philosophie et la théorie des catégories. Il résulte de cet « espace conceptuel » une profusion d’observations qui susciteront des réflexions sur la musique selon trois plans : théorique, analytique et compositionnel. Cette démarche intradisciplinaire et phénoménologique est menée par les meilleurs spécialistes contemporains. En guise de conclusion, un problème ouvert : « D’Alembert-Rameau-Rousseau (& Diderot) : mamuphi au cœur des Lumières ? » (p. 237sq). Quelle que soit la réponse, ce livre — qui n’est pas tout à fait à la portée des non-spécialistes — élargira les critères d’analyse et de compréhension des œuvres musicales.

 

 

 

 

Allan W. ATLAS : La musique de la Renaissance en Europe (1400-1600). Turnhout, BREPOLS, Tours, Université François Rabelais, Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, Collection « Épitome musical »,  2011, 955 p. – 100 €.

Écrit par un seul auteur ayant bénéficié de l’aide d’« un certain nombre de ses étudiants » (City University de New York) et de collègues, et traduit avec persévérance par Christophe Dupraz, cet ouvrage a été adapté à un lectorat français. Dans sa Préface, A. W. Atlas fait état de son parti pris consistant à placer au centre de sa démarche non pas les compositeurs, mais leur musique ; toutefois, ce n’est que dans l’Épilogue (p. 907) qu’il aborde la discussion historiographique du concept de « Renaissance ». Ces 1000 pages (environ) sont étayées par de nombreux documents significatifs, d’abondantes illustrations (portraits, instruments…), des exemples musicaux, d’analyses percutantes et des tableaux synoptiques. A. Atlas a le mérite d’avoir, en quarante chapitres, brassé et organisé une matière aussi riche. Son plan est structuré en six tranches chronologiques, des années 1380 jusqu’aux années 1600, commençant par le biais de la contenance angloise qui, avec J. Dunstable, influencera aussi le Continent. Au fil des pages, les anciens Pays-Bas, la France, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et l’Angleterre entrent en jeu. Sont pris en considération des faits historiques depuis la chute de Constantinople (1453), les mouvements d’idées (Humanisme, Réforme, Contre-Réforme, entre autres), les divers fonds religieux (catholiques, protestants, anglicans), les problèmes d’édition (notation, imprimerie musicale), les théories (Dunstable, Vicentino, Zarlino, Glarean)… Les principales formes musicales, profanes, religieuses et instrumentales, et leur évolution, sont abordées. Les chapitres font preuve d’ouverture, mais certains sont de valeur inégale et contiennent des oublis, par exemple à propos de la Réforme : l’apport de J. Calvin avec son recueil Aulcuns Pseaulmes et cantiques mys en chant (Strasbourg, 1539) — recueil expérimental et berceau des paraphrases françaises de Psaumes — ne figure pas. Claude Goudimel est signalé  comme seul musicien ; on cherche en vain les noms de Paschal de l’Estocart, Philibert Jambe de Fer, entre autres et ceux des mélodistes Loys Bourgeois, Guillaume Franc, Pierre Davantès, selon les dernières attributions de Pierre Pidoux (non signalées). Quant à Claude Le Jeune, ses 150 Pseaulmes de David à 4 voix ne sont même pas mentionnés (il figure seulement dans le contexte de la musique mesurée à l’Antique. Chaque chapitre est suivi d’éléments bibliographiques en anglais et allemand et, pour les lecteurs français, un supplément en français a été ajouté. Dès la p. XXXIII, les musicologues français pourront s’étonner de la seule référence à l’ouvrage de Richard Hoppin : La musique au Moyen Âge (1991) : c’est méconnaître les publications antérieures, par exemple : Théodore Gérold : La musique au Moyen Âge qui, dès 1932 (rééd. 1983), Jacques Chailley : Histoire musicale du Moyen Âge (1/1950)… Manquent également des études françaises récentes à propos de la musique de la Réforme, et de la musique lors du Concile de Trente... Quoi qu’il en soit — malgré les inévitables lacunes inhérentes à toute « somme » —, cet imposant volume totalisant quelque deux siècles d’histoire musicale et recouvrant un vaste espace géographique, intéressera, selon le souhait de l’auteur : « les étudiants de première année, de troisième cycle, et un vaste public d’amateurs ».

 

 

 

 

 

Marc Frédéric MULLER : Nicolas Louis de ZINZENDORF. Un éclaireur au temps des Lumières (1700-1760). Lyon, Olivétan (www.editions-olivetan.com ), Coll. Figures Protestantes, 2012, 132 p. – 14, 50 €.

Le nom de Nicolas Zinzendorf, né à Dresde en 1700 et mort à Herrnhut en 1760, est peu connu des hymnologues en France. Il représente pourtant une figure marquante de l’Aufklärung, tant par sa pensée politique et sociale que par ses idées concernant le rôle de la musique. Il attache une grande importance à la poésie et au chant, maîtrise les règles de rhétorique et de poétique, privilégie les Cantiques et Chorals luthériens traditionnels pour inculquer des valeurs morales, notamment aux enfants. En 1735, il publie un premier recueil comprenant des chants anciens, mais aussi ses propres Cantiques. Après 1751, il élabore, à Londres, un autre recueil 2168 Cantiques dans lequel toutes les traditions sont représentées, même orientales que Marc Frédéric Muller considère comme le « premier recueil œcuménique », précisant que « la diversité des confessions est comparable à la situation de l’Empire germanique ». Dans le cadre de la Communauté de Herrnhut et de l’Unitas Fratrum, les différentes tendances : morave, luthérienne et réformée sont représentées. Pour Zinzendorf, figure charismatique au Siècle des Lumières, un cantique peut « éclairer l’âme ». Il a le mérite dans le contexte du Rationalisme et de l’ébranlement de la tradition chrétienne, d’avoir insisté sur le rôle éducateur du chant.

 

 

 

Édith Weber.

 

Bernard Gavoty : Alfred Cortot Biographie. Buchet & Chastel, 378 p, 21,- €

 

Cette réédition de l'ouvrage de Bernard Gavoty est bienvenue. Plus qu'une biographie, il se veut un hommage d'un proche, sans flagornerie. Et se lit avec aisance, car la plume est vive et magnifique, objective aussi à l'heure où il faut aborder les sujets délicats, tel ce reproche de « collaboration », durant l'ère de Vichy. On y croise d'abord l'Homme (1877-1962) et ses diverses facettes, pianiste bien sûr, mais pas seulement : « Ma véritable vocation eût été de devenir chef d'orchestre, et, notamment, chef d'orchestre wagnérien ». L'admiration de Cortot pour le maître de Bayreuth est totale. Il se rend sur la Colline verte, dès 1896, pour Le Ring, puis l'année suivante, pour un Parsifal, dans lequel il jouera un rôle d'assistant, en coulisses. Il contribuera à la création française du Crépuscule des dieux, en 1902. La passion pour Debussy n'est pas moindre : « entre Hagen et Golaud il y a quelque lien de parenté » ! Élève au Conservatoire, il en devient professeur, appelé par le directeur Fauré. Il est un maître « à l'imagination inépuisable », dira une de ses élèves, Magda Tagliaferro, « se souciant plus d'interprétation que de technique ». Il fondera plus tard l'École normale de musique, qui le retiendra souvent à Paris, au détriment de sa carrière. Celle-ci est grandiose, enchaînant les tournées, ici et à l'étranger, aux USA par exemple, où il créera le 3 ème Concerto pour piano de Rachmaninov, à Philadelphie, puis à New York, et, bien sûr, en Allemagne. Il est adulé Outre-Rhin : on place son Schumann par dessus tout. Son intérêt pour la patrie de Beethoven lui vaudra quelques reproches grinçants, lui qui pense naïvement que « l'art n'a pas de patrie ». Une série d'engagements dans des villes allemandes, en 1942, lui vaudra la vindicte des autorités de son pays, et même d'être arrêté. L'Artiste, Gavoty, le présente sans complaisance : austère, mais affable, « son allure moderne dissimulait un homme de la Renaissance », infatigable actif, pour lequel « le travail revêt une valeur quasi liturgique ». L'équipe formée avec Thibaud, et le trio, d'abord improbable, le réunissant avec celui-ci et Casals, ne seront que des jalons d'une passion musicale dévorante. On a parlé de « miracle Cortot ». En quoi ? Sans doute, parce qu'il « cherchait la moirure, l'oubli de la note percutée ». Qu'est-ce que l'interprète ? « Tout à la fois un confident et un animateur. Le virtuose, au contraire, croit naïvement, comme Chanteclerc, qu'il fait lever le soleil ». Ce sens de la formule participe, chez lui, du goût pour l'aphorisme. Relevées, ces perles, à méditer : « il y a plus de mérite à progresser qu'à réussir », car « le mérite, plus il se cache, plus il est éclatant ». Ainsi en est-il de la grande modestie de cet homme, musicien de génie, que nous révèle un biographe attendri.  

 


Jean-Pierre Robert.

 

 

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CDs et DVDs

 

Haut

 

Pierre ATTAINGNANT : Jeux d’orgue et de voix. PSALMUS (www.psalmus.fr ). PSAL 015. TT : 67’ 38.

Le titre : Jeux d’orgue et de voix se réfère à une sélection de quelques-unes des toutes premières pièces imprimées et publiées en 1531 par Pierre Attaingnant, éditeur-imprimeur parisien depuis 1528. Le remarquable organiste et musicologue Jean-Patrice Brosse a le mérite d’avoir redécouvert ces pages il y a une trentaine d’années et de les restituer à l’Orgue Renaissance de Saint-Savin en Lavedan, l’un des plus anciens de France. Comme il le signale, « une inscription peinte au-dessus du clavier indique en effet : hoc organu factu fuit ad honorem totius cursae celestis anno 1557 ». Abandonné lors de la Révolution, il était à l’état de ruines en 1861. Xavier Darasse a lancé un projet de restauration « à l’identique » qui sera achevé en 1996. L’instrument est accordé en mésotonique et, parmi ses 10 jeux, figurent un Rossignol et un Régale en roseau (jeu d’anche, 16’). L’ambiance musicale du XVIe siècle est créée et relayée à la fois par les registrations judicieuses et les voix si profondes et expressives de l’Ensemble Vox Cantoris, dirigé par Jean-Christophe Candau, présentant l’intonation grégorienne, en alternance avec l’orgue et des passages traités polyphoniquement. Au fil des plages, se succèdent les formes typiques de l’époque : Préludes, Magnificat, Messes, Motets et faux-bourdons sur les 8 tons d’Église. Parmi les musiciens, figurent : Pierre de Lafage, Mathieu Gascongne, Loyset Compère, Jacob Obrecht, Antoine de Févin et Claudin de Sermisy ; parmi les incipit latins (orgue et motet) chantés avec une rare expressivité : Aspice Domine, Bone Jesu, O vos omnes (l’un des textes les plus poignants de toute la musique religieuse rendu avec infiniment d’intériorité), Parce Domine, Sancta Trinitas, Si bona suscepimus. J.-P. Brosse, dans le Praeludium, le Prélude aux 13 Motets (orgue), le Prélude aux 13 Motets (Régale, 16’) et le Prélude sur chacun ton, met vraiment en valeur cet orgue historique. Cette réalisation hors du commun s’impose dans toute discothèque d’historien curieux et de mélomane exigeant, soucieux de se plonger dans l’authentique atmosphère religieuse du XVIe siècle.

 

 

Der stille Kurfürst. KLANGLOGO (www.klanglogo.de ). KL1501. TT : 64’ 41. Diffusion : RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ).

Le Prince Frédéric Auguste III encourageait la pratique musicale à la Cour de Dresde et, selon le témoignage de Charles Burney, aussi la pratique privée. En mélomane et claveciniste averti, il possédait une grande collection notamment d’œuvres pour clavecin et Hammerflügel ayant attiré l’attention de Hildegard Saretz et Michaela Hasselt (Leipziger CembaloDuo). Leur programme éclectique permet de découvrir des musiciens tels que Peter August (1726-1787) dont le Divertimento de facture classique est bien enlevé et avec équilibre entre les deux instruments ; Johann Gottlieb Janitsch (1708-1763), dont le Poco Allegro est particulièrement expressif, l’Allabreve, bien structuré avec des entrées précises, et l’Allegretto, au tempo raisonnable. Quant à Joseph Schuster (1748-1812), dans ses 8 Pièces en duo, il utilise des titres français évocateurs, par exemple La Coquette, La Savojarde (sic) ou encore Les métamorphoses d’arlequin, pages descriptives à souhait. Karl Heinrich Graun (1703/04-1759), plus connu, est représenté par son Concerto à deux clavecins en Sib Majeur, en 3 mouvements contrastés : Allegro, Adagio, Vivace. Enfin, le Concerto en Fa  Majeur de Joseph Haydn (1732-1809) dont l’Allegro moderato et le Presto font appel à la virtuosité s’impose par son interprétation si transparente. Beau panorama musical illustrant à la  fois les goûts de la Cour de Dresde, les fonds musicaux et des œuvres en duo rarement jouées dominées par le plaisir constant et si communicatif du Leipziger CembaloDuo.

 

 

Wolfgang Amadeus MOZART : REQUIEM. JADE (www.jade-music.net ). 699 776-2. TT : 53’ 10.

Bruno Walter, à la fois, chef d’orchestre, compositeur, pianiste bien connu, né à Berlin en 1876 et mort à Beverly Hills (États-Unis) en 1962, est en fait juif de naissance et quadrinational (allemand, après l’Anschluss naturalisé successivement autrichien, français, américain). Les Éditions JADE ont eu raison de  reprendre (masterisée par l’excellent ingénieur du son Igor Kirkwood) la version de Bruno Walter avec l’interprétation de solistes alors célèbres : I. Seefried (soprano, † 1988), J. Tourel (Alto), L. Simoneau (Ténor), W. Warfield (Basse), du Westminster Choir et de l’Orchestre Philharmonique de New York. Bruno Walter imprime ici au Requiem (parfois galvaudé) un tempo très posé et — influencé par les conceptions de Hans von Bülow et de Gustav Mahler — spécule sur les sonorités et les timbres. Daté et faisant date, ce CD doit être associé à l’histoire et aux critères d’interprétation de la seconde moitié du XXe siècle.

 

 

HYMNES à la Très Sainte Mère de Dieu. JADE (www.jade-music.net ). 699 777-2. TT : 77’ 40.

Le Chœur Byzantin de Grèce, dirigé par son fondateur (1977) Lycourgos Angelopoulos, n’est plus à présenter à nos lecteurs. Ce CD propose « un voyage merveilleux dans l’univers des plus belles Hymnes de l’Église orthodoxe chantées en l’honneur de la Vierge Marie ». Il regroupe les principales formes : Stichère (hymne monostrophique chantée entre les versets d’un Psaume), Doxastikon (hymne chantée avant ou après un Psaume dans la liturgie pascale orthodoxe), Tropaire (à l’origine une courte prière chantée après chaque verset de Psaume ou autres textes vétérotestamentaires)… Les idées générales sont l’Annonciation de la Mère de Dieu, sa Naissance (8 septembre) et sa Dormition (15 août). Les poèmes sont dus, entre autres, à Saint Jean Damascène (v. 676-749) Père de l’Église ;  à Saint André, Archevêque de Crête (VIIIe siècle) et, plus récents : par exemple, les hymnographes Lampadarios (mort en 1777), le Protopsalte Iakovos (mort en 1800)… Les commentaires de Lycourgos Angelopoulos donnent toutes les précisions utiles sur les divers modes et intervalles, les offices, les Vêpres et leur place dans la vie liturgique de l’Église orthodoxe (p. 5-7). Ce remarquable enregistrement se termine sur le Theotokion, Hymne à Marie : Et maintenant, et toujours…, chantée à Pâques, de Hourmouzios Hartophylax (1770-1840) de la Grande Église du Christ. Le Chœur Byzantin de Grèce, dont la réputation n’est plus à faire, s’impose une fois de plus par ses qualités d’authenticité. Document historique destiné à toute discothèque de musique liturgique.

 

 

L’Orgue de Steinbrunn-le-Bas. Orgues d’Alsace, Vol. 2. FESTIVAL-CALLINET. FCSTB. TT : 50’ 34.

Antoine Herbuté (né à Rixheim, en 1798 et mort à Genève, en 1880), à la fois aubergiste et facteur, a construit et réparé une trentaine d’instruments en Alsace. Celui de l’Église St-Léger, à Steinbrunn-le-Bas (Haut-Rhin), a été construit en 1842 ; il s’agit d’un orgue à un clavier (51 notes) et pédalier (13 notes), qui a été relevé par Chr. Guerrier en 1990 et par sa Manufacture en 2009. Il est accordé à 437, 4 Hz. Pour le mettre en valeur, l’organiste Cyril Pallaud, Président du Festival Callinet, a sélectionné deux Toccatas de G. Frescobaldi très expressives ; trois Variations de J. P. Sweelinck sur le Choral Nun komm, der Heiden Heiland (Veni Redemptor gentium) qui bénéficient d’une excellente registration. L’École allemande est représentée par Matthias Weckmann, avec deux Toccatas et deux Canzone nécessitant une certaine virtuosité ; J. S. Bach, avec le Concerto en ré mineur BWV 924, dont l’Adagio est particulièrement méditatif et le Presto, très enlevé ; l’École française par le Prélude du premier ton de H.  Du Mont, de caractère brillant ; l’École russe, avec trois Fugues bien structurées de M. Glinka. L’excellent organiste a fait appel à Paula Thomas (flûte traversière) pour jouer la Sonate pour flûte et basse continue du compositeur tchèque Fr. Benda, en 3 mouvements bénéficiant d’une belle ligne mélodique et d’un solide soutien à l’orgue. Ensuite, la remarquable flûtiste interprète magistralement Syrinx (1913) de Cl. Debussy. Ce programme si diversifié est parfaitement réalisable à l’Orgue de Steinbrunn-le-Bas et, comme l’écrit judicieusement V. Pallaud : « L’Alsace a, peut-être, sans le savoir, inventé un siècle en avance l’orgue dit « néoclassique », à savoir l’orgue se définissant comme « à tout jouer ». Mais, peut-être faut-il seulement rappeler que tout orgue ayant un concept sonore cohérent peut voir ses potentialités de jeux décuplées… ».

 

 

 

 

Jean-Sébastien  BACH : Partita-Sonatas pour flûte à bec et Clavecin. LA FOLLIA MADRIGAL (http://lafollia.com . LFM 12031. TT : 73’ 04.

Dédié à Claude Rotstein, ce CD (prise de son, montage, conception graphique, photographie : Francis Rotstein), enregistré à l’Église luthérienne St-Jean (Paris), est interprété par Nathalie Rotstein-Raguis (flûtes à bec 415 Hz Henri Gohin — copies Debey et J. C. Denner —) et Mario Raskin (clavecin franco-flamand Jacques Braux, 1990). Il regroupe des œuvres complexes destinées à divertir la Cour calviniste de Cöthen où, en 1717, Bach est nommé Directeur de la musique. Le disque fait d’abord entendre la Partita BWV 1013 pour flûte seule en 4 mouvements issus de la danse : Allemande, Courante, Sarabande et Gigue interprétée avec une grande précision d’attaque et de phrasé, et des passages chromatiques très expressifs. Deux Sonates sont transcrites pour flûte à bec et clavecin d’après la version pour violon. Dans ces Sonates, le clavecin n’assume pas qu’un rôle d’accompagnement ou de soutien, et l’équilibre entre les deux instruments est bien réalisé. L’Allegro central de la Sonate en Sol majeur (BWV 1019) en 5 mouvements est écrit pour clavecin solo. L’Andante de la Sonate en ut mineur (original en si mineur, BWV 1030) est particulièrement intériorisé, de même que le Largo contrastant avec le Presto plus enlevé et dans lequel les deux instruments dialoguent. La Sonate en la mineur (BWV 1020) comporte 3 parties : un Adagio méditatif est encadré par deux Allegro toujours en mouvement. N. Rotstein-Raguis et M. Raskin forment une merveilleuse équipe et restituent ces Sonate a cembalo obligato e traver solo en style concertant à la manière italienne, mais aussi fugué avec entrées successives. Ce disque révèle un « autre » Bach spécialisé dans la musique de chambre et de Cour, ardent défenseur de la flûte à bec, instrument privilégié au XVIIIe siècle.

 

 

 

Johann Christian BACH : Zanaida. ZIG ZAG TERRITOIRES (www.outhere-music.com ). ZZT 312. 2 CD. TT : 66’ 55 ; 62’ 04.

Après un séjour à Bologne et à Milan, Johann Christian (Jean-Chrétien) Bach (1735-1782), (« le Bach de Milan » ou « le Bach de Londres »), quatrième fils musicien de J. S.  Bach, compose des Opéras, en 1762, il se rend à Londres, au King’s Theatre, et écrit son Opera seria Zanaida (1763), d’après le livret de G. B. Bottarelli, avec quelques allusions à Métastase. L’idée générale de cette œuvre avec Sinfonia introductive et en 3 actes  résume les intrigues politico-amoureuses entre la Perse et la Turquie. Le texte sollicite la paix entre l’Empereur turc Soliman et le souverain perse Tamasse. Une intrigue amoureuse se greffe et, finalement, grâce à son courage, la jeune Zanaida, échappant in extremis à la mort, devient Reine de Perse. Parmi les principaux protagonistes, figurent : Zanaida, Tamasse, Mustafa, Roselane, Cisseo, Gianguir... L’Ouverture est, en fait, une Sinfonia en 3 mouvemements contrastés. Récitatifs, airs, marches et chœurs, agréables à entendre, alternent. J. Chr. Bach privilégie certaines sonorités instrumentales (dont le cor). Le style « galant » et une orchestration assez neuve garantiront à ce véritable Opera seria baroque un grand succès. C’est le mérite de David Stern d’avoir, à la demande du Bach Institut (Leipzig), brillamment restitué Zanaida (2011), avec son Ensemble Opera fuoco et des solistes qui s’investissent parfaitement dans leurs rôles respectifs.

 

 

 

The Recovered Moments Project. VDE GALLO (www.vdegallo-music.com ). 1389-1390. 2 CD. TT : 71’ 14 ; 58’ 08.

Les Disques VDE GALLO, soucieux de varier leur répertoire et d’illustrer la pratique musicale en Suisse romande, proposent deux disques inspirés du jazz. Comme le précise le compositeur Denis Gonseth : il s’agit de « Recovered moments », de moments retrouvés, reconstitués ou récupérés, « de près de 50 ans de passion pour le jazz, comme amateur pour l’écoute, au sens noble du terme et comme pianiste et compositeur amateur, au sens usuel. » Il se réfère également aux Festivals de jazz de Montreux et de Zurich et à la Fête (suisse) du blé et du pain d’Échallens. Interprétées par des musiciens suisses et américains (5 morceaux ont été enregistrés à New York) groupés autour du pianiste Pascal Le Bœuf, les 23 pièces ont été arrangées par Carlos Baumann. Le premier CD, intitulé Relaxing, regroupe des œuvres aux effectifs variés : piano, trombone, saxophone, flûte ou voix (Visions of Love, So Far Away). Le compositeur laisse une certaine liberté d’invention aux improvisateurs, sur le plan mélodique, il privilégie le procédé question-réponse. Si le premier disque est plus langoureux et relaxant, en revanche le second, intitulé Swinging, est moins statique et plus enlevé, comme, par exemple : Not So Classic Blues ou encore Archeo Logic. Cette rétrospective totalisant 3 générations de jazzmen illustre la pratique du jazz en Suisse romande, au Tessin et en région Rhône-Alpes.

 

 

GLORIA IN EXCELSIS DEO. RONDEAU PRODUCTION (www.rondeau.de ). ROP 7011. TT : 77’ 57.

Siegfried Strohbach (né en 1929), a compilé, arrangé et sélectionné 37 Noëls variés, en tenant compte des possibilités sonores et techniques du célèbre Chœur de garçons de Hanovre. Ce CD  comprend cinq parties : 1. Avent  (Macht hoch die Tür, Es kommt ein Schiff geladen d’après le Dominicain strasbourgeois Johann Tauler (XIVe siècle) évoquant la lente avancée du bateau…) ; 2. Marie (Nun komm, der Heiden Heiland (Veni Redemptor gentium) traité à 4 voix, note contre note, puis avec entrées successives, Magnificat très élaboré) ; 3. Nativité (Es ist ein Ros’entsprungen faisant appel à des voix de solistes (garçons) sur un fond d’orgue, puis en polyphonie, Ich steh’ an deiner Krippe hier soutenu à l’orgue) ; 4. Les Bergers (Gloria in excelsis Deo bien connu, Den die Hirten Lobeten sehre…[Quem pastores laudavere], appelé Quempas, en chant alterné, plusieurs groupes de garçons se répondant d’une tribune à l’autre) ; 5. Noël dans le monde (In dulci jubilo, noël bilingue (latin/allemand) traduisant la joie, avec des assonances : jubilo/froh (joyeux), O du fröhliche [Ô nuit bienveillante] baignant dans la douceur et la sérénité). Des textes sont lus sur un fond d’orgue par l’acteur Sky du Mont ; Ulfert Smidt, organiste de l’Église du Marché à Hanovre, assure des interludes. Quant au Hannover Knabenhor, il est toujours fidèle à la réputation qu’il avait sous la direction du regretté Heinz Hennig, dont Jörg Breiding est le digne successeur, tant pour la préparation approfondie des jeunes choristes que pour leurs indéniables qualités vocales. Ils contribuent ainsi à recréer l’ambiance spécifique des Concerts de l’Avent si importants Outre-Rhin, et invitent les discophiles, lors de leur veillée de Noël, à retrouver cette tradition musicale multiséculaire.

 



 

 

Édith Weber.

 

 

Louis MARCHAND : suite en sol. Trois pièces. Jean-Philippe RAMEAU : Suite en la. Christophe Rousset, clavecin. 1CD Ambronay : AMY032. TT.: 69'20.

Louis Marchand (1669-1732) est l'un des tenants de l'école française de clavecin qui avec Dieupart, Clérambault, d'Anglebert, et bien sûr Couperin, ont contribué à forger un répertoire enviable. Ses Suites, du Premier et du Deuxième livre, écrites, respectivement, en 1699 et en 1702, offrent le style représentatif de la fin du règne de Louis XIV, encore grave, mais s'ouvrant déjà à l'expression du pathétique. Elles font grand cas des ornements et favorisent le registre médian de l'instrument. Débutant par un Prélude, elles comportent la succession habituelle des mouvements de danse de la suite française, et s'achèvent par un ou deux menuets. La vigueur du trait les distingue. Comme il en va dans les trois pièces isolées, qui sont ici ajoutées, dont une bien rythmée «  La Badine ». Rameau est représenté par sa Suite en la, du Premier livre (1706). Quoique quasi contemporaine de la seconde suite de Marchand, et bâtie sur une succession de danses, elle marque sans doute la fin de ce mode. Et inaugure une manière nouvelle, où, selon Christophe Rousset, « tout respire l'harmonie ». Car le discours, qui alterne tension et relâchement, se fait plus dramatique. L'écoute est vite captée par la clarté et la transparence achevées par Rameau. La vaste ressource des neuf mouvements prouve combien celui-ci ouvre de nouveaux horizons. Le Prélude, sans barre de mesure, contient déjà toute la manière inventive du musicien, harmonique et rythmique. Le contraste est net entre les deux Allemandes, la seconde plus animée. La Gigue déploie une joyeuse vivacité. Une pièce de genre, la « Vénitienne », sonne soudain comme une chanson populaire. On admire la perfection formelle et ce style, qui en appelle plus à l'intellect qu'au sentiment. Le jeu souverain de Rousset le démontre à l'envi. L'intérêt de ce disque réside aussi dans l'instrument joué, un clavecin de Donzelague, à deux claviers, fabriqué à Lyon, en 1716, et conservé, dans son jus d'origine, au Musée des Beaux-Arts. Rousset en souligne la somptuosité sonore, que permet l'ampleur de son étendue musicale, en particulier vers le grave. La ville de Lyon est d'ailleurs le lien unissant ces trois noms, puisque le facteur Pierre Donzelague (1688- circa 1750), s'y installera, que Louis Marchand en est natif, et occupera la tribune de l'orgue de l'église des Cordeliers, et que Jean-Philippe Rameau y séjournera de 1713 à 1715, à l'époque de la composition de ses grands Motets.

 


 

Leonardo VINCI : Artaserse. Dramma per musica en trois actes. Livret de Pietro Metastasio. Philippe Jaroussky, Max-Emanuel Cencic, Franco Fagioli, Valer Barna-Sabadus, Yuriy Mynenko, Daniel Behle. Coro della Radiotelevisione svizzera, Lugano. Concerto Köln, dir. Diego Fasolis. 3 CDs Virgin classics : 9996028692. TT.: 68'26+65'46+54'36.

La découverte est immense de cet opéra du calabrais Leonardo Vinci (1696?-1730), qui fit tant de bruit à sa création, à Rome, en 1730. Le Président de Brosses ne voyait-il pas là « le plus fameux opéra italien », d'un « vrai dieu de la musique ». Le sulfureux Vinci était pour beaucoup dans la chronique, menant une vie des plus aventureuses, sans parler de sa rivalité tenace avec Nicola Porpora, forgée à la haine recuite. Cet Artarserse est bel et bien un chef d'œuvre, et pas seulement musical, mais aussi théâtral, comme récemment révélé par sa présentation à l'Opéra de Nancy (cf. NL de 12/2012). Le disque le réhabilite, et révèle une musique d'une inventivité quasi infinie, magnifiquement écrite pour la voix. Les récitatifs, fort développés, eu égard aux méandres d'une histoire longuette, mais riche de la belle langue de Metastasio, livrent souvent de vifs échanges, sur un accompagnement que distingue le son original du basson. Les arias sont un festival permanent, d'une coulée incandescente, assortie de cascades de vocalises, dont l'excès même constitue l'attrait. Une fabuleuse équipe de cinq contre ténors le démontre, à l'envi. Qui renouvelle, sans doute, celle de la création, confiée à des castrats, interdiction papale de laisser les femmes se produire sur la planches oblige ! On ne sait qu'admirer le plus. L'émission cristalline de Philippe Jaroussky, Artaserse, d'une expressivité de tous les instants (« Rendez-moi mon ami », par exemple, au II ème acte), distillant d'aériennes coloratures. L'héroïsme de Max Emanuel Cencic, Mandane, qui ménage des arias di furore, à train d'enfer parfois, celles de colère de la femme indignée, ou des espaces d'une délicate suavité. Ou encore, et peut-être surtout, le timbre glamour, tout en rondeur, de Franco Fagioli. Dans la partie d'Arbace, conçue pour le castrat Carestini, et la plus gratifiée par Vinci, le contre ténor argentin bouscule tous les repères, par son mezzo-soprano d'une ductilité inouïe. Valer Barna-Sabadus et Yuriy Mynenko ne sont pas moins passionnants. Et le ténor Daniel Behle ne départ pas en pareille compagnie. Diego Fasolis, avec la complicité du Concerto Köln, aux sonorités envoûtantes, s'immerge à fond dans cette foisonnante partition, magnifiant le solide traitement orchestral et la variété vocale inépuisable. La pulsation est vive, mais pas cassante, le trait délicat nullement mièvre. La fièvre avec laquelle il conduit ses chanteurs tient en haleine, et l'on est submergé par ces gorgées de vocalises et ces lignes d'une pureté absolue.

 

 

George Friedrich HAENDEL : Theodora. Oratorio en trois parties. Livret de Thomas Morell. Dawn Upshaw, Lorraine Hunt, David Daniels, Richard Croft, Frode Olsen, Michael Hart-Davis. The Glyndebourne Chorus. Orchestra of the Age of Enlightenment, dir. William Christie. 3CDs Glyndebourne : 014-96. TT. 77'47+71'25+57'27.

Avant dernier oratorio anglais de Haendel, crée en 1750, à Covent Garden, Theodora possède une vraie qualité théâtrale. C'est pourquoi, le mettre en scène ne paraît pas déraisonnable, en tout cas sûrement moins que de représenter Le Messie. La production du Festival de Glyndebourne 1996, confiée à William Christie et à Peter Sellars, demeure iconique. Ce disque en est le reflet sonore, écho d'une régie proprement révélatrice. Il est publié dans la collection des archives sonores du prestigieux festival, dont il démontre, si besoin était,  l'excellence artistique. Le destin tragique de la vierge chrétienne Theodora qui, dans son martyre, entraîne l'officier romain Didymus, scelle une trame d'une rare ferveur religieuse. L'intrication entre l'individuel et le collectif y est aussi déterminante. Au chœur sont confiées de pathétiques déplorations, celui des chrétiens notamment, en qui Romain Rolland voyait « l'âme de l'œuvre ». Un ensemble traité aussi à la manière grecque, commentateur de l'action ou en prolongeant la morale. La qualité musicale, que l'on ne peut que juger ici, privé de l'aspect visuel, est exceptionnelle. William Christie en est l'artisan au premier chef. Avec l'Orchestre of the Age of Enligtenment, il dévoile l'atmosphère raréfiée, le recueillement même, de ces pages souvent sublimes, où le ton est résolument au déchirement, à l'expression du sentiment d'abnégation mêlé d'espoir en des jours meilleurs. Mais aussi trace-t-il le côté visionnaire d'une musique contrastée, à l'image de deux mondes antagoniques, chrétiens et romains. L'orchestre n'est jamais plus inspiré que dans la tendre affliction, dans ces traits amoureusement dessinés. Ainsi de la courte symphonie qui précède, et entrecoupe, la scène de la prison, où la plainte de la flûte sur une dense texture orchestrale, dépeint un climat de désolation indicible, physique et morale, que relaie le sanglot de la jeune femme. L'interprétation vocale est tout aussi valeureuse : Dawn Upshaw, radieuse Theodora, pétrie de cette sincérité qui vous serre la gorge, et de cette générosité vocale qui la caractérise, Lorraine Hunt, bouleversante dans l'éloquence de la déploration, captivante par la magie d'un timbre envoûtant, le contre-ténor David Daniels, émouvant Didymus, et Richard Croft, de sa voix de ténor superbement articulée. Un aspect notable, et perceptible de cette interprétation scénique, indéniable reflet du travail de Sellars, est la manière dont chanteurs solistes et choristes façonnent l'élocution, calquant la dramaturgie sur la musique.      

 

 

Antonio VIVALDI : Orlando furioso. Dramma per musica, RV 819. Livret de Grazio Braccioli. Reconstruction de la version de 1714, par Frederico Maria Sardelli. Riccardo Novaro, Romina Basso, Gaëlle Arquez, Teodora Gheorgiu, Delphine Galou, David DQ Lee, Roberta Mameli. Modo Antiquo, dir. Frederico Maria Sardelli. 2CD Naïve : OP 30540. TT.: 56'36+54'30.

Pour son 53 ème volume, l'Edition Vivaldi, de Naïve, présent une « re  création ». Pas anodine, puisqu'elle concerne l'un des plus importants opéras du Prete Rosso, Orlando furioso. Ce dernier connaît, dans le catalogue vivaldien, déjà deux manifestations, savoir Orlando finto pazzo, RV 727 (dirigé, dans la présente édition discographique, par Alexandre De Marchi), et Orlando furioso, RV 728 (sous la direction de Jean-Christophe Spinosi). Qu'en est-il de ce nouvel opus, ajouté sous le n° RV 819 ? Frederico Maria Sardelli, responsable de la compilation de ce catalogue, mène depuis plusieurs années un travail de détective, pour vérifier l'authenticité d'un opéra créé sous ce titre, à Venise, en 1714. L'histoire remonte un an plus tôt  : Vivaldi, qui débutait alors ses fonctions d'impresario au théâtre San Angelo, avait décidé, fin 1713, de monter un Orlando furioso, écrit par un certain Alberto Ristori. Le succès fut énorme. Le vicelard Vivaldi offre, l'année suivante, un Orlando furioso, dont l'auteur reste inconnu, mais dans lequel il a lui-même largement mis la main : sans doute pour conforter la réussite de sa seconde saison de directeur, et, profitant de la plume facile de son jeune collègue, engranger des réserves d'audience ! La démarche diabolique, et un brin douteuse, était chose commune à l'époque. Les remaniements opérés feront longtemps considérer la pièce comme un pasticcio. On s'aperçoit cependant que la paternité de cet opéra de 1714 peut être attribuée à Vivaldi, eu égard  au caractère substantiel, et partant décisif, des apports de celui-ci à l'œuvre de Ristori. Cet opéra devient ainsi la matrice de celui créé, sous le même nom, en 1727. Le manuscrit en ayant été perdu, il a fallu réinventer. Sardelli, aidé d'autres musicologues, a reconstitué les parties manquantes. Cette « nouvelle » version ne comprend que deux actes, et est brève, mesurée aux standards opératiques vivaldiens. Mais sa collection d'airs est fort agréable, et les récitatifs, réduits à l'indispensable pour défendre la fable héroïco-magique tirée de l'Arioste, fonctionnent bien. L'interprétation est valeureuse. Romina Basso prête une étonnante vie au personnage d'Alcina, et ménage avec assurance les formidables appogiatures dont Vivaldi a truffé le rôle. Autre remarquable voix sombre, celle de Delphine Galou, Medoro. La tessiture plus claire est défendue, avec une égale sûreté, par de nouvelles venues, Teodora Gheorgiu, Gaëlle Arquez et Roberta Mameli. La relève est assurée ! Le contre-ténor David DQ Lee ne dépare pas en telle compagnie. Le choix de la voix de baryton, attribuée au rôle titre, apparaît amusant, au milieu de cet aréopage : Riccardo Novaro se tire fort bien de ses deux seules arias, dont la dernière est en fait une scène de folie. La fougue maîtrisée de la direction de Sardelli est pur bonheur, qui ne cède pas aux sirènes de l'ivresse rythmique, assénée par certains de ses collègues. L'empathie, l'amour de cette musique, sont évidents à chaque morceau. Son orchestre, Modo Antiquo, sonne justement chambriste et distille des couleurs solaires.

 


« Duo ». Robert SCHUMANN : Drei Fantasiestücke pour violoncelle et piano, op. 73. Johannnes BRAHMS : sonate pour violoncelle et piano, op. 38, en mi mineur. Claude DEBUSSY : sonate pour violoncelle et piano, en ré mineur. Dmitri CHOSTAKOVITCH : sonate pour violoncelle et piano, op. 40, en ré mineur. Sol Gabetta, violoncelle, Hélène Grimaud, piano. 1 CD Universal DG : 479 0090. TT.: 75'10.

Ce disque présente quelques morceaux essentiels du répertoire en duo violoncelle et piano, joués par une artiste qui s'est déjà acquise une réputation enviable. Les trois Fantaisies de Schumann constituent une excellente mise en bouche, d'un romantisme tour à tour enflammé et retenu. La première Sonate de Brahms, op. 38, dont une des particularités est de ne pas comporter de mouvement lent, exhale un charme irrésistible. Son écriture simple, concise, laisse à l'instrument à corde tout loisir de s'épancher, au fil de thèmes francs et limpides. Le finale, fugué, est topique de l'atmosphère de ballade nordique du premier Brahms, rehaussée de quelque élément fantastique. La sonate de Debussy (1915) frappe par son étrangeté formelle, trois mouvements, d'une étonnante concision, et sa manière, dans la tradition des sonates françaises du XVIII éme, d'un modernisme révélateur de la dernière période créatrice de son auteur. Le « Prologue », annonce la couleur : la primauté sera accordée au violoncelle. Debussy prévient, sans ambages : « que le pianiste n'oublie jamais qu'il ne faut pas lutter contre le violoncelle, mais l'accompagner ». Le badinage de la « Sérénade » est ironique, presque sarcastique. Le finale, fiévreux, poursuit sur cette voie fantasque, entrecoupé de quelques traits de morbidezza. Sol Gabetta fait sienne une écriture très étendue pour l'instrument. Avec la Sonate op. 40, de 1934, Chostakovitch livre sa première grande œuvre de musique de chambre. On a peine à croire qu'elle est contemporaine de partitions comme les 24 Préludes pour piano ou l'opéra Lady Macbeth de Mtsensk, tant elle sonne classique, et sage à l'aune des canons du musicien. De vastes proportions, elle découvre un fervent lyrisme au fil du long allegro initial, que sous-tend une rythmique appliquée au piano. Après un second allegro en guise de scherzo, le largo libère l'ample chant du cello, sur un accompagnement scandé du piano jouant sur toute l'étendue du clavier. Et le finale est rien moins que lumineux, terriblement exigeant, pour les deux interprètes d'ailleurs.  La jeune Sol Gabetta montre, là encore, une vraie empathie pour un univers éminemment mélodique, et transcende une technique à toute épreuve. Elle est magnifiquement soutenue par Hélène Grimaud, qui se découvre une vraie vocation pour le jeu chambriste. Une remarque quant à la plaquette du disque : plutôt que de livrer moult photos des protagonistes de ce « Duo », et une interview croisée convenue, il eût mieux valu fournir une analyse des œuvres, et une biographie de la talentueuse celliste.

 

 

« Canciones espanolas » (Chansons espagnoles). Manuel DE FALLA : Siete canciones espanolas. Trois mélodies. « El pan de Ronda que sabe a verdad ». « Tus ojillos negros ». Enrique GRANADOS : Tonadilas en estilo antiguo. Joaquín RODRIGO : Tres canciones espaolas, Cuatro canciones sefardiés, Cuatro madrigales amatorios, « Coplas del pastor enamorado », « Canción del cucú », « Fino cristal ». Bernarda Fink, mezzo-soprano. Anthony Spiri, piano. 1CD Harmonia Mundi : HMC 902133. TT.: 66'15.

Dans son nouveau récital, Bernarda Fink convoque des compositeurs emblématiques de la chanson lyrique espagnole. Enrique Granados et Manuel de Falla ont cultivé ce genre, le portant à sa plus extrême expression. Dans les « Sept Chansons espagnoles » (1914), de Falla mène à un rare degré de raffinement le rythme (« Jota », « Polo ») et la mélancolie (« Asturiana »). Bernarda Fink les aborde d'un ton clair, sans sollicitation gouailleuse ou affectée, dans une tradition qui rappelle Victoria de los Angeles. Les « Trois Mélodies », en français, sur des poèmes de Théophile Gautier (1909), côtoient les sortilèges debussystes (« Les colombes ») ou proposent des mélismes délicatement orientalisants (« Chinoiserie »), évocation d'une Espagne plus vraie que nature, vue à travers le prisme gallique. On savoure d'autres pièces isolées. Ainsi « Tus ojillos negros » (Tes yeux noirs), mélodie de jeunesse (1903), sous-titrée chanson andalouse, livre-t-elle un charme indéniable, mélange du typique discours bavard et d'une rythmique entraînante. Enrique Granados est représenté par ses « Tonadillas en estilo antiguo », écrites en 1912-1913, et puisées dans l'univers de Goya. « C'est de la musique de race » confiera-t-il. Car le style populaire y est idéalisé, pour célébrer la ou le bien-aimé, en de délicieuses scènes miniatures, où voix et piano rivalisent de raffinement. Joaquín Rodrigo fait figure de moderne. Et pourtant, il se place comme l'éminent continuateur de ses deux maîtres. Les « Trois chansons espagnoles », de 1951, sont dans le droit fil de celles de De Falla, par leur sincérité d'expression, et l'idéale fusion entre styles savant et populaire. Les «  Couplets du berger amoureux » (1935), sur un texte de Lope de Vega, et la « Chanson du coucou » (1937) démontrent une parfaite maîtrise de l'art vocal et une facilité à s'identifier à la veine du chant populaire. Les « Quatre chansons séfarades », de 1965, sont plus originales, car Rodrigo cherche à y restituer une atmosphère hébraïque. De même, les « Quatre madrigaux amoureux », de 1947, puisent leur inspiration dans des mélodies anciennes, du XVI ème siècle, le musicien se les ré appropriant de sa manière simple et vive. Les pièces de l'auteur du Concerto d'Aranjuez, bien que moins connues, font tout le prix de cette sélection. La cantatrice argentine Bernarda Fink est en phase avec ce vocabulaire, et l'émotion retenue achève une vraie réussite, que le pianiste Anthony Spiri accompagne d'un sûr esprit ibérique.         

 


« Brasileiro » VIILLA-LOBOS : Carnaval das Crianças (Carnaval des enfants), Choros n. 5 «Alma Brasileira »,Valsa do Dor, Saudades das Selvas Brasileiras n. 2, et autres pièces pour piano. Camargo GUARNIERI : Dança Negras, Ponteio n. 24, Toccata. Henrique OSWALD : Valse lente. Alexandre LEVY : Tango Brasileiro. Joaquim Antônio BARROZO NETTO : Minha Terra (Mon pays). Oscar Lorenzo FERNÁNDEZ : Très Estudios em Forma de Sonatina, op. 62. Claudio SANTORO : Paulistana n. 1, Toccata. Francisco MIGNONE : Valse élégante, Maroca, Congada. Nelson Freire, piano. 1CD Universal Decca : 478 3533. TT.: 73'40.

C'était dans l'ordre des choses : Nelson Freire devait à son public un disque de piano brésilien ! Et célébrer une tradition pianistique admirable. Sous ses doigts magiques, trois générations de musiciens nous enchantent. Le choix opéré, autour de Heitor Villa-Lobos (1887-1959), le plus emblématique, se propose d'illustrer le courant des « anciens », tels Levy ou Santoro, puis les contemporains, comme Fernández, Barrozo Netto ou Mignone, enfin ceux qui ont poursuivi le chemin tracé par eux, à la fin du XX ème siècle, comme Guarnieri. Ces musiques sont fascinantes, car elles peignent l'âme brésilienne : le sens mélodique, la tournure proche de la danse, le caractère sensuel, le rythme afro-brésilien, tout y est irrésistible et empreint d'un charme inimitable, que Freire distille, au fil des pages, avec la simplicité de celui qui chante son propre langage. Le thème de l'enfance revient constamment dans l'œuvre de Villa-Lobos. Ainsi des vignettes délicieuses du « Carnaval des enfants », celui des rues de Rio, plein de joie, que soudain traverse une pointe de mélancolie. D'autres pièces courtes, comme «  Le petit chat en carton », en sont une évocation poétique. Ailleurs, il s'attache à brosser les paysages, comme ceux de la forêt brésilienne (« Saudades das Selvas Brasileiras »), ou encore le milieu urbain (Choros n° 5), voire la skyline new-yorkaise, dans une pièce datant de 1940. D'autres encore sont emplies d'une nostalgie tout aussi prenante, la « Valse du chagrin », par exemple, sur un rythme à quatre temps. A l'écoute de celles des autres compositeurs, élues par Freire, on comprend combien la vitalité et la poésie forgent le socle de la musique de piano du Brésil. Le « Tango brésilien » qu'Alexandre Levy (1864-1892) compose en 1890, n'a-t-il pas inspiré Milhaud pour son Bœuf sur le toit. Camargo Guarnieri, un demi siècle plus tard, imposera un rythme tout aussi insistant dans sa « Danse nègre », de 1946. La «  Valse lente » de Henrique Oswald (1852-1931), offre un raffinement gallique. Les « Trois études en forme de sonatine » de Oscar Lorenzo Fernández (1897-1948) allient idéalement le goût pour le rythme et la passion de la mélodie. Nelson Freire, dit-on, les déchiffra à 14 ans ! Toutes ces pièces jalonnent  son propre parcours artistique, et plus d'une lui est dédicacée. Sa manière souveraine fera chavirer de bonheur tous ceux qui aiment s'enivrer du chatoiement des couleurs sud-américaines, et bien d'autres.

 

 

« Musique française pour flûte ». Claude DEBUSSY : Sonate pour flûte,alto et harpe. Maurice RAVEL : Introduction et Allegro pour harpe. Albert ROUSSEL : Poèmes de Ronsard, pour flûte et voix. Aria pour flûte et piano. Sérénade op. 30, pour flûte, harpe, violon, alto et violoncelle. Francis POULENC : Sonate pour flûte et piano. Jean-Pierre Rampal, Patrick Gallois, Michel Moraguès, Matthieu Dufour, flûte. Avec Sandrine Piau, soprano, Marielle Nordmann, Julile Palloc, harpe, Emile Naoumoff, Adrienne Krausz, piano, Florent Héau, clairinette .Quatuor Parisii. Trio Joachim. 1 CD Saphir  productions : LVC 001054. TT.: 68'15.

La musique française a incontestablement donné à la flûte ses lettres de noblesse. Les quatre compositeurs figurant sur ce CD participent d'un âge d'or. Outre le Prélude à l'après midi d'un faune, Debussy a écrit encore pour l'instrument et la Sonate, mais en y associant la harpe et l'alto. La combinaison flûte et harpe est bien connue, porteuse de vaporeuses effluves. Le mode ancien, et mystérieux, l'éclat de joie, vite tempéré par une douce atmosphère, l'alternance d'allégresse et de mélancolie parcourent ses quatre mouvements. L'interprétation de Rampal, Pasquier et Nordmann est vraiment chargée de sens, une quasi référence. Dans Introduction et allegro pour harpe, avec accompagnement de quatuor à cordes, flûte et clarinette, Ravel répand une indicible poésie, et une joie canalisée. Si flûte et harpe jouent un rôle central, l'environnement est tout aussi somptueux, l'auteur du Boléro cultivant d'intéressantes sautes de rythme et un art consommé du pianissimo. La Sonate pour flûte illustre la manière combien charmeuse de Poulenc, ces inflexions qui sourdent comme naturelles, mais cèlent quelque inquiétude. L'art de la tournure mélodique, du rythme sautillant est ici à son meilleur. Moraguès et Naoumoff la parent d'une éclatante vie. Enfin, Roussel a recours à l'instrument dans plusieurs de ses pièces chambristes. Les Poèmes de Ronsard expriment un bel abandon de la voix chantée, sur une mélopée fantasque de la flûte, dans le premier morceau, puis une grande tendresse dans le second. Le sens de la mélodie ouverte, on le retrouve dans Aria pour flûte et piano, courte pièce sensible, intensément poétique. La Sérénade op. 30 unit, là encore, la flûte et la harpe, mais au trio à cordes, cette fois. Un flux entraînant (1er mouvement), ouvre la voie à une ample méditation de l'instrument vedette, d'une intarissable veine lyrique (partie centrale), et à un finale modulant avec une gaité aérienne, qu'entrecoupe une section plus sérieuse. Partout, dans ces interprétations, on savoure le sens gallique, l'élégance. On y entend des flûtistes émérites, mais aussi des musiciens qui font de la musique de chambre leur livre de chevet.

 

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Giacomo PUCCINI : Tosca. Melodramma en trois actes. Livret de Giuseppe Giacosa & Luigi Illica, d'après la pièce « La Tosca » de Victorien Sardou. Angela Gheorghiu, Jonas Kaufmann, Bryn Terfel, Lukas Jakobski, Jeremy White, Hubert Francis, ZhengZhong Zhou, William Payne. Royal Opera Chorus, Orchestra of the Royal Opera House, dir. Antonio Pappano. Mise en scène : Jonathan Kent. 1 DVD Emi Classics : 4 04063 9. TT.: 122'.

Amateurs de voix sensationnelles, voici une version incontournable ! Le trio réuni est grandiose, et s'inscrit aisément dans les annales des stars absolues de l'opéra de Puccini. Madame Gheorghiu est sans doute la voix la plus accomplie pour affronter cet idiome, et passée une composition bien peu naturelle au Ier acte, gagne ses galons de tragédienne sous les ors du Palais Farnèse, C'est là aussi que le Scarpia de Bryn Terfel prend toute sa mesure, look à la Depardieu, mal rasé, roulant des yeux au vitriol. La morgue qu'il éructe de sa bouche déformée suintant la vilénie, la solide voix de baryton basse le distinguent au panthéon des meilleurs interprètes du rôle. Jonas Kaufmann est un Cavaradossi aristocrate, beau jeune homme propulsé malgré lui dans l'enfer. Sa voix solaire de ténor, bourrée de nuances, et ses pianissmos légendaires le désignent également au top des tenants de ce rôle emblématique. La caméra les saisit avec force détails, gros plans sans fin, livrant ces confrontations qui font froid dans le dos, même si par moment quelque peu étudiées, style « vous allez voir comme on sait faire ». La mise en scène de Jonathan Kent, qui remplace celle, historique, qui abrita les Callas et autre Gobbi, cherche à rester grande manière dans l'illustratif : une immense chapelle, en contrebas de la nef de San Andrea della valle, où une double rangée d'escaliers permet un astucieux étagement des plans, et de prestes escalades du jeune premier Mario. Le Te Deum se donne à l'arrière plan, laissant au chef de la police romaine l'entier espace pour propulser son contrepoint maléfique. Belle idée ! Une salle du Palazzo Farnese, aussi vaste que menaçante, dans ses couleurs sombres, où ne manque aucun accessoire, pas même les deux candélabres. Enfin, une terrasse du castel San Angelo, dominée par l'aile de celui-ci, et peuplée de quatre poteaux de bois, le long desquels Tosca et Cavaradossi s'arque-boutent avant l'issue fatale. La régie d'acteurs ne cherche pas à sortir des sentiers balisés du mélodrame, et mise sur une vérité théâtrale qui fait mouche : l'habile chat et souris que se jouent Scarpia et Tosca est d'anthologie. Quelques traits évocateurs l'émaillent sûrement, tel ce sauf conduit arraché par la cantatrice de la poitrine ensanglantée du baron. La force de ce spectacle tient pour beaucoup à la direction fiévreuse d'Antonio Pappano, qui galvanise ses forces de l'Orchestre du Royal Opera House. Les déferlements sonores de l'acte médian sonnent comme si la machiavélique manigance avait ouvert les vannes d'une coulée incandescente. Un exemple parfait d'une « great night », comme sait en concocter le Royal Opera de Londres, où l'on manage avec dextérité le sens de l'événement. Et une grande interprétation au DVD.

 

 

 

« Un siècle d'opéra français. Roberto Alagna à Versailles ». Extraits symphoniques et vocaux. Christoph Wilibald GLUCK : Orphée et Eurydice, Iphigénie en Tauride. Antoine GRETRY : L'Amant jaloux, Zémir et Azor. Luigi CHERUBINI : Les Abencérages. Etienne-Nicolas MEHUL : Le jeune Henri, Joseph en Egypte. Hector BERLIOZ : Le Corsaire, La Damnation de Faust. ROUGET DE LISLE/BERLIOZ : La Marseillaise. Georges BIZET : L'Arlésienne, Les Pêcheurs de Perles, Carmen. Jacques-Fromental HALEVY : La Juive. Charles GOUNOD : Mireille, Roméo et Juliette. Roberto Alagna, ténor. Orchestre de Paris, dir. Michel Plasson. 1DVD Universal DG : 076 284-4. TT. 90'.

Grand spectacle et frisson assurés : filmé sur l'eau, au bassin de Neptune du château de Versailles, en juillet 2009, ce récital de Roberto Alagna se veut une anthologie de l'opéra français, de Grétry à Gounod. Et même si le ténor assoluto n'est pas partout des plus à aise, l'habit semblant trop large pour une pièce délicate comme celle de L'Amant jaloux, ce florilège constitue un bel hommage à l'art du chant français, assortissant pièces connues et moins jouées. Comme toujours chez lui, la diction est pur régal, la conviction sans faille, la présence indéniable. Et l'atmosphère se chauffe peu à peu, pour déborder d'enthousiasme après une « Invocation à la nature », de La Damnation de Faust, d'une envolée remarquable. La Marseillaise dans  l'orchestration de Berlioz, accompagnée par l'orchestre débout, fait le reste. La suite du concert sera plus qu'électrique. De la collection d'airs, on distinguera la pièce quasi inconnue de Cherubini, tirée des Abencérages, où la flexibilité de la ligne de chant arrive encore à étonner, l'invocation « O nuit enchanteresse » des Pêcheurs de Perles, chanté en voix mixte, et même franchement en falsetto, l'air de « La fleur », de Carmen, d'une suprême distinction, à défaut d'être vraiment dramatique, et surtout la magnifique cavatine de La Juive, « Rachel quand du Seigneur », qui, après une magique introduction du hautbois sur des pizzicatos de cordes, élève un chant inextinguible, et cette fois poignant. Michel Plasson, arborant un constant sourire, alors que ses musiciens ne semblent pas toujours à la fête, est le partenaire indispensable, et le sûr accompagnateur. Les pages symphoniques, qui entrelardent le récital, et permettent de salutaires pauses, vont toutefois du banal (une « Farandole », de L'Arlésienne, si boulée qu'elle en perd sa substance, une Marche hongroise où la main se fait lourde), au lyrisme éperdu : l'entracte du II ème acte de Roméo et Juliette est d'une suprême distinction.. Alagna enchaîne alors le récitatif et l'air « Ah ! Lève-toi soleil », d'un geste vraiment solaire, qui arrache l'auditoire de son siège. A juste titre. Le film sollicite l'image facile, la prise de vue, souvent au premier degré, multipliant les gros plans d'instruments ou de visages, parfois peu flatteurs, mis à part le ténor vedette, qui sait ce que paraître veut dire. Et révèle un profil bourbonien ! Les quelques vues de fontaines crachant à plein régime, voire de boules de feu surgissant des perspectives sylvestres, n'arrivent pas à distraire de l'objet du film, le concert-show de l'ami Roberto !

 

 

Jean-Pierre Robert.

 

 

Jean-Sébastien BACH : Inventions & Sinfonias. BWV 772-801. Chantal Stigliani, piano. 1CD Calliope Records : CAL1211. TT : 48’14.

Un très beau disque, plein de charme et d’émotion, où le piano sonne magnifiquement sous les doigts de Chantal Stigliani. Ces Inventions & Sinfonias dépassent, ici, l'exercice pianistique, pour atteindre à l’essence même de la musique. Elles sont enregistrées sur un piano Pleyel de 1910, au son sourd et profond, véritablement envoûtant. Magnifique et indispensable !

 

 

Joseph HAYDN « Dernières sonates et variations » : Sonates Hob. XVI, 50 à 52. Variations en fa mineur, Hob.XVII, 6. Variations sur « Gott erhalte Franz den Kaiser « . Mathieu Dupouy, pianoforte. 1CD Label-Hérisson : LH 08. TT : 71'.

Un disque qui donne à entendre les trois dernières Sonates pour pianoforte, Hob.XVI : 50-52, composées par Joseph Haydn, lors de son séjour à Londres,  les Variations en fa mineur, Hob.XVII : 6, datant de 1793, et les Variations sur « Gott erhalte Franz den Kaiser », que le vieux Haydn interprétait chaque jour sur son piano, comme une prière. Des œuvres de la maturité marquant l’accomplissement du langage pianistique du compositeur, enrichies par l’expérience de la vie musicale londonienne, tout en anticipant sur les styles futurs de Beethoven ou de Schubert, dans une magnifique interprétation de Mathieu Dupouy, pleine de charme et d’humour. Une réussite indiscutable !

 

 

                                                                                                                             

Antoine DAUVERGNE : La Vénitienne. Comédie lyrique en trois actes. Livret de Antoine Houdar de La Motte. Katia Vellétaz, Kareen Durand, Chantal Santon, Isabelle Cals, Mathias Vidal, Alain Buet. Chœur de Chambre de Namur. Les Agrémens,  dir. Guy Van Waas.. 2CDs Ricercar : RIC 327. TT : 116’20.

Antoine Dauvergne (1713-1797) fut assurément un personnage important de l’univers musical de son temps, tant à la cour, dans son rôle de Surintendant de la Musique, qu’à Paris comme directeur de l’Académie Royale. Élève de Rameau, il fut un des passeurs d’idées nouvelles entre Siècle des Lumières et romantisme naissant. Une gloire que la postérité, avec ou sans raison, ne lui conservera que peu. La Vénitienne est une comédie lyrique, renonçant aux genres établis de la tragédie lyrique et de l’opéra-ballet, et tournée vers le théâtre. Elle rassemble diverses influences, Rameau, Pergolèse ou Grétry, sans atteindre toutefois au génie des successeurs, Gluck ou Cherubini. La création de l’ouvrage, le 3 mai 1768, fut un échec, peut-être imputable au livret convenu d’Antoine Houdar de La Motte, ou au mélange des genres, sombre et comique. Le présent enregistrement, effectué dans la foulée d'un concert donné lors des Journées Dauvergne du CMBV  de Versailles, en 2011, apporte témoignage du savoir faire du compositeur, loin des fureurs du temps. La réalisation musicale et vocale est irréprochable. Pour les tenants du baroque curieux ou inconditionnels !

 

 

« Intuition ». Juan Crisóstomo de ARRIAGA : quatuor N°3, en mi bémol majeur. Wolfgang Amadeus MOZART : Quatuor à corde N° 6, en si bémol majeur, KV 159. Franz SCHUBERT : quatuor N° 4, en ut majeur, D. 46. Quatuor Modigliani. 1CD Mirare : MIR 168. TT : 56’.

Un disque original, à la fois par le choix des compositeurs et le choix des œuvres. Trois compositeurs, encore adolescents, âgés de 17 ans, abordent le quatuor à cordes, avec une intuition musicale d’une fraicheur exquise, qui s’exprime sans contrainte, comme une altérité fulgurante et irrépressible. Juan Crisóstomo de Arriaga (1806-1826), mort à 20 ans, commence à composer dès l’âge de 7 ans. Son quatuor à cordes n° 3 date de 1824. Celui de Mozart, le quatuor à cordes n° 6, appartient au cycle des quatuors dits « milanais », composés entre 1772 et 1773, lors de son dernier voyage en Italie. Enfin le quatuor à cordes n° 4 de Schubert est daté de 1813. Trois œuvres différentes, d’influence classique, mais où pointe en filigrane un léger romantisme, et dans lesquelles s’exprime tout le génie de trois étoiles naissantes et éphémères. Une interprétation qui ne souffre aucun reproche, et une prise de son de qualité. Un moment de pur bonheur ! Indispensable.

 

 

 

Bela BARTOK : 44 duos pour violon. Jan Talich & Agnès Pyka, violon. 1CD Indésens : INDE049. TT : 48’56.

Un disque original qui propose l'intégrale des duos pour violon de Bartok, inspirés d’airs populaires et folkloriques, utilisés pour servir de base à une méthode d’enseignement du violon, mais surtout, qui serviront de thématique dans les différentes œuvres du compositeur hongrois. Un corpus d’une grande variété stylistique, parfaitement interprété. Une curiosité à découvrir.

 

 

Betsy JOLAS : « B for Besty ». Quatre duos, Quoth the raven, Pièce pour Saint-Germain, Ruth wohl, Pièce pour. Géraldine Dutroncy, piano, Laurent Camatte, alto. 1CD HORTUS : HOR 099. TT : 66’50.

Cet enregistrement regroupe plusieurs œuvres de Betsy Jolas, encore inédites au disque : Quatre duos, Quoth the raven, Pièce pour Saint-Germain, Ruth wohl, Pièce pour. Au sein de son vaste catalogue, allant de la miniature à l’opéra, l’alto et le piano occupent une place  privilégiée. Quatre duos correspondent à quatre caractères, à la manière de Couperin, Quoth the raven, telle une ode funèbre, fut écrite sous le choc de la mort d’un ami. Pièce pour Saint-Germain et Pièce pour sont des pièces de concours, Ruth wohl, la plus récente de ces compositions, est conçue comme une méditation sur la berceuse finale de la Passion selon Saint Jean de Bach. Élève de Milhaud et de Messiaen, Betsy Jolas (*1926) fait partie de ces compositeurs contemporains ayant pour souci d’écrire de la « belle musique qui ne s’explique pas ». Une impénétrabilité, effectivement, qui ne parvient pas à convaincre, malgré une interprétation exempte de tout reproche.

          

 

Patrice Imbaud.


 

 

 

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