Fig. 2 : Jean Moréas par Antonio de La Gandara 2


Fig. 3 : Reynaldo Hahn - Photo - n. d. (ca. 1906)

Le recueil
Le recueil, édité 1907 chez Heugel3, fidèle maison d’édition du compositeur, réunit onze titres pour voix soliste, à la différence des trois précédents recueils, les Études latines, les Rondels et Venezia, qui comportent des pièces avec chœur. Il est dédié à Édouard Risler (1873 - 1929), célèbre pianiste et grand ami du compositeur, et de longue date (depuis 1894 au Conservatoire, rue de Madrid). Le cycle est présenté4 pour la première fois en juin 19065 chez Mme Angèle Duglé, professeur de chant qui organise chez elle des matinées musicales avec ses propres élèves, et auxquelles participent aussi de grands noms du monde musical, tant chanteurs que compositeur, comme M. Massenet, M. Louis Diémer. Cinq chanteurs s’en partagent l’exécution : Mmes James Baignières, H. Prévost, Capet et MM. Edmond Clément et Georges Vaudoyer.6 Elles sont présentées comme « petite pièces mélancoliques et colorées tout à la fois ».7 La durée approximative du recueil est comprise entre 23 et 30 minutes.


Fig. 4 : Page de garde du recueil – Heugel, 1907

La partition
La composition de ces mélodies s’étale sur cinq ans : c’est un musicien qui les travaille de façon méthodique, remettant au métier entre 1901 et août 1906, l’écriture du recueil menée sur le long terme… Cette approche égale sur onze poèmes fortifie cet ouvrage d’une sensibilité étale et constante. Un grande cohérence s’en dégage grâce à leur agencement, les moyens musicaux utilisés, dans une atmosphère en clair-obscur. Tout cela renforce l’unité de cette œuvre.
Ainsi, le cheminement harmonique entre les pièces impliquent quelques progressions intimes (successions en tierce des 2 à 5, des 6 à 8), jeu d’enharmonie entre les 8 et 9. De même la proximité des tonalités choisies nous laisse flotter parmi des couleurs harmoniques proches, jouant plus sur les camaïeux que les complémentaires… Point de recherche dramatique sur la variation du tempo qui reste dans l’ensemble très modéré. L’envolée de la 5e mélodie, pièce centrale du recueil la plus fougueuse, manifeste plus une colère rentrée qu’une échappée heureuse, et contribue en creux aux tempos lents, rêveurs, hypnotiques des autres pièces qu’elles encadrent… La dynamique générale, la ligne résultant des tension-détentes, pourrait se présenter en trois périodes :
1– pesant -> 2 – obsédant -> 3 – recueilli -> 4 - rêveur
5 – violent -> 6 – fluide -> 7 – tranquille -> 8 - aérien
9 – tourmenté -> 10 – gracieux -> 11 - résigné
Les n° 4 et 8 sont ainsi des pauses espérées, adroitement amenées après quelques tourments plus ombrageux. Elles dénouent une tension, créent un repos nécessaire pour affronter les mélodies suivantes. C’est un recueil aux tonalités crépusculaires, où l’automne teinte les ciels, les rêves, les souvenirs… Onze tableaux qui se répondent pour illustrer une âme attentive et généreuse à l’écoute du monde pour mieux se reconnaître. Peut-être alors, au travers des textes mis bout à bout, devrions-nous chercher un cheminement géographique, temporel, sentimental… Ce sont onze reflets en dégradé nous dévoilant une mélancolie, presque amère mais qui, au final, exhale une nature compatissante. L’être et le monde se répondent, le texte et la musique aussi. Une méditation accompagnée, portée par les voix sonores et les mots inspirés, l’ensemble du recueil nous plonge dans nos sombres pensées, nous transporte sur les ondes salées comme pour mieux nous en rincer ensuite, et pour mieux vivre enfin. Le soin apporté au long postlude nous y invite.

Contexte
Reynaldo Hahn a 27-32 ans durant la composition du recueil. Il est en plein période de célébrité, reconnu par ses pairs, sollicité dans les salons comme aux pupitres des orchestres… N’est-il pas invité au festival de Salzbourg à l’instar d’un Richard Strauss, en 1906 pour diriger Don Giovanni de Mozart ? Durant la période qui nous intéresse, le compositeur aborde très peu la mélodie mais il ne la néglige pas pour autant (une petite dizaine). Le recueil Venezia vient tout juste d’être édité en juin 1901. La grande période de production de mélodies du compositeur est derrière lui : près de 80 sur les 112 répertoriées. Ici elles s’échelonnent de façon sporadique, mêlées à d’autres compositions, et qui nous font comprendre un peu mieux pourquoi l’écriture du recueil qui nous concerne s’étale sur près de six années. Ceci explique peut-être cela. Reynaldo Hahn ne reste nullement inactif. Sa production musicale reste intense. Il travaille, entre autres œuvres pour piano, à des compositions de plus grandes envergures, vers d’autres genres qui occupent assurément tout son temps. Il compose l’opéra La Carmélite8 présenté avec luxe à l’Opéra comique en décembre 1902, sur un livret signé Catulle Mendès… Il compose en 1905 le Bal de Béatrice d’Este9, petit bijou orchestral qui préfigure à lui tout seul ce qu’on appellera le néoclassicisme de l’entre-deux-guerres. Peut-être aussi pourrions-nous mettre en parallèle la production de mélodies chez ses contemporains, en pensant à Gabriel Fauré, Claude Debussy, Maurice Ravel ou André Caplet, où nous observons ce même détachement pour ce genre bien particulier qui semble s’estomper peu à peu. Le nouveau siècle appelle à d’autres formes musicales, nos compositeurs se projettent dans des compositions plus ambitieuses, touchant un plus large public (concert, opéra). Reynaldo Hahn persiste, à sa façon, pour exprimer son état d’âme, dans un genre qu’il maîtrise parfaitement. Et nous pouvons être certains qu’au travers de ces Feuilles blessées, il a su le révéler avec justesse.

Le poète
L’homme

D’origine grecque (Ioannis Papadiamantopoulos), Jean Moréas10 nait le 15 avril 1856 à Athènes et s’éteint le 30 mars 1910, à Saint-Mandé. Lors de la cérémonie funèbre au Père Lachaise les personnalités présentes parmi une foule immense nous en disent beaucoup sur sa notoriété : Maurice Barrès, Henri de Régnier, Charles Maurras, Léon Dierx, Fernand Gregh, Max Jacob, Guillaume Apollinaire, Jules Romain, Courteline…11


Fig. 5 : Jean Moréas, 191012

À Paris, installé en plein Montmartre, début 1879, - il a 22 ans - il se lie avec des poètes qui l’introduisent au Chat Noir, cabaret de lettres, très en vogue dans les années 1890. Bien vite reconnu par ces amis-poètes qui le consacre chef de l’école symboliste, lors d’un banquet lui fut offert en février 1891, présidé par Stéphane Mallarmé. Léon Deschamps le présente comme le plus pur, le plus haut et le plus désintéressé des poètes.13 Cérémonie où prirent part cent vingt convives, parmi lesquels on comptait : Anatole France, Maurice Barrés, Pierre Louÿs, Henri Lavedan, Octave Mirbeau, Catulle Mendès, Félicien Rops, Odilon Redon, Paul Gauguin, Schuré, Henri de Régnier, Georges Lecomte, Francis Viélé-Griffin... Toute l’avant-garde des lettres et des arts. Cinq ans plus tard, lors du congrès des poètes il est nommé vice-roi des poètes, le roi étant Stéphane Mallarmé.14
Homme à très forte personnalité, préférant les cabarets aux salons15, aimant les femmes, il chante un Paris qui lui ressemble, un Paris urbain avec ses cafés, ses rues, ses gares, ses parcs, ses quais et ses remparts, les fameux fortif’s. Se levant tôt, aimant la nuit et le bouillonnement de la vie des boulevards. Il nous confie :
Paris, je te ressemble : un instant le soleil
Brille dans ton ciel bleu, puis soudain c’est la brume.16
L’automne semble être sa saison de prédilection. Le poète ne nous confie-t-il pas dans la 15e stance du 4e livre :
O novembre, tu sais que c’est ta feuille morte
Qui parfume mon cœur.
Il est l’un des grands poètes au tournant du XXe.

L’esthétique poétique
Même s’il écrit quelques vers proches d’un réalisme « à la Richepin » lors de ses premiers poèmes à Paris, il se dirige vers une protestation contre le naturalisme, avec cette volonté de se dépouiller des sentimentalités éloquentes, de s’affranchir du pittoresque pour la vouer au service de l’idée, sous les voiles de l’allusion, sous la dignité des symboles comme le précise Henri de Régnier17. C’est sous cette étiquette qu’il présente le Pélerin passionné, et qu’il est célébré. Mais, pour s’éviter cette emprise sclérosante, il considérera cette période comme « phénomène de transition ». Poète indépendant, il embrasse activement la mouvance symboliste - mouvement cherchant derrière les faits particuliers le « pur concept » -, et rejette violemment le Parnasse - qui considère le fait particulier comme existant en soi, poétiquement -. Il ne donne non plus d’importance aux adeptes du Naturalisme (qu’il traite de « manouvriers et vulgaires »), tout en refusant l’étiquette de Décadent, adjectif usé par un certain monde littéraire contemporain.18
En louant le principe fondamental des lettres françaises helléno-latines qui fleurissent dès les XIe - XIVe siècles avec nos trouvères, Rabelais, Ruffian, puis les Malherbe, Racine, La Fontaine, Chénier… il ambitionne de rendre à la poésie son caractère national et ses naturelles aspirations. Et la meilleure preuve de ce retour sévère à la tradition est le chef-d’œuvre des Stances. Il recherche dans la construction de la phrase, imitant la vieille syntaxe, renversant les mots, des singularités révélant un certain archaïsme dans la forme comme dans les idées. Il se réclame aussi d’Athènes, certes, mais sous le prisme de l’antiquité de la Renaissance. Anatole France le qualifie de Ronsard du Symbolisme19. Moréas ne s’est jamais départi de son vœu premier de « plasticité musicienne ». Aux vertus plastiques du lyrisme antérieur, il rêvait d’adjoindre la musique et la couleur.

Les Stances
Si les deux premiers livres ont été publiés en avril 1899 en édition de luxe, ils gagneront les quatre livres suivants en édition courante, peu après, en 1905 20.
C’est une œuvre imposante qui se compose de quatre-vingt-treize stances réparties en six livres. Titre non racoleur, direct et sans double lecture, il traduit tout de suite la rigueur qu’entraîne le genre poétique, très rigoriste de structure, avec ses règles et un ton qui lui est propre. Moréas s’y attelle par souci d’émancipation des courants esthétiques existants. Il confie : je rêve d’une stance plus concise. Je voudrais rejeter tout développement inutile, fondre d’un trait l’idée et le sentiment, et ramener le poème à ses éléments essentiels. Je voudrais que ma stance ne pesât pas plus qu’un soupir et qu’elle se manifestât avec la précision et la brièveté de l’éclair.21 Un penchant esthétique que partage Reynaldo Hahn et que nous retrouverons au travers des analyses ci-dessous.


Fig. 6 : Première de couverture signée Bernard Essers22

Le style des Stances, par sa tenue, sa correction un peu froide, par une certaine sécheresse, n’est pas sans beauté. Le thème des Stances est quelque fois une idée morale très simple, très nette sans incertitude ni casuistique. L’inspiration est personnelle, exprimant les sentiments et émotions : douleur farouche, amertume des souvenirs, ambitions meurtries, loisirs déçus, et détresse infinie de la solitude… Catulle Mendès parlera de l’enchantement des Stances, Paul Valéry en dira : « poésies dont l’essence est d’être suprêmes »23. Ernest Raynaud tranche : Les Stances de Moréas constituent l’un des chefs-d’œuvre du lyrisme contemporain24.

Et Reynaldo Hahn
Reynaldo Hahn connaît bien les œuvres du poète et depuis très tôt. Déjà en 1896 il choisit Théone, un poème dans Le Pèlerin passionné.25 Cette mélodie est publiée bien après les Feuilles blessées, en 1922, dans le 2nd volume de 20 mélodies.26 De même il place en exergue de la pièce Narghilé27 (1906), le n° 32 du Rossignol éperdu, ce vers de Jean Moréas :
                La glycine, des vases bleus, pend.28  
L’univers poétique de cet auteur n’est donc pas une nouveauté pour Reynaldo Hahn. Nous pouvons penser qu’il a tenu entre ses mains l’édition complète dès sa parution en 1905 aux Éditions La Plume.

Ce poète n’a pas laissé indifférent d’autres musiciens. Nombreux sont les compositeurs à avoir été séduits par cette esthétique. Je citerai pour leur grand nombre de mélodies composées : Philippe Gaubert (8), Carl Engel (10 dont 6 dans le recueil intitulé Chansons intimes), Pierre de Bréville (9 dont 4 dans le recueil Automne…). Plus accessoirement : Camille Saint-Saëns (L’Arbre), Ernest Chausson (Dans la forêt…), Charles Bordes, Marcel Grandjany (Parmi les marronniers), Francis Poulenc (Quatre Airs chantés), Ottorino Respighi, et bien d’autres…

Les onze mélodies

1- Dans le ciel est dressé le chêne séculaire

 C’est une pièce puissante et hiératique qui ouvre le cycle. Par une concision remarquable elle présente à la fois cette émotion sévère qui anime le poète et son credo en une nature toujours salvatrice. 
 Loin d’un LA majeur triomphant, dés le 1er temps de la 1ère mesure, une 6te ajoutée sur l’accord de Tonique déstabilise l’oreille : un inconfort qui, au-delà de cette toute première mélodie, sous-tend tout ce recueil des Feuilles blessées, titre ô combien douloureux. Cette répétition de seconde descendante fa# -> mi, pesante (le fa# est louré) et presque froide (le mi résonne dans un vide d’octave) caractérise les premières mesures de chacune des deux parties (A1 et A2) qui constituent la mélodie [Ex.  1].


Exemple 1, mes. 1-2 [Lent] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris»29

Cette roideur ne s’oppose pas à cet ambitus très large dans lequel se développe la ligne vocale : il ne fait qu’exacerber l’écart entre les deux états d’âme qui brusquent le poète : deux vaines envolées et brèves opposées à deux replis feutrés, plus distendus creusant ainsi ce froid intérieur. Ce statisme au piano, ostinato qui s’apparenterait à un blocage géographique s’oppose à une seconde partie plus mouvante et plus intime. Les forte (mes. 2 et 12), soutenant une inflexion très déclamée, au rythme ferme, s’éclipsent devant un phrasé plus modulé. La présence d’accords progressant vers l’aigu par marche harmonique soutenue (T – SD - D) bonifie ce sentiment de confidentialité. Reynaldo Hahn instruit un ralentissement dynamique en doublant les valeurs des derniers accords, lisse le temps, plus conclusif ainsi. La ligne vocale joue étonnement sur peu de moyen lyrique : la diction, soit déclamatoire, soit intimiste, frise le recto tono [Ex.  2]. Aux intervalles étroits, l’ensemble garde une allure parlée.


Ex. 2, mes. 7-18 [Lent] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Mélodie rude, puissante et émouvante, elle ouvre puissamment le cycle des onze mélodies, sans fard, sans fausse route : on devine deux tiraillements qui bousculent le poète, une part de retenue lyrique contestant la part de fatalisme élégiaque.

2- Encor sur le pavé, sonne mon pas nocturne

 Faisant suite à une mélodie au paysage sonore immobile, une agitation mesurée nous entraine dans la nuit finissante. Trop régulier pour paraître serein, ce pas claudique sur ce temps binaire et devient vite obsessionnel. Le poète, trop soucieux d’avoir errer la nuit entière, avance de façon hypnotique. L’ostinato, construit sur une mesure complète, crée un ballotage cyclique, comme un retour sur les pas d’un animal en cage… Cet enfermement au piano paraît bloquer l’envolée lyrique.


Exemple audio 1 : extrait de Encor sur le pavé… par Lore Binon avec Inge Spinette, piano - « Poètes maudits », 2017 - Fuga Libera FUG746.

La tonalité générale est en sol mineur bien qu’il n’y ait rien à la clef. Mais l’oscillation aux basses d’un demi-ton (sol – fa#, si – sib,) crée un jeu de couleurs brouillées sur deux appuis stables. Un chromatisme à la voix medium, insidieusement trouble, nous égare un peu plus. Entre balancement constant et indécision tonale, Reynaldo Hahn illustre l’errance du poète dans ce décor nocturne [Ex.  3].


Ex. 3, mes. 11-13 [Modéré] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

D’un ambitus remarquablement resserré où seule la note finale (sib) s’élève bien douloureusement, sur un intervalle de quarte diminuée… la ligne vocale déroule les vers de façon monocorde (7 mesures sur les 17 « chantées ») sur un recto tono « hypnotique ». Les silences d’interprétation ne manquent pas, brisant un débit trop régulier. La structure de la pièce est libre, sans bornage strophique, sans retour de motif saillant : elle convient parfaitement à cette parole qui semble errer par dessus ce piétinement mécanique. La nuance piano demandée tout au long de la pièce conforte l’intimité désirée, amplifiée par un long « en retenant » de la mes. 14 à la 21, obligeant le poète à prospecter sur lui-même :
Que ne suis-je couché, lorsque Vesper s’allume
Sous les varechs au bords des flots !


Le retour au tempo initial en toute fin exacerbe un peu plus cette impression d’inconfort : l’homme reprend son pas d’errant obsessionnel… Bientôt la mélodie s’achève d’elle-même : Reynaldo Hahn use de silences qui éloignent le retour du motif qu’il scinde nettement en deux : principe d’étalement du temps que l’on retrouvera souvent. Dans un pp, tout disparaît dans une double octave, creuse, vide. La mélodie, grave et sombre, ne manque pas de majesté. Beau passage, mes. 12 -13 : Paris ! O noir dormeur ! L’intervalle final (fa# -> sib : des flots !) déchire l’espace comme une délivrance douloureuse.

3- Quand reviendra l’automne avec les feuilles mortes
Mélodie où la méditation porte sur le sort fatal du poète. C’est un regard résigné mais doux… Un recueillement, bercé par un rythme quelque peu en déséquilibre, à la basse, ne reposant que sur deux temps forts d’où cette impression de planer, de rester « en l’air », le tout adouci par un intervalle étroit, d’un demi-ton ascendant, rendant la bascule infime mais bien réelle. Le tempo assez lent ajoute à cet étirement en suspens.
Le chant distille son texte sur une cantillation diatonique, par palier conjoint ou par des contours sophistiqués qui anéantissent toute velléité d’extase…
Deux parties A et A’ (mes. 1-8 et 9-17) composent la pièce respectant ainsi les deux quatrains. Elles sont fort semblables. La seconde reprend le même schéma mais se colore un peu : la forme rythmique s’assouplit ; un supérius illumine l’aigu et des basses devenues plus présentes, jouant essentiellement sur des 5tes à vides.


Ex. 4, mes. 8 à 10 [Assez lent] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Pourtant un long recto tono éteint mais concentré tempère cet éclairage [Ex.  4]. Bien vite la descente finale, en mineur (S’éteindre mon image et le pâle soleil. mes. 14-16) confirme ce même effondrement dans lequel nous entraîne toute la partie piano. Un saut de 5te assombrit un peu plus le mot so-leil (fa# - si), note la plus grave de la mélodie, achevant tout espoir et par une formule rythmique figée, s’étalant d’un temps supplémentaire comme gelée à jamais dans l’eau glacée.
La tonalité est noyée volontairement, par un jeu de pédales qui donne aux nombreuses appoggiatures des vibrations troublées ; de plus, par évitement de sensible, la mélodie côtoie avec le mode mineur, les notes pivots restant très présentes. Pour parachever le tout, la cadence finale joue sur une tierce instable : l’appogiature doX vers le ré# pourrait nous faire croire que l’on bascule du mineur au majeur, jeu subtile… Avec des accords enrichis de notes de passage, de retard, tout se combine pour une couleur moirée, suspendue au-dessus d’une eau morne.
Après les tourments obsessionnels de la mélodie n° 2, c’est donc un apaisement temporel où l’auteur prend le soin de se poser pour appréhender la chose inéluctable. Mélodie où confidence et résignation sont adroitement mêlées, où le chant subtilement serpente entre les délicatesses du cœur…

4- Belle lune d’argent
Un sentiment de rêverie dans ce paysage nocturne. Il apaise après un cheminement quelque peu ombrageux mais sincère des trois premières mélodies. C’est une plage bienvenue qui procure une pause apaisante et nécessaire. Nous l’avons déjà observé : avec la n° 8 elle est un temps suspendu qui participe à l’organisation globale de l’œuvre.
L’horizon est dégagé, le temps prend son temps… Une cellule mélodique, en gamme descendante, se développe au gré de la mélodie, se jouant du retour attendu au temps fort, pour se dérouler sur des levées qui accentuent cette sensation d’apesanteur. De plus elle circule entre ligne vocale et accompagnement, jeu d’écho éloigné ou d’imitation qui lui ressemble un peu, soutenue par des accords discrets. Empreinte de sérénité, nocturne certes, mais non sans brillance intérieure.
Déjà l’enchaînement des trois accords initiaux nous laisse « rêveur » : le 2e accord (en ré mineur, appogiature supérieure de l’accord de T) nous élève dans l’aigu, par ses couleurs argentées, très éloignée du RÉ b initial. C’est une suspension dans le ciel qui illumine froidement, moment calme, pour plonger sur l’accord de T, dans un grave bleuté. Effet de perspective sidérale qui place cette belle lune d’argent dans un ciel métallique… La voix elle-même débute sur un temps faible, très faible pourrait-on préciser, dans un aigu p et semble ainsi flotter dans cette lumière froide [Ex.  5].


Ex. 5, mes. 1 à 3 [Modéré] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

La forme générale binaire de cette pièce suit celle du poème, une fois de plus. Et, comme à chaque fois, Reynaldo Hahn différencie les deux parties. Dans la seconde (mes. 15) la cellule remarquable devient quasi continue, plus lâche aussi par des arpèges, plus aérée mais basculant bientôt dans le grave. Et la vaste nuit plombe la ligne vocale.
Sur un long recto tono, habitude chère à notre compositeur, où la contemplation de la vaste nuit de la plaine sans fin… (mes. 24-29) se mute en recueillement, la basse se fait pesante, quand le chant enharmonique (fa#/solb) lisse le verbe dans une couleur nocturne. Dès la mesure 28, tout se dilate encore.
Insensiblement Reynaldo Hahn prépare la chute poétique en diluant les rythmes. Les graves sont plus présentes, par des 8ves à vide. Tout cela prépare l’ultime montée qui abandonne à la voix le rôle majeur. À deux reprises elle est mise à nu (mes. 33 et 35), confiant au texte toute sa force.

Ainsi cette fin s’élève, au-delà des cheminées, par une progression ardue amenée pas trois accords aux tonalités éloignées (un rvt de 9e  RÉ – en rvt de 7e en DO - RÉb sur T) sur une cadence évitée tout à fait surprenante. Enfin, les doubles octaves descendantes, d’une clarté cristalline nous transcendent dans un vide sidérale et l’ensemble se referme par la cellule de base, modelée dans des tons éloignés. Un point d’orgue sur des intervalles quasi vides laisse mourir dans un horizon urbain la froide volupté30 d’une clarté lunaire…

5- Quand je viendrai m’asseoir
Pièce d’un grand lyrisme, qui tient la place centrale du recueil (la 5e sur les 11), le climax du cycle par le tempérament impétueux, le tempo agité, la puissance sonore qui s’en dégage et par la teneur du texte où le poète, au bord du désespoir, exalté et fougueux, nous confie son désir de disparaître dans l’océan.

Bâtie sur un ostinato très ample, où quintolets de doubles croches heurtent des quatre-doubles, où notes répétées bousculent les arpèges ascendants et descendants, s’élevant en l’espace de deux temps par un très large ambitus, cette écriture pianistique exprime la vivacité d’un océan écumant autant que celle du désespoir du poète [Ex.  6]. Tout au long de la pièce, Reynaldo Hahn joue sur un chromatisme rythmique qui anime toute la pièce (des 2 croches au quintolet).


Ex. 6, mes. 1-2 « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

La ligne vocale présente une formule ascendante qui circule de loin en loin dans la pièce (mes. 3, puis 10, puis 14, puis 18 au piano), toujours plus aiguë, toujours plus violentée (de triolet souple à un binaire précipité), relançant ainsi le discours ô combien agité. L’indication d’interprétation (Agité, fougueux, mais sans aucune précipitation) invite à cette lecture. La montée progressive des tonalités (fa - LAb – do) donne une amplitude supplémentaire, redoublée par la note d’appui pour le début de chacun des vers :

fa -> Quand je viendrais… (mes. 3)
lab -> Quand je n’entendrai plus… (mes. 10)
do -> Ne te contente pas… (mes. 14)
->pour mieux précipité ce motif rageur au piano (en 5tolet, mes. 18), octavié dans l’aigu [Ex.  7].


Ex. 7, mes. 3, 10, 14 et 18 [Éxalté, fougueux] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Dans ce discours aux trois grandes lignes très mélodiques, Reynaldo Hahn isole le terme Océan (mes. 15) en l’encadrant des silences, renforçant l’importance du sujet exhorté. Ce sont trois fusées très lyriques qui s’élancent vers l’explosion qui claque « D’un coup de lame, alors » dans un puissant f soutenu par le retour du thème initial m.d. très théâtralisé. Le crescendo suivant, sur le verbe m’emporter libère la parole dans l’acceptation du sort : pour dormir… sur la 6te mineure ajoutée, blue note par excellence ici (mes. 23) qui s’étale comme résignation, sur un délitement descendant au piano (quintolet, quatre doubles, puis triolet plus loin).
Les dernières mesures jouent sur l’ambigu, l’instable. Ambigu parce que les accords de 5te augmentée (réb – la♮), plaqués en renversements chaque fois différents (à main droite), contrecarrent une basse clairement tonale (I – IV – I). Instable par ces accords qui tombent à 7 reprises sur des temps improbables, défiant toute logique, comme titubant dans leur chute… Déconvenue troublante pour un mode majeur, velléité de détente pour un mode initialement mineur, qui semble enroué par la persistance du réb, cette 6te mineure, entêtante, qui exacerbe l’espace et les nerfs, et qui interdit tout repos de l’âme.
L’une des plus impressionnantes mélodies de ce recueil par la teneur du texte et par la fougue libérée. Poignante expression d’un homme déchiré entre exaltation débridée et douloureux aveu. Une des rares du recueil à être franchement tonale et « chantante ».

6- Eau printanière
Après l’océan fougueux dans lequel le poète espère être emporté dans la mélodie précédente, voici une eau du ciel, douce pluie harmonieuse, qui saura lui révéler ses souvenirs oubliés. Mais ne nous y trompons pas : cette eau printanière n’est pas porteuse d’un quelconque sentiment heureux lié à la saison nouvelle… C’est un poète en peine qui la chante, prompt à lui prêter le pouvoir de ramener en son esprit quelque souvenirs, nostalgie d’un temps passé, et, bien plus, quelque ancien regret31

 


Ex. 8, mes. 1 [Assez lent] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Une eau qui se dessine par une ritournelle tout d’abord hésitante puis, peu à peu, plus aventureuse (la mesure en 5/4 le lui permet) au travers d’une formule au piano gravité autour du [Ex.  8]. Ce motif nous rappelle davantage l’eau des rigoles, celle qui enserre le cœur du poète en son réseau léger plus que celle d’une pluie tombant du ciel… Il irrigue entièrement (à sept reprises) la pièce et en constitue l’élément structurel essentiel. Lorsque Reynaldo Hahn s’en acquitte, c’est pour évoquer une autre image de pluie : les gouttes, les belles gouttes (mes. 14-15). Par un véritable figuralisme, rare chez le compositeur, des croches isolées, disjointes, piquées de surcroît pour, s’il en est besoin, redoubler l’effet sonore. Passage d’une fluidité temporelle plus vive que ne l’est le premier motif dans le discours…
Autre élément participant à la cohésion musicale : la mise en évidence du . Note pivot de la formule remarquée, note par laquelle commence et finit le chant, note servant d’appui à plusieurs phrasés : Ainsi qu’une rigole, Comme tu prends mon cœur en ton réseau léger !, À ma fenêtre , Quel est ce souvenir… Clôt sans pondération la pièce, au piano, avec des 8ves à vide sur . Cette présence affecte la lisibilité de la tonalité : elle invite à croire au RÉ majeur (avec sa sensible do# bien évidente) qui se dérobe aussitôt, le chant et le soutien harmonique se font entendre en SOL. Doit-on y voir une double lecture comme celle portée sur cette pluie doublement salvatrice et importune… Un phrasé très souple déroule le poème sur un ton très libre, à la intonation proche du parlé. Trois mises en évidence par des silences d’interprétation encadrant le ou bien (mes. 10), le Et (mes. 14) et surtout le ou (mes. 16) traduisent à chaque fois une pensée bien déterminée à ne pas se laisser emporter dans un lyrisme trop bavard : le compositeur pose les images pour mieux les cerner et leur donner une couleur sentie. Les silences au piano (mes. 14 et 16-17) mettent à nu la voix, moyen supplémentaire pour accentuer cette précision prosodique.
La reprise de la formule qui suspend à la question posée, est une réponse qui ne vient pas, par des accords pleins qui disparaissent chromatiquement, en decrescendo, laissant filer entre les doigts l’eau bienfaitrice, qui se perd peu à peu sur des ré qui s’éloignent les uns des autres (4 croches, puis 4, puis 2 – silence – puis 3, 4, 6), dans le lointain, sur un 5te à vide, qui ôte toute réponse. Le final, très grave, achève l’attente…

C’est une mélodie d’une douce sérénité, qui laisse filer sur une mélancolique ritournelle une imagination réflexive… Délicate, aux contours lyriques adoucis, elle repose et pose un doux regard sur une fraîche nature.

 


Fig. 7 : manuscrit de l’auteur.32

7- Donc, vous allez fleurir encor
Mélodie sobre par ses couleurs modales, tranquille par son allant mélodique qui nous promène dans un paysage sortant de l’hiver mais d’où l’on envisage déjà l’automne illuminant de ses feuilles dorées les tombeaux et les arbres…
D’une structure rondo si l’on suit la ritournelle qui revient 4 fois tout au long de la pièce, ritournelle très disloquée, aux contours rythmiques très inégaux. Quatre fois donc, mais quatre fois différentes.


Ex. 9, mes. 1 à 8 [Sans lenteur aucune] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Par dessus, le chant égraine le texte qui suit la rupture des deux strophes ; il débute par une même envolée qui renforce l’idée d’une forme strophique : A (mes1/ 24) – B (25/ 59).


Exemple audio 2 : extrait de Donc, vous allez fleurir encor par Clémentine Decouture avec Nicolas Chevereau, piano - « Mélodies de Reynaldo Hahn », 2015 - Passavant Music PAS 115216. 

En fait, l’importance de ce discours réside dans sa mobilité : tout s’écoule dans une force implacable, sans lenteur aucune. Toujours circulant sur les entrelacs du chant qui se ressemblent, le retour soutenu du motif au piano, motif lui-même très allant, très expansif (du mi 4 au mi 6), se mordant la queue, d’une absence de tension par l’emploi d’une modalité qui évite toute emprise dramatique, parfait cette impression [Ex.  9]. L’emploi récurrent de 5tes et d’8ves à vide en basse soutient une harmonie gracile, évitant une tonalité précise, redouble l’idée de flux coulant et tranquille.
Le chant est à l’image du jeu pianistique : volontairement louvoyant, il glisse sur des lignes diatoniques très volubiles. La diction est large, généreuse, sans animosité ni reproche : elle contribue à une lecture apaisée du fatalisme qui perce dans les propos du poète. Peut-être penser que tout cela est dû à la syntaxe même du poème, que Reynaldo Hahn n’hésite pas à souligner en plaçant en exergue le Donc du tout début du poème, isolé du reste de la longue ligue vocale par un demi-soupir. Nous l’avons déjà signalé, Reynaldo Hahn aime à placer en pointe les mots qu’il juge important par l’utilisation de silence (De soupir ou demi-soupir). Le donc induit une conséquence qui entraine tout le reste du poème, sans véritable fléchissement : l’enchevêtrement de la ritournelle au piano au discours chanté nous le confirment.
Au demeurant, Reynaldo Hahn joue d’un bel effet de ralentissement écrit en toute fin du texte, sur la beauté (mes. 46) en un triolet occupant toute la mesure : il imprime une importance sur la chute poétique et impose un cedez au chanteur… ce qui clôt habilement le texte, non la partie piano qui poursuit son déroulement.

8- Compagne de l’éther
Second temps suspendu, après la n° 4, dans cet ensemble où le tors et le douloureux animent l’essentiel des pièces. Délicat instant d’apesanteur qui sublime l’idée de disparaître dans une combustion fugitive…

Mélodie d’une légèreté expressive, due à un accompagnement construit sur un motif ascendant sur une mesure, maintes fois répété (ostinato) au-dessus duquel le chant, très sobre rythmiquement, joue de subtiles finales mélodiques, avec un semblant de retour constant sur une note qui stabilise la ligne doucement dessinée [Ex.  10].. Fumée certes, mais non fumée légère et vive ; elle reste « nébuleusement » pâle, bleutée et froide… L’arpège (en DO) précipite rythmiquement et finit en un accord totalement inattendu, bien éloigné de la tonalité d’origine, sur un lab (9e majeur sans tierce). La nuance p redouble le mystère de ce halo ténébreux créé par le jeu de pédales qui laisse trembler les harmonies troublées…


Ex. 10, mes. 1-2 [Modéré] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Le chant est bâti sur des courtes formules qui se ressemblent, évitant tout mouvement brusque qui dissiperait les volutes de cette fumée qui doucement s’élève. Si un silence d’interprétation après Mais (mes. 10) ramène à la rude réalité les premier vers plus imagés, le doux et confidentiel recto-tono (mes 5/6) est bienvenu dans ces flottement très lyriques.

 L’ensemble de la pièce se structure différemment selon que l’on se fixe sur l’ostinato ou que l’on écoute la ligne mélodique :

 

La partie centrale adopte le style récitatif (mes. 14-18). La mesure change de 6/8 en un C barré. Sur des accords prolongés en blanches, une déclamation proche du parlé, aux grands intervalles procède par cellules courtes qui confèrent au phrasé un déroulement sage, un caractère noble et recueilli. Cette partie s’oppose à celles extrêmes. L’ostinato fait le lien avec la partie C. Pourtant il se présente avec une subtile différence : le jeu de pédale ne joue que sur les 5 croches, laissant une brève mais nécessaire respiration entre chacune des attaques, comme pour distendre un peu plus le temps qui s’enfuit. Vocalement aussi, cette dernière partie se distingue de la partie A, par une longue et extraordinaire montée mélodique, en 3 paliers, dès la mes. 18 : sol 4-la / si – do 5# / ré# - mi. Elle est d’un bel effet qui souligne simultanément une élévation dans le temps et dans l’espace, avec une grande lenteur et une délicate douceur. La diérèse souci-er (mes. 19) s’explique justement par ce souci de progresser pas à pas vers l’aigu éthéré.

9- Pendant que je médite
Pièce trouble, au sentiment inquiet, construite sur un ostinato haletant qui semble traduire l’anxiété du poète agitant les pensées… qui ne trouvera de repos en son cœur dépouillé qu’en se laissant évanouir… Un mécanique entêtement que l’on avait déjà rencontré dans la mélodie n° 2 et qui, vu sa position dans le cycle, lui répond.

Au piano, un ostinato à la fois mélodique et rythmique où quatre voix s’entremêlent de façon complexe pour engendrer un malaise certain. Le 3/4 facilite l’appréhension d’un tournoiement obsessionnel : seule mélodie du cycle en ternaire [Ex.  11].
La voix supérius, en un rythme subtilement syncopé procède par montées à ambitus étroit, comme titubantes. La voix grave chantante, serpente sombrement en chromatisme… Ainsi les deux voix se heurtent de façon suffisamment subtile pour troubler le contre-point. De surcroit, la basse, pédale de Tonique des 2 premières mesures, glisse insidieusement de fa (T) à do (D), par demi-ton sur un rythme distendu, défiant tout repère de temps forts.


Ex. 11, mes. 1 à 4 « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Ce court prélude installe une incertitude presque convulsée bien que l’ostinato soit tonalement bien défini : T -> T -> pont -> D. Le compositeur joue autrement pour rendre l’effet obsessionnel. Le motif semble tourner sur lui-même.. Une modulation subtilement menée conduit à un effet de marche harmonique qui accentue l’effet de mouvance.
Un climat général d’inquiétude s’en dégage, d’autant que le chant n’est pas grandement lyrique : les phrases s’appuient sur le do# pour s’élancer pour élargir l’ambitus et dérouler sévèrement, entre deux eaux, une ligne distordue : sauts de 5te diminuée : blessées, mes. 12 ; de mon cœur, mes 28 ; dépouillé, mes. 29 ; chromatisme douloureux (agitant mes pensées où le noir, mes. 7-8 ; abusé du, mes. 17-18) ; ou bien un diatonisme tranchant (m’a rivé, mes. 9, dans le tendre, mes. 26).
Dès la seconde partie de la pièce, aux tournures mélodiques plus chantournées, assombrissant un recto tono (Tu passes, automne fumeux) sur une pédale de mib, la parole est soudainement mise en valeur par une absence de soutien au piano, effet la cappella tant privilégié par Reynaldo Hahn. Le texte pose ainsi la conclusion entre de brèves interventions au piano, exacerbées par un chromatisme doublée à la 3ce. Le chant clôt l’ensemble par un replis sur le do# initial. Et, comme si de rien n’était, reprenant à l’identique de bref prélude, l’agitation, perpétuelle, se fond dans le sombre… rapidement… Moment bref mais ô combien inquiet… Un délire, aussi tendre soit-il, virant au tourment obsédant…

10- Roses en bracelet
Mélodie sereine et gracieuse, elle déroule un temps qui circule librement et sans pesanteur. Elle répond à la n° 8, Compagne de l’éther par son aspect aérien, et la n° 4, Belle lune d’argent, dont elle partage la volupté des courbes mélodiques. Troisième pièce du cycle qui apaise par sa douceur,
Ici, absence de prélude : un accord parfait plaqué qui a son importance. Par jeu d’enharmonie, il est le pendant majorisé de l’accord final de la mélodie précédente… Doublement, il bonifie la mélodie précédente et épanouit un univers lumineux, moins pesant.
La phrase est très lyrique, en guirlande descendante et remontante, comme des tiges de rosier autour du tronc de l’arbre… et devient le motif récurent par trois fois de cette courte pièce. Ce figuralisme bienvenu adoucit le discours qui devient très gracile.


Exemple audio 3 : extrait de Roses en bracelet par Tassis Christoyannis avec Jeff Cohen, piano – « Reynaldo Hahn - Complete Songs », 2019 – Bru Zane BZ2002.

À trois fois aussi, l’attaque vocale se fait délicate : elle bascule d’une 6te ajoutée (mes. 1, Roses), plane langoureusement sur un retard (mes. 7, Roses), s’allège par un contretemps heureux (mes. 4, Sveltes), trois départs qui renforcent la gracieuseté de cette courbe mélodique. Le dernier phrasé (mes. 12-15) laisse deviner l’arabesque initiale quelque peu diluée où se mêle la fin des saisons évoquées… Un second figuralisme, bref mais bien présent, dessine, par des fusées lâches, le jaillissement en gouttelettes du jet d’eau (mes 6-7) [Ex.  12].


Ex. 12, mes. 7 à 11 [Modéré] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Cette brève césure s’enchaîne à la seconde partie (mes. 8), en miroir à la première, en jouant sur l’enharmonie tonale (changement d’armure), de SOLb -> FA#. Développement harmonique entre D et T à pas masqués pour une demi-cadence, (mes. 13 -14), et un repos sur la D en valeurs longues qui permet de faire entendre les derniers mots du poème : Au bout de mon été.
Une des rares fois où la musique, heureuse, l’emporte sur le texte, plus sombre qu’il n’y paraît. Car, malgré son ravissement tourné vers les roses, le poète les rattache à un avenir plus ténébreux : au bout de mon été… mon automne, images de la fin de sa vie… On peut retrouver ce procédé poétique dans Eau printanière33 où la pluie toute harmonieuse qu’elle est, lui fait se remémorer des images plus tristes… Reynaldo Hahn transmet un tout autre message : il adoucit les chutes, mélodique et harmonique, pour positiver le message. Au chant il use d’une clausule bien franche, à l’allure presque populaire. Cet heureux dénouement allège encore davantage une mélodie gracieuse et délicate qui occupe une plage d’apaisement dans le discours général du cycle, comme l’ont occupée les n° 4, Belle lune d’argent et n° 8, Compagne de l’éther.
Peut-on faire observer qu’elle partage avec Belle lune d’argent cette idée d’une grande ligne descendante mélodique qui parcourt le chant et en constitue l’élément structurel de la pièce ; Même dessin tranquille et poli, sans heurt ni violence, qui donne une grande douceur à toutes deux…

11- Aux rayons du couchant

 Cette mélodie a une place importante : dernière mélodie du cycle, elle porte une lourde fonction. Le choix des poèmes effectué par Reynaldo Hahn sur l’ensemble des Stances est celui qui nous occupe. Les mélodies tissent entre elles une trame dramatique à laquelle il faut tenir compte. Le compositeur les a écrites page après page pour ordonner ce grand livre. Il nous guide dans ce déroulement des temps et des sentiments. Il est naturel que nous portions notre attention sur cette dernière page.
Au plan sensible elle achève ce long, et court à la fois, parcours quasi introspectif où l’état d’âme du poète a été mainte fois sollicité par une nature émancipatrice et protectrice. Cette dernière stance n’y échappe pas : c’est un crépuscule rougeoyant, aux dernières éclats d’un soleil qui disparaît, laissant les sombres brumes s’étendre. Et le poète désireux de s’y confondre à jamais… L’image est saisissante, le symbole est évident. Reynaldo Hahn travaille cette page avec le plus grand soin. Construite sur un thème musical criant son dernier souffle suivi d’une plage purement pianistique nous abandonnant à la méditation, elle traduit un épurement stylistique, tel le trait fin d’un coup de pinceau sur la page blanche.
Cette mélodie présente une vaste marche que rien ne semble pouvoir arrêter. Inexorable, elle installe un implacable sentiment de mouvement perpétuel, telle la roue d’un destin maintenant accepté…

De forme libre, elle se divise en quatre parties :
A 1-13 / B 14-17 / C 18-23 / Postule 24-44

La partie A 1-13  
Aux accords pesants, où l’instabilité harmonique accompagne la bascule vers un repos qui ne vient jamais, un motif tourne sur lui-même. Très majestueux, ce motif semble se hisser au la ainsi disparaître dans les graves pour resurgir de nouveau… [Ex.  13].


Ex. 13, mes. 1 & 2 [Assez lent] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Invariablement identique, il semble avancer, prendre de l’ampleur et grandir : une ligne mélodique s’élève vers le par paliers (la – si – do), paliers marqués par un intervalle toujours grandissant à partir du ré4 (saut de 5te, de 6te, de 7e) pour accéder au ré5 final sur lu-miè-re :
Aux () rayons (la) du couchant, le long (si) de cette ornière, [Ex.  14]
 Je vous vois (do), peupliers revêtus de lu-miè ()-re ;


Ex. 14, mes. 3 & 4 [Assez lent] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Aux mesures 10-12, le motif atteint alors son climax par un forte libérateur. Cet éclatement éruptif peut être compris comme un poignant aveu distillé dans ces vers : pour le dernière fois, a salué l’Été ! Le poète regarde avec violence l’irréversibilité du temps, appliquée à sa propre vie.
D’ailleurs, au plan formel, le thème ne sera uniquement repris que plus tard (mes. 36-38) [Ex.  15], en filigrane, dans le medium, à une seule voix, telle l’ombre de lui-même, pâle et fuyante, faufilée entre d’autres motifs… pour disparaître diluée à jamais dans sa toute fin…


Ex. 15, mes. 36-38 [Plus calme] « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

La partie B 14-17
Fort différente de celle qui lui précède, bien moins déclamée, la ligne vocale épouse un ton plus feutré et retenu. Les intervalles émergent d’un bref recto tono pour accentuer les finales de mot. Le piano égraine un chapelet de croches, à peine soutenu d’accords aux couleurs mouvantes : rappellerait-il la brume qui brode l’horizon…? Une certaine déliquescence du discours est probante de ce flottement désarticulé.

La partie C 18-23
Elle procède par sa tournure à la finale mélodique. Bâtie autour de la note , le chant s’apaise sur le ton de la confidence, par vagues successives, pour échapper au de fin vers d’autre horizons. Il est soutenu par le thème initial qui fait un retour tout dépouillé, dans le medium. sous un voile diaphane.
L’importance de la note 34, le Ve degré de SOL, se manifeste tout au long de la mélodie ; persiste dans les suites d’accords, sorte de fil conducteur invisible mais qui sous-tend l’harmonie ; borne quasiment l’ambitus de chant, malgré une échappée qui confirme cette attraction qu’elle exerce : fab -> mib ->  (mes. 16-18). Et, comme par volonté de se dérober à une finale par trop affirmative, une cadence évitée entraine le vers un autre univers : de do# ->  -> mi sur les derniers mots en ma fleur…

Le chant, dans l’ensemble, est totalement libre, sans rappel aucun par rapport au piano, sans rappel sur lui-même : il déclame le texte en étant au plus près du sens que veut bien lui donner Reynaldo Hahn. Il insiste ainsi sur deux mots qu’il isole par les silences brefs : oiseaux (mes. 7) et Va (mes. 13). De même, il met en valeur les derniers mots (en sa fleur, mes. 23) par une respiration demandée juste avant de les prononcer et en ne les soutenant que sur la simple résonance d’un accord tombé trois temps plus tôt. Nous reconnaissons cet impératif toujours présent de ne pas couvrir les mots-clefs d’un poème : ceci est un invariant chez le compositeur.


Ex. 16, mes. 22-23 « © Avec l’aimable autorisation des Éditions Musicales Alphonse Leduc, Paris »

Un point d’orgue scinde la mélodie entre l’avant et… l’après.

Un accord de LA, accord inattendu, nous laisse en plan, comme s’il annonçait un développement ; il ne viendra jamais… En s’effaçant pour un soupir avec le point d’orgue, il produit ici une vraie césure au piano : c’est la voix qui porte la lourde charge de faire le pont avec la postlude. Une des rares libertés laissées à l’interprète chanteur…
À pas feutré, par un accord de 7e en fa# (accord de 9e de D sans fondamental) les dernières mesures vont se dissiper peu à peu dans une montée chromatique : voici que débute le postlude, plus lent, très calme, qui mérite que nous nous y attardions.

Postule 24 - 44
Long postlude, sur 22 mesures, qui s’évanouit dans le silence. Avant de reprendre les deux motifs saillants de la pièce, comme surgis d’une mémoire épuisée, un étonnant passage très éloigné thématiquement et affectivement nous transporte vers un autre univers.
Sur une ligne étirée (doux et pur) il laisse tout d’abord planer une mélodie indiscernable, tant par les valeurs étirées, que par les rythmes quasi non mesurés (7 croches, puis 4, puis 3, 1, 4) comme se dissiperait une brume… Lointaine réminiscence d’une tournure mélodique du Au pays musulman ! (mes. 21-22) composé quelques mois auparavant à Constantinople ? Ce ne serait pas étonnant qu’il veuille ainsi se re-plonger dans un souvenir proche, quasi extatique, pour s’enfuir loin, bien loin… Rien ne nous l’interdit… tant ce passage est si éloigné du reste de la mélodie, du recueil même… La ligne est reprise un ton plus haut, plus courte, pour mieux disparaître encore ; pour brouiller un peu plus les contours d’un trouble maladif, un jeu de pédale vient noyer les harmonies. Elle semble vouloir finir, finir totalement, comme une respiration qui s’épuise. Peut-être pourrions-nous sentir à cet instant précis l’achèvement complet d’un homme à l’œuvre…
Reynaldo Hahn, toujours attentif à cet étirement du temps et l’espace qui s’évanouit, emploie les procédés, mainte fois rencontrés, de chromatisme rythmique.

Enfin, s’échappe dans un lointain (voix medium) la crête du motif principal (encore ici un étirement du temps grâce au duolet au lieu de 6/8), sous la guirlande évanescente de croches et sur des basses sages : notre mémoire de nouveau interpellée nous ramène au présent des souvenirs confus. Une seconde reprise, retardée d’un demi-soupir, aux rythmes plus distendus… Le compositeur impose ainsi un ralenti…, idée identique avec le duolet (mes. 41) qui délite un peu plus l’arpège, de surcroît vers l’aigu. Silence plus long… et trois accords finaux, sombres, charpentés par l’intervalle de 9e ré - mi qui glace une cadence T – D - T presque conventionnelle si les renversements ne jouaient pas les troubles fêtes (ré – la - sol en basse) et ce mi taraudant le repos espéré… Les ultimes résonances viennent se perdre un peu plus, grâce au point d’orgue, en poussière précieuse.

Conclusion
Reynaldo Hahn, à la force de l’âge, en plein période de célébrité, porte un regard sombre sur lui-même et sur la vie. On doit tout de suite associer cette approche au monde avec celle de Jean Moréas, au parcours similaire. Il a su lire ces lignes, les prendre pour ce qu’elles disent. Il ne trahit en rien les doutes, les regrets, le désespoir de l’homme. Il répond sans fard ni détour au regard dur qui perce les cœurs. Sans le braver, il lui concède sa justesse, son franc-parler, et sait lui répondre à sa hauteur : il l’accompagne, l’emporte et manifeste sans retenue parfois le juste état des choses. Et les critiques du jour s’étonnent de ces Feuilles, les jugeant seulement… « intéressantes ».


Fig. 8 : Reynaldo Hahn croqué par G. Tolmer – 1902.

Peut-on s’étonner de cette justesse de ton pour décrire un paysage nimbé de mélancolie et de regrets sans fin qui détonne avec cette jeunesse en plein épanouissement ? Ici nous découvrons un homme bien éloigné des images véhiculées par les fainéants de l’histoire… qu’ils l’enferment trop vite comme « musicien de salon » avec l’idée de « mièvrerie et sentimentalité… ».35 Pièce musicale où tout se joue en un temps bref, la mélodie des Feuilles blessées de Reynaldo Hahn s’illustre par une richesse de moyens d’expression qui porte haut ce genre musical. Pour chacune des mélodies, la tonalité n’est pas franche mais bousculée par modulations souvent ardues, aux accords de passage qui s’étalent plus qu’à l’ordinaire, ou bien appogiaturés, à la ligne mélodique mainte fois brisée entre majeur et mineur, entre des tonalités parfois très éloignées. Les sensibles sont évitées, les toniques posées sous d’accords instables sinon ambigus… Tout concourt à créer une atmosphère à la fois d’une inquiétude assumée et une obscurité fluorescente. Point d’emportement factice, point de superflu, ce cycle de mélodies traverse l’âme avec une rude délicatesse généreuse. Dans la lecture de ces poèmes le compositeur a trouvé les mots qui traduisait sa lecture du monde durant cette période… Il se confie dans une musique subtilement brute, adroitement directe, sans emphase rhétorique, élaguant son langage des tournures trop convenues pour un discours plus fragmenté, aux contours plus éclatés, au cheminement harmonique plus roide, loin des sentiers rebattus. Il l’étoffe d’un halo argenté qui cisèle les écarts et embrume les heurts. C’est une œuvre d’une belle maturité et d’une froide sagesse.

Reynaldo Hahn fait de ses Feuilles blessées à la fois un paysage d’état d’âme et un paysage spirituel. Loin de traduire l’ensemble littéraire de Moréas, il nous en fait part à travers ces quelques… mélodies. Au-delà des vers, il y a la musique. Le cycle présenté ici vaut par sa cohérence stylistique homogène, sa concision volontaire, sa rigueur obstinée. Il offre l’immense déclinaison des sens qui contente la voix, défit le piano, surprend et éveille l’auditeur. Nous pourrions reprendre ces mots de Jean Moréas lui-même pour comprendre l’exigence du compositeur :
Je voudrais rejeter tout développement inutile, fondre d’un trait l’idée et le sentiment, et ramener le poème à ses éléments essentiels. Je voudrais que ma stance ne pesât pas plus qu’un soupir et qu’elle se manifestât avec la précision et la brièveté de l’éclair.36
Entre le musicien et l’écrivain, jamais lecture du temps n’a jamais été si égale ; voilà deux personnalités qui abordent la vie de façon très similaire. Si nous devions choisir quelques vers dans la prodigieuse production du poète, ce quatrain semble à la fois définir le poète et répondre à une musique de Reynaldo Hahn qui reste à écrire :
Solitaire et pensif j’irai sur les chemins,
Sous le ciel sans chaleur que la joie abandonne,
Et, le cœur plein d’amour, je prendrai dans les mains
Au pied des peupliers les feuilles de l’automne.37


Ce recueil reflète sobrement les fatalistes pensées d’un homme sur la vie qui se consume, inexorablement, dans une infinie tendresse. L’automne en demi-teinte, un entre-deux clairement entrevu d’une jeunesse impatiente qui s’éloigne et d’une assurance exigeante qui avance.

P. S. : J’engage le lecteur curieux à visiter le site http://reynaldo-hahn.net pour compléter ses recherches sur le compositeur.

1 En 1999 par Didier Henry, baryton, avec Stéphane Petitjeanau piano chez Maguelone ; en 2015 par Clémence Decouture, soprano, avec Nicolas Chevereau au piano chez Studio Passavant. Séparément, certaines des onze mélodies ont été enregistrées de loin en loin.
2 In Les stances de Jean Moréas, Éditeur la Plume (Paris), 1899.
3 Sous la référence 22 851.
4 De façon incomplète : la n° 11 ne sera composée qu’en août 1906.
5 Cf. Correspondances de Proust, t. VI, p. 66, note 3.
6 La n° 4, Belle lune d’argent, lui est dédicacée.
7 Cf. Le Ménestrel - Heugel (Paris), juin 1906.
8 Emma Calvé (1858/ 1942) en tient le rôle principal.
9 Édité en 1906 et créé en avril 1907 chez la Princesse Edmond de Polignac.
10 Il avait tiré son pseudonyme de son lieu d’origine, la Morée, nom médiéval du Péloponnèse actuel.
11 Cf. Le Divan, n° 7 de janvier 1910, p. 147/ 152, Article signé N. N.
12 Agence Meurice – Gallica-BnF.
13 Deschamps, Léon (1863-1899), fondateur des éditions La Plume en avril 1889.
14 Cf. La Plume, n° 163, février 1896 - (Paris), 1900-01, p. 67.
15 Lire le portrait qu’en fait André Beaunier (1869-1925)  dans Visages d’hier et d’aujourd’hui, Éd. Plon-Nourrit et Cie (Paris) -1911, p. 50/ 51.
16 in La Plume, revue littéraire et artistique bi-mensuelle (Paris) 1900, p. 290.
17 in Le Figaro, octobre 1927.
18 in La Poésie nouvelle, André Beaunier, Paris, Mercure de France, Paris 1902.
19 in Le Figaro (mars 1931), propos rapporté par Gaston Picard.
20 Éditions de La Plume, Bibliothèque du Parthénon – 54, rue des écoles – 1905, 213 p.
21 Raynaud, Ernest (1864-1936). Jean Moréas et les Stances / par Edgard Malfère. Paris, 1929, p. 79.
22 Les Stances - Jean Moréas ; Illustrations signées Bernard Essers- Paris : La Connaissance, -1927. 184 p.
23 Raynaud, Ernest, p. 116.
24 Ibid. in Avant-propos.
25 Moréas, Jean, Le Pèlerin passionné, Éditeur L. Vanier (Paris)  - 1891.
26 Elle est la n° 5.
27 Composée en avril 1906, à Péra, lors de son séjour à Constantinople. Elle est contemporaine de Roses en bracelet, n° 10 des Feuilles blessées.
28 Extrait des Syrtes, le 2e des Bonnes souvenances. Paris,  Éd. L. Vanier (Paris) 1892.
29 Pour les exemples musicaux : Reynaldo Hahn - Les Feuilles blessées
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Avec l’aimable autorisation des Éditions musicales Alphonse Leduc, Paris
30 Extrait de la stance n° 13 du 4e livre.
31 Voir infra, la n° 10, Roses en bracelet.
32 in Les Stances, Jean Moréas, 1899 - poèmes transcrits de sa propre main, n° 16 du 2e livre.
33 Voir supra la n° 6 et l’analyse.
34 Cette note ré tient aussi, rappelons-le, dans la 6e du recueil, Eau printanière, une place structurelle active.
35 Ne lit-on, encore, le « charmeur » dans le livret accompagnant une production CD de 2015…
36 Raynaud, Ernest (1864-1936), Jean Moréas et les Stances par Edgard Malfère. Paris, 1929, p. 79.
37 Extrait de la 2e stance du 6e livre ; En voici la 2nde strophe :
J’écouterai la brise et le cri des oiseaux
Qui volent par les champs où déjà la nuit tombe.
Dans la morne prairie, au bord des tristes eaux,
Longtemps je veux songer à la vie, à la tombe.

Sylvain P. Labartette

 

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