Le Cornette – ou plus exactement Die Weise von Liebe und Tod des Cornets Christoph Rilke (Le Chant de l’amour et de la mort du cornette Christophe Rilke) – est une œuvre pour contralto et orchestre de chambre du compositeur suisse Frank Martin, d’après un poème en prose de Rainer Maria Rilke écrit en 1899, alors que le poète n’avait que 24 ans. Malgré le caractère particulier de ce texte poétique – qui fut l’un des premiers grands succès de Rilke lors de sa parution en 1912 aux Éditions Insel-Bücherei1 – ce texte narratif proche de l’épopée a très tôt inspiré, sous différentes formes, plusieurs compositeurs, bien avant la découverte et la mise en musique qu’en fit Frank Martin en 1942-1943. Ainsi, dès 1919, le compositeur danois Paul von Klenau écrivit sur le texte de Rilke une cantate pour baryton, chœur et orchestre (Die Weise von Liebe und Tod des Kornetts Christoph Rilke)2 tandis que Kurt Weill composait un poème symphonique aujourd’hui perdu, mais interprété à Berlin en mars 1919, et que Will Eisenmann en réalisait en 1931 une œuvre pour récitant, chœur et orchestre.

Après la version de Frank Martin conçue au milieu de la Seconde Guerre mondiale, d’autres compositeurs utilisèrent à leur tour le texte de Rilke, notamment Viktor Ullmann en 1944 dans une double version pour récitant et orchestre ou piano3, Henri Sauguet en 1951 qui, sous le titre Le cornette, en fit une ballade pour basse et orchestre4, ou encore le compositeur allemand Siegfried Matthus qui écrivit en 1983-1984,

Les conditions de création de la musique, de la danse, du théâtre, de l'œuvre visuelle, de l’architecture, de l’écrit ou du cinéma au XXIe siècle obligent les artistes à ne plus considérer la scène, le livre, l'œuvre comme un lieu de représentation fermé mais comme un domaine d’expérimentation, d’expériences, de rencontres et d'échanges : un lieu ouvert. L'œuvre elle-même devient béante, libre, disponible aux interactions diverses (milieu, environnement, public). Les autres champs de la création connaissent le même mouvement du centre vers la périphérie, depuis la fin des années soixante du siècle dernier.

D’autre part, même si l’opéra a été le domaine d’excellence précurseur depuis quatre siècles, les frontières tombent ailleurs entre disciplines, et ces expérimentations sont à l'œuvre dans le temps long de la création depuis près d’un siècle. Cette tendance s’est accélérée en gros depuis cinquante ans. La césure de 1968 peut être repérée en France – John Cage avait déjà opéré la rupture auparavant aux États-Unis - comme le déclic de cette ouverture généralisée et de sa prise de conscience du point de vue du public. Le concept de « participation » en politique comme en économie date de 1969 (France).

Alors que les témoins et théoriciens de cette « révolution culturelle », quasi copernicienne, disparaissent (Boulez, Butor, Eco en 2016...), il est intéressant de se pencher sur le processus à l'œuvre, notamment depuis ces cinq dernières décennies, et sur la relation des artistes et des œuvres avec le public.

Rückert Lieder de Gustav Mahler « Éclairage insolite d’un Mahler intime » par Élisabeth Brisson

Les Rückert Lieder regroupent un ensemble de Lieder pour voix et orchestre sans ordre de succession imposé : il ne s'agit donc pas d'un cycle, mais d'une constellation, contrairement aux Kindertoten Lieder qui constituent un cycle de Lieder, également sur des poèmes du poète Rückert. Mahler a composé ces deux ensemble en même temps : entre 1901 et 1904.
Les cinq Rückert Lieder ont été créés à Vienne le 29 janvier 1905 dans la petite salle du Musikverein, chantés par un homme, baryton. Mahler tenait à la petite salle, pour accentuer la dimension intime de cette oeuvre.

Le 17 septembre prochain, la prestigieuse Scala de Milan programme une seule oeuvre non pas lyrique mais symphonique, l'Eroica de Beethoven. On peut penser qu'un concert en ce lieu de légende, d'une durée d'à peine une heure, réunit une phalange sous la direction d'un grand maître de la direction d'orchestre. Erreur ! La phalange qui sera sur scène n'appartient pas au gotha des grands orchestres de la planète et il n'y a pas de chef d'orchestre à sa tête ! Et pourtant l'auditeur est assuré de participer à une expérience unique suscitant une émotion dont il gardera longtemps le souvenir.

C'est un ensemble dénommé Spira Mirabilis qu'entendra le public de la Scala qui y fêtera ses 10 années d'existence.

Spira mirabilis en concert / DR Mais que faut-il entendre par une telle dénomination ? Elle a été proposée par Lorenza Borrani qui, outre le violon, a fait des études de Sciences à l'Université de Florence. Spira Mirabilis évoque une figure géométrique, une spirale, qui ne change jamais de taille. Le projet, nous dit Lorenza Borrani, « ne dépendait pas du nombre de participants, ni de la notoriété d'un lieu, ou du montant des subventions, mais [était] uniquement basé sur une philosophie de travail, sur les raisons profondes qui réunissent des gens (peu importe leur nombre) pour passer du temps sur une partition, l'étudier, avec pour premier objectif : apprendre ». Or c'est bien là la nature même de l'ensemble : il est toujours lui-même qu'il se produise en formation symphonique ou en formation de chambre.

Pour mesurer l’influence d’Olivier Messiaen (1908-1992) pour toute une génération, il suffit d’énumérer la liste de ses élèves au Conservatoire de Paris : Pierre Boulez, Pierre Henry, Maurice Le Roux, Gilbert Amy, Yannis Xenakis, Paul Mefano, Karlheinz Stockhausen… Sa modernité le place dans une trajectoire prise dans l’immobilité de l’Histoire. Ses références sont nombreuses et il a évoqué dans ses nombreux entretiens, les grands compositeurs qui l’ont précédé, en montrant les filiations entre eux et lui, les influences, les admirations. Il était heureux dans l’environnement de Bach et de Mozart (il a laissé un très beau petit livre de présentation des concertos pour piano en 1964, il faisait office de programme lorsque son épouse Yvonne Loriod en donna l’intégrale). Dans Un sourire (pour orchestre), il évoqua explicitement Mozart. Il rendit aussi hommage aux innovations de ses prédécesseurs, pour le piano notamment.

« J’aime beaucoup Rameau et ses pièces pour clavecin, car le clavecin est l’ancêtre du piano. J’aime également Domenico Scarlatti pour la même raison. Ensuite, j’adore Chopin, aussi bien les Ballades que les Préludes et les Études, les Scherzos que la Barcarolle, la Berceuse et la Sonate funèbre : j’aime tout Chopin, qui est le plus grand musicien du piano. Il a découvert les traits, les doigtés, les combinaisons les plus extraordinaires. J’aime Chopin en tant que compositeur-pianiste et aussi en tant que coloriste, car, pour moi, c’est un très grand coloriste. Parce qu’il a seulement écrit pour le piano, faut-il le mettre dans une petite boîte ? ».

Défi majeur lancé aux prosélytes de l’esthétique hégélienne, les correspondances entre arts visuels et musique s’inscrivent presque toujours, en défit de certaines assertions imprudemment péremptoires, sous le signe de l’hypothèse. Rien de plus révélateur en ce sens que l’étude des problèmes particuliers posés par la représentation des scènes musicales. Car si l’image de la musique ne sollicite pas l’oreille, si précisément elle n’est pas musicale, elle conduit néanmoins le plasticien, puis le spectateur, à réfléchir sur l’utopique fusion de l’œil et de l’oreille. Et si les variations dans la perception sonore d’une action musicale peinte ou sculptée en modifient la perception visuelle, c’est pour cette première raison que l’inscription de l’œuvre dans la durée est intimement liée à l’identification de son contexte sonore. L’abîme stylistique qui sépare tel Joueur de harpe cycladique1 de la Guitariste2 de Braque, par exemple, frappe aussi bien l’œil que l’oreille, l’effigie créant un climat sonore qui, à son tour, la modèle. Autre exemple, une œuvre aussi probante que la Leçon de piano3 de Matisse est en grande partie déterminée par le timbre du piano à queue, bien différent de celui de l’épinette esquissée par Fragonard dans sa non moins illustre Leçon de musique4 . Donner à voir la musique, ou du moins tenter de le faire, c’est donc tout avant tout solliciter l’activité informatrice de l’esprit en matière d’esthétique, de style, d’histoire, de sociologie, d’organologie…

« L’espace public, comme chacun l’imagine, est à tout le monde. Chacun l’investit à sa manière tout en observant les règles de civilité, tout en se conformant à des interdits. L’espace public est le territoire de la mise en scène des normes de la société, et plus particulièrement de leur transgression possible. »
Henri-Pierre Jeudy, Street Art , Châtelet-Voltaire, 2015

Alors que l’exposition « Hip-Hop, du Bronx aux rues arabes », à l’Institut du Monde Arabe (avril - juillet 2015) a fermé ses portes l’an dernier après avoir remporté un grand succès, et que vient d’ouvrir à Paris (septembre 2016) le plus grand centre culturel européen consacré au hip-hop (« La Place », 1500 m2 aux Halles, dont une salle de concert de 400 places debout, un studio de diffusion de 100 places assises, huit espaces de pratiques avec un studio d’enregistrement, un home studio, un studio video et un atelier d’artiste graffiti/street art, un incubateur pour 30 postes de travail, un espace bar/accueil – l’inauguration de la « Canopée » aux Halles a permis le lancement des activités de « La Place »), il paraît approprié de proposer un parcours historique des cultures urbaines. Les définir relève d’un premier défi.

Méhul, un compositeur dans la tourmente

Le Congrès des rois, l’opéra perdu de la Terreur (1794) par Jérôme Bloch

L’épisode du Congrès des rois permet de placer Méhul dans le contexte de la Révolution et de la Terreur et de s’approcher du mode de vie et de création des compositeurs à la fin du XVIIIe siècle. L’affirmation de l’opéra-comique et d’un style français, l’intrusion en masse des vents dans l’orchestre en lien avec la propagande révolutionnaire, toute militaire, et l’irruption quotidienne de la guerre aux frontières à partir de 1792, contribuent à faire de la période un moment crucial dans l’histoire de la musique en France. La plupart des compositeurs présentés ici feront surtout carrière au XIXe siècle. Certains influenceront durablement leurs successeurs.

Un instrument multiforme :  Introduction organologique à la cornemuse

Les debuts de la cornemuse

 

 

 

La cornemuse est un instrument très ancien, datant d’au moins 2000 ans. En se tournant vers l’antiquité romaine et les écrits des historiens décrivant la vie de l’empereur Néron (37-68), nous trouvons la première trace écrite fiable de la cornemuse. En effet, bien que certaines allusions plus anciennes pourraient faire référence à un instrument doté d’une outre, aucun document ne décrit l’instrument clairement avant l’an 115. C’est en cette année que l’historien Dion Chrysostome (30-116) écrit dans son 71ème discours sur le Philosophe en faisant allusion à l’empereur Néron : « on dit qu’il pouvait peindre, sculpter et jouer de l’aulos, à la fois par les lèvres et en ajustant en sac sous son aisselle ». Néron, selon l’historien Gaius Suetonius Tranquillus, était connu pour ses dons en course de chars et en musique. Initié à celle-ci dès son plus jeune âge, il chantait et jouait de la lyre. Il semblerait que l’empereur, qui n’aimait point la concurrence et qui aurait marmonné juste avant son suicide que le monde allait perdre un artiste, se produisait également en tant que joueur d’instruments à vent. En effet, en 121 Suetonius Tranquillus écrit que Néron aurait déclaré qu’il aurait souhaité organiser des jeux et s’y produire en tant que musicien en jouant de plusieurs instruments à vent, dont l’utriculus (petite outre) (dans Vita Neronis, De Vita Caesarum VI). Après la mort de l’empereur, la cornemuse se fait discrète pendant quelques siècles. Au Moyen-Age, elle réapparait partout en Europe sous diverses formes. Aujourd’hui, la cornemuse est un instrument bien vivant dans de nombreuses cultures autour du monde. Plus de 150 instruments différents ont été recensés,[1] dont un grand nombre sont encore joués aujourd’hui de l’Inde à l’Irlande et de la Suède à la Libye.

Daniel François-Esprit Auber  un compositeur français mal connu

Compositeur de premier plan qui régna à la fois sur l’Opéra,

 

l’Opéra Comique et le conservatoire, qui traversa le siècle romantique,

 

des tourmentes révolutionnaires à la Commune.

 

 

 

Une famille d’artistes aux relations privilégiées avec la royauté

 

Le grand père, Daniel Auber , Normand d’origine, vient s’établir à Paris, exerce la profession de maître sculpteur. Il décore les carrosses de Louis XVI. Il décède le 11 messidor an V (29 juin 1797) en laissant trois héritiers étant chacun pour un tiers dans la succession concernant notamment « un cabinet d’histoire naturelle »: Françoise Catherine Auber, fille d’un premier mariage avec Catherine Guillaumet, Jean Baptiste Daniel Auber, son fils d’un deuxième mariage avec Marguerite Louise Lebeau et Antoine Vincent Vigogne marié à Marie-Adelaïde Auber, issue d’un troisième mariage avec Marie Jeanne Vincent.

Le père,  Jean Baptiste  Daniel Auber (1740-1819), fut officier des chasses royales « capitaine des chasses du Prince de Condé ». Il logeait avec sa famille faubourg Saint-Denis. Il était aussi peintre et grand amateur de musique à la cour.

 

Daniel François-Esprit Auber nait le 29 janvier 1782 à Caen lors d’un voyage que ses parents firent dans cette ville. Ses parents étaient de situation aisée[1]. Né sous le règne de Louis XVI, sept ans avant la Révolution. Il maintiendra la tradition familiale  du goût pour la capitale des deux générations antérieures  en résidant 24 rue Saint-Georges à Paris. Il sera l’un des compositeurs des plus prolixes de son temps. Sa production musicale débuta en 1813 avec le « séjour militaire » et s’achèvera avec son dernier opéra-comique en trois actes Rêve d’amour en 1869. Pas moins de 10 opéras, 37 opéras comiques, une belle brochette de ballets, de la musique de chambre et une grande quantité d’œuvres religieuses dont la plupart composés pour la chapelle du Louvres en 1852 constitueront sa production.  Richard Wagner encensera Auber en tant que « le représentant principal du génie lyrique Français ».

A Jean-Jacques Werner

 

 

 

 Cet article se propose de repenser la question de l'émotion musicale dans le cadre de la théorie de l' « effet de vie » qui considère l'art comme un phénomène systémique, c'est-à-dire comme un ensemble complexe réunissant des éléments qui fonctionnent nécessairement les uns avec et par les autres et ne peuvent fonctionner que de cette manière. Il arrivera à la conclusion que l'émotion musicale et la beauté musicale sont une seule et même chose.

 

 Voici pour commencer quelques faits connus. Entrons dans une de ces salles à la mode où la jeunesse de nos grandes villes mondialisées va écouter le concert d'un groupe déjà connu, célébré dans les médias et lancé vers les sommets par une industrie puissante. Là, le public ne fait pas qu'écouter, il participe, il bouge, il s'exprime. Les émotions qu'il vit sont fortes ; elles disent son enthousiasme, sa vitalité, son identité de foule, sa participation à un goût. À la limite il peut « faire un malheur » dont on reparlera longtemps.

Pour une sociologie du chant choral

contribution à l'analyse sociale et culturelle des pratiques chorales

 

 

Défini comme toute forme d'activité chantée exécutée par un groupe de personnes (au moins trois chanteurs1) et considéré comme l'un des éléments constitutifs du langage musical2, le chant choral dépasse le seul cadre de la simple activité vocale collective. Présent dans toutes les sociétés traditionnelles et industrielles, il possède une dimension sociale indéniable, par les liens qu'il instaure entre les individus. Il participe au changement social, non seulement dans les formes de pouvoirs institutionnalisés, mais aussi au sein des sociétés et de leur organisation.

 

Ces trente dernières années, la plupart des recherches publiées sur le chant choral (1986-2016), en particulier en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis3 , abordent essentiellement des questions techniques et vocales, la gestion chorale et la direction musicale des ensembles vocaux. Il n'existe que très peu d'analyses sur les dimensions sociologiques du chant choral4, et notamment sur le lien existant entre le chant collectif et les formes de solidarité. Or, en tant que groupe social, le groupe choral se définit par des relations régulières et intenses qui se nouent entre les individus. Le chant choral constitue un vecteur majeur de socialisation, c'est-à-dire de transmission des valeurs. Par son action, il remodèle les contours des solidarités entre des individus souvent issus de catégories sociales différentes.

Bohuslav Martinů (1890-1959) ou l'exil permanent(1)

Si l'homme naissait cinquantenaire, dans l'épanouissement de l'âge, il n'y aurait pas de poésie. Et comme ils seraient rares ceux qui atteindraient l'enfance !

Vítězslav Nezval (1900-1958)

 

 

Au terme d'une longue filiation dont l'origine remonte à Bedřich Smetana (1824-1884), Martinů (1890-1959) apparaît telle une figure fort surprenante. Pour la première fois dans l'histoire de la musique tchèque, un compositeur vivra la plus grande partie de son existence à l'extérieur de sa patrie. Certes, Antonín Dvořák (1841-1904) a passé quelques années à New York (1892/95) mais cela n'est en rien comparable avec l'existence que son cadet a été obligé de subir. Une question, peut-être iconoclaste, se pose dès l'abord : Martinů, être d'une extrême sensibilité, est-il encore Tchèque dans son langage ; autrement dit, est-il le successeur naturel de la triade Smetana-Dvořák-Janáček(2) ? D'aucuns attestent qu'il a été le compositeur tchèque le plus important au XXe siècle. Il est certain que, s'il a quitté son pays qu'il aimait profondément, c'est à cause des dramatiques événements qui ont secoué son siècle.Dès l'abord, l'étude de son parcours, de même que l'écoute de son œuvre, s'avèrent complexes. De ce fait et eu égard à l'important catalogue de sa musique ainsi qu'à la multitude enchevêtrée d'épisodes qui concernent le cours de sa vie, je me limiterai à quelques faits et partitions que j'estime caractéristiques.

Le Chant des Muses, la dernière création de Xu Yi

Xu Yi est membre de la génération de la Nouvelle Vague (Xinchao 新潮) à l'instar d'autres compositeurs chinois reconnus qui tous ont été formés à l'étranger, comme Chen Yi (陳怡 1953), Zhou Long (周龍 1953), Ge Gan-ru (葛干孺 1954), Sheng Zongliang (Bright Sheng 盛宗亮 1955), Ye Xiaogang (葉小剛 1955), Tan Dun (譚盾 1957) aux Etats-Unis ; Wen Deqing (溫德清 1958) en Suisse ; Chen Qigang (陳其鋼 1951), Zhang Xiaofu (張小夫 1954), Xu Shuya (許舒亞 1961), Xu Yi (徐儀 1963) en France ; Chen Xiaoyong (陳曉勇 1955) en Allemagne etc. (1) Ils ont tous quitté la Chine après la révolution culturelle et ont rejoint le domaine de la musique contemporaine en Occident. Xu Yi en France et Chen Yi aux Etats-Unis sont deux rares compositrices de leur époque. Xu Yi arrive à Paris en 1988 et complète ses cursus IRCAM (1990-1991) et CNSMDP (1991-1995) couronnés par le Prix Villa Médicis en 1996-1998. Elle est la première compositrice chinoise à briller sur la scène française avant une autre compositrice Tian Leilei (田蕾蕾 1971) qui a également accompli le cursus de l'IRCAM et a été pensionnaire de la Villa Médicis en 2012-2013. (2)

 

Après Chen Qigang, Xu Yi doit être la compositrice chinoise la plus reconnue en France dans le domaine contemporain grâce à son œuvre. Le plein du Vide (1997) pour quatorze instruments et dispositif électronique a été sélectionnée pour l'épreuve de musique du Baccalauréat en 2006-2007. De nombreux articles(3) analytiques de cette pièce ont été publiés par des compositeurs et musicologues. Xu Yi conserve une certaine visibilité depuis ses premières créations depuis 1991 en France, dans un domaine quasi masculin. Cet intérêt s'explique peut-être par la profondeur de sa pensée fondée sur le taoïsme et partant en constante évolution.

 

Elle a développé cette pensée sous des angles tant spirituels qu'intellectuels qu'elle a inscrit dans son langage musical à travers toutes sortes de formations : écriture instrumentale et mixte, pièces solistes, ensemble et orchestre, musique de film et opéra.

Le Chamber Orchestra of Europe a 35 ans

Alors tout jeune orchestre – 2 ans d'âge – la critique spécialisée Nord Américaine estimait que le Chamber Orchestra of Europe (COE) était le meilleur orchestre de chambre au monde, qualité de nouveau reconnue plusieurs décennies plus tard par la BBC.

  Cette constance dans l'éloge n'est pas due au hasard. Plusieurs facteurs permettent de comprendre le mystère de l'exceptionnelle qualité de l'Orchestre : son origine, la réunion de musiciens ayant le souci de mettre leur talent au service de l'ensemble, leur mode de désignation assez particulier, une fidélité largement répandue parmi eux et en toute circonstance une attitude généreuse jamais prise en défaut. Il en résulte non seulement des interprétations merveilleuses, mais une appréciation de la part des solistes et chefs invités particulièrement enthousiaste pour ne pas dire plus. Il s'ensuit que nombre des interprétations du Chamber Orchestra of Europe sont marquantes et s'inscrivent dans l'histoire de l'interprétation des œuvres.

Eine Alpensinfonie :  de l'Antéchrist à la Nature éternelle

« J'ai enfin appris à orchestrer » (1), affirma Richard Strauss lors de la répétition générale de Eine Alpensinfonie (Une Symphonie alpestre) avant sa création en octobre 1915. Par ces mots, le compositeur semblait affirmer à la fois sa totale satisfaction face au résultat musical qu'il venait d'atteindre dans la maîtrise du grand orchestre symphonique – soulignant habilement en passant tout le processus d'évolution de la technique d'orchestration qu'il avait construite depuis près de trente ans (2) et pour laquelle il était unanimement reconnu comme un grand maître –, mais aussi, en raison d'une écriture virtuose mais dénuée de surenchère technique, son désir de revenir à une orchestration maîtrisée, loin des brillants excès de Salomé ou d'Elektra (3). Strauss désirait dédicacer cet ultime poème symphonique à Ernst von Schuch, chef de l'orchestre de Dresde et créateur de ses grands opéras, Salomé, Feuersnot, Elektra et Der Rosenkavalier, mais sa disparition soudaine en mai 1914 bouleversa le projet du compositeur. L'œuvre fut donc dédiée à l'Orchestre royal de Dresde (Königlichen Kapelle zu Dresden) et à son intendant, le comte Nikolaus Seebach. La création, sous la direction de Strauss, ne put se tenir à Dresde en raison de l'absence d'orgue dans la salle de concert de l'orchestre (4). Elle eut finalement lieu à la Philharmonie de Berlin installée à la Bernburger Strasse le 28 octobre 1915 avec la Dresdner Hofkapelle.

Le Centre international pour les artistes de la musique  et de la danse de Royaumont

Chaque année, quelques 300 artistes de la musique et de la danse choisissent la Fondation Royaumont afin de se perfectionner auprès de formateurs reconnus tant pour leurs qualités artistiques que pour leur capacité à transmettre, expérimenter et inspirer. Ils vivent au cœur de l'abbaye de Royaumont une relation privilégiée avec d'autres artistes qui font partager leurs savoirs et leur passion.Grâce à des soutiens publics et privés, la Fondation Royaumont propose des ateliers de formation internationale de haut niveau et accessibles au plus grand nombre en fonction de stricts critères d'excellence. Dans le cadre exceptionnel de l'abbaye de Royaumont, la Fondation met à la disposition des stagiaires des salles de travail et de répétition, un service d'hôtellerie et des espaces de détente. Ceux-ci bénéficient de deux bibliothèques : La Bibliothèque Henry et Isabel Goüin, héritière de la bibliothèque médiévale des moines de l'abbaye, désormais d'ordre générale, et une bibliothèque musicale réunissant la collection de manuscrits et d'imprimés musicaux (plus de 1300 titres) du pianiste François Lang (1908-1944) et de sa propre une bibliothèque de travail, outre un Fonds Rameau riche de quelques 1500 documents. Ces conditions proches de l'idéal sont de nature à permettre une vraie immersion dans un répertoire et une atmosphère propice au partage et à l'échange entre participants et avec les formateurs.

Qu'en est-il du rapport de Beethoven avec la nature ?

« La nouveauté est dans l'esprit qui crée et non pas dans la nature qui est peinte. »

 

Eugène Delacroix, Vendredi 14 mai 1824

 

 

 

 

 

Que Beethoven ait eu un lien privilégié avec la nature, est une idée très répandue, proche du cliché : aux récits nombreux qui circulent s'ajoutent nombre de peintures, gravures, lithographies ou sculptures... pour l'attester. Et, qu'il s'agisse d'un « topos romantique », en grande partie postérieur à la mort de Beethoven le 26 mars 1827, il n'y a aucun doute. Pourtant, ce cliché n'est pas dénué d'intérêt, car il condense bien des spécificités de la genèse des œuvres de Beethoven ainsi que les difficultés et les modalités de la réception de sa musique.Si le compositeur Maurizio Kagel dans son film Ludwig Van – Ein Bericht tourné en 1969, consacre une longue séquence à la vue d'un champ de betteraves, le terme « Beete » désignant cette culture, ne cherche-t-il pas à démonter l'image du « mythe-Beethoven » diffusé à la suite d'Anton Schindler par Romain Rolland qui dans sa petite biographie de Beethoven parue en 1903, et maintes fois rééditée, termine sur l'image d'un Beethoven lié à la nature : « Il semble que dans sa communion de tous les instants avec la nature, il ait fini par s'en assimiler les énergies profondes ». Grillparzer, qui admirait Beethoven avec une sorte de crainte, dit de lui : « Il alla jusqu'au point redoutable où l'art se fond avec les éléments sauvages et capricieux. » Schumann écrit de même de la Symphonie en ut mineur : « Si souvent qu'on l'entende, elle exerce sur nous une puissance invariable, comme ces phénomènes de la nature, qui, si fréquemment qu'ils se reproduisent, nous remplissent toujours de crainte et d'étonnement ». Et Schindler, son confident : « il s'empara de l'esprit de la nature ». — Cela est vrai : Beethoven est une force de la nature ; et c'est un spectacle d'une grandeur homérique, que ce combat d'une puissance élémentaire contre le reste de la nature.

Les Concerts de Poche ont 10 ans :  la musique, service public

« Si vous n'allez pas à Schubert, Schubert viendra à vous »,

 

Gisèle Magnan, directrice artistique des Concerts de Poche

 

 

 

 

 

Les attentats de 2015 ont remis au cœur des débats sur la nation, le vivre-ensemble et l'identité, la prise en compte urgente des « territoires perdus de la République ». L'art et la culture ont un rôle éminent à jouer dans cette reconquête d'esprits égarés, de jeunes en dérive idéologique ou sociale, séduits par des croyances religieuses ou sectaires d'un autre temps.

 

 Depuis les émeutes de 2005 où le problème avait été posé, sans vraiment qu'on décèle ici ou là une réelle volonté de le résoudre et de répondre aux questions soulevées par les « périphéries » à tous les sens du terme, la situation impose dix ans après des réponses efficaces et innovantes. Le « tout économique » ou le tout sécuritaire » ne sauraient à elles seules tenir lieu de réponse à ces questions essentielles. Le partage du beau, le désir pour tous d'art et de culture, le besoin d'harmonie et d'épanouissement concernent le ministère de la Culture et celui de l'Education nationale, au premier chef, mais aussi celui de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, et également ceux de la Famille, de la Justice et de la Santé.

Proposition d'analyse du processus de traduction en art

Proposition d'analyse du processus de traduction en art

 

L'exemple de la Scène première du Rheingold de Fantin-Latour d'après l'opéra de Wagner

 

 

 

Seconde partie :

 

Traduction et Création

 

 

 

Fidélité et liberté sont deux aspects indissociables de tout processus de traduction. Dans le précédent numéro de L'Education musicale nous avons vérifié la fidélité de la gravure Scène première du Rheingold de Fantin-Latour à son modèle wagnérien sur trois plans : celui de la narration, de l'expression et de l'idée (1).

 

Il s'agit maintenant d'évaluer la part de liberté prise par le peintre par rapport à Wagner. Dans quelle mesure Fantin-Latour a-t-il « laissé éclater son sentiment particulier », sachant que « c'est en cela », selon Eugène Delacroix, « que se montre le génie » du traducteur (2) ? En réalité, comme l'écrit encore le grand romantique : « Nous mêlons toujours de nous-mêmes dans ces sentiments qui semblent venir des objets qui nous frappent. Il est probable que ces ouvrages ne me plaisent tant que parce qu'ils répondent à des sentiments qui sont les miens » (3). En quoi le début de L'Or du Rhin a-t-il d'abord répondu à des sentiments qui étaient ceux de Fantin lui-même ?

FRANÇOIS LAZAREVITCH ET LES MUSICIENS DE SAINT-JULIEN

François Lazarevitch et Les Musiciens de Saint-Julien

 

Où il est question de musique baroque, de cabrette, de musette
et aussi de flûte irlandaise…

 

Dans mon enfance, pendant une dizaine d’années j’ai travaillé la flûte à bec puis la trompette avec un professeur qui lui-même était tromboniste ! Même si j’habitais à Paris, c’était un peu comme apprendre la musique à la campagne. Au moment d’entrer au lycée j’ai choisi de faire F 11 et j’ai suivi la filière des horaires aménagés au C N R de Paris dans la classe de Daniel Brebbia pour la flûte à bec. C’est une époque très importante dans ma vie : Daniel Brebbia m’a initié aux « secrets de la musique ancienne » et fait connaître Antoine Geoffroy-Dechaume qui recevait et enseignait chez lui rue Ordener, et de temps en temps Daniel allait le voir. Je me souviens de la première fois, chez Antoine. Nous étions trois flûtistes et nous lui avons joué une Chaconne de Purcell pour trois flûtes à bec et basse continue : cela m’avait vraiment fasciné. Avec lui j’ai eu l’impression d’avoir accès à des choses que personne ne connaissait. C’est à ce moment, vers 15/16 ans, que j’ai commencé à dévorer tous les traités anciens d’interprétation que je pouvais trouver en librairie ou en bibliothèque.

Proposition d'analyse du processus de traduction en art

L'exemple de la Scène première du Rheingold de Fantin-Latour d'après l'opéra de Wagner

 

 

 

Première partie

 

Traduire le sujet, l'expression et l'idée d'un art dans un autre art

 

 

 

La traduction interartistique (ou intersémiotique), bien qu'admise et incluse dans la science de la traduction depuis plus d'un demi-siècle(1), demeure encore suspecte aux yeux de certains chercheurs(2). Ainsi, les études relatives au passage(3) d'une œuvre d'art dans un autre art empruntent-elles généralement à des disciplines autres que la traduction – notamment la sémiologie(4) ou l'histoire de l'art(5) – leurs méthodes d'analyse. Bien des artistes pourtant, et parmi les meilleurs, ont utilisé le mot de "traduction" pour caractériser l'interprétation d'une œuvre d'art par un autre art – opération que Jakobsòn nomme « transmutation » (6). Convaincue pour notre part qu'il existe d'étroites parentés entre les processus de traduction littéraire (ou interlinguistique) et artistique, notre objectif est de montrer, à l'aide d'un exemple concret, que le terme "traduction" se justifie pleinement pour le domaine artistique. Pour ce faire, deux conditions sont toutefois nécessaires : que l'analyse prenne appui sur une définition générale de la traduction, valable pour tous les types de traduction ; que l'œuvre choisie soit qualifiée par son auteur de « traduction ».